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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 005 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 mars 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, à l'article 129 de la Loi sur les espèces en péril, et à la motion adoptée par le comité le 16 mars, nous entamons notre cinquième réunion consacrée à l'examen de la Loi sur les espèces en péril.
    Nous accueillons à nouveau des représentants ministériels qui vont d'abord nous expliquer les principales dispositions de la loi. Il s'agit de Virginia Poter, directrice générale, Service canadien de la faune, Gilles Seutin, Direction de l'intégrité écologique, Agence Parcs Canada, et Pardeep Ahluwalia, directeur général, Direction générale des espèces en péril, ministère des Pêches et Océans.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous.
    Je crois comprendre, madame Poter, que c'est vous qui allez commencer. Vous avez la parole.
    Bon après-midi. Je représente Environnement Canada et, comme vous l'avez dit, je suis accompagnée de collègues de Pêches et Océans et de Parcs Canada. Ce sont nos trois ministères qui assurent la mise en œuvre de la Loi sur les espèces en péril.
    Je vais me charger de la déclaration liminaire et mes collègues et moi-même ferons ensuite notre possible pour répondre à vos questions.
    Je vais vous donner un aperçu très général de la loi, pour vous en rappeler les grandes lignes, et vous donner aussi un aperçu de l'ébauche des politiques de la LEP publiée depuis la dernière comparution de nos représentants devant le comité.
    Permettez-moi d'abord d'exposer le contexte général de la Loi sur les espèces en péril. Il existe au Canada plusieurs lois — fédérales, provinciales et territoriales — destinées à protéger la faune. Les lois précédentes, comme la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, visaient à encourager l'adoption de mesures pour préserver les espèces communes mais on a constaté que les mesures de prévention n'étaient pas suffisantes et qu'il convenait de prévoir certaines mesures d'urgence en complément de cette mosaïque législative. C'est pour cette raison que la LEP a été adoptée en 2003.
    Comme l'indique la quatrième diapositive, la LEP est fondée sur la conviction qu'il est dans notre intérêt de protéger les espèces en péril. La biodiversité canadienne est essentielle à la santé et au bien-être de la population et à la prospérité de notre économie. Une proportion de près de 14 p. 100 du PIB canadien dépend d'écosystèmes sains: forêt, agriculture, pêche et loisirs.
    Des écosystèmes sains assurent également d'autres bienfaits que ne reflètent pas directement les comptes nationaux, comme la séquestration du carbone, la qualité de l'air et de l'eau, la prévention des maladies et la lutte contre les ravageurs, la pollinisation des cultures vivrières, ainsi que d'autres bienfaits à caractère esthétique ou spirituel. Pour offrir ces bienfaits, les écosystèmes ont besoin de populations viables et diversifiées d'espèces, lesquelles ont besoin d'habitats. La perte ou la fragmentation des habitats est la principale source de péril des espèces.
    Les espèces vivant à la périphérie de leur habitat — ce qui est le cas de nombreuses espèces canadiennes en péril — peuvent comporter des adaptations génétiques importantes, lesquelles sont susceptibles de contribuer à la banque de matériau génétique essentiel pour l'innovation dans des secteurs économiques clés tels que l'agriculture, la foresterie et l'industrie pharmaceutique. La présence d'espèces en péril peut également être un indice avancé de déséquilibre de l'écosystème. Il est donc dans notre intérêt de protéger les espèces en péril.
    Nous indiquons sur la cinquième diapositive que la LEP a été adoptée pour prévenir la disparition ou l'extinction d'espèces fauniques et pour assurer leur rétablissement. Elle s'applique à toute la faune du Canada, c'est-à-dire aussi bien aux grands mammifères qu'aux poissons, aux insectes, aux plantes, etc. La LEP prévoit un processus pour évaluer scientifiquement le statut des espèces, ainsi qu'un mécanisme d'inscription des espèces menacées. Elle comporte également des dispositions de protection des individus des espèces fauniques inscrites, ainsi que de leurs habitats essentiels.
    La LEP est prescriptive quant à la manière dont ces objectifs doivent être atteints. Elle comporte des échéanciers de mesures à prendre, ainsi que des exigences de consultation lorsque la plupart des décisions cruciales doivent être prises.
    Je passe à la sixième diapositive. Les espèces se moquent des champs de compétence des gouvernements et il est donc crucial que ceux-ci collaborent à leur protection. De fait, le partage des responsabilités est explicitement prévu par la loi. Le gouvernement fédéral ne saurait assurer à lui seul la protection de la faune du Canada.
     En 1996, le gouvernement fédéral et les provinces et territoires ont signé l'Accord pour la protection des espèces en péril dont le but est de prévenir la disparition d'espèces à cause de l'activité humaine. La LEP est la loi fédérale clé pour assurer la mise en œuvre de l'accord.
    En vertu de la LEP, la redevabilité est exercée par le ministre des Pêches et Océans et par le ministre de l'Environnement, ce dernier assumant aussi la responsabilité de la mise en œuvre générale de la loi, de la protection des espèces présentes sur les terres fédérales et de la formulation de recommandations pour le GC. Comme Parcs Canada relève également du ministre de l'Environnement, celui-ci assume la responsabilité de toutes les espèces, terrestres ou aquatiques, présentes dans les parcs.
    Le ministre des Pêches et Océans est chargé d'assurer la mise en œuvre de la loi pour toutes les espèces aquatiques en dehors des parcs nationaux, et d'adresser des recommandations au ministre de l'Environnement pour l'inscription des espèces aquatiques. Les provinces et territoires sont des partenaires essentiels qui assument la responsabilité des espèces terrestres présentes sur les terres provinciales publiques et privées. Étant donné ce partage des responsabilités à l'égard des espèces en péril, nous avons un certain nombre de structures de gouvernance, de conseil et de soutien.
    Je passe rapidement sur la septième diapositive en notant simplement qu'elle avait déjà été présentée lors d'une comparution précédente afin d'illustrer le cadre opérationnel s'appliquant aux provinces, aux territoires et à nous-mêmes. Nous avons adopté ce « cycle LEP », comme nous l'appelons, comme cadre d'élaboration des politiques dont je veux maintenant vous parler.

  (1535)  

    Passons à la huitième diapositive. Étant donné la complexité de la LEP, on a pris dès le départ l'engagement de formuler des politiques indiquant la manière dont le gouvernement fédéral interprète la loi et les obligations qui en découlent. Ce travail avait commencé peu après la promulgation de la loi mais, considérant le rôle crucial que jouent les provinces et territoires à l'égard des espèces en péril au Canada, il a été suspendu jusqu'à l'élaboration du cadre national que je viens de mentionner.
    Après l'élaboration de ce cadre, des représentants d'Environnement Canada, de Pêches et Océans, de Parcs Canada et du ministère de la Justice ont entrepris d'élaborer des politiques avec la participation intensive des provinces, des territoires et d'autres parties prenantes. L'ébauche des politiques a été publiée en décembre 2009 et nous y mettons actuellement la dernière main.
    Voyons donc maintenant chacun des chapitres de la politique globale, en commençant par la neuvième diapositive.
    Le premier chapitre est consacré à l'évaluation, laquelle est effectuée par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, ou COSEPAC. Le COSEPAC est un organisme indépendant composé de représentants des trois paliers de gouvernement, de scientifiques, d'organismes autochtones, d'organisations non-gouvernementales et du secteur privé. Ces évaluations sont fondées sur des critères quantitatifs et tirent parti des connaissances scientifiques, du savoir autochtone traditionnel et du savoir communautaire.
    Je dois préciser que le COSEPAC fait le point sur la situation de la faune au Canada, pas au niveau mondial comme c'est le cas selon la loi américaine. Il importe de souligner aussi que les facteurs socio-économiques ne sont pas pris en compte dans les évaluations du COSEPAC et que c'est lui-même qui fixe ses priorités, pas le gouvernement.
    Dixième diapositive. Le deuxième chapitre de la politique porte sur le processus d'inscription des espèces et sur les mesures de protection qui en découlent. La diapositive suivante, que je n'explique pas, indique les étapes du processus d'inscription.
    L'un des éléments clés de ce chapitre est la période de neuf mois fixée dans la loi pour effectuer l'inscription. Le décompte commence dès réception de l'évaluation par le gouverneur en conseil et non pas dès que le COSEPAC a adressé une évaluation au ministre de l'Environnement. Il est également indiqué dans la politique que les lois fédérales, comme les lois sur les pêches ou la Loi sur les parcs nationaux du Canada, peuvent être invoquées en plus de la LEP s'il y a lieu.
    On précise aussi dans ce chapitre ce qu'entend le gouvernement du Canada par une protection efficace. Il s'agit de la protection que les provinces et territoires assurent aux espèces en péril relevant de leur responsabilité, c'est-à-dire pas les oiseaux migrateurs ni les espèces aquatiques mais les autres espèces présentes sur les terres non fédérales.
    J'ajoute quelques mots au sujet de l'inscription. Tout d'abord, celle-ci se fait au moyen d'un processus de réglementation, ce qui veut dire qu'elle est assujettie à la politique du gouvernement sur la réglementation, notamment à la directive du Cabinet sur la rationalisation des textes réglementaires. L'une des exigences de cette directive concerne l'inclusion d'une évaluation de l'incidence du règlement, ce qui veut dire qu'on doit évaluer l'incidence socio-économique du texte réglementaire proposé. Dans le cas de la LEP, c'est au moment de l'inscription plutôt qu'au moment de l'évaluation que les facteurs socio-économiques entrent en jeu.
    Je passe à la douzième diapositive qui porte sur la planification du rétablissement et présente un processus en deux étapes pour les espèces déracinées, en voie de disparition ou menacées. Nous devons élaborer une stratégie de rétablissement ainsi qu'un plan d'action alors que, pour les espèces préoccupantes, nous n'avons qu'à préparer des plans de gestion. Les stratégies de rétablissement et les plans d'action peuvent...
    On me dit qu'il ne me reste qu'une minute. Je me demande sur quoi conclure.
    Je pense qu'il serait important de préciser que, dans le cadre des stratégies de rétablissement, nous devons dans toute la mesure du possible identifier les habitats essentiels. C'est l'un des aspects cruciaux de l'élaboration de ce document. L'identification d'un habitat essentiel doit nécessairement en préciser le lieu ainsi que les caractéristiques qui le rendent tellement important pour l'espèce en péril.
    L'identification d'un habitat essentiel est destinée à en assurer la protection contre les activités humaines qui entraîneraient sa destruction. De ce fait, l'étendue, la qualité et l'emplacement de l'habitat sont définis en fonction de la population indiquée et de l'objectif de distribution mais pas de facteurs socio-économiques. C'est un élément crucial que nous rappelons constamment à maintes parties prenantes.

  (1540)  

