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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 046 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 février 2011

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Français]

    Bonjour à tous. Bienvenue à la séance no 46 du Comité permanent de la défense nationale. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 6 décembre 2010, nous allons entendre les témoins en ce qui concerne le projet de loi C-41.

[Traduction]

    Nous allons entendre plusieurs témoins. Je tiens à remercier l'honorable Peter MacKay d'être ici aujourd'hui.
    Je vois, Peter, que le brigadier-général Bernard Blaise Cathcart vous accompagne.
    Merci de votre présence parmi nous.
    Nous allons commencer sans tarder. Vous disposez de 10 minutes, monsieur le ministre. Merci beaucoup.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Comme vous l'avez dit, je suis accompagné du brigadier-général Cathcart, juge-avocat général des Forces canadiennes.
    Monsieur le président et chers collègues, merci de nous donner l'occasion de présenter le projet de loi C-41.

[Traduction]

    Je suis vraiment ravi de comparaître devant vous aujourd'hui, au moment où votre comité entreprend l'examen du projet de loi C-41, qui vise précisément à renforcer le système de justice militaire canadien.
    Je tiens à vous dire, pour commencer, que je me réjouis de l'appui qu'a reçu jusqu'à présent le projet de loi C-41 de la part des membres du comité, et notamment des députés de l'opposition, ainsi que de la rapidité avec laquelle votre comité a accepté d'étudier ce projet de loi.
    Je dis cela parce que, comme beaucoup d'entre vous le sauront, ce projet de loi a déjà une longue histoire. C'est la troisième fois que nous le déposons et il revêt maintenant un caractère urgent et prioritaire, si je puis me permettre cette remarque. Le gouvernement propose ce projet de loi en réponse aux recommandations contenues dans le rapport Lamer. Comme je viens de le dire, c'est la troisième fois que nous présentons cette mesure législative dans le but de donner suite à ce rapport. La première fois, c'était avec le projet de loi C-7, déposé en avril 2006, mais mort au Feuilleton. En mars 2008, le projet de loi C-45 lui a succédé, mais il est resté lettre morte à cause du déclenchement des élections. Comme vous le savez, le présent projet de loi remonte à juin 2010.
    Le rapport Lamer a été déposé au Parlement en 2003, dans la foulée d'un examen indépendant portant sur les parties de la Loi sur la défense nationale modifiées aux termes du projet de loi C-25. Le juge en chef Lamer a fait maintes recommandations visant à améliorer non seulement le système de justice militaire, mais aussi la procédure de règlement des griefs des Forces canadiennes, ainsi que le processus de traitement des plaintes concernant la police militaire.
    Il a déclaré, et je le cite: « le Canada s'est doté d'un système très solide et équitable de justice militaire dans lequel les Canadiens peuvent avoir confiance », ce à quoi je souscris pleinement. Mais bien sûr, comme c'est le cas pour n'importe quel système de justice, il y a toujours moyen d'apporter des améliorations. Le vieil adage qui dit que notre système de justice est un arbre vivant s'applique également au système de justice militaire. Je vois mon ami de Beauséjour hocher la tête en signe d'approbation. Je suis sûr que c'est une expression qu'il a entendue aussi en faculté de droit.
    Et c'est ce que le gouvernement cherche à faire avec cette mesure législative, monsieur le président.

[Français]

    Le projet de loi tient compte des recommandations faites récemment par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles par suite de son étude du projet de loi C-60. Le projet de loi C-60 était nécessaire pour donner suite à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de la Cour martiale dans l'affaire R. c. Trépanier.
    Je vous incite à ne pas oublier, au moment d'étudier le projet de loi C-41, que le système de justice militaire est un système judiciaire distinct conçu dans le but de favoriser l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes. Cette distinction a été confirmée par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Généreux.
    Le système de justice militaire contribue à maintenir la discipline, l'efficacité et une bonne morale au sein de nos forces. Il renforce notre structure de commandement, soutenant ainsi les activités courantes et opérationnelles. En raison du rôle essentiel que jouent les Forces canadiennes dans la protection du Canada et dans la promotion des valeurs et des intérêts canadiens, il importe de veiller à ce que la Loi sur la défense nationale évolue au même rythme que le droit et la société canadienne.

[Traduction]

    Le projet de loi C-41 constitue une étape essentielle dans un processus d'amélioration continue. L'analogie classique avec l'arbre vivant s'applique tout autant dans le cas présent. En outre, ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions importantes que je vais aborder.
    Il aura notamment pour effet de renforcer l'indépendance des juges militaires en leur assurant l'inamovibilité jusqu'à l'âge de la retraite, ce qui est évidemment conforme avec les conditions auxquelles sont assujettis tous les membres des Forces canadiennes et aussi le cas des juges dans le système civil de justice canadien, monsieur le président.
    Qui plus est, le projet de loi C-41 prévoit une définition légale des principes de détermination de la peine dans le système de justice militaire, qui oriente le processus de détermination de la peine. Cette orientation se compare à celle prévue dans le Code criminel, mais elle tient compte des particularités du système de justice militaire.
    Durant le débat en deuxième lecture, certains députés ont exprimé des réserves quant à la détermination de la peine dans le système de justice militaire, peine qui pourrait s'avérer excessivement sévère par rapport au système civil. Il importe de savoir que le projet de loi C-41 offrira une protection législative contre les peines excessivement sévères imposées par les tribunaux militaires. En fait, le projet de loi propose que le principe de modération s'applique dans le système de justice militaire au moment du prononcé de la peine. Cela signifie qu'il faudra infliger la peine minimale requise pour maintenir la discipline, l'efficacité et un bon moral au sein de nos forces, et que cette peine soit imposée par un tribunal militaire.
    Cette mesure législative conférera également davantage de souplesse au processus de détermination de la peine en permettant d'ajuster la peine en fonction de la situation du contrevenant et de l'infraction — ce qui est également conforme au système civil de justice — et en prévoyant de nouvelles peines, ce qui aura pour effet de moderniser la loi en matière d'absolution conditionnelle, de peine discontinue et de dédommagement, autant de dispositions qui font maintenant partie du Code criminel.

  (1540)  

[Français]

    Par ailleurs, le projet de loi C-41 prévoit l'utilisation des déclarations des victimes. De cette façon, les victimes d'actes criminels pourront plus facilement s'exprimer durant le processus de détermination de la peine en cour martiale.
    Ainsi, grâce au projet de loi C-41, qui comprend en outre des dispositions renforcées sur le dédommagement, les victimes d'actes criminels seront assurées de ne pas être désavantagées lorsque leur affaire sera jugée par le système de justice militaire plutôt que par un tribunal civil.

[Traduction]

    Je sais que certaines préoccupations ont également été soulevées, à l'étape de la deuxième lecture, quant à l'équité du système de justice militaire, tout particulièrement en ce qui a trait au système de procès sommaires. À ce propos, je tiens à rappeler à mes collègues que deux des plus éminents juristes canadiens, les regrettés juges en chef Brian Dickson et Antonio Lamer, ont fait un examen très poussé du système à ce chapitre. Dans leurs recommandations visant à améliorer le système, ces deux juges ont exprimé leur appui à son égard, et ils ont déclaré que le système de procès sommaires trouvait l'équilibre indispensable entre les besoins particuliers des Forces canadiennes en matière de discipline et le besoin de respecter les droits de chacun des membres de nos forces armées.
    Il faut également noter, monsieur le président, que le projet de loi C-41 prévoit aussi d'améliorer l'efficacité des processus liés aux griefs et aux plaintes visant la police militaire. Par exemple, il modifie le processus des griefs au sein des Forces canadiennes afin de le rendre plus efficace, plus transparent et plus juste. Les modifications proposées exigeraient que les griefs soient traités aussi rapidement que les circonstances le permettent, et accorderaient au Chef d'état-major de la Défense une délégation de pouvoirs plus étendus pour le traitement des griefs.

[Français]

    Finalement, le projet de loi permettra d'intégrer le poste de grand prévôt des Forces canadiennes dans la Loi sur la défense nationale et de préciser ses fonctions et ses responsabilités, en plus de rendre le processus de plaintes sur la police militaire plus juste et plus efficace.

[Traduction]

    Monsieur le président, permettez-moi de conclure en soulignant combien il est important, pour nos forces armées et notre société, d'avoir un bon système de justice militaire. C'est essentiel à la disponibilité opérationnelle, à l'efficacité et au bon moral des militaires.
    Comme vous le savez, nos hommes et nos femmes en uniforme risquent leur vie au service du Canada. Ils ont besoin de savoir qu'ils peuvent faire confiance à un système de justice qui les appuie, les protège et leur donne les moyens d'accomplir les tâches essentielles qui leur ont été assignées. Les Canadiens doivent aussi savoir que le système de justice militaire de leur pays traite ceux qui les servent de manière juste et conformément aux normes et aux valeurs canadiennes.
    Les modifications proposées feront en sorte que le système de justice militaire suivra l'évolution des normes juridiques du droit criminel canadien, et elles renforcent le système de justice militaire à l'égard du respect de la Charte canadienne des droits et libertés, tout en préservant la capacité du système à satisfaire aux besoins militaires fondamentaux.
    Je vous remercie, monsieur le président et chers collègues. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le ministre MacKay.
    Maintenant, je cède la parole à M. LeBlanc. Je crois que vous partagez votre temps avec M. Wilfert.
    C'est cela. Merci, monsieur le président.
    Merci de vos commentaires, monsieur le ministre. Je voudrais commencer par vous féliciter pour votre maîtrise du français. Je sais que le président sera content que vous ayez pu faire cela sans avoir besoin de la protection de la Loi 101. Vous conviendrez sûrement comme moi que vous vous êtes très bien exprimé ici, et je vous en félicite sincèrement.
    Merci, vous avez raison, monsieur LeBlanc.

