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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 070 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 avril 2013

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 70e séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
    Nous avons aujourd'hui quatre groupes qui comparaissent à titre de témoins.
    De la Première Nation Athabasca Chipewyan, nous avons Lisa King, directrice, et Larry Innes, conseiller juridique.
    De la Société pour la nature et les parcs du Canada, nous avons Alison Woodley, directrice nationale de conservation.
    De la Fédération canadienne de l'agriculture, nous avons Ron Bonnett, président.
    Et, enfin, des Producteurs de grains du Canada, nous avons Richard Phillips, directeur général.
    Bienvenue à tous nos témoins d'aujourd'hui. Je crois que vous connaissez tous le processus. Nous avons un exposé liminaire de 10 minutes pour chaque groupe. Ensuite, chaque membre du comité aura l'occasion de poser des questions. Pour commencer, nous aurons une ronde de questions de sept minutes, ce qui inclut les questions et les réponses, puis nous passerons à une ronde de cinq minutes, par la suite. Ce matin, nous disposons d'une réunion de deux heures.
    Nous allons commencer par Lisa King, directrice, Industry Relations Corporation, de la Première Nation Athabasca Chipewyan.
    Bienvenue, madame King.
    Je m'appelle Lisa King. Je suis accompagnée de mon collègue, Larry Innes. Mon nom ancestral est Deskelni, ce qui signifie « gardienne de la rivière ». Je suis membre de la Première Nation Athabasca Chipewyan, ou l'ACFN. Nous nous appelons le peuple denesuline des Nations dénées en Amérique du Nord.
    La plupart de nos membres vivent à Fort Chipewyan, une communauté éloignée et accessible par avion, située à 235 kilomètres au nord de Fort McMurray, sur la rive nord du lac Athabasca, au confluent des rivières Peace et Athabasca.
    Notre territoire couvre toute la région des sables bitumineux de l'Athabasca, en Alberta. Cette région a été gravement touchée par les activités intensives de prospection et d'exploitation des énormes réserves non conventionnelles de pétrole et de bitume, activités qui durent depuis près de 50 ans.
    La mise en valeur des sables bitumineux s'est intensifiée considérablement au cours des cinq dernières années, pour atteindre plus de 1,7 million de barils par jour. Cette production devrait plus que doubler d'ici 2021. Cela a des répercussions importantes sur la conservation des habitats de la région et pour les peuples autochtones qui dépendent de la faune, du poisson et des plantes médicinales que produit cette région, c'est-à-dire ce que nous appelons les ressources traditionnelles.
    Notre Première Nation reconnaît combien il est important d'exploiter les ressources de notre région de manière responsable, non seulement pour l'Alberta, mais pour l'ensemble du Canada. Toutefois, contrairement aux décideurs gouvernementaux et corporatifs de Calgary, d'Ottawa, de Houston, de Paris et de Beijing, notre peuple est celui qui doit vivre avec les conséquences d'une expansion industrielle rapide et imprudente. Les membres de l'ACFN sont ceux qui subissent directement ces retombées.
    Pendant des siècles, nos ancêtres ont prospéré grâce aux ressources traditionnellement abondantes de notre territoire. Notre territoire, qui se situe quasiment au centre du vaste bassin hydrographique du Mackenzie, pourvoyait en abondance aux besoins de notre peuple. Nous chassions l'orignal, le caribou et le bison qui vivaient en énormes troupeaux. Au printemps et à l'automne, nous prenions ce dont nous avions besoin dans le delta, où l'on retrouve encore aujourd'hui une des plus grandes concentrations de sauvagine migratoire en Amérique du Nord. Nous pêchions toutes sortes de poissons qui foisonnaient dans le lac Athabasca, nous faisions du commerce avec nos Nations voisines dénée et crie et, plus récemment, nous vendions nos fourrures aux compagnies européennes qui en faisaient la traite. Ce n'est pas par hasard si Fort Chipewyan est devenu le plus important comptoir du vaste réseau de la Compagnie du Nord-Ouest et représentait une part importante du commerce de la fourrure de la Compagnie.
    Lorsque les commissaires du Canada du Traité no 8 se sont rendus dans le Nord, sur notre territoire, ils ont observé les marais les plus immenses et les sites d'alimentation du gibier les plus vastes de tout le Canada, dépassant de loin ceux de l'Est. De nombreux recensements réalisés par des chercheurs du XXe siècle ont confirmé le fait que notre territoire figure — ou figurait — parmi les plus importants en Amérique du Nord pour ce qui est de la qualité de l'habitat faunique et de la diversité des espèces qu'on y retrouve.
    Il est également important de reconnaître que lorsque nos ancêtres ont signé le Traité no 8, il y a plus d'un siècle, on vivait à une époque d'énormes changements. Les chemins de fer étaient arrivés dans l'Ouest, amenant avec eux une vague de nouveaux arrivants venant s'installer dans notre territoire. À l'époque, tout comme aujourd'hui, les représentants du gouvernement ont promis à notre peuple que notre mode de vie traditionnel serait protégé et que nous continuerions de vivre comme l'avaient toujours fait nos ancêtres, en profitant des richesses de notre terre.
    Le Canada et l'Alberta reconnaissent tous deux l'importance de notre région pour l'habitat faunique. Le plus grand parc national canadien, Wood Buffalo, a été découpé à même notre territoire dans les années 1920. Dans les années 1950, le gouvernement albertain a fait d'une grande partie de notre territoire une réserve de chasse. Mêmes si elles ont été prises dans l'intention de protéger l'habitat, ces mesures ont eu des répercussions sur notre peuple. Nos droits issus de traités n'ont pas été respectés et bon nombre de nos chasseurs ont été poursuivis devant les tribunaux par les garde-chasse alors qu'ils ne faisaient que chasser pour subvenir aux besoins de leurs familles.
    Aujourd'hui, nous vivons à une époque qui est censée être plus éclairée. Nous sommes dotés d'une Constitution qui garantit le respect de nos droits ancestraux et issus de traités. Un grand nombre de nos jeunes continuent de pratiquer nos traditions en se servant du territoire dont jouissaient nos ancêtres. Nous avons toujours géré les choses de manière à nourrir non seulement le corps, mais aussi l'esprit de notre peuple. Je suis de ceux qui, parmi les Denesulines, perpétuent ces mêmes traditions à travers notre territoire. Toutefois, au Canada et en Alberta, nos partenaires qui ont signé des traités avec nous ne respectent pas les promesses qui ont été faites à nos ancêtres. Ils ne sont pas capables de protéger la faune et les territoires qui garantissent nos moyens de subsistance.

  (0850)  

    Je suis ici pour vous dire que toutes les choses qu'ont vécues et supportées mon peuple — la fermeture de vastes régions de notre territoire à la chasse, la création d'un parc national, la perte continue de terrains de chasse en raison du peuplement, l'installation du barrage W.A.C. Bennet sur la rivière de la Paix, la mise en valeur des sables bitumineux autour de Fort McMurray — tout cela n'est rien de plus qu'un avant-goût des énormes changements que l'industrie et le gouvernement ont prévus pour votre territoire.
    Mon partenaire Larry va maintenant prendre le relais.
    Nous croyons qu'il est important d'informer les membres de ce comité, ainsi que le gouvernement dans son ensemble, de ce que nous voyons sur le terrain, des défis que cela occasionne pour la conservation des habitats dans cette région, car nulle part ailleurs, au Canada, on ne fait face à d'aussi grands défis. Pendant des décennies, on a laissé libre-cours au marché, ce qui a mené à l'octroi de baux visant la mise en valeur, sans égard ou presque aux valeurs écologiques et culturelles en jeu.
    Pour faire face à ce problème, l'ACFN a travaillé sur différents processus, au fil des ans, avec l'industrie, des groupes de conservation, les gouvernements et d'autres Premières Nations, pour formuler des recommandations quant aux seuils nécessaires pour maintenir l'habitat des espèces et la biodiversité de la région. Sous la houlette de la Cumulative Effects Management Association — ou CEMA — une activité parrainée par l'industrie et le gouvernement, on en est arrivé à la recommandation suivante: qu'en tout temps, le développement intensif ne devrait pas dépasser le seuil de 5 à 14 p. 100 pour la municipalité régionale de Wood Buffalo et que le niveau de perturbation à l'extérieur de ces zones grandement perturbées devrait se limiter à 10 p. 100 de la fourchette de variabilité naturelle causée par des perturbations comme les incendies ou les infestations d'insectes. Malgré cela, aujourd'hui plus de 14 500 kilomètres carrés de la superficie totale de 68 000 kilomètres carrés que couvre la municipalité régionale de Wood Buffalo, soit 21 p. 100 de la région, sont soit déjà mis en valeur, soit approuvés aux fins de développement. Quelque 51 p. 100 de la région sont cédés par bail et ils sont assujettis à une exploration continue et feront l'objet de développements ultérieurs.
    Il est clair que l'empreinte actuelle causée par le développement a désormais dépassé de beaucoup la recommandation de la CEMA pour l'habitat. Cela va avoir des retombées majeures pour la faune, l'habitat et, bien entendu, pour les Autochtones qui en dépendent. En effet, le gouvernement et l'industrie font fi de leurs propres conseils. Le plan régional du cours inférieur de la rivière Athabasca adopté par le gouvernement de l'Alberta n'est pas encore une solution, puisque la province n'a pas encore élaboré de cadre de la diversité biologique pour gérer l'habitat, au-delà du petit noyau de zones protégées existantes et proposées.
    Nous sommes ici pour dire qu'il est simplement impossible de parler d'habitat ou de conservation dans les sables bitumineux sans tenir compte de la rapidité du développement et de l'ampleur des retards qu'accusent les mesures de réaménagement par rapport au développement dans la région.
    Il est quelque peu consternant qu'en Alberta, les compagnies pétrolières ne soient pas tenues de ramener les habitats fauniques perturbés à leur état naturel. On les autorise à les ramener à ce que l'on appelle « la capacité terrestre équivalente », ce qui est une norme beaucoup moins stricte. C'est en vertu de ces règlements et de ces normes plus laxistes qu'ils enlèvent des bâtiments, réaménagent certaines des perturbations, en stabilisent le sol et les reverdissent. Mais cela ne signifie pas qu'ils ramènent la terre à sa capacité faunique productive d'antan. Cela est particulièrement le cas dans les marais qui, selon les scientifiques, prennent des milliers d'années à se régénérer, dans le meilleur des cas. Comme vous le savez, les terres humides sont extrêmement importantes pour l'eau douce, pour l'habitat de la sauvagine et aussi pour le stockage du carbone. C'est ce dont il faut tenir compte lorsque nous entendons les messages de l'industrie et du gouvernement de l'Alberta. Tout le monde reconnaît qu'il y a des perturbations et pourtant on a du mal, pour l'instant, à faire confiance à une technologie de remise en état qui n'a pas encore fait ses preuves.
    Ces technologies n'ont pas fait leurs preuves et l'incertitude des scientifiques reste grande quant à savoir si la norme utilisée actuellement pour la capacité terrestre équivalente sera jamais suffisante pour couvrir l'utilisation traditionnelle à venir des Autochtones. Ainsi, les générations de demain n'ont aucune garantie que la faune sera protégée et que l'exploitation traditionnelle des ressources, tel que stipulé dans les traités, pourra se poursuivre à jamais.
    En tant que Canadiens, nous ne pouvons pas nous permettre de nous tromper là-dessus. Nous avons besoin de meilleures données scientifiques, nous avons besoin de savoir traditionnel et nous avons besoin de politiques éclairées qui tiennent compte de ces faits, tels qu'ils se manifestent, sur le terrain. En l'espace de plus de 40 ans d'exploitation des sables bitumineux, seulement 48 kilomètres carrés ont été remis en état. C'est insuffisant.
    Il nous reste environ une minute et je céderai donc la parole…

  (0855)  