    Je n'insiste pas sur la treizième diapositive, si ce n'est pour dire que depuis cinq ans — près de six maintenant — que la loi est entrée en vigueur, nous avons acquis une très bonne idée de ce que doit être un bon document. De ce fait, nous avons récemment mis à jour nos indications sur la manière de produire des documents beaucoup plus cohérents et utiles.
    Je vous interromps un instant, madame Poter, parce que nous venons de dépasser 10 minutes.
    Les membres du comité sont-ils d'accord pour permettre à Mme Poter de terminer son exposé? Je pense que ce serait utile pour notre information à tous.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Avec l'accord du comité, vous pouvez continuer.
     Merci beaucoup.
    La quatorzième diapositive porte sur le processus de mise en application, qui est la quatrième étape du cycle. Au Canada, comme je l'ai dit, protéger les espèces en péril est une responsabilité partagée. Par conséquent, comme le montre ce chapitre de la politique, la mise en œuvre est assurée par les diverses parties en employant diverses méthodes.
    Il est notamment indiqué dans la LEP que le fondement de la planification du rétablissement est une démarche de bonne gérance. On trouve aussi dans ce chapitre divers outils qu'emploie le gouvernement fédéral, notamment des choses telles que des programmes de financement, comme le programme de gérance de l'habitat, nos terres fédérales protégées, dont les parcs nationaux, ainsi que l'évaluation environnementale, la réglementation, les permis, etc.
    La quinzième diapositive porte sur le dernier chapitre de la politique qui concerne la surveillance et l'évaluation des activités de protection, de rétablissement et de gestion des espèces. Étant donné que la LEP est cyclique, la surveillance et l'évaluation fondent tous les cycles de la LEP au moyen de divers mécanismes. Le but est de mesurer les progrès réalisés par rapport aux objectifs de rétablissement, l'efficacité de notre action, ainsi que la validité des buts et des objectifs que nous avons fixés.
    Je conclus en présentant la seizième diapositive qui donne un très bref aperçu des principales mesures de protection que permet la LEP. Il s'agit d'abord d'interdictions générales, c'est-à-dire du fait qu'il est interdit de tuer un individu d'une espèce en péril, de lui nuire, de le harceler, de le capturer, de le prendre, de le collectionner, de l'acheter, de le vendre ou de l'échanger. En outre, il est interdit d'endommager ou de détruire ses lieux de résidence.
    Ces interdictions générales s'appliquent seulement aux espèces déracinées, en voie de disparition ou menacées, pas aux espèces suscitant une préoccupation spéciale. Elles s'appliquent d'office aux oiseaux migrateurs, aux espèces aquatiques et aux autres espèces présentes sur les terres fédérales.
    L'autre mesure de protection cruciale concerne l'habitat essentiel, et elle suscite toujours beaucoup d'intérêt chez nos parties prenantes. Une fois qu'un habitat essentiel est identifié, il doit être légalement protégé s'il se trouve sur les terres fédérales. S'il se trouve sur des terres non fédérales, il doit être efficacement protégé par les lois de la province ou du territoire. Le ministre considérera que cette protection législative est efficace si elle procède d'un texte à caractère exécutoire qui produit efficacement le résultat souhaité.
    La dernière diapositive porte sur les deux dernières mesures de protection que permet la LEP, la première étant le filet de sécurité.
    Si le ministre estime, après avoir consulté la province ou le territoire concerné, que ses lois ne protègent pas efficacement l'espèce, ses lieux de résidence ou son habitat essentiel, il peut recommander au GC d'imposer une interdiction pour protéger l'espèce, ses lieux de résidence ou toute partie de son habitat essentiel. C'est ce qu'on appelle un décret de filet de sécurité. Dans cette situation, le ministre recommandera au GC d'abroger le décret une fois que la province ou le territoire aura adopté un texte assurant la protection souhaitée.
    La dernière mesure est la protection par décret d'urgence. En vertu de la LEP, le GC peut, sur recommandation du ministre pertinent, adopter un décret d'urgence s'il estime une mesure de protection au titre des autres dispositions de la LEP ne pourra pas être adoptée à temps pour assurer la survie ou le rétablissement de l'espèce. Il ne formulera une telle recommandation qu'après avoir consulté les autres ministres compétents — le ministre des Pêches et Océans ou le ministre de l'Environnement — et en avoir éventuellement discuté avec les peuples ou gouvernements autochtones s'il y a lieu.
    Je termine ici ce survol très général de la loi et de l'ébauche des politiques. Mes collègues et moi-même répondrons maintenant avec plaisir à vos questions.

  (1545)  

    Merci beaucoup. Je vous remercie de cet exposé.
    J'attire à nouveau l'attention des membres du comité sur ce passage du chapitre 20 de l'O'Brien and Bosc: « on a dispensé les fonctionnaires de commenter les décisions stratégiques prises par le gouvernement ». On a souvent tendance à aller dans cette voie quand on interroge nos fonctionnaires et je tiens donc à vous rappeler de limiter vos interventions à la nature de la loi et à l'examen que nous avons entrepris.
    Monsieur McGuinty, c'est à vous d'ouvrir le bal. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je veux commencer en parlant de la science, mot qui a souvent été employés ici. Vous avez fait allusion à la notion de capital naturel. Vous n'avez pas employé l'expression mais vous y avez fait allusion en parlant d'écosystèmes sains. Lors de notre dernière réunion, consacrée aux prévisions budgétaires, nous avons entendu dire que du travail est en cours — probablement pas assez à notre gré, sans doute — sur l'élaboration d'indicateurs qui déboucheraient sur une nouvelle série de comptes nationaux, par exemple, à Statistique Canada. Je suis sûr que vous aimeriez voir ça mais je veux parler de science.
    Durant votre exposé, vous n'avez jamais parlé de changement climatique. Je ne pense pas que vous l'ayez fait. Je vous ai suivie page à page et je n'ai rien vu sur le changement climatique. Pouvez-vous aider les Canadiens à comprendre dans quelle mesure le ministère fait de la science en vertu de la loi? Donnez-nous une idée du nombre de scientifiques qu'il y a et de l'argent qui est dépensé. Avez-vous relié les espèces en péril à la menace dominante que présente aujourd'hui la crise du changement climatique? Ça ne figure nulle part ici et pouvez-vous donc nous donner une explication?
    Je vais essayer mais je devrai certainement vous envoyer des précisions plus tard. Je n'ai pas de statistiques au sujet d'Environnement Canada et de la proportion de nos ressources que nous consacrons au changement climatique. Cela ne fait pas partie de mon champ d'action, si vous voulez, mais, si c'est ce que souhaite le comité, nous pouvons certainement trouver l'information. Je ne sais pas si nous recueillons des informations de cette manière.
    En ce qui concerne les espèces en péril, le changement climatique est certainement un facteur qui, pour certaines d'entre elles, est l'une des principales menaces à la survie et au rétablissement, mais ce n'est pas le cas pour toutes. Ce que nous avons généralement constaté, c'est que le plus grand risque pour une espèce provient de la perte ou de la fragmentation de son habitat, ainsi que des espèces envahissantes. Dans le cas des espèces terrestres, le changement climatique est l'un des facteurs qui conduisent peut-être à la transformation du milieu terrestre, ce qui est peut-être un facteur contribuant à la perte ou à la fragmentation de l'habitat mais, pour le moment, ce n'est pas en soi une menace fondamentale pour les espèces en péril.
    Combien de science faisons-nous? Je comprends ce que vous dites: les deux plus grandes sources de stress pour les espèces sont la perte/fragmentation de l'habitat et les espèces envahissantes. Vous venez juste de dire aussi que le changement climatique est un facteur fondamental sur ces deux plans.
    Il peut l'être, oui.
    Il peut l'être, mais combien faisons-nous? Que fait votre service? Savez-vous combien on en a fait par le truchement de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère qui, vous ne le savez peut-être pas, est en train d'être liquidée?
    À mon avis, le risque primordial pour les espèces est le changement climatique. Suis-je dans l'erreur? Les Canadiens sont-ils dans l'erreur? Dans l'immédiat et peut-être même à moyen terme, ce n'est peut-être pas le cas mais, à plus longue échéance, l'accroissement de la température, la désertification et l'accroissement de la température de l'eau ont tous une incidence profonde sur les espèces pour l'avenir. J'essaie simplement de me faire une idée à ce sujet.
    J'ai souvent posé des questions à ce sujet, comme le sait le président. Au cours des cinq dernières années, je n'ai cessé de réclamer un plan du gouvernement sur le changement climatique. Je n'en ai jamais vu et je me demande donc si vous-même tenez compte de la crise du changement climatique dans la mise en œuvre de la Loi sur les espèces en péril, sans parler de son examen.
    J'essaie de comprendre comment nous pouvons améliorer ce projet de loi pour nous assurer que cela est pris en compte et qu'on consacrera le niveau approprié d'études scientifiques au changement climatique et à son incidence sur les espèces. Pouvez-vous nous aider à relier ces choses?

  (1550)  

    Je peux essayer mais j'espère que mes collègues donneront aussi leur avis.
    Je commence par dire que notre mise en œuvre de la Loi sur les espèces en péril est fondée sur l'étape de l'évaluation, laquelle est exécutée par un comité indépendant, le COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ces scientifiques, des titulaires de doctorat, sont issus de nombreux milieux, notamment gouvernementaux, ONGistes, industriels et universitaires. Ils étudient les espèces. Quelle est l'incidence sur l'ours polaire, par exemple? C'est peut-être une chose mais, dans le cas d'un oiseau, ce sera autre chose.
    Le temps m'est compté, madame Poter. Je vous comprends parfaitement. Ce que vous dites, c'est que ça dépend en réalité de la spécificité de l'espèce, n'est-ce pas?
    Oui, je crois.
    Je comprends. Des chercheurs de haut niveau, du COSEPAC et d'ailleurs, seraient invités à dire si nous avons telle ou telle espèce en péril, déracinée ou je ne sais quoi.
    Moi, je vous demande si nous avons des informations à ce sujet et si la LEP forcera les Canadiens à se préparer au caractère inévitable du réchauffement de la planète à cause de la crise du changement climatique. En avez-vous une indication générale? Est-ce que la LEP nous oblige à nous préparer, pas après que le dommage a été causé ou que les stress ont été identifiés et mesurés? Nous savons ce qui nous attend. Il faut être idiot pour ne pas croire que le climat est en train de changer et que la température monte. Même le gouvernement a dit que nous allons nous battre pour limiter la hausse de température à 2 °C. À Copenhague, il a signé chaque document qui disait cela.
    Ne faisons-nous rien à ce sujet pour l'avenir? Est-ce que la LEP ne nous oblige pas en réalité à essayer de protéger cet énorme capital naturel — qui sera en péril avec le temps —, pas après coup mais avant?
    Permettez-moi d'ajouter un mot. De par sa structure, la LEP est très prescriptive et elle nous charge essentiellement de nous pencher sur les menaces immédiates auxquelles sont confrontées les espèces. C'est une sorte de salle d'urgence.
    Étant donné que, dans la diffusion de nombreuses espèces envahissantes, de maladies et de choses comme ça, des tendances à long terme apparaissent peu à peu, la LEP, de par la manière dont elle est structurée, nous dit en réalité de nous attaquer à l'urgence immédiate. Dans ce cas, il s'agit en réalité d'extirper l'ivraie envahissante qui empêche le bon grain de s'épanouir.
    Il est clair qu'une politique environnementale exhaustive se doit de tenir compte des tendances sous-jacentes à long terme mais la LEP, comme législation, est fondée sur cette réponse immédiate et actuelle.
    Merci.
    Votre temps de parole est écoulé, monsieur McGuinty.
    C'est au tour de M. Bigras.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de comparaître devant le comité.
    Je vais diviser mon intervention en me fondant sur votre diagramme de la page 7. Je vais me limiter en quelque sorte à trois éléments, soit l'évaluation, la protection et la planification du rétablissement.
    L'inscription d'une espèce sur la liste est déterminée en grande partie par une analyse et un rapport scientifiques ainsi que par les rapports du COSEPAC. Ces gens font des études sur la vulnérabilité de certaines espèces et la menace dont elles font l'objet.
    Est-ce la norme, pour le ministère, d'inclure dans la liste une espèce qui, selon les scientifiques, est vulnérable ou menacée? Est-ce automatique?
    Prenons l'exemple précis des espèces de poissons marins. D'après ce que je comprends, le gouvernement a toujours rejeté la recommandation du COSEPAC voulant qu'on inscrive des espèces de poissons marins dans la liste des espèces en voie de disparition.
     Comment peut-on expliquer que le ministère, qui doit en principe faire confiance aux scientifiques, décide de passer outre à une recommandation de ces derniers?

  (1555)  

[Traduction]

    Je peux commencer et mes collègues de Pêches et Océans continueront.
    La manière dont la loi a été conçue fait qu'on attend d'abord du COSEPAC qu'il donne le point de vue scientifique sur les besoins de l'espèce. À partir de ça, on applique une analyse socio-économique et on formule une recommandation qui est communiquée au gouverneur en conseil pour qu'il prenne une décision d'inscription, fondée sur la recommandation du ministre de l'Environnement. Dans bien des cas, mais pas tous, l'évaluation — pas la recommandation mais l'évaluation — du COSEPAC est acceptée et débouche sur une décision d'inscription du gouverneur en conseil.

[Français]

    Ce n'est donc pas automatique. Lorsque l'avis des scientifiques a été rejeté et que, par conséquent, l'espèce n'a pas été incluse dans la liste, dans combien de cas les facteurs économiques ont-ils été les éléments clés de la décision? N'y a-t-il pas une espèce de saumon qui n'a pas été incluse dans la liste pour des raisons économiques? Est-ce possible?

[Traduction]

    L'un des facteurs dont tiendra compte le GC est de savoir s'il y a d'autres lois pouvant protéger l'espèce en péril. C'est l'une des décisions qui doivent être prises lorsque que le GC prend une décision en matière d'inscription.

[Français]

    D'accord.
     Y a-t-il un délai prescrit par la loi pour l'inscription des espèces dans la liste? Je suppose qu'il doit y avoir une limite en termes de mois ou d'années. Je ne la connais pas. Je n'ai que la moyenne.

[Traduction]

    Nous indiquons dans la onzième diapositive quel est le processus d'inscription mais je ne l'ai pas exposé en détail pour gagner du temps. On y indique en termes assez clairs, j'espère, combien de temps s'écoule entre le moment où l'on reçoit l'évaluation et le moment où le GC peut prendre une décision. En règle générale, c'est un an. J'essaie de me souvenir des dates.

[Français]

    D'après les chiffres que j'ai ici, le délai moyen pour les décisions relatives à l'inscription, en vertu de la LEP, est de deux ans et demi. Est-ce exact? En général, le ministère respecte-t-il les délais prescrits par la loi?

