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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 006 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 24 mars 2010

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Il s'agit de la réunion numéro six du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Nous sommes très heureux et honorés d'accueillir deux honorables sénateurs à notre séance aujourd'hui.
    Messieurs les sénateurs, merci de votre présence. Comme vous le savez, nous étudions la pauvreté et la contribution possible du Canada en vue de la diminuer. Je veux vous exprimer ma reconnaissance à tous les deux, au nom du comité, pour votre présence. Je comprends que vous avez dû tous les deux vous absenter de réunions de comités pour être avec nous aujourd'hui. Merci beaucoup.
    Une voix: Bravo!
    En fait, notre réunion a été annulée. Je ne sais pas ce qui en est pour la sienne.
    Eh bien, nous sommes tout de même heureux que vous soyez ici.
    Merci tous les deux pour le travail que vous avez fait en ce qui a trait à la pauvreté. Nous avons hâte de connaître les conclusions de votre rapport et d'être mis au parfum de votre travail. Nous croyons qu'il constituera une contribution extrêmement valable au travail effectué pour notre comité.
    Vous avez 15 minutes chacun pour votre déclaration. Ensuite, nos membres y iront de leurs questions et commentaires.
    Sénateur Eggleton, nous allons commencer par vous, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, c'est un grand plaisir que d'être ici avec vous.

[Traduction]

    Je présidais le comité qui a rédigé ce rapport, et mon collègue, le sénateur Segal, en faisait partie aussi. Il était le vice-président du comité. Nous sommes des partenaires. Nous parlons de notre rapport aux personnes que ça intéresse parce que nous croyons avec ferveur que c'est un sujet important que nous devons aborder.
    Nous allons vous mettre un peu en contexte. Au cours des deux dernières années, dans le cadre de son étude sur la pauvreté, le logement et l'itinérance, le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a tenu environ 35 audiences et cinq tables rondes et a rendu visite à 20 organismes dans neuf villes du Canada. Nous avons eu l'occasion d'entendre près de 200 témoins, dont certains vivent dans la pauvreté et sont des itinérants. D'autres oeuvrent pour des organismes communautaires ou travaillent en tant qu'analystes dans des organisations bénévoles et universitaires.
    Très franchement, ce que nous avons entendu était épouvantable. Nous avons constaté — donnée stupéfiante — qu'un Canadien sur 10 vivait dans la pauvreté. Cela représente 3,4 millions de personnes, ou l'équivalent de tous les hommes, femmes et enfants des provinces de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Saskatchewan réunis. Pour ces personnes — nos concitoyens —, chaque jour est une bataille en raison de leur faible revenu, du logement inabordable, des vêtements inadéquats et de l'impossibilité de manger à sa faim. Chaque jour apporte son lot de décisions déchirantes: faut-il faire l'épicerie ou payer le loyer? Faut-il acheter de nouvelles chaussures pour les enfants ou faire un versement hypothécaire? Faut-il abandonner ses études et obtenir un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille? Ces familles peinent à joindre les deux bouts, alors pour ce qui est de rêver à leur avenir...
    Ce qui est particulièrement troublant c'est que de ce nombre, environ 800 000 sont des enfants. Cette statistique est extrêmement déplorable étant donné l'engagement pris par la Chambre des communes en 1989 afin d'éliminer la pauvreté infantile d'ici 2000. À l'inverse, aucun progrès n'a été réalisé, puisque le taux de pauvreté infantile dans la plupart des provinces se situe aujourd'hui au-dessus de 10 p. 100. Ce taux varie, mais il est maintenant à l'un de ses niveaux les plus élevés.
     Nous comprenons tous les arguments moraux contre la pauvreté, les souffrances et les désirs qui se côtoient douloureusement dans une terre d'abondance, le prix inacceptable des vies dépréciées, des rêves déçus et du potentiel brimé. Je crois que de nombreuses personnes dans ce pays ne se rendent pas compte du coût économique de la pauvreté, à quel point nous en payons tous le prix. Notre fardeau fiscal augmente, l'économie s'affaiblit, la facture des soins de santé gonfle et l'aliénation et le crime s'accroissent. Je veux aujourd'hui examiner ces coûts économiques et résumer certaines des mesures que nous avons proposées dans notre rapport pour les réduire. Soyons bien clairs: compte tenu des défis démographiques et économiques que nous devrons relever, nous ne pouvons tout simplement plus nous permettre de payer pour la pauvreté.
    Selon une étude ontarienne récente menée par des économistes et des spécialistes des politiques, comme Don Drummond, Judith Maxwell et James Milway, la pauvreté nous coûterait environ 7,5 milliards de dollars par année pour les soins de santé et entre 8 milliards et 13 milliards de dollars pour la perte de productivité. Et lorsqu'on ajoute d'autres facteurs, la facture de la pauvreté s'élève à plus de 30 milliards de dollars par année. C'est plus que la moitié du déficit fédéral actuel. Imaginez ce que l'élimination de la pauvreté signifierait pour notre situation fiscale, notre capacité de financer l'éducation, l'innovation, les soins de santé et notre capacité de prendre soin des personnes âgées.
    Un rapport récent de la Chambre de commerce du Canada décrit le défi démographique auquel nous serons bientôt confrontés en termes clairs. Comme notre population vieillit et que la croissance de notre population d'âge actif ralentit, nous devrons faire face à des pénuries importantes de main-d'oeuvre. Le tiers de l'ensemble des travailleurs devrait prendre sa retraite au cours des deux prochaines décennies. Autrement dit, la proportion de personnes qui travaillent, paient des impôts et contribuent aux fonds de pension et aux soins de santé sera réduite de moitié.
    Dans son rapport, la Chambre de commerce du Canada précise également que pour pallier les pénuries prochaines de main-d'oeuvre, nous devons miser sur les segments sous-utilisés de notre société, c'est-à-dire les personnes âgées, les Autochtones, les personnes handicapées et les nouveaux arrivants. Ce sont précisément ces groupes ainsi que les chefs de famille monoparentale, lesquels sont surtout des femmes, qui sont les plus vulnérables à la pauvreté selon notre étude. Il s'avère que les groupes qui croupissent dans la pauvreté sont ceux-là mêmes auxquels nous devrons trouver des emplois et qui devront payer des impôts dans l'avenir.
    Nous sommes donc à la jonction de deux grands défis que doit relever notre société: les coûts économiques permanents de la pauvreté et la bombe à retardement du vieillissement de la population. Mais la bonne nouvelle, possibilité incroyable s'il en est une, c'est que nous pouvons relever les deux défis en même temps. En aidant plus de gens à sortir de la pauvreté, nous contribuerons à pourvoir les emplois qui doivent l'être. Nous économiserons des milliards de dollars que nous devons tous payer en raison de la pauvreté.

  (1550)  

    Mais ce n'est pas comme si nous ne faisions rien au sujet de la pauvreté. Selon Statistique Canada, nous dépensons 150 milliards de dollars chaque année en paiements de transfert fédéraux et provinciaux. Et cela ne comprend pas les coûts relatifs à l'éducation et aux soins de santé. Alors qu'obtenons-nous pour les 150 milliards de dollars que nous dépensons? Deux mots ne suffisent pas. Les chiffres relatifs aux enfants — par exemple, 800 000 enfants qui vivent dans la pauvreté — ne sont pas simplement des statistiques stériles. Ce sont des feux rouges clignotants.
    Par exemple, nous savons que des enfants nés pauvres ont plus de risques de mourir durant la petite enfance et que, s'ils vivent, il est probable que leur poids de naissance soit moins élevé et qu'ils aient plus d'incapacités. Lorsqu'ils grandissent, ils ont plus de risques de souffrir de malnutrition et d'avoir des problèmes de santé. Ils seront plus souvent absents de l'école et, petit à petit, ils prendront du retard. Il n'est pas étonnant qu'ils aient moins de chances de réussir et plus de risques d'abandonner leurs études. Lorsqu'ils arrivent à l'âge adulte, ils risquent davantage de souffrir de maladies chroniques. Puisqu'ils atteignent un niveau de scolarité moins élevé, ils ont un salaire moins élevé et paient moins d'impôts, sont moins productifs, ont plus de problèmes de santé et utilisent davantage les services sociaux. Tout cela signifie des coûts plus élevés pour la société.
    Notre comité a aussi découvert quelque chose d'autre, quelque chose de plus répandu au sujet de la pauvreté dans notre pays. Nous avons constaté que le fait que tous les ordres de gouvernement, malgré toutes leurs bonnes intentions, aient élaboré des politiques sociales pendant des décennies a mené à deux résultats tout aussi désastreux. Premièrement, même si tous les programmes obtiennent les résultats escomptés, le revenu des moins nantis ne suffit souvent qu'à les maintenir dans la pauvreté. Deuxièmement, dans leur application la plus déplorable, les politiques et les programmes actuels emprisonnent les gens dans la pauvreté, en créant des effets inattendus, mais néanmoins pervers, qui font qu'il est pratiquement impossible d'échapper à la dépendance aux programmes de sécurité du revenu ou aux refuges pour sans-abri.
    Voici la situation. Nous dépensons 150 milliards de dollars par année. Trois millions et demi de personnes vivent dans la pauvreté, y compris 800 000 enfants. Il va sans dire que toute entreprise qui a dépensé 150 milliards de dollars dans des programmes sans atteindre ses buts pourrait conclure qu'un remaniement est nécessaire, et nous devrions arriver à la même conclusion.
    Cependant, des signes sont encourageants. Pendant nos travaux, nous avons découvert des exemples de pratiques et de programmes prometteurs — pour la plupart à l'échelle communautaire — qui permettent réellement d'obtenir des résultats et de sortir des gens de la pauvreté et de l'itinérance. Nous ciblons et nous soulignons ces initiatives dans notre rapport. Mais malheureusement, ces exemples ne sont que des promesses filtrées au compte-goutte dans un système par ailleurs dysfonctionnel qui doit être révisé.
    Notre comité a étudié la gamme complète de programmes de sécurité du revenu: les allégements fiscaux, l'aide sociale, l'assurance-emploi, la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti. Nous avons fait un certain nombre de recommandations précises — en fait, 74 au total — en vue d'instaurer des améliorations. Nous avons suggéré plusieurs changements à l'assurance-emploi afin qu'elle soit juste et plus efficace.
    En ce qui concerne l'éducation et la formation, comme vous le savez bien, la réussite sur le marché du travail d'aujourd'hui, qui évolue à un rythme rapide, dépend souvent du fait de posséder les compétences appropriées. En termes clairs, il y a un lien direct entre le niveau d'études et le salaire reçu. Une impasse classique résume cette situation. La pauvreté empêche beaucoup de gens d'obtenir le niveau d'études et la formation dont ils ont besoin, et leur manque de compétence les empêche d'obtenir l'emploi qui leur permettrait de sortir de la pauvreté.
    Il est essentiel de briser ce cycle, et cela commence dans les premières années de vie. Toutes les études confirment que les enfants qui arrivent à l'école prêts à apprendre deviennent des adultes motivés par la réussite. Nous recommandons donc, entre autres, une initiative fédérale-provinciale sur l'apprentissage pendant la petite enfance. Je mets l'accent sur l'apprentissage, l'éducation, par opposition aux services de garde et au gardiennage. En ce qui a trait aux programmes de développement de la petite enfance, le médecin hygiéniste en chef du Canada a indiqué récemment qu'un dollar investi dans les premières années de vie permettait d'économiser entre trois et neuf dollars qui seraient autrement dépensés plus tard dans les systèmes de santé et de justice pénale, ainsi que dans l'aide sociale.
    Nous avons aussi pu constater directement l'importance de l'appui à l'école intermédiaire pour les enfants vulnérables, aux fins de l'obtention de leur diplôme d'études secondaires, et de la hausse du degré d'alphabétisation dans le cas des jeunes adultes ainsi que de l'acquisition de compétences à tout âge. C'est pourquoi nous proposons d'offrir un soutien fiscal supplémentaire pour les études postsecondaires des étudiants qui font partie de groupes qui sont sous-représentés dans ces établissements d'enseignement, comme les Autochtones, et pour les initiatives qui permettent aux jeunes démunis de rester à l'école. Selon une étude, si les Autochtones canadiens étaient en mesure d'accroître leur niveau d'études pour qu'il soit équivalent à celui des autres Canadiens, notre production économique globale augmenterait de 179 milliards de dollars d'ici 2026, et les recettes fiscales du gouvernement augmenteraient de 3,5 milliards de dollars. Ce serait bien pour les Autochtones et pour tous les Canadiens.
    Nous avons aussi examiné la question de la santé, parce qu'il y a un lien clair entre le fait de vivre dans la pauvreté et d'avoir des problèmes de santé. Le quart des Canadiens, ceux qui sont les plus pauvres, utilise deux fois plus les services de santé que le quart le mieux nanti de la population. En fait, selon Statistique Canada, la pauvreté diminue davantage l'espérance de vie que le cancer.
    Nous présentons également des exemples de crédits d'impôts fructueux. Par exemple, le supplément de la prestation nationale pour enfants enrichit les ménages et les personnes à faible revenu. En tant que mesure cruciale pour éliminer la pauvreté infantile, nous proposons de faire passer la prestation nationale pour enfants de 3 400 $ à 5 000 $ d'ici 2012.