    Vous avez dépassé le temps qui vous était imparti, alors pourriez-vous conclure rapidement?
    Nous pensons que la seule façon de procéder serait d'inclure notre peuple dans la prise des décisions qui concernent l'avenir de cette région. C'est, à notre sens, ce que stipule le traité que nous avons signé avec la Couronne. Le traité porte sur le partage du territoire, mais pour ce faire, la Couronne doit honorer les promesses qu'elle nous a faites.
    L'ACFN prend au sérieux sa responsabilité de protéger la terre. Nous disposons de nos propres lois et enseignements traditionnels pour nous guider. Nous proposons nos solutions aux problèmes que le gouvernement et l'industrie ont créés, mais qu'ils ne semblent pas disposés ou capables de résoudre. Nous savons qu'il existe des solutions aux défis auxquels nous sommes confrontés, mais cela exigera une approche différente de la part du gouvernement et de l'industrie.
    Merci et merci à vous, monsieur Innes. Nous allons maintenant passer à Mme Woodley.
    Si vous avez d'autres commentaires à faire, vous pourrez peut-être les inclure à certaines de vos réponses, plus tard. Nous voulons respecter le temps imparti à tous nos témoins, aujourd'hui.
    Il est environ 11 h 30 et nous devrions donc poursuivre.
    Madame Woodley.
    Bonjour et merci de me donner l'occasion de faire part, à votre comité, de nos recommandations concernant la conservation des habitats terrestres au Canada.
    Je m'appelle Alison Woodley. Je suis directrice nationale de conservation à la Société pour la nature et les parcs du Canada.
    La SNAP se veut le porte-parole canadien de la protection de nos régions sauvages. Depuis que nous avons vu le jour, en 1963, nous avons joué un rôle clé dans la création de plus des deux tiers des aires protégées du Canada. Nous comptons 13 sections régionales dans quasiment chaque province et territoire, ainsi qu'un bureau national, ici, à Ottawa, et plus de 50 000 sympathisants actifs partout au pays.
    Notre objectif est de veiller à ce qu'au moins la moitié des étendues terrestres et marines publiques du Canada restent intactes et ce, pour toujours, pour le bien du public. Nous prenons part à des efforts visant à créer et à gérer des parcs et des aires protégées, ainsi qu'à des initiatives pour la conservation à l'échelle du paysage, dans toutes les régions du Canada.
    Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur trois points clés.
    Premièrement, le Canada doit terminer l'établissement d'un réseau efficace d'aires protégées et cela devrait constituer la pierre angulaire d'un plan national pour la conservation. Le gouvernement fédéral peut y contribuer en complétant le réseau de parcs nationaux et en dirigeant des efforts pancanadiens pour mettre sur pied un réseau national d'aires protégées.
    Deuxièmement, les aires protégées devraient faire partie intégrante de la gestion durable du paysage, au sens large, en passant par l'aménagement du territoire et autres initiatives à l'échelle du paysage. Je mentionnerai un exemple qui est celui de l'Entente sur la forêt boréale canadienne.
    Troisièmement, le plan national pour la conservation devrait faciliter les progrès en matière de conservation dans toutes les régions du Canada, en appuyant un éventail d'outils et d'approches. Par exemple, les outils à utiliser pour les 10 p. 100 du territoire canadien qui sont propriété privée sont différents des outils et des approches à employer pour les 90 p. 100 du Canada qui sont des espaces publics. Nous devons appuyer une série complète d'outils pour garantir la réussite de notre plan national pour la conservation et de nos efforts de conservation des habitats dans toutes les régions du Canada.
    J'aimerais cependant commencer en disant quelques mots pour expliquer pourquoi il est important de conserver les habitats.
    Qui dit conservation des habitats dit protection de la vie. Il s'agit de protéger toute la diversité de la vie sur terre, à savoir tout le système indispensable à la vie de la planète.
    La biodiversité apporte des bienfaits essentiels à l'être humain, comme l'eau potable salubre. Elle décompose nos déchets, contribue à la pollinisation de nos cultures et permet d'atténuer les effets des catastrophes naturelles. Elle nous apporte des substances médicinales, de la nourriture, de quoi fabriquer nos vêtements, des matériaux de construction, et bien plus encore. Elle contribue à notre santé, à nos cultures et à notre économie. La biodiversité procure des avantages économiques considérables, aussi bien pour les services écosystémiques que pour l'industrie touristique orientée vers la nature qui en dépendent.
    La Stratégie des zones protégées des Territoires du Nord-Ouest, dont je me suis occupée pendant des années, a une devise qui dit: « La terre prend soin de nous et nous en prenons soin. » À mes yeux, cela capte bien l'essence du message et illustre pourquoi la conservation des habitats et des aires protégées est si importante. Si nous voulons que la terre prenne soin de nous, nous devons impérativement prendre soin d'elle.
    La principale menace pour la biodiversité, tant à l'échelle planétaire qu'au Canada, c'est la perte, la dégradation et la fragmentation des habitats. Il est primordial de prendre des mesures pour protéger et restaurer les habitats si l'on veut conserver la biodiversité et, donc, conserver le système vital pour la planète.
    Pourtant, malgré tous les efforts déployés aujourd'hui, la biodiversité du Canada et du monde entier continue de péricliter. Il est clair que nous devons redoubler d'efforts.
    Qu'avons-nous donc besoin de faire?
    Je vais maintenant aborder certaines des choses que nous devons faire; je ne vais pas parler de tout ce que nous devons faire, mais je me limiterai aux éléments sur lesquels nous travaillons, plus précisément.
    Partout dans le monde, y compris au sein des grandes institutions internationales, on s'entend sur le fait que les aires protégées constituent la pierre angulaire des efforts de conservation. Selon la Banque mondiale, « un système d'aires protégées écologiquement représentatif, diversifié et bien géré est l'outil le plus efficace pour sauvegarder la biodiversité ».
    Bien que nous disposions de nombreux parcs et de nombreuses aires protégées spectaculaires au Canada et bien que notre réseau continue de se développer, nous n'avons toujours pas de réseau d'aires protégées qui soit adéquat. Il y a de nombreuses lacunes. Moins de 10 p. 100 du territoire canadien est protégé et la plupart de nos aires protégées sont beaucoup trop petites et isolées pour pouvoir protéger efficacement des écosystèmes sains.
    Nous devons intensifier nos efforts. Il existe des possibilités pour l'avenir et, au fur et à mesure que nous progressons, nous devrions vraiment envisager d'autres modèles de zones protégées. Nous devons inclure nos terres privées protégées et, plus particulièrement, les modèles de protection autochtones et les ajouter à l'éventail des outils que nous reconnaissons et dont nous nous servons dans nos rapports.

  (0900)  

    L'Australie a bien réussi à intégrer les terres conservées privées et indigènes dans son réseau de réserves nationales, et je pense que nous avons une occasion unique de faire quelque chose de semblable ici, au Canada. Nous avons vraiment la possibilité de redoubler d'efforts dans le dossier des aires protégées. Il y a des propositions de parcs nationaux dans les Territoires du Nord-Ouest, au Labrador, en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse et au Nunavut. Il y a six propositions de réserves fauniques nationales et plusieurs projets de zones protégées territoriales à l'étude dans les Territoires du Nord-Ouest. Au Québec et en Ontario, on s'est engagé à protéger au moins la moitié des territoires septentrionaux. Les provinces du Manitoba, du Québec et de la Nouvelle-Écosse s'emploient activement à créer d'importantes nouvelles aires protégées. Pour faire aboutir tous ces projets et pour qu'ils réalisent tout leur potentiel, nous avons besoin de volonté politique et de ressources adéquates pour compléter le réseau d'aires protégées.
    Notre plan national pour la conservation devrait être fondé sur l'intensification de nos efforts pour terminer la mise sur pied d'un réseau pancanadien efficace. L'an passé, la SNAP a recommandé — et continue de le faire — que, d'ici 2020, on ait protégé 20 p. 100 de notre territoire, ce qui est un objectif aussi ambitieux que réalisable.
    Bien que les aires protégées soient d'une importance vitale, nous savons qu'à elles seules elles ne suffiront pas pour atteindre nos objectifs en matière de conservation de la biodiversité. Il est primordial de gérer durablement les paysages en exploitation si l'on veut qu'un grand nombre d'espèces sauvages puissent passer d'une zone à l'autre et pour permettre aux plantes et aux animaux de réagir aux conditions changeantes. Cette connectivité deviendra de plus en plus importante face aux changements climatiques. L'aménagement du territoire est un outil important qui peut combiner les aires protégées et la gestion durable du paysage fonctionnel.
    Il y a un projet auquel nous participons et qui contribue à la conservation du paysage fonctionnel, tout en alliant les aires protégées et les paysages en exploitation sur les terres publiques — il s'agit de l'Entente sur la forêt boréale canadienne. La SNAP est un des partenaires de l'EFBC qui couvre un vaste territoire — quelque 72 millions d'hectares — octroyé par contrat aux membres de l'Association des produits forestiers du Canada. Par l'entremise de l'EFBC, la SNAP et nos partenaires travaillent avec l'industrie forestière pour créer des aires protégées et élaborer des plans de conservation pour les caribous et pour renforcer les pratiques de conservation de l'industrie. Nous travaillons avec les communautés autochtones, avec les gouvernements provinciaux et avec les maires dans différentes régions de la forêt boréale. Notre but est de trouver des solutions qui permettent d'atteindre des objectifs, aussi bien sur le plan de la conservation que sur le plan économique, et de mettre en œuvre ces solutions sur le terrain.
    Parmi les autres projets auxquels nous participons et qui portent aussi bien sur les aires protégées que sur les paysages fonctionnels, on peut citer le Programme de certification du Forest Stewardship Council et la Yellowstone to Yukon Conservation Initiative, qui oeuvre pour conserver le patrimoine naturel du paysage montagneux de l'Ouest.
    J'aimerais faire quelques commentaires sur la nécessité d'utiliser les bons outils, aux bons endroits. Le Canada est un pays vaste et varié, du point de vue géographique et culturel, et il faut donc utiliser différents outils et approches de conservation, en fonction des différentes régions du pays. Par exemple, les fiducies foncières, les initiatives d'intendance privée et les programmes tels que les dons écologiques sont de très importants outils de conservation dans le Sud du Canada, là où on retrouve un gros pourcentage de terres privées et une population dense.
    Au fur et à mesure que vous allez vers le nord, dans la partie qui représente les 90 p. 100 du Canada constitués de terres publiques, vous avez besoin d'outils différents. Au milieu du Canada, où la majorité du paysage est dédié à la récolte des ressources, les aires protégées et l'aménagement du territoire se combinent avec la protection des habitats, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, et des initiatives comme l'Entente sur la forêt boréale canadienne et les systèmes de certification des pratiques forestières sont importants pour relever les défis en matière de conservation des habitats.
    Encore plus au nord, dans les territoires et dans la partie septentrionale d'un grand nombre de provinces, les paysages sont encore en grande partie intacts, mais des projets de développement à grande échelle font rapidement leur apparition. Dans ces régions, il y a un besoin urgent d'identifier et de protéger d'importantes aires de conservation, avant l'arrivée de ces développements. Les efforts de conservation sont souvent dirigés par les peuples autochtones et sont liés à des accords sur des revendications territoriales. L'aménagement du territoire et les aires protégées sont d'importants outils de conservation des habitats. À titre d'exemples, on peut citer les activités d'aménagement du territoire en cours dans les régions du Deh Cho et du Sahtu, dans les Territoires du Nord-Ouest, les plans d'aménagement dirigés par les Innus du Labrador, la Stratégie des zones protégées des Territoires du Nord-Ouest et la création de vastes aires provinciales protégées proposée par des communautés autochtones du Nord du Québec et du Manitoba.
    J'aimerais simplement terminer mon exposé par quelques recommandations.
    Pour ce qui est des recommandations précises, à l'échelle fédérale, nous souhaitons voir aboutir le réseau canadien d'aires protégées. Le rôle du gouvernement fédéral consiste notamment à compléter le réseau de parcs nationaux et les six réserves fauniques nationales qui sont actuellement proposées dans les Territoires du Nord-Ouest. Il faut également s'assurer que les parcs existants et que les aires protégées soient dotés de ressources suffisantes et soient adéquatement gérés pour protéger leur intégrité écologique. Le gouvernement fédéral peut également jouer un rôle en prenant les rennes de ces efforts menés à l'échelle du pays pour créer un réseau efficace complet d'aires protégées.

  (0905)  

    Il faut également relier les zones protégées à l’intérieur du paysage exploité, et le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important en contribuant à l’aménagement du territoire régional; en appuyant des initiatives conjointes en matière de territoire comme l’EFBC; en maintenant en vigueur une loi fédérale efficace sur les espèces en péril; en appliquant le programme de rétablissement du caribou des bois dans l’ensemble du pays; et en pilotant la création d’un programme national de surveillance et de rapports concernant la santé des écosystèmes en lien avec notre système de zones protégées pour que les Canadiens puissent mieux comprendre l’état des habitats d’animaux sauvages au Canada.
    Et c’est sur cela que je termine. Merci.
    Merci beaucoup, madame Woodley.
    Nous allons maintenant passer à M. Ron Bonnett, de la Fédération canadienne de l’agriculture.
    Merci, et merci de m’avoir invité à présenter un exposé à votre comité.
    Comme le président vient de vous le dire, je m’appelle Ron Bonnett. En plus d’être président de la FCA, je suis également fermier près de Sault Ste. Marie, en Ontario.
    Depuis longtemps, la FCA participe à de nombreuses initiatives environnementales, qu’il s’agisse d’Espèces en péril ou du nouveau plan de conservation national. Nous avons entièrement appuyé l’idée de créer un plan de conservation national. Pour être efficace, ce plan doit reposer sur le concept de la durabilité économique, sociale et environnementale.
    Dans l’ensemble, l’agriculture est un moteur important de l’économie canadienne. Nos activités représentent 8 p. 100 du PIB, ce qui nous place au troisième rang des contributeurs à cet indice après les secteurs des finances et de la fabrication de produits non alimentaires. Au Canada, un emploi sur huit est lié à l’agriculture, et nos exportations ont atteint 40,3 milliards de dollars en 2011, une hausse de 271 p. 100. Aujourd’hui, les fermiers produisent deux fois plus qu’en 1961 même s’ils n’ont que la moitié des ressources disponibles à cette époque. Quant à la valeur ajoutée, elle est 34 p. 100 supérieure à sa moyenne des cinq dernières années.
    Je vais mettre les statistiques de côté et vous présenter tout de suite certaines de nos recommandations. Premièrement, il faudrait alléger le fardeau réglementaire réel et perçu que représentent les lois sur les espèces en péril et les oiseaux migrateurs pour les propriétaires privés. Deuxièmement, à propos des efforts de gestion des habitats essentiels, il faut savoir que la protection est un résultat et non un état. Troisièmement, il faudrait prendre des mesures pour permettre l’essor de programmes de conservation et de gérance innovateurs et efficaces en appui à la Loi sur les espèces en péril. Quatrièmement, le plan de conservation national devrait valoriser les habitats en encourageant des programmes d’incitation innovateurs pour les biens et services écologiques. Enfin, nous devons terminer l’élaboration d’un règlement sur l’indemnisation afin de donner lieu à des résultats.
    Qu’est-ce que l’agriculture a à voir dans tout ça? Les habitats en milieu agricole concernent l’agriculture de nombreuses façons. Nous représentons une importante partie du paysage exploité du Canada. Nous possédons 64,8 millions d’hectares — 7 p. 100 du territoire canadien. En ce qui concerne la protection des habitats, je crois que nous avons une longueur d’avance, car beaucoup de ces bestioles, comme nous nous plaisons à les appeler, aiment l’interaction entre la ferme et la forêt. Les terres agricoles font partie de leur paysage.
    L’agriculture offre un habitat considérable; 550 espèces de vertébrés terrestres utilisent les terres agricoles. Pour ce qui est des espèces en péril, plus de 220 espèces de vertébrés terrestres qui utilisent les terres agricoles sont considérées comme étant en péril au Canada. Il faut donc voir à ce que chaque plan de conservation national prévoie des façons d’utiliser ces terres privées pour protéger les habitats de façon efficace.
    Cela nous amène à la question des méthodes actuelles de protection des habitats en milieu agricole.
    Les ministères de l’Agriculture des provinces et du fédéral offrent un certain nombre de programmes. Trente-cinq pour cent des fermes ont mis en œuvre un plan environnemental de la ferme; 74 000 fermes — ou 50 p. 100 de l’ensemble des terres agricoles — participent à un de ces plans. Ils consistent à protéger les habitats, à repérer les espèces et à essayer de trouver des solutions à cet égard. Quatre-vingt-quatorze pour cent des fermes dotées d’un plan environnemental ont mis en œuvre une pratique de gestion bénéfique. Un certain nombre de programmes sont en place. À l’Île-du-Prince-Édouard et au Manitoba, des programmes d’utilisation plus rationnelle des terres cherchent des moyens d’offrir des incitatifs dans différentes régions.
    Il y a le programme de gérance de l’habitat d’Environnement Canada, qui vise à encourager les initiatives de gérance.
    Dans le cas des organismes et des programmes de conservation, une certaine quantité de partenariats ont été établis. J’ai mentionné l’ALUS, les Services de diversification des modes d’occupation des sols. Il y a aussi Delta Waterfowl, Canards Illimités Canada, Habitat faunique Canada, Conservation de la nature Canada et Cows and Fish — un ensemble de programmes par lesquels des fermiers et d’autres groupes se concertent pour atteindre des objectifs relatifs à la protection des habitats. Certaines municipalités offrent aussi des incitatifs à l’échelle locale pour essayer d’encourager différentes formes de protection des habitats.

