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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 039 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 14 décembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la sécurité énergétique au Canada.
    Nous traitons aujourd'hui de la partie de la motion que nous avons adoptée visant à donner un cadre à cette étude. Au programme: les incidences régionales de l'exploitation pétrolière et gazière.
    Nous entendrons aujourd'hui deux groupes de témoins.
    Le premier groupe comprend Eric Alexander Ferguson, commissaire et chef de la direction de la BC Oil and Gas Commission. Bienvenue, monsieur Ferguson.
    Il y a aussi, par vidéoconférence, deux représentants de l'Alberta's Industrial Heartland Association: Neil Shelly, directeur exécutif, et Jana Tolmie-Thompson, agente de développement économique, qui sont à Edmonton, en Alberta. Bienvenue à tous les deux. La région dont vous allez nous parler aujourd'hui couvre en partie la circonscription que je représente; je suis donc particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui.
    Sans plus tarder, passons aux exposés dans l'ordre prévu à l'ordre du jour.
    Monsieur Alexander, vous avez la parole pour un maximum de sept minutes.
    Bonjour, je me nomme Alex Ferguson, commissaire et premier dirigeant de la BC Oil and Gas Commission.
    Certains témoins entendus par le Comité jusqu’à maintenant ont fait ressortir dans leurs mémoires le fait que le gaz non classique, plus particulièrement le gaz de schiste, transforme le paysage énergétique du Canada et cela n’est nulle part ailleurs aussi évident qu’en Colombie-Britannique.
    Dans le présent mémoire, je vous entretiendrai du rôle de notre organisme de réglementation en Colombie-Britannique, de l’ampleur des ressources de gaz naturel de la province et de notre vision de l’avenir.
    L’exploration et la production du gaz naturel sont devenues un volet essentiel de l’économie de la Colombie-Britannique et, de la sorte, sa mise en valeur sécuritaire et responsable est désormais une priorité pour les intervenants et les citoyens. Cette ressource est abondante sur notre territoire et les progrès accomplis dans les technologies de forage horizontal ont permis de parvenir à une plus grande efficacité au niveau de la récupération. Toutefois, disposer de riches gisements de gaz naturel n’était pas, en soi, suffisant pour faire de la Colombie-Britannique une province de premier plan pour la mise en valeur de cette ressource; c’est plutôt la compétitivité des redevances, une structure réglementaire progressiste et la priorité accordée à l’intendance environnementale et sociale qui ont fait de nous les meneurs d’aujourd’hui.
    Notre organisme est une société d'État née en 1998 par la promulgation d'une loi provinciale. Notre siège social est à Fort St. John, l'épicentre de l'exploitation pétrolière et gazière de la province. Nous avons aussi un bureau de direction à Victoria et des bureaux satellites à Fort Nelson et Dawson Creek. Nous sommes une agence de réglementation indépendant dont les responsabilités sont de superviser l’exploitation du pétrole et du gaz en Colombie-Britannique, soit l’exploration, la mise en valeur et le transport par pipelines jusqu'à la remise en état des terres. Bref, nous agissons comme un guichet unique pour la réglementation du secteur.
    Essentiellement, cela signifie qu'il y a une séparation entre les politiques gouvernementales et le secteur de la réglementation. Le gouvernement provincial vend le mode d’occupation du sol, qui donne aux entreprises le droit d'exploiter les ressources, et élabore les politiques, tandis que la Commission assume les responsabilités de réglementation, soit l'application des politiques. Notre conception en guichet unique non seulement rassemble toutes les exigences de l’industrie, mais autorise un processus décisionnel plus coordonné, plus réceptif, éclairé par toute une gamme d’intérêts, notamment les préoccupations touchant l’environnement, les Premières nations et le public.
    Le rôle fondamental de la Commission en tant qu'agence de réglementation comprend l’examen et l’évaluation des demandes d’activité de l’industrie, la consultation avec les Premières nations pour chaque demande, la coopération avec les agences partenaires et les mesures visant à garantir que l’industrie respecte les lois. Nous ne travaillons pas en vase clos. En effet, l'interprétation des politiques exige énormément d'interactions avec diverses agences gouvernementales. L’intérêt du public est protégé grâce aux objectifs établis: assurer la sécurité du public — ce qui est primordial pour nous —, protéger l’environnement, garantir la conservation des ressources pétrolières et veiller à une participation équitable de tous les intervenants dans la production.
    Comme je l'ai dit, nous sommes une société d’État financée par les droits d’examen des demandes et les cotisations sur la production. Notre seul actionnaire est la Province de la Colombie- Britannique et notre organe de régie est un conseil d’administration dont les membres sont nommés par le Cabinet. L’autorité décisionnelle en matière réglementaire est dévolue au commissaire — c'est-à-dire à moi, en l'occurence. J'occupe également le poste de directeur général de la société d'État chargé des opérations.
    Le pouvoir décisionnel est sous-délégué — j'ai le pouvoir de déléguer des pouvoirs — à trois divisions opérationnelles dirigées par des sous-commissaires: Évaluation de projet et garantie de la conformité; Ingénierie, une de nos grandes forces; et Affaires réglementaires et intendance. Évidemment, ces divisions bénéficient de l’appui de divers services administratifs.
    Les réserves de gaz naturel de la Colombie-Britannique sont importantes et ne cessent d’augmenter. Compte tenu du prix du gaz naturel par les temps qui courent, essayer de déterminer à quoi la ressource va servir exactement nous donne quelques maux de tête. Cela dit, il s'agit d'une occasion à saisir pour la Colombie-Britannique, puisque les réserves augmentent depuis neuf années de suite. C'est l'un des seuls territoires où les stocks de gaz naturel augmentent constamment d'année en année, depuis avant la découverte des sources non conventionnelles jusqu'à aujourd'hui.

  (1110)  

    Nous comptons certainement sur les bassins de gaz naturel les plus abondants et les plus définis au Canada. Ces bassins rivalisent avec ceux des États-Unis: le bassin Horn River est l'un des plus notables, sans oublier le Montney dans la partie sud de la Peace, l’enfoncement Cordova et le bassin Liard. Ce sont des bassins de gaz naturel ou de gaz de schiste de catégorie mondiale qui ne demandent qu'à être exploités.
    Selon des relevés estimatifs, le bassin Horn River pourrait contenir entre 500 et 1 000 billions de pieds cubes. Pour mettre ce volume en perspective, il suffit de mentionner que la Colombie- Britannique produit actuellement environ un billion de pieds cubes par an. Comme un seul de ces bassins contient plus de 1 000 billions de pieds cubes, c'est clairement une chance inestimable qui s'offre à nous. Ces quantités s’ajoutent évidemment à environ 90 billions de pieds cubes de réserves avérées restantes en tant que ressources de gaz naturel non classiques, soit celles qui peuvent être extraites avec les technologies actuelles.
    Les ventes de terrains pour le pétrole et le gaz naturel sont un indicateur clé des investissements de l’industrie en Colombie-Britannique. L’année 2008 a été une année record, générant plus de 2 milliards de dollars de ventes; on a atteint en 2009 893 millions de dollars et on prévoit pour 2010 dépasser le montant établi en 2009. En juin dernier avait lieu la cinquième vente la plus élevée de l’histoire de la province, à plus de 400 millions de dollars. Ce sont là des recettes directes pour l'État. Les redevances, d’après les prévisions, devraient augmenter de 1,25 milliard de dollars en raison de la production de gaz naturel entre 2009 et 2013 et cette tendance, d’après les prévisions, se poursuivrait à long terme.
    La Commission est un chef de file reconnu en matière de réglementation. Nous collaborons avec d'autres territoires de compétences, notamment l'Alberta, notre province voisine. Notre expérience a été mise à profit par d’autres compétences où l’intérêt pour le gaz non classique augmente, comme le Québec, le Canada Atlantique et même, tout récemment, la Pologne. La Commission fait également partie de l’Interstate Oil and Gas Compact Commission, agence américaine réunissant les organismes de réglementation dans le but de partager les pratiques exemplaires. Nous entretenons des liens depuis longtemps avec tous les territoires de compétences de l'Amérique du Nord pour ce qui est de la compréhension des pressions de réglementation.
    La Commission a conclu un certain nombre d’accords et de protocoles d’entente avec différents organismes de réglementation de la province. C'est notre façon d'interpréter correctement les politiques et les textes législatifs. Ces accords vont dans le sens des pouvoirs de la Commission concernant le maintien des valeurs associées aux mandats des organismes partenaires. Nous nous adaptons à leurs directives et politiques.
    Les employés de la Commission veillent à ce que les ressources soient récupérées de la façon la plus sûre et la plus efficace possible et que le passif généré par ces activités soit assumé par les exploitants. À ce titre, la Commission interagit périodiquement avec l’industrie, les Premières nations, les propriétaires fonciers, le public, les autres organismes gouvernementaux, et bien sûr les sociétés d’État homologues dans d’autres provinces ou territoires.
    Le passage au gaz non classique en Colombie-Britannique a été prévu dans le cadre de réglementation de la province. La nouvelle loi intitulée Oil and Gas Activities Act est entrée en vigueur le 4 octobre 2010. Cette loi rend compte d’une réorientation vers l’avenir des activités pétrolières et gazières en Colombie-Britannique. L'objectif est de faire en sorte que nous ayons la capacité d'intégrer les progrès technologiques, de satisfaire l’intérêt pour les réserves de gaz non classique et les attentes sociales et environnementales — nous avons établi la norme en matière de réponse aux préoccupations des propriétaires fonciers et du grand public — et d'avoir la souplesse nécessaire pour pousser l’industrie vers l’avant.
    Ce cadre législatif est le fruit de consultations exhaustives menées sur une période de quatre ans auprès des Premières nations, des groupes environnementaux et de l’industrie. Nous sommes d'avis que nous avons ainsi établi des mesures législatives améliorés et simplifiés reflétant les besoins des gens, de l’environnement, de l’industrie et du gouvernement.
    Et qu'est-ce que cela donne sur le terrain? Nous n'exploitons pas ces ressources depuis très longtemps, mais la Colombie-Britannique est déjà l'une des principales productrices de gaz de schiste du Canada. En 2009-2010, on a foré 557 puits, ce qui n'est pas énorme, mais nous n'en sommes qu'aux premières étapes.
     On a construit environ 1 100 kilomètres de pipelines en Colombie-Britannique pendant la même période.

