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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 012 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 21 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bienvenue à nos témoins.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, ce comité étudie la violence faite aux femmes autochtones.
    J'aimerais savoir si la Métis Nation of Saskatchewan et le Ralliement national des Métis constituent un seul groupe. Est-ce le cas? Merci.
    Les témoins disposent de 10 minutes, et s'il y a plus d'un témoin par groupe, vous pouvez partager vos 10 minutes. Chaque groupe dispose de 10 minutes, mais pas chaque personne. Je vous dirai lorsqu'il restera deux minutes, pour que vous puissiez résumer ce que vous avez à dire.
    Je commencerai par l'Assemblée des Premières Nations et la chef Elizabeth Cloud du conseil des femmes.
    De la Métis Nation of Saskatchewan, nous avons Helene Johnson, directrice régionale, Région de l'Est 2; et du Ralliement national des Métis, Wenda Watteyne, directrice principale.
    Aussi présente l'Association des femmes autochtones du Canada — l'AFAC — représentée par Kate Rexe, directrice, Sœurs par l'esprit, et par Karen Green, directrice exécutive.
    Nous avons ensuite l'Association des femmes Inuit Pauktuutit, avec Tracy O'Hearn, directrice exécutive; Joyce Ford, gestionnaire des projets spéciaux; et Sandra Tucker, gestionnaire des problèmes d'abus.
    Ce sont nos témoins pour aujourd'hui.
    Je commencerai par l'Assemblée des Premières Nations.
    Chef Cloud, vous avez 10 minutes.
    Permettez-moi d'abord de remercier le président et les membres du comité pour l'invitation de comparaître devant vous au nom du conseil des femmes de l'Assemblée des Premières Nations.
    Je m'appelle chef Elizabeth Cloud. Je représente les Chippewas of Kettle and Stony Point dans le Sud de l'Ontario, connu comme l'endroit où Dudley George a été tué par balle en 1995.
    L'Assemblée des Premières Nations est une organisation nationale représentant tous les citoyens des premières nations au Canada, peu importe le sexe et le lieu de résidence. Le conseil des femmes de l'APN s'efforce de veiller à ce que les préoccupations et les points de vue des femmes des premières nations influencent tout le travail de l'APN. Je représente les femmes chefs de l'Ontario au conseil national.
    La violence faite aux femmes autochtones n'est pas seulement une préoccupation criminelle ni un problème social, c'est également une question de droits fondamentaux de la personne. Les faits montrent que les femmes autochtones sont victimes de violence et ne reçoivent pas un niveau adéquat de protection par l'État, à cause de leur sexe et de leur identité autochtone.
    Dans un sondage du gouvernement fédéral réalisé en 2004, les taux déclarés de violence faite aux femmes autochtones — y compris la violence au foyer et l'agression sexuelle — sont trois fois et demie plus élevés que chez les femmes non autochtones. Un sondage effectué en 1996 par Affaires indiennes et du Nord Canada a indiqué que les jeunes femmes des premières nations courent cinq fois plus de risque de mourir à la suite d'un acte de violence que les autres femmes.
    Peu d'études ont été menées à l'échelle nationale. Au Canada, il arrive souvent que la police ne prenne même pas note du fait que les victimes sont autochtones. Selon un rapport produit en 2009 par Amnistie internationale, la Saskatchewan est la seule province au Canada où l'information sur les femmes assassinées ou disparues depuis très longtemps est compilée par les autorités gouvernementales et rendue publique. Dans cette province, en 2007, un comité mixte composé de représentants gouvernementaux, d'Autochtones, de membres du corps policier et de groupes communautaires a signalé que 60 p. 100 des cas de femmes disparues depuis longtemps sont autochtones, même si les femmes autochtones ne représentent que 6 p. 100 de la population. Le sort de ces femmes demeure toujours inconnu à ce jour.
    L'Association des femmes autochtones du Canada, à partir de témoignages de membres de familles et de reportages médiatiques, a dressé la liste des femmes autochtones qui sont disparues ou qui ont été assassinées ces 30 dernières années. Elle a recueilli de l'information sur plus de 520 cas. Nous sommes sincèrement reconnaissants de tout le travail qu'elle fait. Nous croyons savoir qu'il sera rapporté — espérons-le aujourd'hui — que le nombre de cas connus est encore plus élevé.
    Même si les données sont limitées, une évidence fascinante se dégage, et le taux auquel les femmes autochtones subissent de la violence de manière ciblée n'est rien de moins qu'épouvantable. Par ailleurs, un rapport d'Amnistie Internationale produit en 2009 indique que la police n'a souvent pas pris au sérieux le signalement de femmes disparues et assassinées, retardant ainsi les enquêtes, ou déployant peu d'efforts pour effectuer des recherches ou demander l'aide de la population pour chercher des femmes autochtones disparues. Une réponse inadéquate de la part des services de police contribue sans aucun doute au nombre de cas qui demeurent non résolus.
    Le rapport d'Amnistie indique également que les auteurs de ces crimes prennent pour victimes des femmes autochtones, croyant que l'indifférence de la police ou de la société au bien-être de ces femmes leur permettra d'échapper à la justice. C'est pour ces raisons que, comme je l'ai déjà mentionné, la violence faite aux femmes autochtones est plus qu'une préoccupation criminelle ou un problème social, mais une question des droits de la personne.
    L'Assemblée des Premières Nations était heureuse d'entendre l'importance de cette question dans le discours du Trône du mois dernier et se réjouit de l'engagement de nouveaux fonds pour commencer à s'attaquer au problème. Toutefois, des préoccupations subsistent quant à la façon dont l'argent sera dépensé, et on se demande si le soutien nécessaire et essentiel sera offert aux femmes qui sont à risque ou qui subissent actuellement de la violence.
    Il faut reconnaître la nécessité d'avoir davantage de refuges. Au Canada, il y a moins de 40 refuges d'urgence pour les femmes autochtones. C'est inacceptable, surtout compte tenu du taux disproportionné auquel les femmes des premières nations font l'objet de violence.
    Il faut également améliorer les services et le soutien aux victimes, et créer des programmes ciblés pour aider les femmes qui ont fait l'objet d'un trafic et qui ont été exploitées dans le commerce du sexe.
    L'an dernier, l'Assemblée des Premières Nations s'est engagée à joindre l'Association des femmes autochtones du Canada, Amnistie internationale et d'autres associations pour élaborer un plan d'action national. Il faudra entre autres un engagement de la part de tous les ordres de gouvernement par les meilleurs moyens possible, en mettant l'accent et en attirant l'attention sur ce problème, par exemple en rendant les autorités plus responsables de leurs actions.

  (1535)  

    Nous sommes d'avis qu'un tel plan devrait, premièrement, reconnaître la violence à laquelle sont confrontées les femmes autochtones; deuxièmement, permettre d'assurer une intervention policière efficace et impartiale en offrant la formation appropriée; troisièmement, offrir une coordination et des ressources adéquates pour lutter contre la violence; quatrièmement, mieux sensibiliser le public et accroître la responsabilité en recueillant et en publiant des statistiques nationales exhaustives de façon cohérente sur le taux de crimes violents contre les femmes autochtones; et cinquièmement, offrir un soutien afin de réduire les risques pour les femmes autochtones en resserrant l'écart économique et social entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada.
    L'Assemblée des Premières Nations a également demandé la constitution d'un comité parlementaire mixte — composé de ce comité, la condition féminine; les affaires autochtones; la justice et les droits de la personne; et la sécurité publique — pour étudier la question à savoir pourquoi autant de femmes et de jeunes filles autochtones sont disparues ou ont été assassinées, pourquoi autant de cas ne sont toujours pas résolus, et pour formuler des recommandations particulières sur le moyen d'empêcher la poursuite de ces crimes.
    Les interventions policières comme telles relèvent de la compétence provinciale, mais la question exige une supervision et une coordination nationales d'une manière qui dépasse le mandat précis d'un ministère fédéral.
    D'autres examinent de près cette question, et c'est un sujet qui a l'attention et qui préoccupe grandement le groupe de travail des ministres sur les affaires autochtones, créé par le Conseil de la Fédération l'été dernier. Le groupe de travail des ministres sur les affaires autochtones se rencontrera à Toronto la semaine prochaine, et nous espérons qu'il n'en fera pas seulement une priorité, mais qu'il s'entendra également sur le besoin d'adopter une approche mieux coordonnée pour résoudre le problème de la violence faite aux femmes et aux fillettes autochtones, en plus de tenir compte des influences générales comme l'état de santé, le statut social et la situation économique des femmes autochtones.
    Pour terminer, le gouvernement fédéral a récemment fait part de son intention de prendre des mesures pour appuyer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui établit les normes minimales concernant les droits de la personne. On peut lire à l'article 22 de la déclaration:
Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones dans l'application de la présente Déclaration.
    On peut aussi lire:
Les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues.
    L'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies se réunit actuellement à New York, et notre chef national, Shawn A-in-chut Atleo, y présente un exposé demain après-midi. Il demandera que la communauté internationale prête attention au taux très alarmant de femmes et de fillettes autochtones assassinées et disparues, et au taux élevé de violence faite aux femmes et aux fillettes autochtones.
    Nous croyons que le Parlement peut et devrait jouer un rôle pour redresser la situation en collaboration avec les dirigeants autochtones et les organisations de femmes, et qu'il peut prendre des mesures concrètes pour résoudre les problèmes sous-jacents qui continuent de présenter un risque pour les femmes des premières nations.
    Merci.

  (1540)  

    Merci beaucoup, chef Cloud.
    Nous entendrons maintenant la Métis Nation of Saskatchewan et le Ralliement national des Métis.
    Qui prendra la parole? Partagerez-vous votre temps?
    Merci.
    Helene Johnson, veuillez commencer.
    J'aimerais tout d'abord remercier les membres du comité de permettre au Ralliement national des Métis de comparaître aujourd'hui. Nous tenons à féliciter le comité pour l'intérêt qu'il porte aux causes fondamentales de la violence faite aux femmes autochtones, à l'ampleur du problème et aux types d'actes qui sont commis, et pour sa volonté de recommander des solutions à l'issue d'une collaboration avec les femmes autochtones.
    Les femmes comptent pour plus de la moitié de tous les Métis dans le territoire des Métis du Canada. Ce territoire comprend les provinces des Prairies et s'étend jusqu'en Ontario, en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et aux États-Unis. Selon le recensement de 2006, un peu plus de 170 000 femmes du territoire s'identifient comme Métisses. Le Ralliement national des Métis représente la nation métisse à l'échelon national et international. Élus de façon démocratique, les membres dirigeants du Ralliement national des Métis parlent au nom de la nation métisse du Canada.
    Notre population est très jeune. Au moins 25 p. 100 des femmes métisses du territoire sont âgées de moins de 15 ans, et 26 p. 100 sont âgées de 15 à 29 ans. La majorité des femmes métisses sont en fait des enfants et des jeunes filles.
    La violence et la discrimination dont sont victimes les femmes métisses et d'autres femmes autochtones au Canada constituent une source de préoccupation au regard des droits de la personne, une source de préoccupation qui a une portée nationale et une dimension tragique. Au cours des dernières années, il est devenu impossible pour les Canadiens et la communauté internationale de nier la discrimination systémique et la violence brutale dont sont victimes les femmes des communautés métisses, inuites et des premières nations. Les rapports publiés concernant les retards dans les enquêtes sur la disparition de femmes autochtones dans le Downtown Eastside de Vancouver et dans d'autres centres comme Edmonton, Saskatoon, Winnipeg et Toronto montrent que les femmes autochtones sont injustement traitées au Canada. Nous ne sommes pas en mesure de fournir des statistiques précises sur la nature et les proportions de la violence faite aux femmes métisses parce que nous ne disposons pas de données sur les taux d'incidence qui sont propres aux Métis. Quoi qu'il en soit, les femmes métisses, leurs familles et leurs communautés connaissent trop bien l'ampleur de cette discrimination et de cette violence.
    Certaines études ont été réalisées sur les victimes métisses dans le commerce du sexe, par exemple; les données recueillies montrent la dure réalité dans laquelle se trouvent de nombreuses femmes et jeunes filles. Nous aimerions féliciter le gouvernement fédéral de s'être engagé dans le dernier budget à s'attaquer au problème de la violence faite aux femmes autochtones. Des initiatives telles que la campagne Sœurs par l'esprit de l'Association des femmes autochtones du Canada ont contribué à sensibiliser les gens à ces questions grâce à la recherche, à l'action éducative et à l'élaboration de politiques.
    Selon le rapport de l'Association des femmes autochtones du Canada, il y a actuellement 582 cas connus de femmes ou de filles autochtones qui ont disparu ou qui ont été assassinées. Malheureusement, on peut présumer sans se tromper que bon nombre d'entre elles sont métisses. Amnistie Internationale a aussi produit un rapport pertinent intitulé Assez de vies volées. Selon ce rapport, la violence et la discrimination dont les femmes indigènes sont victimes sont une source de préoccupation au regard des droits de la personne.
    Le Ralliement national des Métis appuie la demande d'Amnistie Internationale pour que le gouvernement fédéral mette en place un plan d'action national afin de protéger les droits des femmes des communautés métisses, inuites et des premières nations. Il convient du fait qu'un plan d'action doit inclure la collecte et la publication régulière de données ventilées par sexe sur la santé et les conditions socioéconomiques des femmes et des hommes des communautés métisses, inuites et des premières nations, notamment le taux de violence faite aux femmes; des protocoles normalisés pour la gestion policière des cas de disparition qui tiennent compte des risques touchant expressément les femmes autochtones; l'amélioration des enquêtes policières relatives aux cas non résolus de disparition et de meurtres de femmes autochtones; et un financement permanent adéquat à long terme pour assurer la prestation de services pertinents sur le plan culturel afin de répondre aux besoins des femmes et des filles métisses qui risquent d'être victimes de violence ou qui sont aux prises avec les systèmes policier et judiciaire.
    Le Ralliement national des Métis conjure le gouvernement fédéral de jouer un rôle de premier plan pour s'attaquer à cette discrimination profondément enracinée et au nombre important de femmes qui ont été assassinées ou qui ont été portées disparues au Canada. À l'initiative du Conseil de la fédération, un groupe de travail sur les affaires autochtones a été créé, réunissant les ministres provinciaux des Affaires autochtones et des dirigeants autochtones. Ce groupe de travail se réunira le 28 avril pour discuter du développement économique, de l'éducation et de la violence faite aux femmes autochtones. Lors de sa première réunion l'automne dernier, le groupe de travail a réitéré la demande des premiers ministres de tenir une réunion sur les questions autochtones. La nation métisse exhorte aussi le premier ministre de convoquer dans les plus brefs délais une réunion des premiers ministres à laquelle prendraient part les dirigeants des communautés métisses, inuites et des premières nations.
    La nature grave et complexe de la violence faite aux femmes métisses va nécessiter un engagement considérable. La participation de plusieurs ordres de gouvernement sera requise, de même que celle de divers organismes des domaines de la justice, de l'application de la loi, de la protection de l'enfance et des services sociaux.