  (0910)  

    L’état des habitats en milieu agricole s’est toutefois détérioré dans les dernières années, et ce n’est pas toujours à cause de l’agriculture. Des terres qui servaient autrefois au pâturage peuvent être aujourd’hui cultivées, principalement pour des motifs économiques. Je crois que lorsqu’on crée un programme, il faut s’assurer de pouvoir offrir des incitatifs pour encourager la protection des habitats.
    L’une des grandes difficultés concernant la conservation des habitats en milieu agricole vient du fait que la majorité des terres agricoles productives se trouve à des endroits où la biodiversité est très élevée. Vu leurs qualités, de plus en plus de terres naturelles et semi-naturelles deviennent des terres de production agricole, ce qui entraîne une perte de paysage. Il faut donc se pencher sur l’aspect économique de la question.
    Comment le plan de conservation national peut-il améliorer les efforts de conservation des habitats sur les terres privées? Je crois que l’un des moyens les plus rapides est d’alléger le fardeau réglementaire réel et perçu que les lois environnementales font peser sur les propriétaires terriens. Les interdictions concernant les habitats essentiels d’espèces protégées en vertu de la loi fédérale qui se trouvent sur des terres privées ne devraient pas être automatiques. Le propriétaire de la terre devrait être consulté avant qu’elles ne soient appliquées. Cette approche a pour objectif de vérifier s’il est possible de répondre au besoin à l’aide de méthodes de gestion plutôt que d’interdire systématiquement. Il faut aussi dire que les fermiers sont immédiatement réfractaires lorsqu’on leur présente un nouveau règlement, mais qu’ils sont plus enclins à coopérer si on leur offre un partenariat et des mesures incitatives.
    Il faut aussi mettre l’accent sur la gestion des habitats essentiels au Canada. Je vous ai dit tout à l’heure que la protection est un résultat et non un état. Je crois que, trop souvent, nous observons des cas de protection des habitats en nous disant que ce que nous avons devant nous est ce que nous voulions obtenir.
    Nous devons prendre des mesures pour permettre l’essor de programmes de conservation et de gérance innovateurs et efficaces par rapport à la Loi sur les espèces en péril. En ce moment, les termes « protection » et « protection efficace » des habitats essentiels sont mal définis. Le manque de définition de ces termes empêche les fermiers, les organismes de conservation et les gouvernements de mettre sur pied des programmes d’intendance conformes à la loi. Lorsqu’ils seront définis, certains programmes existants — le plan environnemental de la ferme, par exemple — pourront se conformer à la Loi sur les espèces en péril. Nous pourrions intégrer cela au processus. Aux États-Unis, il est possible de conclure des ententes de conservation qui comportent des garanties pour offrir une sécurité juridique aux agriculteurs.
    Le plan de conservation national devrait valoriser les habitats en encourageant des programmes d’incitation innovateurs pour les biens et services environnementaux. En améliorant les programmes gouvernementaux efficaces, comme les programmes de gérance de l’habitat, nous favoriserons le succès et les alliances public-privé et privé-privé entre les organismes de conservation et les propriétaires terriens. Un petit investissement du gouvernement peut suffire aux organismes de conservation pour produire des résultats considérables en matière de conservation.
    La dernière recommandation porte sur l’achèvement du règlement sur l’indemnisation. Le règlement ne devrait pas principalement porter sur l’indemnisation pour perte de terrain, mais plutôt établir un cadre d’indemnisation adéquat pour des incitatifs qui guident les programmes de conservation fondés sur le paysage. En orientant ces programmes, nous pourrions obtenir les résultats souhaités sans exclure toute la terre.
    Me voilà donc rendu à la conclusion de mes remarques. Donc, si l’on reprend du début, il y a cinq éléments clés: alléger le fardeau réglementaire réel et perçu; mettre l’accent sur la question des habitats essentiels; prendre des mesures pour permettre l’essor des programmes de conservation et de gérance innovateurs et efficaces; valoriser les habitats en encourageant des programmes d’incitation innovateurs pour les biens et les services écologiques; et terminer l’élaboration d’un règlement sur l’indemnisation.
    Merci.

  (0915)  

    Merci beaucoup, monsieur Bonnett. Il vous reste toute une minute.
    J’aimerais seulement signaler aux membres du comité que s’ils ne suivaient pas les grandes lignes de l’exposé de la Fédération canadienne de l’agriculture, ils ont tout intérêt à le faire. Le document contient d’excellentes informations à relire.
    Nous allons maintenant passer à M. Phillips, des Producteurs de grains du Canada.
    Bienvenue, monsieur Phillips.
    J’attire simplement votre attention sur la documentation distribuée, avec des photos. Il y a du texte, mais je n’ai malheureusement pas eu le temps de le faire traduire, donc je vais simplement parler des photos.
    J’ai cru que vous aviez supposé que nous ne serions pas en mesure de les lire facilement, monsieur Phillips. Merci pour les photos; nous avons aimé.
    Ce n’est pas l’opinion de tous, mais je vous remercie de votre franchise, monsieur le président.
    Je m’appelle Richard Phillips. Je travaille pour les Producteurs de grains du Canada.
    Sur la première photo, on peut voir l’heureuse petite famille avec les enfants. C’est Franck Groeneweg. Franck a sa ferme tout près de Regina, en Saskatchewan. Elle est située à peu près à trois heures de route au sud de la mienne.
    Franck vient de France. Il habitait au sud de Paris, en fait. Franck a une ferme de 7 500 acres, qu’il ensemence au printemps et qu’il récolte à l’automne.
    Franck est un agriculteur très moderne. Il utilise la technologie, les grains et la machinerie les plus modernes possible pour cultiver de la façon la plus respectueuse possible de l’environnement et de la manière la plus durable possible.
    La photo suivante montre un champ. Je veux simplement aborder des choses qu’on voit là et vous signaler des affaires. Voici la moitié d’une section, soit 120 acres, ce qui a une longueur de un mille et une largeur de un demi-mille. Et 283 acres sont en semis direct, ce qui veut dire que Franck arrive et ensemence directement à la volée, sans labour ni travail du sol pour contrôler les mauvaises herbes.
    Les 283 acres que vous voyez servent à la séquestration du carbone. Il consacre 37 acres, soit environ 11 p. 100 de sa terre, à la conservation de la faune.
    C’est ce que font bien des agriculteurs. Je crois que la plupart d’entre eux, s’ils sont en mesure de préserver un habitat et de cultiver efficacement, agissent de même.
    Vous pouvez voir des traits. C’est là où l’eau traverse le champ; il plante un peu d’herbe là-dedans. Lorsque vous ensemencez cette herbe, il suffit de passer avec votre machinerie, vous soulevez l’appareil pour passer par-dessus et vous le rabaissez ensuite, ce qui permet de faire presque un mille avec votre machinerie sans vous arrêter.
    De nos jours, les machines sont beaucoup plus larges qu’avant. On ne peut plus simplement manoeuvrer de la façon qu’on avait l’habitude de le faire, en passant dans ou autour des trous et des bourbiers. Donc, la plupart des agriculteurs ont aménagé leurs terres de manière à avoir ces longs sillons, parce qu’ils utilisent efficacement leurs machineries et leur temps.
    Franck a 7 500 acres en tout. Un peu plus de 900 acres sont utilisées à des fins environnementales. Le semis direct, qui entraîne une moindre perturbation des sols, assure la conservation des habitats fauniques.
    À la page suivante, il y a des données sur Canards Illimités Canada que je veux parcourir avec vous. Il existe un partenariat que nous, en tant qu’agriculteurs, exploitons avec grand soin partout au Canada. Ça ne se limite pas aux prairies.
    Il y a une photo ici qui montre à quoi ressemble le chaume du blé d’hiver. Si vous semez le blé d’hiver pendant l’hiver, le chaume emprisonne la neige pendant tout l’hiver et, au printemps, vous n’êtes pas obligé de travailler le sol puisque le blé se régénère simplement et sort de terre. Ainsi la faune peut se nicher là. Il y a la photo d’un oeuf sur un plant qui offre ainsi un couvert de nidification aux canards.
    Sur la page suivante, vous voyez les oeufs encore une fois. Si vous examinez de près la photo de la page 8, vous allez apercevoir un canard dans le champ de blé.
    C’est le genre de résultat que vous obtenez, si vous êtes en mesure de ne pas du tout labourer vos champs au printemps; cependant, ce n’est pas une option pour bien des agriculteurs, parce que nous n’avons pas de canola d’hiver que l’on peut semer à l’automne, et nous n’avons pas beaucoup de cultures d’hiver, car même pour le blé d’hiver, il y a une limite au nombre d’acres pouvant être ensemencées, l’hiver étant de plus en plus rigoureux à mesure qu’on se dirige vers le nord.
    On fait d’autres choses avec Canards Illimités, par exemple on retarde la coupe des foins. Si vous avez une culture fourragère et que vous la laissez dans le champ un peu plus longtemps que d’habitude, il se peut que les canetons sortent des oeufs et retournent à l’eau avant que le foin soit coupé.
    Voilà le genre de choses que nous faisons. Je répète que je suis un partenaire économique de Canards Illimités.
    La dernière photo montre seulement les canards. Je veux simplement dire que les agriculteurs aiment prendre soin du territoire; nous aimons les habitats et nous aimons savoir que la sauvagine et la faune n’est pas loin de nous.
    Comme l’a indiqué M. Bonnett, malgré tout, nous avons besoin de nous associer la population, parce qu’il y a des domaines où la société en général peut jouer un rôle et nous aider à préserver ce territoire. J’ai mentionné le programme ALUS. Vous allez en savoir plus long là-dessus jeudi, dans l’exposé que va vous faire Doug Chorney, de Keystone Agricultural Producers, avec qui la population s’est associée pour la protection des terres et la mise en jachère.
    Je veux également rappeler un fait. Je vous renvoie à la photo du champ. Je vais vous raconter une histoire vraie que j’ai vécue quand j’ai acheté une terre il y a trois ans. Étant donné que l’on peut faire des allers-retours de près d’un mille avec le tracteur, j’avais décidé d’acheter une terre sur laquelle il y avait beaucoup d’arbres et de dépressions. Je n’ai pas réussi à trouver un seul agriculteur intéressé à labourer cette terre pour moi, parce qu’il était impossible de parcourir un demi-mille sans devoir rebrousser chemin et tourner cette grosse machinerie.
    Tous les agriculteurs m’ont répondu que, même si je leur donnais cette terre en cadeau, ils n’en voudraient pas, parce qu’ils n’aimaient pas ce chevauchement inévitable des produits chimiques, des fertilisants et des graines. Ça ne vaut pas la peine ni le trouble, sans oublier le temps gaspillé, pour reprendre leurs dires.

  (0920)  

    Nous avons défriché une bonne partie de la terre, de manière à permettre un passage d’un demi-mille. Bien sûr, on a laissé de la place pour la faune sur les côtés du champ, mais, de nos jours, ce qui se passe réellement, c’est qu’on abat bien des rangées d’arbres pour permettre ces plus longs passages de la machinerie. La réalité et le rendement de l’agriculture l’exigent. C’est ce qui se passe; je vois cela souvent en Ontario.
    On a laissé des broussailles et j’ai quelques ruches sur ma terre, mais en fin de compte, pour que ma ferme continue d’être rentable, j’ai dû me résigner à défricher pour arriver à trouver quelqu’un. C’est la réalité à laquelle nous sommes confrontés en tant qu'agriculteurs.
    Nous voulons être de bons gardiens et protecteurs du territoire. Si nous sommes en mesure de travailler avec la population en général pour réserver plus de terres à la préservation faunique, c’est superbe.
    Merci beaucoup. J’attends vos questions et j’ai hâte au débat sur la question.
    Merci beaucoup, monsieur Phillips.
    Nous remercions tous les témoins.
    Nous allons maintenant passer à la première séance de questions où chacun a sept minutes à sa disposition. Nous allons commencer par M. Sopuck.
    Vous avez la parole, monsieur Sopuck.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Madame Woodley, comment définissez-vous le terme « zone protégée »? Qu’entendez-vous exactement par là?
    À la SNAP, et au Canada en général, nous adoptons la définition internationale de ce que désigne une zone protégée, définition mise de l’avant dans la Convention sur la biodiversité et l’UICN et qui comporte plusieurs éléments. Une telle zone, ou aire, est gérée, d’abord et avant tout, pour protéger la biodiversité sur terre.
    On admet qu’elle offre beaucoup d’autres avantages, mais on considère que la gestion de la nature, ou la protection de la nature, doit être au premier rang des priorités. La définition comporte un élément qui mentionne l’obligation faite de bien délimiter la zone en question, donc une carte géographique doit indiquer à l’aide d’un trait l’espace géographique englobé. La zone en question doit être protégée à long terme. Voilà le genre d’éléments qui font partie de la définition, donc nous les reprenons à notre compte.
    Nous apportons également des précisions. Puisque cette définition peut entraîner des discussions sur le sens à lui donner, SNAP a elle aussi une définition claire selon laquelle le terme désigne une zone où il n’y a pas de développement industriel — pas de foresterie commerciale, pas d’exploration ni d’exploitation de pétrole ou de gaz, pas de mines, pas de gros barrages hydroélectriques, ce genre de choses.