[Traduction]

    Monsieur le ministre, nous sommes d'accord. J'approuve évidemment une bonne partie de vos interventions. Compte tenu de l'historique de ce projet de loi, je pense que nous devons l'étudier de manière sérieuse, mais rapide, ou du moins sans trop nous y attarder, dans la mesure où nous réussissons à nous entendre sur un certain nombre de principes que nous pourrons énoncer dans les articles.
    Monsieur le président, j'aurais deux questions à poser au ministre.
    La première concerne les procès sommaires. Je trouve que vous avez bien résumé la situation à propos des deux anciens juges en chef du Canada qui ont étudié la question. Ce qui m'inquiète, ce ne sont pas tant les garanties procédurales dans un procès sommaire que les répercussions sur le casier judiciaire.
    Peut-être pourriez-vous nous rassurer à ce chapitre. Je crois savoir, mais j'aimerais que vous le confirmiez pour les fins du compte rendu, que dans le cadre d'un procès sommaire, pour une infraction qui ne figurerait pas dans le Code criminel du Canada, comme la désobéissance... Admettons que le tribunal provincial de Stellarton décide de poursuivre quelqu'un pour désobéissance, alors que cette infraction n'existe pas dans le système civil de justice pénale. Il ne faudrait pas qu'une personne, qui subirait un procès sommaire au terme duquel elle serait reconnue coupable d'une infraction pour laquelle il n'y a pas d'équivalent dans le Code criminel, se retrouve avec un casier judiciaire ou d'autres antécédents susceptibles de la suivre une fois qu'elle aura quitté les forces pour réintégrer la société civile.
    Je vais vous poser la deuxième question, monsieur le ministre, parce qu'elle est également assez simple.
    Elle a à voir avec les preuves qu'une cour martiale pourrait utiliser dans la détermination de la peine appropriée. Je suis d'accord avec vous sur les modalités de détermination de la peine. Je pense que vous avez absolument raison de vouloir les moderniser et les rapprocher des principes de détermination de la peine prévus dans le Code criminel. Mais je voulais être certain de ne pas avoir mal compris les exigences en matière de preuves requises dans l'examen de certains faits. À un moment donné, je crois que c'est à l'article 203.5, on dit que la cour martiale doit « être convaincue, par une preuve prépondérante, de l'existence du fait contesté sur lequel elle se fonde pour déterminer la peine ». Plus tard, on dit, comme c'est la norme en matière criminelle, « hors de tout doute raisonnable ». Je veux m'assurer que ces deux normes sont compatibles. J'aimerais comprendre comment on peut les associer.

  (1545)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur LeBlanc.

[Français]

    Je vous remercie de votre question et de vos commentaires.

[Traduction]

    Je vais répondre à vos questions dans l'ordre où vous les avez posées. Vous avez bien compris; le but visé, avec ce projet de loi, c'est que les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité qui seraient établies dans un code de mesures disciplinaires, pour le militaire jugé, n'auraient aucun effet sur le casier judiciaire, en dehors des forces armées. Il existe de nombreux codes de discipline applicables aux militaires canadiens qui n'ont aucune correspondance avec le Code criminel — par exemple, l'abandon de poste, le fait d'arriver en retard ou de ne pas porter correctement un uniforme. Toutes ces choses, qui peuvent sembler banales, ou ne pas nécessiter l'imposition de mesures disciplinaires — bien que certains parents, j'en suis sûr, ne seront pas d'accord avec moi là-dessus —, sont en réalité très importantes pour le maintien adéquat de la discipline et de l'ordre au sein des forces armées. Et je pourrais vous donner une très longue liste d'exemples du même genre.
    Mais il est clair que le fait d'être reconnu coupable dans le cadre d'un procès sommaire en vertu de la loi militaire ne peut en aucune manière figurer dans le casier judiciaire et, éventuellement, être divulgué. Dans ce projet de loi, on s'efforce véritablement de tracer une limite entre ce qui constitue une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité, dans un cadre disciplinaire strictement militaire, et une infraction mineure au regard du système traditionnel.
    Pour répondre à votre deuxième question, concernant la façon dont s'appliqueraient les exigences en matière de preuves, je dirais que le but recherché, une fois de plus, c'est de se rapprocher le plus possible du système de justice pénale, lorsque c'est approprié, en établissant la preuve hors de tout doute raisonnable, dépendamment de la manière dont le contrevenant devra être jugé. Les exigences en matière de preuves sont très semblables à celles que l'on retrouve dans le système civil de justice en ce sens qu'il faut faire la preuve hors de tout doute raisonnable et que le fardeau de la preuve repose sur la Couronne — c'est-à-dire l'accusateur, comme on le dirait en langage ordinaire. De la même manière, conformément aux normes à respecter pour qu'une affaire soit examinée par un tribunal pénal, selon la prépondérance des probabilités et l'expression qui suit et que vous connaissez, j'en suis sûr, il convient de se demander s'il est dans l'intérêt public de porter des accusations. C'est donc un élément à prendre en compte. Est-il dans l'intérêt public de tenir un procès?
    Dans le système militaire, cela peut être différent, mais on s'attache tout autant à déterminer s'il convient de porter certaines accusations, que ce soit pour des infractions mineures, mixtes ou plus sérieuses. Il ne s'agit pas d'aller à contre-courant, sauf pour certaines infractions militaires bien particulières qui ne se retrouvent pas dans le Code criminel canadien.
    J'espère que cela répond à vos questions.

  (1550)  

    Oui, je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Wilfert, vous disposez de 30 secondes.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie pour tout le temps que vous m'accordez.
    Monsieur le ministre, monsieur le Juge-avocat général, j'imagine que vous avez lu la lettre que ce comité a reçue de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire...
    Oui.
    ... qui se prononce contre l'application immédiate des articles 101 et 117. Je suppose... mais je voudrais savoir, monsieur le ministre, si vous êtes pour ou contre le report de l'application de ces dispositions, demandé pour permettre à la commission d'exposer, en temps opportun, ses préoccupations à l'égard du système de justice militaire.
    Je n'y vois absolument aucun inconvénient. En fait, vous saurez, à toutes fins pratiques, que nous sommes demeurés clairs à l'égard des changements qui pourraient affecter la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Étant donné sa façon de traiter certaines questions, nous ne voulions pas que cette mesure législative ait une incidence quelconque susceptible d'entraver les procédures en cours. C'est la raison pour laquelle la commission ne serait pas visée par l'application de ce projet de loi, s'il était adopté.
    Je vous remercie pour cette précision.
    Nous allons entreprendre la deuxième série de questions et réponses.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je veux souhaiter la bienvenue au ministre et au JAG.
    J'ai fait beaucoup de lecture sur le débat qui nous occupe. Nous avons beaucoup de questions à poser au ministre et au JAG. Je ne veux pas aller trop dans les détails avec le ministre, parce que je pense qu'il faut toucher plutôt les enjeux généraux. Un fait demeure: de plus en plus de gens croient qu'il y a une grande distance entre le droit militaire et le droit civil.
    Le Bloc québécois comprend bien qu'il est important qu'un code de discipline permette au secteur militaire d'avoir ses propres juges, ses propres avocats, etc. Cependant, de plus en plus de gens disent qu'on aurait intérêt à rapprocher un peu plus le droit militaire et le droit civil. À cet égard, en Angleterre, la Cour européenne des droits de l'homme vient de remettre à sa place le droit militaire anglais en disant qu'il y a trop de distance entre le droit militaire et le droit civil. Dans nos discussions et nos lectures, plusieurs exemples démontrent cette grande différence.
    Le ministre croit-il qu'il faudrait tenter de rapprocher le droit militaire et le droit civil? Pense-t-il que le droit militaire est toujours compatible avec la Charte canadienne des droits et libertés et avec les valeurs des Canadiens et des Québécois? Ces derniers voient cette question de façon distante et ils ne comprennent pas pourquoi le droit militaire et le droit civil ne sont pas pareils. Il y a un but de justice, mais il n'est pas appliqué de la même façon.
    Je demanderais au ministre de répondre à ces deux questions.
    Je vous remercie, monsieur Bachand.
    Vous avez raison, il faut toujours moderniser le système de justice, pas seulement le droit civil, mais aussi le droit militaire. C'est précisément la raison d'être de ce projet de loi. C'est une occasion d'examiner l'application, par exemple, de la Charte, et d'apporter certains changements pragmatiques pour améliorer notre système de justice.

[Traduction]

    L'utilisation des déclarations des victimes a commencé à s'appliquer alors que je pratiquais encore le droit comme procureur de la Couronne en Nouvelle-Écosse, et je me souviens de l'impact profond que cela avait eu sur les victimes et les membres de leur famille. Il s'agit là d'un exemple très patent de la façon dont on peut améliorer le système de justice militaire en appliquant ce type de changements, et il y a d'autres exemples qui permettront d'améliorer très concrètement ce système de justice militaire et de l'harmoniser davantage, comme vous l'avez suggéré, avec le système civil de justice, pour le faire entrer dans une nouvelle ère, et afin que certaines des avancées importantes du système de justice pénale puissent aussi s'appliquer aux militaires et à ceux qui sont touchés par le service militaire.
    Après avoir dit que nous devions faire certains changements bien précis — dont la majorité figure dans cette mesure législative, si ma mémoire est bonne —, nous avons accepté 94 p. 100 des recommandations du rapport Lamer, soit 83 des 88 recommandations présentées en détail, en tout ou en partie. Mais nous revenons toujours à la nécessité fondamentale d'avoir un système de justice séparé pour le personnel militaire, et les raisons invoquées par les juges Lamer et Dickson tournent autour de l'efficacité opérationnelle des militaires.
    Elles portent sur la nécessité de protéger une culture qui est encore très importante pour le respect de la discipline par nos hommes et femmes en uniforme — discipline, efficacité, moral et respect de la primauté du droit par les militaires. Des hommes comme Laurie Hawn, qui ont servi sous le drapeau national, vous diront qu'il est extrêmement important de connaître ces règles et règlements, qui sont très clairement énoncés, pour garantir l'efficacité du travail de nos hommes et de nos femmes en uniforme.
    On cherche également à répondre aux besoins en matière disciplinaire qui ne sont pas couverts actuellement par le Code criminel, qui sont en dehors du système disciplinaire actuel, en quelque sorte, et qui s'appliquent à des civils comme vous et moi. Le personnel militaire est assujetti à d'autres normes, en ce sens qu'on attend de lui, dans bien des cas — pour être franc et direct — qu'il travaille au péril de sa vie et au coeur d'enjeux majeurs pour notre pays, pour eux-mêmes, pour leur famille ainsi que pour leurs compagnons d'armes. Cette responsabilité ajoutée, liée aux risques, exige une certaine cohésion. Elle peut se faire par l'application particulière d'un système de justice militaire.
    Tout ceci figure dans les raisons exposées par le juge Lamer, dans l'affaire Généreux, et soulève également la nécessité, pour les forces armées, de se doter d'un système lui permettant de juger les infractions à la lumière du droit commun et du code de discipline. Ce système offre également une certaine souplesse qui permet, comme vous avez pu le constater, une application dans le système civil.
    J'espère avoir répondu à votre question. Je sais qu'elle comportait deux ou trois volets, mais pour résumer, je vous dirais que oui, c'est compatible avec ce que nous avons observé dans l'évolution de notre système civil de justice. Mais il est nécessaire, comme je viens de vous l'expliquer, que ce projet de loi aille de l'avant, de façon à ce que nous puissions apporter certaines améliorations au système militaire également.

  (1555)  

[Français]

    Il faudrait en inclure d'autres, comme la défense pleine et entière. Pour un procès sommaire, on n'a pas le droit de choisir son avocat. C'est un officier assistant qui est nommé par le commandant et il n'a pas de devoir de confidentialité. L'officier commandant assure la présence de tous les témoins. On ne peut pas, quand on est accusé, amener ses propres témoins. C'est l'officier commandant qui fait tout cela.
    Les modifications à apporter ne sont pas si importantes, mais elles devraient l'être pour que le droit civil et le droit militaire concordent davantage.
    Merci, monsieur Bachand.
    Je vais donner la parole à M. Harris.