[Traduction]

    Je peux peut-être expliquer ce qui doit se produire une fois que nous recevons l'évaluation du COSEPAC. Il s'agit du besoin physiologique de l'espèce et, comme je l'ai dit, l'une des exigences pour que le GC puisse prendre une décision de réglementation est d'avoir un exposé complet de la situation dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, le REIR.
    Dans bien des cas, le gouvernement fédéral n'a pas l'information concernant l'espèce. Pour les espèces terrestres — c'est un bon exemple —, le gouvernement fédéral a compétence à l'égard des oiseaux migrateurs mais, lorsqu'il s'agit de plantes, de mammifères, d'insectes ou d'amphibiens, ça tombe dans la plupart des cas dans le champ des provinces et des territoires et nous devons travailler avec eux pour recueillir l'information.

[Français]

    Pour ce qui est des plans de rétablissement, j'ai des chiffres qui datent de juin 2007. On dit qu'il devrait y avoir un plan de rétablissement pour 228 espèces, mais qu'il n'y en a que pour 55 d'entre elles. Évidemment, ce sont des données de 2007. Je n'ai pas les chiffres les plus récents.
     La situation s'est-elle améliorée en 2009-2010?

  (1600)  

[Traduction]

    Oui. Nous avons plus de stratégies de rétablissement maintenant. Je pense que nous en avons 119. J'obtiendrai le chiffre exact dans un instant. Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps.
    Ça s'est donc amélioré. Je souligne cependant que 233 espèces étaient déjà inscrites lorsque la loi est entrée en vigueur. On en a ajouté d'autres chaque année depuis et nous en avons maintenant plus de 400. Évidemment, comme il y en avait tant qui étaient déjà inscrites à l'entrée en vigueur de la loi, on a un arriéré qu'on essaye d'éponger.

[Français]

    J'aimerais savoir quel pourcentage des espèces font l'objet d'un plan de rétablissement. Vous me dites qu'il y en a maintenant 119, mais même si le nombre d'espèces figurant dans la liste augmente, il est possible que le pourcentage reste le même. Il me semble qu'à l'époque, le taux était de 23 p. 100 ou de 24 p. 100, soit environ le quart. Le pourcentage de plans de rétablissement a-t-il augmenté?

[Traduction]

    Actuellement, c'est environ 25 p. 100.
    Bien.
    J'ajoute toutefois qu'il y a beaucoup de stratégies de rétablissement en cours d'élaboration. Et j'ajoute aussi que les premiers jours ont été consacrés à élaborer les processus. Par exemple, quand nous avons eu des espèces vivant sur des terres faisant partie de la revendication territoriale du Nunavut, nous avons dû formuler un processus pour pouvoir agir avec le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et établir les nombreux processus nécessaires pour respecter l'ARTN. Il faut du temps pour bâtir cette relation, pour bâtir cet outil. Maintenant, nous avons l'outil idoine et nous pouvons commencer à agir pour nos espèces septentrionales.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Content de vous revoir, monsieur Hyer. Je crois comprendre que vous êtes le releveur de Mme Duncan aujourd'hui. Vous avez la parole.
    Je vous remercie. En tant que biologiste spécialiste du caribou, c'est un plaisir pour moi d'être ici et de parler de sa protection et de celle de 7 700 autres espèces.
    Je reviens sur ce que disait M. Bigras. Lorsque la LEP est entrée en vigueur, il y avait 233 espèces inscrites à l'annexe 1. Vous avez dit qu'il avait fallu élaborer des stratégies de rétablissement pour 119 espèces jusqu'en juin 2007. Cela devait être l'une de mes questions mais vous y avez déjà répondu. Vous pensez que c'est 119 alors que je pensais que c'était 106. J'ai trouvé 106 dans mes recherches mais c'était de cet ordre-là et c'est environ la moitié de ce qu'il faudrait faire. En outre, des plans de gestion pour 43 autres espèces préoccupantes devaient être formulés pour juin 2008 et je pense que 20 seulement l'ont été.
    L'an dernier, Mme Wright est venue nous dire que le rythme de mise en œuvre s'améliorait. Ce n'est pas vraiment ce que j'entends ailleurs, à moins que je comprenne mal. Vous êtes-vous vraiment améliorés en 2008, notamment en ce qui concerne l'expansion?
    Quand aurez-vous épongé l'arriéré, quand serez-vous en conformité avec la loi, et pourquoi les objectifs ne sont-ils pas atteints? N'avez-vous pas les ressources dont vous avez besoin? N'avez-vous pas l'effectif nécessaire au sein du ministère? N'avez-vous pas la volonté politique au sein du ministère? Y a-t-il une ingérence provenant de l'extérieur du ministère? Il semble y avoir un problème.
    Deuxièmement, au titre de la LEP, c'est au gouvernement qu'il appartient d'assurer la protection légale des espèces fauniques désignées par le COSEPAC. Vous n'avez évalué que 775 espèces sur 7 700 espèces désignées, si je ne me trompe. C'est un pourcentage minuscule — 10 p. 100 peut-être, ou moins — des espèces du Canada. Je vous demande à nouveau: « Pourquoi? », et quand et comment allons-nous faire de meilleurs progrès?
    La troisième question est celle qui m'inquiète le plus. Il y a deux stratégies pour s'occuper des espèces en danger. La première est de protéger le bassin génétique et la population — stratégie de survie à court terme et à moyen terme — et l'autre, tout aussi importante, de protéger l'habitat à long terme. L'an dernier, si j'ai bien compris, on n'avait clairement identifié — je ne parle même pas de protection — l'habitat essentiel que de 22 espèces.
    Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui me tient à cœur. Le caribou, selon votre document, ou selon ce qu'a dit Mme Wright l'an dernier, relève essentiellement de la compétence provinciale. Croyez-moi sur parole, en Ontario, ça ne donne pas grand-chose. Il serait abusif de dire que les provinces font ce qu'il faut. Les premières nations de West Moberly, en Colombie-Britannique, ont dû s'adresser à la Cour suprême de la province. Elles sont près de Chetwynd. Elles ont dû s'adresser à la Cour pour obtenir une décision de protection de l'habitat essentiel là-bas. En fait, la première nation a été obligée de faire votre travail.
    J'aimerais que vous me laissiez au moins une minute à la fin pour poser une brève question à Gilles. Je sais que ce sera une question du genre « avez-vous cessé de battre votre femme » mais que faudrait-il pour qu'Environnement Canada commence vraiment à agir plus vigoureusement et plus rapidement pour protéger l'habitat essentiel et identifier les espèces et les habitats dont elles ont besoin?

  (1605)  

    Je ne sais pas si nous aurons assez de temps pour répondre à toutes vos questions mais...
    Vous pourrez me téléphoner ou me répondre par écrit, si vous voulez.
    Je vais d'abord vous exposer certains des défis que pose l'identification d'un habitat essentiel.
    Identifier un habitat essentiel semble être assez simple mais, dans certains cas, ça ne l'est pas du tout. Le caribou des bois des régions boréales, que vous connaissez à l'évidence très bien, en est un bon exemple. Nous avons mené beaucoup d'études pour essayer de savoir quel est l'habitat qui doit être protégé — c'est-à-dire son habitat essentiel — mais, comme vous le savez, cette espèce est très nomade et circule sur un très vaste territoire, essentiellement le territoire boréal ou environ un tiers du Canada. Il serait très difficile de dire que tout ce territoire est désormais interdit d'accès. Donc, l'idée instinctive qu'il y a un territoire qui...
    L'un de mes collègues donne toujours l'exemple de la physe des fontaines de Banff. C'est assez facile — on protège ce petit bout de territoire et c'est réglé — mais c'est pas la même chose quand on parle d'une espèce comme le caribou. C'est une espèce qui se déplace sur un vaste territoire et peut tolérer la perturbation de son territoire mais dans quelle mesure et à quelles conditions? Nous déployons beaucoup d'efforts pour essayer de bien le comprendre car nous pensons que, si nous pouvons faire ce qu'il faut pour le caribou des bois boréal, nous pourrons probablement faire aussi ce qu'il faut pour d'autres espèces.
    Mais vous avez délégué ce pouvoir aux provinces.
    Non. En ce moment même, le gouvernement fédéral fait beaucoup de travail sur le caribou des bois boréal. Nous avons trois types d'activité. Nous faisons des études scientifiques, nous réunissons du savoir autochtone traditionnel et du savoir communautaire, et nous menons beaucoup de consultations dans tout le pays au sujet des objectifs de population et de distribution, ainsi que des menaces et des pratiques permettant de les atténuer. En outre, il y a du travail scientifique pour essayer de comprendre la relation existant entre la perturbation du territoire et les besoins et les conséquences pour le caribou.
    Notre espoir est d'avoir une stratégie de rétablissement, avec un habitat essentiel identifié, sous une forme au moins préliminaire d'ici à l'automne de 2011 pour cette espèce qui est très difficile du point de vue biologique. Je sais que ce délai est probablement plus long que celui que nous souhaiterions tous mais c'est la réalité. C'est une espèce difficile du point de vue biologique.
    Merci.
    Une brève question pour Gilles.
    Gilles, ce que j'ai vu récemment m'inquiète. Environnement Canada, Parcs Canada, a fait une enquête sur la manière dont les gens toléreraient des partenariats améliorés à l'intérieur des parcs nationaux. J'ai peur que ce soit une manière déguisée d'envisager plus d'activité humaine et moins de protection dans les parcs nationaux.
    J'ai un exemple précis à vous soumettre, le bassin du ruisseau Marmot à Jasper. La station de ski locale voudrait obtenir un terrain faisant partie du parc en échange d'un autre terrain au mieux égal et au pire moins bien. Pouvez-vous me dire où en est cette idée? L'a-t-on abandonnée? Y a-t-il toujours un risque?
    Je vous pose cette question parce qu'elle est importante en soi mais aussi parce qu'elle va nous indiquer si nous allons appliquer rigoureusement les directives qui exigent que tout échange de terrains doit déboucher sur une amélioration importante de la situation des espèces menacées.
    Je m'attendais... Lors de notre dernière comparution, on nous avait posé une question là-dessus. Il s'agit d'une question de gestion du parc et de primauté de la règle d'intégrité écologique qu'il convient de préserver...
    Et de protection d'un habitat essentiel.
    ... oui, et de la nécessité de protéger l'habitat essentiel.
    Je dois dire d'abord que l'habitat essentiel du caribou de montagne du sud, qui est l'espèce dont nous parlons maintenant, n'a pas encore été défini. Le travail est en cours. Il est absolument clair que toute discussion concernant l'aménagement du bassin du ruisseau Marmot devra tenir pleinement compte du fait que c'est probablement le dernier troupeau sain de caribou de montagne du sud, et le plus au sud, et que Parcs Canada ne fera strictement rien qui risque de le menacer.

  (1610)  