  (1545)  

    Le Ralliement national des Métis encourage la création de groupes de travail comme le Groupe de travail intégré manitobain pour les femmes disparues et assassinées. Ce groupe de travail réunit des représentants du gouvernement du Manitoba, de la GRC et des forces policières de Winnipeg de même qu'un porte-parole des femmes métisses au Manitoba. Pour pouvoir changer les choses de façon significative, une collaboration soutenue, une volonté politique à tous les niveaux et des investissements financiers adéquats sont absolument nécessaires.
    Nous aimerions profiter de cette occasion pour attirer l'attention du comité sur l'accès aux ressources fédérales. Le financement de base des femmes métisses était auparavant administré par l'entremise du ministère du Patrimoine canadien, et cette responsabilité relève désormais du bureau de l'interlocuteur fédéral pour les Métis. Cependant, ce financement de base est destiné à des organisations de femmes constituées en société.
    Cette politique constitue depuis longtemps une source de frustration pour les dirigeants de la nation métisse, aussi bien les hommes que les femmes, parce qu'elle empêche les gouvernements métis élus démocratiquement d'avoir accès à ces ressources dont elles auraient grandement besoin. Condition féminine Canada a le mandat de promouvoir la pleine participation des femmes à la vie économique, sociale et démocratique du Canada.
    Le Ralliement national des Métis est heureux d'indiquer que 48 p. 100 des dirigeants provinciaux élus sont des femmes. Au sein de deux de nos organisations dirigeantes les plus importantes, la Métis Nation of Alberta et la Manitoba Métis Federation, les femmes comptent pour 64 et 52 p. 100 respectivement des dirigeants élus démocratiquement. Les femmes métisses sont élues à la fois dans le cadre d'élections provinciales générales et en tant que représentantes des femmes. Des femmes sont élues au sein des conseils métis régionaux et provinciaux, et on leur confie souvent le portefeuille des questions féminines, ou elles sont nommées ministres responsables de la situation des femmes.
    Pourtant, les ressources telles que le Fonds communautaire pour les femmes et le Fonds de partenariat pour les femmes de Condition féminine Canada ne sont pas accessibles. Cela nuit aux femmes, enfants, familles et communautés métis. La politique actuelle du gouvernement impose une méthode de financement qui est incompatible avec la gouvernance de la nation métisse. Le Ralliement national des Métis recommande que la politique du gouvernement sur le financement de base fasse l'objet d'un examen. Il est disposé à collaborer avec les ministères fédéraux en vue de trouver une solution appropriée.
    Pour résumer, j'aimerais rappeler nos trois recommandations.
    Tout d'abord, nous recommandons que les membres du comité et le gouvernement fédéral assument de façon plus générale un rôle de premier plan dans le dossier de la violence faite aux femmes en favorisant une démarche axée sur les distinctions pour traiter des inégalités sociales et économiques entre les peuples autochtones et la population générale, y compris un plan d'action visant expressément les Métis; en appuyant la poursuite des travaux du groupe de travail sur les affaires autochtones et en y participant; et en demandant au premier ministre de convoquer une réunion des premiers ministres et des dirigeants métis, inuits et des premières nations pour se pencher sur la liste de priorités dressée par le groupe de travail sur les affaires autochtones.
    Deuxièmement, nous recommandons que des ressources soient prévues pour permettre un engagement concerté entre les nations métisses, les gouvernements fédéral et provinciaux, les organismes de service, le système judiciaire, les tribunaux et les forces policières pour trouver des solutions aux problèmes de violence faite aux femmes métisses, notamment les femmes et les filles métisses disparues et assassinées.
    Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral travaille en collaboration avec les nations métisses pour éliminer les obstacles bureaucratiques qui, depuis longtemps, empêchent les femmes métisses d'avoir accès au financement prévu par Condition féminine Canada et d'autres organismes, comme le bureau de l'interlocuteur fédéral du MAINC. C'est un point de départ important si l'on veut promouvoir l'égalité des femmes métisses d'une manière qui corresponde à leurs aspirations et qui respecte la gouvernance de la nation métisse.
    En terminant, j'aimerais souligner que la nation métisse est résolue à appuyer, à protéger et à respecter les droits des enfants, des femmes et des jeunes métis. En tant que nation, nous avons perdu un trop grand nombre de nos mères, de nos sœurs, de nos filles, de nos amies et de nos enfants à cause de la violence. Une société juste ne peut tolérer cela.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup, madame Johnson.
    Nous passons maintenant à l'Association des femmes autochtones du Canada, et nous recevons Kate Rexe et Karen Green.
    Allez-vous partager la tribune? Allez-vous parler séparément? Comment allez-vous procéder?
    Karen Green ne peut être ici aujourd'hui, alors je suis seule. Je vais utiliser les 10 minutes.
    Alors allez-y, madame Rexe.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui et de permettre à ces groupes de parler au nom des femmes autochtones.
    Je vais débuter en vous parlant un peu d'histoire. En 2004, l'Association des femmes autochtones du Canada a reçu du financement pour la campagne Sœurs par l'esprit, qui visait à sensibiliser les gens à l'égard des femmes et des filles autochtones portées disparues et assassinées au Canada. À l'époque, on estimait que, au cours des 30 années précédentes, quelque 500 femmes et filles autochtones avaient été portées disparues ou avaient été assassinées dans des communautés du Canada. Pourtant, le gouvernement, la société et les médias étaient restés muets sur le sujet.
    En 2010, on a brisé le silence, mais il reste beaucoup de travail à accomplir.
    En 2005, l'Association des femmes autochtones du Canada a reçu du financement pour l'initiative de recherche, de sensibilisation et d'élaboration de politiques de Sœurs par l'esprit, initiative d'une durée de cinq ans qui devait permettre d'établir le nombre de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées au Canada et de déterminer les causes fondamentales et les circonstances de leur disparition et de leur mort ainsi que les tendances relatives à la violence qui s'y rattache.
    Cela n'a pas été facile. Nous sommes partis de zéro pour établir notre méthodologie de recherche. Il n'existait pas vraiment de méthodologie sur laquelle nous aurions pu nous appuyer pour recueillir de l'information dans les communautés et obtenir des données policières et criminelles reposant sur des observations factuelles pour les femmes autochtones qui ont été portées disparues ou que l'on a retrouvées assassinées. Comme l'a rapporté la Métis Nation of Saskatchewan, on dispose de très peu d'informations concernant l'identité autochtone des victimes de crime, particulièrement les Métis, les premières nations ou les Inuits.
    Les éléments de preuve recueillis au cours des cinq dernières années n'ont pas été recueillis uniquement pour la recherche ou les statistiques, mais aussi pour la vie des femmes et des filles qui ne sont plus avec nous. Les histoires que nous ont racontées les familles pour honorer la mémoire de leurs sœurs, de leurs mères, de leurs filles, de leurs grands-mères et de leurs tantes disparues et assassinées nous rappellent que chaque vie était belle, que chaque femme était forte et que chaque personne manque beaucoup à ses proches.
    L'histoire de ces victimes et les données statistiques que nous avons recueillies constituent une part très précieuse de notre initiative de recherche. Fondée sur une approche mixte, notre méthodologie a évolué pour devenir un processus de collaboration et de réciprocité privilégiant l'expérience des femmes et des filles autochtones et de leurs familles et englobant différentes perspectives, cultures, valeurs et traditions et différents besoins, qui doivent tous avoir leur place.
    Le processus de recherche repose sur les valeurs culturelles et éthiques que sont la bienveillance, le partage, la confiance et la force, qui revêtent une importance particulière pour ce type de recherche compte tenu de leur nature délicate, et sur la compréhension que bon nombre de ces voix, et celles des familles, ont été perdues au cours de la génération précédente.
    Les histoires que nous avons entendues nous ont aussi aidés à comprendre les circonstances, les causes et les tendances relatives à la disparition et à l'assassinat des femmes autochtones, et à mettre au point une intervention appropriée. Ce sont les femmes et les filles autochtones, leurs familles et leurs communautés qui savent quelles sont les mesures les plus appropriées.
    Nous avons aussi pris au sérieux la nécessité de communiquer nos constatations aux familles, aux communautés autochtones de même qu'au grand public, aux gouvernements fédéral et provinciaux et à divers ministères, qui sont tous parties prenantes dans ce dossier.
    Au cours de cette initiative, nous avons aussi appris qu'il n'existe aucune source de données détaillées sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. D'après les données policières, selon le territoire, la police ne recueille pas systématiquement d'information sur l'identité ethnique des victimes. Il arrive souvent que les victimes de crime ne soient jamais identifiées.
    L'Association des femmes autochtones du Canada détient maintenant l'unique source de données sur les femmes disparues et assassinées. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la police, y compris la GRC, pour vérifier ces données et nous assurer qu'elles concordent avec ce qui figure dans leurs dossiers.
    En ce qui concerne les problèmes plus vastes associés à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, nous avons constaté que la littérature didactique et les ouvrages traitant de la violence tendent à mettre l'accent sur la violence familiale, mais ce que vivent les femmes et les filles autochtones est beaucoup plus large. Il ne s'agit pas non plus d'une question qui touche uniquement les Autochtones ou les femmes, mais c'est une question à laquelle tous les Canadiens doivent s'intéresser. Nous devons veiller à ce que tous les ministères et les ministres concernés reconnaissent que cette question touche divers domaines comme la justice, la sécurité publique, la culture, le logement et la sécurité économique.

  (1555)  

    Au cours des cinq dernières années, nous en sommes venus à comprendre que la violence perpétrée à l'endroit des femmes et des jeunes filles autochtones constitue en réalité un racisme systémique et sexo-spécifique, soit le legs d'une colonisation qui déshonore les femmes autochtones dans la société canadienne.
    Cet avilissement des femmes autochtones est évident lorsqu'on examine les taux disproportionnés de violence, les hauts taux de disparition et le nombre alarmant de meurtres parmi les femmes et les jeunes filles autochtones. Ce qui est encore plus alarmant, toutefois, c'est le très faible taux d'élucidation des homicides. Nous avons récemment constaté que le taux d'élucidation est très faible, 'est-à-dire que seulement 53 p. 100 des affaires d'homicides sont élucidées au Canada. Ces données contredisent celles publiées en 2005 dans un rapport de Statistique Canada, où il était indiqué que 84 p. 100 des affaires d'homicides étaient élucidées au Canada.
    Nous savons également, compte tenu des renseignements recueillis dans le cadre de notre initiative de recherche, que les situations de violence et le silence qui les entoure sont souvent vus à tort comme une acceptation des choses.
    Nous savons que l'identité autochtone est un des plus forts indicateurs de violence au Canada. Les Autochtones sont trois fois plus susceptibles d'être victimes de violence que tout autre groupe et, comme l'a mentionné le chef Cloud, les femmes sont 3,5 fois plus susceptibles d'être victimes de violence.
    Selon Statistique Canada, les femmes autochtones sont également sept fois plus susceptibles d'être victimes de meurtre que les femmes allochtones au Canada. La violence n'est souvent pas rapportée — dans 60 p. 100 des cas, paraît-il. Elle est souvent associée à des contextes de vulnérabilité comme le faible revenu, l'insécurité liée au logement, l'âge — une question de jeunesse —, tout comme l'emplacement géographique et le sexe.
    Nos récentes constatations de recherche indiquent que les femmes et les filles autochtones risquent autant d'être tuées par un étranger ou une connaissance que par un partenaire intime. Cette situation est très différente de celle des femmes allochtones au Canada, chez qui les taux d'homicides sont souvent attribuables à la violence perpétrée par un partenaire intime.
    Pour ce qui est des constatations de recherche que nous publions aujourd'hui dans un rapport intitulé Ce que leurs histoires nous disent, nous savons que le Canada compte 582 cas de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées. Les provinces de l'Ouest affichent des proportions démesurées de meurtres et de disparitions de femmes, sans compter tous les cas mis en lumière par nos recherches des dix dernières années. Deux tiers des affaires sont survenues dans les provinces de l'Ouest, c'est-à-dire en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. La Colombie-Britannique, qui compte à elle seule 160 affaires du genre, occupe le premier rang.
    Nous savons également qu'elles étaient pour la plupart des jeunes femmes. Plus de la moitié de ces femmes étaient âgées de moins de 31 ans. Si nous sommes pour concevoir des mesures pour enrayer convenablement la violence, il faut tenir compte des besoins des jeunes, et des jeunes femmes en particulier. Beaucoup de ces femmes avaient également des enfants. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous savons que près de la moitié des affaires de meurtre impliquant des femmes et des filles demeurent irrésolues, car seuls 53 p. 100 des cas ont été élucidés.
    Nous savons que la plupart de ces histoires surviennent en milieu urbain, mais il ne faut pas oublier la violence qui a cours dans les réserves, dans les régions rurales et éloignées, dans les collectivités nordiques et dans les territoires des Métis; il convient donc d'adopter des mesures propres à l'identité pour répondre aux besoins culturels des victimes d'actes criminels.
    Ainsi, les décisions stratégiques, les mesures et les services offerts aux victimes doivent s'inspirer de certaines constatations clés émanant de nos recherches et des tendances décelées en lien avec les causes profondes et les contextes sous-jacents.