  (0925)  

    Dans vos observations sur la Banque mondiale, en ce qui concerne les zones gérées, je crois qu’il est important d’apporter ce point. Vous avez dit que ces zones sont gérées pour préserver la biodiversité. Nous savons que certains travaux de foresterie, par exemple la foresterie commerciale, permettent d’améliorer la biodiversité. Ne croyez-vous pas que c’est faire là un genre de distinction artificielle, alors que le but réel est la conservation de la biodiversité? Qu’importe que ce soit de la foresterie commerciale ou non, l’important, c’est la conservation de la biodiversité.
    J’ai moi-même travaillé dans l’industrie forestière. Les forêts secondaires bien gérées sont d’incroyables milieux diversifiés du point de vue de la faune qu’elles accueillent.
    Oui, et il est évident que la gestion durable de l'ensemble du territoire revêt une importance absolue et que l'industrie forestière joue un rôle essentiel, mais les aires protégées sont des aires qui échappent à ce genre de répercussions. L'industrie forestière reconnaît de son côté l'importance des aires protégées. Le système de certification du Forest Stewardship Council a une méthodologie pour le recensement des aires protégées. Par exemple, l'un des objectifs de l'Entente sur la forêt boréale canadienne consiste à sélectionner d'un commun accord les aires à désigner d'aires protégées.
    Un des problèmes de la Loi sur les espèces en péril, madame Woodley, c'est que compte tenu de sa nature réglementaire, du moins dans certaines de ses parties, elle peut théoriquement exiger des responsabilités des propriétaires fonciers à l'endroit de l'habitat des espèces en voie de disparition qui se trouvent sur leurs terres. Ne pensez-vous pas que nous devrions nous pencher là-dessus afin que l'habitat de ces espèces sur les terres privées puisse être perçu comme un atout plutôt qu'un fardeau pour le propriétaire?
    La SNAP travaille sur les terres publiques. C'est notre domaine de spécialisation, alors nous n'intervenons pas tellement lorsqu'il s'agit de terres privées. Je laisserai donc la question à quelqu'un d'autre; je pense toutefois que... Eh bien non, je me contenterai de laisser la question à quelqu'un d'autre.
    D'accord.
    Toujours est-il, madame Woodley, qu'en termes des ententes de conservation conclues avec l'industrie privée en vertu de la Loi sur les espèces en péril, par exemple en ce qui a trait à conserver l'habitat pour les espèces en voie de disparition, le problème c'est que même si les promoteurs industriels signent des ententes de conservation de bonne foi et font tout ce qu'il faut pour protéger les espèces sur leurs terres, ils sont quand même tenus responsables si quelque chose arrive à un exemplaire de ces espèces.
    On est en train de faire pression pour les exonérer de cette responsabilité afin de les rendre plus enclins à adopter la notion des ententes de conservation. Recommanderiez-vous une telle approche?
    Eh bien, à ce que j'ai compris, la loi préconise en effet la conclusion d'ententes de conservation, que ce soit pour ces initiatives d'intendance volontaire ou pour les ententes prévues par l'article portant sur les permis. Une des difficultés que nous voyons c'est que les outils nécessaires à exercer cette intendance, c'est-à-dire les outils qui permettraient l'application pratique de la loi, n'ont pas été entièrement développés.
    Les cadres stratégiques, les cadres de réglementation, n'ont pas été créés. Il y a tout un ensemble d'outils pratiques qui avaient été prévus pour la mise en oeuvre de la loi au moment de sa formulation, mais ils ne sont pas utilisés à pleine capacité. Il y a beaucoup de travail à faire pour rendre ces outils plus conviviaux et la loi plus facile à mettre en oeuvre en utilisant les outils susceptibles d'inciter et d'aider les personnes à respecter les dispositions de la loi dans les faits.
    Ce n'est pas exactement là que je voulais en venir.
    Ce que je voulais dire c'est que l'opinion juridique actuelle vous dira que peu importe ce qu'un promoteur fasse en termes d'entente de conservation... Prenons l'esturgeon blanc, par exemple. Si un exemplaire de cette espèce est affecté malgré tous les efforts de conservation, le promoteur sera tenu responsable. Le problème c'est que cela rend les promoteurs peu enclins à conclure de telles ententes.
    Monsieur Bonnett, j'aimerais que vous nous parliez davantage de la question du goglu des prés en Ontario. Je sais que c'est particulièrement contrariant pour les producteurs là-bas, étant donné qu'ils sont en train de créer l'habitat pour cette espèce qui fait partie de celles qui sont énumérées dans la Loi sur les espèces en péril. Une fois de plus, le côté réglementaire peut vraiment décourager leurs activités d'exploitation.
    Pourriez-vous vous étendre là-dessus?
    Oui.
    Des changements ont été proposés pour la protection du goglu des prés voulant que tout dommage causé à l'habitat soit pratiquement considéré comme un acte criminel. C'est contre-productif pour le côté économique d'une exploitation agricole. La récolte du foin et surtout de la luzerne doit être faite au moment de leur état optimal afin d'obtenir la plus grande valeur économique. L'ennui c'est que le moment de récolter le foin coïncide avec celui de la nidification du goglu des prés, qui peut donc être affecté. Le système de réglementation ne se penche pas vraiment sur la manière de résoudre le problème. En réalité, résoudre le problème équivaut à retarder la récolte ou à adopter d'autres types de processus de gestion.
    Je peux vous parler de notre propre exploitation agricole. Nous avons du bétail et nous suivons un système de pâturage en rotation où nous avons 30 enclos différents où le bétail se nourrit tour à tour. À n'importe quel moment de l'année, nous avons tous genres d'habitats différents à des stades différents. Ce que nous avons observé c'est la présence de beaucoup plus de faune sur nos terres. Un système qui encourage la récolte tardive, peut-être grâce à un programme incitatif expressément conçu pour cela ou qui encourage le pâturage en rotation, ce qui pourrait exiger des clôtures et un système d'arrosage, voilà qui est plus efficace que de se contenter de mettre un système de réglementation en place en espérant que cela réglera le problème.

  (0930)  

    Merci, monsieur Bonnett.
    Merci, monsieur Sopuck.
    Nous passerons maintenant à Mme Quach.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Woodley, en ce qui concerne les parcs.
    Vous avez dit qu'un des points les plus importants serait de créer un réseau efficace de terres protégées, de zones protégées, entre autres dans les parcs nationaux, les aires marines et tout cela.
    Or, j'ai demandé une recherche à la Bibliothèque du Parlement. Le document que j'ai obtenu indique que dans le dernier budget des conservateurs, le financement de plusieurs programmes de protection des espèces est en diminution pour les prochaines années, ce qui va mettre en péril la conservation des habitats.
    Par exemple, selon le tableau, le financement du programme de biodiversité pour les espèces sauvages et l'habitat a été de 139,4 millions de dollars pour l'année 2011-2012, alors qu'on prévoit des dépenses de 84,6 millions de dollars pour 2015-2016. C'est donc une baisse de 50 millions de dollars pour la biodiversité et les espèces sauvages.
    Je peux vous donner un autre exemple. Pour la conservation des ressources patrimoniales, ce qui est directement relié à Parcs Canada, les dépenses, qui étaient de 172 millions de dollars, seraient de 154 millions de dollars en 2015-2016.
    Selon vous, comment cela peut-il mettre en péril les habitats?

[Traduction]

    Merci.
    La SNAP a manifesté nos inquiétudes à l'égard des répercussions des coupures, particulièrement à Parcs Canada, qui est le cas que je connais le mieux, particulièrement en ce qui a trait aux coupures au programme de science et de surveillance écologique. Parcs Canada a élaboré un des meilleurs systèmes pour surveiller la santé des écosystèmes n'importe où au monde. Ce système est reconnu dans le monde entier et il a été adopté par d'autres pays. Mais il a besoin de ressources. À ce chapitre, les coupures ont amputé le programme d'environ un tiers de ses scientifiques et de sa capacité technique. Nous craignons donc que le programme ne puisse être mis en oeuvre et ce serait bien dommage car il est vraiment efficace en plus de s'inscrire parmi les meilleurs au monde. En fait, il y a à peine un an et demi, le Globe and Mail parlait du programme de surveillance des écosystèmes élaboré par Parcs Canada comme de la toute dernière exportation du Canada. Un an plus tard, une bonne partie du financement avait disparu.
    C'est donc une inquiétude pour nous. Nous craignons que si nous ne sommes pas en mesure de mesurer les choses dans nos propres parcs nationaux, surtout mesurer l'état des écosystèmes et en faire le suivi à long terme, il sera très difficile de reconnaître les signes avertisseurs précoces comme il faut pour pouvoir régler les problèmes. Plus on attend, plus il est difficile de régler les problèmes. Il est beaucoup plus efficace de relever les défis écologiques et de passer à l'action quand le problème est détecté sur le tôt. Oui, c'est une véritable inquiétude.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'ai une autre question pour vous, à propos d'un rapport publié en 2009.
    Vous avez abordé tout à l'heure la question de la Loi sur les espèces en péril, qui a été très critiquée par les groupes environnementaux. Vous dites qu'en fait, ce n'est pas tant la loi comme telle qui est défectueuse que sa mise en application qui présente des lacunes.
    Avez-vous des explications ou des exemples de ce qui n'est pas utilisé ou mis en application concrètement pour protéger adéquatement les espèces en péril?

  (0935)  

[Traduction]

    J'ai parlé d'un de ces problèmes il y a quelques minutes, c'est-à-dire du genre de cadres stratégiques et du cadre de réglementation que l'on avait envisagés et qui sont nécessaires pour la mise en oeuvre de certains des outils prévus dans la loi, telles les ententes de conservation, en rappelant qu'ils ne sont pas pleinement définis. L'autre exemple, qui a été mentionné par mon collègue ici présent, c'est celui des mécanismes de compensation. La loi prévoit en fait la capacité d'élaborer un mécanisme de compensation, mais cela n'a pas été développé, et il n'y a donc rien qui se passe.
    Les mesures de réglementation devraient manifestement inclure des programmes qui habilitent les gens à satisfaire aux exigences, qui les incitent à satisfaire ces exigences, et les aident à le faire. Une des faiblesses au niveau de la mise en oeuvre c'est que l'on n'a pas tiré tout le parti possible des outils envisagés dans la loi et que ces outils n'ont pas vraiment été élaborés ni appliqués de manière à ce que les gens puissent satisfaire aux exigences.

[Français]

    D'accord.
    Dans votre présentation, vous avez abordé l'aspect des modèles sur lesquels on peut s'appuyer pour protéger les terres, dont les terres privées et les terres indigènes. Vous avez parlé de l'Australie. Pouvez-vous nous donner plus de détails, pour voir ce que nous pourrions appliquer ici, au Canada?

[Traduction]

    L'Australie a reconnu que les parcs et les aires protégées ne sont pas du domaine exclusif des gouvernements. Dans bien des pays, les aires protégées sont considérées protégées par le gouvernement, par un État fédéral ou par un gouvernement provincial. Ce que l'on a fait en Australie, c'est d'élaborer un cadre de travail qui rassemble tous les efforts de protection des terres en un seul cadre commun avec des cibles et objectifs clairement définis. Ce pays a ensuite établi un mécanisme de financement à l'échelle nationale, de sorte que les gens peuvent demander des ressources sous réserve de satisfaire les exigences du plan. Il y a une sorte de mécanisme de table ronde où tous les intérêts sont représentés et définissent l'orientation des travaux.
    Les Australiens ont compris dans leur système d'aires protégées, par exemple, les terres privées visées par des mesures de protection à long terme, sous forme de fiducies foncières ou autres mécanismes de ce genre. Ils se sont également arrangés pour inclure les aires de conservation indigènes dans le même cadre de travail. J'estime que la formule a toutes les chances de réussir au Canada. J'ai assisté à des présentations offertes par plusieurs Premières Nations chargées de la protection des terres, qui voudraient que cela fasse partie de ce réseau de terres protégées et puisse être compté comme tel.
    J'estime que si nous pouvons commencer à explorer la forme que cela pourrait prendre et la manière de l'incorporer à nos mécanismes comptables... En ce moment, nous comptons la superficie des aires et terres protégées que nous avons selon les catégories définies par l'IUCN à l'aide d'un mécanisme appelé SRSAC, qui est le Système de rapport et de suivi pour les aires de conservation. Le système est géré par Environnement Canada et le Canadian Council on Ecological Areas. Des travaux ont déjà été faits et c'est assez nouveau.
    Nous nous sommes mieux pris pour les besoins de dénombrement, mais nous pourrions faire encore mieux. Nous pourrions élargir la portée de ce que nous incorporons à cet ensemble. J'estime que la formule encouragerait la conservation des terres de manière satisfaisante pour ceux qui tiennent à conserver leurs terres tout en nous aidant à atteindre nos objectifs.
     Merci, madame Woodley et madame Quach, merci beaucoup.
    Nous passerons maintenant à Mme Rempel.
    Merci. Je céderai une minute de mon temps à M. Sopuck pour qu'il y réponde.
    Madame Woodley, vous avez souligné qu'il n'y a pas de programme incitatif prévu dans la Loi sur les espèces en péril. Je suis persuadé que c'est ce que vous avez dit. Je voudrais simplement rectifier, puisque cette loi prévoit en fait un programme d'intendance de l'habitat. Ce programme se voit consacrer quelque 15 millions de dollars par année et il existe depuis une décennie. Vous conviendrez qu'il a produit des résultats palpables en matière de conservation. Je connais un certain nombre de propriétaires dans ma région qui en bénéficient. Alors il n'est pas entièrement exact d'affirmer qu'il n'y a pas de programme incitatif en place, n'est-ce pas?
    Si je me suis exprimée ainsi, je ne voulais certainement pas dire qu'il n'y avait pas de programme incitatif en place. Je crois que la loi prévoit des outils qui n'ont pas été entièrement élaborés et qui pourraient aider à mieux soutenir le travail prévu dans la loi. Alors oui, absolument, le fonds d'intendance de l'habitat et d'autres programmes incitatifs existent, mais nous pouvons également en faire davantage en vertu de la loi.

  (0940)  

    Merci, madame Woodley.
    Madame Rempel.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse aux représentants de la Première Nation Athabasca Chipewyan. Merci d'être venus ici aujourd'hui. Nous aimerions nous pencher sur les programmes et méthodologies de conservation entrepris par les Premières Nations.
    Y a-t-il des exemples de programmation dans votre région dont vous vous occupez, et quelle formule suivez-vous pour vos partenariats avec d'autres organismes locaux?
    Nous venons encore récemment d'en développer un. Il est dirigé par un de nos anciens, M. Pat Marcel. Nous l'appelons notre plan d'intendance du bison et du caribou. Je dirais qu'il est dirigé par l'ACFN. Nous l'avons fait connaître à l'Alberta, à des représentants canadiens et à des partenaires industriels dans notre région. Il s'agit de cartographier les aires que nous percevons comme habitat essentiel pour ces deux espèces, le bison et le caribou.
    Nous serions heureux de montrer ces cartes à quiconque s'y intéresse. Elles illustrent certains des outils, les aires en cause.
    Parfait.
    Quelle est la méthodologie que vous utilisez pour obtenir...? D'autres témoins nous ont parlé de la difficulté d'étudier les domaines des espèces et d'obtenir les données nécessaires pour concevoir des plans de conservation, faire des cartes de leurs parcours migratoires, et ce genre de choses. Il y a toute une gamme de moyens pour arriver à ce résultat. D'autres témoins nous ont également conseillé de faire entrer en ligne de compte le savoir des Premières Nations parmi ces moyens. Vous pourriez peut-être nous parler un peu de la méthodologie que vous avez employée dans ce contexte.
    La plupart de l'information se fonde sur la récolte et les lieux où les membres de notre nation ont traditionnellement utilisé ces ressources, c'est-à-dire les lieux où l'on sait qu'il y avait des hardes de caribous et de bisons. Il y a une aire appelée Ronald Lake. Ce n'est pas loin de notre réserve, Poplar Point, qui longe la rivière Athabasca.
    Les membres nous disent où ils se trouvent lorsqu'ils sont sur les terres. Nous procédons à des entrevues intensives sur ce qu'ils font sur les terres, et les espèces qu'ils sont en train de prélever. Ils nous disent également à quoi ressemble l'habitat. La harde de Ronald Lake... est un habitat de toute beauté tout désigné pour une grande harde de bisons, on compte environ 150 exemplaires ici, 150 de l'espèce bison. En ce moment, il existe un projet de développement dans la région. Il s'agit d'une société qui propose l'exploitation minière d'énormes portions de leur habitat. Nous créons ces plans d'intendance pour informer les députés comme vous-même afin que vous arrêtiez un instant pour songer réellement à protéger cette espèce. Ces espèces sont importantes pour l'ACFN — et les collectivités des environs, non pas seulement l'ACFN.
    Merci beaucoup.
    Je vais passer à M. Bonnett. Dans votre mémoire, vous avez parlé un peu des termes « protection » et « protection efficace » des habitats essentiels, en affirmant qu'ils devaient être définis. Vous avez parlé du manque de définition.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez qu'il y a une lacune, comment vous ou votre organisation définissez cela, et pourquoi?
    Cela se résume à envisager les choses en songeant au long terme. Lorsque vous avez un terme comme « protection », cela donne presque l'impression d'une interdiction formelle de causer le moindre dommage à l'habitat. Or, si vous contemplez plutôt une protection efficace, dans votre esprit cela voudrait dire que vous êtes en train de prendre les mesures nécessaires pour protéger l'habitat à long terme.
    Je vais vous donner un exemple qui s'y rapporte plus ou moins. Il y a presque un an, le gouvernement a pris des mesures à l'endroit du ministère des Pêches et Océans. Une des choses que nous faisons en agriculture c'est de placer des systèmes de drainage pour drainer l'eau superflue des terres agricoles. Ces drains sont installés pour une certaine période de temps, mais ils doivent être entretenus tous les 15 ans environ. Si vous prenez le terme « protégé », lorsque vous parlez de l'entretien des drains, vous êtes à toutes fins pratiques en train de détruire l'habitat, et vous allez détruire certains des poissons qui se trouvent dans le petit ruisseau à court terme. Mais si vous contemplez le terme plus vaste, vous êtes en fait en train de maintenir cela; vous êtes en train de créer un habitat permanent. Le fait d'avoir un plan de gestion, de faire de l'entretien et de la construction pour une période donnée veut dire que l'habitat est protégé.
    Le fait d'avoir des définitions pour ces termes donne l'assurance que les choses que l'on fait sont pour un but à long terme par opposition à un événement à court terme.