[Traduction]

    Monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, pour votre présence aujourd'hui.
    Je dois convenir avec vous que ce projet de loi comporte certains aspects très positifs. Je note particulièrement les mesures prises pour assurer l'indépendance de la magistrature par rapport aux autorités militaires, comme c'est le cas dans la vie civile, les nouvelles dispositions qui permettent aux militaires d'imposer les mêmes types de peines conditionnelles ou discontinues, et toute une série d'autres modifications qui sont les bienvenues.
    Je me préoccupe surtout — vous en avez d'ailleurs parlé, et vous avez sans doute pris connaissance ou eu vent de mes observations en Chambre à ce sujet — de la question des procédures sommaires. Même si les juges Lamer et Dickson ne semblent pas avoir accordé beaucoup d'importance à cette question, il m'apparaît évident, d'un point de vue procédural tout au moins, que la Charte des droits et libertés de la personne n'est pas respectée en raison d'une application déficiente des règles de la preuve, d'un manque d'indépendance du tribunal — le commandant en charge connaît l'accusé et sans doute également tous les témoins — ainsi que du fait qu'il n'y ait ni transcription ni possibilité réelle d'interjeter appel, même si un mécanisme de révision est prévu.
    En toute franchise, ce n'est pas une situation qui m'inquiète vraiment dans le contexte de la discipline militaire. Je pense que nous convenons tous que les militaires doivent maintenir la discipline et le moral des troupes afin de pouvoir compter sur une force de combat capable de défendre avec cohésion toutes les bonnes causes.
    Je me soucie davantage de la question du casier judiciaire... en notant que certains changements ont été apportés à cet égard. Ces changements semblent tributaires de la peine. Nous connaissons tous les conséquences d'un casier judiciaire pour n'importe quel citoyen, civil ou militaire, notamment lorsqu'il s'agit de franchir la frontière — un problème qui ne cesse de s'exacerber. J'aimerais qu'il soit possible d'éviter d'en arriver là dans le cadre d'une procédure qui ne satisfait pas à tous les critères.
    Nous avons convoqué des témoins, des gens qui ont examiné ce projet de loi à l'extérieur des cadres du comité, en s'appuyant sur leur formation et leur expérience devant les tribunaux, des membres du Barreau notamment, et des représentants d'associations pour la liberté civile, qui sont venus comparaître pour discuter de ces enjeux.
    Voici ma question à votre intention. Même si, comme je l'ai déjà indiqué, le juge Dickson n'a pas considéré qu'il s'agissait d'un problème important, êtes-vous disposé à faire montre d'ouverture en demeurant à l'écoute des préoccupations qui pourraient être soulevées? Êtes-vous prêt à prendre en compte les témoignages que nous allons entendre et les recommandations que nous allons formuler en comité afin de mettre nos militaires à l'abri des conséquences auxquelles ils ne devraient pas être exposés si les droits que leur confère la Charte ne sont pas pleinement respectés?

  (1600)  

    Merci, monsieur Harris.
    Monsieur le président, la réponse brève est oui, bien évidemment. Ce projet de loi vise d'abord et avant tout à assurer un traitement équitable en évitant d'imposer à nos militaires des peines disproportionnellement lourdes par rapport à ce que prévoit notre système de justice pénale.
    Cela étant dit, il y a au sein des forces militaires, comme vous l'avez mentionné et d'autres l'ont également reconnu, un code de discipline distinct qui exige une application s'écartant de la norme en matière de justice criminelle en raison de cette exigence même de discipline et des attentes à l'endroit de nos soldats. À cet effet, je me réjouis de l'apport de ce projet de loi renfermant certaines dispositions visant à assurer un traitement prompt des manquements à la discipline militaire et l'imposition de peines qui ne sont pas indûment sévères et qui n'ont donc pas un impact disproportionné.
    Monsieur Harris, vous avez parlé du fait que les soldats devaient voyager et je sais qu'il s'agit d'une préoccupation importante. Si un militaire a un casier judiciaire qui l'empêche d'être déployé à l'étranger, sa carrière en souffrira grandement. Nous essayons donc de trouver un juste équilibre.
    Je me réjouis d'apprendre que nous pourrons entendre les témoignages d'autres membres du Barreau et des forces militaires... Et je sais que le Juge-avocat général pourra vous parler plus en détail du discernement dont nous devons faire montre en essayant d'appliquer ces principes de détermination des peines sans perdre de vue l'importance et la nécessité du code de discipline des militaires et les normes de comportement qu'ils doivent respecter, au-delà de ce que prévoit déjà notre régime civil.
    Comme vous le savez de par votre expérience du droit pénal, les objectifs et les principes de la détermination des peines comportent en outre un élément dissuasif à la fois général et spécifique. Cela explique en partie la nécessité d'agir en toute transparence lors des procès et des audiences disciplinaires. Le tout s'appuie bien évidemment sur les traditions bien ancrées de la chaîne de commandement.
    Je reviens à une intervention précédente de M. Bachand concernant le choix d'un avocat. Selon la gravité de l'infraction, je dirais que ce choix demeure possible. En fait, certains des militaires sous le coup des accusations les plus graves ont choisi d'avoir recours à un avocat à l'extérieur du système militaire. C'est ce qui s'est produit dans différentes causes dont ont été récemment saisis les tribunaux civils et militaires.
    Je prête une oreille attentive aux recommandations de votre comité, bien évidemment, et je suis disposé à considérer tout nouvel amendement que vous souhaiteriez proposer concernant ces dispositions et les autres éléments du projet de loi C-41.

  (1605)  

    Je crois avoir encore du temps pour une brève question.
    Vous avez indiqué qu'à peu près toutes les recommandations du juge Lamer avaient été acceptées. Je dirais qu'elles ont été acceptées en principe, mais que bon nombre d'entre elles n'ont pas été mises en oeuvre. L'une de ces recommandations visait à ce que l'on confère au chef d'état-major les pouvoirs nécessaires pour régler les griefs et les réclamations d'ordre financier.
    La question des griefs est particulièrement épineuse dans le contexte militaire. La procédure elle-même est fortement contestée par bien des gens, tant les avocats qui essaient d'aider leurs clients que ceux qui s'efforcent de régler les griefs.
    Cette recommandation-là n'a pas été mise en oeuvre. Il est très important que quelqu'un puisse dire qu'il prend les choses en main et que la situation va être réglée, mais on n'a toujours pas accordé des pouvoirs en ce sens.
    Y a-t-il une raison expliquant que l'on tarde à le faire? Je sais que certaines choses prennent du temps, mais ces recommandations ont été formulées en 2003.
    Une brève réponse, monsieur le ministre.
    Oui.
    Comme vous l'avez fait remarquer, nous avons donné suite à 94 p. 100 des recommandations, en tout ou en partie. Certaines des mesures auxquelles vous faites allusion sont déjà prévues dans ce projet de loi que nous présentons pour la troisième fois. Dans un contexte de parlement minoritaire, il arrive en effet que des projets de loi meurent au Feuilleton.
    D'autres recommandations peuvent être mises en oeuvre par l'entremise de la chaîne de commandement. Nous examinons toutes ces recommandations dans le but d'améliorer notre système, surtout pour ce qui est des griefs. Pour les raisons que vous connaissez, nous avons en quelque sorte adopté une attitude de non-intervention par rapport à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et au Comité des griefs, pour ne pas qu'on nous accuse de nous ingérer dans des dossiers ou des enquêtes en cours.
    Il faut toutefois espérer qu'une fois certains de ces dossiers réglés, nous serons en mesure d'agir rapidement pour apporter quelques-unes de ces importantes améliorations.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Braid.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre présence cet après-midi. Notre comité se réjouit d'avoir la possibilité d'étudier ce projet de loi et nous espérons bien le voir cheminer dans le processus législatif aussi rapidement que possible.
    Monsieur le ministre, tant dans votre déclaration préliminaire qu'en réponse à une question précédente, vous avez indiqué qu'il devrait y avoir concordance, toutes les fois que cela est possible, entre le système de justice militaire et le régime civil, et que l'on devrait retrouver dans le système militaire certaines des caractéristiques les plus importantes et pragmatiques du système de justice civile. Mais, en dernière analyse, il demeure important de conserver un système de justice militaire distinct à part entière. Pourquoi est-ce important?
    Merci pour votre question et pour votre travail dans ce dossier.
    Je crois que la meilleure illustration de la nécessité de maintenir deux systèmes parallèles, avec la souplesse permettant les chevauchements et l'intégration des meilleurs éléments de l'un et de l'autre, nous est donnée par le juge Lamer dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire Généreux, laquelle est d'ailleurs à l'origine de quelques-uns des changements que nous envisageons maintenant. Cette décision s'articule autour de l'importance d'éléments comme la discipline, la culture militaire, l'efficience et la nécessité de soutenir le moral des troupes, ce qui est primordial pour les militaires et leurs familles, tout en s'appuyant sur certains des principes fondamentaux de la justice que sont l'équité et la possibilité pour les militaires de croire au bon fonctionnement de leur système judiciaire.
    En préservant un système distinct et indépendant, j'estime que l'on contribue à consolider cette approche fondée sur le soutien nécessaire à la discipline, à l'efficience et au moral, sans se priver de puiser à même les meilleurs éléments du système de justice pénale en place à la faveur de quelques-uns de ces importants changements dont nous avons discuté: la déclaration des victimes, la durée du mandat des juges, et la modernisation du mode d'application de la loi et de fonctionnement des tribunaux. Tout cela contribue aux objectifs très fondamentaux et essentiels de la préparation des forces et de leur capacité à faire ce qu'on attend d'elles.
    Grâce à ce système distinct, les Forces canadiennes peuvent continuer à assurer le respect des conditions particulières de discipline s'appliquant à tous les aspects de la vie militaire: de la tenue vestimentaire des soldats jusqu'à leur mode de préparation, en passant par leur comportement, leurs interactions avec leurs collègues et la façon dont ils s'entraînent. L'aspect préparation est crucial pour nos militaires compte tenu du rythme élevé des opérations au cours des dernières années, des attentes quant à leurs actions au pays comme à l'étranger, et du comportement qu'ils doivent adopter lorsqu'ils sont déployés.
    Voilà autant d'éléments qui viennent confirmer, et je ne saurais trop insister là-dessus, la nécessité de ce système de justice militaire distinct qui régit leur vie, leur travail et leurs interactions quotidiennes avec les autres.