  (1555)  

    La prestation fiscale pour le revenu de travail, qui s'ajoute au salaire que touchent les personnes à très faible revenu, est une autre mesure fiscale qui est très prometteuse parce qu'elle rend le travail plus rémunérateur. Nous recommandons l'augmentation de cette prestation afin qu'aucun bénéficiaire ne se retrouve sous le seuil de la pauvreté.
    Parce que nos personnes âgées méritent aussi de la dignité une fois à la retraite, nous recommandons aussi d'augmenter le supplément de revenu garanti afin qu'aucune d'entre elles ne se retrouve sous le seuil de la pauvreté.
    Je vais dire quelques mots sur les personnes qui sont aux prises avec des incapacités. Le groupe des personnes handicapées est hautement marginalisé. Ces personnes n'ont pas accès à une éducation de qualité, ont un taux d'emploi plus faible et ont plus de risques d'être pauvres. Nous croyons qu'il faudrait offrir la garantie d'un revenu de base aux personnes gravement handicapées et, au moins à court terme, rendre remboursable le crédit d'impôt pour personnes handicapées.
    Tout comme le supplément de revenu garanti a permis à des dizaines de milliers de personnes âgées de se sortir de la pauvreté, un revenu garanti pour les personnes gravement handicapées permettrait immédiatement de retirer environ 500 000 personnes des listes de l'aide sociale.
    Laissez-moi parler très brièvement du logement et de l'itinérance. Je crois que nous comprenons tous intuitivement l'importance d'avoir un foyer décent. Un foyer stabilise les personnes et les familles. Il constitue le fondement d'une meilleur réussite scolaire et permet d'obtenir une plus grande stabilité en milieu de travail. Les spécialistes de la santé nous affirment également qu'un foyer approprié est un des principes déterminants de la santé qui a un effet positif sur la santé à long terme.
    Aujourd'hui au Canada, au moins trois millions de personnes se battent pour obtenir un logement abordable. Lorsque je dis « abordable », je m'appuie sur la règle standard de la Société canadienne d'hypothèques et de logement du 30 p. 100 du revenu. Nous devons faire mieux et nous avons besoin de directives du gouvernement fédéral. Plus précisément, nous recommandons un financement approprié et soutenu par le biais de l'initiative du logement abordable pour augmenter l'offre de logements abordables. Nous devons rendre permanent le Programme d'aide à la remise en état des logements et nous devons faire en sorte d'avoir des programmes de logement à long terme afin de tenir compte des échéanciers liés à l'urbanisme et à l'aménagement à l'échelle locale et provinciale.
    Régler le problème de l'itinérance ne signifie pas seulement qu'il faut faire ce qui est moralement acceptable; c'est aussi une question d'argent. Le fait est que c'est plus coûteux pour nous tous de laisser quelqu'un dans la rue plutôt que de lui fournir un logement décent et des services d'appui. Pas plus tard que la semaine dernière, Ed Stelmach, le premier ministre de l'Alberta, a déclaré qu'un sans-abri coûtait en moyenne 100 000 $ par année à la société, y compris les soins de santé. Si un sans-abri obtient un toit permanent, ce coût diminue à environ 35 000 $ par année. Ce sont les statistiques de l'Alberta.
    Nous devons donc faire un meilleur travail dans les dossiers du logement et de l'itinérance. Il est temps que les gouvernements fédéral et provinciaux fassent front commun à ce sujet et élaborent une stratégie nationale dans ces domaines.
    Pour terminer, madame la présidente, à la base de notre rapport se trouve le principe du simple bon sens, qui veut que les programmes sociaux sortent les gens de la pauvreté au lieu de les y laisser. Il est temps de donner aux gens les outils dont ils ont besoin pour sortir de la pauvreté. La pauvreté n'est pas inoffensive. Elle a un effet sur nous tous. Elle est coûteuse pour tout le monde. Nous dépensons beaucoup d'argent et n'obtenons pas les résultats escomptés. Nous ne sommes pas d'avis qu'il faut dépenser plus d'argent. Nous devons le dépenser de façon plus intelligente, plus efficace.
    Dans le contexte économique mondial actuel, étant donné le défi démographique que pose la société vieillissante, il est plus important que jamais de créer ce type de possibilités et d'utiliser la contribution créative des personnes piégées par la pauvreté. En réalité, notre niveau de prospérité futur dépend de la manière dont nous réglerons notre problème actuel de pauvreté. Autrement dit, nous ne pouvons plus nous permettre d'assumer les coûts de la pauvreté.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Il vous restait encore une minute, alors vous avez bien respecté le temps qui vous était imparti.
    Nous écouterons maintenant le sénateur Segal, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Mesdames et messieurs du comité, je vous remercie de nous avoir invités ici pour discuter de notre rapport.
    Le sénateur Eggleton a couvert bon nombre de conclusions émanant de l'étude de deux ans du sous-comité sénatorial, et je suis tout à fait d'accord pour dire que, dans un pays comme le Canada, il est inacceptable qu'un si grand nombre de nos concitoyens se retrouvent dans cette situation insoutenable qu'est la pauvreté.
    J'aimerais me concentrer en particulier sur deux recommandations du rapport. Tout d'abord, il y a la recommandation 53, qui énonce que le gouvernement fédéral devrait élaborer et mettre en oeuvre un programme de revenu de base garanti, fixé au niveau du seuil de la pauvreté ou légèrement au-dessus, pour les personnes gravement handicapées.
    En effet, il n'y a absolument aucune raison de forcer les Canadiens atteints d'un grave handicap à se débrouiller dans le labyrinthe qu'est l'aide au revenu. Et même s'ils arrivent à s'y retrouver, ce serait une raison suffisante pour que le gouvernement fédéral garantisse une qualité de vie telle qu'aucune personne handicapée au Canada n'aurait à vivre dans la pauvreté.
    Bien que le seuil de faible revenu ne constitue pas une mesure directe de la pauvreté, comme nous le rappellent si souvent ceux qui étudient la question, il s'agit pour l'instant de l'unique moyen de fournir à Statistique Canada des chiffres sur les habitants les moins nantis de notre pays.
    Non seulement cette recommandation apporterait un tant soit peu de soutien et de dignité aux personnes handicapées, mais elle constituerait aussi une solution économique en évitant à l'État les coûts élevés des processus bureaucratiques relatifs aux demandes, aux examens et aux évaluations.

  (1600)  

[Traduction]

    Ensuite, j'espère sincèrement que le gouvernement ira de l'avant avec la recommandation numéro cinq, dont voici le libellé:
Le Comité recommande que le gouvernement fédéral publie d'ici le 31 décembre 2010 un livre vert qui présentera les coûts et les avantages des mesures actuelles de soutien du revenu et de différentes options visant à réduire et à éliminer la pauvreté, y compris un revenu annuel de base fondé sur un impôt négatif, ainsi qu'une évaluation détaillée des projets pilotes concernant un revenu de base qui ont été menés au Nouveau-Brunswick et au Manitoba.
Et ça a déjà eu lieu dans le passé.
    Comme l'a précisé le sénateur Eggleton, le Canada dépense actuellement plus de 150 milliards de dollars en transferts chaque année, sans compter les soins de santé et l'éducation. L'idée d'un revenu de base pour tous a été présentée la première fois, il y a 40 ans, lors d'un congrès d'orientation du Parti progressiste-conservateur dirigé par M. Stanfield. Par la suite, M. Trudeau et M. Schryer ont présenté le projet Mincome pour faire l'essai de ce concept à Dauphin, au Manitoba. Ce projet a eu un succès remarquable. Il n'était pas très coûteux, mais il a eu pour effet de réduire certaines des pathologies les plus graves liées à la pauvreté, dont je serai heureux de discuter si le temps le permet.

[Français]

    Le gouvernement du Québec, alors péquiste, a tenu des propos en vue d'un revenu garanti, durant la dernière période de son service avant le déclenchement des élections, et cela faisait partie intégrante d'une idée de solidarité sociale qui était fondamentale pour nos amis péquistes dans la province.
    M. Donald Macdonald, ministre des Finances au sein du gouvernement de M. Trudeau, était responsable d'une commission royale sur l'avenir économique du Canada.

[Traduction]

    M. Macdonald a fait une proposition en faveur d'un revenu annuel garanti dans les années 1980, dans le cadre de l'évaluation globale de notre avenir économique à ce moment-là.
    Nous avons la preuve qu'il y a une façon plus efficace de s'assurer que personne ne vit sous le seuil de la pauvreté que la manière dont nous procédons actuellement. Cette façon de faire serait productive sur le plan économique. Nous savons que nous n'avons plus à imposer aux gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté l'incroyable labyrinthe bureaucratique de règles auquel ils doivent faire face en ce moment.

[Français]

    Pour citer un exemple, dans ma propre province, l'Ontario,

[Traduction]

le manuel d'administration actuel pour un intervenant qui traite avec des bénéficiaires de l'aide sociale comporte 800 règlements qui doivent être appliqués dans chaque cas.

[Français]

    Il y a de 800 règlements! On peut bien avoir un travailleur social avec une capacité immense,

[Traduction]

mais c'est une proposition intolérable du point de vue de la protection de tous les jours.
Dans certaines communautés du Canada, lorsque vous faites une demande d'aide sociale, on vous dit de vous asseoir et de regarder un film qui vous explique pourquoi vous ne devriez pas faire de demande avant que vous n'ayez vraiment reçu l'autorisation de le faire. En passant, le comité sur la pauvreté rurale dirigé par le sénateur Fairbairn de l'Alberta pour le Parti libéral a découvert que les chiffres dans le Canada rural étaient en fait plus effrayants que ceux des villes. Environ 15 p. 100 de la population vivrait sous le seuil de la pauvreté.
    Je sais que des spécialistes et des analystes de la Bibliothèque du Parlement et d'autres personnes affirment que la pauvreté est très complexe, qu'elle résulte d'une série de problèmes — le manque de travail, la division de la famille, l'abus d'alcool et d'autres drogues, le crime — et que même la mesure de la pauvreté ne permet pas la prise de décisions stratégiques clés. Eh bien, si vous examinez la mesure de la pauvreté que nous utilisons au Canada depuis longtemps,

  (1605)  

[Français]

le seuil de pauvreté de Statistique Canada

[Traduction]

ou la mesure de la pauvreté du Fraser Institute,

[Français]

qui est un peu plus « mince », comme on dit,

[Traduction]

le bénéficiaire de l'aide social moyen dans notre pays reçoit entre 11 000 et 15 000 $ de moins par année que ce qui est prévu par l'une ou l'autre de ces mesures. Alors le fait que nous ne puissions pas être certains de la mesure justifie la complaisance qui, je crois, minimise essentiellement l'importance du problème.
    J'ai un dernier point à présenter.

[Français]

    De temps en temps, on parle au Canada et dans les provinces d'un projet sociétal. Alors, si on ne considère pas l'idée de pauvreté, de l'éradication de la pauvreté, de la diminution de la pauvreté, de la création de possibilités égales pour tout le monde, comme un projet sociétal,

[Traduction]

    je ne sais pas de quoi d'autre nous parlerions, parce que pour chaque activité criminelle relative à une pathologie qui envoie des gens en prison et à l'hôpital, la pauvreté empire encore les choses.
    Je ne suis pas du même parti que notre collègue qui est ici et, en tant que conservateur, je ne suis pas certain que le gouvernement peut régler tous les problèmes ou devrait même essayer de le faire. Mais je sais ceci: nous avons réglé le problème pour les personnes âgées dans les années 1970 au moment où plusieurs gouvernements ont décidé que lorsqu'une personne atteignait l'âge de 65 ans au Canada et qu'elle remplissait sa déclaration d'impôt, elle devait recevoir un appoint. Dans les années 1970, nous avons fait passer le niveau de pauvreté de 30 p. 100 à environ 2,9 p. 100. Il a maintenant remonté un peu.

[Français]

    Et tous les gouvernements l'ont fait, les rouges, les bleus, nos amis les indépendantistes, le NPD, tout le monde l'a fait.

[Traduction]

    Pourquoi? Parce que nous avions tous en commun le respect de nos citoyens âgés, et devinez quoi? Selon les études de l'OCDE, le Canada fait maintenant partie des cinq pays les mieux classés pour ce qui est de la condition des personnes âgées. Nos résultats sont supérieurs à ceux de nombreux autres pays. Ils sont par contre médiocres pour ce qui est de la population canadienne en âge de travailler dans toutes les provinces. Dans ce domaine, le Canada se classe à peu près 17e sur 18 dans l'OCDE.
    Je crois que les principes sont là, et mon collègue le sénateur Eggleton et moi-même sommes honorés d'être ici et très heureux que votre comité accepte de se charger de ce dossier. Nous savons que le Sénat peut parfois avoir un petit peu d'influence, mais nous respectons ceux qui ont le pouvoir de décision et nous comptons sur vous pour mener à bien ce dossier.
    Mille fois merci.
    Merci beaucoup, monsieur le sénateur.
    Nous passons maintenant à la série de questions. La première série durera sept minutes. Comme vous le savez, le temps alloué comprend les questions et les réponses.
    Commençons par M. Savage.
    Merci, madame la présidente.
    Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous aujourd'hui messieurs les sénateurs. Nous vous remercions de prendre le temps de vous joindre à nous et, surtout, d'avoir pris le temps de mener cette étude très approfondie sur la pauvreté.
    Je sais que le sénateur Eggleton est un ardent défenseur de cette cause dans notre caucus et dans tout le pays. Je sais que le sénateur Segal en est un également. J'ai eu la chance de l'entendre s'exprimer sur ses positions à plusieurs reprises.
    Je crois que vous minimisez quelque peu l'importance du Sénat. Le Sénat a accompli des travaux qui comptent parmi les plus importants issus du Parlement au cours des dernières années, dont certains ont mené à des développements extrêmement positifs pour la société canadienne. Grâce à ce rapport, auquel s'ajoutent les réalisations de notre comité, j'espère que nous pourrons faire avancer autant les choses en matière de problèmes sociaux, en particulier pour ceux qui vivent actuellement dans la pauvreté.
    Le sénateur Eggleton m'a tenu au courant tout au long des travaux, dans la mesure du possible. Quand j'ai reçu le rapport final, j'ai prêté attention à la question du revenu de base, notamment pour les Canadiens handicapés. L'une des deux recommandations mentionnées consiste à publier un livre vert présentant des mesures de soutien de revenu et le projet de revenu de base. J'aimerais commenter la recommandation 53 et la question des personnes handicapées.
    Vous avez mentionné, à juste titre, que nous avions apporté des solutions importantes à la pauvreté chez les personnes âgées. Le taux de pauvreté demeure élevé dans certains cas, en particulier chez les femmes âgées qui vivent seules, mais nous avons fait des progrès grâce aux prestations combinées de SRG et de SV. Plusieurs personnes se demandent comment nous pourrions faire la même chose pour les personnes handicapées.
    Votre rapport met en lumière de nombreux faits très intéressants mais déplorables concernant la situation au Canada. À la page 152, il mentionne que les niveaux des prestations versées aux personnes handicapées « ont baissé en dollars indexés pour la période de 1997 à 2005, ces diminutions allant de 1,5 p. 100 au Nouveau-Brunswick à 19,2 p. 100 à l'Île-du-Prince-Édouard. Dans sept des dix provinces, les taux d'aide sociale accordée aux personnes handicapées en 2005 étaient les plus bas depuis au moins 1986. »
    En ce qui concerne la question du revenu annuel de base pour les personnes handicapées, j'aimerais citer un autre passage de votre document. Michael Mendelson fait référence à l'idée que « nous permettrons au Canada de passer de la note D à la note B+ sur le plan de l'aide accordée aux personnes handicapées — pas encore un A+, mais une nette amélioration de la situation. »
    En fait, je crois que la situation des personnes handicapées au Canada n'est pas très reluisante. Pourriez-vous expliquer brièvement en quoi le revenu annuel de base pourrait aider véritablement les personnes handicapées?