  (0945)  

    Nous avons entendu d'autres témoins parler de la nécessité d'envisager l'approche à la gestion des espèces d'une manière écosystémique globale plutôt que de nous concentrer sur une seule espèce. Cela pourrait être une lacune dans nos politiques actuelles. Ce thème est une constante, quel que soit le groupe de témoins dont il s'agit.
    En admettant que cette approche soit une pratique exemplaire, pourriez-vous nous dire comment vous vous y prendriez, à condition de pouvoir le faire, pour incorporer le concept d'un territoire en fonctionnement dans l'approche écosystémique globale pour la gestion des espèces?
    Je crois que ce serait assez simple de l'incorporer. Comme je l'ai déjà dit, nous avons eu beaucoup de succès dans l'élaboration de plans environnementaux sur les fermes, que nous faisons en prenant un peu de recul pour examiner l'ensemble des questions environnementales. Si la protection des habitats faisait partie de cela, on pourrait établir un plan de grande portée pour le long terme.
    Une des choses que je dois mentionner et qui a besoin d'être réglée c'est qu'il faut veiller à conclure des ententes à long terme... ces ententes doivent être à long terme. Il ne s'agit pas de questions qui durent trois ans ou cinq ans. Nous nous occupons de choses sur un horizon d'une vingtaine d'années, et j'estime qu'il faut pouvoir avoir confiance dans le soutien à la programmation et un cadre de réglementation susceptible d'inciter les gens à conclure ce genre d'entente.
    Merci, madame Rempel.
    Nous céderons à présent la parole à Mme Duncan pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins. Vos interventions ont été très intéressantes et nous apprécions le temps et l'effort que vous y avez consacrés.
    Madame Woodley, une des questions que l'on nous a demandé d'étudier est celle des meilleures pratiques de gestion et des initiatives d'intendance, par opposition aux mesures normatives dictées par le gouvernement.
    Vous avez parlé de la Loi sur les espèces en péril et affirmé qu'il nous faut une loi solide dans ce contexte, alors c'est sur cette loi que je veux me pencher.
    Lorsque nous comparons les initiatives d'intendance aux mesures dictées par le gouvernement, quels sont les aspects ultimes les plus pertinents, les mesures de rendement, que nous devrions comparer, l'objectif étant le rétablissement des espèces?
    Je crois que la cible ultime pertinente est le rétablissement des espèces, l'état de l'espèce étant la situation actuelle et les progrès réalisés pour le rétablissement de l'espèce.
    Je crois que songer à la meilleure formule n'est peut-être pas la bonne façon de s'y prendre. À notre avis, il nous faut les deux. Il nous faut le cadre de réglementation pour fixer ce qui est nécessaire et établir la norme de manière uniforme. Ensuite il faut absolument pouvoir compter sur des incitatifs et ces mécanismes qui sont en place pour faciliter le travail pour arriver au but et veiller à ce que les personnes touchées soient en mesure de faire ce qui est nécessaire.
    Il existe d'après nous de bons exemples de la manière dont la Loi sur les espèces en péril fonctionne dans ce sens-là. Pour ne citer qu'un exemple, la stratégie de rétablissement des caribous des bois dans les régions boréales, qui est parue en octobre dernier, est un véritable exemple de progrès. Cette stratégie s'occupe des besoins de l'une des espèces les plus éparpillées et vulnérables du Canada. Elle a été élaborée en collaboration avec huit autres administrations, elle a touché les collectivités autochtones, tout un éventail de parties prenantes, et des milliers de Canadiens. Ce n'est pas parfait, mais c'est déjà en train de faire une différence.
    Des provinces dans tout le pays ont pris les devants et commencé à élaborer des plans d'action pour le caribou en prévision de la parution d'une stratégie de rétablissement de l'espèce, qui était requise par le cadre de réglementation. L'industrie forestière et les groupes environnementaux visés par l'Entente sur la forêt boréale canadienne sont en train d'utiliser le savoir scientifique développé par le gouvernement fédéral pour documenter la stratégie de rétablissement. Nous l'utilisons sur le terrain pour les besoins de planification.
    J'estime que c'est là un exemple de la manière dont le cadre de réglementation a favorisé le progrès partout au pays. Nous avons réussi à produire cette stratégie de rétablissement extrêmement complexe et nous commençons à présent à travailler à sa mise en oeuvre.
    Merci, madame Woodley. Voilà qui constituerait une bonne étude de cas pour le rapport.
    S'agissant de ces mesures de résultats, quelle est, selon vous, la meilleure approche en la matière qui nous permettrait de faire une étude comparative par déduction de l'efficacité de ces deux types d'instruments?
    Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question, je pense qu'il faut s'adresser à un scientifique.
    Bien entendu, il serait bon d'adopter une approche scientifique et de se baser sur un modèle rigoureux pour l'étude des différentes options. Une fois de plus, tout indique qu'il nous faut les deux, et tout au moins des faits démontrés pouvant servir à une étude de cas. Je peux me tromper, mais je ne crois pas que les données aient été recueillies dans cette autre perspective, mais, en vérité, je ne suis pas qualifiée pour répondre à la question.

  (0950)  

    Justement, savez-vous si on a déjà entrepris ce genre d'étude, et, dans la négative, quel est l'écart entre ce modèle idéal et les études dont on dispose déjà?
    Je ne saurais vous répondre. En fait, j'ai dans mon courrier toute une série d'études que quelqu'un m'a communiquées et j'aurais aimé avoir le temps d'en prendre connaissance car ça m'aurait sans doute aidée à répondre à la question. Je ne sais pas trop si elles portent sur la question que vous soulevez, mais je vais y jeter un coup d'oeil et vous les communiquer le cas échéant.
    Merci.
    Je pense que les données dont on dispose n'autorisent, tout au plus, que des déductions peu probantes.
    J'ai l'impression que l'on ne dispose pas de grand-chose, à l'heure actuelle, qui aille dans ce sens. Je suis sûre que l'on pourrait bâtir un modèle d'étude, sans trop pouvoir vous dire à quoi il ressemblerait, mais peut-être envisager deux stratégies complémentaires et nécessairement compatibles.
    C'est bien ça, en prenant soin de s'appuyer sur des faits probants.
    Tout à fait.
    J'aimerais vous demander de donner une note de zéro à dix aux dispositions sur la Loi sur les espèces en péril, et vous demander de dire sur quoi vous fondez votre jugement.
    Je m'abstiendrai d'attribuer une note car, une fois de plus, je ne suis pas suffisamment sûre de mon analyse.
    À n'en pas douter, la protection de l'habitat constitue un élément essentiel. Nous savons en effet que, pour plus de 80 p. 100 des espèces en péril, c'est l'habitat qui représente le point le plus vulnérable. Par conséquent, la protection et le rétablissement de l'habitat, voilà la solution.
    Il y a d'ailleurs des exemples de rétablissements réussis, mais étant donné que l'adoption de la loi ne remonte qu'à une dizaine d'années, et qu'il faut du temps pour qu'une espèce retrouve son équilibre, il faut attendre le temps nécessaire, même si certaines espèces récupèrent plus vite que d'autres. En fait, nous en sommes à peine au stade où nous réussissons à identifier les problématiques aiguës en matière d'habitat, et il va nous falloir passer au stade de la planification de mesures qui permettront de transposer, sur le terrain, les résultats de la planification.
    Cela dit, nous avançons; nous accomplissons des progrès importants et nous nous employons à accélérer l'élaboration des stratégies de rétablissement. Cependant, il nous faut passer à l'étape de la mise en oeuvre, y compris la planification des actions à entreprendre, ce qui nécessite un effort concerté. C'est alors que nous pourrons observer les résultats concrets des mesures de protection de l'habitat et assister au rétablissement des espèces.
    Faut-il appliquer la loi telle quelle ou la rationaliser?
    Nous avons l'impression que les principales difficultés concernent la mise en œuvre effective des dispositions de la loi, c'est pourquoi nous recommandons, pour l'avenir, d'accorder une attention prioritaire à ce volet.
    Merci beaucoup, mesdames Duncan et Woodley.
    Nous passons à présent à M. Choquette. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui sont venus ici aujourd'hui.
    La semaine passée, nous avons reçu un autre groupe des Premières Nations qui nous a fait un témoignage fort pertinent et très intéressant. Il a mentionné qu'avant de faire de la conservation, il faudrait d'abord s'entendre sur ce qu'est la conservation de l'habitat. La conservation pourrait signifier une chose pour certains groupes, mais en signifier une autre pour un autre groupe.
    Il est important de voir qu'il y a une distinction entre les terres privées et les terres publiques. Il faut voir également ce que nous faisons de ces terres. Cela change notre vision de ce que doit être la conservation de l'habitat.
    Vous avez parlé surtout de la rivière Athabasca et de la région que vous habitez. J'aimerais que vous nous fassiez des recommandations sur ce qui, selon vous, doit être fait pour assurer la bonne conservation de votre territoire, de votre habitat. Par exemple, vous avez parlé de la vitesse d'expansion de l'extraction des sables bitumineux, comparativement à la vitesse de restauration des habitats. Vous avez parlé aussi du fait qu'après la restauration, l'habitat n'est peut-être pas équivalent à celui qui existait auparavant.
    J'aimerais vous laisser la parole à cet égard.

[Traduction]

    Cela fait environ trois ans que nous coopérons avec le secteur privé et avec les pouvoirs publics à notre projet de plan de gestion du patrimoine traditionnel de terres et de ressources. Nous voulons répertorier et cartographier les endroits où les membres de la Première Nation Athabasca Chipewyan, l'ACFN, utilisent les terres, à quelles fins et en y exploitant quelles ressources, qu'ils s'agissent de plantes, de baies, d'orignaux ou de caribous, par exemple. Nous aurons ainsi un bilan de ces ressources traditionnelles, de même que de leur état de santé.
    Donc, dans une première étape, nous dressons un bilan cartographié de ces terres et ressources traditionnelles ainsi que des démarches de protection de ce patrimoine. Cela dit, je peux vous assurer que ce n'est pas facile, car nous nous y sommes attelés depuis trois ans maintenant et nous travaillons d'arrache-pied, sans recevoir beaucoup d'appui. Nous avons présenté notre projet à d'autres organismes fédéraux et nous sommes tout disposés à vous communiquer également notre stratégie. Cela dit, le bilan de l'usage fait par les membres de l'ACFN de ces ressources traditionnelles ne représente qu'une première étape, car nous comptons par la suite en assurer, au fil des ans, la surveillance du point de vue de leur santé, si je puis dire.
    Il est établi que les émissions représentent un grave danger pour la santé de ces ressources, car non seulement se pose aujourd'hui le problème des eaux provenant du fleuve Athabasca et, par conséquent, des effluents qui affectent ces ressources, mais il nous faut aussi chercher à comprendre comment va évoluer la situation. Certes, nous sommes bel et bien engagés dans le développement, mais ne convient-il pas de maîtriser les conséquences de ce développement pour nos ressources avant d'approuver de nouveaux projets? Ne faut-il pas dresser un bilan de santé des ressources, par exemple les baies que les gens consomment, les plantes dont nous avons besoin? Nous pensons qu'avant d'autoriser davantage de développement, il faut marquer une pause et faire un bilan précis de l'état de ces ressources.
    Pour cela, il faut commencer par établir un plan de gestion des terres et des ressources traditionnelles: tel est notre projet.

  (0955)  

[Français]

    Merci beaucoup de votre recommandation.
    Vous souhaitez ajouter quelque chose, monsieur?

[Traduction]

    Permettez-moi d'ajouter, comme l'a souligné Lisa, qu'il ne s'agit pas seulement de répertorier les ressources, il faut aussi, et c'est là l'aspect essentiel à mes yeux, fixer des seuils ou des limites permettant d'évaluer les résultats et de veiller à ce que les valeurs que nous cherchons à préserver — qu'il s'agisse du mode de vie et de subsistance des populations autochtones, ou encore de la qualité de l'air et de l'eau pour nous tous — soient véritablement préservées. À partir de là, nous pourrons intimer au secteur privé et aux pouvoirs publics de veiller au respect de ces seuils dans une optique de protection, tout en ouvrant la porte à l'innovation que permettent les nouvelles technologies et en créant des mécanismes réglementaires mieux conçus et plus efficaces visant à préserver les seuils fixés et à inciter le secteur privé à les adopter comme critères de mesure des performances.
    Nous pensons que telle est la meilleure façon d'aller de l'avant, notamment dans une région sujette à des sollicitations extrêmes comme le territoire de la Première Nation Athabasca Chipewyan.
    Merci beaucoup, monsieur Choquette.
    Nous passons à présent à M. Lunney.

[Français]

[Traduction]

    Merci à toutes et à tous de votre contribution à un débat tout aussi captivant qu'important.
    J'aimerais revenir aux échanges qui ont porté sur l'Australie. Étant donné que certains de mes collègues ont déjà abordé le sujet, ma question sera brève.
    Savez-vous à quand remonte l'adoption, par l'Australie, de ce plan de gestion des différentes zones protégées? Dispose-t-on d'une période d'observation suffisante pour en évaluer les effets et l'efficacité?
    Vous posez là une excellente question. Je ne peux pas vous donner une date précise car cela fait déjà quelques mois que je n'ai pas regardé ce dossier, mais je dirais que leur plan stratégique établissant le cadre d'action remonte tout au plus à une décennie. Ils ont accompli un certain nombre de choses intéressantes et s'emploient à passer du stade de la conception stratégique à celui de la mise en application. Étant donné qu'ils ont mis en place les financements nécessaires, les choses avancent, mais je ne peux pas vous dire avec quel degré de succès. Cela dit, il existe certainement un suivi de l'action entreprise et je pourrais revenir vers vous avec des détails précis.
    Il convient de souligner que le volet le plus récent de cette initiative est la stratégie de connectivité sur l'ensemble du pays. Aujourd'hui, l'importance déterminante de la connectivité entre les différents éléments du cadre naturel est très largement reconnue, et l'on sait que l'on doit permettre à la faune, notamment les espèces à habitat étendu, de migrer d'une région à l'autre. C'est pourquoi les Australiens ont mis en place une stratégie d'envergure nationale orientée vers la connectivité des zones protégées. J'ajoute que, compte tenu de l'impact marqué qu'a eu le changement climatique en Australie, notamment sous forme de feux irréprimés et autres phénomènes, on y aborde la question dans l'optique d'une évolution du climat.