  (1610)  

    Merci.
    Vous avez parlé des déclarations des victimes. Pourriez-vous nous dire de quelle manière cette importante nouvelle caractéristique pourra améliorer notre système de justice militaire?
    Tout comme dans le système civil de justice pénale, ces déclarations permettent aux victimes de contribuer directement aux délibérations et au processus final de détermination de la peine. C'est une façon pour les victimes d'avoir officiellement voix au chapitre en faisant valoir les impacts qu'elles ont ressentis. Il peut s'agir d'impacts financiers, émotifs ou physiques, dans le cas de voies de fait. Les victimes peuvent ainsi s'exprimer d'une manière qui, à l'heure actuelle, dans notre système de justice militaire tout au moins, n'est pas accessible dans la mesure où elle le devrait et où elle le pourrait. Pour l'instant, les victimes sont davantage prises en considération dans l'application civile de notre Code criminel.
    Le juge pourra ainsi tenir compte de la déclaration de la victime dans sa détermination finale de la peine. Cela favorisera une harmonisation optimale de notre système de justice militaire en permettant aux victimes d'y contribuer dans toute la mesure du possible. Notre gouvernement a toujours fait valoir avec vigueur l'importance des droits des victimes et j'estime que ces droits sont tout aussi importants au sein de notre système de justice militaire.
    Pour ce qui est de la détermination de la peine, en quoi le projet de loi permet-il une plus grande souplesse et pourquoi est-ce important?
    Ce projet de loi comporte différentes dispositions qui améliorent ou précisent le processus de détermination de la peine. Cela ne se limite pas à la déclaration des victimes; on prévoit aussi, par exemple, l'imposition de peines discontinues.
    Cela s'apparente aux peines imposées dans notre système de justice pénale qui permettent de combiner amende et temps d'incarcération. Il s'agit d'offrir au juge un plus large éventail d'options pour la détermination de la peine. À ce titre, on rétablit notamment la possibilité de demander un dédommagement.
    Il s'agit donc de prendre des éléments de notre système de justice maintenant enchâssés dans le Code criminel pour les intégrer à la Loi sur la défense nationale afin d'instaurer une parité, tant perçue que réelle, entre les deux régimes pour ce qui est des options de détermination de la peine s'offrant à la fois au juge, au contrevenant et à la poursuite.
    Certains parlent d'un système de justice militaire à deux paliers en faisant allusion aux procédures sommaires et à la cour martiale.
    Pourquoi ces deux volets sont-ils essentiels?
    C'est surtout pour une question de flexibilité que l'on maintient ce système à deux paliers permettant des procédures sommaires devant le tribunal pour la plupart des questions disciplinaires dont j'ai parlé précédemment, parallèlement au système plus formel de la cour martiale.
    Sans nier le fait que ce qui se passe aux deux paliers peut avoir un impact sur les aspirations et le cheminement de carrière d'un militaire, il faut noter que les procédures sommaires sont de loin les plus courantes. La vaste majorité des tribunaux militaires y ont recours pour jouer leur rôle vital de maintien de la discipline et de l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes.
    Comme je le disais tout à l'heure, les juges en chef Brian Dickson et Antonio Lamer ont tous deux indiqué après leur examen du système que les améliorations recommandées sont importantes pour régler toutes ces questions de crédibilité, d'équilibre et de préservation de la culture militaire, et j'estime que vous pouvez certes vous fier à leur évaluation de notre système à deux paliers.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

  (1615)  

    Merci, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Je vais maintenant donner la parole à M. Wilfert qui souhaite partager son temps avec Mme Folco.
    Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais poser mes deux questions, puis donner la possibilité à Mme Folco de poser la sienne, de sorte que le ministre pourra répondre aux trois questions en même temps.
    J'aimerais obtenir deux précisions. En vertu de l'article 20, le militaire du rang qui fait l'objet d'une peine de détention est réputé rétrogradé au grade de soldat jusqu'à ce qu'il ait purgé sa peine. Selon vous, cette rétrogradation temporaire pourrait-elle avoir une incidence à long terme sur les relations au sein de la chaîne de commandement? Autrement dit, cela pourrait-il poser problème aux sous-officiers qui doivent servir en tant que soldats pendant une certaine période et qui retournent ensuite en position d'autorité? Cela pourrait-il occasionner des problèmes à long terme au sein de la chaîne de commandement?
    Ensuite, monsieur le ministre, j'aimerais avoir une petite précision concernant l'article 40. Dans cet article, il est question de citer l'accusé à comparaître devant la cour martiale. Toutefois, le libellé n'est pas clair. Je m'interroge à savoir si cet article oblige les membres à témoigner lorsqu'ils sont convoqués, ou si leur simple présence suffit.
    Si Mme Folco veut bien poser sa question...

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Wilfert.
    Monsieur le ministre, je voudrais faire référence à l'article 45, qui donnerait le pouvoir au ministre de demander une enquête sur un juge militaire.
    D'une part, le ministre peut demander une enquête. D'autre part, sauf erreur, un comité d'enquête aurait déjà le pouvoir de tenir une telle enquête si une plainte avait été présentée devant ce comité. Je me demande si l'octroi de ce pouvoir extraordinaire au ministre de demander une enquête est nécessaire. Cela me semble redondant. Je me questionne sur l'indépendance des juges par rapport à cet élément.

[Traduction]

    Il ne faut pas oublier comment les juges sont nommés. Cela relève de la politique partisane, étant donné que ce sont les ministres qui prennent les décisions relatives à la nomination des juges. Je suis donc d'accord avec vous pour dire que dans ce cas, cela peut paraître redondant, mais, à mon avis, dans quelques circonstances, bien qu'elles soient rares, il se peut qu'un ministre doive enquêter sur un juge.
    En lisant ce projet de loi, madame, vous constaterez que les pouvoirs du ministre de la Défense nationale sont réduits. D'ailleurs, il renferme plusieurs articles qui visent à restreindre, voire à éliminer, le pouvoir du ministre dans le système de justice — ce qui est une bonne chose. Toutefois, je ne vois pas le pouvoir de commander une enquête comme de l'ingérence. Je considère qu'il s'agit d'une rare occasion où le ministre peut déterminer s'il y a quelque chose au sein du ministère de la Défense nationale, et au sein du système de justice militaire, qui doit faire l'objet d'une enquête. On n'influe aucunement sur le déroulement de l'enquête ni sur les résultats. Il s'agit simplement de commander une enquête. C'est ce que j'avais à dire sur le sujet.
    Pour ce qui est des articles 20 et 40, je propose de donner une réponse plus détaillée au député. Toutefois, l'article 20 porte sur la nécessité de rétablir la discipline et, dans certains cas, de réhabiliter le membre en question. La citation à comparaître n'oblige pas le témoin à témoigner, pourvu qu'il soit présent. Je dirais que c'est semblable à ce qui est prévu dans le Code criminel. Le tribunal peut assigner des témoins et a le pouvoir discrétionnaire de les faire témoigner s'il le désire. Mais lorsqu'on cite quelqu'un à comparaître, on ne fait qu'exiger sa présence. C'est ce que je comprends.

  (1620)  

    L'article 4 prévoit que le vice-chef d'état-major de la Défense peut donner des instructions générales au grand prévôt à l'égard d'une enquête en particulier. Pourriez-vous nous indiquer quelle en sera l'incidence sur l'indépendance judiciaire? Quels seront les critères sur lesquels on se fondera pour déterminer si un cas particulier mérite ce type d'intervention? Imposera-t-on des limites à ce pouvoir? Enfin, monsieur le ministre, le grand prévôt sera-t-il tenu de justifier de tels ordres?
    Je vous demanderais d'être bref, monsieur le ministre.
    C'est une question plutôt complexe qui renferme plusieurs volets. Pour répondre brièvement, je pense que les circonstances où le vice-chef d'état-major de la Défense devra intervenir dans ce sens sont très rares. N'empêche que le projet de loi prévoit tout de même un pouvoir discrétionnaire à cet effet.
    Dans la deuxième partie de votre question, j'imagine que vous voulez savoir si nous examinons les circonstances dans lesquelles cela peut se produire. Je propose que cette question fasse l'objet d'un examen approfondi par le comité. Il serait bien avisé de poser cette question au Juge-avocat général, au cours de la présente session, ainsi qu'à de futurs témoins afin de déterminer à quel moment une telle intervention de la part du vice-chef d'état-major de la Défense pourrait être pertinente et si cela pourrait être considéré comme étant une ingérence indue dans le processus, par rapport, encore une fois, à l'une de ces circonstances, aussi rares soient-elles, où l'intervention de la chaîne de commandement se révèle nécessaire en vue de maintenir l'ordre et la discipline. Je présume que la sécurité opérationnelle est un autre aspect où l'on pourrait intervenir.

[Français]

    Merci, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Monsieur Payne, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre. C'est un plaisir de vous revoir.
    Chose certaine, ce projet de loi donne la possibilité d'améliorer le système de justice militaire. À mon avis, les dispositions qu'il contient permettront de l'harmoniser davantage avec le système de justice civile.
    Une des choses qui m'a intrigué, bien entendu, était la recommandation du rapport Lamer concernant la nomination des juges militaires à titre inamovible jusqu'à leur retraite. Pouvez-nous expliquer la nécessité de cette recommandation et nous dire comment on l'a intégrée au projet de loi C-41?
    Encore une fois, il y avait en quelque sorte une anomalie, monsieur Payne, relativement à leur mandat. Les juges militaires étaient déphasés par rapport aux autres. Une fois nommés, ils devaient renouveler leur mandat tous les cinq ans.
    On a donc soulevé des préoccupations dans le rapport Lamer concernant leur sécurité d'emploi, si je puis m'exprimer ainsi, et sur l'incidence que cela pourrait avoir sur eux, compte tenu de l'âge de la retraite. Pour dissiper les préoccupations énoncées dans le rapport et régler les questions soulevées en ce qui a trait à la sécurité d'emploi et au décalage par rapport au système de justice civile, je pense que cet amendement permet de remédier à la situation d'une façon qui reflète notre système de justice civile et de renforcer la notion d'indépendance judiciaire, qui a suscité des préoccupations au sein du comité et fait l'objet de discussions à la Chambre.
    Le principe d'indépendance judiciaire est très important. C'est ce que nous visons. Et le mandat des juges du système de justice civile canadien va dans le même sens. Pour toutes ces raisons, je considère que l'amendement propose un juste équilibre.
    Merci.
    Par ailleurs, durant les débats à la Chambre, plusieurs députés de l'opposition s'inquiétaient de la sévérité des peines dans le système de justice militaire. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?
    Absolument. Encore une fois, vous trouverez qu'il s'agit d'une préoccupation légitime. Il faut se mettre à la place des civils et percevoir les choses comme ils le feraient. Les civils pourraient s'interroger sur la nécessité de certains comportements, uniformes ou activités dans l'armée et sur le fonctionnement en général du système de justice militaire. Évidemment, tout cela s'explique par la façon dont les militaires ont été formés et par le fait qu'ils ont accepté d'adopter une doctrine en se joignant aux Forces canadiennes.
    Le juge Lamer a longuement étudié la question dans l'affaire Généreux. Il s'est interrogé sur la nécessité d'imposer rapidement des sanctions qui pourraient être considérées trop sévères pour une banale infraction au code de conduite. On agit ainsi dans le but de maintenir un haut niveau de discipline et de préparation et des comportements conformes à ceux que devraient adopter des militaires efficaces, mais on doit tout de même respecter les principes fondamentaux d'équité. Je sais que le terme « sévérité » est ressorti durant le débat.
    Le projet de loi C-41 prévoit également le principe de restriction. Ce principe vise à ce qu'il n'y ait pas d'abus dans l'imposition des peines ou des mesures disciplinaires, lorsqu'il s'agit de délits mineurs. D'ailleurs, je pense que l'objectif de ce projet de loi est de protéger les militaires des peines trop sévères tout en maintenant un code de discipline, un code de conduite, que doivent respecter les militaires dans l'exercice de leurs fonctions et dans l'atteinte de leurs objectifs.