  (1600)  

    Vous avez une minute encore.
    Merci.
    Nous avons accompli d'énormes progrès au cours des cinq dernières années, qui nous ont permis de mieux comprendre comment se vit cette violence. Nous sommes impatients de poursuivre ce travail et d'aider les gouvernements, les services policiers, les représentants de la justice, les éducateurs, les fournisseurs de services et les communautés à se responsabiliser et à passer à l'action.
    En conclusion, ces nombreux problèmes ne pourront être réglés que si les collectivités, les policiers, les représentants de la justice, les fournisseurs de services et tous les ordres de gouvernement collaborent les uns avec les autres. Cette collaboration doit mettre les voix des femmes autochtones au premier plan. Ce sont elles qui connaissaient le mieux ces questions et qui pourront fournir les réponses. La seule façon d'apporter des changements véritables et durables est d'accorder à ces femmes la place qui leur revient.
    Nous sommes impatients d'établir de nouveaux partenariats et de faire avancer les choses, aux côtés des partenaires qui sont ici aujourd'hui mais également grâce au soutien du Comité permanent de la condition féminine.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à notre dernier témoin, l'Association des femmes Inuit Pauktuutit.
    Est-ce vous qui allez prendre la parole, madame O'Hearn?
    Vous ne partagerez donc pas votre temps de parole.
    Non.
    Très bien. Merci.
    Vous pouvez commencer.
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, nous tenons à vous remercier, madame Fry, ainsi que les coprésidents et les membres du comité, de nous donner l'occasion de faire ainsi valoir nos idées.
    Nous vous transmettons également les salutations d'Elisapee Sheutiapik, notre présidente, qui ne pouvait venir aujourd'hui. Elle est certainement avec nous d'esprit.
    Nous sommes d'accord avec tous les commentaires formulés par les intervenants précédents — qui sont également nos collègues — et nous nous réjouissons à l'idée de collaborer avec eux. Ces occasions ne se présentent malheureusement pas tous les jours.
    Pour ceux et celles d'entre vous qui ne connaissez pas Pauktuutit, il s'agit d'une association constituée en société en 1984. Elle vient de célébrer son 25e anniversaire. Elle est l'organisation nationale représentative de toutes les femmes inuites au Canada. L'organisation a été constituée en société de manière à pouvoir s'occuper des problèmes sociaux vécus dans les collectivités lorsque le processus de négociation des revendications territoriales a vu le jour.
    Depuis ce temps, Pauktuutit a brisé le silence à propos de questions très douloureuses et difficiles, telles que la violence faite aux femmes inuites et les sévices sexuels infligés aux enfants. Elle s'est forgé une réputation très solide et crédible en travaillant étroitement avec les femmes inuites, en plus de se montrer un vecteur positif de changement. Au fil des ans, elle s'est également attaquée aux questions d'égalité politique, sociale et économique et à de nombreuses questions liées à la santé, y compris la santé mère-enfant et le travail des sages-femmes.
    Tous les travaux de Pauktuutit reposent sur deux principes, c'est-à-dire la reconnaissance du caractère singulier de la culture inuite et le respect d'un cadre qui non seulement appuie, mais renforce, les approches, la langue et la culture propres aux Inuits.
    De 1984 à 2007, 244 résolutions ont été adoptées à l'occasion des assemblées générales annuelles de l'organisation. Nous avons procédé à l'analyse initiale de ces résolutions, ce qui nous a permis de constater que les cinq plus grandes priorités au cours de ces 25 années ont été celles de l'égalité politique, de la santé, des questions sociales, de l'administration de la justice et de la violence. La violence faite aux femmes représente encore aujourd'hui un problème important de santé physique et mentale.
    Compte tenu du peu de temps dont nous disposons aujourd'hui, je ferai un court exposé, après quoi il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
    Notre plus récente assemblée générale annuelle s'est déroulée ici même à Ottawa à la fin mars. À cette occasion, les membres du conseil d'administration et les délégués ont pu rencontrer la ministre de la Condition féminine. Les discussions ont essentiellement porté sur la sécurité des femmes et sur le manque de refuges sûrs.
    Les femmes inuites vivent dans 53 collectivités dispersées dans quatre vastes régions géographiques de l'Arctique, qui s'étendent sur quatre fuseaux horaires. On compte huit principaux dialectes de l'inuktitut et toutes les collectivités ou à peu près ne sont accessibles que par avion.
    On ne compte que 15 refuges sûrs pour 53 collectivités et ceux-ci ne sont pas toujours ouverts compte tenu des coûts d'exploitation, du manque de capacités et de ressources humaines ou même de l'absence d'un bâtiment convenable pour loger les femmes.
    Je ne répéterai pas bon nombre des statistiques présentées par nos collègues pour illustrer les taux de violence mais, selon Statistique Canada, les taux d'homicides conjugaux dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut étaient de 7,3 p. 100 pour les femmes et de 3,6 p. 100 pour les hommes, comparativement à 1,0 p. 100 pour les femmes et 0,03 p. 100 dans la population en général. Le nombre de délits sexuels rapportés à la police en 2004 était de trois à six fois plus élevé dans les Territoires du Nord-Ouest et de sept à quatorze fois plus élevé au Nunavut. Il ne faut pas non plus oublier que les femmes inuites du Nord vivent également dans la région arctique du Québec, dans la région du Nunavik et au Nunatsiavut, un territoire situé dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador où s'effectue la mise en œuvre d'un accord d'autonomie gouvernementale. Le problème n'est donc présent ailleurs que dans les territoires et collectivités situés au nord du 60e parallèle.
    Nous ne ferons qu'effleurer aujourd'hui les nombreux facteurs qui contribuent à ces taux révoltants de violence faite aux femmes inuites, mais il faut noter que le manque d'infrastructures dans les collectivités, y compris de logements, et l'absence de services de soutien et d'intervention d'urgence pour les victimes font sérieusement obstacle à la sécurité des femmes.

  (1605)  

    Nous aimerions maintenant présenter certaines recommandations qui concernent l'annonce faite récemment par le gouvernement fédéral, qui s'est engagé à consacrer 10 millions de dollars pour contrer la violence faite aux femmes. Nous nous réjouissons de cet engagement du gouvernement fédéral et nous tenons à souligner l'excellence du travail accompli par nos soeurs de l'Association des femmes autochtones du Canada qui, toutefois, ont dû reconnaître pendant nos échanges qu'elles n'avaient pas les moyens d'entreprendre des recherches propres aux Inuits. Elles ont dit appuyer Pauktuutit dans ses efforts visant à contrer la violence faite aux femmes. Nous demandons l'aide de ce comité pour faire en sorte que ces ressources soient réparties équitablement, de manière à permettre à Pauktuutit et à ses membres des différentes collectivités et régions d'entreprendre des initiatives propres aux Inuits.
    Il faut créer une tribune nationale de femmes inuites qui seront à même de déterminer leurs propres priorités et plans d'action. Lors de notre récente assemblée générale annuelle, nous avons entendu que le peu d'options en matière de logement et le manque de refuges sûrs posent un énorme problème pour tous nos membres, pour toutes les femmes de ces collectivités. Les femmes qui vivent dans des collectivités sans refuge, accessibles seulement par avion, n'ont pas toujours de lieu sûr où aller si elles sont incapables de prendre un avion et de se rendre dans une autre collectivité; cette démarche peut tout simplement se révéler prohibitive compte tenu du coût élevé du transport aérien au Canada.
    Nous avons entendu l'histoire d'une femme du Nunavut qui a demandé aux services sociaux de l'aider à s'installer dans une autre collectivité pour s'éloigner de son partenaire violent. Sa demande a été refusée et le lendemain, elle a été tuée. Cette année, en janvier, une inuite du Nunatsiavut a été tuée par son conjoint. Il faut mettre un terme à cette violence.
    Les sévices sexuels infligés aux enfants figurent également à l'avant-plan des priorités des femmes inuites. Une étude réalisée par Pauktuutit au début des années 1990 a permis de constater que jusqu'à 85 p. 100 des fournisseurs de soins de santé et des travailleurs sociaux étaient au courant de cas précis d'abus sexuels sur des enfants. Nous ne savons pas à quoi ressemble ce pourcentage aujourd'hui. Des enfants inuits sont également à risque d'être exploités sexuellement et d'être la proie de prédateurs sexuels en région urbaine. Ma collègue Sandy comparaîtra devant la table ronde Dallaire demain.
    Il nous faut des ressources adéquates pour mener des recherches sur la prévalence des sévices sexuels infligés aux enfants inuits partout au pays. Les recherches nous ont permis de constater que parmi la population en général, les femmes prendront souvent des mesures pour se sortir d'une situation de violence lorsque leurs enfants sont à risque. Nous savons également que c'est pendant cette période qu'elles courent le plus grand risque d'être assassinées. Il faut instaurer sans plus tarder des mesures d'intervention sûres et efficaces pour les enfants inuits victimes d'abus sexuels au sein même de leurs familles.
    Notre association est en quelque sorte devenue spécialiste des questions de violence faite aux femmes et à leurs enfants. Nous nous sommes dotés d'une stratégie nationale pour prévenir les abus et nous travaillons actuellement avec Condition féminine Canada dans le cadre d'un projet de deux ans sur la prévention des mauvais traitements. Ce projet met notamment l'accent sur la prévention des mauvais traitements grâce au développement des compétences des femmes en leadership. Nous avons également élaboré un plan d'action initial et une stratégie de communication qui s'attaquent aux sévices sexuels infligés aux enfants, à la lumière de certains de nos travaux récents dans ce dossier.
    Nous devons pouvoir compter sur l'aide de nombreux partenaires, y compris du gouvernement fédéral, pour entreprendre des initiatives holistiques substantielles et exhaustives pour sauver la vie des femmes et des enfants inuits. Nous vous remettrons quelques documents et nous serons ravis de vous entretenir à ce sujet, peu importe le moment.
    En terminant, nous aimerions vous présenter la stratégie de prévention des mauvais traitements que nous envisageons. Notre vision est celle d'une société inuite en santé, respectueuse du passé et garante d'avenir, fière de son héritage et soucieuse d'appuyer les familles au sein de communautés bienveillantes. Dans cette société, la violence et les mauvais traitements seraient des incidents rares qui seraient traités rapidement et justement selon les coutumes inuites. Les auteurs des gestes de violence sont tenus responsables de leurs actions et ont accès, tout comme les victimes, au soutien nécessaire pendant leur processus de guérison.
    Nous tenons une fois de plus à vous remercier pour ce temps de parole et nous sommes disponibles en tout temps pour répondre à vos questions. Merci.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à une série de questions et réponses de sept minutes par personne. Je vous prie d'être brefs.
    J'inviterais Anita Neville du Parti libéral à lancer le bal.
    Je vous remercie toutes beaucoup d'être ici aujourd'hui.
    Comme vous le savez certainement toutes, aujourd'hui est la première journée de ce qui sera, je suppose, une étude très substantielle sur la question de la violence faite aux femmes autochtones.
    Avant de poser une question, permettez-moi de prendre l'occasion de reconnaître publiquement l'initiative Sœurs par l'esprit et le rapport remarquable qu'elle a déposé aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de le lire. Il est exhaustif, détaillé et réfléchi, et il englobe une foule d'enjeux. Je vous félicite pour le travail que vous avez accompli, en particulier pour avoir mis au jour la question des femmes autochtones disparues et assassinées. Vous avez fait de l'excellent travail.
    J'ai tellement de questions que je ne sais pas par où commencer. Certaines questions sont brèves et portent sur des détails, et d'autres sont des questions globales. Parce que vous êtes le premier groupe que nous accueillons pour parler du sujet, je vais nommer deux ou trois sujets globaux, puis je vais demander à celles qui veulent prendre la parole de les commenter.
    Quand j'ai lu le rapport de l'initiative Sœurs par l'esprit, j'ai été frappée, madame Rexe, par vos propos détaillés sur l'incidence de la colonisation sur les femmes et les communautés.
    Je demanderai à celles d'entre vous qui veulent répondre de parler de la question de la colonisation, des pensionnats indiens, et de leur incidence sur les femmes. Voilà un sujet.
    Si nous avons le temps, j'aimerais que vous me parliez de quelques problèmes sociaux fondamentaux auxquels vous êtes confrontées.
    Pauktuutit, vous avez parlé du logement et des défis que pose le logement. Je me suis rendue dans plusieurs communautés des premières nations et j'ai moi-même constaté les défis que pose le logement. Je suis allée dans les Territoires du Nord-Ouest et les coûts du logement m'ont sidérée. J'ai vu les refuges que les femmes ne pouvaient pas quitter parce qu'elles n'avaient nulle part où aller, et les défis qui en découlent. J'aimerais avoir quelques commentaires à ce sujet.
    Je sais que c'est une question lointaine, mais quelle est l'importance selon vous de l'adhésion du Canada à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones? Beaucoup la demandent depuis très longtemps. J'aimerais avoir quelques commentaires à ce propos.
    Commençons donc par ces trois sujets. Je suppose qu'il n'y aura même pas de temps pour cela.