  (1115)  

    Dans la même période, la Commission a délivré quelque 2 700 approbations pour divers aspects de l'exploitation pétrolière et gazière dans la province et procédé à 4 300 inspections de sites.
    En terminant, j'aimerais insister sur le fait que notre succès dans l'exploitation de cette ressource dépend de quatre éléments clés. Le premier, c'est la ressource elle-même. Nos réserves de gaz de schiste sont bien réelles et elles sont de calibre mondial. Le deuxième, c'est un cadre réglementaire efficace et efficient, que nous commençons lentement mais sûrement à appliquer. Le troisième élément est un climat fiscal et politique concurrentiel, ce qui dépasse le mandat d'un organisme de réglementation comme le nôtre, mais je crois que notre province est en très bonne position sur ce plan. Et évidemment, le quatrième élément, c'est une exécution parfaite sur toute la ligne.
    Nous croyons que nous sommes en bonne voie d'établir un cadre responsable et de catégorie mondiale pour l'exploitation des gaz de schiste.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Ferguson, pour votre exposé.
    Je laisse maintenant la parole aux représentants de l'Alberta's Industrial Heartland Association, M. Shelly et Mme Tolmie-Thompson. Allez-y, vous avez jusqu'à sept minutes vous aussi.
    Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité.
    Nous aimerions vous parler aujourd'hui d'un aspect très important de l'exploitation des ressources naturelles, c'est-à-dire la valorisation. Au Canada, nous disposons de ressources naturelles exceptionnelles, mais la tendance est à l'exportation de nos ressources en format brut, ce qui fait rater au Canada des occasions économiques.
    Mme Thompson va vous présenter un survol de ce qui se passe dans le domaine et j'enchaînerai avec quelques données pertinentes sur ce à quoi on peut s'attendre pour l'avenir.
    Je voulais vous donner un bref aperçu de l'Alberta's Industrial Heartland Association et de sa mise sur pied. Nous avons été incorporés en mai 1998 et avons commencé nos opérations en janvier 1999. Il faut noter qu'avant cette date, entre 1993 et 1998, nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'industrie. En fait, la création de notre organisation est une initiative lancée par l'industrie, qui souhaitait que les municipalités établissent des lignes directrices et des règlements communs pour faciliter la vie des entreprises.
    Nous regroupons cinq municipalités. À l'époque, chacune possédait son propre plan de développement, d'infrastructure, etc. et ses propres règlements. C'était donc compliqué sur le plan réglementaire pour les entreprises présentes dans une municipalité, mais dont les pipelines étaient situés sur le territoire d'une autre municipalité. Faire en sorte que les entreprises locales se regroupent — et on parle de gros joueurs, comme Dow, Shell et Sherritt — et que les municipalités établissent des règles communes a eu un énorme impact.
    Je vous ai fait parvenir une carte, je ne sais pas si vous l'avez reçue, mais je vais présumer que vous l'avez. Cette carte montre un aperçu du secteur que nous représentons. Il s'agit d'une zone principalement industrielle de 582 kilomètres carrés, avec évidemment des secteurs protégés et des zones tampon.
    Il y a actuellement 48 industries dans le secteur, qui emploient plus de 7 500 personnes, à temps plein et à contrat. La majorité de ces emplois sont hautement spécialisés — gestionnaires, opérateurs, chercheurs, etc. Avec l'effet multiplicateur de un à quatre, c'est l'équivalent d'environ 30 000 emplois directs et indirects que ces industries créent, sans compter les ingénieurs responsables des PGE, les personnes chargées de l'entretien, les remplacements, etc.
    En fait de création d'emplois et de création de richesse, c'est primordial pour l'Alberta et, évidemment, pour la région d'Edmonton.
    Sur la carte, on peut également voir les 20 propriétés qui ont été achetées en 2003 et 2008. Suncor, Petro-Canada et les autres veulent bâtir leurs usines de valorisation. Nombre de ces projets sont actuellement en attente. On espère que quelque chose va se passer dans le dossier de l'achat des terres, parce qu'il y aurait la possibilité de créer encore 2 000 à 4 000 emplois de plus, sans compter ceux liés à la construction.
    Nous collaborons étroitement avec notre gouvernement provincial, avec les ministères de l'Énergie, des Finances et de l'Entreprise, de l'Environnement et des Relations intergouvernementales.
    Je laisse la parole à Neil.

  (1120)  

    Merci, Jana.
    Voilà qui vous donne un bon aperçu. Dans notre région se trouvent, en plus de Sarnia, certains des principaux centres de transformation d'hydrocarbures. L'exploitation des sables pétrolifères et son avenir au Canada alimentent beaucoup les discussions dernièrement, mais l'extraction de la ressource du sol n'est qu'une partie de l'équation.
    Le bitume extrait des sables pétrolifères est un des pétroles bruts les plus lourds du monde et, contrairement au pétrole conventionnel, il doit être valorisé pour être utilisé en raffinerie. Le procédé de valorisation transforme ce pétrole brut extrêmement lourd en ce qu'on appelle le « brut synthétique », dont les propriétés sont aussi bonnes, sinon meilleures, que celles du brut léger non sulfuré et qui peut être utilisé dans n'importe quelle raffinerie du monde. Les usines de valorisation coûtent très cher à faire fonctionner et entraînent d'énormes retombées économiques sur le plan de la construction et des emplois d'exploitation dans la région où elle sont bâties.
    Toutefois, la valorisation du bitume en brut synthétique n'est que la première étape du processus. La valorisation présente d'autres avantages qui ouvrent d'autres possibilités. Un des produits dérivés est très riche en matières premières utilisées par l'industrie pétrochimique.
    Nous nous sommes penchés sur ces possibilités et sur les façons de progresser dans la chaîne de valeur. Des études que nous avons menées, en collaboration avec le gouvernement de l'Alberta et avec l'appui du gouvernement fédéral, ont permis de cibler de nombreuses possibilités de transformer nos ressources brutes en produits mieux adaptés au marché de la consommation.
    Notre analyse a permis de conclure qu'au moins les deux tiers de la valeur des sables pétrolifères résident dans la transformation de la matière brute, et c'est la région où se fera cette transformation qui profitera le plus des retombées et de la diversité économiques qui en découleront.
    Cette tendance à l'exportation des matières brutes sans les transformer au Canada ressort clairement de l'étude de la situation du raffinage dans l'Ouest canadien. En 2000, l'Ouest canadien en tant que région était un exportateur net de produits raffinés. En 2008, c'était devenu un importateur net de produits raffinés. Une récente étude menée par le gouvernement de l'Alberta montre que, si nous n'augmentons pas notre capacité de transformation, l'Ouest canadien à lui seul pourrait devoir importer 200 000 barils de produits raffinés par jour pour répondre à ses besoins.
    Pendant que l'Ouest est en train de devenir ce qu'on considère comme une superpuissance de l'énergie, la tendance est à l'exportation de la matière brute et à laisser à quelqu'un d'autre le soin de la transformer et de la valoriser. Nous rachetons ensuite le produit fini. En plus de nous priver d'une possibilité économique, cette situation a entraîné des pénuries de carburant dans l'Ouest canadien. Cela semble se produire chaque année maintenant, au fur et à mesure que les chaînes d'approvisionnement s'étirent pour acheminer le diésel à nos fermes, nos mines et nos exploitations forestières.
    Comme nous l'avons dit, bien que le secteur de l'extraction semble être en pleine effervescence ces jours-ci, on ne peut en dire de même pour celui de la valorisation. Un rapport publié récemment par le Energy Resources Conservation Board de l'Alberta prédit que notre part du marché de la transformation du bitume passera de son niveau actuel, soit environ 64 p. 100, à environ 44 p. 100 d'ici 2020 si on ne fait rien. Cela signifie que la majorité de nos ressources seront exportées sous forme de brut et que d'autres pays jouiront des retombées et de la diversité économiques découlant de la transformation de nos matières premières en produits de consommation.
    L'exportation de ces matières entraîne un manque à gagner assez ahurissant. Selon les analyses que nous avons faites à partir de cinq projets auxquels on pourrait ou non donner le feu vert dans notre région, les retombées économiques se chiffrent à 40 milliards de dollars en investissements de capitaux, 50 000 années-personnes d'emplois dans le domaine de la construction, 10 000 années-personnes d'emplois dans le domaine de la conception technique et près d'un milliard de dollars en revenu d'impôt fédéral et provincial des sociétés.
    Un autre aspect dont il faut tenir compte, en plus des intérêts environnementaux associés à la valorisation, c'est que les caractéristiques géologiques de notre région se prêtent particulièrement bien à la capture et au stockage du carbone. Il y a même trois projets qui ont été lancés dans la région à cet égard, avec l'appui des gouvernements provincial et fédéral.
    En conjuguant la transformation du bitume et les projets de capture et de stockage du carbone, on peut réduire l'empreinte carbone associée à l'exploitation de nos sables pétrolifères à un niveau comparable à ce qui est considéré acceptable en Californie pour ce qui est de l'intensité des émissions. Quand on pense à la sécurité énergétique du Canada, en transformant nos matières premières ici et en utilisant les technologies de capture et stockage du carbone, on peut limiter les facteurs environnementaux et contribuer à établir un véritable programme dans ce domaine.
    Alors, qu'est-ce qui peut et devrait être fait? En fait, la situation est pour le moins complexe. Nous sommes en discussions avec le gouvernement provincial, mais nous croyons aussi que le fédéral doit en tenir compte dans ses politiques et procédures, parce qu'il s'agit d'un élément essentiel de la sécurité énergétique du Canada et de la maximisation des possibilités économiques.

  (1125)  

    Merci.
    Merci à vous deux pour vos exposés.
    Nous passons directement aux questions et observations, en commençant par monsieur Coderre, qui dispose d'un maximum de sept minutes.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    M. Ferguson, c'est très intéressant de vous recevoir, parce que le dossier des gaz de schiste fait couler beaucoup d'encre dans ma province, le Québec.
    Il faut évidemment respecter les champs de compétence. Vous représentez un organisme de réglementation provincial, et les ressources naturelles font partie des compétences des provinces. Néanmoins, je crois que le gouvernement fédéral pourrait avoir un rôle à jouer sur le plan de la surveillance.
    Je vais vous poser quelques questions pour bien comprendre comment tout cela fonctionne, car manifestement, ce qu'on entend depuis le début et chaque fois qu'il est question de l'exploitation des gaz de schiste et de la réglementation, c'est que la Colombie-Britannique est le modèle à suivre. J'aimerais en savoir plus.

[Français]

    Dans un premier temps, je veux savoir comment fonctionne votre organisme. Quand on parle de gaz de shale, on parle de percer des trous, évidemment, ce qui peut entraîner une situation par rapport à une population.
    Que prévoit votre organisme en matière de rapports entre les individus et l'industrie? Spécifiquement, quel est votre rôle? Vous avez parlé de protéger les individus et l'environnement, mais par rapport à l'individu, quel est votre rôle pour protéger la population?