    Votre temps de parole est écoulé, monsieur Hyer.
    Merci. C'est parfait.
    Nous continuons.
    Monsieur Warawa, vous serez le frappeur-clé pour ce tour de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Nous entreprenons le premier examen de la LEP. En fait, nous continuons l'examen que nous avons commencé il y a environ un an, je crois. Si je me souviens bien, c'est au début des années 2000 que le gouvernement Libéral a fait plusieurs tentatives pour faire adopter la LEP. Il a fait trois tentatives qui ont échoué, je crois, parce qu'on tenait absolument, si je ne me trompe, à ce que la loi soit bien conçue et à ce qu'on assure une indemnisation adéquate pour les propriétés qui seraient incluses dans un habitat essentiel. La LEP a donc peiné à voir le jour.
    Aujourd'hui, elle existe et notre devoir est de faire le point sur ce qui marche, ce qui ne marche pas et les améliorations qui s'imposent. Nous avons besoin de votre contribution pour savoir comment fonctionne le processus.
    Vous avez parlé d'habitat essentiel. Quand vous définissez un habitat essentiel, tenez-vous compte de facteurs socio-économiques ou non?
    Il n'y a pas de...
    On ne tient pas compte de ces facteurs. L'habitat essentiel est défini strictement en fonction des besoins biologiques de l'espèce.
    Bien. Donc, quand le COSEPAC identifie une espèce, il ne tient pas compte de critères socio-économiques, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Bien.
    Pouvez-vous nous expliquer le processus d'inscription d'une espèce? Vous l'avez évoqué mais vous pourriez peut-être nous donner un exemple en disant comment se fait la définition de l'habitat ou la planification du rétablissement et comment vous informez le public. Le processus pourrait être géré par le gouvernement provincial, territorial ou fédéral mais, pour cette explication, restons-en au gouvernement fédéral. Comment faites-vous savoir au public qu'une région a été désignée habitat essentiel?
    Je vous pose cette question parce que j'ai accueilli un jour dans mon bureau un photographe qui avait aménagé un affût pour prendre des photos. Il avait un peu endommagé l'habitat — il avait enlevé un rosier — et il a eu de gros problèmes. Il ne savait pas que c'était l'habitat essentiel d'une certaine espèce. Voilà pourquoi ma question est pertinente.
    Le gouvernement a constaté que l'adoption d'une loi doit s'accompagner d'une politique d'exécution s'il veut qu'elle soit efficace pour protéger l'habitat et l'espèce. Le gouvernement a pris un engagement il y a quelques années et on voit beaucoup de nouveaux agents de l'environnement depuis environ un an.
    Je pense que cette question est très importante. Nous tenons à ce que la LEP protège efficacement les espèces mais comment fonctionne le processus et comment fait-on savoir au public que certains secteurs sont désormais interdits pour certaines activités?
    Je peux commencer et mes collègues compléteront ma réponse.
    L'identification d'un habitat essentiel n'est pas facile. Tout commence par une évaluation du COSEPAC exposant la biologie de l'espèce, le type d'habitat dont elle a besoin et les menaces qui la mettent en péril. La décision est prise en fonction de critères quantitatifs et de l'indication que l'espèce est menacée, est en danger ou a été déracinée. C'est seulement pour ces trois catégories qu'on définit un habitat essentiel.
    Le COSEPAC indique également de manière générale où on trouve l'espèce, par exemple dans le sud de la Colombie-Britannique ou dans le Grand Nord, mais c'est en grande mesure une question de juridiction. Quand nous recevons l'information, nous lançons le processus de planification du rétablissement.
    S'il s'agit d'une espèce fédérale au lieu d'une espèce relevant d'une province ou d'un territoire, nous allons déterminer qui seraient les bonnes personnes pour constituer une équipe de rétablissement. Le Service de la faune que je dirige a des bureaux dans tout le pays, dans cinq régions. S'il s'agit d'une espèce habitant essentiellement dans la région de l'Atlantique, ce sont les gens de cette région qui piloteront le dossier. S'il s'agit d'une espèce vivant dans les parcs, ce sera Parcs Canada. S'il s'agit d'un habitat plus étendu, ce sera généralement le Service de la faune si c'est une espèce fédérale. Si c'est une espèce fédérale — un oiseau migrateur, par exemple —, nous possédons normalement l'expertise nécessaire mais nous aimons généralement faire participer la province ou le territoire dans la mesure du possible.
    Nous sommes une équipe. Nous examinons l'évaluation du COSEPAC afin de cerner les menaces les plus graves et l'habitat essentiel. L'évaluation nous a indiqué les besoins biologiques et les caractéristiques de l'habitat et notre rôle est maintenant de délimiter le territoire, si vous voulez. Il faut qu'on puisse l'identifier concrètement. Il ne suffit pas de dire que c'est plus ou moins ici ou là-bas, il faut donner des indications précises, par exemple en disant que c'est le long de tel ou tel lac. Il faut que ce soit assez précis pour que quiconque n'est pas biologiste puisse comprendre clairement où se situe l'habitat essentiel.
    Nous devons également indiquer les caractéristiques du secteur qui le rendent si important pour l'espèce. Ce travail prend du temps. Il faut aller sur le terrain avec des biologistes, il faut trouver les informations existant dans les publications spécialisées, des informations autres que celles fournies par le COSEPAC. C'est un travail de longue haleine. Il faut bien souvent deux ou trois saisons de travail pour commencer à comprendre s'il s'agit vraiment d'un habitat essentiel ou plutôt d'un habitat où l'oiseau a pondu un oeuf une fois par hasard et n'y est plus jamais revenu. Cela prend du temps.
    Une fois que ce travail est en route, les autres éléments de la stratégie de rétablissement peuvent être formulés en parallèle. Il faut se demander qu'est-ce qui pourrait entraîner la destruction de l'habitat essentiel, ce qui peut occuper les biologistes pendant de longues heures et de nombreuses semaines. Bien souvent, ils doivent aller sur place et cela peut poser d'autres problèmes s'il s'agit d'un terrain privé ou d'un terrain autochtone, par exemple. Nous devons travailler avec les gens, nous devons les sensibiliser et nous devons faire comprendre la situation.
    Tout cela nous amène finalement à une stratégie de rétablissement. Il y en a actuellement 119 et l'habitat essentiel a été défini pour certaines d'entre elles.
    C'est à cette étape que nous avons besoin de ce que nous appelons la promotion de la conformité. Nous devons préparer des documents expliquant clairement au propriétaire foncier, à la bande autochtone ou à quiconque qu'il y a un habitat essentiel sur tel ou tel terrain. Cela ne veut pas dire qu'il est désormais interdit de s'y rendre mais plutôt que certaines activités ne doivent plus y être pratiquées pour éviter de le détruire, ce que la LEP interdit. Une fois que ces documents de promotion sont diffusés, nous devons assurer la surveillance du secteur pour veiller à ce que les activités interdites n'y sont pas pratiquées.
    Tout cela prend du temps. C'est un peu compliqué parce que la biologie n'est jamais facile.

  (1615)  

    Monsieur Trudeau, pouvez-vous entamer le tour de cinq minutes?
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Pour m'assurer que j'ai bien compris le processus, vous avez dit que le COSEPAC effectue l'évaluation mais ne tient pas compte des facteurs socio-économiques. Ensuite, l'évaluation est adressée au ministre pour une recommandation. Cela prend trois mois, idéalement, mais il est sans doute plus réaliste de penser qu'il faut un an, si ce n'est deux, pour que l'évaluation socio-économique...
    Il y a également dans la loi l'obligation de consulter...
    De consulter...?
    ...à chaque étape, nous devons consulter les autochtones. La loi l'exige. En outre, dans la mesure du possible, nous devons consulter les provinces, les territoires et les propriétaires privés.
    Mais l'évaluation de l'habitat essentiel ne commence que si le gouverneur en conseil reçoit une recommandation d'inscription d'une espèce donnée. Selon votre explication, il est évident que l'évaluation de l'habitat essentiel est la clé du succès de la LEP.
    Je m'interroge sur la consultation pendant que le dossier se trouve sur le bureau du ministre. C'est quelque chose que nous avons vu dans le cas du caribou et dans bien d'autres: ça semble traîner, peut-être pour des raisons politiques autant que techniques. Ne serait-il pas possible de rationaliser cette étape ministérielle étant donné qu'il y a encore tant de choses à faire pour aboutir à la désignation d'un habitat essentiel?

  (1620)  

    Je n'ai peut-être pas été assez claire. Le processus d'inscription exige que le ministre adresse une recommandation au gouverneur en conseil. C'est le gouverneur en conseil qui décide d'inscrire une espèce sur la liste mais ce sont les fonctionnaires qui dressent la stratégie de rétablissement, souvent en collaborant avec divers types de spécialistes.
    Nous rédigeons le document et nous informons le ministre dans la plupart des cas. À Environnement Canada, c'est moi qui ai la responsabilité de publier l'approbation.
    Pourquoi le dossier reste-t-il donc si longtemps sur le bureau du ministre? Pourquoi avons-nous cette impression, en tout cas?
    Vous parlez de l'inscription?
    Pourquoi prend-elle si longtemps? Si ce n'est qu'une tâche administrative, pourquoi est-ce devenu un tel obstacle?
    Bien souvent, je pense, si vous êtes en dehors de la bureaucratie et essayez d'alimenter les processus... Le processus d'adoption d'un nouveau règlement est très rigoureux. J'ai mentionné en passant la directive du Cabinet concernant la rationalisation de la réglementation. Je pense que le gouvernement, ou le gouverneur en conseil, veut s'assurer que seuls les règlements exigés par la loi sont adoptés.
    Pour veiller à ce que le gouverneur en conseil possède toutes les informations dont il a besoin pour prendre une décision, des gens comme moi et mes collègues devons rassembler des informations et les présenter de manière à ce qu'elles soient comprises non seulement par les biologistes mais aussi par des gens qui font bien d'autres choses que lire des rapports de biologie. Cela prend un certain temps.
    Très bien.
    Je m'adresse maintenant à M. Ahluwalia.
    L'une des questions qui reviennent souvent sur le tapis est la différence entre protéger les individus d'une espèce en péril et protéger toute l'espèce. On craint que certains efforts de conservation — repeupler une rivière autour d'une centrale hydroélectrique, par exemple — engendrent en réalité plus de risques pour l'espèce car il y a plus de risque qu'un poisson soit broyé par l'une des turbines alors que l'objectif était de réintroduire l'espèce dans la rivière.
    La question a été soulevée la dernière fois qu'on a examiné la LEP. J'aimerais savoir si l'on a trouvé des ajustements ou des améliorations pouvant être apportés à la LEP pour améliorer les efforts de protection des espèces.
    Je ne pense pas qu'on puisse parler d'ajustements. La loi est ce qu'elle est. En collaborant avec nos collègues régionaux qui en assurent l'application sur le terrain et avec les gens qui sont directement touchés et concernés par les décisions prises en vertu de la LEP, nous essayons de trouver des méthodes pour assurer la protection des espèces et leur rétablissement tout en respectant les exigences de la loi.
    Ce que ça veut dire, dans bien des cas, c'est qu'on essaye de faire de nouvelles choses de façon à ne pas faire courir de risques légaux au gouvernement ou, dans l'exemple que vous avez utilisé, aux exploitants de centrales, mais tout en assurant le succès de notre objectif, qui est le rétablissement. Je serais ravi de pouvoir vous dire que nous avons trouvé la bonne solution mais ce n'est pas le cas.
    Cela dit, nous avons un certain nombre d'idées que nous essayons d'appliquer avec certains exploitants de centrales hydroélectriques pour voir comment nous pourrions atteindre l'objectif ultime de la LEP tout en respectant les exigences de la loi.
    Votre temps de parole est écoulé, monsieur Trudeau.
    M. Trudeau a posé une question qui m'intéresse également: les conséquences imprévues d'une bonne responsabilité corporative de la part de ces exploitants de centrales hydroélectriques et des autres promoteurs soucieux de protéger la faune et l'habitat. À plus longue échéance, la réintroduction de certaines espèces dans certains secteurs pourrait en fait obliger les exploitants à fermer leurs centrales. Comment pouvons-nous donc les encourager à continuer de faire ça sans que cela ait de conséquences négatives sur leurs activités industrielles?
    Vous avez parfaitement raison, il pourrait y avoir des effets pervers qui n'avaient manifestement pas été prévus par le législateur mais, à mesure que nous appliquons la loi — qui est encore relativement récente, comme l'a dit Virginia —, ce que nous constatons dans bien des cas lorsque nous essayons de faire quelque chose, c'est que, la première fois qu'on essaye d'agir avec cette version de la loi, cela fait surgir certains problèmes. Cela résulte en partie de l'interprétation légale de ce que signifie effectivement la loi et de ce qu'était l'intention du législateur lorsque la loi a été promulguée.
    L'exemple que vous avez mentionné est très réel pour nous. Nous le comprenons. Ce que nous essayons de faire, c'est de travailler avec les gens, avec les organisations et avec les entreprises pouvant être touchés et affectés par la mise en œuvre de la LEP, tout en appliquant des mesures de protection.
    La dernière chose que nous voulons — je parle autant du gouvernement que des entreprises —, c'est une situation dans laquelle les gens cessent d'appliquer des mesures de protection à cause de conséquences potentielles imprévues. Voilà pourquoi nous oeuvrons avec des organisations comme l'Association canadienne de l'hydroélectricité pour voir si nous pouvons trouver des méthodes d'application de la loi telle qu'elle existe actuellement tout en évitant certaines des conséquences imprévues, et aussi pour essayer de trouver le moyen de ne pas dissuader les Canadiens souhaitant continuer leurs activités de gestion et de conservation.