  (1615)  

    Qui aimerait commencer?
    Madame Rexe.
    Je formulerai un commentaire très bref sur la dernière question, parce que nous pouvons partager le rapport qui a été publié récemment et qui traite des questions de colonisation envers les femmes autochtones au Canada.
    En ce qui concerne la déclaration des Nations Unies, je ne peux pas parler au nom de l'Association des femmes autochtones du Canada, mais je crois que si on adhère à la déclaration des Nations Unies, des mesures concrètes doivent être prises pour veiller à ce que l'adhésion reconnaisse les responsabilités et les droits des Autochtones, plus particulièrement ceux des femmes métisses, inuites et des premières nations. Donc, l'adoption de droits reconnus internationalement doit aussi s'accompagner de réponses, de services et de ressources appropriés qui seraient offerts à toutes les femmes dans les communautés et à leur famille.
    Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait en parler?
    Trois questions ont été posées, alors choisissez-en une.
    En ce qui concerne la colonisation, je dirais ce que j'ai entendu ma tante dire il y a à peine un mois. Notre première nation a une table municipale avec Lambton Shores. Évidemment, nous essayons encore de nous remettre des effets de la crise d'Ipperwash. J'ai amené ma tante pour qu'elle parle au maire et à tous ses collègues et aux membres élus du conseil afin qu'ils puissent comprendre les répercussions des pensionnats indiens dans ma propre communauté. Le maire et tous ses membres du conseil, ses commis, étaient consternés d'apprendre que des gens qui habitent à 10 milles de là ont été retirés de leur famille alors qu'ils n'étaient que de très jeunes enfants.
    Ma tante a résidé dans un pensionnat indien, et elle a dit qu'elle n'avait jamais su comment aimer ses enfants. C'est ce que j'ai soulevé, et ces effets générationnels existent encore aujourd'hui. Les pensionnats indiens ont enlevé à nos grands-parents la capacité de faire preuve d'amour. Quand on ne peut faire preuve d'amour dans une famille, cela entraîne toutes sortes de problèmes sociaux.
    Donc, les effets de la colonisation, non seulement à cause des pensionnats indiens et d'autres choses, sont encore clairement ressentis dans nos communautés aujourd'hui.
    Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait s'attaquer aux autres questions?
    Allez-y, madame Johnson.
    En tant que survivante des pensionnats indiens, je peux parler des répercussions de la violence faite aux femmes. Tant de choses ont été perdues dans ces écoles. Beaucoup de violence a été faite aux femmes, aux filles et aux garçons, mais je suis une femme, alors je vais parler de ce volet.
    Quand nous avons quitté les pensionnats indiens, à moins d'avoir très consciemment fait le choix de ne pas perpétuer ce qu'on nous a fait subir dans ces écoles... C'est pour cette raison que nous avons l'effet intergénérationnel. J'ai très consciemment pris la décision que je n'allais pas infliger de sévices à mes enfants, parce que ce que nous avons appris dans ces écoles, ce sont les sévices, qu'il s'agisse de sévices mentaux, physiques ou sexuels. Mais en même temps, je ne savais pas comment discipliner mes enfants de manière efficace. Je savais ce que je n'allais pas faire, mais je ne savais pas quoi faire pour discipliner mes enfants, et on peut le voir chez mes enfants et mes petits-enfants. Ces répercussions, ces comportements existent toujours.
    Les choses vont de mieux en mieux d'une génération à l'autre. Ma fille fait des activités avec mes petits-enfants. Je ne sais pas où elle a appris cela; ce n'est certainement pas moi qui lui ai transmis. Elle fait du bricolage avec eux et toutes sortes de choses. Je n'ai jamais fait ça avec mes enfants parce que je ne savais pas comment jouer avec eux, parce qu'on ne me l'a pas appris dans les pensionnats indiens.
    S'en sortir et reconnaître le problème, je crois, représente un grand pas.
    Merci, madame Johnson.
    Je crois que nous allons passer à la prochaine série de questions.
    C'est au tour du Bloc québécois et de M. Desnoyers.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à vous toutes.
    Je me sens un peu comme ma collègue du Parti libéral. Il y a tellement de questions qu'on pourrait poser. Il s'agit d'un drame de société important, selon moi. Je vous ai entendu parler beaucoup de tout l'aspect culturel des différents groupes, qu'il soient Métis, Inuits, et des différents endroits. Je suis d'accord pour dire que si des gestes sont posés, c'est à vous d'agir c'est-à-dire que vous devez diriger toutes les actions, avec l'argent qu'on peut réussir à obtenir du gouvernement, pour permettre de résoudre ce problème.
    L'une de mes principales questions — je ne sais pas si vous y pensez aussi — est de savoir si l'argent va servir strictement à la justice ou plutôt à mettre en place un vrai système qui permettra d'inverser la culture actuelle ? Je pensais à ce que Mme O'Hearn disait: dans une communauté éloignée, comment fait-on pour qu'une femme ne soit plus battue? Si on la sort de chez elle, puis qu'on la ramène chez elle, elle sera encore battue. Donc, comment fait-on pour régler cela?
    Il y a sûrement beaucoup de sensibilisation, d'information et de travail à faire, il faut agir. C'est à ce sujet que j'aimerais vous entendre, pour qu'on puisse finalement dire au gouvernement qu'il faudrait plus que 10 millions de dollars pour résoudre un tel problème. Si vous commencez aujourd'hui à travailler sur ce problème, ce n'est pas demain qu'il va être réglé, d'après ce que j'ai entendu. Donc, j'aimerais que vous me parliez de la période de temps qui serait nécessaire. C'est incroyable de constater que de tels meurtres sont commis, qu'ils ne sont pas résolus, et que la police ne s'en occupe pas. On prend probablement les corps et on les « garroche » aux ours — ou je ne sais quoi —, et la police ne fait rien. Le malaise est profond.
    J'aimerais vous entendre davantage, parce que ce que vous dites est passionnant, et on se doit d'écouter cela aujourd'hui si on veut prendre des mesures concrètes dans l'avenir.

  (1620)  

[Traduction]

    Souhaitez-vous répondre à la question madame Tucker?
    Je vous remercie de vos observations sur les questions et les préoccupations constantes auxquelles nous faisons toutes face, je crois, compte tenu du financement global habituellement limité pour des projets à court terme. Nous savons tous ce qui doit être fait. Je crois que la première étape qui permettrait d'accomplir quoi que ce soit, c'est un financement durable. Cela se produit tous les jours en première ligne. Le problème remonte au manque de confiance qui découle des pensionnats indiens, qui découle de la colonisation.
    Nous mettons sur pied des programmes, que ce soit des programmes d'éducation ou des programmes de refuges sécuritaires, nous gagnons la confiance des membres de la communauté pour qu'ils y prennent part, qu'ils commencent leur démarche de guérison, et ensuite les fonds s'épuisent et nous devons recommencer. Chaque fois, nous devons réinventer la roue, et nous perdons la confiance des membres des communautés envers les organisations, le gouvernement dans l'ensemble, parce qu'il n'y a pas de stabilité.
    Nous pouvons faire un lien avec les diverses possibilités de financement qui ont déjà existé, surtout récemment, étant donné l'annonce de la suppression du budget accordé à la Fondation autochtone de guérison. Compte tenu de la quantité de travail qu'il a fallu accomplir pour bâtir la réputation et le succès de ce projet, qui n'existe plus maintenant, nous entendons des gens dans nos communautés dire qu'il n'a pas fallu cinq ans pour créer les problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui, et que ça prendra beaucoup plus que cinq ans pour les régler.
    En tant qu'Autochtones, nous avons été mis de côté dans l'histoire parce que nous étions des citoyens de classe inférieure, et c'est pourquoi les répercussions liées au fait de retirer les possibilités de financement et la permanence des programmes sont beaucoup plus profondes à mon avis que ce qui se produit à la surface selon nous. Ce n'est donc pas seulement une question d'obtention de fonds, mais également une question de permanence des programmes.
    Qu'il s'agisse de fonds pour les refuges ou de fonds pour les programmes d'éducation dans les écoles, le financement doit se poursuivre. C'est la seule façon pour nous d'être en mesure de changer les choses pour ce qui est des sévices, chez les enfants disparus et assassinés, et en ce qui concerne la violence familiale. Il nous faut cette permanence.
    Est-ce que quelqu'un voudrait ajouter quelque chose? Il vous reste encore deux minutes.
    J'aimerais exprimer à nouveau ce que Mme Tucker a dit. Oui, absolument, il doit y avoir un financement plus régulier en matière de ressources et de services, particulièrement en ce qui concerne les services de première ligne, mais nous devons également commencer à changer la conscience de la société afin qu'elle reconnaisse et apprécie à nouveau les femmes autochtones, et honore les droits des femmes autochtones ainsi que l'histoire, la tradition et le rôle des femmes autochtones en tant que mères, aidantes naturelles et éducatrices.
    Pour ce faire, l'Association des femmes autochtones du Canada s'efforce d'éduquer non seulement les communautés autochtones, mais également la police au sujet de l'histoire de la colonisation, des répercussions de la violence et des expériences de violence faite aux femmes autochtones. Autrement, comment la police va-t-elle mieux comprendre comment répondre aux appels de violence dans les communautés et mieux travailler avec les communautés?
    Nous commençons également à établir une relation de travail avec le ministère de l'Éducation de l'Ontario pour examiner les programmes d'études, et nous aimerions le faire auprès d'autres éducateurs partout au Canada, pour parler de la question de la violence faite aux femmes autochtones dans les écoles dans le cadre du programme d'études de niveau secondaire, afin qu'il y ait une meilleure compréhension non seulement au sein des communautés autochtones, mais chez tous les Canadiens des questions de violence et des raisons pour lesquelles ces questions de violence existent.
    Nous pensons également qu'il est très important de reconnaître que l'arrivée d'enfants dans des organismes de protection de la jeunesse n'est simplement qu'une incidence continue des sévices intergénérationnels et de la colonisation, qui découle des mêmes types de politiques gouvernementales que celles touchant les pensionnats indiens dans la rafle des années 1960. Nous devons permettre aux enfants autochtones de demeurer dans leur famille et dans leur communauté afin de mettre fin à ce cycle de déplacement et de déplacement culturel loin des communautés.
    Merci beaucoup.

  (1625)  

    Merci beaucoup.
    Je suis désolée, monsieur Desnoyers, vos sept minutes sont écoulées.
    La parole est à Cathy McLeod pour les conservateurs, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier tous les témoins. Je crois qu'il est très opportun d'entreprendre cette étude, certainement en raison de la publication très récente de l'étude complète et du rapport de l'initiative Soeurs par l'esprit.
    Je me suis toujours sentie très chanceuse de venir de la Colombie-Britannique et de venir du Canada, mais je dois partager une certaine honte de savoir que ma province et mon pays sont parmi les pires en ce qui concerne les femmes et les enfants autochtones disparus. Personne ne peut ressentir autre chose que de la honte par rapport à cette situation.
    J'apprécie tout le travail très important et excellent accompli par la Fondation autochtone de guérison. J'étais là pendant une partie des délibérations, et j'ai écouté certains commentaires et affirmations puissants formulés par différents membres. Je dois aussi examiner... vous savez, dans ma circonscription, rien ne s'est passé en fait. Les gens n'ont pas été en mesure de tirer parti des ressources; il n'y a eu aucune initiative particulière.
    Également — et aussi dans d'autres circonscriptions —, peut-être que Santé Canada aurait les fonds nécessaires, mais la plupart des services de soins de santé, du moins dans ma circonscription, ont été transférés aux bandes. Ils ont été transférés aux groupes. Alors j'espère que cela permettra une intégration, gérée par les bandes, gérée par des groupes comme le Q'wemtsin Health Society, non seulement pour fournir un soutien additionnel, mais aussi pour l'intégrer dans un réseau et un filet globaux de soins de santé. Notre gouvernement certainement a l'intention de fournir ce soutien à plus grande échelle. Ce n'est en aucune façon pour diminuer l'excellent travail qui a été accompli.
    Plusieurs personnes ont parlé de données. Je vais révéler mon âge — je le fais parfois —, mais je me souviens que dans les années 1980, il a eu une identification de divers groupes ethniques au sein du système de soins de santé. Cela a été perçu comme inapproprié et erroné, alors je crois que nous nous en sommes éloignés.
    Comment cela a-t-il fonctionné en Saskatchewan? Comment avez-vous obtenu un accord pour recueillir des données d'une façon qui soit respectueuse pour toutes les personnes concernées?