[Traduction]

    Allez-y, M. Ferguson.
    Merci pour la question.
    Nous faisons évidemment la distinction entre les terres publiques et les terres privées, parce que nous permettons que certaines activités aient lieu sur des terres privées à certaines conditions, comme le droit d'entrée. Nous jouons un rôle important de médiation, qui est inscrit dans la loi depuis 12 ans, lors de notre mise sur pied, pour veiller à ce que les propriétaires fonciers soient traités correctement et équitablement, sur le plan de l'indemnisation ou des pratiques opérationnelles. Beaucoup de nos employés sont affectés dans le Nord, même si la population est loin d'être aussi importante qu'ailleurs, comme au Québec, par exemple.
    Nous consacrons une bonne partie de nos ressources aux communications avec les propriétaires des terres. De la qualité de vie dépendent pas mal les autres problèmes qui peuvent survenir, qu'ils soient liés ou non à la sécurité, alors nous nous préoccupons avant tout de ce qui affecte la qualité de vie. Il y a par exemple la poussière des routes causées par la circulation. Nous vérifions quelles normes de remise en état s'applique aux sites une fois qu'ils sont fermés. Il y a la construction...
    J'imagine que vous travaillez de près avec les organismes environnementaux, étant donné les problèmes liés à l'eau. Est-ce que la protection de l'eau et le reste fait partie de vos responsabilités, parce que tout cela est causé par...
    Il y a deux niveaux. En ce qui concerne l'eau en tant que telle, notre mandat nous vient du ministère de l'Environnement, qui nous donne le pouvoir de délivrer des permis d'utilisation de l'eau à court terme seulement, une année à la fois. Le ministère de l'Environnement régit les permis à plus long terme; ceux que nous délivrons sont habituellement de courte durée.
    Maintenant que l'industrie prend de l'ampleur, on commence à se demander comment concilier le mandat et les directives du ministère de l'Environnement avec l'accroissement prévu de nos activités et la demande accrue de permis d'utilisation de l'eau à court terme.
    Je crois comprendre que la situation au Québec est très différente, car le gaz de schiste se trouve dans la vallée du Saint-Laurent, où habitent les deux tiers de la population. Ce n'est donc pas la même chose qu'en Colombie-Britannique. Évidemment, vous devez collaborer avec les Premières nations. Comment percevez-vous votre rôle? Il ne repose pas uniquement sur la réglementation; il faut aussi appliquer les règlements et savoir s'adapter pour demeurer conforme à la réalité. Comment procédez-vous en Colombie-Britannique?

  (1130)  

    En ce qui concerne les Premières nations, nous avons des ententes contractuelles avec chaque bande du Nord-Est de la province. Ces ententes établissent les genres de demandes, les périodes de consultations, les exigences opérationnelles ainsi que nos façons d'interagir. Elles sont donc assez exhaustives et précises. En plus de cela, nous consacrons beaucoup de ressources à établir et maintenir de bonnes relations au-delà de nos relations contractuelles.
    Je crois que, peu importe le domaine, les ententes contractuelles sont aussi bonnes que les relations qui les sous-tendent. Nous veillons donc à faire preuve de diligence raisonnable pour que ceux qui sont mécontents du processus contractuel puissent se faire entendre et pour essayer d'améliorer les choses au besoin.
    Vous avez aussi dit que vous utilisiez la médiation et la résolution de différends. Avez-vous une sorte de mécanisme d'appel, ou est-ce que les décisions sont finales? Comment cela fonctionne-t-il?
    Nous avons plusieurs mécanismes d'appel. Nous nous efforçons d'avoir recours à la médiation et d'aborder de front les préoccupations des propriétaires fonciers relativement à l'industrie. Si cela ne fonctionne pas et que nous devons rendre une décision, l'intervenant a le droit d'interjeter appel auprès d'un nouveau tribunal d'appel créé en vertu de la nouvelle loi que j'ai mentionnée.
    Vous voyez-vous comme un organisme de surveillance indépendant? Une des choses qui nous préoccupent, c'est le respect des compétences provinciales. Le gouvernement du Canada a-t-il un rôle à jouer? La façon dont vous vous définissez est importante, puisque nous jouons un rôle dans l'évaluation environnementale. Peut-être que nous envisagerons un jour d'établir une sorte de stratégie nationale sans empiéter sur les champs de compétence, si le ministre de l'Alberta, par exemple, le souhaite. L'Ouest canadien y tient mordicus. Comment définissez-vous votre rôle de surveillance?
    En tant qu'organisme de réglementation, nous nous employons chaque jour à garder une certaine indépendance de l'organe législatif. Il est très important de maintenir un degré d'indépendance semblable à ce qui se fait que États-Unis. Nous avons une excellente relation de travail avec l'Office national de l'énergie, notamment pour la formation et pour l'intervention de première ligne, parce que nous avons plus de gens disponibles sur certains de ces sites dans la province. Notre indépendance nous permet de tisser ce genre de liens. Mais à la base, nous sommes un organisme de réglementation en amont sur le terrain, et nous essayons de garder notre indépendance dans cette optique.
    Merci, monsieur Ferguson.
    Merci, monsieur Coderre.
    Madame Brunelle, c'est à vous. Vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Ferguson.
    Je suis aussi du Québec, donc, évidemment, les préoccupations que j'ai sont traduites par la population et ressemblent beaucoup à celles de M. Coderre.
    À quelle distance des lieux de forage se trouvent les habitations, chez vous, en Colombie-Britannique? On sait qu'au Québec, c'est la vallée du Saint Laurent, qui est densément peuplée. Ce sont aussi des terres agricoles. La question de l'eau potable se pose. Chez vous, il me semble que c'est loin des lieux d'habitation. À quelle distance est-ce?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Il y a des exigences réglementaires. On parle de marge de reculement entre les puits et les habitations, dont la distance varie en fonction de la teneur en sulfure d'hydrogène du gaz. Ces exigences ont été établies d'après les résultats de longues analyses sur les questions de sécurité associées à chaque distance. Il y a aussi ce qu'on pourrait appeler la marge de reculement de commodité, qui n'est pas de nature réglementaire. Je crois que le puits situé le plus près d'une habitation à l'heure actuelle est à environ 300 mètres de distance. Les distances sont surtout fonction du bruit et de la lumière qui découlent du forage. C'est cela surtout qui détermine la distance, et non les questions de sécurité liées à la présence de sulfure d'hydrogène.

  (1135)  

[Français]

    Cela me semble quand même assez proche, 300 mètres, mais je comprends mieux la situation.
    Dans votre présentation, vous nous dites que la vente des terrains pour le pétrole et le gaz s'est beaucoup accrue. À qui ces terrains appartiennent-ils? Le sous-sol, la ressource, devrait normalement appartenir à la province. Les terrains sont-ils vendus aux propriétaires qui sont sur les lieux? À qui appartiennent les terrains?

[Traduction]

    Comme dans la plupart des régions du Canada, la Colombie-Britannique utilise un modèle de propriété partagée, ce qui signifie que les ressources minérales souterraines appartiennent à l'État. La vente du mode d'occupation du sol par le gouvernement consiste essentiellement à céder certains droits sur les ressources souterraines. Notre travail vise à faciliter l'accès en surface et l'extraction des ressources.
    Lorsqu'il est question de terres privées, les entreprises signent habituellement une convention de bail d'une certaine durée avec le propriétaire pour obtenir l'accès au terrain pour y creuser un puits, bâtir une route, installer un pipeline et ainsi de suite. Nous avons un processus distinct pour l'exécution et la gestion de ces baux, qui ressemble plutôt à une entente contractuelle entre le propriétaire foncier et l'exploitant.

[Français]

    La valeur de ce bail est-elle en fonction du marché, de la quantité de gaz? Est-ce que vous intervenez dans la relation entre le propriétaire du terrain et la compagnie?

[Traduction]

    Il n'est pas de mon ressort de faire de la médiation entre le détenteur du bail et l'entreprise pétrolière ou gazière pour ce qui est des litiges commerciaux. Je crois comprendre que l'approche est axée sur le libre marché. Les propriétaires fonciers — dans ma région du moins, et j'ai déjà habité dans ce coin-là — se rencontrent et partagent l'information sur la valeur des baux et les autres types d'indemnisation.
    Je sais que la Colombie-Britannique finance un bureau spécial dans le Nord-Est pour aider les propriétaires fonciers à obtenir des montants équitables dans ce genre de transactions, mais je ne crois pas que les montants soient vraiment liés à la valeur des ressources souterraines, mais plutôt à l'intérêt de l'entreprise à conclure une entente.

[Français]

    Vous nous dites que les membres de votre commission du pétrole et du gaz, la BC Oil and Gas Commission, sont nommés par le cabinet. Est-ce que le public est représenté à cette commission? Est-ce que la population y a un siège?

[Traduction]

    Comme pour tout bon modèle de gouvernance, j'ai tendance à croire que les nominations au Cabinet vont dans le sens de l'intérêt du public. La commission, comme tous les autres organismes de ce genre, a une responsabilité envers tous les intervenants du Canada, et non envers un actionnaire unique. Je pense que comprendre cela est un défi constant pour toute organisation qui fonctionne de cette façon.
    Le public a de nombreuses autres façons de prendre part au processus. Nous sommes principalement régis par une loi et tous ses règlements afférents, à propos desquels le public et les intervenants sont largement consultés. Nous avons aussi la capacité de former des comités consultatifs pour conseiller la commission au sujet de toute question d'intérêt public portant sur le fonctionnement de la commission, mais c'est la commission elle-même qui gère ses opérations avant tout, et non les décideurs.

[Français]

    Si je suis propriétaire d'un terrain, que j'ai signé un bail avec une compagnie, que je ne suis pas satisfaite pour différentes raisons et que j'ai des craintes, à qui puis-je m'adresser pour me plaindre?

[Traduction]

    En ce qui concerne les ententes contractuelles, la meilleure façon pour les propriétaires de faire valoir leurs droits est de s'adresser à un tribunal, car il s'agit d'une entente avec une tierce partie. S'il y a des différends entre l'entreprise et le propriétaire foncier, nous offrons des services de médiation, ce qui nous occupe beaucoup. S'il y a un bris d'entente qui nous cause un problème sur le plan réglementaire, nous tentons de le régler directement, mais si c'est lié au versement incorrect d'une indemnisation, par exemple, selon notre relation avec le propriétaire et l'exploitant, nous jouons alors un rôle de médiateur officieux. Nous avons donc une influence certaine sur l'industrie à cet égard.