  (1625)  

    Je pense que c'est l'une des questions dont traitera le comité dans son rapport.
    Monsieur Armstrong, vous avez la parole.
    Je remercie les témoins de leur présence. J'ai beaucoup apprécié votre exposé.
    Je sais que la LEP a été mise en œuvre en 2002, et je pense qu'elle est entrée en vigueur en 2004, c'est-à-dire il y a à peu près six ans. Comme je suis nouveau au sein de ce comité, je me demande quelles sont les choses que font les humains, d'après votre expérience, qui mettent le plus certaines espèces en péril. Quelles sont les trois premières choses que font les êtres humains au Canada pour mettre le plus certaines espèces en danger?
    Comme je l'ai peut-être dit dans mon exposé, la principale source de risque pour les espèces, et de loin, est la destruction et la fragmentation de l'habitat. Les activités humaines qui entraînent la destruction ou la fragmentation de l'habitat, qu'il s'agisse de l'aménagement urbain, de la construction de routes ou d'autres choses, sont la plus grande source de risque. Comment minimiser l'impact de notre action sur le paysage est précisément l'objectif même de la planification du rétablissement.
    Cela étant, vous a-t-on déjà présenté durant votre activité au ministère des preuves quantifiables quelconques que le changement climatique a mis certaines espèces en péril au Canada? Si la plupart des espèces sont menacées par l'agrandissement des routes, l'aménagement urbain ou l'urbanisation tentaculaire, pouvez-vous relier un exemple quelconque d'espèce mise en péril au Canada à une preuve quantifiable quelconque que c'est le changement climatique qui en est la cause?
    Si nous parlons de la LEP et des facteurs qui débouchent sur l'inscription d'une espèce, la LEP est très focalisée sur ici et maintenant, comme a dit Gilles. Cela ne veut pas dire que le changement climatique n'a pas d'impact, il en a. Il aura un impact à longue échéance. Lorsqu'il effectue une évaluation, le COSEPAC se penche sur les conséquences immédiates, bien sûr, mais, pour certaines espèces, il précise aussi que le changement climatique est un facteur dont on devra tenir compte à plus long terme.
    Permettez-moi d'ajouter autre chose. Le changement climatique n'est pas que négatif pour les espèces. Pour certaines, il est favorable. La biologie est étonnante, vous savez. Quand un type d'habitat devient moins attrayant pour une espèce, une autre en prend possession. Avec le réchauffement, je pense que plus d'espèces remontent vers le nord. Je ne pense donc pas qu'on puisse affirmer de but en blanc que le changement climatique est totalement négatif ou totalement positif pour toutes les espèces. Tout dépend de l'espèce considérée.
    Permettez-moi de donner un exemple précis. Il existe une plante qui est menacée par un coléoptère nouvellement introduit qui la dévore et la met en péril. Cet insecte survit parce que nous avons des hivers un peu plus chauds dans certaines régions du Canada. Il y a un siècle, il aurait été exterminé parce que la température nocturne moyenne en plein hiver était plus basse. Il en serait mort.
    La question est de savoir si c'est le changement climatique qui met cette espèce végétale en péril ou si c'est la personne qui a introduit accidentellement cet insecte d'Asie en Amérique du Nord. Le changement du climat entraînant un changement pour la végétation, un changement pour le régime des eaux — la pluie, la neige, etc. — est un facteur important mais ce sont les conséquences de ce changement qui constituent une menace pour l'espèce. Ce n'est pas exactement le changement du régime des eaux, ce sont ses conséquences.

  (1630)  

    Donc, en réalité, pour produire une liste pour la plupart des espèces, il y aura des facteurs autres que le changement climatique qui menacent plus immédiatement cette espèce dans cette région particulière, que vous traiterez plus du point de vue de la LEP.
    Je pense que c'est exact.
    Merci.
    Il me reste une question, si j'en ai le temps, monsieur le président.
    Je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis donc une personne côtière. Considérant un article récent du Ottawa Citizen, du 19 mars 2010, sur les habitudes alimentaires de l'épaulard, comment le ministère des Pêches et Océans gère-t-il les questions d'espèces en péril dans l'environnement marin?
    Comme vous vous en doutez, travailler dans l'environnement marin est tout un défi. Du point de vue de Pêches et Océans, la LEP est l'un des outils que nous avons pour protéger les espèces en péril. Il y en a d'autres. La Loi sur les pêches offre également une méthode assez puissante pour protéger les espèces en péril au moyen d'un certain nombre de régimes. Nous avons par exemple les permis de pêche, pour la protection de l'habitat. Il y a un certain nombre d'exemples de cette nature.
    Au titre de la LEP, nous pouvons identifier l'habitat essentiel et le protéger. Dans l'exemple que vous mentionnez — l'épaulard —, l'un des éléments qu'on utilise pour identifier l'habitat essentiel est la présence de proies pour l'espèce. Au titre de la Loi sur les pêches, nous pouvons gérer les stocks de saumon au moyen de plans intégrés de gestion de la pêche pour garantir que les proies sont disponibles pour l'espèce.
    Si nous passons à la côte atlantique et au cas de la baleine noire de l'Atlantique Nord, nous avons identifié le bassin Roseway comme son habitat essentiel. L'une des principales menaces pour cette espèce est la collision avec des navires. Pour gérer ce problème, en collaboration avec l'Organisation maritime internationale, on a volontairement accepté de modifier les voies maritimes durant la période où la baleine noire est présente dans ce secteur. Si cela n'avait pas été possible, nous aurions pu invoquer les lois sur le transport pour imposer la modification des voies maritimes.
    Il y a donc plusieurs méthodes pour essayer d'atteindre l'objectif ultime que vise la LEP, c'est-à-dire soit invoquer la LEP, soit invoquer d'autres lois. Pour Pêches et Océans, la méthode primordiale est bien sûr d'invoquer la Loi sur les pêches.
    Merci.
    M. Ouellet, pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie de nous aider à mieux comprendre cette loi.
    Le ministère des Pêches et des Océans est touché par la Loi sur les espèces en péril. Cela signifie donc que les océans sont touchés par cette loi. D'ailleurs, vous venez de parler des cachalots.
    Récemment, le gouvernement a publiquement émis une opinion. Il a indiqué que le thon rouge n'était pas une espèce menacée. Cela a-t-il été fait en se basant sur vos évaluations? Le gouvernement a-t-il tenu compte de la loi quand il a dit cela? Y a-t-il des à-côtés? N'est-on pas obligé de prendre en charge toutes les espèces menacées?
    Je n'arrive pas à comprendre ce qui s'est passé dans le cas du thon rouge. C'est un exemple.

  (1635)  

[Traduction]

    Je pense qu'il y a deux questions différentes au sujet du thon. La première est l'évaluation et l'inscription éventuelle au titre de la Loi sur les espèces en péril. Si je me souviens bien, le thon n'a pas encore été évalué par le COSEPAC et on n'envisage donc pas encore son inscription potentielle au titre de la Loi sur les espèces en péril.
    Plus récemment, il y a eu des discussions au titre de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction, afin d'envisager l'inscription du thon au titre de la CITES. Il s'agissait plus d'une question de commerce international du thon.
    En ce qui concerne le Canada, nous avons, je pense, la pêche au thon rouge la mieux gérée au monde. Elle est très bien gérée et très bien organisée et nous sommes considérés comme une nation modèle, je crois, qui utilise la science pour assurer une pêche durable du thon rouge. Ce n'est pas nécessairement le cas d'autres pays. De fait, nous savons qu'il y a eu une surpêche considérable dans certaines régions, comme la Méditerranée et l'est de l'Atlantique, et c'est ce qui a causé de vives inquiétudes au sujet de la population mondiale de thon.

[Français]

    Si je comprends bien, vous dites qu'il y a des considérations commerciales.

[Traduction]

    Eh bien, pour...

[Français]

    Plusieurs groupes environnementaux ont dit au contraire que le thon rouge en particulier était une espèce menacée au Canada.

[Traduction]

    Cela n'a pas été évalué par le COSEPAC. Comme l'a dit Virginia, il faut une évaluation scientifique du COSEPAC pour envisager d'inscrire une espèce au titre de la Loi sur les espèces en péril, et je crois comprendre qu'il n'y en a pas encore eu pour le thon.
    À l'échelle mondiale, des préoccupations ont été soulevées au sujet des quantités mondiales de thon et elles ont été examinées au titre de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction. Il s'agit là d'un environnement très différent. C'est un concept très différent.

[Français]

    Que serait-il arrivé si le ministre vous avait dit qu'il devait donner une réponse au cours des six prochains mois? Auriez-vous pris en considération le fait que le ministre vous demande votre avis sur une espèce en péril comme le thon rouge? Auriez-vous décidé de vous dépêcher de l'évaluer et de lui donner une réponse? Faites-vous cela?

[Traduction]

    Nous procédons à l'évaluation des stocks de poissons, ce qui est une activité régulière de Pêches et Océans Canada. Cette question ne relève pas de ma compétence et vous comprendrez que je ne puisse pas vous donner beaucoup de détails. Le ministère connaît très bien les stocks de thon des eaux canadiennes, la manière dont se fait la pêche, et les avis scientifiques qui amènent à limiter cette pêche dans les zones canadiennes.
    Nous avons donc ça. Maintenant, pour ce qui est de la Loi sur les espèces en péril, le déclencheur de l'inscription est l'évaluation par le COSEPAC. Comme l'a déjà dit ma collègue, le COSEPAC est un organisme indépendant du gouvernement qui fixe lui-même ses priorités. Je crois comprendre que le thon rouge fait partie des espèces qu'il envisage d'étudier à l'avenir mais je ne pense pas qu'il l'ait encore fait.

[Français]

    Et où...

[Traduction]

    Ton temps est écoulé.
    Mme Hoeppner, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une très courte question à poser. Quand vous inscrivez une espèce menacée, est-ce que vous faites une différence entre l'espèce septentrionale qui est menacée et l'espèce non septentrionale qui ne l'est pas? Pouvez-vous m'expliquer ça?
    Le COSEPAC évalue la situation de l'espèce pour l'ensemble du Canada. Ce que je voulais dire quand je parlais de l'espèce septentrionale, c'est que, notamment au Nunavut dans le cadre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, le gouvernement fédéral a certaines obligations en matière de consultation.
    Donc, si une espèce comme la mouette blanche, par exemple, est présente au Nunavut, nous avons un processus spécial que nous devons suivre avec le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut en ce qui concerne le processus de décision de l'ARTN. Nous devons passer par là avant d'envisager l'inscription pour l'ensemble du Canada. Il ne peut pas y avoir d'inscription spéciale pour le Nunavut. Nous devons envisager l'inscription globale telle que le COSEPAC l'a définie.
    Il peut arriver que le COSEPAC subdivise une espèce mais c'est alors fondé sur la génétique. C'est fondé sur le mouvement entre les populations. Ce n'est pas fondé sur l'existence de frontières gouvernementales.

  (1640)  

    Voici le contexte. Il y a une vingtaine d'années, j'habitais à Grand Rapids, au Manitoba, collectivité considérée comme étant située dans le nord du Manitoba mais pas tellement au nord en fait. Le genévrier y était très abondant. Beaucoup de gens du sud de la province venaient visiter la région et se disaient: « Diable, au lieu de payer 15 ou 20 dollars pour acheter un genévrier chez nous, nous allons en déraciner un pour l'emmener à la maison ».
    Il y a donc deux choses. À l'évidence, il y a une différenciation entre le Nord et le Sud. Pour revenir à la question de M. Warawa, comment informe-t-on le public, très précisément, pour lui faire comprendre que quelque chose pourrait être mis en danger ou qu'il pourrait y avoir un processus de mise en danger?
    L'un de nos outils standard est le registre de la Loi sur les espèces en péril. C'est un site Web accessible au public. On y trouve toute l'information. Nous cherchons actuellement le moyen de le rendre encore plus convivial pour qu'il soit plus facile à consulter.
    L'une des caractéristiques que nous examinons, et qui serait très utile, serait de présenter le registre de la LEP sous la forme d'une carte. Vous pourriez cliquer sur votre région pour connaître toutes les espèces qui y sont en péril. Ce travail est en cours mais il faut un certain temps pour mettre le système au point. Nous considérons en tout cas que le registre de la LEP est l'un de nos outils essentiels.
    Un autre outil crucial est évidemment la publication dans la Gazette du Canada. Ça fait partie de tout régime de réglementation. Chaque fois que nous proposons une réglementation, nous devons y inclure un plan de promotion de la conformité indiquant comment nous allons communiquer avec le public. Évidemment, si vous habitez dans le nord et que c'est là qu'il y a l'espèce menacée ou en péril, nous avons intérêt à cibler nos communications vers le nord plutôt que vers le sud où elles seraient relativement inutiles. Nous essayons d'établir ces plans.
     En ce qui concerne l'inscription, je laisserai ma collègue parler des espèces aquatiques mais, pour ce qui est des espèces terrestres, nous préparons un programme de consultation. Nous dressons des listes de groupes et de personnes que nous essayons de contacter pour leur communiquer la liste des espèces. C'est particulièrement utile, par exemple, pour les groupes industriels. Nous leur faisons savoir quelles sont les espèces et leur demandons ce qu'ils en pensent. C'est ainsi que nous les informons.
    Il serait également utile... Il y a aussi beaucoup d'agences de voyages, par exemple, qui accueillent des touristes des États-Unis et de différentes régions du sud du Canada. Pensez-vous qu'il serait utile d'avoir une sorte de stratégie pour qu'ils puissent avoir une liste directement dans leur chambre d'hôtel? Ainsi, en partant en promenade, ils sauraient quelles sont les espèces en péril et quelles sont les espèces végétales qu'il ne faut pas déraciner ou couper.
     Oui.
    Si vous permettez, il y a une autre chose qu'on pourrait faire également. Ça pourrait varier légèrement une région à l'autre; nous n'avons pas tout à fait fixé le même processus pour tout le pays. Nous produisons des brochures en langage de tous les jours que les agences de voyages peuvent facilement se procurer. On y trouve l'identification ou au moins la liste des espèces de la région, avec l'indication de ce qu'il faut faire pour ne pas les mettre en péril.
    Il y a au moins ça.
    Ce n'est peut-être pas tout à fait ce que vous proposez mais ça va au moins dans le même sens.
    C'est excellent.
    Je n'ai pas d'autres questions. Merci.
    Merci. Ça faisait cinq minutes.
    Dans le même ordre d'idées, madame Poter, vous avez parlé de pouvoir cliquer sur une carte pour connaître les espèces en péril. Avez-vous préparé une telle documentation interactive qui pourrait être accessible en ligne afin qu'on puisse cliquer directement sur la région où on se trouve pour connaître les espèces végétales ou animales menacées ou en péril?
    Pour ce qui est d'Internet, nous avons le registre de la LEP où les espèces sont classées alphabétiquement. On peut le consulter de cette manière. Pour ceux d'entre nous qui utilisent Internet tous les jours, ce n'est pas assez convivial et il faudrait modifier ce qu'on appelle l'interface pour avoir mieux accès à l'information. Nous préparons actuellement une carte interactive permettant de connaître les espèces présentes dans la région où vous vous trouvez. C'est un peu long à mettre sur pied, du point de vue technique, il faudra ensuite s'assurer que les informations sont à jour.
    Nous avions auparavant une application du registre de la LEP qui donnait certaines informations sur les espèces mais nous avons constaté que les informations n'étaient parfois pas à jour. En outre, elles n'étaient pas très détaillées et étaient assez générales. Nous ne savons pas si c'était vraiment utile.
    Il y a donc des choses qui sont en cours. Ça ne sera pas prêt dans un mois ou deux, il faudra un certain temps pour mettre tout ça en place.