  (1630)  

    Madame Rexe, pouvez-vous parler des données?
    En Saskatchewan, on dispose de renseignements sur l'identité des femmes et des filles disparues ou assassinées d'origine autochtone.
    Je comprends que vous disiez qu'il est délicat de recueillir de l'information selon l'identité ethnique ou autochtone. Je crois que la collecte doit respecter un protocole éthique, par souci de délicatesse et de respect des cultures. Il ne s'agit pas là de profilage racial; il faut au contraire que les collectivités accueillent favorablement cette démarche et que celles qui sont aptes et disposées à échanger de l'information y prennent part, pour éviter de leur soutirer cette information. La tâche devient difficile quand on emploie des méthodes de recherche traditionnelles, c'est-à-dire quand on recueille de l'information sans rien donner en retour aux collectivités ni même fournir les ressources ou les services qui permettraient de répondre à leurs besoins.
    Il y a deux ans environ, nous avons tenu des ateliers de travail dans dix collectivités dans le but de les mobiliser et de les sensibiliser à la question de la collecte des données judiciaires, tout particulièrement au sujet des personnes d'origine autochtone — les membres d'une première nation, les Métis et les Inuits.
    Ces collectivités ont convenu avec réserve qu'il fallait recueillir cette information, mais en faisant preuve de respect envers les différentes cultures. Il faut respecter les cultures et les collectivités et les aider à offrir les services et les ressources dont elles auront besoin une fois que l'information aura été recueillie. On ne peut pas aller chercher de l'information et ensuite ne pas intervenir adéquatement dans les collectivités en ce qui concerne les services aux victimes, l'accès aux refuges et les services de consultation adaptés à la culture des victimes de violence familiale ou d'autres formes de violence.
    C'est à cet égard que la collecte d'information présente une lacune. Il faut aller de l'avant et mettre à profit les ressources et les services de soutien qui sont en place pour que les collectivités soient en mesure d'intervenir très rapidement une fois que l'information est recueillie.
    Pourriez-vous nous expliquer plus en détail...
    Il vous reste une minute et demie.
    ... comment la Saskatchewan s'y est prise pour recueillir ces données?
    Je ne sais pas exactement comment on s'y est pris pour recueillir de l'information sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées. Toutefois, je crois qu'à Saskatoon, la GRC avait mis sur pied un projet pilote qui visait à ce que la collecte tienne compte dorénavant de l'identité autochtone, mais ce projet a récemment été annulé, en quelque sorte.
    Si je ne me trompe pas, le projet a été interrompu entre autres parce que les ressources et les services aux victimes nécessaires n'étaient pas en place. Après avoir appris, lors d'une formation, comment recueillir de l'information de façon appropriée et respectueuse des cultures, les policiers n'étaient pas en mesure de fournir les ressources nécessaires aux victimes d'un crime en tenant compte des besoins propres aux Autochtones, aux premières nations, aux Métis et aux Inuits.
    Oui, madame Cloud.
    Je tiens seulement à dire que nous avons le tribunal Gladue dans notre région. Je crois que beaucoup de gens savent pourquoi ce tribunal a été mis sur pied — à cause de la discrimination généralisée contre les Autochtones dans le système judiciaire. Je crois que le gouvernement a fait une foule de bonnes recommandations. Désormais, une personne qui plaide coupable aura la possibilité de comparaître devant un tribunal Gladue.
    Le ministère de la Justice a procédé à une collecte de cette ampleur; ce n'est donc pas chose impossible. Voici où je voulais en venir: si la création d'une base de donnée nationale était appuyée par le gouvernement fédéral...
    Si on regarde la Commission d'enquête sur Ipperwash, on constate que la formation offerte aux policiers de l'Ontario est davantage axée sur la diplomatie. Je crois que c'était une très bonne recommandation. Je vois réellement les fruits qu'elle a portés dans toute ma région.
    C'est tout ce que je voulais dire.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à Mme Mathyssen du NPD.
    Je tiens à vous remercier pour toute la sagesse et l'information dont vous avez fait cadeau au comité — non seulement aujourd'hui, mais aussi pendant toutes ces années où nous avons discuté des enjeux importants qui touchent les femmes. Je tiens également à vous remercier pour Ce que leurs histoires nous disent. Vous avez fait un travail remarquable et je sais qu'il aidera à mettre un terme à la violence faite aux femmes et à améliorer leur situation.
    Je vais poser des questions d'ordre général. Je crois que je vais d'abord m'adresser à vous, Kate.
    Mais avant tout, je veux vous dire, chef Cloud, que j'ai connu Dudley George et qu'il nous manque. Son départ a laissé un grand vide pour nous tous.
    Quoi qu'il en soit, le budget de 2010 prévoit 10 millions de dollars pour le traitement des dossiers des femmes disparues ou assassinées. Ça semble être beaucoup d'argent, mais ça ne l'est pas. À mon avis, c'est un début très modeste.
    Je me demandais si on vous a dit quand vous recevrez ces fonds. Avez-vous eu vent de quelque chose? Savez-vous dans quelle mesure l'Association des femmes autochtones du Canada aura son mot à dire sur l'allocation des fonds? Vous a-t-on informée au sujet du financement et de la façon dont les fonds seront répartis?

  (1635)  

    En fait, non. Malheureusement, personne ne nous a rien dit sur le montant qui sera alloué ni sur la façon dont les fonds seront répartis au Canada.
    Je sais que cela relève du ministre de la Justice. Nous ne savons pas quel rôle jouera l'Association des femmes autochtones du Canada, mais nous espérons que les connaissances, le savoir-faire et le sens de l'initiative dont elle a fait montre, tout particulièrement dans le dossier des femmes autochtones disparues ou assassinées, seront pris en considération quand viendra le temps de répartir les fonds, et que cette information servira à tirer le meilleur parti des ressources allouées.
    Toutefois, je crois qu'il est important de comprendre qu'il s'agit d'un financement modeste, comme vous l'avez mentionné. J'espère qu'il y aura des fonds supplémentaires de façon à pouvoir mettre des ressources qui travailleront directement sur le terrain à la disposition des collectivités et des femmes. Ces 10 millions de dollars ne permettront pas de fournir ces ressources ni de répondre aux besoins immédiats des femmes dans les collectivités.
    Donc, quelle que soit la façon d'affecter les fonds, j'espère qu'on en tirera le meilleur parti possible et qu'ils permettront de régler efficacement les questions d'ordre judiciaire.
    Mais ne croyez-vous pas qu'il serait sage de tous vous consulter pour savoir comment et par où commencer, et comment affecter ces fonds?
    Madame O'Hearn.
    Merci beaucoup. Je suis contente de pouvoir intervenir et de répondre à votre question.
    Nous tentons activement d'assurer un suivi auprès du ministère de la Justice et, à ce jour, nous n'avons pas réussi à obtenir une rencontre. Nous en concluons que le ministère réfléchit toujours à la façon dont il compte administrer ces fonds.
    J'aimerais souligner de nouveau la nécessité d'une intervention axée sur la population. Je voue un très grand respect à l'Association des femmes autochtones du Canada, mais à mon avis, les Inuits ont droit à leur juste part du gâteau parce que les priorités des femmes inuites ne sont peut-être pas toutes les mêmes que celles de l'initiative Soeurs par l'esprit. Les priorités sont également différentes dans le Nord et dans les villes.
    J'aimerais parler brièvement de la Fondation autochtone de guérison. Nous avons collaboré avec la fondation et nous avons constaté qu'on considère souvent que les Inuits ont été ajoutés après coup. Elle a fait un travail fantastique, j'en conviens, mais ce n'est qu'au milieu de son mandat que les Inuits ont pu commencer à faire approuver leurs propositions et même présenter un projet à la fondation. Beaucoup de critères étaient tout simplement inappropriés.
    Nous espérons donc que ce financement modeste, qui a été annoncé récemment, nous permettra de négocier une juste part du gâteau; les femmes métisses ont certainement des priorités qui leur sont propres également. Évidemment, nous espérons que le comité nous offrira son appui.
    Merci.
    Madame O'Hearn, vous avez parlé des sévices sexuels infligés aux enfants. Nous savons que les agresseurs eux-mêmes ont souvent été victimes d'abus sexuels. C'est un terrible cycle. J'aimerais que vous nous parliez brièvement de la stratégie de lutte contre les abus sexuels sur les enfants que vous avez mise sur pied, parce qu'il faut intervenir, de toute évidence. Il faut faire de la prévention. Il faut absolument aider, d'une façon ou d'une autre, ces enfants pour qu'ils ne perpétuent pas ce cycle.
    Pourriez-vous nous parler un peu de ce sujet?
    Avec plaisir.
    Nous tentons principalement de faire mieux connaître le sujet, de sensibiliser les gens et de favoriser le dialogue au sein de la population sur le fait que, généralement, les collectivités ne disposent pas de services pour les enfants qui voudraient dénoncer leur agresseur. Il faut donc user de prudence.
    Au Nunavik, un certain nombre de modèles de recherche efficaces et éthiques sont envisageables. On a par exemple mené un sondage sur la santé dans 14 collectivités côtières du Nunavik. Il y avait une stratégie globale de communication en place, mais parmi les répondants du sondage, plus de 40 p. 100 ont déclaré avoir eu des rapports sexuels non désirés avant l'âge de la majorité. C'est 40 p. 100 de la population du Nunavik. Nous aimerions être mieux renseignés sur la prévalence de cette situation. Il faut des ressources.
    Nous avons mis au point quelques outils, dont une stratégie de communication, que nous n'avons pas encore terminée, mais le comité consultatif d'experts avec lequel nous avons travaillé nous a bien mis en garde: il faut utiliser ces outils d'enseignement avec précaution dans les écoles parce qu'il n'y a vraiment aucun service de soutien à la disposition des enfants qui souhaiteraient dénoncer.

  (1640)  

    Je vais aller droit au but...
    Il vous reste 30 secondes.
    D'accord.
    D'après Ce que leurs histoires vous disent, 88 p. 100 des femmes disparues ou assassinées laissent derrière elles des enfants et des petits-enfants. Quels systèmes de soutien adaptés aux cultures sont en place pour aider ces enfants vulnérables? Ils sont très jeunes, et les familles font face à une réalité extrêmement difficile. Quels services de soutien sont à la disposition de ces enfants? Ou quelles mesures doit-on prendre pour les aider à se remettre sur pied?
    Est-ce que quelqu'un souhaite répondre?
    Madame Rexe.
    Je serai brève. Je crois qu'il n'y a aucun service de soutien en place. Il faut collaborer et écouter les conseils des gens qui travaillent dans les collectivités et auprès des familles et qui savent exactement quels sont leurs besoins.
    Merci beaucoup.
    Nous en sommes maintenant à la deuxième série de questions. Chaque intervenant aura cette fois cinq minutes; le temps alloué aux questions et aux réponses est donc plus court.
    Commençons avec Mme Simson du Parti libéral.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. J'aimerais aussi revenir sur ce que ma collègue, Mme McLeod, a dit tout à l'heure. Je ne suis pas native de la Colombie-Britannique, mais j'éprouve moi aussi de la honte que la situation perdure et que nous ne fassions pas beaucoup de progrès dans ce dossier.
    Ma prochaine question s'adresse à quiconque connaît la réponse. Je rassemblais mes notes et j'ai remarqué que nos notes d'information faisaient état de 520 femmes autochtones. Mais j'ai entendu dire — j'écoutais les nouvelles à CTV dans mon bureau — qu'il y avait eu 582 femmes autochtones disparues ou assassinées — donc 62 cas de plus — au cours des 10 dernières années.
    J'aimerais savoir si l'une de vous peut me fournir des statistiques sur les 10 dernières années — disons de 1990 à 2000 — pour que j'aie une vue d'ensemble. Est-ce que le nombre de femmes disparues ou assassinées a augmenté ou aurait-on réussi à freiner le phénomène?
    Madame Rexe.
    Les chiffres renvoient spécifiquement au nombre de nouveaux cas relevés depuis la parution du rapport l'an dernier, c'est-à-dire en avril 2009.
    Sur les 62 cas, 27 sont survenus entre janvier 2009 et à peu près février 2010. Il y a 27 nouveaux cas relevés au cours de la période de 13 ou 14 mois précédente. Les cas restants sur les 62 ont été déterminés à partir de données collectées dont on a pu établir qu'elles portaient sur des années antérieures; nous les avons trouvées à la faveur d'une recherche dans les archives et nous avons obtenu un complément d'informations auprès de sources secondaires, en consultant les rapports de police, etc.
    Existe-t-il des données statistiques qui vous indiqueraient que des progrès ont été accomplis ou bien que, au contraire, la problématique a empiré?
    Pour les années 2000 à 2008, nous avons procédé à une analyse des tendances dans l'information sur les cas connus d'assassinats de femmes autochtones par rapport aux taux d'homicides pour toutes les femmes au Canada. Nous avons constaté que, entre 2000 et 2008, la tendance était très semblable à celle des homicides au Canada.
    Essentiellement, la tendance est la même pendant toute la décennie. Par contre, en ce qui concerne les décennies précédentes, nous nous sommes rendu compte que nous avions très peu d'informations parce qu'il n'y a aucune information sur l'identité ethnique. Mais si on procède par inférence pour déterminer ce que la tendance intérieure aurait pu être, on peut probablement affirmer que nous avons sous-estimé le nombre de cas connus d'homicides, si l'on remonte à 1974, d'environ 600 cas.
    Donc, pour toutes vos organisations, la disponibilité des données pose un problème. En ce qui concerne le financement, êtes-vous tenus de présenter un genre de rapport annuel qui porterait non seulement sur ce que vous avez fait de l'argent mais aussi sur les résultats que vous observez? Y a-t-il quelque chose de concret? Ce n'est pas une critique de ma part; un tel document rend beaucoup plus facile pour les gouvernements, et je dirais n'importe quel gouvernement, de supprimer simplement un élément sur lequel rien ne leur n'indique que l'on fasse des progrès.
    Il se fait beaucoup de recherche sur les causes profondes. Fort bien. Mais maintenant que nous les avons déterminées, il nous faut nous doter d'un plan assorti de financement pour les éliminer ou à tout le moins faire quelque progrès. Je suis bien consciente que cela ne se produira pas du jour au lendemain.
    Sinon, je pense qu'une partie du problème réside dans le fait que c'est facile de dire que le mandat a été réalisé — comme on l'a fait dans le cas de la Fondation autochtone de guérison.
    Êtes-vous tenus de présenter des rapports de ce genre?