  (1140)  

    Merci, madame Brunelle.
    Monsieur Shelly et madame Tolmie-Thompson, nous ne vous avons pas oubliés. Je suis sûr que quelqu'un aura des questions pour vous.
    Je laisse maintenant la parole à M. Cullen, et je crois qu'il brisera la glace en ce qui vous concerne.
    Allez-y, monsieur Cullen.
    J'allais commencer par poser quelques questions à M. Ferguson. Votre tour viendra, chers Albertains.
    M. Ferguson, à la toute fin de son exposé, M. Shelly nous a parlé de maximiser les possibilités économiques offertes par les ressources de l'Alberta. Est-ce que cela fait aussi partie du mandat de la B.C. Oil and Gas Commission? Dans la loi qui vous guide et qui régit la façon dont vous rédigez les baux et ce que vous approuvez et rejetez, y a-t-il quoi que ce soit qui vous donne le mandat de maximiser les possibilités économiques pour la Colombie-Britannique?
    À mon avis, c'est exprimé de manière floue et indirecte ayant trait à l'optimisation, étant donné tous les autres dossiers dont nous sommes saisis.
    J'imagine qu'il y a toujours des intérêts concurrents lorsqu'on siège à une commission.
    C'est exact.
    Je voudrais revenir à vos chiffres. Vous avez parlé de baux totalisant 2 milliards de dollars environ en 2008, c'est bien cela?
    De ventes de terrains.
    De ventes de terrains, donc, puis de 893 millions de dollars en 2009?
    C'est tout un écart. Est-ce simplement à cause des prix?
    Certainement, cette année, les bassins de gaz de schiste qui se trouvent là-haut ont suscité beaucoup d'intérêt. Je tiens à préciser que, maintenant, c'est le ministère de l'Énergie qui vend ces terres, non pas la commission.
    Certains conseils sont constitués de manière à ce que ceux qui y siègent représentent un certain point de vue. Ils représentent l'industrie et défendent ses intérêts. Cependant, la BC Oil and Gas Commission n'est pas constituée de cette manière. Vos membres sont nommés et sont censés représenter toutes les parties concernées, est-ce bien ça?
    Ce n'est pas...
    Je veux dire, aucun de vos membres ne dit « Je représente les Premières nations pour que, pendant nos réunions, nous défendions leurs intérêts », aucun de vos membres n'est chargé de veiller à la protection de l'environnement — rien de ce genre, c'est ça?
    Pas à ce que je sache, quoi qu'un des membres de la commission est un cadre à la retraite d'une entreprise de forage. Je ne sais pas s'il défend particulièrement les intérêts de l'industrie. En tout cas, je peux dire que je ne l'ai jamais vu mettre l'accent là-dessus.
    La Colombie-Britannique a-t-elle élaboré une stratégie de sécurité énergétique? Est-ce que cela a fait l'objet de discussions en Colombie-Britannique? Est-ce que l'élaboration d'une telle stratégie fait partie de votre mandat? Avez-vous un plan?
    À titre d'organisme de réglementation, non, nous n'avons pas de plan.
    Passons maintenant aux témoins de l'Alberta.
    M. Shelley, en passant, il s'agit d'une présentation très intéressante sur la valeur réelle du bitume au moment de son extraction des mines et la valeur ajoutée grâce à la valorisation du bitume.
    Revenons aux chiffres que vous avez présentés. Pour une production de deux millions de barils par jour, vous dites que le bitume extrait des mines engendre un PIB de 25 milliards de dollars tandis que le pétrole brut synthétique engendrerait le double de ce montant et les produits pétrochimiques, le triple. Est-ce exact? Ai-je bien compris?
    C'est exact.
    Une des différences entre le bitume et le pétrole brut synthétique est ce qu'on appelle l'écart entre le pétrole léger et le pétrole lourd. En réalité, cet écart fluctue beaucoup en fonction des facteurs du marché. Les chiffres que vous voyez remontent à environ 2008 et sont fondés sur les prix du marché. Depuis ce temps, l'écart a diminué, mais il est en train de s'accentuer de nouveau alors ces chiffres dépendent de facteurs du marché qui fluctuent. On a estimé que la production de pétrole brut synthétique générerait le double de celle du bitume en s'appuyant sur un écart de prix d'environ 50 p. 100 entre le pétrole lourd et le pétrole léger. En ce moment, l'écart de prix est d'environ 30 p. 100, alors c'est là où il faudrait en tenir compte.
    Le montant de 25 milliards de dollars généré par les produits pétrochimiques est fondé sur trois études que nous avons réalisées en collaboration avec le gouvernement de l'Alberta. Ce dernier voulait déterminer quelle serait l'avantage net de faire monter les sous-produits dans la chaîne de valeur. On a identifié plusieurs options, dont celle de miser sur les matières de base. Les consultants estiment que ces produits pétrochimiques généreraient 25 milliards de dollars par année.

  (1145)  

    Nous avons investi de l'argent des contribuables dans ces études, notamment celle dont vous avez parlée, qui avait été parrainée par les gouvernements provincial et fédéral. L'objectif de ces études était de voir s'il serait avantageux de valoriser le bitume. Or ces mêmes gouvernements semblent promouvoir l'exportation du bitume avant qu'il n'ait été valorisé, avant que cela soit avantageux pour les Albertains et les Canadiens.
    À première vue, il semble contradictoire que le gouvernement parraine des études qui font ressortir tous les profits que nous pourrions tirer de la valorisation du bitume et que, du même coup, le gouvernement dise que nous tenons tout de même à exporter le bitume brut.
    La carte présentée par Mme Tolmie-Thompson, montrant toutes les propriétés, date de ce que nous appelons l'époque de la ruée vers l'or dans notre région, quand nous étions avantagés à l'égard des coûts et que tous ces projets étaient au calendrier. Dû à un certain nombre de facteurs, notamment l'appréciation du dollar et l'inflation, beaucoup d'entreprises ont l'intention de s'installer aux États-Unis. Pour beaucoup de gens, il va presque de soi qu'il faudrait valoriser ces produits.
    La question est de savoir comment procéder à l'heure actuelle. Il faut trouver un équilibre et éviter d'effrayer ceux qui investissent dans l'extraction du bitume, tout en rendant le Canada plus compétitif. Nous avons participé à des missions d'établissement des faits en Louisiane et à Houston pour voir quelles mesures incitatives sont en place. Aux États-Unis, la déduction pour amortissement accéléré pour la valorisation en raffinerie leur accorde un avantage. Là-bas, beaucoup d'infrastructures sont considérées publiques, ce qui aide directement l'industrie.
    Comme je l'ai dit, j'aimerais qu'il existe une solution magique pour valoriser le bitume. Maintenant que nous avons établi la cible à atteindre, la prochaine étape consiste à voir, dans la pratique, quelles stratégies peuvent être mises en oeuvre pour nous assurer de le valoriser au maximum.
    Dans le cadre de notre étude sur la sécurité énergétique au pays, nous demandons notamment aux divers représentants de l'industrie et à d'autres intervenants s'ils pensent que le Canada devrait élaborer une stratégie de sécurité énergétique. Quand on parle de sécurité énergique, il est question d'abordabilité, de retombées économiques et d'un plan à long terme. L'ancien premier ministre Lougheed et d'autres ont déjà envisagé une telle stratégie pour l'Alberta.
    Est-ce que votre groupe considère qu'il faudrait élaborer une forme quelconque de stratégie de sécurité énergétique pour résoudre certains des problèmes que vous avez soulevés ici aujourd'hui?
    Nous croyons qu'il faut avoir une vision à long terme. Comme nous l'avons dit plus tôt, nous avons hérité d'un immense avantage au Canada, plus particulièrement dans l'Ouest.
    La sécurité énergétique comporte plusieurs aspects. Comme nous l'avons déjà dit, dans l'Ouest canadien, la capacité de raffinage laisse à désirer. Nous sommes confrontés à des pénuries de diesel parce que nous sous-utilisons notre capacité de raffinerie ou que cette capacité est trop limitée.
    Qu'il s'agisse d'une stratégie nationale ou seulement d'une vision, il faut comprendre que l'exploitation des ressources a plusieurs facettes. Il faudra se pencher sur beaucoup de facteurs, pas seulement celui de l'extraction du sol, au moment d'élaborer des stratégies.
    Merci.
    Merci, Monsieur Cullen. 
    M. Shory a maintenant la parole, pendant un maximum de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus nous aider à étudier la sécurité énergétique au Canada.
    Ma question s'adresse à M. Ferguson.
    Monsieur Ferguson, au début de votre présentation, vous avez dit que le gaz de schiste transforme le paysage de l'industrie énergétique et que la Colombie-Britannique fait figure de modèle en ce qui a trait à l'exploitation du gaz de schiste. Vous avez aussi dit que la Colombie-Britannique a un modèle de réglementation efficace et efficient et que la B.C. Oil and Gas Commission est un chef de file reconnu en matière de réglementation.
    Nous savons tous que les ressources naturelles relèvent de la compétence des provinces. De plus, nous savons que le gouvernement fédéral fait preuve de leadership et mène aussi beaucoup de projets de recherche et de cartographie dans le domaine. D'après ce que je comprends, dernièrement, d'autres gouvernements et entités étrangères consultent des spécialistes canadiens concernant le développement de leur exploitation gazière et pétrolière et l'élaboration de leurs cadres de réglementation.
    J'aimerais savoir si vous savez de quels pays il s'agit. Si oui, quelle est, à votre avis, l'expertise que le Canada peut apporter, tant sur le plan de l'établissement d'un cadre de réglementation approprié que sur celui des débouchés économiques possibles.
    En règle générale, les organismes de réglementation d'un bout à l'autre du Canada et des États-Unis partagent beaucoup de renseignements. Nous comprenons donc bien les difficultés et les défis auxquels toutes les régions sont confrontées. Du moins, nous essayons de partager ces renseignements.
    Par exemple, il y a trois ou quatre semaines, des représentants de l'Alberta, en tant qu'autorité en matière de réglementation, et moi-même nous sommes rendus en Pologne. En plus de nous avoir demandé de participer à de nombreuses réunions pendant trois ou quatre jours, le gouvernement de la Pologne nous a demandé de lui expliquer quels modèles de réglementation conviendraient le mieux à ce pays, qui, honnêtement, n'en possède pas encore. Bien sûr, il s'agit d'une région très peuplée. Trente-neuf millions de personnes vivent sur une superficie équivalant au tiers de celle de la Colombie-Britannique. Les Polonais possèdent d'importantes ressources en gaz de schiste; ils ont donc de bonnes raisons de viser l'exploitation de cette ressource en suivant un modèle de sécurité très bien défini et de comprendre les répercussions que de telles activités auraient sur l'équilibre énergétique du pays.
    Je pense que tous les problèmes dans ces régions, notamment en Pologne, sont similaires à ceux qu'on trouve au Canada, au Québec, en Alberta, en Saskatchewan, dans les maritimes ou certainement en Colombie-Britannique. D'après ce que je peux voir aujourd'hui, la diversité des problèmes posés dans toutes ces provinces nous permettent d'acquérir de l'expérience et les outils qui peuvent être appliqués ailleurs. Je pense que le Canada a une belle occasion de faire preuve de leadership en fournissant de notre expertise au-delà de nos frontières.