  (1625)  

    Merci.
    Je vais céder la parole à M. Bachand.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, il me reste trois questions à vous poser. Je vous invite à les noter, ça va me faire plaisir d'écouter votre réponse.
    Ma première question porte sur le fait que le chef d'état-major va déléguer ses attributions à titre de dernière instance dans le processus de traitement des griefs. Selon moi, si on lui permet de déléguer ces dernières attributions, cela mettra le chef d'état-major en dehors du circuit et il ne saura pas vraiment ce qui se passe du côté des litiges. J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.
    Voici ma deuxième question. La loi prévoit aussi l'obligation de procéder à des examens indépendants dans le futur. Il y a beaucoup de contestation sur la procédure de grief actuelle. On parle de futurs examens indépendants. Quand va-t-on mettre à profit les études indépendantes sur le processus de traitement des griefs, un élément qui m'intéresse particulièrement?
    Ma dernière question concerne les juges militaires qui, maintenant, auront le droit de déposer eux-mêmes un grief. À ma connaissance, c'est assez nouveau. Je trouve que c'est une atteinte au devoir de réserve d'un juge. Il n'y a pas d'équivalent dans le public, dans le civil. N'y a-t-il pas atteinte au devoir de réserve du juge s'il a le droit de déposer ses propres griefs pour se plaindre de la façon dont il est traité?

[Traduction]

    Merci, monsieur le président et monsieur Bachand.

[Français]

    Je vous remercie de vos questions.

[Traduction]

    En ce qui concerne la procédure de règlement des griefs et les amendements qui ont été apportés à cet égard, je dirais que le fonctionnement de la chaîne de commandement est très différent lorsqu'on le compare à un système de justice. Je suppose que l'on peut comparer la situation à des avocats et à des avocats juniors ainsi qu'à des gens qui travaillent dans le système où sont déléguées certaines attributions. C'est très conforme à la vie militaire, à la doctrine militaire. Il y a des rangs. Des pouvoirs sont souvent délégués à des officiers subalternes et ainsi de suite tout au long de la chaîne de commandement.
    Je ne partage toutefois pas votre avis lorsque vous dites que la délégation de certaines attributions fera en sorte de mettre la personne compétente en dehors du circuit et qu'elle ne saura pas vraiment ce qui se passe du côté des litiges. Je dirais que la plupart des militaires, dans les rangs, s'assurent de communiquer des instructions claires de façon à ce qu'il n'y ait pas de confusion à l'égard des attentes. Cela fait partie de la vie militaire. Cette doctrine de délégation des pouvoirs est bien établie au sein de l'armée, et le système de justice militaire ne fait pas exception.
    Lorsqu'il est question des futurs griefs et de la procédure de règlement des griefs, sachez que ce que vous venez de mentionner figure dans ces amendements. D'autres ont été retardés, en grande partie parce que nous ne voulions pas avoir l'air d'imposer des changements à la procédure de règlement des griefs ou de traitement des plaintes de la police militaire alors que des cas importants et délicats sont à l'étude. Cela ne signifie pas que ces changements ne seront jamais mis en oeuvre dans le futur ou qu'ils ne constituent pas des amendements légitimes à considérer.
    J'imagine qu'en temps et lieu, nous donnerons suite à certaines de ces autres recommandations et à ces autres amendements nécessaires. Nous espérons pouvoir le faire parallèlement et non séparément... Nous aimerions être capables de le faire sans avoir l'air de nous ingérer dans les délibérations en cours.
    Quant à l'impartialité des juges, je suis entièrement d'accord avec vous. Il s'agit d'une question extrêmement importante. L'impartialité des juges, dans n'importe quel système, est essentielle à l'intégrité du processus. Toute suggestion ou proposition d'amendement à cet égard de la part du comité est importante au fonctionnement général du système. Je suis impatient de lire ces recommandations et d'entendre les autres témoins qui comparaîtront devant le comité dans ce dossier.

  (1630)  

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Monsieur Cathcart,

[Traduction]

    Nous serons avec vous dans cinq minutes.

[Français]

    Je vais suspendre les travaux pendant cinq minutes, après quoi on va reprendre la séance publique.

    


    

  (1640)  

    Bonjour à nos membres et à nos témoins. Nous poursuivons la 46e séance du Comité permanent de la défense nationale.

[Traduction]

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à MM. Gleeson, Gibson et Blaise Cathcart. Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Bachand.
    Monsieur Wilfert, êtes-vous prêt? Souhaitez-vous prendre la parole?
    Non, je vais le laisser terminer.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous avez la parole pour sept minutes, après quoi ce sera au tour de M. Wilfert. Merci.
    Monsieur le président, je suis content d'être considéré comme porte-parole de l'opposition loyale de Sa Majesté.
    « Loyale », c'est ça, le mot, oui, fier Acadien que vous êtes!
    Bonjour, monsieur Cathcart. J'ai plusieurs questions à vous poser, mais je ne peux pas toutes les poser, compte tenu du temps qui m'est imparti. Néanmoins, certaines me tiennent particulièrement à coeur.
    En ce qui concerne les procès sommaires, le ministre a apporté une petite nuance plus tôt, à savoir que la personne qui est persécutée, l'accusé, n'a pas le droit de consulter un avocat. C'est censément l'officier commandant qui assigne un officier assistant. Il assigne aussi les témoins. Il n'est pas soumis au devoir de confidentialité, à la règle de preuve. Il n'y a pas de transcription officielle; seules la sentence et les punitions sont enregistrées. Je commencerai par cela.
    Ce que je viens de vous dire est-il vrai ou y a-t-il des nuances à établir?
    Évidemment, monsieur le président, il y a beaucoup de nuances dans la loi.

[Traduction]

    Comme vous le savez, monsieur Bachand, d’après les versions antérieures sur le processus de procès sommaire, le comité et, en fait, le grand public doivent comprendre qu’il y a une différence fondamentale dans l’approche de l’armée en matière de justice, mais évidemment, pas en ce qui concerne l’application des droits et de la charte, par exemple, où nous sommes aussi vigilants que dans le système de justice civile. Cependant, dans notre système, l’objectif principal est de maintenir la discipline en tout temps, en temps de paix comme en temps de guerre, de sorte que tous les soldats, aviateurs et marins, hommes et femmes, obéissent au commandement. À l’intérieur de cette structure, on retrouve deux systèmes: le procès sommaire et la cour martiale. Le procès sommaire est de loin la procédure le plus utilisée, et ce, depuis toujours, et je pense que cela a de nombreux côtés positifs.
    Tout d’abord, c’est le système avec lequel la chaîne de commandement et les troupes sont les plus à l’aise. Ils comprennent ses concepts, sa raison d’être et les conséquences qui en découlent, et par conséquent, ce système doit être non seulement juste, bien entendu, mais aussi efficace et pertinent sur le plan opérationnel. Si nous décidons simplement de le transformer, comme certaines autorités le font, pour des raisons idéologiques, en un autre système qui renferme tous les mêmes droits, un juge, un procureur, un avocat de la défense, etc., je pense qu’au bout du compte, nous ne réussirons pas à atteindre un juste équilibre, c’est-à-dire un système dans lequel les troupes comprennent ce qu’est la discipline mais qui ne va pas à l'encontre de leurs droits et de l’équité.
    Le ministre a parlé du droit de consulter un avocat. En fait, ils ont le droit de recourir aux services d’un avocat. Ils doivent en faire la demande, car on ne le leur accorde pas automatiquement. En effet, d’après mon expérience, si l’avocat présente des arguments juridiques complexes, je suis certain qu’au procès sommaire, un commandant ou un officier président en saisira la cour martiale, qui est l’instance compétente pour ce genre d’arguments fondés sur la charte des droits, etc.

  (1645)  

[Français]

    Est-ce vrai que tous les témoins dans un procès sommaire, y compris les témoins de la défense, sont assignés par l'officier assistant?
    Pas exactement. Le processus est contrôlé par le commandant, le président du tribunal.

[Traduction]

     Comme on peut s’y attendre, c’est le commandant qui est chargé de prendre les mesures disciplinaires. Au fond, il s’agit d’un processus dans le cadre duquel l’unité, souvent représentée par le sergent-major de compagnie ou le capitaine d’armes, par exemple, donnera sa version des faits. À l’inverse, l’accusé a le droit de demander la présence de témoins, à moins que cela occasionne des problèmes. Si vous êtes en Afghanistan et que vous voulez faire venir un témoin parce que vous n’avez pas ciré vos bottes correctement, par exemple, il faudra faire preuve de discernement.
    D’accord. L’accusé peut en faire la demande, mais cela ne lui est pas automatiquement accordé.
    Étant donné que dans l'unité, l’officier président doit maintenir le contrôle, il jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire, mais si vous avez l’occasion d’assister à un procès sommaire, vous verrez qu’on accède aux demandes des accusés dans la plupart des cas.

[Français]

    Est-ce vrai qu'il n'existe pas de règles de preuve? Il s'agit souvent de témoignages, et on n'est pas obligé d'avoir de preuve.
    Non, pas exactement. Au bout du compte, c'est toujours une question de preuve.

[Traduction]

    Si la preuve est fournie par un témoin, c’est une source. Si elle vient d’un document, c’en est une autre. Les preuves ne doivent pas forcément prendre la forme de témoignages. On peut présenter des rapports, des exemples d’instructions écrites, par exemple, ce qui n’est pas si différent d’une cour martiale.

[Français]

    Est-ce vrai, aussi, qu'il n'y a pas d'appel? C'est-à-dire que si un verdict prive un soldat de sa liberté, par exemple, ou que ce dernier ait une petite peine d'emprisonnement, il ne peut pas en appeler de cette décision de l'officier commandant?
    Pas exactement. Dans le langage juridique, c'est une question de nuances. Dans le processus des procès sommaires, c'est une question de type de révision faite par la chaîne de commandement.