  (1000)  

    Voilà qui me fournit un enchaînement parfait pour la question suivante. En effet, les écosystèmes ne sont pas statiques et cela a été mis en relief lors des échanges précédents portant sur la gestion. Donc, à supposer que l'on mette en place un système répondant de façon parfaite aux exigences de protection actuelles d'une zone déterminée, celle-ci risque de subir des perturbations qui ne relèvent pas de l'intervention humaine. On l'a vu lors de la discussion portant sur la gestion des systèmes de drainage dans les exploitations agricoles. En d'autres termes, si le système de protection mis en place est établi une fois pour toutes et de façon rigide, il risque de ne pas offrir, à long terme, une protection efficace ni de permettre une amélioration de l'habitat. Vous avez répondu sur ce point d'une façon succincte que j'ai appréciée.
    Je voudrais donc, tout en gardant cela à l'esprit, revenir à l'une de vos observations assorties de recommandations, lors des échanges précédents.
    Monsieur Bonnett, votre organisation recommande que le plan national de conservation renforce la valeur conférée à l'habitat en promouvant l'adoption de mesures incitatives innovantes en matière de biens et services écologiques.
    J'ai dû m'absenter brièvement et j'espère que la question n'a pas été traitée entre-temps. J'aimerais donc vous demander un peu plus de détails sur le genre de mesures incitatives et de propositions innovantes émanant de votre organisation en vue d'atteindre cet objectif louable.
    Je crois qu'on pourrait étudier la question sous différents angles.
    On pourrait, pour la phase initiale, commencer par le processus de planification des fermes expérimentales, ce qui permet de cerner certains des domaines se prêtant à une protection de l'habitat. C'est en quelque sorte une évaluation des mesures envisageables pour atténuer les dommages infligés à l'habitat, et ce sous plusieurs formes, qu'il s'agisse du financement conjoint de la mise en place de systèmes alternatifs de distribution d'eau afin d'éloigner le bétail du lit des cours d'eau, ou encore de l'établissement de partenariats avec certaines associations écologistes déjà existantes, telles que Delta Waterfowl ou Canards Illimités.
    Mais il faut aussi se pencher attentivement sur le lancement de projets pilotes, ce qui nous ramène à la question de la gestion. On trouve une excellente illustration de ce genre d'activité dans le programme d'aide aux utilisations de substitution des biens fonciers. Un certain nombre de projets pilotes ont été lancés, et l'on a vu qu'ils pouvaient contribuer efficacement à la protection de l'habitat sans pour autant nécessiter de gros investissements externes. À ce propos, la question qu'il faut se poser, c'est comment élargir cette application à l'échelle d'un programme, parce que bien souvent, lorsqu'on a réussi à mettre au point un projet pilote qui réussit à l'échelle de l'exploitation, on a du mal à l'adapter et à le potentialiser de manière à pouvoir le reproduire dans d'autres provinces, par exemple. N'oublions pas que la transposition des programmes à d'autres provinces doit tenir compte, entre autres, du fait que l'on opère quelque peu différemment dans l'Ouest du Canada et dans l'Est du pays. Cependant, les concepts restent les mêmes et il faut savoir isoler les éléments qui méritent d'être préservés. Je pense que le programme de planification d'une ferme expérimentale se prête bien à cette transposition sous forme de programmes à long terme.
    Merci, monsieur Lunney. Votre temps est expiré.
    Madame Leslie.
    Merci, monsieur le président et merci à toutes et à tous ici présents.
    Je dois dire que j'en apprends beaucoup aujourd'hui et je précise que mes questions porteront sur des sujets pour lesquels j'ai besoin d'explications.
    Le chef Allan Adam, de la Première Nation Chipewyan, a témoigné devant ce comité il y a de cela deux ans, si je ne m'abuse, et il a longuement parlé du fait de pouvoir vivre des richesses et des produits de la terre, qu'il s'agisse des cultures, des espèces animales terrestres ou des poissons. Tout cela évoque pour moi le témoignage que nous ont présenté la semaine dernière le Conseil des peuples autochtones des Maritimes ainsi que l'Assemblée des Premières Nations, qui ont présenté la détérioration de l'habitat comme une violation des dispositions des traités.
    Je n'avais jamais, jusqu'alors, envisagé la question sous cet angle. C'est un concept très nouveau pour moi et la façon dont vous avez présenté les choses souligne, pour moi, la notion d'habitat salubre comme relevant des dispositions des traités.
    Pourriez-vous m'aider à mieux explorer cette notion nouvelle pour moi?
    Pour commencer, je confirmerais qu'il s'agit d'engagements pris dans le cadre des traités; en effet, quand ces derniers ont été signés, l'herbe poussait, le soleil brillait et les rivières coulaient. En d'autres termes, les ressources étaient salubres, qu'il s'agisse de la terre, de l'eau ou de l'habitat, et au fil du temps nous avons continué et continuons d'utiliser ces ressources.
    Quant à la dégradation, elle est indéniable… Lorsque je parcours nos territoires, j'entends dire que des membres de ma famille, en dépeçant un caribou, lui ont trouvé le foie criblé de taches. Mais je crois que le seul fait de devoir inspecter le foie d'un animal avant de le manger… n'est pas une chose à laquelle nous étions habitués.
    Tenez, l'autre jour, ma tante et moi étions en train de manger du poisson et voilà qu'elle me dit: « Le poisson du fleuve Athabasca a une odeur différente. » Nous avons goûté un poisson en provenance de la Saskatchewan, pour faire une comparaison, et c'était bien meilleur. Rien qu'en découpant le premier poisson, on sentait comme des relents de pétrole.
    Il n'est pas normal que nous devions nous alimenter de cette façon, et ce n'est pas ce que l'on nous avait promis lors de la signature des traités. On nous avait promis que nous pourrions continuer de vivre à notre façon; mais voilà où nous en sommes, et ça se détériore d'année et année. Cela n'est pas acceptable et je vous demande pourquoi il en est ainsi? Cela risque d'affecter notre santé, celle de notre peuple, celle de mon fils qui n'a que quatre mois. Quel va être l'avenir des membres de notre nation si notre territoire ne cesse de se dégrader?
    C'est pourquoi je dis moi aussi qu'il y a violation des traités car on n'a pas préservé les ressources permettant de vivre à notre façon.

  (1005)  

    Merci, madame King, je comprends très bien.
    Je voudrais à présent aborder une autre question, toujours pour mieux comprendre.
    Monsieur Bonnett, vous avez parlé du plan concernant la ferme expérimentale et vous avez indiqué le nombre d'agriculteurs engagés dans cette initiative. J'aimerais savoir comment vous avez obtenu cette information et qui coordonne l'initiative. Comment les agriculteurs apprennent-ils à se lancer dans un projet de ferme expérimentale, comment savent-ils que telle culture constituerait un bon espace d'accueil pour la nidification des oiseaux? Et comment ce mouvement est-il structuré?
    Pour faire simple, je dirai que nous avons, au Canada, des organisations d'agriculteurs très bien développées, et que chaque province s'occupe de la mise en oeuvre des plans de fermes expérimentales sur son territoire.
    J'habite moi-même en Ontario, et c'est l'Association pour l'amélioration des sols et des récoltes de l'Ontario qui assure l'administration du programme correspondant. Ils ont établi des manuels qui traitent de tous les sujets, depuis la protection des eaux jusqu'à l'entreposage du carburant, en passant par la manutention du fumier et l'habitat. Une fois ces modules créés, on tient des ateliers et on forme les gens sur les différents sujets.
    Je pense que ce qu'il y a d'exceptionnel…
    Pardon de vous interrompre, mais je voudrais être sûre de bien comprendre: ce sont donc des associations, je veux dire des organisations non gouvernementales, qui donnent l'impulsion et fournissent la structure, n'est-ce pas?
    En effet. Tout le processus a démarré en Ontario, au début des années 1990, lorsque les agriculteurs se sont eux-mêmes rendu compte qu'il y avait urgence à faire face aux préoccupations environnementales. Ils ont donc décidé de prendre les devants et d'accomplir une partie du travail par eux-mêmes.
    Quant au gouvernement provincial, il fournit le financement pour la préparation des manuels et aide également à sélectionner les bonnes pratiques de gestion; parfois, il prend même en charge quelques projets pilotes. Ensuite, les ateliers sont organisés en cofinancement.
    S'agissant du dernier projet de planification de ferme environnementale dans le cadre de Cultivons l'avenir, une partie du financement provenait de sources locales.
    Il vous reste à peine neuf secondes, madame Leslie, je pense que vous aurez du mal à poser une question et à obtenir une réponse.
    Nous passons donc à M. Woodworth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, également, à nos témoins.
    Nous traitons aujourd'hui d'un domaine riche et complexe, offrant toute une série de perspectives et il est parfois difficile de choisir un angle d'attaque.
    Étant donné que je représente le sud de l'Ontario, je m'intéresse à un aspect qui ne relève pas nécessairement — et certainement pas de façon exclusive — du ressort du gouvernement fédéral: je veux parler de la planification de l'utilisation des sols.
    Madame Woodley, étant donné que vous en avez parlé d'une façon que je considère efficace, je vais m'adresser à vous pour de plus amples détails.
    Je commencerai par l'Entente sur la forêt boréale canadienne que vous avez, je crois bien, utilisé comme exemple de planification de l'utilisation des sols. Est-ce bien cela?
    L'initiative contient en effet un volet de planification, sans pour autant porter l'étiquette officielle de planification de l'utilisation des sols.
    Très bien, il s'agit donc d'un instrument.
    Je confirme, en effet, l'existence d'un élément de planification de la conservation, qui est faite par les parties prenantes de façon concertée avant d'être soumise aux autorités gouvernementales.
    Justement, je m'interrogeais sur le rapport entre les parties prenantes et les autorités gouvernementales.
    Je connais un petit peu l'Entente sur la forêt boréale canadienne et je sais qu'elle regroupe aussi bien des éléments du secteur privé que des ONG. J'ai cru comprendre, lors de votre déposition, que les mesures incitatives relevaient d'une réglementation gouvernementale. J'aimerais donc savoir s'il y a eu, sous une forme ou sous une autre, participation directe des pouvoirs publics à quelque niveau que ce soit dans la mise au point de cet accord.

  (1010)  

    Dans l'entente elle-même... L'entente a été ratifiée par des organismes environnementaux et des compagnies forestières membres de l'Association des produits forestiers du Canada et de l'Association des produits forestiers. Nous en avons évidemment parlé aux gouvernements pendant sa préparation. Nous les avons informés de ce que nous faisions et les avons gardés au courant autant qu'il est possible de le faire lorsque l'on tient ce genre de discussions.
    Certains participants ont fait des commentaires au gouvernement. Est-ce que le gouvernement, à quelque niveau que ce soit, a offert de l’aide ou des commentaires aux participants dans le cadre de l’élaboration de l’entente?
    Je ne suis pas certaine de bien vous comprendre.
    L’entente a été conclue entre l’industrie forestière et des organismes environnementaux, des membres de ces groupes, pour que ces parties puissent voir ensemble s’il est possible de formuler des recommandations concernant l’aménagement du territoire.
    Si je pouvais seulement résumer, car nous avons si peu de temps...
    Excusez-moi, je n’ai pas vraiment...
    Cette initiative n’était pas appuyée par le gouvernement. Elle ne concernait que le secteur privé et des ONG.
    Au stade des négociations? Oui.
    Le gouvernement a exprimé son soutien, et il appuie l’entente.
    Comment le gouvernement appuie-t-il cette entente?
    Ressources naturelles Canada soutient financièrement le secrétariat de l’entente par l’entremise de l’APFC.
    Et est-ce que cela s’est décidé seulement après la conclusion de l’entente?
    Oui.
    D’accord.
    Le financement sert en grande partie à offrir un soutien technique et à valider l’entente.
    Savez-vous à combien se chiffre l’aide financière de Ressources naturelles Canada?
    Je n’ai pas ces informations en mémoire, non.
    Pour passer à un sujet différent, mais pas complètement étranger, je crois comprendre qu’il existe un comité fédéral, provincial et territorial qui étudie des moyens d’améliorer l’aménagement du territoire au Canada. Connaissez-vous ce comité?
    Je ne le connais pas, non.
    L’une de vos recommandations portait sur l’intégration de zones protégées au paysage exploité pour appuyer l’aménagement régional du territoire. Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur le type d’aide que vous aimeriez que le gouvernement du Canada apporte à un tel projet? Avant que vous ne répondiez, j’aimerais toutefois préciser que ce que j’ai entendu, jusqu’à ce jour du moins, laisse clairement croire que les meilleures décisions en matière d’aménagement du territoire sont prises par les gens proches du territoire et non par des décideurs.
    Sachant cela, que pourrais-je suggérer au gouvernement du Canada comme meilleure façon d’appuyer ces mesures, que je considère aussi comme plutôt importantes?
    Votre temps est écoulé, mais nous allons accorder environ 45 secondes à Mme Woodley pour qu’elle réponde.
    Je crois qu’il y a deux ou trois façons. Évidemment, le gouvernement fédéral a des pouvoirs dans certaines régions du pays. Dans les Territoires du Nord-Ouest par exemple, il a ses propres responsabilités en matière d’aménagement du territoire. Dans de tels cas, il est donc très important qu’il appuie directement ces activités d’aménagement du territoire et qu’il y participe, qu’il contribue aux analyses techniques, etc.
    Dans l’ensemble du pays, là où les provinces exercent leur pouvoir, par exemple, je crois que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle important s’il offrait de l’aide, une expertise technique et des analyses des terres. Le gouvernement possède cette expertise et ces capacités, et il pourrait contribuer à l’aménagement du territoire de cette façon. Il pourrait également faciliter et appuyer la participation des intervenants, des peuples autochtones et des divers groupes ainsi que permettre aux gens de s’exprimer.
    Merci beaucoup, madame Woodley.
    Merci, monsieur Woodworth.
    Nous allons maintenant passer à M. Pilon.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme King.
    Dans votre exposé, vous avez beaucoup parlé des sables bitumineux. Je voudrais savoir si vous pensez qu'il y a moyen d'exploiter les sables bitumineux tout en préservant vos droits ancestraux.