  (1645)  

    Je peux ajouter que c'est une question de détails, comme toujours. Certaines espèces sont surexploitées ou pourchassées et on ne tient donc pas trop à dire où on peut les trouver, n'est-ce pas?
    Par exemple, pensez-vous que nous devrions indiquer où on trouve des nids de faucons pèlerins? Je ne le crois pas.
    Un autre problème sérieux, surtout dans les régions du sud et de l'est du Canada où il y a beaucoup de terrains privés, concerne la nature des terrains, le fait qu'ils sont privés. Si je possède un boisé, je ne suis pas sûr d'avoir envie que tout le monde sache quelles espèces y habitent. Je suis un citoyen responsable et j'assure une bonne gestion du terrain mais je ne tiens peut-être pas à ce que tous les ornithologues amateurs viennent sur mon terrain observer un oiseau rare.
    Il y a donc un certain nombre de difficultés à résoudre pour créer de tels outils, et ça va dépendre des espèces.
    En tant que propriétaire foncier, je comprends ce problème mais, en contrepartie, nous voulons éduquer les citoyens pour qu'ils comprennent ce qu'il y a dans leur région et ce qu'ils doivent faire pour éviter de perturber leur environnement.
    Monsieur Eyking, c'est à vous.
    Je cède mon tour à M. McGuinty.
    Monsieur McGuinty, vous avez cinq minutes.
    Merci, président.
    Je voudrais revenir à certaines questions que j'ai posées tout à l'heure concernant les principes fondant cette loi. Je pense que M. Warawa a bien indiqué qu'elle avait été difficile à formuler et qu'elle a une incidence directe sur les intérêts des gens, autant privés que publics.
    Cela me ramène à ce que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire que, tant que nous continuerons à prétendre que les services écologiques et les espèces qui habitent dans ce pays sont gratuits, n'ont aucune valeur, ne sont pas tarifés et ne font pas partie des comptes nationaux, rien ne changera jamais. On continuera d'exploiter ce capital en toute impunité et, de temps à autre, à cause de la LEP, on réalisera qu'une espèce est en difficulté, on lancera un processus d'études scientifiques pour dire « Houston, on a un problème », et on lancera une fusée éclairante dans le ciel.
    Toutefois, la réalité du rapport de 2008 qu'on vient juste de déposer, si je comprends bien, est qu'on dit dans le deuxième rapport sur les espèces sauvages, intitulé « Espèces sauvages 2005 », qu'on a fait le point sur la situation générale de 7 732 espèces mais en ajoutant ensuite qu'on estime qu'il y en a au Canada plus de 70 000 — et on ne sait même pas si ce chiffre est exact. Autrement dit, seulement 10 p. 100 environ du total estimatif des espèces présentes au Canada ont fait l'objet d'une sorte d'analyse scientifique. Ça ne vaut rien et j'ai une question à vous poser.
    Vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question. Je réfléchis à voix haute. Comment pourrions-nous croire que la LEP telle qu'elle est actuellement constituée est plus qu'un emplâtre sur une jambe de bois, très franchement, quand on voit qu'il y a des facteurs de stress sur certaines espèces, qu'on exerce une capacité scientifique et qu'on déclare ensuite qu'on a un problème? La bataille semble absolument perdue d'avance.
    Si nous ne revoyons pas complètement notre démarche, et j'irais même plus loin... J'ai déjà posé des questions à ce sujet, lors du dernier tour, monsieur le président, aux témoins venus ici parler de la LEP. J'ai posé des questions sur l'indemnisation. Si je possède plusieurs centaines d'acres, ou un millier d'acres, ou 50 acres, et qu'il y a des espèces végétales et animales sur ces terrains, et qu'on s'attend à ce que j'en soie le gestionnaire, est-ce que la société ne devrait pas m'indemniser pour cette gestion, que ce soit par un crédit d'impôt, une indemnisation en espèces ou une partie d'un revenu?
    Comment pouvez-vous attendre cela des propriétaires fonciers? Je conviens que tout ce système était un début. Le meilleur moyen de démarrer est de démarrer. Il n'y avait rien avant. Maintenant, nous avons quelque chose pour travailler. C'est vous qui êtes en première ligne comme praticiens. Vous vous occupez de ça tous les jours. J'essaie de me faire une idée de ce qu'on devrait faire de plus. Quelles autres mesures pourriez-vous proposer, comme praticiens de première ligne dont le rôle consiste à appliquer cette loi?
    Que devons-nous faire pour améliorer la situation, étant donné ce que je viens juste d'exposer sous l'angle de l'indemnisation et du fait que la bataille est perdue d'avance? Nous n'avons même pas de données scientifiques. Par exemple, nous avons une Commission géologique du Canada mais nous n'avons pas de commission biologique du Canada. Quelles seraient d'après vous les deux ou trois mesures complémentaires que nous, législateurs, pourrions recommander au gouvernement pour pouvoir dire que c'est comme ça que nous pouvons améliorer cette loi sur les premières lignes?

  (1650)  

    En qualité de fonctionnaire, mon rôle consiste à appliquer la loi telle qu'elle existe. Quand j'examine la Loi sur les espèces en péril et que je réalise qu'elle est vieille de cinq ou six ans et qu'il y a des approches et des flexibilités que nous n'avons pas encore essayées dans le cadre de la loi existante, il me serait difficile, en qualité de fonctionnaire, de spéculer sur la manière dont on pourrait ou devrait modifier la loi.
    Je comprends ce que vous dites sur ce que nous savons du monde naturel qui nous entoure. Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de tout savoir pour se faire une idée de ce qui se passe. Je comprends bien votre argument. Nous pensons qu'il y a environ 70 000 espèces au Canada et nous savons certaines choses sur 7 000 d'entre elles. Le COSEPAC s'est penché sur la situation d'environ 800 jusqu'à présent et c'est donc...
    En revanche, si vous avez une bonne idée de ce qui se passe dans le pays dans toute les grandes écorégions, bon nombre des espèces sont reliées et, par conséquent, l'une des approches qu'on peut certainement envisager dans la planification du rétablissement dans le cadre de la LEP, c'est une approche par écosystème ou par espèces multiples. Nous avons récemment travaillé sur une approche concernant une vingtaine de plantes d'une partie de la Nouvelle-Écosse. Cela permet d'examiner de manière plus holistique ce qui se passe dans cette région. On se concentre peut-être sur une espèce ou sur un groupe d'espèces mais je suppose que, dans la plupart des cas, ça profite aussi à beaucoup d'autres espèces de la même région.
    Je comprends votre argument. Nous ne savons pas grand-chose. Nous en savons un peu sur certaines espèces. Je pense que nous pouvons prendre des mesures qui profiteront à toutes, même sans un savoir parfait. En fin de compte, je suis bien obligée de faire un compromis entre ce que j'ai besoin de savoir pour pouvoir passer à l'action.
    Ce sera tout pour vous, monsieur McGuinty.
    M. Watson.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    C'est une question intéressante que M. McGuinty a posée sur l'indemnisation. J'espère qu'il partagera sa réflexion avec un autre M. McGuinty au sujet de la législation sur la ceinture de verdure.
    Revenons cependant à nos moutons, la Loi sur les espèces en péril. Ma question portera sur la manière dont la loi s'applique ou ne s'applique pas aux terrains municipaux. Comment protégeons-nous les espèces en péril sur des terrains ayant fait l'objet d'un zonage municipal? Le pouvons-nous? Je songe à ma région, qui englobe le plus d'espèces végétales et animales en péril de tout le Canada.
    Que se passe-t-il si une plante particulièrement rare au Canada se trouve sur un terrain municipal? La LEP permet-elle de la protéger ou non? Doit-on s'en remettre à des choses comme des évaluations environnementales lorsque les promoteurs décident de construire quelque chose sur un terrain particulier?

  (1655)  

    Je peux peut-être commencer. En vertu de la LEP, comme j'ai tenté de l'expliquer, il y a des interdictions qui entrent en jeu, que ce soit pour l'habitat essentiel ou les interdictions générales qui protègent les espèces elles-mêmes.
    Les provinces ont le premier mot à dire au sujet des espèces dont elles sont responsables. À part les oiseaux migrateurs et les espèces aquatiques, si l'on trouve des espèces en péril sur des terrains de la province ou des terrains privés, ce qui englobe les terrains municipaux, nous nous tournons d'abord vers les provinces pour qu'elles mettent en œuvre des instruments efficaces de protection de ces espèces. Pour moi, c'est la première étape.
    De quels types d'nstruments s'agit-il? Voulez-vous parler d'une évaluation environnementale ou d'autres instruments de la province?
    Pour qu'un instrument assure une protection efficace, il doit être juridiquement exécutoire. Les licences, les permis de réglementation, les lois sont les types d'instruments à caractère exécutoire qui seront examinés pour voir s'ils assurent ou non une protection efficace.
    D'accord. Laissez-moi y réfléchir un peu.
    S'il me reste du temps, puis-je le donner à M. Shipley? Je dois réfléchir à cette réponse. J'aurais peut-être une autre question à poser ensuite.
    Une voix: Il ne vous restera peut-être plus de temps.
    Vous avez deux minutes.
    Je passe directement à un exemple. Nous avons une situation dans une rivière où il y avait un port. Le port a été fermé. On doit le rouvrir; il y a du limon dans le port. On a déterminé qu'il y a une espèce en péril.
    Cette espèce en péril est une moule. Nous avons essayé d'attirer une entreprise dans une région de 12 000 habitants qui a perdu plus de 6 000 emplois et nous avons essentiellement perdu cette entreprise. Dans votre exposé, vous avez dit qu'on ne peut pas « tuer, nuire, harceler, capturer ou prendre un individu » ou « endommager ou détruire la résidence d'un individu ».
    Les propres ingénieurs du MPO ont déclaré que l'habitat qui se trouve maintenant là à cause du limon n'est pas un habitat dans lequel vivrait cet individu particulier. Nous pourrions vous emmener en amont où il y en a des millions qui bouchent les drains mais c'était une question de loi. C'était ce que disait le texte. Les gens de terrain — pas tous — ne semblent avoir aucune co-relation, très honnêtement, entre l'intérêt d'une économie et l'intérêt d'une espèce en péril. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne fait même pas ça pour les humains. On ne peut pas avoir des lois disant que si je nuis ou harcèle, ça devient presque criminel.
    Ensuite, on nous demande non pas des dizaines de milliers de dollars mais plus que des dizaines de milliers de dollars, jusqu'à 100 000 dollars, et c'était: « Eh bien, nous pouvons faire cette recherche scientifique ». Il y a quelqu'un qui a dit: « Je peux faire ça pour 2 500 dollars ». Ce quelqu'un a dit: « Je prendrai mon bateau, j'ai passé toute ma vie ici, je connais bien la rivière, je sais ce qu'il y a au fond, et je sais qu'il n'y en a pas ». Ce quelqu'un a dit: « J'utiliserai la petite perche et je mesurerai le fond parce que je peux le sentir ».
    Tout ce que je dis, c'est que je suis d'accord avec l'espèce en péril mais, en cours de route, nous avons perdu notre bon sens au sujet des compromis à faire dans certains cas. On parle toujours de la difficulté de l'inscription. Je vous demande comment on peut retirer de la liste les espèces qui ne sont pas en péril. Je vous demande seulement ceci: comment fixez-vous le seuil des espèces en péril dans les régions et les secteurs où je peux vous emmener et serai très heureux de vous montrer? Je ne sais pas quel est le seuil, ça doit être au-delà...
    Mais si les gens avec qui je traitais causaient du tort à l'une de ces petites moules ou la harcelaient, c'était presque au point où il y aurait des accusations au pénal, ou une amende de 200 000 dollars, je crois que c'était. Comment arrive-t-on à un seuil dans ce domaine? Qui décide où se situe le seuil? Qui détermine l'évaluation d'habitat essentiel? Qui fait ça et est-ce en fait un obstacle pour retirer de la liste?
    Voilà mes quatre questions, et j'en aurai encore une autre après.