  (1610)  

    Pour les personnes gravement handicapées, une mesure telle que le revenu de base que nous proposons mérite qu'on s'y attarde, au même titre que les mesures pour les personnes âgées par le passé. Comme l'a dit le sénateur Segal, nous avons réussi à améliorer considérablement la situation des personnes âgées qui vivaient dans la pauvreté. Nous avons mis en place un programme de revenu garanti pour ces personnes. Ce que nous disons, c'est que nous savons comment faire. Nous devons le faire pour les personnes gravement handicapées.
    Quand on parle de personnes gravement handicapées, on fait référence à la définition qui est utilisée pour le RPC. Je pense qu'une ou deux autres organisations l'utilisent également. C'est une définition très précise.
    Il ne faut pas oublier qu'avec une formation et des études, de nombreuses personnes handicapées sont tout à fait capables d'obtenir un emploi, ou du moins un emploi à temps partiel, et ainsi de contribuer à l'économie. Croyez-moi, tout au long de cette étude, j'en ai rencontré beaucoup qui le veulent vraiment. Nous voulons leur donner cette chance. Mais parmi les personnes gravement handicapées, certaines n'ont pas une grande espérance de vie et certaines n'arrivent pas à trouver un emploi. Nous devons regarder cette situation en face et leur offrir un niveau de vie décent ou du moins les aider à vivre décemment.
    Cela permettrait à un bon nombre de ces personnes de se retirer de l'aide sociale. Recourir à l'aide sociale est très dégradant pour beaucoup de personnes. Elles doivent se défaire de leurs biens et se soumettre à une panoplie d'interrogatoires et de règlements. Tout ça est souvent très difficile à supporter. Je ne crois pas qu'elles méritent ça. Je crois qu'elles méritent mieux, tout comme nos personnes âgées. Les services provinciaux d'aide sociale seraient ainsi allégés d'un demi-million de personnes.
    L'une de nos autres recommandations — je crois que c'est peut-être la suivante — porte sur la collaboration avec les provinces. Si cette responsabilité appartient au gouvernement fédéral, comme c'est le cas pour d'autres programmes d'aide aux personnes âgées, nous devons nous assurer qu'une partie des fonds des provinces servent à aider d'autres personnes handicapées à obtenir un emploi ou une formation, ou tout autre service dont elles pourraient avoir besoin. C'est l'idée générale qui est ressortie de nos conversations avec bien des personnes handicapées, et nous approuvons cette idée.
    J'aimerais seulement ajouter qu'il y a un autre avantage à ce que cette question relève de la compétence fédérale. Je fais référence ici aux programmes de transfert entre Ottawa et les provinces, qui répartissent les fonds entre les dépenses pour l'aide sociale, l'enseignement postsecondaire et les soins de santé. Ces fonds ont été réduits du tiers dans les années 1990, apparemment pour des raisons fiscales incontestables à l'époque, ce qui a eu des répercussions, et chaque province a sa propre formule qui établit la part du fédéral et la sienne. Si le système fiscal fédéral, au moyen de crédits d'impôt remboursables, permettait aux personnes handicapées de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté, beaucoup d'entre elles ne seraient plus admissibles à l'aide sociale provinciale, ce qui donnerait la liberté aux provinces d'affecter leurs fonds de contrepartie à d'autres dépenses de leur choix: éducation, investissements supplémentaires dans les soins de santé, programmes pour la nutrition des enfants, ou tout autre domaine de compétence provinciale qu'elles souhaiteraient développer à leur façon.

  (1615)  

[Français]

    Sur un plan général, je suis un confédéraliste. Cela veut dire que je crois en l'égalité des provinces et du fédéral, dans certaines parties de la Constitution. Si on utilise le pouvoir fiscal du fédéral, cela va libérer des ressources pour les provinces et leur permettre de poursuivre leurs propres objectifs, d'une façon qui reconnaît les instruments sociaux, notamment au Québec ainsi que dans les autres provinces. Les provinces ont le droit de les utiliser comme elles le souhaitent.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Savage.
    Monsieur Lessard, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie d'être ici. Je dois vous dire qu'on est toujours heureux de rencontrer des gens qui enrichissent l'analyse de la pauvreté. Je suis particulièrement content car j'ai suivi, de loin comme mes collègues du comité, vos travaux. Il est rafraîchissant de constater que votre réflexion et vos constats nous rejoignent beaucoup même si vous n'êtes pas du même parti.
    Je vais peut-être vous surprendre, mais je vais aborder cette question d'un tout autre angle, par rapport à la pauvreté proprement dite. J'aimerais partir d'un certain nombre d'énoncés contenus dans votre rapport, car ils résument bien la situation. Ainsi, vous avez écrit: « Nous ne pouvons nous permettre les coûts économiques et sociaux de l’inaction à l’égard de la pauvreté, coûts qui dépassent 20 milliards de dollars. » Il me semble que, selon vous, on ne devrait plus considérer les investissements servant à sortir les gens de la pauvreté comme une dépense, mais plutôt comme un investissement.
     Je citerai maintenant M. Tom Gribbons: « Au fond, les gens ne veulent pas mieux vivre dans la pauvreté; ils veulent pouvoir sortir de la pauvreté. »
    Ces postulats m'amènent à mon propos. Tout comme plusieurs autres personnes, vous avez, dans votre étude, couvert à peu près tous les champs où se manifeste la pauvreté. J'ai fait la découverte de sous-comités au Sénat qui ont étudié la pauvreté chez les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain, de façon spécifique. Vous avez aussi étudié la pauvreté en milieu rural. Vous venez d'étudier le vieillissement de la population en milieu urbain.
    Le 15 novembre 1999, la Chambre des communes a adopté une résolution qui disait qu'il fallait éliminer la pauvreté. Cela visait particulièrement les enfants. Depuis 2000, on fait à peu près le même constat. Je pense que le problème n'est pas que l'on ne connaît pas bien la pauvreté, mais qu'on ne prend pas les moyens pour la combattre. C'est aussi le fait de politiques qui aggravent la pauvreté. Il existe des facteurs aggravants de la pauvreté.
    Au cours de cette période où on devait éliminer la pauvreté, on a pris des décisions qui l'ont aggravée. Le logement est un facteur aggravant de la pauvreté. L'aide financière aux provinces pour le logement a été réduite pendant 10 ans, au cours de cette période. On a exclu un maximum de gens de l'assurance-emploi, les subventions aux infrastructures municipales ont été réduites, on a retiré un ensemble de ressources pour encadrer les communautés autochtones et on a réduit des paiements de transfert en éducation et en santé, transférant des responsabilités aux provinces qui ne pouvaient pas les assumer. J'en passe bien d'autres.

  (1620)  

[Traduction]

    Excusez-moi, monsieur Lessard, vous disposez de sept minutes et il vous en reste trois. Peut-être devriez-vous en venir à votre question.

[Français]

    Oui, madame la présidente, mais malgré tout le respect que je vous dois, je peux utiliser mes sept minutes comme je l'entends.

[Traduction]

    Je voulais seulement vous en informer.

[Français]

    Oui, j'en suis bien conscient et je vous remercie de me dire qu'il me reste toujours trois minutes.

[Traduction]

    Je voulais seulement vous en informer.

[Français]

    Je constate que c'est un peu long. Je sais que vous n'avez probablement pas la réponse, ici. Cependant, je voudrais que notre comité s'interroge à ce sujet et j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Avez-vous réfléchi à cette question? Avez-vous eu l'occasion de penser à ce qu'on pourrait faire pour éviter de répéter ce qui s'est passé? Est-on en train de refaire le même travail, pour rien?
    Ce n'est pas qu'il n'y a eu aucune tentative. Des provinces se sont dotées de programmes, voire d'une loi anti-pauvreté. Il y a eu aussi un système de garderies. Des initiatives ont été prises, par exemple l'Accord de Kelowna concernant les Autochtones. Or un autre parti arrive et abolit ça. C'est le cas également pour les garderies.
    Mes propos sont un peu décousus, mais je veux vous dire que nous sommes face à un mur, malgré tous les efforts de qualité que nous faisons en vue de faire des recommandations.
    Merci infiniment.

[Traduction]

    À titre d'information, il vous reste environ une minute.

[Français]

    Selon nous et selon ceux qui ont travaillé à notre rapport, il faut opter pour l'approche qu'on désigne en anglais par no-fault way forward, c'est à dire un plan dans le cadre duquel on ne blâme personne, quel que soit le parti ou la province. On relève par contre les pratiques exemplaires dans certaines provinces. Terre-neuve, par exemple, veut faire en sorte que tout le monde se trouve au-dessus du seuil de pauvreté. Ces gens ont fait des choses extraordinaires avec les sommes importantes provenant du domaine de l'énergie. Le Québec a lui aussi fait des choses importantes, par exemple les garderies à 5 $.
    Le livre vert, qui fait l'analyse des meilleures pratiques et des erreurs commises, peut suggérer quelques initiatives pouvant être réalisées de concert, en tant que projets de société. La meilleure façon de mettre la partisanerie de côté est peut-être de faire du travail sociétal en vue d'accomplir de vrais progrès à l'égard des gens que tout le monde, autour de cette table, veut bien servir.

[Traduction]

    Merci.
    Est-ce que j'ai le temps d'ajouter quelque chose?
    Il vous reste exactement 10 secondes, donc si vous voulez être bref...
    Des erreurs ont été commises dans le passé. Nous devons agir avec prudence dans l'avenir pour éviter de faire du tort aux personnes les plus vulnérables de notre société. Nous n'avons pas été assez attentifs à cela. Il faut faire preuve d'une plus grande volonté politique et s'intéresser davantage aux gens vulnérables.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Martin, c'est à vous.
    Une fois de plus, merci pour l'excellent travail que vous faites. Je tiens tout d'abord à dire que j'ai plus que jamais bon espoir que nous allons arriver à accomplir quelque chose. Nous n'argumentons plus sur le fait de savoir si la pauvreté existe ou non; je pense que nous nous entendons pour dire qu'elle existe. Nous avons commencé à la mesurer, nous avons déterminé certains des groupes qui sont les plus à risque, et je pense que nous reconnaissons tous que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer.
    Vous avez déposé un rapport. Nous allons bientôt déposer un rapport sur le travail que nous faisons, pour proposer des mesures à prendre.
    L'une des propositions que vous avez faites, monsieur Segal — et je pense que M. Eggleton appuie cette idée puisqu'elle est tirée en partie de votre rapport — porte sur le fait d'assurer un revenu annuel garanti. Tout comme nous avons trouvé des façons d'aider les enfants au moyen de la prestation fiscale pour enfants et d'aider les personnes âgées en offrant le Supplément de revenu garanti, nous pourrions aider les adultes en âge de travailler... en créant une sorte de revenu garanti.
    J'imagine que la première question qui se pose est la suivante: En avons-nous les moyens? J'imagine que c'est la première question que tout gouvernement se poserait.