  (1150)  

    Cela concerne le cadre de réglementation.
    À votre connaissance, a-t-on réalisé des études comparatives sur l'ensemble des répercussions économiques du développement énergétique au Canada et dans d'autres pays, comme la Norvège?
    Je me concentre beaucoup sur les systèmes réglementaires et pas vraiment sur les questions économiques et politiques gouvernementales de plus vaste portée. Je sais que l'Australie a déjà déployé beaucoup d'efforts pour essayer de comprendre et d'analyser la compétitivité de leur modèle de réglementation en amont. Je crois que cette étude a été achevée il y a environ un an. Il s'agissait d'un travail assez exhaustif. Je pense que l'étude établissait également une comparaison avec d'autres pays.
    Je crois que notre province voisine, l'Alberta, fait une étude exhaustive pour voir comment améliorer son modèle de réglementation afin d'accroître la compétitivité. Cette étude contient probablement beaucoup de renseignements intéressants.
    Monsieur Anderson, vous avez la parole.
    Monsieur Ferguson, vous avez parlé de l'Interstate Oil and Gas Compact Commission. Pourriez-vous nous en parler? Quel est son rôle? Je présume qu'il s'agit d'une commission internationale.
    D'une certaine façon, elle est internationale. Cependant elle est basée aux États-Unis et elle est axée sur ce qui se passe dans ce pays. Elle réunit officiellement tous les organismes de réglementation des États, qui en nomment les membres. Nous, ainsi que plusieurs provinces du Canada, en sommes des membres associés, mais certainement pas des membres à part entière. Toutefois, cela permet à ces États et à nous, en tant que membres associés, de collaborer ensemble et de partager des renseignements.
    Nous nous intéressons probablement surtout aux travaux soutenus de la commission pour améliorer les outils de réglementation. Il s'agit d'une occasion exceptionnelle de réseauter et de rester au courant de ce qui se fait.
    S'agit-il principalement d'une commission consultative? A-t-elle des pouvoirs législatifs?
    Mais il s'agit d'une bonne façon d'obtenir des renseignements.
    M. Cullen a parlé de la vente de terrains et je sais que, dans ma province, la vente de terrains a diminué de façon radicale en 2009. Vous dites que, d’après les prévisions, les redevances devraient augmenter de 1,25 milliard de dollars en raison de la production de gaz naturel. Souhaitez-vous parler davantage des avantages à long terme de la production de gaz naturel? Pouvez-vous nous parler plus précisément des répercussions que cette production aura sur l'économie?
    Je m'excuse, mais, en tant que représentant d'un organisme de réglementation, je dois vous renvoyer au ministère de l'Énergie de notre province pour ce genre de prévisions à long terme en matière de retombées économiques. J'ai seulement cité les chiffres que le ministère publie sur ses sites Web.
    Quant aux répercussions à long terme pour la Couronne, tout ce que je sais, c'est que les chiffres représentent seulement les recettes directes. Ils ne comprennent pas les recettes indirectes découlant des emplois et les autres retombées indirectes de cette production dans l'ensemble de l'industrie.

  (1155)  

    Merci, monsieur Anderson. Notre temps est écoulé.
    Avant d'ajourner pour mettre en place le deuxième groupe de témoins, je tiens à vraiment remercier tous les témoins, soit M. Ferguson ainsi que M. Shelly et Mme Tolmie-Thompson de l'Alberta. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Vous avez beaucoup contribué à notre étude.
    Je suspends les travaux, pour quelques minutes, le temps de changer de groupe de témoins.

  (1155)  


  (1155)  

    Reprenons, avec notre deuxième groupe de témoins de la journée.
    Nous accueillons M. Serge Coulombe, professeur titulaire, Département de science économique de l'Université d'Ottawa et, en vidéoconférence de Calgary, en Alberta, M. Peter Howard, président et chef de la direction du Canadian Energy Research Institute.
    Nous allons entendre les témoins selon l'ordre dans lequel ils apparaissent dans l'ordre du jour. Nous allons donc commencer aujourd'hui avec le professeur Coulombe, du Département de science économique.
    Répétez après moi: Coulombe.
    Entendu. Merci. J'apprécie votre aide, monsieur Coderre.
    Vous pouvez commencer, professeur.

[Français]

    La communauté économique canadienne anglaise a mis une dizaine d'années pour apprendre à bien prononcer mon nom. C'était un peu délicat.
    Durant les quelques minutes qui me sont accordées, je vais traiter de deux sujets. Le premier, c'est la question du mal hollandais, le Dutch disease, dans le contexte canadien. Le second sujet sera la relation entre l'exploitation pétrolière et gazière et la croissance de la productivité au niveau régional.
    En ce qui concerne le mal hollandais, le nom vient d'un article publié dans la revue The Economist, dans les années 1960, qui traitait du cas de la Hollande, qui avait vu son secteur manufacturier fortement baisser à la suite de la découverte de pétrole et de gaz naturel dans la mer du Nord. Plusieurs études théoriques et empiriques ont été menées par la suite. Pour rendre les choses extrêmement simples, le mal hollandais découle de l'interaction entre un boom des ressources naturelles dans un secteur de l'économie et le secteur manufacturier.
    Le boom des ressources naturelles entraînerait des hausses de coûts de production et une appréciation de la monnaie nationale. C'est ce qu'on avait observé pour la Hollande et c'est ce qu'on observe pour de nombreux pays, comme l'Australie, la Norvège et le Canada. Cette augmentation de la valeur du taux de change entraînerait une baisse de la compétitivité du secteur manufacturier.
    Au Canada, le mal hollandais a un aspect régional très particulier puisque, généralement, le boom des ressources se retrouve en Alberta et en Saskatchewan. Le secteur secondaire, le secteur manufacturier, lui, se trouve en Ontario et au Québec. On a également un problème relativement similaire en Australie.
    À titre d'exemple, durant l'expansion du secteur primaire, entre 2002 et 2007, le Canada a perdu environ 275 000 emplois manufacturiers. Dans une étude que j'ai faite avec des collègues européens, nous avons estimé qu'environ la moitié de ces pertes d'emplois dans le secteur manufacturier est imputable à l'influence du boom des ressources naturelles sur la valeur du dollar canadien.
    Évidemment, la question qu'on doit se poser est la suivante. Est-ce que ce mal hollandais est vraiment un mal ou ne serait-ce pas plutôt simplement un rajustement du marché du travail? Lorsqu'il y a un boom dans un secteur, il doit y avoir des emplois qui viennent d'ailleurs.
    Je vais citer le prix Nobel d'économie 2008, M. Krugman. Alors qu'il était encore économiste, et non journaliste, il disait: « Ce que l'on semble craindre, c'est qu'une fois les ressources épuisées, les emplois du secteur manufacturier ne reviennent pas. »
    Dans le cas du Canada, il est assez évident que les ressources pétrolières et gazières sont loin d'être épuisées. Une façon d'aborder le même problème serait de concevoir une baisse importante du prix du pétrole, par exemple, à moyen et à long terme. Cela pourrait également causer un mal tel que le définit Krugman.
    Il est à noter que le secteur manufacturier n'a pas toujours été déprimé, au Canada, par le secteur des ressources. Avant 2002, durant une période d'environ six ans, on a observé l'effet contraire. Avec la baisse du cours des matières premières et la dévaluation du dollar canadien, on a eu une forte création d'emplois dans le secteur manufacturier au Canada.
    Le problème essentiel de la relation entre les ressources et le secteur manufacturier au Canada est qu'il semble y avoir une volatilité excessive dans le secteur de la production manufacturière. Cette volatilité excessive découle de l'effet des ressources naturelles sur la valeur de la monnaie canadienne. Il semble donc assez évident que l'Ontario et le Québec bénéficieraient d'une monnaie plus stable, qui ne dépende pas des aléas du secteur primaire, donc une monnaie comme l'euro ou le dollar américain.
    Le deuxième point porte sur certains faits d'une étude que je suis en train de préparer pour le C.D. Howe Institute sur la relation entre le secteur des ressources au Canada et la productivité régionale.

  (1200)  

    J'ai fait un parallèle, dans cette étude, entre la forte croissance des ressources à Terre-Neuve à la suite d'Hibernia, donc Terra Nova et White Rose, et la croissance en Alberta.
    Notez que la productivité à Terre-Neuve a connu l'amélioration la plus spectaculaire au Canada au cours des 25 dernières années, et cela est essentiellement dû au changement de la structure de l'économie. Je synthétise, je simplifie, mais on est passé d'une ressource, le poisson, qui était à très faible productivité à une nouvelle ressource qui était à haute productivité.
    Cependant, la productivité en Alberta a eu un taux de croissance parmi les plus faibles au Canada. Depuis 2002, la croissance de la productivité est relativement faible au Canada. Notez que le niveau de la productivité est encore très élevé, mais la croissance a été très faible. Cela découle essentiellement du fait qu'on est passé d'une situation où on produisait du pétrole avec des moyens standards où la productivité était assez élevée. Or, cette production est maintenant épuisée en partie et on est allé vers la production du pétrole à partir des sables bitumineux, ce qui exige beaucoup de main-d'oeuvre et entraîne des coûts de production très élevés.
    J'ai d'ailleurs fourni un graphique pour les deux mesures de la productivité. On voit sur ce graphique que le boom pétrolier a entraîné une croissance extraordinaire de la productivité à Terre-Neuve, mais une croissance même négative de la productivité en Alberta.
    Lorsqu'on regarde ce qui se passe dans l'ensemble de l'économie, on a encore une fois l'effet opposé. C'est peut-être un peu étonnant, mais on se rend compte qu'en Alberta, la croissance de la productivité a été extrêmement forte dans les secteurs autres que les ressources naturelles, depuis 2002. Donc, il semble que le boom pétrolier albertain ait entraîné une forte croissance de l'efficacité et de la productivité du reste de l'économie albertaine, tandis qu'on n'a pas observé cela du tout à Terre-Neuve.
    Donc, c'est un peu ma deuxième conclusion ici, devant vous, ce matin. Il ne faut pas penser que l'exploitation pétrolière et gazière va toujours avoir le même effet sur les économies régionales. Cela dépend essentiellement du type de ressource.
    Merci.

  (1205)  

[Traduction]

    Merci, professeur Coulombe. Nous vous sommes reconnaissants de votre présentation.
    Passons maintenant à la vidéoconférence de M. Peter Howard, président et chef de la direction du Canadian Energy Research Institute.
    Vous pouvez commencer, pour un maximum de sept minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Peter Howard et, comme le président l'a indiqué, je suis président et chef de la direction du Canadian Energy Research Institute.
    Le Canadian Energy Research Institute, ou CERI, qui a été fondé en 1975, est un établissement de recherche indépendant sans but lucratif qui se spécialise dans l’analyse de l’économie dans le secteur énergétique et des enjeux stratégiques connexes dans les domaines de la production, du transport et de la consommation de l’énergie. L’institut a pour mission d’effectuer des recherches économiques pertinentes, indépendantes et objectives.
    Le gouvernement du Canada, le gouvernement de l’Alberta, l’Université de Calgary, l’Association canadienne des producteurs pétroliers et la Small Explorers and Producers Association of Canada comptent parmi les membres de l’institut.
    Le segment pétrolier et gazier de l’économie canadienne est depuis toujours axé sur la production des hydrocarbures, l’établissement des prix, les redevances et les taxes. En règle générale, la réussite ou l’échec se mesure au moyen de la production, de la rentabilité des entreprises d’exploration et de production, ou E et P, des hydrocarbures et des niveaux des redevances et des taxes gouvernementales. La myriade d’entreprises et les dizaines de milliers de travailleurs qui soutiennent les efforts du secteur E et P, notamment ceux du secteur des services pétroliers et gaziers, ou SPG, sont souvent absentes du débat.
    Ce matin, mon exposé sera axé sur les impacts économiques du secteur des services pétroliers et gaziers et ses relations avec l’économie canadienne.
    Toutefois, avant de commencer, j’aimerais revoir quelques définitions. Les producteurs pétroliers et gaziers sont des entités constituées dont le secteur d’activité est l’exploration et l’exploitation des ressources en hydrocarbures sous la forme de pétrole, de sables bitumineux, de gaz naturel — y compris le gaz classique, le gaz de réservoir étanche et le gaz de schiste — et de gaz naturel provenant du charbon, plus communément appelé méthane de houille.
    Les exploitants des sables bitumineux sont un sous-groupe des producteurs pétroliers et gaziers qui font l’exploration et le développement des « sables bitumineux ». Parmi ces entreprises, certaines prennent part à des activités d'exploitation des ressources pétrolières et gazières classiques.
    L’industrie du gaz naturel est un sous-groupe de l’industrie pétrolière et gazière qui regroupe toutes les activités liées à l’exploration, au développement et au transport du gaz naturel depuis les bassins de ressources jusqu’aux stations de comptage au point de livraison. Ces activités incluent l’exploration, le forage, la production, la collecte, le traitement et le transport par pipeline. Le rapport produit par l’America’s Natural Gas Alliance en 2008, selon lequel les activités liées au gaz naturel soutiennent plus de 600 000 emplois et contribuent à hauteur de 100 milliards de dollars au PIB du Canada, traite de ce segment de l’industrie pétrolière et gazière.
    Le secteur des services pétroliers et gaziers regroupe les entreprises qui offrent des produits et des services utilisés directement à l’appui des activités d’exploration et de production des producteurs pétroliers et gaziers. Ces activités sont l’exploration, le forage, la complétion, la production, la construction, le traitement, le transport, la logistique, l’activité manufacturière, l’entretien et la fabrication. Ce secteur englobe toutes les activités liées aux hydrocarbures classiques, notamment le pétrole, le gaz et le méthane de houille, toutes les activités liées aux produits non classiques, notamment le gaz de réservoir étanche et le gaz de schiste, et toutes les activités d'exploitation des sables bitumineux, mais n’inclut pas les activités de transport de gaz par pipeline.
    Dans le secteur des services pétroliers et gaziers, les puits forés, les taux de production, les revenus, les redevances et les taxes sont remplacés par des termes comme gainage, colonnes de production, tubing, trépans, têtes de puits, déménagement d’appareil de forage, jours de forage, désinstallation des appareils de forage, conditionneurs, colmatage, fracturation, cimentation, carottage, essai et abandon. Les ingénieurs, les agents fonciers, les géologues et les géophysiciens sont remplacés par les arpenteurs, l’équipe de forage, le superviseur du forage, le camionneur, l’opérateur de chargeuse, l’opérateur de géophone, le boueux, le préposé au curage sous pression, le préposé à l’appareil d’essai de puits, le maître sondeur, le géologue à l’emplacement du puits et le superviseur de la sécurité.