  (1700)  

    C'est une série de questions intéressantes. Je vais essayer de vous répondre et je suis sûr que mes collègues m'aideront.
    J'aimerais parler d'un point de vue général plutôt que reprendre l'exemple particulier car les questions que vous avez posées...
    J'ai donné un cas précis... [Inaudible]
    J'entends bien. C'est pour ça que je préfère laisser le cas particulier de côté.
    En ce qui concerne le seuil de détermination qu'une espèce est en péril, il est établi par le COSEPAC au moyen d'une série de critères qu'il a adoptés sur la base de critères internationaux. Ce ne sont pas des critères arbitraires, ils sont bien compris et utilisés dans l'environnement international. Les critères de déclin de la population et de menace sont établis par le COSEPAC et il les utilise dans ses évaluations scientifiques pour juger si une espèce est en péril.
    L'identification d'un habitat essentiel est guidée, au moins dans une certaine mesure, par l'évaluation du COSEPAC, c'est-à-dire son rapport, mais la décision ultime relève de la prérogative du ministre. Le travail est fait par les fonctionnaires pour déterminer quel est l'élément essentiel de l'habitat, c'est-à-dire ce qui est essentiel pour la survie et le rétablissement de l'espèce dans son habitat. C'est fait en grande mesure par les fonctionnaires.
    Quand nous arrivons à l'étape de la décision, elle est publiée pour recueillir l'opinion du public. Comme l'ont dit mes collègues, la décision est prise dans bien des cas en étroite collaboration avec les scientifiques et les parties prenantes.
    La question du retrait de la liste a souvent été posée. Dans la mesure où je comprends le processus — car cela n'est encore jamais arrivé —, c'est essentiellement le même que pour l'inscription. Il s'agit de modifier le règlement pour retirer une espèce de l'annexe 1 de la LEP. À moins que mes collègues soient d'un avis différent, je pense que c'est déclenché par le même processus que nous utilisons pour inscrire une espèce, c'est-à-dire qu'il faudrait une évaluation du COSEPAC, soit dans le cadre de sa réévaluation de chaque espèce une fois tous les 10 ans, soit parce qu'il estime que la situation de la population a profondément changé et qu'une révision s'impose plus tôt.
    Quand nous obtenons cette évaluation, par exemple si le COSEPAC affirme — et c'est déjà arrivé — qu'il n'a pas retiré l'espèce mais a réduit la gravité de la menace, il y aurait une évaluation scientifique concluant que l'espèce n'est plus dans la même situation de risque que l'on pensait et qu'elle n'est plus en situation de risque. Face à une telle conclusion, nous pourrions prendre la décision de la retirer de la liste.
    Comment faites-vous pour...
    C'est terminé pour vous, Bev, mais vous pouvez avoir une très courte réponse.
    Une remarque. Dans des cas comme celui que vous évoquez, je songe aux dispositions de permis de la LEP. Au titre de l'article 73 et de plusieurs autres, la « prise accidentelle » peut être autorisée dans certaines circonstances tant qu'elle ne met pas en danger la survie ou le rétablissement de l'espèce.
    C'est là une question dont on m'a parlé récemment. La Loi sur les espèces en péril étant ce qu'elle est, le gouvernement fédéral détient néanmoins d'autres pouvoirs en vertu de la Loi sur les pêches et océans et aussi de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.
    Que se passe-t-il en cas de prise accidentelle, disons d'un pluvier siffleur qui a accidentellement décidé de faire son nid au bord d'un lac où il y a une prairie pour le bétail? Que se passe-t-il si le bétail, pendant son pâturage, détruit l'habitat et les nids? Quelle pourrait être la pénalité? Sinon, y aura-t-il un règlement sur la prise accidentelle de façon à autoriser certaines de ces choses tout à fait accidentelles? Vous savez, avec des oiseaux migrateurs, on ne peut jamais savoir où ils vont atterrir.

  (1705)  

    Nous avons déjà dans la LEP des dispositions autorisant la prise accidentelle. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour pouvoir accorder un permis. Vous devez éviter et vous devez atténuer. Vous n'avez pas vraiment d'autre choix, c'est ce que vous devez faire. Ensuite, dans le cas que vous évoquez, vous devez agir de manière à causer le moins de tort à l'espèce ou à avoir le moins d'incidence sur elle. C'est évalué totalement en fonction du cas particulier et il ne faut strictement pas menacer la survie ou le rétablissement de l'espèce.
    Donc, si vous voulez draguer cet endroit particulier et qu'il était le foyer de ce dernier groupe de moules, ou si vous ne pouvez prélever ces moules et les placer dans un endroit différent en espérant qu'elles se rétabliront, si telle était la situation, alors, non, vous ne pourriez pas faire le dragage. J'ai l'impression que telle n'est pas la situation mais je n'ai pas les détails.
    Il nous reste du temps pour un troisième tour.
    Monsieur McGuinty, voulez-vous prendre les cinq prochaines minutes?
    Je serai très bref et je pense que M. Trudeau voudra ensuite parler de parcs et de connectivité.
    Est-ce que la LEP traite d'indemnisation, d'une manière ou d'une autre?
    Il y a dans la loi une disposition relative au pouvoir de réglementation. Le règlement n'a pas encore été formulé.
    Que permet ce pouvoir de réglementation?
    Il s'agit de l'article 64 de la loi, que je cite: « Le ministre peut, en conformité avec les règlements, verser à toute personne une indemnité juste et raisonnable pour les pertes subies en raison des conséquences extraordinaires que pourrait avoir l'application... ». Il y a ensuite une liste détaillée de dispositions.
    Le critère est donc « extraordinaires »?
    Oui.
    Des ententes d'indemnisation ont-elles été négociées entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux?
    Je ne sache pas qu'une indemnité quelconque ait été versée au titre de la LEP à qui que ce soit.
    Merci.
    M. Trudeau.
    Merci.
    Monsieur Seutin, j'ai une question pour vous.
    En ce qui concerne les parcs nationaux, le ministre a fait grand cas de son agrandissement du réseau. Il y a toujours une question que je me pose au sujet des parcs. Même s'il est bel et bon de protéger 3 p. 100 de notre masse terrestre, nous savons bien que cela signifie que 97 p. 100 ne sont pas protégés.
    Je crois qu'il y a une question d'habitat qui est pertinente dans ce contexte quand on parle des grands mammifères. Qu'il s'agisse du caribou ou du grizzli, par exemple, l'étendue du territoire sur lequel ils circulent devient essentielle. Que fait Parcs Canada pour élaborer un modèle de gérance allant au-delà des limites de Parcs Canada pour essayer de résoudre certains des problèmes que pose la protection de l'habitat essentiel des grands mammifères?
    Spécialement pour les grands mammifères?
    Ce que je veux dire...
    De manière générale, Parcs Canada intervient quand il a des occasions. Le ministère est très actif pour établir des liens avec les parcs provinciaux ou d'autres parcs gérés ou protégés par d'autres instances. En ce qui concerne le bloc de parcs des montagnes, si on l'envisage comme bloc, la désignation de patrimoine mondial ne vaut pas seulement pour les possessions de Parcs Canada, elle vaut aussi pour celles de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Cela forme en tout un groupe beaucoup plus vaste de zones contiguës protégées.
    Le ministère exploite ces occasions. Il y a une relation très claire avec bon nombre de forêts modèles de la région de Jasper, de Fundy, de Terra Nova, pour ne donner que quelques exemples, et le système de forêts modèles a beaucoup de valeur du point de vue de la gestion des terrains pour des usages multiples. Ce n'est pas un modèle de terrains protégés mais ça constitue une bonne zone tampon.
    Je dois dire qu'il y a une campagne internationale très claire dans le monde des zones protégées pour la promotion de la connectivité. Tout cela est relié à la fragmentation de l'habitat. Nous savons que 3 p. 100 n'est pas suffisant et que, si ces 3 p. 100 sont composés de parcelles disparates, il faut les relier. C'est un objectif international très clair. Est-ce que les collectivités des zones protégées... En ce qui concerne les leaders, les praticiens, les promoteurs et la science, avons-nous tous les éléments nécessaires pour assurer vraiment cette connectivité? Non. Ce n'est pas par manque d'intérêt mais plutôt parce que c'est encore tout nouveau.
    Nous n'avons pas encore toutes les données scientifiques ni toutes les politiques nécessaires. Cela aura de profondes répercussions sur la propriété foncière et dans toutes sortes d'autres domaines des parties réglementées de notre monde. Il faudra réfléchir beaucoup plus attentivement à cela avant d'avoir un modèle vraiment satisfaisant.

  (1710)  

    J'aimerais ajouter quelques remarques à la réponse de Gilles.
    Nous considérons les parcs comme la contribution fédérale à notre réseau de secteurs protégés mais, dans mon groupe, nous avons aussi les zones fauniques nationales et les sanctuaires d'oiseaux migrateurs. Globalement, nous avons une masse terrestre représentant deux fois la Nouvelle-Écosse, ce qui n'est pas négligeable.
    Il y a en outre d'autres programmes du gouvernement fédéral, comme le programme des dons écologiques qui permet aux gens de recevoir un crédit d'impôt lorsqu'ils font don de terrains à des organismes approuvés. De même, le gouvernement — je crois c'étais il y a un an ou deux ans — a lancé le Programme de conservation des zones naturelles doté de près d'un quart de milliard de dollars pour Conservation de la nature Canada et Ducks Unlimited. Donc, essayer d'acquérir ces terrains...
    Ma dernière remarque est que nous avons dans le cadre de la LEP un programme de gérance de l'habitat, ainsi que deux ou trois autres programmes de financement visant aussi à promouvoir la bonne gérance de l'espace naturel, même si ce n'est pas par l'acquisition de terrains. Je tenais à le préciser.
    Merci.
    Monsieur Bigras.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais revenir sur le cas du caribou forestier. Je pense qu'il s'agit d'un cas assez important. La moitié de son aire a disparu, ce qui est assez important. La forêt boréale représente environ le tiers du territoire québécois. On imagine donc ce que cela peut représenter.
    Si je ne me trompe pas, un rapport préparé par des scientifiques a été déposé en avril 2009. Était-ce un rapport du COSEPAC?
    Une voix: Non.
    M. Bernard Bigras: Ce n'était pas un rapport du COSEPAC.

[Traduction]

    Non. C'est un rapport qui a été produit par le personnel d'Environnement Canada, par nos chercheurs, et on a aussi engagé des universitaires et des scientifiques des provinces et des territoires pour entreprendre une première évaluation scientifique des besoins d'habitat du caribou boréal.

[Français]

    Si je ne me trompe pas, l'une des recommandations était de protéger la moitié de la forêt boréale au Canada. Était-ce une des conclusions du rapport?

[Traduction]

    Je ne me souviens pas de cette conclusion. Je ne pense pas qu'elle était là mais je devrais vérifier. Je pense que ce qui a été constaté, c'est que, quand on examine les besoins d'habitat du caribou boréal, on voit qu'il a besoin de vastes territoires et qu'il ne suffit donc pas, par exemple, de protéger des îlots de vêlage. Il faut tenir compte de tout le territoire de circulation du caribou, mais cela ne revient pas à dire que personne ne peut plus rien y faire.
    Ils ont fait pas mal de travail au sujet de la relation entre le niveau de perturbations et les taux de recrutement pour le caribou boréal, c'est-à-dire les taux de survie, afin de démontrer que, plus il y a de perturbations à l'intérieur d'un territoire, moins il est probable que le caribou y persistera à l'avenir.