  (1625)  

    Nous avons présenté diverses demandes à la Bibliothèque du Parlement et à d'autres organisations pour obtenir un coût théorique. Or, le type de conception d'un tel programme a une énorme incidence sur le coût théorique. En tant que conservateur, je ne voudrais pas dépenser plus que ce que nous dépensons maintenant pour l'enveloppe sociale. Je pense qu'il serait plus efficace d'offrir un revenu de base par l'entremise d'un impôt négatif sur le revenu et que cela permettrait d'éliminer bien des intermédiaires du processus. Nous pourrions ainsi fournir d'une manière plus efficiente un meilleur soutien aux personnes qui en ont besoin.
    La note fiscale pour le gouvernement fédéral qui nous a été donnée varie de 25 à 32 milliards de dollars une fois que le programme fonctionne à plein régime. Mais si on tient compte de ce que le sénateur Eggleton disait plus tôt, c'est-à-dire qu'en réduisant la pauvreté on réduit la demande à l'égard du système de soins de santé, on réduit la demande à l'égard du système judiciaire... Dans mon district, il y a une procureure de la Couronne qui va me dire que s'il n'y avait pas de pauvres gens dans son comté, elle n'aurait pas besoin du programme de déjudiciarisation pour les jeunes qu'elle essaie de mettre en oeuvre pour empêcher que les jeunes soient emprisonnés. Ils viennent tous de familles qui ont des difficultés financières importantes. Par ailleurs, les provinces feraient des économies à l'égard de l'aide sociale. C'est essentiellement la raison pour laquelle nous devons faire un calcul détaillé des coûts associés à un tel programme, ce qui a été recommandé par le comité.
    Il est possible qu'un investissement très modeste au début commence à produire un rendement. Cela signifie en fait que le total de nos dépenses n'est pas plus élevé et que l'argent est mieux investi. Si on le fait par l'entremise du système fiscal, on protège la vie privée des gens. On augmente les mesures incitatives relatives à la conformité, et on le fait de manière automatique — comme nous le faisons actuellement en ce qui concerne le crédit pour TPS. On évite ainsi toutes les structures intermédiaires, qui sont coûteuses aussi bien pour les provinces que pour Service Canada — le gouvernement fédéral — et certaines municipalités.
    À notre avis, c'est réalisable, mais il est essentiel de faire un calcul détaillé des coûts pour que tous les aspects à prendre en considération soient connus. Nous devrions adopter une démarche transparente, parce que c'est la seule façon dont nous pourrons progresser.
    Si je puis me permettre, j'aimerais ajouter quelque chose. Nous avons tenu une table ronde expressément sur ce sujet. Les opinions étaient certes différentes, mais nous avons convenu que cette question méritait d'être approfondie. Mais c'est une mesure importante, et nous ne voudrions pas que tout ce rapport repose sur une seule mesure importante. Nous avons donc décidé qu'il fallait étoffer davantage, et c'est ce que permettrait de faire le livre vert.
    Dans l'intervalle, nous avons pris une décision très définitive à propos d'un revenu de base pour les personnes gravement handicapées, comme je l'ai souligné plus tôt. Notre rapport contient aussi plusieurs mesures — 74 recommandations en tout — qui permettraient d'aider à sortir les gens de la pauvreté. Nous sommes conscients du fait que toute mesure importante, comme la création d'un revenu annuel de base ou d'un revenu annuel garanti, prendra du temps. Il faudra en discuter à fond et en scruter tous les aspects. Une recommandation à cet égard a déjà été formulée, mais rien n'a été fait. Plusieurs personnes l'ont recommandé, comme l'a dit le sénateur Segal.
    Nous devons commencer à réduire la pauvreté maintenant. Notre rapport contient des recommandations à court, à moyen et à long terme. Il offre donc aux deux Chambres du Parlement, qui donnent suite à ces recommandations, suffisamment d'options pour déterminer comment elles peuvent corriger la situation. Il s'agit simplement d'une mosaïque de programmes, de politiques et de critères. Nous avons pris comme position de base la volonté de sortir les gens de la pauvreté.
    Nous proposons un certain nombre de moyens qui, à notre avis, permettraient de faire bouger les choses à court, à moyen ou à long terme. Nous demanderons donc au gouvernement d'en prendre connaissance; vous en retiendrez certains, et vous rejetterez les autres. Nous espérons que vous allez retenir la plupart des moyens proposés. Et si vous choisissez d'adopter sans réserve ce que préconise le sénateur Segal — le revenu annuel de base — alors bien sûr un grand nombre des mesures proposées ne seront pas nécessaires. Mais il faudra quelques années. Cependant, il faut réduire la pauvreté maintenant. Et je le répète, il ne faut pas oublier que la population vieillit. La pauvreté nous coûte cher. Nous devons mieux dépenser.
    C'est comme pour ce qui est des soins de santé. Nous parlons de la nécessité de réduire la hausse des coûts des soins de santé. Nous disons qu'il faut mettre davantage l'accent sur la prévention. Nous devons investir ces fonds de manière un peu différente pour que les coûts cessent d'augmenter. Eh bien, nous devons faire la même chose en ce qui a trait à la pauvreté, et surtout compte tenu du vieillissement de la population.
    Il me reste une minute.
    J'ai apprécié le commentaire — et tous vos commentaires — concernant les coûts. Je pense qu'il est important d'en discuter; nous n'avons plus les moyens d'avoir des gens qui vivent dans la pauvreté.
    Mais quand on parle des coûts aux autorités responsables, il y a alors ce robot qui nous répète que les gens devraient se débrouiller seuls. C'est l'attitude des gens qui cherchent à distinguer les pauvres méritants de ceux qui ne le sont pas.
    Avez-vous réfléchi à cela? Comment vous y prenez-vous pour passer ce mur?

  (1630)  

    Examinons les faits: 48 p. 100 des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté, partout au Canada, travaillent; et dans certains des ménages visés, on occupe deux emplois au salaire minimum, ce qui est insuffisant. Ces gens demeurent sous le seuil de la pauvreté.
    Donc l'idée qu'un tas de gens passent leurs journées à boire de la bière et à regarder la télévision est un mythe.
    Est-ce que certaines personnes vont profiter du système? Bien sûr. Certaines personnes profitent du système actuel.
    Et quel type de mesures dissuasives le système d'aide sociale actuel prévoit-il? Nous avons eu le cas d'une jeune femme qui a demandé un prêt étudiant de la province de l'Ontario parce que, mère célibataire, elle avait réussi à être acceptée à une institution postsecondaire. Dès qu'elle a présenté sa demande de prêt étudiant, son aide sociale a été supprimée.

[Français]

    Ça nous montre à quel point le système va contre les vrais besoins de nos concitoyens.

[Traduction]

    Nous savons que, si elle va à l'école, ses chances de payer des impôts et de devenir une bonne contribuable sont énormes; pourtant le système provincial, qui a été mis en place par divers gouvernements — cela n'a rien à voir avec la partisanerie —, la pénalise parce qu'elle essaie. Il faut admettre qu'il y a quelque chose qui cloche.
    Merci, monsieur le sénateur.
    Monsieur Komarnicki.
    Merci, madame la présidente.
    Merci pour votre exposé. Vous avez soulevé des éléments qui vont sans aucun doute nous faire réfléchir, et c'était peut-être nécessaire.
    Je trouve intéressant que vous disiez que les programmes actuels sont une mosaïque de programmes qui ont été créés au fil du temps et que certains d'entre eux ne permettent peut-être pas d'atteindre les objectifs visés.
    En ce qui concerne les personnes âgées, je crois aussi que nous avons fait du bon travail. Je pense qu'en 2007 nous avions réduit le taux de pauvreté à environ 4,8 p. 100, ce qui est certes non négligeable par rapport à la situation mondiale. Nous avons beaucoup eu recours à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti. C'est une facture d'environ 34 milliards de dollars.
    Pour ce qui est de l'assurance-emploi, vous avez fait quelques suggestions pour aider les gens qui font partie de la population active depuis longtemps, et nous avons pris certaines mesures récemment pour les travailleurs de longue date. Je regarde vos suggestions concernant les travailleurs autonomes; nous avons déjà pris certaines de ces mesures. Et vous parlez de la formation et de la mise à niveau des compétences pour les bénéficiaires de l'assurance-emploi. Nous avons investi 1,5 milliard de dollars, qui s'ajoutent aux 2,8 milliards de dollars versés aux provinces.
    C'est donc beaucoup d'argent. Mais avez-vous calculé ce que pourrait coûter la mise en œuvre de vos recommandations? En faisant abstraction des avantages économiques compensatoires susceptibles d'en découler, avez-vous calculé le coût de ce que vous proposez, en tenant compte de la mosaïque de programmes actuelle par rapport à ce que vous aimeriez voir?
    Nous n'avons pas fait de calcul détaillé, mais nous nous sommes fondés sur le fait que nous dépensons déjà assez d'argent. Nous pensons que c'est possible. Il s'agit de changer d'orientation, tout comme ce dont il est question pour les soins de santé. Les coûts ne cessent d'augmenter. Nous savons que nous devons réduire cette hausse. Nous devons investir davantage dans la prévention, tout comme nous devons le faire dans le domaine de la pauvreté.
    Nous devons réorienter nos investissements. Nous consacrons beaucoup d'argent à ce secteur: 150 milliards de dollars vont à des particuliers. Il s'agit en partie de pensions et de choses de ce genre, mais c'est aussi de l'aide sociale pour une bonne part. Toutes ces mesures visent à offrir aux gens un niveau de vie décent. À notre avis, il faut réorienter la répartition de ces fonds.
    Je vous ai parlé du premier ministre de l'Alberta qui a dit que le fait de donner aux gens un foyer et de leur fournir de l'aide entraînerait des coûts d'environ 35 000 $ comparativement aux 100 000 $ qu'il nous en coûte pour les garder dans la rue, parce que les coûts associés aux refuges sont élevés, ou parce qu'ils aboutissent à l'urgence des hôpitaux, ou parce qu'ils sont aux prises avec la justice ou parce qu'ils sont toxicomanes. Ces gens ont toutes sortes de problèmes. Alors, pourquoi ne pas choisir les 35 000 $ plutôt que les 100 000 $? C'est manifestement une amélioration pour le Trésor public.
    Les statistiques sont semblables dans le reste du pays. Grâce à cette réorientation des investissements, le comité estime que nous n'avons pas besoin d'argent supplémentaire.
    Des fonds devront aussi être consacrés à la transition d'un système à l'autre. Mais au bout du compte, nous pourrons économiser beaucoup d'argent: 30 milliards de dollars en coûts liés aux soins de santé et à la perte de productivité. C'est beaucoup d'argent.
    Cela m'amène à soulever deux autres points. C'est intéressant, parce que quand on vous a demandé ce que vous feriez, vous avez suggéré de geler à 5 000 $ la Prestation nationale pour enfants et d'augmenter la Prestation fiscale pour le revenu de travail, qui est assez populaire, et le Supplément de revenu garanti, qui existe déjà.
    La question que je vous pose comporte deux volets. Tout d'abord, afin de mieux dépenser, et si vous utilisez le même argent, en tenant compte des programmes que vous élimineriez et des programmes que vous financeriez davantage, vous en avez indiqué quelques-uns. Comment vous y prendriez-vous pour réaligner le tout? Avez-vous fait quoi que ce soit à cet égard?

  (1635)  

    Puis-je répondre à cette question?
    Bien sûr.
    C'est la vieille notion selon laquelle les politiques sociales et la justice sociale ne donnent rien. Je pourrais vous demander — vous avez réduit la TPS, ce que j'endosse entièrement —, pouvez-vous nous dire en quoi la réduction de la TPS a aidé les pauvres? Nous savons que cette mesure a été prise pour aider les gens pauvres parce que les gens à faible revenu se font gruger davantage de leur revenu par la TPS. C'est une politique éclairée et je l'appuie.
    Tout un tas d'autres gens se demanderont quels autres programmes nous n'avons pas pu réaliser en raison de la réduction de la TPS. Et notre réponse, que j'appuie à 100 p. 100, a été de dire que si nous aidons les gens à participer à l'économie au jour le jour, nous en retirerons les bienfaits. Si les gens qui ont continué de travailler ont investi dans la rénovation domiciliaire parce qu'ils en avaient les moyens, d'autres emplois ont pu être créés et cette situation aura eu d'autres effets.
    Nous défendons ici le même point. Nous disons que si les gens qui vivent maintenant sous le seuil de la pauvreté — ce qui coûte très cher au système d'aide sociale, au système de justice pénale, au système de santé et au système carcéral — sont laissés là où ils sont, le fardeau du contribuable ne fera que s'alourdir au fil du temps. La situation démographique ne fera qu'empirer les choses.
    Nous proposons, avec grand respect, d'établir soigneusement les coûts associés aux avantages nets qui découlent des méthodes existantes. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de produire un livre vert qui exposerait les questions que vous soulevez, que je trouve d'ailleurs très constructives; nous voulons pouvoir examiner les avantages nets et les retombées nettes.
    Lorsque le ministre des Finances a instauré le régime de la PFRT, cette mesure a engendré des coûts. Mais elle a également été très profitable pour l'économie, à mon avis. Lorsque le ministre a élargi le programme d'assurance-emploi, l'économie s'en est mieux portée, même si cette mesure a entraîné des coûts.
    Nous sommes d'avis que rien dans ce rapport ne doit être adopté à moins de produire des avantages pour l'économie. Nous sommes également d'avis qu'il faut éviter d'augmenter les dépenses.
    Je comprends ce que vous dites et je suis même d'accord avec vous sur certains points.
    Au début, monsieur Eggleton, on disait qu'il fallait dépenser l'argent plus intelligemment dans le cadre des programmes. Je pensais que nous l'avions fait. La question était posée dans cet esprit.
    Le problème est bien plus gros, j'en conviens. Mais il y a toute une combinaison d'autres facteurs, comme les questions de compétence, lorsque vous dites...
    Absolument.
    Je pense que vous vous dirigez vers un endroit où vous affirmez avoir tout un éventail de programmes. Peut-être nous faut-il amener tous ces programmes jusqu'au point où vous garantissez un certain revenu et éliminez beaucoup du reste. Cependant, il est question de deux autorités, soit l'autorité provinciale et l'autorité fédérale. Vous allez donc devoir trouver un moyen d'en arriver à des mesures par l'entremise desquelles l'ensemble des gouvernements — fédéral, provinciaux et territoriaux — sont restructurés de manière à vous permettre de dépenser peut-être autant d'argent, mais de façon plus judicieuse.
    Comment proposez-vous d'en arriver là?
    Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent se parler pour en arriver à établir une solution qui permettrait de faire ce genre de chose dans l'ensemble du pays. Cette question relève des deux paliers de compétence. Les Autochtones et les administrations locales doivent également être appelés à participer. Tous les ordres de gouvernement et toutes les communautés doivent collaborer à ce dossier.
    Merci.
    Laissez-moi vous donner un exemple.
    Je suis désolée. Le temps est écoulé pour cette série de questions. J'espère que vous aurez l'occasion de répondre.
    Madame Folco.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Moi aussi, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier tous les deux d'être venus nous parler. Votre réputation vous a précédés auprès de nous et certainement auprès de moi. Jusqu'à maintenant, on a parlé de façon plutôt générale et on n'a pas parlé de clientèle très spécifique. Je voudrais aborder une clientèle que j'ai beaucoup à coeur, les immigrants.
    On parle d'immigration, on dit qu'on peut faire venir des immigrants, qu'il y en a déjà beaucoup qui sont ici, que ça va nous aider à payer nos impôts, nos pensions, etc. On n'est jamais intégré si on ne travaille pas, et le travail, c'est le nerf de la guerre finalement.
    Depuis que je suis à Ottawa — cela fait maintenant 13 ans —, on parle du fait que lorsque les immigrants arrivent, un grand nombre d'entre eux, et pas seulement les professionnels, les corps d'emploi également — que ce soient des menuisiers, des plombiers, peu importe —, n'arrivent que très rarement à trouver du travail dans leur corps d'emploi. On en parlait même avant, quand j'étais au gouvernement du Québec. Du travail a été fait par le gouvernement du Québec sur l'équivalence des diplômes. Du travail a été fait quand nous étions au gouvernement: on avait nommé une ministre qui s'en occupait.
    Je me demande comment vous voyez le travail qu'il y a à faire pour aider ces gens — je ne parle pas seulement des professionnels, j'insiste là-dessus — qui sont vraiment sous-employés, un grand nombre n'a même pas d'emploi? Tenez compte, d'une part, des corporations, professionnelles ou non, qui sont parties prenantes de cette décision, et d'autre part, des gouvernements provinciaux qui sont aussi parties prenantes. Je ne sais pas qui voudra répondre à cette question.