  (1210)  

    J’invoque le Règlement.
    Monsieur Coderre, pour un rappel au Règlement.
    Je vois l'interprète et la fumée qui lui sort par les oreilles. Je demanderais au témoin de ralentir un peu. Il s'agit d'une autre forme d'émanation gazeuse, mais vous ne voulez pas vous aventurer dans cette direction.
    Pourriez-vous ralentir un peu le débit de votre présentation? Les interprètes ont du mal à suivre.
    Toutes mes excuses. J'essayais...
    Certains de ces termes ne sont probablement pas faciles à traduire non plus. Je vous invite à continuer.
    De ces formes d'énergie, vous voulez dire.
    De nombreux autres termes et emplois servent à décrire les industries manufacturières qui fabriquent les produits utilisés par le secteur des SPG pour la construction des milliers d’installations de champ qui parsèment le paysage dans l’Ouest canadien. Lorsque la vie économique d’une installation de champ est terminée, le terme final est « abandon ». Le secteur des SPG inclut les entreprises chargées de sceller les installations, d’enlever le matériel et de rétablir les terres perturbées pour les remettre dans leur état initial.
    Afin d’évaluer les apports économiques du secteur des SPG, nous avons examiné les données préliminaires de 2006 de Statistique Canada, soit les prix de base modifiés des tableaux entrées-sorties au niveau d’agrégation « W ». Il y a 38 industries qui se consacrent entièrement aux services pétroliers et gaziers ou qui s’y consacrent en partie, à différents degrés. Ces 38 industries prennent part à la fabrication ou à l’utilisation de 225 produits qui sont utilisés par le secteur des SPG.
    On trouve parmi les nombreux participants au secteur des SPG les entreprises qui fournissent le gravier pour les routes d’accès aux sites de forage et celles qui fournissent le sable utilisé pour la fracturation; les ingénieurs, les concepteurs, les soudeurs, les charpentiers et les électriciens qui fabriquent des éléments modulaires pour les installations sur le champ, la tige de forage, le ciment, les produits chimiques, les chaudières, les réservoirs, les appareils de chauffage et les compresseurs; de même que les camionneurs et les services postaux qui soutiennent les activités du secteur des SPG. Sont également inclus les ateliers d’usinage locaux, les postes de soudure mobiles, les entrepôts, les installations de transport, les systèmes de communication, les boulons, les écrous et les câbles qui soutiennent indirectement le secteur des SPG. Depuis les usines de fabrication de Leduc, en Alberta, jusqu’aux installations de fabrication de tuyau à Regina, en Saskatchewan, en passant par les industries manufacturières du sud de l’Ontario et du Québec, le secteur des SPG englobe des milliers d’entreprises qui emploient des milliers de personnes dans pratiquement chaque province et territoire du Canada.
    Voici les résultats de l'examen effectué:
    Il a été établi que le PIB du Canada, suivant les prix de base, pendant l’année 2006 s’élevait à 1,35 billion de dollars.
    Au Canada, le secteur des services pétroliers et gaziers a généré 65 milliards de dollars, soit 4,8 p. 100 du PIB canadien.
    En 2006, les gouvernements fédéral et provinciaux ont touché 225 milliards de dollars en recettes gouvernementales qui s’ajoutent aux redevances pétrolières et gazières.
    Au Canada, le secteur des services pétroliers et gaziers a versé 9 milliards de dollars sous forme de taxes, soit 4,1 p. 100 des taxes versées aux gouvernements fédéral et provinciaux.
    En 2006, les producteurs pétroliers et gaziers ont versé 12 milliards de dollars en redevances sur les ressources conventionnelles et 2,1 milliards de plus sur les sables bitumineux, pour un total de 15 milliards de dollars.
    Au Canada, l’économie canadienne employait 16 500 000 travailleurs tandis que le secteur des services pétroliers et gaziers en employait 800 000, soit 4,8 p. 100 de la main d’oeuvre totale.
    Si nous comparons ces chiffres à ceux des autres industries, les producteurs pétroliers et gaziers génèrent 87 milliards de dollars du PIB; le secteur de l’automobile, 25 milliards; le secteur agriculture, 26 milliards; le secteur minier, 18 milliards; le secteur forestier, 29 milliards; la construction résidentielle, 34 milliards; et la construction non résidentielle,15 milliards.
    Pour ce qui est des apports au PIB du secteur des SPG par type d’industrie, nous sommes arrivés à la conclusion que 48 p. 100 du secteur des SPG entre dans la catégorie des « impacts directs » et englobe le forage, la complétion, la collecte et le traitement dans la province où les activités ont lieu; que 25 p. 100 entre dans la catégorie « activités manufacturières indirectes » et englobe les industries qui fabriquent des biens utilisés par le secteur des services pétroliers et gaziers; et que les 27 p. 100 qui restent, soit « les autres industries » se composent de services — notamment le transport par camion, les technologies des communications, l’entreposage, les ateliers d’usinage et les ateliers de réparation — fournis un peu partout au Canada.
    Les industries directes sont expressément liées aux endroits où les activités pétrolières et gazières ont lieu, soit principalement l’Ouest canadien, tandis que les autres industries sont situées un peu partout au Canada. Si nous ventilons les données par région, nous constatons que les industries situées en Alberta génèrent 67 p. 100 de l’impact total des SPG sur le PIB, que les industries situées en Saskatchewan et en Colombie-Britannique en génèrent 20 p. 100, que les industries situées en Ontario et au Québec en génèrent 12 p. 100 et que le Manitoba et les provinces de l’Atlantique génèrent le 1 p. 100 qui reste.
    J'aimerais ajouter que les fabricants de tuyaux de la Saskatchewan utilisent de la tôle d'acier qui provient de l'Ontario.

  (1215)  

    En 2009, les revenus de source internationale d’un groupe choisi d’entreprises de SPG ayant leur siège social au Canada et contrôlées par des intérêts canadiens se sont élevés à 12,8 milliards de dollars. Parmi ce groupe, on compte huit entreprises de forage et d’entretien des puits, 25 entreprises d’équipements et de services pétroliers et gaziers et trois entreprises dans les secteurs des pipelines, des infrastructures et du traitement. Ces sociétés ont leur siège social au Canada, sont financées par des intérêts canadiens et produisent des déclarations de revenu fédérales et provinciales, mais exercent des activités commerciales à l'extérieur du pays.
    En résumé, l’industrie des services pétroliers et gaziers contribue à hauteur de 65 milliards de dollars à l’économie canadienne, emploie 800 000 travailleurs et verse 9 milliards de dollars par an à l’État sous forme d’impôt sur le revenu et d’impôt des sociétés. Sous une forme ou sous une autre, ce secteur est présent dans pratiquement chaque province du Canada et les échanges entre les provinces font de cette industrie ce qu’elle est aujourd’hui.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Howard.
    Nous passons directement aux questions, en commençant par M. Tonks, et ensuite, s'il reste du temps, M. Andrews.
    Vous avez la parole, monsieur Tonks.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le professeur Coulombe et monsieur Peter Howard d'être parmi nous.
    Il est intéressant de juxtaposer la théorie à la pratique. J'aimerais donner suite à certaines des questions posées par M. Cullen.
    Professeur Coulombe, en ce qui concerne le mal hollandais, comment pouvons-nous comparer les répercussions régionales, plutôt isolées, de l'exploitation de ressources dans la mer du Nord en 1960, à ce qui se passe en 2010? En effet, la circulation de capitaux et d'investissements est une composante importante de l'effet multiplicateur, dont dépend l'avenir des Canadiens, comme M. Howard vient de le dire.
    Selon votre thèse sur le mal hollandais, dans une économie mondial, comment pouvons-nous modérer les répercussions dont vous avez parlé, qui, je le reconnais, ont eu lieu dans les années 1960? Comment pouvons-nous appliquer ces expériences et ces leçons à notre situation en 2010 de façon à ce que notre stratégie énergétique ait des retombées à l'échelle du pays, non seulement dans certaines régions limitées, comme vous l'avez souligné à juste titre?
    Vous avez la parole, professeur.
    Comme vous l'avez souligné, la grande différence entre 1960 et maintenant, c'est que beaucoup plus de capitaux circulent aujourd'hui. Toutefois, les capitaux ne jouent pas un rôle important dans le mécanisme du mal hollandais. Le mécanisme fonctionnait probablement au XVIe siècle, il y a 50 ans, il fonctionne aujourd'hui et il fonctionnera encore dans le futur.
    En termes simples, quand on exploite une ressource très profitable, cela fait remonter le cours du dollar canadien, ce qui a des répercussions sur d'autres secteurs de l'économie, qui exportent à l'étranger. Je ne parle pas du même secteur dont l'autre personne a parlé; je parle des entreprises qui exportent des biens et services à l'étranger. Qu'il s'agisse de circulation des capitaux ou de circulation de la main d'oeuvre, le mécanisme fonctionne.
    Je ne dis pas que c'est mauvais pour le Canada; je dis que c'est mauvais pour le secteur de l'économie qui exporte des biens dans les autres pays du monde.