  (1015)  

[Traduction]

    Je suis certaine que c’est possible. Le chef Adam a toujours dit qu’il ne s’opposait pas au développement. Il est en faveur du développement responsable.
    Je suis surprise d’avoir vu aussi peu de changements dans le développement de l’industrie du pétrole au fil des ans. Elle utilise les mêmes technologies depuis plus de 50 ans. Pourquoi n’utilisons-nous pas de nouvelles technologies? Pourquoi avons-nous encore besoin d’utiliser autant d’eau de la rivière Athabasca?
    Il y a eu des changements en ce qui a trait aux émissions. Moins d’émissions sont produites. Il en sort moins des cheminées, voilà une amélioration, mais il y a toujours place à amélioration. Il y a toujours une technologie qui permet d’améliorer la façon dont se fait le développement.
    J’aimerais aussi parler du rythme. Nous avons travaillé très fort avec Shell pour les aider avec leur projet. Tout de suite après les audiences, deux mois plus tard, ils annonçaient encore un nouveau projet.
    Pourquoi devrions-nous tout extraire maintenant? Pourquoi ne prendrions-nous pas un certain nombre d’années pour extraire ce pétrole? Pourquoi devons-nous tout de suite creuser autant de gros trous dans le sol de nos terres? Commençons par finir avec celui-ci, nettoyons, passons au suivant et nettoyons de nouveau. Il est essentiel de procéder de façon responsable, d’échelonner les activités afin qu’elles ne perturbent pas notre façon de vivre. Cela ferait une différence considérable.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à M. Innes, et personne ici ne sera surpris de constater qu'elle porte sur les milieux humides.
    Vous avez dit dans votre exposé qu'il y avait beaucoup de cas de destruction des milieux humides dans les environs d'où vous habitez. Avez-vous déjà vu des effets concrets de la destruction des milieux humides sur les niveaux d'eau des rivières et des lacs environnants?

[Traduction]

    Oui, et il est important de savoir que, au sujet de la forêt boréale de la région de l’Athabasca, le terme « forêt » n’est peut-être pas approprié. En fait, la région de l’Athabasca est constituée à 60 p. 100 de milieux humides, le tout se trouvant dans une matrice forestière.
    Lorsqu’ils sont perturbés, ces milieux humides se dessèchent et se transforment. Cela peut résulter d’activités à impacts modérés, comme la coupe d’une ligne sismique ou l’installation d’un système de drainage. Et quand les milieux humides se transforment, leurs réserves d’eau et de carbone sont grandement diminuées.
    Ce que nous observons dans la région — et j’ai ici quelques statistiques —, c’est que la perte de milieux humides s’accélère: plus de 28 000 hectares seront touchés par le développement.
    Certains scientifiques, dont l’éminent David Schindler, ont suggéré que cela aurait des effets irréversibles, non seulement sur les niveaux d’eau, mais aussi sur la qualité de l’eau dans la région.
    Nous sommes maintenant rendus au moment où le rythme s’accélère. Dans l’ensemble du bassin hydrographique, dans tout l’Athabasca et vers le nord, dans le Mackenzie, on se préoccupe beaucoup du fait que les effets combinés du développement et des hausses de températures prévues en lien avec les changements climatiques pourraient avoir des conséquences considérables et néfastes sur ce très important écosystème de l’Athabasca.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à M. Bonnett.
    Dans ma région, il reste quelques fermes. En ce moment, en avril, les oiseaux se nourrissent des restes des récoltes de l'année passée. Par contre, à partir du moment où les fermiers vont commencer à semer leurs grains, pour empêcher les oiseaux de s'en nourrir, ils vont mettre des canons qui vont faire du bruit. Est-ce que vous pensez que c'est un moyen écoresponsable ou est-ce qu'il y a d'autres moyens pour les fermiers d'empêcher les oiseaux de manger leurs grains?

[Traduction]

    Je crois que vous devez comprendre que certains de ces oiseaux perçoivent les champs des fermiers comme une source de nourriture gratuite et très facilement accessible. Dans un habitat naturel, ils iraient se nourrir ailleurs. Je crois qu’avec les années nous avons notamment pu constater que la faune s’est beaucoup adaptée en ce qui a trait à la recherche de nourriture facilement accessible, et les champs des fermiers en sont une source. Les canons ou les autres dispositifs ne servent pas à blesser les animaux, ils servent à les envoyer se nourrir dans un habitat plus naturel. Les oiseaux sont peut-être un peu comme nous, c’est-à-dire parfois un peu paresseux quand vient le temps de travailler pour gagner leur nourriture. Les canons ne servent qu’à les envoyer où ils devraient être.
    Je peux en fait vous donner un exemple à propos de notre propre ferme. Il y a 30 ans, il y avait très peu de grues du Canada dans notre secteur. On pouvait en avoir vu une ou deux. Aujourd’hui, on les voit par milliers. Et maintenant, l’un de nos gros problèmes survient lorsque nous plantons du maïs. Quand la pousse de maïs sort de terre, les grues ne font pas que la manger, elles l’arrachent du sol par les racines, et elles font ainsi tout le long des rangs. Mais si nous installons des canons pour les éloigner, elles vont chercher leur nourriture dans les milieux humides ou ailleurs. Il faut seulement reconnaître que du point de vue de l’agriculture, c’est l’aspect économique qui doit primer, qu’il faut parfois chasser ces espèces.

  (1020)  

    Merci, monsieur Bonnett, et merci, monsieur Pilon.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Storseth pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins d’être ici aujourd’hui. J’ai entendu des choses très intéressantes.
    J’aimerais poser quelques questions à Mme King, et je m’adresserai ensuite à M. Bonnett.
    Entre autres choses, vous parlez de meilleurs programmes de surveillance, d’une utilisation accrue des technologies de niveau mondial — que nous devrions utiliser les meilleures technologies au monde pour surveiller certaines activités — et d’une plus grande transparence des programmes de surveillance.
    Êtes-vous d’accord avec toutes ces affirmations?
    Oui. Il y a un certain nombre d’années, il existait un programme régional de surveillance des eaux qui s’appelait le RAMP. Nous en faisions partie. Nous nous réunissions avec les autres groupes — l’industrie y était, le gouvernement y était et les Premières Nations y étaient. Nous avons dû nous retirer, car nous trouvions que l’industrie prenait trop de place. Même si nous participions, notre rôle était si minime qu’on ne nous entendait ou ne nous écoutait pas. On avait l’impression qu’il s’agissait d’une surveillance dirigée par l’industrie. Je disais à l’industrie qu’elle ne faisait que se surveiller elle-même, qu’on se trouvait dans une situation où c’est le renard qui garde les poules.
    Il y a deux ans à peine, je crois, le programme a été entièrement remplacé par ce programme de surveillance de niveau mondial. Il fallait démontrer clairement ce qui se passait. La surveillance était mal exécutée.
    Pour ce qui est des technologies, dans la région que je représente, aux alentours de Cold Lake et des sables bitumineux de Cold Lake, elles sont majoritairement in situ, donc il s’agit d’une forme de progrès technologique qui ne laisse pas de gros trous dans le sol, comme vous le dites, et qui n’a pas les conséquences environnementales que vous dénoncez. Mais vous avez piqué ma curiosité en parlant des seuils. Je voudrais en savoir un peu plus. Par exemple, avec les caribous, certains problèmes sont attribuables au fait que leur reproduction est léthargique, comparée à celle des autres animaux, lorsque les loups s’en prennent à eux et réduisent considérablement leur nombre. Alors lorsque nous parlons de la surveillance des seuils, parlons-nous également de limiter la chasse si les choses commencent à... Il pourrait s’agir d’une utilisation de la technologie, là où autrefois on ignorait même probablement que la population diminuait. Voudrions-nous aussi limiter la chasse et la consommation chez les Premières Nations?
    Nous l’avons fait par le passé, au temps du commerce de la fourrure. Nous ne chassions pour la fourrure que dans certaines régions. Nous les laissions ensuite se repeupler en allant chasser ailleurs. Nous l’avons toujours fait.
    Excellent.
    J’ai une dernière question pour vous. Plusieurs collectivités autochtones se développent dans ma circonscription. Elles accueillent des compagnies pétrolières. Elles valent 100 millions de dollars. Qu’en est-il de ces collectivités qui choisissent d’exploiter ainsi leur territoire? Il ne peut certainement pas s’agir d’une violation de leurs droits conférés par des traités s’ils ont choisi eux même de l’exploiter, non?
    La Première Nation de Fort McKay envisageait cette possibilité. Il serait pertinent de leur demander de répondre à cela.
    Mais vous êtes d’accord avec le fait que la décision doit leur appartenir?
    Oui. Ils l’ont proposé il y a environ trois ans, je crois, avec Shell, et ils l’ont retiré de la demande, je ne suis pas sûre de ce qui s’est passé.
    Merci. Il me fera plaisir de faire un suivi plus tard. J’ai trois questions pour M. Bonnett.
    La semaine dernière, des témoins nous ont dit que la réglementation visant les propriétaires privés devrait être resserrée, particulièrement dans le cas des fermiers. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
    Je dirais aussi qu’une idée fausse a été avancée. En tant que propriétaire de terres agricoles, je sais qu’on dit souvent que les vieilles voies ferrées, qui traversent les champs et que les trains n’empruntent plus aujourd’hui, doivent absolument être conservées vu l’habitat qu’elles constituent. Mais en fait, ce que moi je sais de ces espaces, du moins en ce qui concerne ma région, c’est qu’ils ont été gravement contaminés par le passé et qu’ils n’ont absolument aucune utilité agricole. Êtes-vous d’accord avec cela?
    Quelle est votre opinion au sujet du resserrement de la réglementation concernant les producteurs agricoles et de la réaction que cela susciterait de leur part?

  (1025)  

    Tout d’abord, les agriculteurs sont habituellement un peu réfractaires aux nouvelles réglementations.
    Je peux comprendre l’usage de la réglementation comme dernier recours, mais elle ne doit pas être considérée comme première solution. La première solution devrait consister à déterminer avec précision ce qui doit être protégé et ce qui doit être fait à cet effet, puis à essayer de concevoir des programmes de mise en oeuvre. C’est là que se créent les partenariats. Certaines de nos plus belles réussites ont eu lieu lorsque les gens se sont tournés vers le plan environnemental de la ferme. Ils ont déterminé ce qui était nécessaire et ont utilisé des incitatifs gouvernementaux pour arriver à leurs fins. Beaucoup plus de changements se sont produits ainsi que par le biais de réglementations.
    Je me souviens qu’il y a plusieurs années nous travaillions en Ontario — c’était à l’époque où j’étais président de la fédération ontarienne — et que nous parlions à une agente de la faune. Elle disait que, selon la loi, les terres agricoles doivent s’arrêter à 30 mètres des cours d’eau. Elle disait que le gouvernement pourrait avoir recours à la réglementation pour que ce soit respecté, mais qu’en travaillant avec les fermiers, elle avait réalisé qu’il était mieux d’obtenir un dégagement réel de 10 mètres qu’un dégagement théorique de 30 mètres. Je crois que c’est le genre d’idée dont il faut s’inspirer: quel sera le résultat et comment allons-nous y arriver?
    Merci, monsieur Storseth.
    Nous allons maintenant passer à M. Toet pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui sont ici aujourd’hui. Nous apprenons beaucoup de choses.
    J’aimerais d’abord faire une brève remarque à M. Innes. Comme M. Pilon, je suis moi aussi très passionné par les milieux humides et leur besoin de réhabilitation. Je suis convaincu que vous êtes ravi — j’imagine que vous êtes au courant — du travail que certains exploitants des sables bitumineux réalisent avec le Olds College en ce qui a trait à la réhabilitation des milieux humides, à la bonne façon de faire et au rôle de ceux-ci. J’ai trouvé très intéressant que vous abordiez ce sujet. Lorsque le comité s’est rendu au Olds College, j’étais très heureux de voir leurs travaux et de savoir qu’ils travaillent aussi très étroitement avec l’industrie pour s’assurer que la réhabilitation des milieux humides se fait dans les règles, car cela doit être fait.
    Je voudrais m’adresser à M. Bonnett rapidement. Vous avez parlé d’utiliser des terres agricoles, qui sont d’importants habitats. C’est quelque chose que je vois chaque jour chez nous. Il y a des boisés sur mon terrain, mais de l’autre côté de la route, il y a un champ qui appartient à un fermier. J’y vois très souvent des cerfs, des oies et des canards, et même les coyotes et les loups s’en servent comme terrains de chasse naturels. Ils habitent les boisés, mais ils s’y nourrissent également.
    Est-ce que les fermiers favorisent ce genre de choses sur leur exploitation? Sont-ils portés à contribuer ou cherchent-ils plutôt à freiner ces initiatives?
    Il n’y a pas de réponse claire à cela. Je crois que la majorité des fermiers aiment voir des animaux sauvages interagir avec leur environnement. Je crois que le vrai problème se pose lorsqu’on franchit un certain seuil sur le plan économique et que les gens commencent à perdre beaucoup d’argent.
    On voit notamment des fermiers qui commencent à chercher des façons de limiter ce phénomène. Richard a parlé des voies d’eau gazonnées. Elles créent un habitat et n’entraînent presque pas de pertes. En fait, à long terme, vu la possibilité d’utiliser l’équipement avec plus d’efficacité, il y aurait même moyen de réaliser un gain financier net.
    Sur notre ferme, j’ai clôturé une bonne partie du cours d’eau, et l’été on voit des oies, des canards et des castors s’y baigner. En créant cet espace, j’ai obtenu une source d’eau où je peux puiser pour abreuver mon bétail en cas de saison sèche.
    Je crois que la réponse la plus simple est que les fermiers aiment voir des habitats d’animaux sauvages, mais qu’ils ont parfois besoin d’être aidés par des programmes pour ne pas subir d’importantes pertes économiques.
    C’est donc encore une fois une question d’équilibre.
    Cela nous ramène en effet à la grande question de l’équilibre.
    Monsieur Phillips, dans votre exemple, vous nous avez montré qu’environ 11 p. 100 des terres de ce secteur en particulier sont protégées par les fermiers. J’ai l’impression que c’est quelque chose que nous voyons de plus en plus et que les fermiers y travaillent réellement. Vous m’avez aussi donné l’impression qu’ils préfèrent céder quelques grandes zones plutôt que beaucoup de petites.
    Est-ce que les fermiers collaborent également pour que ces zones se rejoignent afin que nous puissions réhabiliter les terres et raviver certains milieux humides, surtout dans nos prairies où cette éponge naturelle nous serait utile pour que dans des endroits comme celui d’où je viens, au Manitoba, on n’ait pas de gros problèmes d’inondations chaque année?