  (1640)  

[Traduction]

    Nous y répondrons tous deux.
    Laissez-moi souligner qu'environ six des recommandations, soit les recommandations 58 à 64, visent les nouveaux arrivants au Canada, étant donné que nous constatons que les nouveaux immigrants, dont de nombreuses minorités raciales, vivent de gros problèmes. Ils sont surreprésentés parmi les chômeurs. Ils sont surreprésentés parmi les gens qui ont du mal à se loger. Ils sont surreprésentés parmi les sans-abri également.
    Nous avons donc formulé certaines recommandations qui feront en sorte de faciliter cette transition dans notre société. Il faut créer des programmes d'intégration pour ces gens afin d'accroître leurs possibilités d'emploi. J'ai parlé tout à l'heure de quelques pratiques prometteuses, dont une qui émane par exemple de Toronto, où j'habite et où des dirigeants d'entreprises s'efforcent d'offrir des stages et du mentorat à ces personnes afin de les aider à décrocher des emplois qu'ils pourront ensuite inscrire à leurs c.v. et à acquérir une expérience de travail en sol canadien.
    Ce type de programme existe un peu partout au pays pour venir en aide aux gens. J'estime que nous devons appuyer ce genre de démarche.
    Ces programmes sont prometteurs et existent au Canada, et les personnes qui en sont à l'origine pourraient prêter main forte pour les instaurer dans d'autres communautés, si on leur donne les moyens de le faire. Ces gens fonctionnent avec des budgets restreints. Ils n'ont pas l'argent pour faire rayonner leurs initiatives, pour tenter de faire passer leur message ni pour partager de l'information avec d'autres régions du pays.
    Une de nos recommandations porte sur ce point, mais les recommandations 58 à 64 visent explicitement les nouveaux arrivants au Canada.
    Hugh.

[Français]

     Je voudrais ajouter que le problème de la pauvreté est plus sérieux au sein de la population immigrante. Les nouveaux immigrants au Canada ne réussissent pas aussi bien que les générations précédentes. Cela constitue un problème plus compliqué que la seule question du travail. Il y a des questions d'identité, et d'autres questions sont en jeu.
    Le décrochage scolaire est un sujet dont on a parlé et où les immigrants sont fortement impliqués. Une de ces organisations, à Toronto et ailleurs au Canada, se nomme « Passeport pour ma réussite ». Cet organisme a fait un travail incroyable, aidant à réduire le pourcentage de décrochage alors qu'il est passé de 56 p. 100 à 7 p. 100 dans certaines communautés. Je suis ravi d'indiquer que le gouvernement vient d'annoncer, dans les prévisions budgétaires, 20 millions de dollars pour appuyer le travail de ce groupe.
    À mon avis, il faut trouver une stratégie mixte, regroupant des organisations communautaires enracinées, des organisations provinciales et des subventions fédérales. Il faut aussi un but et pas seulement des aspirations. De plus, il faut un rapport annuel pour nous indiquer si nous faisons des progrès ou non.
    Je sais qu'au Québec et dans les autres provinces, on travaille énormément là-dessus. Il n'en demeure pas moins que le gouvernement fédéral doit, selon les recommandations du rapport, agir de façon à coordonner au moins un peu le travail, aider à assurer les meilleures pratiques entre les provinces, et peut-être travailler afin qu'il y ait du financement pour certaines activités et afin qu'on ne perde pas un certain momentum positif, ce qui est essentiel.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le sénateur.
    J'aurais dû mentionner avant que Mme Folco prenne la parole que nous en sommes maintenant à notre deuxième série de questions, alors nous n'avons que cinq minutes pour chaque question et réponse. Nous venons de dépasser ce temps d'une trentaine de secondes.
    Monsieur Vellacott, la parole est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Messieurs les sénateurs, votre document comporte neuf recommandations, c'est-à-dire les recommandations 7 à 15, propres à l'assurance-emploi. J'aimerais aborder cette question et entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
    Dans votre rapport, il est indiqué que vous avez « choisi la solution à court terme qui consiste à maintenir ces programmes dans le régime d'AE » ou, en d'autres mots, à formuler ces neuf recommandations que vous faites ici. Comme vous le savez, les fonds engagés dans le cadre du régime d'assurance-emploi proviennent des poches de chacun d'entre nous, de celles des travailleurs canadiens et de celles de leurs employeurs également. Comme pour toute expansion de programme, il faudrait bien entendu trouver l'argent nécessaire à la réalisation du projet ou, du moins, à l'adoption de ces recommandations particulières.
    Si je comprends bien, trois de vos recommandations seraient sans incidence sur les recettes, tandis que six d'entre elles engendreraient des dépenses, et d'importantes dépenses il va s'en dire. En examinant toute cette question et ces recommandations exhaustives, est-ce que votre comité ou vous-mêmes avez trouvé un quelconque moyen de réduire le coût global du régime d'assurance-emploi ou d'exercer une pression à la baisse sur ce régime par le truchement de ces recommandations, toutes les autres choses demeurant égales?

  (1645)  

    Nous n'avons pas dit qu'il fallait piger dans les coffres de l'assurance-emploi dans chaque cas. Par exemple, à la recommandation 7, nous avons dit:
Le Comité recommande que le gouvernement fédéral établisse un nouveau programme offrant une protection contre les pertes de revenu dues à l’interruption prolongée d’un emploi aux personnes qui ne sont pas visées par la Loi sur l’assurance-emploi.
    Le problème, c'est que même si la plupart des gens qui bénéficient de prestations d'assurance-emploi réussissent peut-être à en retirer certains bienfaits, tout particulièrement en cette période de récession, la majorité des chômeurs de ce pays ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi. Il faut faire quelque chose pour aider ces gens.
    Je le répète, il faut permettre à ces gens de travailler. Cette situation nous coûte de l'argent. Ces gens font ensuite appel à l'aide sociale. Ils en paient le prix et nous aussi. Nous devons arriver à faire travailler ces gens. Pour nous, c'est un investissement. Si vous finissez par décrocher un emploi, vous contribuez à l'économie et vous payez de l'impôt. Cette situation est de loin meilleure à celle que vous réserve l'aide sociale. C'est tel que tel. Ou bien ces fonds seront dépensés en aide sociale, ou bien ils seront affectés à un programme afin de permettre à ces gens de décrocher des emplois, une solution qui équivaut selon moi à un investissement.
    Vous avez dit que vous ne comptiez pas nécessairement en éliminer. Je crois que vous avez parlé tout particulièrement de la recommandation 7. Je ne sais pas s'il y en a d'autres. Il n'est nullement question dans ces recommandations de réduire la caisse de l'assurance-emploi ni d'exercer une quelconque pression à la baisse à cet égard. Les montants en jeu ne changent pas; l'argent est simplement affecté à un autre secteur de dépenses du gouvernement.
    Par exemple, dans la recommandation 10, il est indiqué: « ... le Comité recommande que le gouvernement remanie le régime d'assurance-emploi pour qu'il permette des ajustements en fonction des ralentissements économiques prévus au lieu de tenir compte uniquement de l'expérience récente. » Cette recommandation vise à pallier les lacunes propres aux régions, en ce sens que certaines personnes ne sont pas admissibles dans une région tandis qu'elles le sont dans une autre. Par cette recommandation, nous insistons auprès du gouvernement sur la nécessité d'adapter et de suspendre temporairement les critères régionaux lorsque la récession frappe de plein fouet, parce que les approches du passé ne sont pas nécessairement celles qui conviennent au contexte d'aujourd'hui. Nous disons que le régime, vu d'une optique régionale, n'est pas tout à fait le même en période de récession. Des modifications pourraient être apportées à ce chapitre.
    Le fait d'élargir le régime d'assurance parentale pour inclure les travailleurs autonomes et de prolonger la durée des prestations de maladie à 50 semaines entraîne des coûts supplémentaires au titre de l'assurance-emploi. Tout dépend de la façon dont vous souhaitez les financer. Je peux dire sans vraiment me tromper que les prestations de maladie versées dans le cadre du régime d'assurance-emploi, par exemple, sont d'une durée de 15 semaines, une mesure qui n'a pas été revue depuis 1971. Les personnes atteintes d'un cancer ou souffrant d'une autre maladie chronique seront arrêtées de travailler plus longtemps.
    Certains points relèvent de l'assurance-emploi, mais pas forcément tous.
    Messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le gouvernement a adopté des mesures à l'égard de certaines de vos recommandations, de deux d'entre elles pour être plus précis, ce qui est très intéressant. La première nous vient sous forme de prestations spéciales d'assurance-emploi pour les travailleurs autonomes prévues dans le projet de loi C-56, comme vous le savez, et la deuxième, sous forme de semaines supplémentaires de prestations pour les travailleurs de longue date, prévues dans le projet de loi C-50. Ces deux projets de loi ont été présentés l'automne dernier.
    Grâce aux budgets et aux estimations, nous connaissons les coûts. Du moins, nous arrivons à nous en faire une idée. En outre, le ministère, RHDSC, nous a soumis à quelques reprises des estimations de coûts au regard de certaines des mesures proposées en lien avec vos recommandations pour l'assurance-emploi. La réponse varie bien entendu en fonction de l'interlocuteur, mais ces coûts pourraient se chiffrer dans les milliards de dollars chaque année.

  (1650)  

    Monsieur Vellacott, pourriez...
    Pourrais-je conclure? Tout à fait.
    Avez-vous trouvé ou cherché à obtenir certains des calculs de coûts associés au lancement de ces programmes ou certaines estimations annuelles des coûts pour l'un ou l'autre d'entre eux?
    Non, je pense qu'il faut compter un an ou deux avant que nous puissions le faire. Bien entendu, il faut isoler chaque recommandation et établir les coûts connexes. Nous souhaitons que s'opère un changement de paradigme. Nous devons changer notre façon de voir cette question. Voyons-la de l'optique suivante: si nous investissons ces sommes et arrivons à faire travailler les gens, ces derniers paieront des impôts et contribueront à l'économie plutôt que de dépendre de l'aide sociale ou de vivre dans des refuges pour sans-abris. Il faut voir le revers de la médaille. Il nous coûte plus cher de maintenir ces gens en situation de pauvreté.
    Merci beaucoup, monsieur le sénateur.
    Madame Beaudin, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous, messieurs, pour l'étude que vous avez faite, mais cinq minutes c'est bien court. On devrait avoir des heures pour échanger sur ce sujet.
    Je ne suis députée que depuis environ un an et demi. Toutes les années avant cela, j'ai travaillé sur le terrain avec ces personnes dont vous parlez, ces familles à faible revenu, ces femmes particulièrement. Je trouve que les femmes apparaissent bien peu dans votre rapport comme les groupes surreprésentés dont vous parlez. J'aurais aimé voir ces femmes beaucoup plus que cela. Je parle de ces femmes et de ces mères qui sont souvent de familles monoparentales.
    Vous avez raison, il ne faut pas que regarder les erreurs du passé. Par contre, j'ai toujours appris qu'il fallait les reconnaître pour éviter de les répéter. Depuis que je suis ici et que nous travaillons sur l'étude sur la pauvreté, ce que je vois devant moi, et vous l'avez souvent répété M. Segal, c'est qu'au Québec, nous nous sommes donné une loi-cadre depuis 2002. Je vois que l'Ontario est également sur le point de se donner une loi antipauvreté. C'est aussi le cas à Terre-Neuve. Vous nous parlez d'exemples à Toronto. Je me dis que là où le Canada a échoué dans sa lutte pour éradiquer la pauvreté infantile, au Québec et dans certaines provinces, ils y réussissent.
    Je souhaite que nous arrivions à régler cette pauvreté. Quand on regarde le portrait devant nous, ne croyez-vous pas que la meilleure solution pour y arriver serait d'augmenter les transferts au Québec et dans les provinces?
    C'est ma question principale.
    Je faisais partie de ceux qui ont travaillé farouchement pour l'adoption de l'Accord du lac Meech. J'ai même travaillé pour l'adoption de l'Accord de Charlottetown où le principe était de donner la capacité fiscale aux provinces de pouvoir financer leurs instruments de société. Cela avait été établi comme un principe fondamental. Malheureusement, en vertu des politiques de cette époque, cela a été rejeté pour différentes raisons. Honnêtement, selon moi, si les provinces sont prêtes à dire qu'elles font partie de cette grande bataille sociale, nous poursuivrons nos propres buts avec nos propres moyens. Je n'ai pas de problème à faciliter le financement et la liberté des provinces à le faire.
    On aura une période de négociations au sujet des systèmes de transferts dans deux ou trois ans. Je suppose que les premiers ministres auront des discussions, à savoir quelle sera la nouvelle formule. Une réponse décentralisée ne me cause pas de problème si cela fait progresser la situation de nos concitoyens. C'est ce qui compte. Peut-être que mon collègue libéral aura une autre perspective là-dessus, mais pour moi, ce n'est pas important de savoir qui sera le gouvernement qui aura le crédit pour cela. Il est important selon moi de connaître qui fournira les outils et qui est prêt à poursuivre ces objectifs. Je n'ai aucun problème à avoir une position confédérale là-dessus puisque, généralement, je ne favorise pas une position centralisatrice.
    Monsieur Eggleton.