[Traduction]

    Ce n’est donc pas un appel, comme on le verrait normalement dans une cour d’appel d’une cour martiale militaire, mais il est possible de faire réviser sa peine par une personne indépendante de la chaîne de commandement, qui aura également accès à des conseils juridiques indépendants offerts par mon bureau.

[Français]

    J'ai vu que la loi prévoit des options supplémentaires pour déterminer la peine. J'en ai vu un certain nombre, mais je n'ai pas vu « décharge conditionnelle et probation » au nombre des options supplémentaires.
    Pouvez-vous me dire si c'est dans le projet de loi qui est devant nous actuellement?
    Non, la question de la probation n'est pas directement un enjeu dans la loi. Cependant,

[Traduction]

    nous l'examinons. C'est très complexe, particulièrement quand, en même temps, l'accusé peut être libéré des Forces canadiennes. La question de la probation devient très complexe après le retour de la personne à la vie civile, en raison des différentes compétences, provinciales comme territoriales. Nous l'examinons, mais, encore une fois, il y a beaucoup de nuances à faire, et c'est très complexe. En outre, nous ne l'avons pas exclue.

[Français]

    J'ai posé une question au ministre sur les juges militaires qui peuvent déposer des griefs. Comme moi, voyez-vous une atteinte au devoir de réserve d'un juge, s'il peut procéder de cette façon?
    En ce qui a trait aux qualifications, toutes les matières ne peuvent faire l'objet de griefs de la part des juges militaires.

[Traduction]

    Par exemple, toutes les questions qui concernent directement la capacité du juge d'exercer la justice et les questions touchant son indépendance ne feraient pas l'objet de griefs. Cependant, j'insiste encore là-dessus, les juges militaires font toujours partie de l'armée. Ils peuvent, en effet, être saisis de questions qui ne concernent pas directement leurs fonctions ou leurs capacités d'exercer la justice. Ils peuvent souhaiter formuler des griefs. Ils ont ainsi un choix.
    Donc, il ne s'agit aucunement, dans les faits comme dans les apparences, d'exercer de la pression sur les juges en disant que le chef d'état-major de la défense peut contrôler leur indépendance par le sort qu'il réserve à leurs griefs. Les griefs sont prévus pour les cas où ils peuvent avoir un problème légitime, qui n'influe pas sur leur indépendance, mais qui les prive de tout autre recours, parce, en vérité, ils restent membres

[Français]

des Forces canadiennes.
    Merci.

  (1650)  

    Merci bien, brigadier-général.

[Traduction]

    La parole est maintenant à MM. Wilfert et LeBlanc.
    Merci.
    D'abord, par votre entremise, monsieur le président, je tiens à féliciter pour son travail le cabinet du Juge-avocat général des Forces canadiennes. Je tiens également à vous féliciter pour votre travail. Je suis heureux de vous revoir après notre première rencontre.
    J'ai simplement une petite question à poser, par votre entremise, monsieur le président. En vertu de l'article 59, les non-Canadiens, à qui on imposait une sorte de silence, comme si on était au cinéma, auront-ils le droit de produire une déclaration de la victime, et en quoi la cour martiale est-elle tenue de faire enquête si on a dit à la victime qu'elle peut faire une déclaration de la victime dans les cas où il pourrait y avoir plusieurs victimes?
    Je vais demander à mon collègue, le colonel Gleeson, de répondre à cette question détaillée.
    Merci.
    Monsieur le président, je ne l'ai pas sous les yeux, mais l'article 59, si je ne m'abuse, concerne les troubles mentaux et, pas nécessairement, les déclarations de la victime. En ce qui concerne ces déclarations, toute victime serait effectivement en position d'en déposer une à la cour martiale, en vertu du processus qui sera prévu à cette fin. La loi encadrera ce processus et, en fait, elle obligera les juges à les recevoir. Sous le régime de la loi, un cadre réglementaire entrera dans les détails et définira les notions de victime, etc. Il est sûr, cependant, que la nationalité ne pourra pas servir de prétexte pour nier à la victime l'occasion de faire une déclaration dans cette situation.
    D'accord. Merci, colonel.
    Autour de M. LeBlanc.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, général, et merci aussi à vos collègues, pour être présents ici ainsi que pour le travail que vous avez effectué dans la préparation d'un excellent dossier d'information sur le projet de loi.
    Je pense que l'article 45 parle des enquêtes sur les juges militaires, qui ressembleraient à un processus que le Conseil canadien de la magistrature pourrait mettre en branle, en ce qui concerne la discipline d'un juge militaire. Mon intervention n'est pas dictée par une sorte d'égoïsme, parce que je n'aspire pas à devenir juge militaire, et je suis particulièrement heureux que cette disposition ne s'applique pas aux tribunaux civils, mais on me dit que vous ajoutez l'obligation, pour quelqu'un, de satisfaire aux normes applicables de santé et de forme physique. Pourquoi feriez-vous enquête sur un juge qui, peut-être, a abusé du barbecue pendant l'été, qui a fait des excès de table ou qui a de la difficulté à boutonner son uniforme? Cela m'étonne que vous puissiez effectivement organiser une enquête sur l'obésité d'un éventuel juge d'un tribunal militaire. Je pense que beaucoup seraient soulagés d'apprendre que cela n'arrive pas dans les tribunaux civils, mais je tiens à savoir pourquoi vous y soumettez le juge militaire.
    Ne refilez pas cette question à Pat.
    Merci, monsieur le président.
    Pat est en forme. C'est pourquoi il est pour.
    Visiblement, l'explication réside encore, d'après moi, dans la particularité de faire partie de l'armée. Comme les juges militaires continuent d'en faire partie, ils sont tenus de satisfaire à toutes les normes, y compris de santé, concernant leur capacité de remplir leur devoir de soldat.
    Monsieur le président, dans le contexte non seulement de la justice militaire, mais, également, du droit administratif, vous avez peut-être entendu parler du principe d'« universalité du service », qui signifie essentiellement que tout militaire — y compris nous, les juges — doit être apte à satisfaire aux normes minimales, dans une situation, par exemple, où il devrait soulever des objets lourds, transporter des personnes sur des civières.
    Si, pour une raison ou une autre, un juge y manquait, le système pourrait difficilement le sanctionner à l'égal d'un autre soldat, en lui enjoignant simplement, sous peine de renvoi, de retrouver la forme. Si cela se produisait — mais je me demande si, au bout du compte, l'hypothèse est réaliste — ce serait un mécanisme qui permettrait d'examiner la forme physique du juge à l'abri de l'ingérence de la chaîne de commandement, sans donner l'impression de porter atteinte à son indépendance.

[Français]

    Merci.
    Merci, monsieur LeBlanc.
    Je vais donner la parole à M. Harris.

[Traduction]

    Vous avez la parole.
    Général Cathcart, j'ai quelques questions à vous poser. L'une concerne le chef de la prévôté. Son rôle, si j'ai bien compris, est d'agir comme service de police dans l'armée pour assurer le respect des lois, les lois générales qui gouvernent les forces armées, mais, aussi, les lois de la guerre et d'autres obligations imposées aux Forces canadiennes.
    Dans ce contexte, je me demande si vous pouvez parler du pouvoir, que possède le Vice-chef d'état-major de la Défense, de formuler des directives sur la conduite d'une enquête particulière. Ce disant, je pense bien sûr à l'un des sujets auxquels nous nous intéressons depuis à peu près un an, c'est-à-dire la conduite même de la police militaire. Je sais très bien que les tribunaux en ont été saisis. Il s'agit simplement d'éclairer la notion générale de ces directives, qu'on pourrait assimiler à de l'ingérence. Je suppose qu'il pourrait détourner un enquêteur de tel aspect de l'enquête ou critiquer ses méthodes. Il me semble, dans le contexte de ce que l'on attend du grand prévôt, à part vous, en votre qualité de Juge-avocat général... Vous pouvez donner un avis, mais vous ne pouvez arrêter personne. Peut-être le pouvez-vous. Vous êtes en mesure de donner un avis. Le rôle du grand prévôt est quelque peu différent. Pourtant, le Vice-chef d'état-major de la Défense peut effectivement contrôler les enquêtes.
    Pourriez-vous nous livrer un commentaire général là-dessus? Quand, selon vous, le Vice-chef d'état-major de la Défense pourrait-il exercer ces pouvoirs en pratique? Pouvez-vous donner des exemples?

  (1655)  

    Merci de votre question, monsieur Harris. C'est une excellente question qui, encore une fois, souligne le caractère original de la justice militaire canadienne ainsi que des joueurs qui évoluent dans ce système. J'aimerais aider le comité et le public, en fait, à comprendre de manière générale de quoi il s'agit.
    Le grand prévôt et la police militaire sont uniques dans la société canadienne. Au Canada, il n'y a pas d'autres services policiers comme la police militaire. C'est principalement parce qu'elle joue deux rôles qui s'entrecroisent souvent, mais qui sont néanmoins distincts.
    Le premier est d'apporter son concours à la chaîne de commandement opérationnel dans, par exemple, le traitement des détenus, les points de contrôle de la circulation et la sécurité, tant ici, au Canada, qu'à l'étranger, dans les missions comme en Afghanistan.
    Le second, comme l'implique son nom, c'est le rôle d'une police. La police militaire et le Service national des enquêtes passent une bonne partie de leur temps à mener des enquêtes. Je suis sûr que les membres du comité en sont conscients.
    Je pense qu'il est indispensable de le comprendre. Si l'on ne comprend pas que cette organisation est unique, sui generis, en bon latin, il ne serait pas juste, d'après moi, d'affirmer qu'elle n'est qu'un service de police, de parler d'indépendance de la police, puis d'éventuelle ingérence, puis de la comparer à la GRC ou à la police d'Ottawa ou de Victoria ou à n'importe quel service de police du Canada. C'est à cause de ces rôles très opérationnels que la chaîne de commandement doit intervenir dans les affaires du grand prévôt et, par extension, dans celles de la police militaire.
    Le nouveau projet de loi vise effectivement à protéger la chaîne de commandement et le grand prévôt d'une manière très transparente, en prévision des rares occasions où la chaîne de commandement, représentée uniquement, et je souligne ici, uniquement, par le Vice-chef d'état-major de la Défense, peut donner des directives pendant une enquête particulière et, aussi, des orientations générales. C'est dans la première partie de ce nouvel article. Honnêtement, ces dispositions reflètent mes propres attributions, qui me permettent de donner des instructions précises, à moi aussi, au directeur des poursuites militaires. Le but de tout ceci est la transparence du processus, de manière à ce que le public, l'armée, le grand prévôt lui-même n'aient pas à redouter l'ambiguïté dans ce qu'il peut faire.
    Bien sûr, je ne peux pas parler pour le vice-chef; chacun mène sa barque, mais un exemple pourrait être que, comme en Afghanistan, après la commission d'une infraction, le grand prévôt pourrait se sentir tenu, par la loi, de faire enquête. À cette fin, il aurait besoin du concours logistique du commandant de la force opérationnelle, pour amener ses enquêteurs sur le théâtre d'opérations. En même temps, la chaîne de commandement fait la guerre dans le secteur où le Service national des enquêtes ou la police militaire souhaiteraient se rendre. Dans ce cas, il pourrait être utile au grand prévôt d'annoncer publiquement au vice-chef qu'il a besoin de s'y rendre et qu'il a besoin de son concours. Le vice-chef, après examen approfondi, peut ne pas accéder à cette demande, en raison des dangers, des combats. Les deux parties ont ainsi l'occasion d'examiner la question. Si, ensuite, le vice-chef interdit expressément la présence des enquêteurs, publiquement ou non, il incombe au grand prévôt d'y réagir. Cela dépend de lui.
    Ce scénario donne nettement au grand prévôt une défense assez solide contre les éventuelles critiques des tribunaux ou d'autres acteurs qui invoqueraient son devoir. Il pourra répondre, par exemple, que, malheureusement, comme il est un service de police, il doit mener des enquêtes en zone de guerre, à cause de ses responsabilités opérationnelles et du rôle unique qu'il doit jouer.
    Enfin, parce que vous avez parlé d'ingérence, il ne faut pas oublier que, au bout du compte, si le grand prévôt ou l'un de ses subordonnés estiment avoir été victimes d'ingérence, ils ont toujours le loisir de s'adresser à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et de porter plainte. Voilà un autre mécanisme qui permet, en toute transparence, de responsabiliser tout le monde.