  (1220)  

    D'accord. Merci d'avoir apporté cette clarification.
    Monsieur Howard, quand vous avez parlé des répercussions, des retombées économiques très variées, allant de 67 p. 100 en Alberta à 12 p. 100 en Ontario, ces statistiques semblent appuyer la théorie du professeur, selon laquelle les retombées économiques ne sont pas distribuées de façon égale d'un bout à l'autre du pays.
    Je voudrais citer une observation de l'Alberta's Industrial Heartland Association. Je ne sais pas si vous avez entendu la présentation de ses représentants, mais ils ont parlé avant vous. Ils ont dit que pour accroître les retombées économiques, créer des emplois et réaliser l'équité, il est crucial que notre stratégie nationale accorde plus de priorité à la transformation, à la valorisation et au raffinage du bitume au Canada au lieu de dépendre notamment de l'exportation du produit brut par pipeline dans l'ensemble des États-Unis.
    Qu'en pensez-vous? Premièrement, pensez-vous que les retombées économiques du secteur pétrolier et gazier continueront d'être distribuées de façon inéquitable? Deuxièmement, pensez-vous qu'il soit justifié de dire que nous devrions valoriser et raffiner une plus grande quantité de notre bitume afin de profiter des retombées indirectes? Pensez-vous que cela devrait faire partie de notre stratégie nationale?
    Monsieur Howard, vous avez la parole.
    Si vous compariez aujourd'hui le prix du WTI et le prix du bitume produit à Edmonton, vous vous rendriez compte que ce n'est pas une très bonne idée de proposer de raffiner avant tout parce que la différence de prix n'est pas suffisante pour justifier cette procédure.
    Historiquement parlant, cependant, il y avait 15 à 20 $ de différence par baril. Si cette tendance se maintenait à l'avenir, elle justifierait en soi le raffinage des produits pétroliers en Alberta et le transport des produits raffinés vers les États-Unis.
    Cela constituerait certainement un plus dans une stratégie nationale en faveur de l'emploi. Et on ne parle pas seulement de l'emploi en Alberta. Étant donné que les usines de traitement et les raffineries utilisent des composants qui proviennent de l'Ontario et du Québec, cela contribuerait certainement à améliorer les affaires de ces provinces. Ensuite, il y a d'autres produits utilisés dans la construction: soit, l'acier, les poutres utilisées dans la construction et d'autres produits encore dont l'utilisation aurait des répercussions directes et indirectes sur l'emploi en Ontario et au Québec.
    Ce sont les entreprises de raffinage du Nord des États-Unis qui pourraient représenter une source d'inquiétudes, selon moi. En l'absence de bitume canadien, elles iraient chercher des charges d'alimentation dans le golfe du Mexique, ce qui mettrait les produits pétroliers raffinés dans le Nord des États-Unis en concurrence directe, et je ne sais pas trop ce qu'il en ressortirait.
    Il vous reste 15 secondes.
    J'en ai terminé.
    S'il reste 15 secondes, j'aimerais faire un commentaire vite fait.
    Monsieur Coulombe, je suis heureux de vous entendre dire que, selon vous, ce sont les Terre-Neuviens qui sont les plus productifs. Nous faisons notre possible pour convaincre un grand nombre d'entre eux d'aller travailler en Alberta et stimuler aussi la productivité de l'Alberta.
    Nous le comprenons.
    Monsieur Pomerleau, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Coulombe. J'ai beaucoup aimé votre présentation. Je la trouve extrêmement scientifique.
    D'abord, j'aimerais savoir si c'est dans le cadre de votre étude que vous avez établi que 275 000 emplois ont été perdus dans le secteur manufacturier. Vu que les emplois manufacturiers sont concentrés en Ontario et au Québec, j'imagine que c'est là qu'on en a perdu le plus.

  (1225)  

    Environ 90 p. 100 des pertes d'emplois survenues durant cette période ont été enregistrées en Ontario et au Québec, la répartition étant à peu près de deux tiers en Ontario et d'un tiers au Québec.
    Donc, quand on nous dit que le secteur primaire du gaz nous paie des redevances, il nous fait aussi perdre des emplois. C'est l'argument qu'on invoque souvent. On nous dit de mettre beaucoup d'argent dans le pétrole parce que ça paie nos péréquations. On est rendus pauvre parce que le gaz est là et qu'il nous enlève nos emplois.
    Vous avez raison. La péréquation a redistribué une partie des recettes excédentaires qui ont touché le gouvernement fédéral avec le boom pétrolier et gazier, mais il y a également eu des pertes d'emplois dans le secteur manufacturier, pertes qui sont concentrées en Ontario et au Québec, c'est clair.
    Je ne suis pas économiste. Pouvez-vous m'expliquer plus précisément comment l'exploitation du secteur primaire sur une grande échelle a un effet à la hausse sur le taux de change? Pouvez-vous m'expliquer comment ça se passe?
    Oui. Le Canada est une économie qui exporte plus de ressources naturelles qu'elle n'en importe. Donc, lorsqu'il y a un boom des ressources naturelles ou une augmentation du prix des ressources naturelles, cela augmente la valeur de nos exportations, ce qui fait automatiquement augmenter la valeur du dollar canadien sur le marché d'échange.
    Notez que cette hausse de la valeur du dollar canadien contribue à stabiliser le secteur des ressources, puisque lorsque le prix du pétrole augmente de 60 $ à 80 $ et que le dollar canadien augmente en même temps, les revenus pétroliers, en dollars canadiens au Canada, sont stabilisés. Donc, les fluctuations du dollar canadien stabilisent le secteur des ressources naturelles, parce qu'elles suivent le cours des matières premières, mais elles déstabilisent le secteur manufacturier qui exporte des produits.
    Et qui a besoin d'un prix bas.
    Qui aurait besoin d'un dollar beaucoup plus stable.
    Exactement.
    Comme j'ai entendu cet argument et que j'ai un économiste devant moi, je pose une autre question. À cause du débat qui entoure le gaz de schiste, on a abondamment invoqué toutes sortes d'arguments. L'un de ceux que j'ai entendus contre l'utilisation du gaz de schiste est qu'on n'avait pas évalué quel effet cela aurait sur la vente d'électricité. Est-ce possible, si le prix du gaz monte ou fait monter la monnaie, qu'on ait de la difficulté à vendre de l'électricité et que, par conséquent, on perde d'un côté ce que l'on prétendrait gagner de l'autre.
    Je ne crois pas que la production de gaz de schiste au Canada va entraîner une augmentation de la valeur du dollar canadien de la même manière que la production pétrolière. La raison à cela est que la rente, l'excédent du prix sur les coûts de production, est beaucoup plus faible en ce qui concerne le gaz de schiste. Il s'agit donc d'une activité qui va avoir un effet somme toute relativement minime sur le dollar canadien. Cela se compare à peu près au bois d'oeuvre ou à d'autres productions de matière première. Les productions de matière première qui sont susceptibles d'entraîner une évaluation de la monnaie sont celles où le prix de vente et les coûts de production affichent une forte différence. On parle du pétrole, de la potasse et d'activités de ce type.
    D'accord.
    Ma question suivante concerne cette déclaration de M. Krugman: « Ce que l'on semble craindre, c'est qu'une fois les ressources épuisées, les emplois du secteur manufacturier ne reviennent pas. »
    Sans être un économiste, j'ai abondamment utilisé cet argument. C'est peut-être à coté de la « track », mais il me semble que si on abandonne notre industrie manufacturière pour quelque raison que ce soit, à tous les ans, les 600 000 Chinois qui sortent des écoles d'ingénierie sont prêts à nous la ravir, et elle ne reviendra jamais ici. C'est mon impression. Et l'Inde va faire la même chose très bientôt. Si on laisse mourir trop vite le secteur manufacturier, j'ai l'impression qu'il ne reviendra pas.
    Est-ce là ce que M. Krugman veut dire?

  (1230)  

    Oui, exactement. Ce que M. Krugman veut dire, c'est que pour avoir un secteur manufacturier dans un pays, il faut déjà avoir comblé un ensemble de coûts fixes. On doit faire de la recherche et du développement, on doit développer un marché international. Une fois que ce secteur a rapetissé, a perdu de sa taille à cause de l'appréciation de la monnaie nationale, il est possible que ça soit parti pour toujours. Il y a eu plusieurs cas historiques où on s'est aperçu qu'un boom des ressources a entraîné l'élimination de la productivité et de la compétitivité dans de nombreux autres secteurs. De fait, c'est extrêmement difficile d'avoir une base manufacturière très compétitive dans une économie où il existe un fort secteur manufacturier; on fait cette observation partout dans le monde. Les pays qui ont une forte base manufacturière ne sont pas, généralement, des exportateurs nets de matières premières.
    Exactement.
    Merci, monsieur Pomerleau.

[Traduction]

    Monsieur Cullen, vous avez sept minutes.
    Merci, messieurs, pour vos commentaires.
    J'aurais une question rapide à vous poser, monsieur le professeur Coulombe. Sur le plan mondial, d'autres économistes et d'autres pays pensent-ils que le dollar canadien est un pétrodollar aujourd'hui? Les fluctuations de notre dollar sont-elles directement liées aux fluctuations du prix du pétrole et du gaz ou ce lien est trop peu évident pour qu'on puisse véritablement parler de pétrodollars?
    Non, il y a une véritable corrélation entre les deux. Selon ma propre estimation, les fluctuations du dollar canadien s'expliquent pour moitié environ par les fluctuations du prix des ressources naturelles, le pétrole surtout et les autres ressources énergétiques. C'est communément admis, même par la Banque du Canada en fait.
    Le FMI, The Economist et d'autres encore l'ont dit. Maintenant, ils déclarent presque d'emblée: « Le dollar canadien a fait cela aujourd'hui parce que le prix de l'énergie a aussi fait cela. »
    La question est de savoir quelles répercussions directes le soi-disant syndrome hollandais a sur le secteur manufacturier au Canada. Certains ont dit que les répercussions n'étaient que régionales et qu'en cas de boom du secteur pétrolier et gazier, si les sables bitumineux contribuaient à créer 10 000 emplois, seuls le Québec et l'Ontario seraient touchées. L'Alberta et la Colombie-Britannique sont-elles touchées aussi ou les seules provinces touchées sont-elles le Québec et l'Ontario?
    Le secteur manufacturier canadien qui exporte dans le reste du monde est concentré surtout dans le corridor Québec-Windsor. Le reste du secteur manufacturier est intimement lié à l'industrie des ressources naturelles. Donc, il épaule l'industrie des ressources naturelles et tirera en général profit d'un boom pétrolier.
    Néanmoins, la province la moins à même d'exporter des produits manufacturés dans le reste du monde est l'Alberta. Les coûts de production sont tellement élevés en Alberta qu'il s'avère très difficile d'exporter des produits qui ne sont pas liés aux secteurs pétrolier et gazier.
    Vous étiez présent avant, je pense, pendant le témoignage des représentants de l'Alberta's Industrial Heartland Association. Tous les deux ont présenté des chiffres qui prouvent que, dans le cas d'une production de deux millions de barils par jour, la fraction du PIB relative à l'extraction actuelle de bitume brut monterait à 25 milliards de dollars. Cette somme atteindrait 50 milliards de dollars en cas de transformation du bitume brut en pétrole brut synthétique, et 75 milliards si on remontait encore la chaîne de production des produits pétrochimiques.
    Qu'on parle de l'économie de l'Alberta ou de l'économie nationale, il me semble que, si un gouvernement s'intéressait vraiment à l'économie canadienne, il encouragerait autant que possible la production à valeur ajoutée.
    On nous a aussi expliqué que le gouvernement canadien a en fait financé des études pour obtenir ces chiffres et en comprendre l'importance pour l'économie canadienne. Ce que je ne comprends pas bien, c'est le fait que les gouvernements de l'Alberta et du Canada encouragent tous les deux l'exportation de produits bruts, renonçant ainsi à la majorité des avantages économiques possibles que représentent les emplois.
    Monsieur Howard, vous faites des recherches dans le secteur de l'énergie. Pour le Canada, est-ce une politique en matière de sécurité énergétique judicieuse que de continuer à exporter encore plus de bitume brut?