[Traduction]

    Nos points de vue divergent quelque peu à ce propos, mais je n'irai pas plus loin.
    Laissez-moi dire, toutefois, que cette recommandation nous vient d'un sous-comité sur les municipalités. Nous avons commencé à examiner cette question au niveau local. Nous pensons pouvoir trouver beaucoup de réponses au niveau local, par l'entremise des provinces, bien entendu, car il s'agit là du chemin tout indiqué pour y arriver. Au niveau local, et je ne parle pas que des administrations municipales, mais aussi des gens qui oeuvrent pour diverses organisations, on comprend bien les besoins et on connaît de très nombreuses réponses. Nous nous sommes entretenus avec des gens passionnés dans les collectivités, qui mettent en place des programmes utiles afin de sortir les gens de la pauvreté.

  (1655)  

[Français]

    Je vous arrête parce que j'ai très peu de temps et que je veux vérifier une information supplémentaire avec vous.
    Vous le savez, en ce moment, les budgets de fonctionnement seront gelés peut-être pour plusieurs années. On ne le sait pas. Il faut éviter de plus les redoublements et le chevauchement des programmes. J'ai travaillé dans ces organisations. J'ai complété des demandes de subventions fédérales et provinciales. J'ai passé du temps à me perdre dans l'administration au lieu d'intervenir et d'utiliser l'argent où c'était nécessaire. Il faut justement éviter cela.
    Vous le savez, pour mettre en place les mesures que vous proposez au cours des prochaines années, on n'aura probablement pas le financement nécessaire compte tenu du gel des budgets de fonctionnement et du fait que le gouvernement essaie présentement de se serrer la ceinture. Alors, pour éviter en même temps tous les redoublements qui existent, ne croyez-vous pas qu'effectivement la solution serait de transférer aux provinces et au Québec l'argent nécessaire pour que ces gouvernements puissent intervenir eux-mêmes?
    J'étais en faveur de la politique poursuivie par M. Harper au sujet du déséquilibre fiscal. C'était le début du reflet d'une certaine réalité pour toutes les provinces pour ce qui est de leurs bases fiscales. Un de nos économistes à l'Université Queen's, Thomas Courchesne, a dit que plusieurs provinces ne cherchent pas de nouveaux pouvoirs mais cherchent de l'argent pour répondre à leurs propres pouvoirs en vertu de la Constitution existante. Selon moi, cette question du déséquilibre fiscal reste une partie intégrante du débat, à savoir comment on peut éviter des chevauchements et arriver à un certain progrès dans une perspective d'autonomie provinciale qui est essentielle pour le faire.

[Traduction]

    Monsieur Cannan, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos témoins.
    Pour commencer, je souhaite réitérer les observations de M. Savage au sujet du travail effectué par le Sénat, surtout le rapport du sénateur Kirby et la mise sur pied de la Commission de la santé mentale. Beaucoup de tout cela découle du problème de l’itinérance et des difficultés sociales auxquelles l’ensemble de notre beau pays fait face, depuis les petites communautés rurales jusqu’aux grands centres urbains.
    Je compte neuf années de solide expérience du gouvernement local, et j’ai passé plusieurs années au comité du logement, où j’ai été appelé à collaborer avec les organismes de proximité que vous avez mentionnés. Ces organismes possèdent de merveilleuses idées, des bénévoles souvent passionnés, et quelques employés.
    Vous avez parlé de voir les choses du point de vue d’une stratégie de logement nationale, de passer à l’échelle nationale. En fin de semaine, j’ai eu un entretien avec un conseiller municipal qui a consacré de nombreuses années à une société à but non lucratif nommée Society of Hope. Il est en désaccord total avec la notion d’une stratégie de logement nationale, parce que tout le monde n’entre pas dans le même moule. Ce qui fonctionne bien en Saskatchewan ne marche pas en Ontario ou en Colombie-Britannique. D’ailleurs, BC Housing obtient d’excellents résultats en Colombie-Britannique, et les rapports professionnels entre les ordres fédéral et provincial y sont bons.
    Je voulais simplement un peu de rétroaction, de votre point de vue. Pour les provinces, une difficulté est qu’elles ne veulent pas d’une aide conditionnelle. C’est presque comme les conditions qu’on attachait à l’aide étrangère, et qu’on a fini par éliminer. Elles ne veulent pas que leurs transferts sociaux soient assortis de conditions. Mais j’observe, à la lecture du rapport, que nous forçons plus ou moins la main aux provinces: si nous leur affectons des montants fédéraux, elles doivent les consacrer à une dépense particulière.
    Est-ce une représentation fidèle de votre pensée?
    Permettez-moi de citer l’un de mes économistes favoris. Milton Friedman, de l’Université de Chicago, a dit un jour au sujet du gouvernement américain que si l’on donnait au gouvernement fédéral la responsabilité du Sahara, il y aurait une pénurie de sable au bout de cinq ans.
    Des voix: Oh, oh!
    Le sénateur Hugh Segal: Mon opinion générale est donc que s’il y a moyen de laisser toute liberté de mouvement aux autorités locales et aux organismes à but non lucratif locaux, c’est toujours le meilleur choix.
    Permettez-moi de mentionner la Calgary Homeless Foundation. Cette fondation n’est dirigée ni par des représentants du gouvernement, ni par des politiciens, mais par des PDG à la retraite, des cadres de sociétés pétrolières, des avocats-fiscalistes, et des membres de groupes confessionnels locaux. Tous ces gens ont jugé inacceptable que 250 personnes vivent dans la rue à Londres, en Angleterre, mais il y a 500 personnes qui vivent dans la rue à Calgary. Ils ont trouvé bizarre aussi que 2 500 personnes couchent tous les soirs dans un centre, qui touche 40 dollars par tête — c’est ce que reçoit l’Armée du Salut — pour son excellent travail d’accueil d’urgence. Quarante fois 2 500, 365 fois par année, cela représente un montant appréciable à investir dans le logement, et une bien meilleure réaction.
    Ils ont réalisé un amalgame du secteur privé et du secteur sans but lucratif, et se procurent de vieux édifices, qu’ils remettent en état. Ils reçoivent une aide partielle du gouvernement. Ils disent aux propriétaires de terrains vagues, pourquoi ne pas vous en défaire à un prix notionnel, afin de nous permettre de...?
    Au fait, c’est un exemple de ce que les organismes locaux peuvent faire, mais non les gouvernements. La Homeless Foundation a déclaré qu’elle éliminerait l'itinérance en dix ans. Notez qu’elle ne dit pas alléger ou améliorer un peu, mais bien éliminer. Selon sa définition, nul ne doit passer plus de sept jours dans un centre d’accueil avant de se trouver un logis. Après un an, la fondation a déjà atteint 15 p. 100 de sa cible.
    Nous avons besoin d’un cadre de référence qui puisse guider les organismes locaux, je suis d’accord avec vous sur ce point.
    Je juge regrettable — bien que je comprenne pourquoi il l’estimait nécessaire — que M. Martin, le ministre des Finances, ait coupé l’investissement dans le logement social. Alors qu’il était maire de Toronto, ce même M. Martin avait en fait investi beaucoup de fonds municipaux dans ce type de logement. Ils ont fait là une chose terrible, mais ils la jugeaient indispensable.
    Mon gouvernement a commencé à réinvestir, et j’en suis fier, mais j’aimerais que ce réinvestissement soit conçu pour laisser aux municipalités et aux organismes sans but lucratif locaux la plus grande liberté de décision possible, sans les assujettir à des contraintes définies par la bureaucratie, qui de toute façon ne fonctionnent pas à l’extérieur du cercle privilégié d’Ottawa.
    Ce serait ma préférence.

  (1700)  

    Permettez-moi de répondre brièvement. Il ne s’agit pas ici d’une stratégie fédérale normative, mais du fait que le gouvernement fédéral a de l’argent investi dans le logement. Il possède un organisme riche d’une vaste expertise: la SCHL, qui a désormais une stratégie de lutte contre l’itinérance. Nous faisons valoir qu’il faut que ce travail soit fait en collaboration entre les différents ordres du gouvernement dans les collectivités.
    Les provinces doivent elles aussi fournir une part du financement. Si un seul ordre de gouvernement verse des fonds, on ne parviendra pas au but. Les deux ordres doivent contribuer, et peut-être aussi les municipalités. Il s’agit d’instaurer une collaboration entre tous les organismes.
    Nous avons évité de trop employer le mot « stratégie », parce que nous sommes conscients que ce mot est très fréquent. Nous avons décidé de l’utiliser uniquement dans une expression, la stratégie nationale sur le logement et l’itinérance, pour la simple raison que nous l’avons entendu de la bouche de gens engagés dans le secteur du logement dans des communautés un peu partout au pays. Je sais bien qu’il peut y avoir des exceptions, que certaines personnes peuvent estimer que ce n’est pas la meilleure façon de procéder, surtout si elles croient que nous imposons un critère normatif. En fait, il n’y aurait pas d’élément normatif à l'échelle fédérale.
    Si le gouvernement fédéral contribue le moindre montant, une reddition de comptes est obligatoire. Ne serait-ce que pour cette raison, le gouvernement fédéral doit s'asseoir à la table.
    Nous devons tous rendre des comptes.
    Merci beaucoup. C’était très bien.
    Madame Minna.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous deux pour votre présence parmi nous.
    Je me vois obligée d’apporter un correctif aux observations du sénateur Segal au sujet du logement. On avait effectivement fait des coupures, mais aussi un important réinvestissement, comme vous le savez pertinemment. C’est à cette époque que nous avons lancé l'Initiative de partenariats en action communautaire, ou IPAC, qui porte aujourd’hui un nouveau nom.
    En ce qui me concerne, une stratégie de logement nationale — en fait, je suis contente que vous ayez utilisé l’expression — ne revient pas à imposer un moule unique. Elle consiste en un partenariat sur toute la ligne. Elle consiste, je l’espère bien, en différents modèles, depuis la location jusqu’à la propriété, appliqués au moyen de partenariats avec les municipalités, tout comme le programme d’itinérance. Sans compter le programme sans but lucratif... et le programme d’habitation coopérative, en fait l’un des meilleurs programmes de logement au pays. Ma circonscription contient d’excellents logements, qui relèvent de ce programme.
    Le logement était l’un des éléments que j’allais analyser. Selon moi, quatre ou cinq choses sont au cœur même de la pauvreté. Le logement en est une composante, il va sans dire, et le logement est aussi capital pour la santé et l’éducation. En fait, l’Ontario est engagée dans une étude de la corrélation entre déterminants de la santé et logement. Je suis convaincue qu’un lien sera établi.
    Les quatre ou cinq choses dont nous devons nous occuper sont l’éducation de la petite enfance et les soins de l’enfant, le soutien au revenu des familles, l’éducation et la formation. Les fonds sont disponibles, mais dans certains domaines...
    Vous dites que certains programmes ne donnent pas de très bons résultats. Nous dépensons 150 milliards de dollars, mais certains ne touchent pas le but visé. Tandis que nous examinons le revenu annuel de base et d’autres éléments, nous devrions peut-être comprimer d’autres programmes, les rationaliser et bien les étudier.
    Je me demande si vous avez examiné certains programmes sous l’angle de leur efficacité. Le crédit d'impôt pour la garde d'enfants n’est pas remboursable, c'est-à-dire que seules certaines familles peuvent y avoir accès. Vous le pouvez si vous avez de l’argent; si vous n’en avez pas, les 1 200 $ de la prestation pour enfants, ici encore, ne fournissent pas... C’est probablement un peu plus que ce montant. Elle ne vous rend pas riche et elle n’assure pas la garde d’enfants. Elle ne fait donc ni l’un, ni l’autre, et elle n’aide pas les femmes.
    Nous dépensons des sommes immenses pour les REER — je crois qu’ils coûtent 16 ou 17 milliards de dollars au Trésor —, mais le Canadien moyen n’en tire pas vraiment avantage. Nous savons par exemple que c’est une structure de pension qui ne règle pas à long terme le problème de la pauvreté des aînés.
    Il existe des choses de ce genre. Je me demande si vous avez examiné les programmes sous l’angle des dépenses fiscales. Les avez-vous un peu décortiqués? Avez-vous fait une analyse pour déterminer où il était possible de rationaliser le changement?