  (1700)  

    Vous avez bien sûr entendu parler qu'une enquête est en cours et que le Service national des enquêtes y participe. Parfois, ce genre d'enquête prend beaucoup de temps. Comment le public ou le Parlement savent-ils si des consignes particulières n'ont pas été données? Vous dites qu'il revient au grand prévôt de rendre cette information publique. Mais cela ne se fait pas automatiquement.
    Non, ce n'est pas public, parce que c'est à la discrétion du grand prévôt. Encore une fois, il doit juger si le fait de rendre publique cette information nuira à l'enquête. De fait, c'est un peu comme sa perception d'une éventuelle ingérence dans son enquête si, dès ce moment-là, il rend publique la directive du Vice-chef d'état major de la Défense. Il peut attendre pour le faire, mais s'il décidait de le faire tout de suite, on n'y pourrait rien. Ce serait la ligne de conduite du grand prévôt. Sinon, à l'instar de beaucoup d'autres enquêtes policières, il n'y a franchement aucune obligation de faire connaître tous les détails au public, tout de suite, jusqu'à ce que l'enquête avance.

[Français]

    Merci beaucoup, brigadier-général.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Boughen.
    Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai mon temps avec M. Hawn.
    Permettez-moi d'ajouter ma voix à celles de mes collègues, en vous souhaitant, messieurs, la bienvenue au comité. Il est très heureux que vous preniez le temps de venir nous communiquer vos impressions sur le projet de loi.
    En vertu de ce projet de loi, la composition des comités des cours martiales changerait, d'après ce que je comprends. Pourriez-vous nous expliquer les motifs de cette modification?
    Merci de votre question.
    Oui, monsieur le président, le projet de loi modifie la structure des comités des cours martiales.
    Avant tout, si on veut aborder rapidement les modifications dont il s'agit, la première est la réduction du grade du plus haut gradé de la cour martiale, qui, de colonel, passe à lieutenant-colonel, pour autant que l'accusé ne soit pas d'un grade supérieur.
    Cette modification vise tout simplement, dans un souci d'économie des ressources employées par les Forces canadiennes, à ne pas faire appel aux colonels dans toutes les cours martiales constituées. Actuellement, le plus haut gradé d'une cour martiale générale doit être colonel. En outre, beaucoup d'affaires n'ont pas vraiment besoin d'être confiées à des cours où siège un colonel. Cette décision d'utiliser au mieux les ressources va dans le sens des intérêts de la justice. C'est ce dont il s'agit.
    Autre changement important, le projet de loi permet, pour l'essentiel, à un plus grand nombre de militaires de faire partie du comité d'une cour martiale. La composition des comités, traditionnellement, était basée sur le grade. Personne d'un grade inférieur à celui de capitaine ne pouvait en faire partie. Au niveau du militaire de rang, c'était l'adjudant. Grâce au projet de loi, n'importe qui ayant trois années de service dans l'armée pourra faire partie d'un comité, pour autant que son grade ne soit pas inférieur à celui de l'accusé.
    Encore une fois, on répond ainsi à une recommandation sénatoriale, formulée en fait dans le contexte d'un examen, selon laquelle il était conseillé d'atténuer les distinctions de grade dans ces comités. Après étude, nous pensons que c'est une manière appropriée de répondre à ce problème tout en maintenant l'intégrité du comité, dont le rôle est sensiblement différent de celui d'un jury, dans un procès civil. Dans une cour martiale, nous ne créons pas un comité de pairs. Nous constituons un comité qui connaît la discipline militaire et qui, avant tout, est chargé d'en maintenir le respect dans l'armée.
    Comme en tout ce qui concerne ce système, nous essayons de respecter l'équilibre fragile qui existe entre la volonté de ne pas ébranler les intérêts militaires et les moyens d'assurer, autant que possible, l'équité du système pour ceux qui passent par lui.

  (1705)  

    Merci, colonel.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être des nôtres.
    Rapidement, je vais suivre quelques filons. Nous avons beaucoup parlé de l'exigence d'équité en justice militaire, ce qui est un fait évident, mais nous n'avons pas beaucoup parlé de la nécessité, également, d'agir rapidement. Il faut être juste et agir rapidement.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu, mon général, de la nécessité d'agir rapidement, à cause des obligations particulières de l'armée. Nous ne voulons pas empêtrer les gens dans un processus qui prend deux ou trois ans, comme nous le voyons parfois dans le civil.
    Merci, monsieur Hawn, pour votre question.
    Par l'entremise du président, absolument. Encore une fois, je ne saurais trop insister sur la raison d'être centrale de la justice militaire, qui est de maintenir une discipline assurant le bon fonctionnement des Forces canadiennes. Il faut un système juste mais efficace aussi, que je qualifierai de rapide, mais il ne faut pas en déduire, à tort, que l'on sacrifie pour cela les droits. Je sais, monsieur Hawn, que ce n'est pas ce que vous voulez dire, mais c'est une impression que les gens ont parfois.
    Il faut un système qui agit rapidement, et pas uniquement au Canada. Nos nombreux effectifs sont répartis dans tout le pays et nous sommes très mobiles. Ils sont nombreux ceux à qui on donne une instruction militaire. Par exemple, l'été, des militaires vont en recevoir une à Gagetown ou à Petawawa, pendant quelques semaines, et il faut pouvoir réagir à tout manquement à la discipline pendant qu'ils y sont encore, par égard pour les individus et, également, pour le reste de l'unité, pour qu'il voie que justice est faite.
    De même, le système doit être transportable partout dans le monde, parce que notre code de discipline suit nos troupes partout. Le système doit être efficace et rapide pour que, comme vous dites, l'affaire soit examinée, les témoignages entendus, la décision prise. Mais, au bout du compte, on ne veut immobiliser personne, parce que, finalement, on a besoin des gens qui assurent le soutien, des gens de métier et des combattants.
    Dans tout cela, on ne peut pas perdre de vue l'équité, même pas dans le seul souci de rapidité et d'efficacité, mais on y parvient au prix — c'est comme une vieille rengaine — d'un combat pour la recherche d'un juste équilibre. Si on insiste trop sur les droits et qu'on encombre le système de processus et de procédures, il nous manquera d'hommes pour l'instruction militaire et la conduite des opérations.
    Toutes les fois que j'ai eu affaire à la justice militaire, elle m'a traité avec justice et rapidité.
    Un tout petit mot sur l'instruction militaire pour un commandant ou la troupe... J'ai participé à des procès sommaires et, à l'époque, il n'y avait pas d'instruction militaire. Il y avait un Juge-avocat général sur qui nous pouvions compter, mais pas d'instruction militaire. Quelqu'un a soulevé la question au cours d'une des séances. Pourriez-vous parler un peu de la formation que l'on donne actuellement aux gens qui sont dans le processus?
    Commençons par la base: les gens formés pour siéger comme officiers présidents aux procès sommaires ne sont ni des juges, ni des avocats, et le système n'est pas conçu pour qu'ils le deviennent. Nous devons être prudents lorsque nous comparons ceux qui sont légalement et judiciairement formés à ceux qui ne le sont pas. La chaîne de commandement est importante, parce qu'elle permet à ces gens de comprendre la philosophie et la nécessité de la moralité et de la discipline probablement mieux que bien des avocats et des juges. Voilà pourquoi ces gens sont importants. Ils ne suivent pas de formation juridique au sens propre, ils ne pratiqueront pas dans une firme, etc. Par contre, ils reçoivent une formation intensive. Dès le début, toutes les recrues doivent suivre des formations, mais c'est particulièrement vrai dans le cas des aspirants officiers présidents, parce qu'ils doivent réussir une formation et des cours précis et les repasser tous les cinq ans pour maintenir leurs connaissances à jour. Le processus est vraiment conçu pour former les gens à repérer les problèmes éthiques, et non pour les rendre spécialistes des droits relatifs à la Constitution et à la Charte. Le but est que les officiers présidents aient le réflexe de se dire: « Un instant. Cela ne me semble pas juste. » C'est ce genre de réflexe que nous essayons d'inculquer sur le plan juridique et opérationnel.