  (1645)  

    Oui, et nous déposons des rapports annuels qui font souvent plus de 300 pages et que nous remettons à Condition féminine.
    Mais sont-ils axés sur les résultats?
    Absolument.
    Très bien.
    Il y est question de résultats, d'impact, d'action...
    Je suis en train de m'instruire.
    Est-ce que d'autres témoins aimeraient commenter cette question?
    Je voudrais simplement profiter de l'occasion pour parler de la question du financement. C'est un sujet de préoccupation sérieux pour le Ralliement national des Métis. Je tiens à souligner en passant qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas de fonds fédéraux consacrés spécifiquement aux femmes métisses.
    Nous n'avons pas le fardeau de présenter des rapports. C'est le bon côté. Mais la question est sérieuse et la communauté métisse est profondément convaincue qu'il y a beaucoup de rattrapage à faire.
    Nous appuyons les initiatives telles que la campagne de sensibilisation menée par l'association Soeurs par l'esprit. C'est une sensibilisation de grande envergure. Mais il reste le problème de l'absence de données non regroupées. C'est très important. La communauté métisse, et en particulier les femmes et les enfants métis, ne connaissent pas précisément l'étendue ni la nature de la violence perpétrée contre les femmes métisses. C'est un enjeu majeur. Une fois compris cet aspect de la question — et nous en sommes encore très loin malheureusement —, il faudra prévoir des ressources pour agir à son égard.
    Ce qui est sûr, c'est qu'il est impossible d'agir efficacement sans avoir l'engagement des femmes et des communautés métisses. Ce n'est peut-être pas tout à fait la question, mais l'accès au financement de base pose un certain nombre de problèmes fondamentaux du point de vue du Ralliement national des Métis.
    Merci.
    Vous avez dépassé vos cinq minutes.
    Nous entendrons Mme Wong, pour les Conservateurs.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, mesdames, de votre présence ici.
    J'ai déjà vécu à Vancouver. En ce moment, je vis naturellement à Richmond que je représente. J'ai également enseigné dans le Downtown Eastside de Vancouver. J'enseignais l'anglais, langue seconde, aux adultes. J'ai donc été personnellement témoin de bien des situations. C'est naturellement l'affaire de la ferme d'élevage porcin de Coquitlam qui a attiré l'attention de l'ensemble du pays sur la question de la disparition de femmes et de filles autochtones. Elle a déclenché une prise de conscience dans l'ensemble du pays.
    Voici quelques éléments d'information. Encore une fois, j'applaudis à l'excellent travail accompli par la campagne Soeurs par l'esprit. Leurs constatations ont donné lieu à la mise sur pied d'un programme appelé « De la preuve à l'action » et elles seront suivies de mesures concrètes.
    J'ai également des nouvelles sur le financement pour Tracy — vous permettez que je vous appelle Tracy? — à savoir que les fonds de soutien de la Fondation autochtone de guérison sont en cours de transfert au ministère de la Santé. La ministre elle-même est originaire des territoires et vous souhaiterez peut-être y avoir accès.
    De plus, le gouvernement va présenter une loi régissant les droits des femmes autochtones à la propriété immobilière. Ce sera un progrès. L'indépendance économique et la situation économique des femmes autochtones est l'une des causes profondes de leur pauvreté. C'est la cause profonde des incidents.
    Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Si la loi accordait davantage de droits aux femmes autochtones, est-ce que leur situation s'en trouverait améliorée?

  (1650)  

    Qui voudrait répondre à cette question?
    Chef Cloud.
    Merci beaucoup.
    Si vous parlez de la loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, les seules communautés qui sont en avance à cet égard sont celles qui ont un rôle à jouer dans l'élaboration du code foncier et celles qui sont déjà dotées du pouvoir de gestion des terres qui leur est reconnu en tant que premières nations. Quant à ce que fait le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, la discussion avec la communauté semble un peu indigente. L'absence de consultation persiste.
    En ce qui concerne la loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, il est clair qu'elle donnera l'accès à un certain droit à la propriété matrimoniale quand elle commencera à s'appliquer dans nos communautés. Mais dans notre esprit, elle protégera davantage les droits des femmes qui ne sont pas admissibles à être inscrites dans la communauté. Est-ce bon ou mauvais? Quoi qu'il en soit, c'est à prendre avec un grain de sel.
    Je sais que dans ma communauté, quelques personnes y gagneraient dans la mesure où, disons, le mariage éclaterait et où les biens immobiliers accumulés pendant la relation... Dans certains cas, il faut s'attendre à beaucoup de chicanes de famille, parce que dans une communauté de première nation, quiconque n'est pas membre de la bande ne peut être propriétaire de biens immobiliers ou de terres dans la communauté en question.
    Alors il y a du bon et du mauvais. C'est sûr qu'il y aura un peu de bon dans certains cas, mais tout se jouera au cas par cas.
    Merci.
    Pour ma question suivante, je vais revenir à la situation en milieu urbain. Dans le Downtown Eastside, certaines des femmes disparues étaient des travailleuses du sexe. Certaines d'entre elles étaient également toxicomanes, malheureusement.
    Pour aider ces femmes à revenir à une situation dans laquelle elles ne seraient pas menacées pendant leur travail, je pense qu'il faut mettre l'accent sur la prévention. Il s'est dit beaucoup de choses sur la pauvreté dans les territoires. J'ai rencontré quelques représentants de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes, dont l'un était originaire de la communauté inuite. Il a dit que les enfants ne voulaient pas aller à l'école en raison de la pauvreté et aussi de la situation du logement. Je privilégierais donc la prévention.
    Avez-vous quelque chose à suggérer pour aider les femmes disparues du Downtown Eastside ou les femmes qui ne sont pas disparues, mais qui pourraient bien l'être prochainement?
    Vous avez 15 secondes pour répondre à cette question, madame Rexe.
    Il y a très peu de cas pour lesquels nous avons pu recueillir de l'information sur... la participation ou non des femmes au travail du sexe, mais dans l'intérêt de celles qui l'ont fait, nous sommes d'avis qu'il faut changer le discours sur cette question pour examiner la problématique dans la perspective de la traite de personnes et de la défense des droits des femmes, en particulier pour ce qui est de la sécurité des femmes qui pratiquent la prostitution de rue et d'autres formes de trafic, que ce soit celui de la drogue ou la traite de personnes. Ce sont là des problématiques qui doivent être examinées non seulement par des organisations comme la nôtre, mais aussi par toutes les personnes qui œuvrent dans ce domaine et qui sont dotées d'une expertise particulière.
    Merci.
    Nous entendrons maintenant Mme Demers, pour le Bloc.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup d'être ici, mesdames.
    J'ai beaucoup de difficulté à écouter ce que vous avez à dire parce que, comme plusieurs Québécoises et Canadiennes, je ne connaissais pas la situation des femmes autochtones. Comme plusieurs d'entre nous, quand les Autochtones se plaignaient, je pensais qu'ils avaient tort de se plaindre, qu'ils en avaient déjà assez et qu'on devrait leur dire de se taire, et ce, jusqu'à ce qu'Hélène Gabriel vienne à mon bureau et me raconte l'histoire. En fait, on ne connaît pas l'histoire. On n'enseigne pas l'histoire dans les écoles. On ne sait pas ce qui s'est passé.
    Alors, comme tout bon Blanc, on pense qu'on est les bosses et qu'on sait mieux comment s'occuper de vous. Donc, on continue à faire la même chose. Les Soeurs par l'esprit ont fait un travail exceptionnel. Les communautés autochtones font un travail exceptionnel avec le peu de moyens qu'elles ont. Je suis allée à Iqaluit pour rencontrer les gens du refuge. J'ai été fascinée par la capacité des personnes qui y travaillent, malgré le fait que celles qui y vivent doivent y rester pendant des mois — non pas des semaines mais des mois —, parce qu'il n'y a pas de maisons de transition. Donc, si on les renvoie chez elle, on les renvoie à la violence.
    Présentement, on dit qu'il y a 10 millions de dollars, mais on ne vous les donne pas parce qu'on sait comment s'occuper de vous. On sait comment arrêter la violence. C'est encore nous, les Blancs, qui allons vous dire comment faire cesser la violence. J'ai beaucoup de difficulté à accepter cela. On vous fait croire qu'il y a de l'argent pour l'Aboriginal Healing Foundation, dans le secteur de la santé. S'il y en a, qu'on vous le donne. On vous fait croire qu'il y a 10 millions de dollars pour Soeurs par l'esprit. Si cet argent existe, qu'on vous le donne et qu'on cesse de faire accroire des choses, de raconter des histoires et de dire n'importe quoi et qu'on vous donne l'argent parce que vous êtes celles qui savez comment guérir, comment prendre les mesures que vous devez prendre pour vous assurer que les femmes ne vivent plus cette violence. J'en ai assez! Excusez-moi, mais il fallait que je le dise.
    Ne croyez-vous pas que vous êtes les mieux placées pour savoir comment aider les femmes à se sortir de la violence?

  (1655)  

[Traduction]

    Qui voudrait répondre à cette question?
    Madame Watteyne, vous avez l'air intéressée...
    Madame Johnson?
    Oui, madame O'Hearn.
    Merci. J'aimerais bien dire mon mot.
    Je vous remercie pour vos commentaires. Naturellement, nous sommes d'accord. Nous avons cru comprendre qu'une part importante de ces 10 millions de dollars sera affectée aux services de police, ce qui est un important élément de toute la démarche de préservation de la sécurité des femmes, mais nous sommes d'accord avec vous pour dire que diverses organisations ont acquis une expertise non négligeable. Nous serions heureuses de pouvoir compter dessus.
    Chef Cloud.
    Je vous suis reconnaissante de vos commentaires. Vous avez raison de dire qu'il faudrait s'en remettre aux personnes qui ont travaillé et vécu dans ce domaine. La mère de ma propre belle-fille a été tuée à coups de hache. Je peux à peine imaginer ce que cela a dû être quand elle avait 16 ans. Sans être victime de violence moi-même, je sens sa présence autour de nous. Même si nous sommes des femmes autochtones et professionnelles, la violence est tout autour de nous. Je m'inquiète pour mes petits-enfants et pour l'impact de la violence sur eux. Ma belle-fille sera-t-elle un bon parent avec tout ce qu'elle a vécu et toute la violence dont elle a été témoin chez ses parents?
    Encore une fois, je vous suis reconnaissante de vos commentaires. Ils vont dans la bonne direction. Les personnes qui ont connu cette réalité seraient les plus aptes à s'en occuper. Nous, à l'APN, réclamons qu'on mette en place un plan d'intervention pour s'attaquer à cette situation.
    Merci.
    Madame Tucker.
    Nous passons beaucoup de temps à parler de ce à quoi il faudrait affecter les fonds. Chaque groupe présent à la table nous fait part de défis et d'expériences qui lui sont propres tout en étant communs à tous. En ce qui concerne les premières nations et les Inuits, en particulier, nous parlons de ce qui se passe dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Nous parlons en termes de communautés du Nord et de communautés du Sud ainsi que des éléments communs et des différences qu'on peut y observer.
    Je repense à une anecdote qu'une de mes collègues de travail m'a racontée aujourd'hui. L'une de ses connaissances a été récemment, c'est-à-dire il y a deux ou trois semaines, assassinée par son conjoint, lequel s'est ensuite suicidé. Il y a des gens vivant en milieu urbain qui connaissent des situations tout aussi horribles que ceux qui vivent dans des communautés éloignées, dans les réserves, dans les communautés du Nord ou les communautés les plus reculées. Combien de ces personnes sont oubliées?
    Madame Demers, je pense que vous soulevez un bon point qui nous renvoie à mon avis à notre incapacité d'obtenir des chiffres et des statistiques dignes de confiance. Ceux qui sont membres des premières nations, qui sont Métis ou Inuits sont toujours stigmatisés. C'était manifestement le cas dans l'étude sur les peuples autochtones que Statistique Canada a effectuée en 2006, parce qu'encore aujourd'hui, en 2010, nous devons toujours composer avec les stigmates rattachés au fait d'être Autochtones.
     Nous avons fait beaucoup de chemin, mais il en reste encore beaucoup à faire, en particulier pour les peuples inuits du Nord. Nous oublions souvent qu'ils ont été aussi durement touchés par l'affaire des pensionnats que les premières nations et les Métis.