  (1705)  

    Nous avons envisagé toutes sortes de possibilités. Si vous formulez 74 recommandations, c’est que vous avez fait beaucoup de chemin. Nous n’avons peut-être pas abordé toutes les questions précisément de la façon que vous décrivez, mais ces recommandations auront pour effet général de sortir les gens de la pauvreté. C’est notre but ultime et c’est aussi la direction que nous estimons qu’il faut prendre.
    Nous avons porté une attention particulière aux plus vulnérables dans notre société. Nous avons discuté des personnes handicapées, et aussi des nouveaux arrivants. Il y a les femmes chefs de famille monoparentale, qui constituent un très fort pourcentage de la population ayant des enfants pauvres. Il y a aussi les Autochtones. Ici encore, l’éducation est on ne peut plus importante.
    Nous avons recommandé une très grande variété d’instruments susceptibles d’aider les gens à sortir de la pauvreté. À mon sens, l’éducation et la formation sont capitales.
    Permettez-moi de vous interrompre, sénateur. Vous avez dit que vous présentez des éléments à court, à moyen et à long terme. Je me demande si vous avez examiné des mécanismes comme ceux que j’ai mentionnés pour voir s’ils fonctionnent — ce que je ne crois pas — et pour déterminer comment réacheminer ces fonds à court terme pour qu’ils se révèlent plus efficaces, dans le cadre de la stratégie nationale contre la pauvreté que nous élaborons. Je crois que c’est ainsi que nous devons procéder au bout du compte.
    Si vous demandez si nous avons procédé à une évaluation détaillée de l’efficacité de tous ces programmes, je vous réponds que les ressources et la capacité nous faisaient défaut pour un tel travail, mais la question est tout à fait juste.
    Je dirais que nous sommes parvenus à une solide conclusion sur un sujet qui met en jeu des fonds fédéraux et provinciaux, soit l’inefficacité du bien-être, un programme de plusieurs milliards de dollars...
    Absolument.
    ... qui n’est pas assez fort pour apporter un appui, mais qui l’est juste assez pour empêtrer les gens, et exerce à notre sens une très mauvaise influence. S’il était réformé comme il convient, ce seul élément libérerait beaucoup d’argent pour d’autres activités, parce que les provinces comme le gouvernement fédéral participent à la prestation du bien-être.
    Prenez la prestation universelle pour la garde d'enfants, que j’appuie dans le cadre de mon affiliation politique. J’estime que c’est un pas en avant, que c'est constructif et important. Nous avons dit qu’elle doit devenir plus généreuse, à mesure que les choses avancent; à son honneur, le gouvernement l’a lentement augmentée, même si certains estiment qu’il ne l’a pas fait avec assez de vitesse ou de robustesse. Mais je suis de ceux qui estiment que tant que nous ne sommes pas disposés à étudier la solution globale, soit un revenu de base, tous ces programmes doivent être indexés.
    Si on me permet de le dire, le gradualisme — qui est préconisé dans ce rapport et que j’appuie en ma qualité de vice-président — a l’inconvénient de mener à une série de petites étapes qui ne changent nullement les problèmes fondamentaux pratiques...
    Sénateur, si je peux simplement...
    Désolée, votre temps de parole est écoulé.
    Allez-y, monsieur Lobb.
    J’ai vu les recommandations, et je crois qu’il y manquait une chose qui me tient passionnément à cœur: les connaissances financières et fiscales et les compétences élémentaires qui vous permettront de réparer des choses simples dans votre foyer, comme un tuyau ou un véhicule.
    Je ne crois pas que cela s’applique aux plus vulnérables, mais ce sont les gens dont vous parlez, qui occupent deux emplois, qui travaillent, et qui néanmoins ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Je me demande ce que vous pensez de ces éléments de base.
    Ce que je peux vous dire, c’est que je vois presque chaque jour ou chaque semaine, dans mon bureau de circonscription, des gens qui ont conclu des contrats de service très onéreux, ou qui ont contracté d’immenses dettes sur leur carte de crédit alors qu’ils n’auraient jamais dû avoir la moindre dette de cette nature. Ils manquent de connaissances élémentaires, comme savoir quelles factures payer en premier. Nous connaissons des gens qui paient leur épicerie, mais qui se font couper leurs services publics. C’est le genre de chose dont je parle. Des aînés qui s’engagent dans des prêts hypothécaires inversés, ou des étudiants qui achètent une voiture ou font des voyages à Cuba avec leur prêt étudiant. Ce sont là des connaissances élémentaires que les parents ont omis d’inculquer, ou que le système a omis d’inculquer.
    Je me demande si votre étude a mis au jour de tels cas et ce que vous en pensez.

  (1710)  

    Ce que nous avons constaté, c'est que le taux de décrochage scolaire est anormalement élevé dans les familles pauvres. Les enfants ne finissent pas l'école secondaire, et ils n'ont donc pas la chance d'acquérir ces compétences de base, certaines écoles les enseignent, d’autres pas. Il n'y a pas assez d'établissements qui dispensent ce genre d'enseignement.
    Je me réjouis que le ministre des Finances ait annoncé la nomination d'un groupe de travail sur la littératie financière. Il faut que des représentants de l'industrie participent à l'élaboration de ce genre de programme.
    À mon avis, il faudrait trouver le moyen d'inciter ces enfants à finir leur scolarité, et à partir de là, on pourrait donner aux écoles, par l'intermédiaire du groupe de travail sur la littératie, les ressources nécessaires pour développer l'enseignement de ces compétences de base. Si on réussissait à faire ça, je pense que le problème se réglerait naturellement. À mon avis, ça aurait un impact important sur la vie des gens et ça réduirait peut-être le nombre de ceux qui se retrouvent inutilement dans ce genre de situation.
    Par ailleurs, la non-acquisition de compétences de base est souvent liée à la pauvreté. Par conséquent, si nous réussissons à atténuer le problème de la pauvreté, nous observerons certainement une légère diminution des autres problèmes. Mais il faut absolument mettre l'accent sur l'acquisition des compétences de base. Beaucoup d'organismes à but non lucratif,

[Français]

je pense à Jeunesse au Soleil, à Montréal, Sun Youth,

[Traduction]

et d'autres, enseignent ces compétences de base aux nouveaux immigrants et aux enfants, avec l'aide de gens qui sont passés par là, afin d'aider les immigrants à mieux se débrouiller dans la vie de tous les jours.
    Il est vrai que nous n'avons pas approfondi cette question dans le rapport, et il est intéressant que vous la souleviez.
    Je vous signale que la recommandation 22 du rapport traite des programmes d'alphabétisation, et j'ai indiqué tout à l'heure que l'alphabétisation des adultes était un volet très important:
Le comité recommande que le gouvernement fédéral assure un soutien financier solide aux programmes d'alphabétisation des adultes et des familles, en accordant une attention toute particulière aux groupes surreprésentés parmi ceux qui n'ont pas terminé leurs études secondaires.
    Cela nous ramène à ce que le sénateur Segal disait à l'instant. J'aimerais également ajouter que, parmi nos pratiques prometteuses, figure le programme Passeport pour ma réussite Canada. Grâce à ce programme, le taux de décrochage dans le quartier de Regent Park à Toronto est passé de 56 à 10 p. 100. Ces statistiques ont été vérifiées; c'est donc un véritable succès.
    J'ai été ravi d'apprendre que le ministre des Finances avait prévu dans son budget une somme de 20 millions de dollars pour Passeport pour ma réussite Canada. Cela va permettre de faire ce que nous préconisons dans une autre recommandation de notre rapport, à savoir que ce programme soit élargi à d'autres régions au Canada, car c'est une pratique prometteuse qui pourrait fort bien être reproduite dans l'ensemble du pays. C'est à la page 73 du budget du ministre des Finances.
    Une dernière question.
    J'ai constaté que, dans l'étude, la santé mentale, le revenu de base et le logement étaient rassemblés dans le même chapitre. Que pensez-vous de la commission Kirby? Pensez-vous qu'elle va s'intéresser à ces trois problèmes à la fois?
    Je suis content que vous mentionniez le nom de Michael Kirby, car c'est lui qui m'a précédé à la présidence du comité — j'en ai été membre pendant peu de temps avant d’en devenir le président —, ce comité même qui a produit le rapport De l'ombre à la lumière. Le rapport recommandait notamment la création de la Commission de la santé mentale, et de lui confier des responsabilités qu'elle a maintenant. La commission s'occupe beaucoup des sans-abri, car environ 30 p. 100 d'entre eux souffrent de problèmes mentaux ou de dépendances, ou des deux à la fois. La commission fait de l'excellent travail à cet égard. C'est en quelque sorte le fruit des travaux de notre comité. Nos collaborons étroitement avec elle. En fait, l'Association canadienne pour la santé mentale a été l'une des premières à apporter son soutien à notre rapport.
    Merci.
    Monsieur Martin, vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais commencer par dire quelques mots sur le document que vous préconisez, le livre vert, afin d'avoir quelques précisions. Vous dites « d'ici au 31 décembre 2010 » pour un livre vert qui devra comprendre une analyse des coûts et avantages, ce qui est absolument indispensable si l'on veut pouvoir prendre des mesures concrètes.
    Voulez-vous dire que le document devrait être publié d'ici au 31 décembre ou être terminé d'ici à cette date?
    N'oubliez pas que la parution date de décembre de l'année dernière. Nous invitons le gouvernement à préparer un livre vert qui ne donne pas des orientations, mais qui présente les options retenues après une analyse des pratiques exemplaires, des expériences qui ont échoué, des systèmes mis en place dans d'autres pays, etc. Par exemple, la Bolsa Familia au Brésil représente, comme vous le savez, un énorme progrès pour la santé de la mère, et c’est un domaine dans lequel notre gouvernement s'est engagé. Il faudrait donc que le livre vert présente toutes les options pour qu'on puisse avoir un débat éclairé sur la question, avec à l’appui des chiffres précis, non seulement ceux que réclament nos collègues en ce qui concerne les coûts, ce qui me paraît tout à fait normal, mais aussi des chiffres sur l’investissement nécessaire, et sur le manque à gagner fiscal qu’entraînerait notre inaction dans ce domaine.
    À ce moment-là, nous pourrons tous, quelle que soit notre allégeance politique et quelle que soit la chambre dans laquelle nous servons, avoir un débat franc et éclairé sur toute la question. Nous pourrions même inviter les premiers ministres provinciaux à participer au processus, afin qu'ils puissent examiner les chiffres et en tirer des conclusions pour leur propre province. Le rôle du gouvernement fédéral consisterait à créer une immense base de données actualisées, car l'inconvénient d'une confédération, c'est que parfois nos statistiques nationales sur la pauvreté ne sont pas aussi précises que celles de nos homologues européens parce que le gouvernement fédéral et les provinces ne les compilent pas de la même façon.
    Il est donc important de mettre tout sur la table afin que nous puissions avoir un débat éclairé à partir de faits précis. Si on pouvait créer cette base de données d'ici à décembre prochain — on pourrait tous y contribuer, en faisant des listes, et vous pourriez vous faire aider de spécialistes de ce genre de choses, il y en a d'ailleurs d'excellents au ministère — nous pourrions avoir un véritable débat avec la population, avec le Parlement et avec les premiers ministres. Ces derniers pourraient prendre leurs propres décisions, mais je crois qu'à partir de ce moment-là, il y aurait une volonté commune et cohérente de faire de l'éradication de la pauvreté au Canada une priorité nationale.

  (1715)  

    Je pense qu'il serait utile que nous répondions à cet appel et que nous participions. Je crois même que nous pourrions prendre déjà un peu d'avance puisque nous sommes justement en train d'étudier cette question. Le directeur parlementaire du budget, qui fait ce genre d'analyses, est certainement capable de nous préparer d'excellentes projections en ce qui concerne les coûts. J'aimerais donc informer le comité qu'après cette discussion, j'ai l'intention de présenter une motion invitant le directeur parlementaire du budget à nous préparer dès maintenant ces analyses de coût, afin que nous puissions commencer à les examiner et à les comprendre.
    Il ne faut pas oublier, et c'est la seule réserve que j'ai à faire, que les coûts dépendront des modèles retenus pour le programme. Le directeur parlementaire du budget aura beau avoir les meilleures intentions et les plus grandes compétences, il aura certainement besoin de connaître vos priorités et vos intentions quant au type de programme qui sera retenu.
    S'agissant du livre vert, il faudra passer en revue toute une série de programmes de sécurité du revenu et en faire l'analyse. Mais si votre comité veut s'adresser au directeur parlementaire du budget, libre à lui de le faire, ce n’est pas de mon ressort.
    Je pensais qu'on pourrait, au départ tout au moins, limiter l'analyse à ce que nous dépensons actuellement et à ce qu'il en coûterait de ne rien faire.
    Des études ont déjà été faites dans le cadre de ce rapport. J'ai parlé du groupe d'économistes — Judith Maxwell, Don Drummond et d'autres — qui ont fait des analyses de coût de la pauvreté. Le directeur parlementaire du budget pourrait certainement en faire davantage. En fait, nous avions envisagé, à un moment donné, de lui demander son aide, mais il avait d'autres préoccupations à l'époque.
    Merci.
    Nous en étions restés, au tour précédent, à la question des transferts fédéraux-provinciaux. Si on retire des gens de l'aide sociale, cela libère de l'argent dans les provinces, qui peut ensuite être remis au gouvernement fédéral. Mais j'entends déjà mon collègue du Bloc s'écrier qu'il n'est pas question de réduire les transferts sociaux aux provinces, qu'il faut trouver un autre moyen.
    Comment peut-on gérer les attentes des provinces et des territoires, étant donné ce que vous proposez? Et je parle simplement du transfert des responsabilités financières d'un ordre de gouvernement à l'autre.
    Prenons l'exemple d'une approche fondée sur le revenu de base et voyons comment cela fonctionnerait. Si le gouvernement fédéral instaurait un supplément annuel de revenu garanti, comme celui que nous avons pour les personnes âgées, et le rendait accessible à 60 ans au lieu de 65, à ce moment-là, tous les Canadiens qui auraient indiqué sur le formulaire que leur revenu était à un certain niveau recevraient un supplément et ne seraient donc plus en dessous du seuil de la pauvreté.
    Bien sûr, afin de donner le temps aux provinces de s'adapter, la réduction de ces transferts sociaux pourrait être calculée une année et se faire l'année suivante. Les provinces se retrouveraient avec plus d'argent, parce qu'elles n'auraient pas à tout rembourser immédiatement, et ça donnerait au gouvernement fédéral plus de marge de manoeuvre quant à la somme à transférer, puisqu'il la puiserait dans son propre système financier.
    Ça se fait déjà aujourd'hui de toutes sortes de façons, notamment en rencontrant régulièrement les provinces pour s'entendre sur une nouvelle formule. À l'heure actuelle, nous avons une formule pour les soins de santé, et je suppose que les provinces et Ottawa ne vont pas tarder à se rencontrer pour en discuter. Voilà donc le genre de mécanisme qu'on pourrait envisager, si c'est vraiment ce qu'on veut faire.