  (1710)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Wilfert, vous avez la parole.
    Je n'ai qu'une question pour le général, et c'est au sujet de la composition des comités de la cour martiale.
    Cette question a été soulevée lorsqu'un comité de la cour martiale a fait couler beaucoup d'encre il y a quelques mois. Ne faudrait-il pas qu'au moins un membre du comité ait de l'expérience de combat lorsqu'il est question d'un drame survenu en mission?
    Oui, nous avons évidemment entendu les commentaires exprimés par certains Canadiens et certains journalistes. Je crois qu'il s'agit d'un léger malentendu. Je ne veux pas parler au nom des journalistes — ils sont capables de se défendre —, mais je crois qu'ils comparaient le comité à une sorte de jury, à savoir que seulement ceux qui ont déjà combattu ou qui ont déjà vécu des situations similaires sont réellement capables de porter un jugement.
    Tout d'abord, si vous le comparez à un jury... Comme le colonel Gleeson l'a expliqué, ce n'est pas exactement la même chose. Le comité d'une cour martiale est différent. Même dans un jury, lorsqu'on dit « pairs », cela ne reflète pas la réalité. Par exemple, si un médecin est accusé, le jury n'a pas besoin d'être constitué uniquement de médecins pour comprendre le dossier.
    Selon moi, à la base de la philosophie d'un comité se trouve la compréhension de ce qu'est la discipline. Peu importe qu'on soit dans l'armée de terre, de l'air ou dans la marine, le code de discipline militaire reste le même. Dans le cas d'une personne qui n'a peut-être pas été au combat dans une telle situation... Par exemple, elle peut avoir été capitaine d'un navire et avoir une expérience de combat en mer, mais pas sur terre. À mon humble avis, il serait très exagéré de prétendre que cette personne ne dispose pas des compétences requises pour juger des actions d'une autre personne qui a combattu sur la terre ferme, par exemple.
    Si les membres du comité comprennent vraiment ce qu'est la discipline et qu'ils comprennent les détails de l'infraction expliqués par le juge formé qui siège au même comité, selon moi, c'est amplement suffisant pour nous convaincre du bon fonctionnement du système.
    Monsieur le président, par votre entremise, c'est une réponse intéressante, parce qu'il s'agissait clairement d'un enjeu, à savoir s'il y avait vraiment place à l'empathie, étant donné certaines situations stressantes de combat. Je comprends la partie concernant la discipline. La question était vraiment de savoir si l'empathie était possible, si quelqu'un pouvait ou devrait en faire preuve.
    Merci de votre réponse; j'en prends note. Merci.
    C'est tout, monsieur le président.
    Merci, monsieur Wilfert.
    Je cède la parole à Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président. Par votre entremise, merci aux témoins.
    Le juge Lamer a fait 88 recommandations. Toutefois, en survolant le projet de loi C-41, on remarque qu'elles ne s'y trouvent pas toutes.
    Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi les recommandations ne se trouvent pas toutes dans le projet de loi?
    Merci, madame Gallant.
    Je ne passerai pas en revue les 88 recommandations — une minute par recommandation. Toutefois, par leur nature, certaines recommandations ne nécessitaient pas de modifications législatives. Le projet de loi C-41 sert à mettre en oeuvre celles qui en exigeaient.
    Nous avons eu recours à d'autres moyens pour les autres. Prenons les politiques, par exemple. Pour mettre en oeuvre certaines recommandations, la décision a été prise à l'interne de tout simplement réécrire des politiques du système de justice militaire ou de la chaîne de commandement.
    Nous avons aussi décidé de modifier des règlements, principalement les ordonnances et règlements royaux.
    Nous avons dû évaluer individuellement la nature et la portée des recommandations du juge Lamer pour déterminer le meilleur moyen de les mettre en oeuvre, et des modifications législatives n'étaient pas nécessairement le meilleur moyen d'y arriver dans tous les cas.
    D'accord. Donc, dans certains cas, nous avons mis en oeuvre des recommandations au moyen de règlements.
    En effet.
    Mon collègue vient de me rappeler que nous avons mis en oeuvre 28 recommandations en utilisant d'autres moyens que la voie législative. Certaines modifications législatives ont été mises en oeuvre par le projet de loi C-60, par exemple, mais nous l'avons fait en modifiant des politiques et des règlements dans la majorité des cas.
    D'accord.
    Le projet de loi C-41 mentionne aussi des juges à temps partiel. Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi c'est important?

  (1715)  

    Merci. C'est aussi une très bonne question.
    Encore une fois, cela souligne le caractère unique du système de justice militaire. Comme vous le savez, nos juges actuels... Nous avons quatre juges militaires qui sont actuellement nommés pour un mandat de cinq ans, mais si le projet de loi est adopté, ils le seront jusqu'à leur retraite.
    Si l'armée double ses effectifs ou que le Canada participe à une campagne militaire mondiale d'une plus grande envergure et que nous avons un besoin accru de juges pour siéger en cour martiale, nous n'aurons d'autres choix que d'en nommer davantage.
    Ensuite, lorsque cette période sera passée, nous pourrions nous retrouver avec 20 ou 25 juges. Nous aurions alors beaucoup de juges, mais peu de travail.
    Pour pallier une soudaine augmentation de la demande, nous aimerions pouvoir nommer, au besoin, des juges de réserve pour siéger à un comité. Cela nous permettrait d'avoir davantage de juges à notre disposition. Si nous n'avons pas besoin d'eux, ces juges continueraient bien entendu d'exercer leurs fonctions civiles. Toutefois, si une telle situation survient, nous pourrions les nommer juges militaires sans être obligés de les garder en poste jusqu'à leur retraite. Dans certains cas, ils pourraient être des années, malheureusement, sans avoir beaucoup de travail.
    Pourriez-vous s'il vous plaît expliquer au comité l'importance d'énoncer les fonctions du grand prévôt des Forces canadiennes?
    C'est une autre question pertinente. Comme bon nombre d'entre vous le savent, ses fonctions ne sont pas actuellement définies. Bizarrement, si vous examinez la section qui traite de la Commission des plaintes concernant la police militaire dans la Loi sur la défense nationale, elle concerne directement le grand prévôt, la manière dont lui et son personnel mènent les enquêtes, leurs normes et les diverses plaintes. Même dans ce contexte simple, il semble assez étrange qu'il soit souvent fait mention de cette institution et de cette personne appelée le grand prévôt, alors que les fonctions ne sont pas formellement définies.
    Nous voulions accorder au grand prévôt la place qu'il mérite dans la loi et y définir ses fonctions de manière claire et transparente. Comme je l'ai mentionné lors d'une autre intervention, nous essayons de faire ressortir la structure tout à fait unique de la police militaire — le volet opérationnel et l'application de la loi.
    Le projet de loi C-41 exige de procéder à des examens indépendants du système de justice militaire, du processus d'examen des plaintes concernant la police militaire et du processus d'examen des griefs. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail certains éléments et objectifs importants de ces examens?
    Dans son rapport, le juge Lamer a souligné l'utilité d'inscrire dans la loi un mécanisme pour garantir l'examen des dispositions de la loi. Le but est évidemment de s'assurer que le système est conforme aux modifications apportées aux lois canadiennes et continue de remplir son mandat de faire respecter les droits de ses membres.
    En inscrivant directement ces éléments dans la loi et non dans le projet de loi C-25, comme c'est le cas actuellement, nous augmenterions leur visibilité. En les rédigeant très clairement, nous nous assurerons qu'aucun doute ne subsiste en ce qui concerne ce qui doit faire l'objet d'un examen. En prescrivant un délai raisonnable pour procéder à l'examen ou en établissant un cycle, nous en améliorerons l'utilité en nous assurant d'un nombre suffisant de données à examiner. Lorsqu'une question sera soulevée au Parlement, vous pourrez en discuter, tout en gardant ces données en tête.
    Merci, monsieur Gibson.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à M. Bachand.
    Monsieur Cathcart, pouvez-vous m'expliquer comment a été produit le document qui est devant nous? Je sais que le juge Lamer a fait des recommandations. Certaines ont été mises en oeuvre par règlement, d'autres l'ont été dans le cadre du projet de loi C-60, et on donnerait suite à un certain nombre d'autres recommandations en adoptant le projet de loi C-41. Cependant, qui décide du contenu de ce projet de loi? Est-ce que c'est vous, comme juge, ou votre prédécesseur, qui dites quels changements doivent être apportés et qui transmettez cela par la suite au ministre de la Défense nationale, qui donne son approbation? Comment ce document se retrouve-t-il devant nous aujourd'hui?
    Merci de la question. Elle est vraiment excellente et il est très logique de la poser dans le cadre de cette discussion.

[Traduction]

    Comme dans la plupart des cas, il y a des entités qui s'occupent des politiques au sein des FC et du MDN. Dans notre cas, il y en a deux principaux. Le premier est le système de justice militaire, que je supervise, parce que j'en suis aussi le commandant. Donc, mon personnel, composé de gens talentueux comme les colonels Gibson et Gleeson, aide à la rédaction des politiques qui sont examinées à l'interne, et nous essayons aussi de demander l'opinion de gens à l'externe — les avocats civils, l'Association du Barreau canadien — sur les changements apportés. Lorsqu'il s'agit par exemple de la CEPPM et de griefs, le Vice-chef d'état-major de la Défense s'occupe aussi des politiques et a recours à un processus similaire. Des recommandations sont faites. Toutefois, en fin de compte, c'est le ministre qui détermine si les modifications sont acceptables. Il passe ensuite à l'étape suivante, comme il l'a fait aujourd'hui; il les rassemble dans un projet de loi.

  (1720)  

[Français]

    Est-ce que vous considérez que, avec l'apport du projet de loi C-41, de ceux qui l'ont précédé et de la réglementation, tout ce que le juge Lamer a soulevé dans son rapport a maintenant force de loi? Croyez-vous plutôt que d'autres dispositions restent à prendre et que d'autres projets de loi puissent être soumis au Parlement pour couvrir l'ensemble des recommandations?
    Merci de votre question, monsieur Bachand.

[Traduction]

    C'est une très bonne question. Le projet de loi C-41 met en application bon nombre des recommandations du juge Lamer, mais il s'agit du cadre législatif, comme je l'ai mentionné plus tôt quand je parlais de la déclaration de la victime. Le juge Lamer a aussi fait des recommandations qui exigent des modifications réglementaires, et bon nombre de ces recommandations ont besoin d'un cadre réglementaire pour bien fonctionner. Lorsque le projet de loi aura reçu la sanction royale, il restera donc encore du travail à faire dans ce dossier. Il faudra rédiger de nombreux règlements pour soutenir le système, comme dans le mécanisme de déclaration de la victime. Sa seule présence dans la loi ne rend pas cet élément opérationnel; il lui faut un cadre réglementaire.
    Il reste encore passablement de travail à faire. Cependant, comme le Juge-avocat général l'a mentionné plus tôt, 28 recommandations ont déjà été mises en oeuvre au moyen du processus réglementaire. Par exemple, c'est le cas pour certaines recommandations au sujet des procès sommaires et pour certains enjeux entourant le régime de la preuve dont vous avez parlé. Donc, divers moyens et divers processus nous permettront d'y arriver. Ce projet de loi est crucial, parce que c'est la pièce maîtresse qui permettra de mettre en oeuvre les dernières recommandations du juge Lamer.
    D'ici à ce que le projet de loi C-41 reçoive la sanction royale, le processus est en quelque sorte interrompu.

[Français]

    Pensez-vous que, en plus des lois ou de la réglementation, d'autres projets de loi pourraient être nécessaires pour couvrir l'ensemble des recommandations du juge Lamer?
    C'est une autre bonne question, et la réponse à cette question est non. On n'a pas besoin d'un autre projet de loi pour mettre en oeuvre les recommandations du rapport du juge Lamer.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 15 secondes.
    Alors, je vais m'arrêter ici.
    Merci.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup, brigadier-général, monsieur Gibson et monsieur Gleeson, d'avoir été avec nous cet après-midi.
    Nous allons suspendre nos travaux durant deux minutes pour revenir à huis clos afin de discuter des projets futurs de notre comité. Merci bien.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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