  (1700)  

    Merci.
    J'aimerais maintenant redonner la parole à Mme Mathyssen, du NPD, pour cinq minutes.
    Si le comité y consent, j'aimerais partager mon temps de parole avec Mme Ashton.
    Le comité acceptera cette requête à l'unanimité.
    C'est d'accord?
    Des voix: D'accord.
    La présidente: Le comité accepte.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup pour vos présentations. En tant que représentante du Nord du Manitoba, je les ai trouvées très stimulantes. Bon nombre d'entre nous connaissons le travail important réalisé par Sœurs par l'esprit et sommes très préoccupés par la situation actuelle et le fait que, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, 10 millions de dollars restent à allouer. Bien sûr, on constate qu'il y a un grave manque de consultation.
    Un certain nombre de questions, semblables à celles que nous avons entendues, me sont venues à l'esprit lors de vos présentations. À l'écoute de vos présentations, j'ai entendu les voix de certaines de mes amies, des femmes avec lesquelles j'ai grandi et qui soulèvent ces questions dans nos collectivités. Des affiches de femmes disparues parsèment les autoroutes de notre région et nos lieux publics. Bien qu'un silence ait été rompu, le mutisme subsiste lorsque vient le moment de trouver des réponses et de composer avec les problèmes fondamentaux.
    Je crois qu'un des thèmes soulevé dans vos présentations sur l'importance de ne pas composer avec la violence uniquement lorsqu'elle est présente, particulièrement dans le domaine de la recherche, est la prévention. J'aimerais connaître vos opinions — madame Tucker, vous avez été la première à la soulever —, sur la question de la non-viabilité du programme, et particulièrement en ce qui a trait à la Fondation autochtone de guérison.
    En tant qu'ardente défenderesse de la Fondation autochtone de guérison et de son programme dans la région que je représente ainsi que dans l'ensemble du Canada, je suis très préoccupée par l'approche gouvernementale à l'égard de la Fondation. Je suis également préoccupée par les commentaires entendus aujourd'hui concernant le fait que l'argent de la Fondation autochtone de guérison soit maintenant entre les mains de Santé Canada. Les organisations communautaires qui ont dû fermer leurs portes vous diront qu'il n'y a pas d'argent pour ce type de programmes, que les employés de Santé Canada ne sont pas là pour combler les manques à gagner et que Santé Canada n'a aucun plan pour reprendre le programme qui a été mis en œuvre par la Fondation autochtone de guérison.
    J'aimerais savoir comment vous percevez l'importance des programmes de guérison; la nécessité de soulever l'expérience des pensionnats; et la nécessité de comprendre qu'il n'est pas simplement question de présenter des excuses, mais plutôt d'être à l'écoute des collectivités et de leur permettre d'élaborer leurs propres programmes. J'aimerais également connaître vos opinions à l'égard d'un éventuel appui fédéral pour ce type de programmes complets, qui aurait également pour objectif de composer avec le problème de la violence faite aux femmes autochtones.
    Qui aimerait commencer?
    Madame O'Hearn.
    Merci.
    C'est essentiel — c'est essentiel —, et j'aimerais partager avec vous quelques exemples de la nécessité de mettre en œuvre des approches distinctes et uniques.
    Au Nunavut, il y a 26 collectivités dispersées sur un très vaste territoire. Il est impossible de mettre en œuvre un réseau complet de services de soutien dans une collectivité de 500 personnes. Par l'entremise de la Fondation autochtone de guérison, un programme d'intervention mobile en situation de crise a été mis au point afin qu'un groupe d'experts puisse se rendre dans les différentes collectivités. Ce n'est pas une solution idéale, mais c'est une approche de guérison élaborée au Nunavut.
    Nous avons élaboré de nombreux modèles dans notre organisation. Nous n'offrons pas de services, mais nous travaillons avec les gens des collectivités et des experts afin d'élaborer des modèles de guérison. Nous travaillons au perfectionnement d'un programme offert « sur le terrain ». Nous travaillons avec Condition féminine Canada sur un projet de deux ans visant à appuyer les femmes qui jouent un rôle de leadership. Ce projet est fondé sur un autre projet intitulé Somebody's Daughter qui rassemble les femmes sur le terrain.
    Pendant une semaine, les gens renouent avec les compétences traditionnelles, comme la fabrication de kamiks et le nettoyage de peaux. Des anciens et des conseillers sont présents. Ce projet a un volet de journalisation. Par conséquent, au cours de cette semaine, les femmes développent leur estime de soi au moyen de différentes activités complémentaires. Cette estime de soi devient un outil très important pour contrer la violence, que ce soit dans leur vie ou au sein de leur collectivité.
    Alors oui, c'est essentiel, mais ça doit être élaboré sur mesure pour les différentes régions et les différentes personnes. La langue est très importante.

  (1705)  

    Madame Boucher.

[Français]

    Bonjour, mesdames. Je suis heureuse que vous soyez présentes.
    Comprendre et connaître ce qui se passe nous tient vraiment à cœur. En effet, on doit avouer une chose malheureuse: je suis d'accord avec Mme Demers quand elle dit qu'en tant que femmes blanches, on ne connaît pas vraiment la réalité des Autochtones, des Innus, des Métis.
    Je suis secrétaire parlementaire depuis presque trois ans. J'ai eu la chance de rencontrer plusieurs groupes. Cependant, je n'ai pas l'habitude de faire ça, mais je vais remettre les pendules à l'heure. Mme Demers a fait ce que j'appelle une crise d'hormones. Le montant de 10 millions de dollars, on l'a investi parce qu'on y croit.
    Selon moi, tout le monde ici autour de la table veut absolument connaître et faire une chose... Je n'ai pas fini. On m'a attaquée, personnellement. Aujourd'hui, je veux comprendre pourquoi les femmes... Il faut que les femmes se mettent ensemble, et non les unes contre les autres, pour comprendre ce qui arrive aux femmes autochtones disparues.
    Je vais répéter ce que j'ai dit, madame Demers. Je répète pour que tu sois présente. J'ai uniquement dit que je voulais remettre les pendules à l'heure. Je ne savais pas comment m'exprimer exactement, j'ai utilisé les mots «  crise d'hormones », mais elle me connaît et sait que ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais remettre les pendules à l'heure parce que je pense qu'on veut comprendre ici pourquoi ça arrive chez les femmes autochtones.
    Si Mme Demers était là, elle pourrait renchérir et Mme Neville aussi. Un jour, des femmes autochtones sont venues. Sur la première page du journal, on voyait la photo d'une femme blanche aux yeux bleus et aux cheveux blonds, qui était disparue. La photo d'une femme autochtone se trouvait à une autre page, floue, non loin de la rubrique des sports. Je m'en souviens parce que ça m'avait fâchée. Je suis blanche et je ne connais pas la réalité des Autochtones, des Innus ou des Métis.
    Cependant, j'aimerais savoir ceci. Vous avez dit un peu plus tôt que vous n'aviez pas d'aide de la police. Que doit faire le comité pour essayer de vous aider le mieux possible, en travaillant ensemble pour aider les femmes autochtones et surtout comprendre ce qui arrive sur le terrain? Comment se fait-il qu'on n'ait pas plus d'informations sur les femmes disparues?

[Traduction]

    Avant de répondre à la question...

[Français]

    J'invoque le Règlement.

[Traduction]

    ... j'aimerais vous faire remarquer, madame Boucher, que nous devons faire très attention à la façon dont nous parlons de nos collègues dans ce comité. J'espère que vous souhaitez retirer les commentaires que vous avez faits au sujet de Mme Demers.
    En tant que présidente, je tiens à préciser qu'à mon avis, ce n'était pas approprié.
    Madame Neville, vous souhaitez dire quelque chose.
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement en raison du commentaire de Mme Boucher.
    J'ai trouvé ce commentaire insultant pour Mme Demers et pour toutes les femmes qui se trouvent dans cette pièce.
    Je crois que la présidente en a pris bonne note.
    Monsieur Desnoyers.

  (1710)  

[Français]

    Je vais retirer mes paroles.
    Comme Mme Neville, je pense que Nicole a parlé avec passion et détermination d'une cause en laquelle elle croit, soit la situation des femmes autochtones partout au pays et celle des femmes, qu'elles soient au Québec ou au Canada. Je pense que c'est une femme de cœur et d'intention. Je suis d'accord pour dire que nous n'avons pas à nous traiter de cette façon, entre nous.

[Traduction]

    Il est inacceptable pour nous, les femmes, particulièrement dans un comité sur la condition féminine qui traite des problèmes des femmes, de laisser sous-entendre que si une femme se montre passionnée par un sujet, les hormones y sont pour quelque chose.
    Madame Boucher, je vous permets de retirer vos propos et de vous excuser.

[Français]

    Par respect pour Mme Demers, que j'aime bien et pour qui j'ai énormément de respect, je retire mes paroles.
    J'accepte ses excuses.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Boucher.
    Nous pouvons maintenant recommencer.
    Madame Rexe, nous avons deux minutes pour répondre à la question.
    J'aimerais faire un bref commentaire.
    Vous avez demandé pourquoi vous n'avez pas la preuve, pourquoi le comité permanent n'a pas reçu la preuve. Je crois que ça a été très clairement expliqué, et reconnu par les autres, même par d'autres groupes ici à cette table, que l'Association des femmes autochtones du Canada a eu la preuve. Ce qui est le plus important, c'est que les gens commencent à écouter et qu'ils demandent au gouvernement de commencer à écouter ce que disent les femmes autochtones.

[Français]

    Est-ce que...

[Traduction]

    Quelqu'un d'autre voulait répondre à cette question?
    Je crois avoir vu la main de Mme Watteyne.
    J'ajouterais peut-être rapidement un commentaire concernant une de nos recommandations: les ressources constituent un problème, mais la volonté politique doit y être. Lors de la prochaine réunion du groupe de travail sur les affaires autochtones, la question de la violence faite aux femmes sera à l'ordre du jour. Par conséquent, nous encourageons le gouvernement fédéral à être présent à cette réunion et à appuyer cette question.
    Vous avez une minute.

[Français]

    La réalité autochtone est loin de mon petit patelin, à Québec, mais j'ai rencontré beaucoup de groupes de femmes. Quand il y a des disparitions, des meurtres de femmes autochtones, l'image qu'on donne de la femme autochtone n'est jamais positive. On l'associe à des troubles. Je pense que c'est aussi une question d'éducation.
     Que peut-on faire, en tant que comité, pour faire changer l'image qu'a la population de la femme autochtone? On entend parler de la violence faite aux femmes autochtones depuis quelques années seulement. Je pense qu'il est très important pour le comité de savoir quels sont les meilleurs outils pour vous aider.

[Traduction]

    Merci. Je prendrai ça comme une déclaration, madame Boucher.
    Nous avons le temps pour une troisième série de questions, mais il s'agira d'une série de trois minutes. Je devrai m'assurer que tout le monde soit très concis, parce qu'autrement, nous n'entendrons que les questions et les témoins n'auront pas l'occasion d'y répondre. L'objectif est d'obtenir de l'information des témoins et non de faire de petits discours.
    J'aimerais à nouveau commencer par Mme Neville du Parti libéral.
    Je ne peux me contenter de trois minutes.
    Des voix: Oh, oh!
    Allez, essayez. Vous pouvez faire une déclaration.
    Merci.
    Aujourd'hui, de nombreuses questions et de nombreux problèmes ont été soulevés.
    Le rapport de la Fondation autochtone de guérison, que je recommande à ceux d'entre vous qui ne l'ont pas encore consulté, aborde la question des déterminants communautaires de la violence familiale et en identifie 12.
    Madame O'Hearn, votre commentaire concernant les rumeurs voulant que les 10 millions de dollars soient investis dans les services policiers et la justice m'a renversé. J'ai examiné les 12 déterminants de la violence familiale identifiés par la Fondation autochtone de guérison et je ne crois pas que le système judiciaire y soit présent, ou alors sa présence est insignifiante.
    Par conséquent, ce qui me préoccupe, et j'apprécierais connaître vos commentaires à cet égard, ce sont les types de ressources et d'appuis nécessaires pour régler certains des problèmes fondamentaux et des causes fondamentales de la violence faite aux femmes autochtones, qu'il soit question de violence conjugale ou de toute autre forme de violence.
    Merci.
    Vous avez environ deux minutes et demie pour répondre à cette question.