  (1235)  

    C'est la réalité, je pense.
    Le plus préoccupant en ce qui concerne le raffinage et le traitement en Alberta, c'est que les usines de traitement en Amérique du Nord ont des marges bénéficiaires faibles. Il est difficile de convaincre des entrepreneurs d'intervenir et de construire ce genre d'installations dévoreuses de capitaux. L'avenir nous le dira, ou bien les PPR feront l'objet de procédures de traitement et de raffinage supplémentaires. Cependant, les chiffres que nous avons aujourd'hui ne reflètent malheureusement pas cette évolution.
    Vous avez utilisé le mot « réalité ». Une fois créée, cette industrie a été subventionnée par les deux paliers de gouvernement — et c'est là où mes idées ne sont pas très claires — et la réalité à l'époque était qu'il n'y avait rien à gagner dans l'extraction minière du bitume parce que c'était une procédure trop coûteuse. Cependant, le gouvernement a élaboré une série de politiques en matière d'incitatifs fiscaux et de recherche et développement afin de permettre l'exploitation de cette ressource.
    Ceux qui travaillent pour cette industrie nous disent maintenant que nous avons besoin d'une stratégie nationale en matière de sécurité énergétique parce que sinon, nous allons perdre cette richesse et nous ne parviendrons pas à maximiser nos profits, ainsi que le groupe de l'Alberta l'a dit. Maintenant, on nous dit que ce n'est qu'une histoire de marché.
    Ce n'était pas une histoire de marché quand nous avons créé cette industrie au tout début. Nous avons amélioré le marché, nous l'avons guidé et nous subventionnions l'exploitation de ce produit. Aujourd'hui, nous l'exportons et l'industrie enregistre des profits extrêmement faibles en Alberta et au Canada. Je ne comprends pas pourquoi, soudainement, on passe à la politique du laisser-faire. Nous n'avons jamais parlé de politique du laisser-faire avant. Nous avons dit que nous aimerions faire prospérer cette industrie et c'est ce que nous avons fait. Et nous l'avons fait avec l'argent de tous les contribuables canadiens.
    Maintenant, nous disons que nous allons renoncer à la majorité des profits simplement parce qu'il y a des installations dans le Sud des États-Unis et en Chine aujourd'hui. De quelle manière l'exportation de bitume brut vers la Chine, qui va à l'encontre de la politique du gouvernement, profite-t-elle à l'économie canadienne?
    Monsieur Howard, vous avez la parole.
    Initialement, les recherches portant sur les sables bitumineux visaient à stimuler la production de bitume. Ensuite, parce que le pétrole traditionnel connaissait un déclin, on est passé à l'étape de la transformation du bitume en pétrole synthétique brut pour faciliter le transport de ce produit.
    Je ne pense pas que l'idée de continuer à transformer le bitume en produits pétroliers raffinés en Alberta ait été complètement écartée. Tout ce que j'ai dit, c'est que la situation économique aujourd'hui ne s'y prête probablement pas. Mais on parle d'installations manufacturières qui ont 30 à 40 ans. Il faudra bien que la situation économique change un jour, probablement quand le prix du pétrole brut augmentera. Le monde des affaires en arrivera à la conclusion qu'il est en fait logique d'investir dans cette industrie.
    Monsieur Howard, merci.
    Merci, monsieur Cullen.
    Je passe maintenant la parole à M. Allen qui a sept minutes pour s'exprimer.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de commencer, je voudrais être sûr que j'ai bien compris. M. Cullen ne disait pas, je pense, qu'il veut que nous subventionnions l'industrie du pétrole afin de construire de nouvelles raffineries. Mais c'est ce que j'ai cru comprendre. Je ne sais pas si c'est nécessairement ce que son chef veut aussi. Je voulais juste ajouter cela, en fait.
    Monsieur le professeur, j'ai juste quelques questions à vous poser à propos de l'étude dont les résultats ont été publiés le 7 octobre 2010. Elle a été effectuée par l'Association pétrolière et gazière du Québec et SECOR Consulting. Elle évoquait les avantages économiques potentiels que la province de Québec, par exemple, pourrait retirer de l'exploitation du gaz de schiste. Connaissez-vous cette étude?
    M. Serge Coulombe: Oui.
    M. Mike Allen: D'accord. J'ai parlé des avantages pour le Québec. Selon cette étude, si 1 000 puits fonctionnaient en 150 endroits différents, le gouvernement du Québec empocherait 150 millions de dollars tous les ans. Dans la deuxième hypothèse, 7 000 puits permettraient au gouvernement du Québec d'empocher un petit peu plus de 1 milliard de dollars. Cette étude ne prend pas en compte les dépenses liées au transport et à la distribution du gaz naturel une fois extrait ni les impôts que les industries et leurs fournisseurs doivent payer ni les effets dynamiques ou structurels éventuels sur l'économie du Québec.
    En ce qui concerne votre commentaire sur le document à propos de l'Institut C.D Howe que vous préparez, Terre-Neuve-et-Labrador est la province dont la productivité a le plus augmenté grâce à Hibernia, Terra Nova et White Rose. Ces chiffres et cette étude ne montrent-ils pas clairement que le Québec devrait encourager l'exploitation de gaz de schiste?

  (1240)  

    Je ne suis pas spécialiste de la production de gaz de schiste au Québec ni ailleurs au Canada, mais je vais essayer de répondre à votre question du mieux que je peux.
    Du point de vue des répercussions potentielles sur le reste de l'économie et de l'augmentation de la productivité, ce qui se passe en ce qui concerne cette nouvelle source de gaz naturel rappelle beaucoup ce qui se passe dans le cas des sables bitumeux en Alberta, et ce, simplement parce que la plupart des installations ne se trouvent pas en mer, comme c'est le cas pour Terre-Neuve. Ce gaz se trouve sous terre et son exploitation concerne différents secteurs de l'économie. Et il faudrait aussi se servir des produits de l'économie.
    Je pense que cette nouvelle source de gaz va stimuler la productivité du Québec, au niveau régional, et du Canada. Cependant, les retombées générales ne seront pas aussi importantes que dans le cas des sables bitumineux de l'Alberta simplement parce que les redevances ne rentrent pas.
    La production de cette nouvelle source de gaz a déjà provoqué une hausse relativement faible du prix de l'essence et je pense qu'il sera ainsi pendant un bon moment encore, en tout cas aussi longtemps que nous ne connaîtrons pas la quantité exacte de gaz produite par cette nouvelle source. Je pense qu'il y aura un espèce d'effet d'entraînement au niveau régional, mais d'une ampleur vraiment moindre par rapport à ce qu'on observe en Alberta.
    Je veux dire, 1 milliard de dollars, économiquement parlant...
    Absolument. On pourrait observer des effets d'entraînement d'ampleur différente.
    D'accord.
    Monsieur Howard, notre témoin précédent, M. Ferguson, nous parlait de ce qui se passe en Colombie-Britannique et de la quantité énorme de gaz naturel qui s'y trouve. Il a parlé d'un gisement de 500 billions de pieds cubes. Le Business Council of New York estime que les formations de Marcellus et d'Uttica recèlent un gisement de schiste probablement deux ou trois fois plus important que cette réserve. Ils parlent d'une manne économique annuelle de 92 à 123 milliards de dollars pour l'État de New York.
    Je regarde ces chiffres relatifs au secteur pétrolier et gazier et au secteur des services dont vous parlez. Avez-vous, dans le cadre de l'analyse que vous nous présentez, des chiffres revus en fonction du nombre de billions de pieds cubiques...? Quelle en est la signification pour l'économie et le PIB, du Canada dans son entier ou d'une province en particulier?
    Je peux peut-être vous donner les chiffres actuels.
    Pour l'industrie pétrolière et gazière au Canada dans sa totalité — c'est-à-dire des producteurs jusqu'aux pipeliniers en passant par les prestations de service —, ces chiffres se montaient, en 2006, à environ 165 milliards de dollars, soit 12,1 % du PIB du Canada. Au Canada, en 2006, nous produisions environ 17 billions de pieds cubiques par jour et quelque chose comme 1,75 milliard de barils de pétrole brut par jour.
    Je ne suis pas certain de pouvoir vous donner un chiffre en valeur corrigée. En fait, je pense que c'est tout ce que je peux vous dire. Je ne suis pas certain d'être capable de répondre à cette question.
    Mais si nous produisions 17 milliards de pieds cubiques en 2006, étant donné la tendance à l'augmentation que nous observons aujourd'hui, comme on l'a dit, imaginez donc: les nouvelles réserves de gaz naturel dont nous disposons sont énormes.
    Savez-vous quelle est la part du gaz naturel dans ces 165 milliards de dollars? Et en supposant que la production double ou triple au cours des prochaines années, quelles en seraient les retombées?

  (1245)  

    En 2006, le gaz naturel représentait probablement environ trois quarts des revenus.
    Permettez-moi de faire un commentaire.
    Autrefois, on savait que les réserves étaient importantes parce qu'on comptait sur elles pour garantir les contrats. Dans l'industrie pétrolière et gazière d'aujourd'hui, ce ne sont pas les réserves qui constituent le problème majeur, mais le nombre de puits qu'on peut forer dans le sol. Alors, produire 4 000 ou 14 000 billions de pieds cubiques, c'est bien, mais encore faut-il forer dans quelque chose... Selon nos prévisions, dans les années à venir, nous allons forer 5 000 puits de gaz naturel. Pour retrouver notre part de marché dans le cas du gaz naturel, nous devons doubler ce chiffre; le forage des puits se fera essentiellement dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique et en Alberta.
    Merci de faire le lien entre les deux éléments, c'est bien utile.
    Merci, monsieur Allen.
    Et merci beaucoup aux membres du groupe d'experts, à monsieur le professeur Coulombe et à M. Howard. Merci beaucoup. Vos commentaires ont été très utiles au comité. Et merci d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui.
    Je lève la séance. Nous prendrons environ 15 minutes pour discuter des travaux à venir à huis clos.
    La séance est levée.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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