  (1030)  

    En général, je ne pense pas qu'il y a tant de coopération. Si vous regardez la carte ici, vous verrez, par exemple, ce petit secteur de terres arables, là, en haut à droite. Si vous voulez cultiver le grand champ de ce côté, comment pourrez-vous l'atteindre? Allez-vous déboiser pour vous frayer un chemin? Simplement pour accéder à cette petite parcelle? Allez-vous demander à un voisin de cultiver votre champ? Est-ce que les services de diversification d'occupation des sols s'appliqueraient dans un cas comme celui-ci? Peut-être que le propriétaire pourrait louer cette petite parcelle au public et la laisser tranquille et arrêter d'essayer de traverser toutes ces parties pour faire tout ça.
    Quand je dis que les agriculteurs sont heureux de mettre des terres de côté, c'est à condition que nous puissions continuer à utiliser nos machines et nos fermes avec efficience. Je pense que nous sommes contents qu'une partie de ces terres soit mise de côté. C'est ce que j'essayais de vous faire comprendre.
    Mais les gens sont ouverts à ça et prêts à le faire. Peut-être pas tout de suite, mais comme ils sont d'accord pour mettre cette terre de côté et pour le faire en toute coopération, comme vous le dites, cela aura beaucoup d'effet à l'avenir, pour l'intérêt du public en quelque sorte.
    Oui. Si l'on pouvait inciter les voisins à coopérer à quelque chose comme ça pour se rendre jusqu'aux terres; on disposerait alors d'un corridor pour les animaux sauvages, de part et d'autre, plutôt que de se retrouver avec un territoire déboisé par un exploitant tandis que son voisin est le seul à avoir un bout de forêt.
    Merci, monsieur Phillips.
    Merci, monsieur Toet.
    Passons maintenant à Mme Duncan pour cinq minutes.
    Merci.
    Madame Woodley, j'ai une autre question à vous poser. Je me concentre sur la preuve, parce que je crois que nous devrons prendre cette décision en nous fondant sur des données probantes.
    Une disposition importante de la LEP a trait à ce qu'on appelle un filet de sécurité, c'est-à-dire que le ministre doit recommander au gouverneur en conseil d'ordonner un filet de sécurité si le ministre pense qu'une espèce qui vit sur des terres publiques de sa province n'est pas adéquatement protégée. Selon vous dans quelle mesure cette disposition de la LEP a-t-elle réussi à protéger les habitats sur les terres provinciales? Je sais que vous hésitiez beaucoup à me donner des chiffres la dernière fois, mais pourriez-vous nous donner une petite idée?
    Je pense que cette disposition est importante. Le filet de sécurité est important parce qu'il met une limite à la mosaïque réglementaire sur les espèces en voie de disparition que nous avons dans les provinces et les territoires. Il permet au gouvernement fédéral d'agir lorsque la province ne protège pas adéquatement certaines espèces. Étant donné les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de protection des espèces en péril, je pense que cette disposition de la loi est adéquate et importante.
    Je ne peux pas vous répondre tout de suite en invoquant un article évalué par les pairs qui présenterait des preuves là-dessus. Mais il est clair que cette disposition est importante. Elle a, par exemple, incité les provinces à adopter leurs propres lois. Sachant que le gouvernement fédéral a ce pouvoir et qu'il peut réellement agir, certaines provinces ont resserré leur réglementation depuis que cette loi est en vigueur. Je suppose que ce type de mesures incite les provinces à agir et à resserrer leurs lois.
    Désirez-vous présenter une recommandation précise à ce propos aux membres de ce comité?
    Il est clair qu'il faut maintenir cette disposition dans le cadre de la Loi fédérale sur les espèces en péril.
    Merci.
    Madame King, que désirez-vous demander à ce comité? Vous avez dit très clairement que nous devons participer à cette prise de décision. Voudriez-vous que nous ajoutions quelque chose dans notre rapport pour faciliter votre initiative?
    On devrait mieux comprendre le rôle que joue la province. En Alberta, nous ne sentons pas la présence du gouvernement fédéral et l'on peut se demander comment la loi sera appliquée. Comment la province de l'Alberta va-t-elle coopérer? Est-ce qu'elle va coopérer?

  (1035)  

    Avez-vous les ressources nécessaires pour faire les recherches qui vous permettront de participer aux débats?
    Certainement pas, nous n'avons pas les ressources. Nous avons à peine assez de moyens pour suivre le développement qui se fait sur nos terres.
    Ma question s'adresse à M. Innes ou à Mme King. Quelle recommandation présenteriez-vous à ce comité au sujet des ressources qu'il vous faut pour appuyer votre travail?
    L'objectif premier de l'ACFN est de développer les terres traditionnelles que nous vous avons décrites et d'élaborer un plan de gestion des ressources que nous considérons comme le fondement à partir duquel fixer des seuils pour protéger nos droits issus de traités et nos moyens de subsistance. Il nous permettra aussi de créer un cadre important pour que les gouvernements fédéral et provinciaux, l'industrie et les promoteurs de la région puissent consulter plus efficacement l'ACFN et les autres communautés autochtones sur un plan stratégique plutôt que transactionnel.
    À l'heure actuelle, nous risquons de mourir à petit feu. On se demande ce que va donner tel ou tel projet de développement. Et rien ne s'insère dans un cadre. Peut-être que pour nous, le plus important est de tenir cette consultation, d'avoir ces plans et ces programmes et d'en discuter d'un point de vue écologique et pour faire en sorte qu'ils respectent les droits de chacun et s'insèrent dans un cadre qui produise des résultats mesurables par rapport à des seuils et à des références établis. C'est ce qui manque dans notre pays.
    Merci, monsieur Innes, et merci, madame Duncan.
    Il nous reste un tour et demi de table ou un tour trois quarts. Je crois que M. Sopuck et M. Lunney voudraient s'exprimer, alors si vous voulez partager le temps que vous avez, je vous laisse décider.
    Monsieur Sopuck, je vous passe la parole.
    Madame Woodley, en ce qui concerne la forêt boréale, je crois qu'il est important que nous citions quelques chiffres. Ce comité ne se penche pas spécifiquement sur les sables bitumineux, mais il semble que ce thème revienne constamment. La région des sables bitumineux couvre une superficie d'environ 147 000 kilomètres au Canada. Jusqu'à présent, on en exploite 600 à 700 kilomètres carrés, ce qui ne représente qu'une très petite section des sables bitumineux, et sur ces 600 à 700 kilomètres carrés, 60 environ ont été remis en état. Alors, c'est un processus continuel d'exploitation minière et de remise en état. Sans mentionner la qualité des terres remises en état qui, je vous dirai, comprend un élément écologique solide — mais laissons cela de côté pour le moment.
    Si l'on regarde le développement hydroélectrique de la forêt boréale, par exemple, au Québec, on a inondé 23 000 kilomètres carrés de forêt boréale. Au Manitoba, ma province natale, on a inondé 8 000 kilomètres carrés et en Ontario environ 7 000 kilomètres carrés. N'oublions pas que la forêt boréale inondée pour un développement hydro ne reviendra jamais, mais jamais à son état naturel, alors que dans le cas des sables bitumineux on a exploité une région extrêmement minuscule, à laquelle on applique un processus constant de remise en état.
    Ne pensez-vous pas que, par rapport à la forêt boréale qui s'étend, je crois, sur 10 millions de kilomètres carrés, la région des sables bitumineux constitue une section très, très petite de notre territoire national?
    Je vais demander à mes collègues, eux qui vivent là-bas, de répondre à vos commentaires sur l'impact écologique des sables bitumineux. Je crois qu'ils comprennent mieux que personne ces graves impacts. Ils ont déjà exposé leurs préoccupations et leurs recommandations aujourd'hui.
    Bon, juste avant cela, je vais vous poser une autre question. Dans l'Entente sur la forêt boréale canadienne, est-ce que les groupes là-bas reconnaissent l'impact du développement hydrologique sur la forêt boréale canadienne?
    Tout à fait. La forêt boréale subit des myriades de pressions de multiples secteurs. En examinant les impacts que subit la forêt boréale, il est important d'examiner toutes ces pressions et de vraiment faire tout notre possible pour la protéger. Nous devons examiner tous ces impacts et pas uniquement un d'entre eux.
    Je voudrais maintenant poser une question à M. Phillips. Je vais changer complètement de sujet pour me pencher sur le paysage agricole privé.
    Comme l'utilisation des terres agricoles privées dépend des marchés mondiaux, quelles tendances voyez-vous dans les marchés mondiaux pour les grains en particulier? Quel effet les tendances des prix du grain partout au monde et la demande de céréales auront-elles sur les activités de conservation de l'habitat dans le domaine agricole privé?

  (1040)  

    Ils vont exercer beaucoup de pression; quand les prix du grain sont élevés, les agriculteurs poussent leur exploitation agricole au maximum.
    Je devrais peut-être soulever une autre chose maintenant. Un grand nombre d'agriculteurs ont pris leur retraite et loué leurs terres, alors on a moins d'agriculteurs, beaucoup de jeunes agriculteurs, et de plus en plus d'acres cultivés à l'aide de grosses machines. Ce sont des gars qui arrivent et qui veulent cultiver au minimum un mile tout droit en avant et tout droit en arrière, et cela force le propriétaire à déblayer sa terre s'il veut maximiser ses revenus de location. C'est ce que je voulais dire quand j'ai dit que nous devrons trouver des moyens de faire déménager les habitats vers les abords des terres où l'activité commerciale ne les dérangera pas, sinon ils seront détruits et on ne les verra plus.
    Juste une petite correction à apporter, monsieur Phillips. Tous les agriculteurs ne sont pas des gars.
    Des voix: Oh, oh!
    Oui, excusez-moi, vous avez raison.
    Dans ma circonscription en tout cas. Mais nous parlerons de ça une autre fois.
    Comme le développement de l'agronomie a créé des souches comme les OGM par exemple, qui nous permettront de produire des récoltes toujours plus abondantes sur des parcelles toujours plus petites, ne pensez-vous pas que cela atténuera les risques, autrement dit que si nous planifions bien les choses, grâce à la technologie moderne les producteurs cultiveront leurs meilleures terres encore mieux et peut-être permettront de laisser plus de terres « risquées » et marginales aux habitats?
    Je dirais qu'on se concentrera d'abord sur les bonnes terres. On ne s'enrichira jamais en cultivant un sol pauvre. On met toujours les terres marginales de côté avant les autres pour les activités de conservation. Dans n'importe quel programme qui encourage à mettre des terres de côté pour ces projets de conservation, c'est toujours les terres marginales qui s'en vont, et ensuite on se concentre sur les bonnes terres.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Sopuck et monsieur Phillips.
    Entamons donc notre dernière ronde avec Mme Leslie pour environ quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Woodley, vous nous avez parlé de terres protégées. Je ne me souviens pas si vous avez dit qu'elles étaient trop isolées. Comment avez-vous appelé cela? Je crois que ma question porte sur la segmentation, la segmentation d'habitats, et en reprenant ce que M. Toet disait au contraire sur « l'interconnectivité ». Comment peut-on vraiment relier toutes ces terres?
    J'ai admiré ce qu'on nous a dit au sujet des efforts que font les agriculteurs pour préserver certaines terres, mais en réalité quand on regarde la carte, on voit un segment ici et un segment là. Je me demande si CPAWS a présenté des recommandations à ce propos: comment allons-nous régler ce problème? Comment allons-nous mieux les relier? Quand on regarde surtout les terres privées et autochtones et les terres publiques, comment décider sur la carte quelles terres on va conserver, pourquoi et comment et ainsi prévenir la segmentation de l'habitat?
    C'est pour cela que la planification de l'utilisation des terres est vraiment critique, selon moi. C'est une planification à l'échelle du paysage, qu'il s'agisse de planification officielle de l'utilisation des terres ou de planification pour la conservation, elle se fait à l'échelle des paysages. J'ai mentionné que la plupart de nos zones protégées sont des îles isolées, et cela pose un problème. Nous avons besoin de zones protégées, mais il faut qu'elles soient reliées entre elles.
    En lançant une initiative de planification à l'échelle des paysages, qu'il s'agisse de planification de l'utilisation des terres ou d'autres mécanismes, nous pouvons commencer à regarder où se trouvent les zones principales à protéger en examinant le mappage effectué sur les zones de grande valeur au plan de la conservation, puis décider de la façon de gérer le paysage qui se trouve entre elles pour que les espèces qui ont besoin de se déplacer puissent le faire. Cela ne signifie pas qu'il y ait nécessairement... Cela pourrait dire qu'il y a un corridor protégé. Cela pourrait dire que le paysage est géré de façon à ce que la faune puisse y entrer afin que les animaux sauvages puissent se déplacer à travers des corridors riverains entre les zones protégées.
    En fait, j'aime l'idée de coopération entre les propriétaires privés de terres pour qu'on puisse examiner les choses à l'échelle des paysages, prendre les petites terres de chacun et travailler ensemble le mieux possible. C'est vraiment ce que nous essayons de dire: que toutes les parties travaillent ensemble.
    Alors qui fait cela? Quand je pense à la planification de l'utilisation des terres, j'en reviens toujours aux municipalités. Qui va les coordonner?
    Eh bien, cela dépend où. Par exemple, dans les Territoires du Nord-Ouest, les Premières Nations Dehcho et le gouvernement fédéral ont établi des plans d'utilisation des terres très impressionnants. Ils sont encore en cours d'élaboration et il faudra les approuver, mais on a accompli un travail énorme. Dans la région des Dehcho, la planification de l'utilisation des terres inclut les principales zones protégées, et l'on veille à ce qu'elles soient reliées entre elles et à ce que le paysage soit géré de façon durable. Les Innus ont dirigé un processus semblable au Labrador.
    Dans le sud du Canada, ceci relève avant tout des municipalités et peut-être aussi des autorités chargées de la conservation dans le sud de l'Ontario. Je ne connais pas bien ce paysage privé parce que je ne travaille pas beaucoup dans ce domaine, mais dans les gouvernements provinciaux, la planification de l'utilisation des terres... l'Ontario s'est engagé, par l'initiative de planification du Grand Nord, à protéger au moins la moitié du Grand Nord en planifiant l'utilisation des terres, en effectuant la planification de l'utilisation des terres dirigée par les communautés indigènes.

  (1045)  

    S'il n'en tenait qu'à vous, est-ce que cela s'organiserait par écosystème distinct, ou par...?
    D'un point de vue environnemental, une démarche éco-régionale serait très logique. Il faudra les tisser à différents niveaux. Un plan municipal doit s'insérer dans un plan régional et monter toujours plus haut. Vous pouvez aussi établir plusieurs niveaux de connectivité. Au niveau municipal, vous pourriez parler de ces zones riveraines et veiller à établir des corridors à ce niveau. Du point de vue régional, il faudrait un point de vue plus vaste et établir une démarche de gestion des paysages. Cela dépend vraiment du niveau auquel vous pensez.
    Merci beaucoup, madame Woodley et madame Leslie.
    Nos deux heures se sont écoulées.
    Je tiens à remercier nos témoins de nous avoir consacré cette journée et des efforts qu'ils font pour la conservation des habitats et de l'aide qu'ils ont apportée à l'étude que mène ce comité.
    La séance est levée.
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