  (1720)  

    Vous envisagez donc un système assez universel, une sorte de revenu garanti pour tous les Canadiens, n'est-ce pas?
    Tout à fait, mais je n'ai pas d'a priori sur la façon d'y parvenir. Si on décide d'abaisser l'âge par étape, de 65 ans à 64, puis à 63 et ensuite à 62, cela ne me pose pas de problème.
    Donc, selon vous, on pourrait y aller par étape.
    C'est ce qu'on a fait pour d'autres programmes.
    Que nous y allions par étape ou d'un seul coup, pensez-vous que cela remplacera des programmes comme le crédit national d'impôt pour enfants ou la prestation fiscale pour le revenu de travail?
    Votre question montre précisément pourquoi nous avons besoin d'un livre vert sur la question, où seraient présentées toutes les options possibles avec leurs conséquences. Je tiens à préciser qu'il n'y a pas eu consensus, dans notre comité, pour recommander un revenu annuel garanti. Nous nous sommes entendus sur la publication d'un livre vert, qui analyserait l'instauration d'un tel système et ses répercussions sur les autres programmes en vigueur. Voilà donc quel était le consensus, et c'est ce que le rapport recommande. Les questions que vous posez sont donc précisément celles que devra aborder le livre vert.
    Si on va dans ce sens, il sera peut-être possible de simplifier un tant soit peu le système actuel, ce qui pourrait avoir des avantages et des désavantages.
    Comme disait feu ma mère: « que Dieu vous entende! »
    Il ne faut pas oublier que les gens ont aussi besoin de services de soutien, qu'il n'y a pas que l'argent. Certes, c’est un élément important, mais il ne faut pas oublier les services de soutien. Je pense tout particulièrement aux handicapés et à d'autres, comme ceux qui sont employables mais qui ont besoin de formation. Il y aura donc toujours des services qui seront nécessaires; le nouveau système ne sera pas une panacée.
    Bien sûr, mais ça permettra de simplifier le système, tout en le compliquant peut-être par ailleurs.
    Vous avez dit que certaines de ces mesures permettront de réduire les coûts, mais en attendant que cette réduction se concrétise, leur mise en oeuvre, qu'elle se fasse par étape ou d'un seul coup, va coûter de l'argent. Où allez-vous le trouver, en augmentant les impôts ou en creusant le déficit?
    Non. Nous consacrons déjà énormément d'argent à tout le système. Ce qu'il faut faire, c'est changer de cap, et ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. Mais je peux vous dire d'emblée qu'il y a des choses qui tombent sous le sens. Par exemple, en ce qui concerne l'itinérance, pourquoi devrions-nous dépenser 100 000 $ alors que nous pouvons n’en dépenser que 35 000, comme l'a dit M. Stelmach?
    Ce changement de cap, comme vous dites, ça va prendre combien de temps, grosso modo?
    M. Segal a des questions, alors allez-y.
    Ça peut prendre un certain temps. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas recommandé de tout chambarder d'un seul coup. Il se peut que le gouvernement décide de tout chambarder par la mise en place d'un système de revenu garanti, et ça peut marcher. Mais il y a beaucoup d'autres mesures progressives, dont certaines sont à court terme, qui peuvent rapidement aider les gens à sortir de la pauvreté. Et c'est là l'essentiel: faire sortir les gens de la pauvreté.
    M. Segal a quelque chose à dire, et cela permettra peut-être de clore cette discussion.
    D'accord, M. Segal va clore la discussion là-dessus, et ensuite, je donnerai la parole à M. Savage.
    À Dauphin, au Manitoba, ils ont lancé l'expérience Mincome en 1975 en disant aux familles des régions rurales que, si elles n'atteignaient pas un certain seuil de revenu, elles seraient admissibles à un supplément. Ce programme était financé conjointement par la province du Manitoba et le gouvernement du Canada. Ils ont constaté, cinq ans plus tard, que le nombre de décrochages scolaires avait commencé à diminuer, qu'un plus grand nombre de gens poursuivaient des études, qu'il y avait moins de monde dans les centres d'hébergement, et que le nombre d'accidents de voiture et d'arrestations avait diminué dans la collectivité et dans les environs. YOUCAN a vu le jour. Et il y a une universitaire, Mme Evelyn Forget — avec qui vous communiquerez, je l'espère —, qui commence à cerner les tendances relativement aux économies réalisées dans des secteurs très coûteux du gouvernement.
    Mais votre question est tout à fait justifiée, car il est sans doute trop optimiste de s'imaginer que, parce qu'on ouvre un robinet, l'autre va se fermer automatiquement. Il y aura sans doute une période de transition, comme ça a été le cas pour toutes sortes d'autres programmes qui ont été mis en œuvre. Dans le domaine des soins de santé, notamment, les lits qui avaient été fermés dans un premier temps ont dû être rouverts par la suite parce que, d'une façon ou d'une autre, la demande ne diminue pas nécessairement. Il faut donc examiner tout cela de très près et faire une évaluation des coûts aussi précise que possible.

  (1725)  

    Merci beaucoup.
    Nous en arrivons à la fin du créneau horaire qui nous a été attribué, mais je voudrais demander aux témoins de bien vouloir rester dix minutes de plus. Les députés du gouvernement ont fini de poser des questions, mais les députés de l'opposition en ont encore à poser. Si cela vous est possible, je pourrai ainsi donner à chacun trois minutes, pas plus, pour poser ses questions.
    Les témoins sont-ils prêts à rester plus longtemps?
    Madame la présidente, nous sommes sénateurs, et nous n'avons rien de plus excitant à faire que d'être avec vous cet après-midi. Ça nous convient tout à fait.
    Des voix: Oh, oh!
    Nous sommes très heureux que vous soyez ici, et nous vous en remercions.
    Je vais commencer par M. Savage.
    Je vous rappelle que vous avez trois minutes, et que je serai très stricte.
    Merci.
    J'aimerais remercier les membres du comité et les témoins de leur indulgence et de leur patience.
    Je voudrais parler de l'intégration des initiatives et programmes provinciaux et fédéraux dans le domaine de la pauvreté, car c'est un problème qui est encore loin d'être résolu. Je constate qu'à la recommandation 54, il est question des économies que les provinces réaliseront grâce à l'instauration d'un revenu de base garanti pour ceux qui souffrent d’une incapacité grave, économies qu'elles devront ensuite réinvestir dans les programmes appropriés.
    Lorsque votre ancien collègue, le très respecté sénateur Mike Kirby, auquel M. Lobb a fait allusion tout à l'heure, a comparu devant notre comité, il a expliqué comment l'infrastructure sociale de notre pays n'était pas adaptée aux personnes souffrant d'incapacités. Il parlait en l'occurrence de ceux qui ont des problèmes de santé mentale. Par exemple, les 15 semaines de prestations de maladie doivent être prises en même temps, alors que ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale ou de dépression ont généralement des crises épisodiques. C'est la même chose pour les gens qui sont atteints de sclérose en plaques ou de certains types de cancer, et qui ont besoin de recevoir des traitements. Il n'est pas vraiment nécessaire de modifier tout le programme, il suffirait de mieux l’adapter aux besoins réels de ceux qui souffrent. À mon avis, le programme devrait durer plus longtemps, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de notre infrastructure sociale, dans quelle mesure elle est mal adaptée aux besoins de ceux qui en ont le plus besoin, et quels changements pourraient être rapidement apportés pour y remédier.
    À propos des prestations de maladie de l’assurance-emploi dont vous venez de parler, je sais qu'il y a des gens qui souffrent de cancer et à qui on cesse de verser des prestations au bout des 15 semaines. Cela n'a pas été modifié depuis 1971, et c’est un délai qui n'est absolument pas adapté aux besoins de ceux qui reçoivent des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Nous avons donc recommandé que, petit à petit, cette période de prestations passe à 50 semaines.
    C'est justement là le problème fondamental d’un système de sécurité sociale qui a jadis été conçu à partir de l'hypothèse suivante: les gens prennent leur retraite à 65 ans et meurent entre 65 et 72 ans. Cela signifie, bien sûr, qu'un grand nombre de ceux qui tombent malades entre 65 et 82 ans n'avaient pas été pris en compte à cette époque, parce que ça ne faisait alors pas partie de la réalité. Or, c'est la réalité aujourd'hui, et la plupart de nos programmes sont toujours fondés sur l'ancien paradigme.
    Il est clair que nos systèmes ne sont plus adaptés, et il va falloir y remédier si on veut repenser l'ensemble des programmes, qu'il s'agisse de pauvreté, d'incapacité, de maladie, notamment la maladie mentale, ou d'invalidité, car notre façon de voir les choses a changé et les traitements médicaux ont changé eux aussi. Ce n'est la faute ni du gouvernement actuel, ni du gouvernement précédent, ni des gouvernements provinciaux, c'est tout simplement dû au fait que le dossier est tellement complexe qu'on a préféré l'éviter.
    Le comité a aujourd'hui l'occasion de recommander une ou deux options radicales, ce qui lancera le signal clair que nous devons repenser tout le système, car la démographie a changé et nous voulons que les gens puissent vivre plus longtemps, qu'ils puissent connaître leurs petits-enfants. Nous voulons qu'ils puissent vaincre le cancer, vaincre la maladie mentale et réintégrer la société. Nous ne voulons pas les dissuader de le faire, mais notre système n'est pas adapté pour cela, et c'est peut-être l'une des questions que nous n'avons pas vraiment approfondies, faute de temps. Mais votre comité peut décider de l'examiner.
    Merci.
    Monsieur Lessard, vous avez trois minutes.

  (1730)  

[Français]

     J'aimerais d'abord faire une observation. Le gouvernement a prévu qu'entre 2012 et 2015, il va dégager des surplus de 19 milliards de dollars provenant de l'assurance-emploi parce que les cotisations augmenteront et que les obligations du gouvernement envers les travailleurs de longue durée cesseront. Ce montant devrait normalement permettre de réaliser toutes vos recommandations relatives à l'assurance-emploi, c'est-à-dire les recommandations 7 à 15.
    J'aimerais plus d'explications sur la recommandation 7. Vous recommandez l'établissement d'un nouveau programme offrant une protection contre les pertes de revenu dues à l’interruption prolongée d’un emploi aux personnes qui ne sont pas visées par la Loi sur l’assurance-emploi.
    Forcément, il s'agit de travailleurs qui perdent leur emploi et qui ont payé des cotisations. Si je comprends bien, les règles les excluent, mais pourtant, ils payent des cotisations. J'aimerais comprendre pourquoi il y aurait un double système, alors qu'ils paient déjà.
    Je pense que vous avez parfaitement raison. Le resserrement des conditions d'admissibilité au cours des années 1990 a amené cette situation où un grand nombre de ceux qui étaient chômeurs n'étaient pas admissibles.
    Cela représente un défi pour concevoir l'assurance-emploi de façon à ce que ce soit un programme plus inclusif que maintenant. Je pense à la situation fiscale actuelle. C'est pareil pour tous les autres pays du monde, un progrès rapide sur ce point sera difficile à réaliser.
    En tant que citoyen, je me demande ce qu'on peut faire pour aider ceux qui ne sont pas soutenus par le programme alors que ce n'est pas de leur faute. Il faut qu'ils aient l'occasion de participer économiquement à notre société. Les recommandations qui ont été faites ont pour but de créer un pont pour répondre à ce type de problème.
    Pourquoi le régime actuel ne le ferait pas?
    C'est une question de compréhension du problème de ceux qui ne sont pas admissibles en vertu des règles actuelles du programme. Si on pouvait changer le programme, ce serait une bonne chose. Cependant, si on n'est pas prêt à le faire, on ne peut pas laisser ceux qui ne sont pas couverts sans aucune assistance financière. C'est la nuance qu'on a essayé d'établir.

[Traduction]

    Il y a trop de gens qui tombent entre les mailles du filet. La majorité de ceux qui n'avaient pas d'emploi pendant la dernière récession n'étaient pas admissibles à l’AE. On ne peut pas laisser les gens sans rien. Il faut les réintégrer à la population active et leur donner la formation, l'éducation et le soutien dont ils ont besoin pour avoir une vie active et contribuer à l'économie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Martin, c'est à vous de poser la dernière question.
    Merci.
    Alors que les États-Unis ont, contre toute attente, finalement adopté leur projet de loi sur les soins de santé, j'aimerais savoir si, dans votre étude, vous nourrissez le même genre d'espoir. J'aimerais également savoir par quels secteurs nous devrions à votre avis commencer?
    Mon collègue ne sera peut-être pas d'accord avec moi, et comme il est mon président, je ne le contredirai pas, mais personnellement, je pense qu'il vaut mieux commencer par les programmes pour les personnes handicapées. Cela présente deux avantages.
    Premièrement, il est évident que nous pouvons améliorer nos programmes pour les personnes handicapées, et je ne pense pas qu'il y ait un Canadien sur 50 qui vous dira le contraire. Ce serait une bonne façon d'entamer le débat. Car si nous réussissons à améliorer la situation des handicapés d'une façon à la fois responsable sur le plan fiscal et acceptable sur le plan humain, les gens se diront qu'on peut en faire autant pour la grande majorité de ceux qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté et qui, même s'ils ne souffrent pas de handicaps, ont bien d'autres difficultés. Les gens diront alors: « pourquoi les a-t-on laissés de côté? »
    Dans une démocratie, il est important de créer un consensus, et je pense que le consensus se fera plus rapidement sur les personnes handicapées que sur la proposition plus générale d'un revenu garanti.
    À ce sujet, j'estime que nous devons tout d'abord sensibiliser l’opinion afin que cette question soit mise à l’ordre du jour. L'un des problèmes que nous avons est que la pauvreté, le logement et l'itinérance ne font jamais partie des plates-formes électorales. Ce sont pourtant des questions d'autant plus importantes qu'elles concernent les groupes les plus vulnérables de notre société. L'important à mon avis est donc de sensibiliser l'opinion pour que cela débouche sur une volonté politique de faire quelque chose.
    Deuxièmement, je suis d'accord pour dire que les personnes handicapées font partie des priorités, mais, à mon avis, tous ceux qui appartiennent aux groupes les plus vulnérables font partie des priorités. Autrement dit, qu'il s'agisse de mères célibataires ou de personnes âgées célibataires, qu'il s'agisse de gens de plus de 50 ou 55 ans qui n'ont pas droit à l'assurance-emploi et qui n'arrivent pas à se recycler, ou qu’il s'agisse d'Autochtones, de décrocheurs ou de nouveaux immigrants, ils doivent tous faire partie de nos priorités.

  (1735)  

    Merci.
    Merci.
    Merci beaucoup, messieurs les sénateurs, d'avoir été nos témoins d'aujourd'hui.
    J'aimerais également remercier les membres du Comité d'avoir respecté nos contraintes d'horaire, ce qui a permis à tous ceux qui le voulaient de poser des questions.
    Votre témoignage a été tellement intéressant que nous aurions pu parler encore pendant deux autres heures.
    Merci à tous. La séance est levée.
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