  (1715)  

    Merci.
    J'apprécie votre question. Nous devons reconnaître l'existence du racisme, du racisme institutionnel et du racisme dans nos vies quotidiennes. Il n'y a pas de belles mesures bien définies que nous puissions prendre, mais il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites.
    En ce qui a trait aux femmes inuites, il faut également reconnaître que ce n'est que dans les années 1950 que les gens ont été regroupés en collectivités. Par conséquent, en deux générations, il y a eu des changements sans précédent dans le style de vie et la façon d'élever des enfants en plus de l'imposition d'institutions étrangères. Il faut beaucoup de temps pour défaire tout ça et pour retrouver son autonomie et sa maîtrise de soi.
    Merci.
    Est-ce que quelqu'un d'autre voulait répondre à cette question?
    Madame Cloud.
    J'ajouterai simplement que dans notre collectivité, le programme Bon départ est une aide considérable. Ce programme enseigne aux parents comment être de bons parents. Notre programme Bon départ est couronné de succès.
    Merci.
    Et voilà. Vous l'avez fait, madame Neville.
    Madame Brown.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous, mesdames, d'être ici. Ça a été très informatif pour moi. Je suis dans une circonscription urbaine où il n'y a pas de collectivité autochtone. La majorité des renseignements que vous avez donnés aujourd'hui sont nouveaux pour moi.
    Je suis préoccupée par cette absence de données à l'échelle nationale. Je me demandais s'il serait possible de résoudre ce problème avec l'aide de nos forces policières. Comment pouvons-nous travailler avec elles pour recueillir ces données et les rendre disponibles? Comment cela pourrait-il vous aider à aller de l'avant?
    Madame Watteyne.
    Je vous remercie pour cette question, parce que je crois que c'est vraiment essentiel. Je n'ai pas de réponse rapide à vous donner, mais j'aimerais soulever certaines difficultés liées à l'identification au sein du système de bien-être à l'enfance, par exemple, lorsque le système se penche sur les cas d'enfants métis.
    J'ai moi-même mené quelques recherches auprès de sociétés d'aide à l'enfance de l'Ontario. J'ai rencontré les responsables et je leur ai demandé comment ils composent avec les enfants et les familles métis. Le problème est que, bien souvent, ils ne savent pas qui sont les enfants métis. S'ils semblent noirs, ils sont traités d'une certaine manière. S'ils semblent blancs, ils ne sont sans doute pas comptés dans les statistiques. Par conséquent, aucune distinction n'est faite lorsqu'ils font appel à ce service. Je crois que les forces policières de l'ensemble du Canada ont connu la même situation, ce qui, à mon avis, explique en partie l'absence de données particulières aux Métis sur les femmes et les enfants disparus.
    Souhaitez-vous que les forces policières posent des questions sur les origines? Est-ce improductif ou est-ce des renseignements que vous souhaitez que les policiers inscrivent dans leurs rapports? En fait, ma question est la suivante: Est-ce que bon nombre de ces choses sont passées inaperçues parce que les policiers ne savent pas qu'ils doivent poser cette question? Est-ce une question trop délicate? Voulons-nous que les policiers la posent?
    Encore une fois, cette question s'adresse à tous.
    En fait, ils ne peuvent pas tous répondre parce qu'il ne nous reste que 30 secondes.
    Madame Rexe.
    Nous avons parlé avec la GRC et nous avons travaillé avec le service de police de Winnipeg. Un des problèmes concernant la question de l'identification est que les policiers ne sont pas à l'aise de poser cette question. Ils n'ont pas reçu de formation à cet égard et craignent de commettre un impair culturel.
    C'est un des obstacles. Un autre obstacle est qu'il s'agit d'une question fondée sur la perception au sein du corps policier. C'est la perception de l'agent de police qui détermine l'identité autochtone d'une victime, qui est souvent identifiée comme autochtone dans une approche pan-autochtone qui n'est pas particulière aux premières nations, aux Métis ou aux Inuits. Cela crée d'énormes problèmes relativement aux chiffres réels de l'agrégat.
    Je crois que nous devons améliorer le travail que nous faisons avec les forces policières. Les forces policières, en particulier la GRC qui couvre 75 p. 100 de toutes les juridictions policières du Canada, refusent systématiquement de répondre à la question de l'identité parce qu'il y a différents détachements et différentes juridictions de la GRC qui recueillent ou non cette information, et qu'il n'y a pas de réponse juste à la question sur l'identité ethnique.

  (1720)  

    Merci, madame Rexe.
    C'est maintenant au tour de M. Desnoyers.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, j'ai vu une émission à Radio-Canada il y a environ deux ou trois mois, où on voyait des femmes autochtones d'un peu partout au Canada, qui faisaient la rue. On voyait directement le racisme, le sexisme, et même l'abus de ces femmes. Ce n'était pas commis par d'autres Autochtones, mais par des Blancs. L'une d'entre vous, je ne me rappelle pas laquelle, a parlé un peu plus tôt de prévention de la maltraitance. Ça peut s'adresser aux Autochtones, bien sûr, mais je crois que ça pourrait s'adresser aussi aux communautés situées près des réserves autochtones, là où souvent les femmes descendent. On parle ici de Vancouver, mais je peux aussi vous parler de villes du Nord du Québec. Les femmes partent des réserves et viennent dans ces villes. C'est là que commencent beaucoup de choses.
    On parlait de la prévention de la maltraitance. Regarde-t-on aussi le volet sensibilisation, information des communautés blanches qui sont près de ces réserves? Je ne crois pas que la culture ait changé beaucoup entre le dominé et le dominant, encore aujourd'hui.

[Traduction]

    Vous avez une minute et demie pour répondre aux questions.
    Madame Tucker.
    Je pense que nous devons nous pencher de nouveau sur le racisme systémique et reconnaître que des générations de Canadiens ont une image très fausse des expériences des Inuits, des Métis et des premières nations du Canada. Si nous voulons vraiment commencer à lutter contre la violence et les agressions, nous devons nous attaquer aussi au racisme.
    Quelqu'un aimerait-il approfondir cette question? Non?
    Il vous reste une minute, monsieur Desnoyers.

[Français]

    Vous avez parlé de programmes de prévention. Avez-vous pensé à informer les communautés blanches situées près de ces réserves? Je ne sais pas comment on pourrait faire, mais il faudrait peut-être aller dans les écoles de Blancs pour parler de ces cultures, c'est-à-dire d'où on vient, finalement. Comme Nicole le disait, il faut parler de l'histoire, parce que c'est ce qui a marqué notre pays. Je pense que vous en faites grandement partie. Je sais que, souvent, on bannit des livres d'histoire des choses qu'on ne veut plus voir, parce qu'on pense que c'est loin de nous, mais en réalité, tout le monde est encore là.

[Traduction]

    Je pense que c'est une bonne idée. Nous mettons en place des programmes dans nos écoles secondaires en collaboration avec le ministère de l'Éducation, afin d'aider nos élèves à comprendre pourquoi la crise d'Ipperwash a éclaté. Je pense que c'est une bonne idée, et il y a aussi le conseil scolaire de Lambton-Kent — ses écoles secondaires que nos élèves fréquentent — qui demande aux élèves à l'extérieur des réserves d'indiquer leur appartenance à l'un des groupes suivants: Autochtones, non-Autochtones ou Métis. C'est une autre façon de recueillir des données. Des changements subtils peuvent être apportés grâce à l'éducation.
    Merci, chef Cloud.
    Je cède maintenant la parole à Irene Mathyssen. Notre temps est bien compté, alors je vais m'assurer que les deux prochains témoins respectent les trois minutes qui leur sont accordées. Ce sera d'abord Mme Mathyssen suivie de M. Calandra.
    Merci, madame la présidente.
    Je suis heureuse d'apprendre, chef Cloud, qu'un enseignement est donné en ce moment, parce que les foules qui échappent à tout contrôle m'effraient. Elles me font peur.
    On a reproché aux stratégies de prévention de la violence — je vais vous faire un aveu — de placer la responsabilité sur les épaules de la victime: elle doit voir à sa propre sécurité. Dans les faits, ces stratégies déresponsabilisent l'auteur de l'agression, et évidemment, la société tend à accepter cette situation parce que « la victime » est responsable.
    Je me demande ce qui pourrait aider les femmes et refléter les besoins réels des femmes autochtones d'une façon plus constructive. Je sais que ce commentaire est plutôt vague, mais peut-être que vous pourriez commenter les stratégies de prévention.
    Madame Rexe.
    Je pense que nous devons souvent sortir des sentiers battus lorsqu'il est question des stratégies de prévention. Parmi les nouveaux enjeux que nous avons décelés, il y a l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale, le trafic de personnes et l'exploitation sexuelle des femmes. Il faut aussi changer le langage que nous utilisons sur la façon d'identifier les victimes ainsi que les solutions ou les possibilités de solutions qui s'offrent à nous.
    Pour relever ces défis, il nous faut faire preuve d'imagination. Les femmes sont rarement inscrites à des programmes de déjudiciarisation lorsqu'elles sont appréhendées pour prostitution, tandis que les hommes peuvent avoir accès à des cours obligatoires pour clients de prostituées, ce qui représente probablement, selon moi, une politique fondée sur le sexe en vue de protéger les hommes d'une accusation au pénal. De leur côté, les femmes, qui sont victimisées ou exploitées sexuellement, sont accusées d'une infraction criminelle et obtiennent un dossier criminel.
    Par le fait même, elles s'enfoncent davantage dans un système de victimisation qui les oblige à lutter constamment contre le système de justice pénale. La meilleure façon de prévenir les abus et les infractions à la justice pénale est probablement de sortir des sentiers battus et d'envisager la possibilité d'encadrer les jeunes femmes et les filles qui se livrent au commerce du sexe. On doit aussi proposer des solutions positives pour les femmes autochtones qui font trop souvent face à ce type de situation.

  (1725)  

    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Calandra.
    Chef Cloud, vous avez parlé à deux ou trois reprises d'Ipperwash. Je me demande ce qui est advenu des changements apportés au sein de la PPO. Vous avez parlé d'un cours de sensibilisation. Avez-vous, vous ou votre communauté, participé à ce cours? Quels autres changements propres à votre communauté ont été apportés depuis, et comment la communauté les a-t-elle acceptés?
    De toute évidence, la situation était extrêmement tendue. Si nous avons constaté des changements positifs là-bas, nous pourrions peut-être commencer à appliquer ce modèle ailleurs, particulièrement dans les corps de police, dans la mesure où vous les aidez à mieux comprendre comment entrer en relation avec les communautés autochtones.
    Les gens sont certainement encore effrayés lorsqu'ils voient — maintenant — la voiture noire; ils ont changé sa couleur.
    Cependant, nous avons vraiment fait la promotion dans la région du cours de sensibilisation. En fait, nous avons eu, en novembre dernier, un symposium important avec tous les agents d'application de la loi — la PPO, le corps de police de Sarnia, le corps de police de Nishnawbe, la patrouille frontalière et Pêches et Océans — ainsi que l'ensemble de nos communautés pour discuter des outils qui seront utilisés lorsque les corps de police auront terminé leur formation.
    Ils ont aussi désigné certains agents principaux de la PPO à qui je peux m'adresser directement par téléphone afin d'établir de meilleures lignes de communication. Si une situation se produit où je dois aussi faire appel à un agent de la PPO — nous avons à notre disposition le corps de police de Nishnawbe —, j'ai le nom de personnes vers qui je peux me tourner. Ils ont donc désigné des personnes précises.
    Je pense qu'ils ont accordé plus d'attention au cours de sensibilisation de façon à ce qu'ils ne croient pas avoir terminé leur sensibilisation après avoir regardé une vidéo de cinq minutes. Dans les faits, il y a actuellement un court programme qui peut prendre plus de quelques heures. Un agent du corps de police de Sarnia m'a même confié que le seul cours de sensibilisation qu'il a suivi est une vidéo de cinq minutes.
    Il faut tenter de renouer les relations de façon générale et faire en sorte que cela devienne une composante très importante du cours de sensibilisation. Pour la PPO, l'une des recommandations qu'ils ont formulées était qu'elle apporte son aide pour renouer les relations dans la communauté.
    Je ne suis pas certaine qu'ils en font réellement partie, mais nous avons un conseil municipal de première nation, et nous tenons maintenant des réunions. Notre députée provinciale, Maria Van Bommel, y siège comme présidente, parce que nous voulions nous assurer que c'était un comité respecté plutôt qu'un simple lieu de rencontre. Nous parlons maintenant d'une stratégie pour l'ensemble de la plage d'Ipperwash, parce que nous partageons tous le même territoire.
    Je suis donc d'avis que des mesures importantes ont été prises, et nos agents, dont certains ont joué un rôle dans la crise d'Ipperwash, sont aussi intervenus dans la crise de Caledonia, en s'inspirant de leur expérience. Nous avons aussi le centre Simon Wiesenthal, un centre qui traite de l'Holocauste, où vous pouvez participer à certains ateliers, pour nous aider à comprendre nos différences. Ces ateliers s'intitulent « outils de tolérance ».
    Nous avons accompli un certain nombre de choses, mais nous ne pouvons jamais vraiment oublier le fait que certaines personnes qui étaient présentes cette nuit-là reculeront si elles voient une voiture de la PPO les suivre. Le frère de Dudley George, qui était avec lui dans la voiture cette nuit-là, est en voie de guérison. Il conçoit pour nous un monument, et il voit à son aménagement. C'est la façon dont il réussit à surmonter la perte de son frère cette nuit-là.
    Des mesures très positives ont donc été prises.
    Merci beaucoup, madame Cloud.
    Je pense que c'est maintenant la fin. J'aimerais remercier nos témoins d'avoir fait preuve de franchise dans leurs échanges avec nous.
    Je tiens à formuler un commentaire cependant. J'en comprends que le fonds est de 10 millions de dollars sur deux ans. De plus, je ne pense pas que les Blancs sont les seules personnes racistes à l'endroit des Autochtones. Je crois que de nombreuses personnes qui immigrent au pays ne comprennent pas l'histoire et cela se traduit dans leur comportement. Je préférerais que nous utilisions les termes « racisme systémique envers les non-Autochtones » plutôt que de simplement choisir un groupe ethnique et de nous en tenir à lui.
    Merci beaucoup de votre présence.
    Quelqu'un veut demander que la séance soit levée?

  (1730)  

    Je propose la levée de la séance, madame la présidente.
    La séance est levée.
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