[Français]

    Un peu plus tôt, vous avez donné comme échéance l'été 2011. Était-ce en regard du plan de rétablissement? Souhaitiez-vous qu'il y ait un plan de rétablissement?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Cela veut donc dire que vous tenez actuellement des consultations avec des intervenants, dont ceux de l'industrie forestière, je suppose.

  (1715)  

[Traduction]

    Oui, absolument.

[Français]

    Les communautés autochtones sont-elles consultées au même moment ou seront-elles consultées par la suite?

[Traduction]

    Non. Je pense qu'on sait depuis l'entrée en vigueur de la LEP que le caribou boréal est une espèce importante pour l'élaboration d'une stratégie de rétablissement. On a donc entamé le travail préliminaire mais les peuples autochtones n'ont pas été impliqués dès le départ.
    Ce que nous avons fait, c'est que nous avons dit que le travail qui a été fait est utile et sera utile mais qu'il faudra à partir de maintenant impliquer nos peuples autochtones, qui vivent réellement en harmonie avec le caribou, ainsi que l'industrie et la science. Nous avons donc cette démarche à trois volets pour faire en sorte que la science nous aide à définir comment nous allons opérationnaliser l'identification de l'habitat essentiel. Nous avons tout un flux de travail concernant la collecte du savoir traditionnel autochtone et du savoir communautaire, ainsi que des consultations, de manière plus générale, et c'est en cours au moment même où nous nous parlons.

[Français]

    Recommandez-vous la fin de la coupe forestière, partiellement ou en totalité, dans certaines parties du territoire canadien?
    Est-ce que cela fait partie des options d'un plan d'action, d'un plan de rétablissement, afin empêcher la disparition de l'espèce qui, selon les évaluations, doit se produire avant la fin du siècle?

[Traduction]

    Je ne pense pas que cette option sera recommandée parce que la biologie du caribou est telle qu'il circule sur un vaste territoire. Il ne se cantonne pas toujours dans la même partie de la forêt. C'est une espèce qui s'est adaptée aux incendies de forêt et, sans parler de l'impact de l'être humain sur l'espace naturel, les régimes de brûlage font partie de la biologie du caribou.
    Il circule sur son territoire et je suppose donc que nous aurons une identification de l'habitat essentiel disant que ce périmètre extérieur, si vous voulez, doit être géré de façon à ce qu'il n'y ait pas plus de perturbation de tel ou tel type. Je pense que c'est ce qui en ressortira mais j'attends que les données scientifiques nous éclairent à ce sujet — ainsi que le savoir autochtone, le savoir communautaire et les consultations de groupes tels que le CCFP.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Ton temps est écoulé.
    M. Hyer.
    Merci.
    Revenons au caribou. Je pose une question théorique à laquelle vous n'êtes pas obligée de répondre.
    Avec le caribou, nous avons des scientifiques qui ont déjà donné des recommandations à Environnement Canada sur l'habitat essentiel, et même à répétition si je ne me trompe. Il me semble que le vrai problème est que les recommandations ne sont pas appliquées. On s'en moque. Vous pourrez me dire si je me trompe.
    Ce n'est pas facile et c'est un gros problème mais c'est en réalité très simple. Vous êtes dans la bonne voie, considérant ce que vous avez dit. Je suis d'accord avec vous mais, en ce qui concerne tout ce que nous avons besoin de protéger, c'est encore une fois simple mais pas facile. Nous devons protéger l'habitat hivernal actuellement utilisé, l'habitat hivernal nécessaire pour l'avenir — maintenir ou créer cet habitat futur — et l'habitat de vêlage et les couloirs, et nous devons éviter les pistes, les routes et les couloirs sismiques ainsi que les choses qui permettent aux humains et aux prédateurs d'avoir accès aux caribous. C'est une ordonnance simple. Et il ne s'agit pas d'un tiers de la base terrestre ni d'un huitième de la masse terrestre, c'est probablement moins que ça. C'est faisable et je vous prie donc de passer à l'action.
    Tout cela n'est qu'une question d'habitat essentiel. Comme vous pouvez probablement le deviner, je suis très frustré de la lenteur des progrès dans ce domaine. Par exemple — laissons le caribou de côté —, la Cour fédérale a constaté que, dans la région du Pacifique, Pêches et Océans Canada a pris la décision de ne pas inclure l'habitat essentiel dans les stratégies de rétablissement — et je cite — « en contrevenant clairement à la loi ». Il ressortait clairement de cet arrêt que la principale raison pour laquelle le gouvernement a retardé l'identification de l'habitat essentiel était qu'il avait estimé à l'avance, illégalement, qu'il y aurait des contraintes socio-économiques. Je le répète, il faut dépasser cela.
    Finalement, et ceci m'amènera à une question, pourriez-vous me donner, madame Poter, aujourd'hui ou plus tard, des exemples d'interdictions imposées à la destruction de l'habitat essentiel d'une espèce quelconque, par un organisme quelconque, n'importe où, à n'importe quel moment?
    Je n'ai connaissance d'aucune mesure d'exécution qui aurait été prise, ce qui reflète... Comme on l'a dit, on n'a pas encore identifié beaucoup d'habitats essentiels mais nous sommes en train de le faire. J'essaye d'expliquer. Ce n'est pas si facile à identifier.
    Je tiens cependant à dire, au sujet de vos deux remarques, que les ébauches de politiques expriment clairement l'idée que l'habitat essentiel est fondé sur les besoins biologiques de l'espèce, point final, et que les facteurs socio-économiques ne sont pas pris en compte dans l'identification de l'habitat essentiel.
    La leçon a été bien apprise, je pense. Nous sommes clairs et cela se reflète dans l'ébauche des politiques qui ont été diffusées et qui seront finalisées. Nous sommes donc tout à fait sur la même longueur d'ondes que vous, je pense.
    Au sujet du caribou, si je peux répondre brièvement, c'était dans cette voie que nous nous étions engagés il y a quelques années, c'est-à-dire: « Voici vos îlots de vêlage, donnez-moi quelques couloirs, ajoutons un bout de terrain ici, et c'est tout », mais ce n'est pas ce que les scientifiques ont recommandé. Ils ont dit clairement qu'il faut tenir compte de l'ensemble du territoire et qu'il faut permettre au caribou de circuler librement car ça fait partie de sa biologie. Il faut s'assurer qu'il a accès à suffisamment de territoire intact. C'est ce qu'on nous a dit. La question est donc de savoir quelle devrait être l'étendue de ce territoire et c'est là où nous en sommes.

  (1720)  

    Je ne devrais peut-être ne pas me représenter à la prochaine élection et reprendre mes recherches et consultations sur le caribou car je pensais que c'était là...
    Une voix: Bravo!
    Des voix: Oh!
    M. Bruce Hyer: Merci, madame Poter.
    Il vous reste une minute, Bruce, si vous voulez.
    Non, j'ai fini ma tirade. Je tiens simplement à dire que j'estime que Mme Poter a fait preuve de beaucoup de lucidité aujourd'hui.
    Votre sincérité est évidente. Je crois que vous prenez cette question au sérieux et que vous êtes une personne très brillante mais ça ne change rien à la frustration que me cause toute votre organisation. Il est temps d'entreprendre l'identification de ces habitats essentiels, de prendre certaines décisions difficiles au risque de froisser certaines susceptibilités, et de commencer sérieusement à sauver les espèces.
    Merci.
    Monsieur Warawa, vous serez le frappeur-clé.
    Merci.
    Je trouve tout ça très intéressant, comme chacun d'entre nous, je crois.
    J'ai trop de questions pour le temps qu'il me reste et je vais donc essayer d'être précis. Je veux parler de deux choses, tout d'abord des contraintes de temps et de délais réalistes. C'est très restrictif pour le ministre. En outre, que serait une indemnisation équitable?
    Avant cela, je veux faire une brève remarque sur l'importance d'informer correctement le public. J'adore la promenade. Avec des nouvelles technologies comme le GPS, si vous partez en promenade... Disons que vous êtes en promenade et que vous avez un GPS. Que pensez-vous de l'idée de communiquer par GPS l'indication que vous êtes dans un habitat essentiel? Le promeneur pourrait avoir avec lui une carte vieille de cinq ans que lui a donnée un ami, par exemple. Les GPS sont aujourd'hui très répandus et vous pourriez vous en servir pour donner une alerte aux promeneurs. L'utilisation de panneaux de signalisation dans les sentiers de promenade ne peut avoir qu'un succès limité car, si vous êtes entré sur le sentier par un raccourci, vous pouvez ne pas les avoir vus.
    Je pense qu'une des grandes controverses au début de la LEP a été l'octroi d'une indemnisation équitable pour le terrain. M. Trudeau en a parlé. Prenez le cas d'un citoyen responsable qui repeuple une rivière avec une espèce en péril. Si certains poissons sont broyés par une turbine, et si l'on ne tient pas compte des facteurs socio-économiques dans un habitat essentiel, vous pourriez vous retrouver avec la fermeture permanente d'une installation industrielle de plusieurs milliards de dollars.
    Avec la LEP, c'est seulement lorsque le dossier arrive sur le bureau du ministre que les facteurs socio-économiques peuvent être pris en considération. C'est ce que je comprends. Vous n'avez pas, par le COSEPAC, l'habitat essentiel.
    Mon temps de parole s'écoule très vite mais vous avez parlé de pertes extraordinaires. Quelle en est la définition? Y aura-t-il une indemnisation reflétant la valeur du marché? Je ne le crois pas car je pense que la question avait été posée au début de la LEP. La LEP a été adoptée et fait maintenant l'objet d'un examen mais pourriez-vous me donner la définition de pertes extraordinaires?
    Si une centrale hydroélectrique doit fermer à cause de la présence d'une espèce en péril dans la rivière et d'un habitat essentiel, qui va payer les frais? Est-ce que ce sera une perte extraordinaire? Qu'en est-il de l'agriculteur qui, en labourant son champ, aura détruit par inadvertance l'habitat d'un oiseau migrateur? Sera-t-il en difficulté? Il ne savait pas que l'oiseau était là mais, avec la LEP et selon le principe de la mens rea, il aura de gros problèmes.
    Je ne vous ai laissé que très peu de temps mais je pense que ces deux grandes questions avaient été soulevées dès le début de la LEP.

  (1725)  

    Permettez-moi de revenir à l'une de mes remarques antérieures. Ce n'est pas le ministre qui tient compte des facteurs socio-économiques, c'est le gouverneur en conseil. Je voulais simplement que ce soit clair. Ce n'est pas le ministre seul.
    En ce qui concerne l'indemnisation, la définition d'une perte extraordinaire est assez cruciale. Ce n'est pas la seule question et c'est ce qui devra être précisé, je pense, dans un règlement. Je ne suis pas en mesure de vous dire ce que serait une perte extraordinaire. Il pourrait y avoir beaucoup de définitions.
    Bien.
    En ce qui concerne les délais, ils sont très prescriptifs. Le ministre doit faire rapport dans un délai précis. Il faut consulter les provinces, les territoires et les premières nations. Est-ce que c'est l'un des facteurs de stress, l'une des difficultés que l'on a à respecter ces délais?
    Je répète que notre rôle de fonctionnaires est d'appliquer la loi telle qu'elle existe. Les délais posent un défi car il y a beaucoup d'obligations à respecter dans des délais très courts.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Une dernière brève remarque. Je constate qu'il y a ici une personne représentant Nature Canada. Elle m'a donné une carte de collection représentant un escargot. Je suis heureux que cette organisation soit représentée ici car elle fait du bon travail mais nous devons parfois avancer lentement, comme l'escargot, et il faut qu'elle soit réaliste pour que nous puissions protéger ces espèces.
    Merci.
    Merci.
    Une dernière question. Dans le processus d'évaluation qu'entreprend le COSEPAC, tient-il compte de la totalité de l'espèce au niveau international ou bien spécifiquement des troupeaux qui existent?
    Par exemple, on a beaucoup parlé du caribou des bois mais qu'en est-il du caribou des toundras, notamment de l'Arctique occidental, de l'Alaska et du Yukon? Des questions ont été soulevées au sujet des trajets migratoires. Ou vous pouvez vous pencher aussi sur le déclin de l'ours polaire à l'ouest de la baie d'Hudson alors que, mondialement, la population d'ours polaires est statique.
    Je me demande comment ça se passe. Est-ce qu'on s'intéresse à la sous-espèce ou au troupeau spécifique? Est-ce qu'on tient compte de la situation au niveau global?
    Je vais essayer d'être brève. Le COSEPAC a pour fonction d'évaluer la situation au Canada mais, dans ce contexte, il ne laisse pas complètement de côté la situation au niveau mondial. Il peut avoir des situations où l'on estime qu'il y a une préoccupation spéciale, une espèce menacée ou même en péril au Canada alors qu'elle n'est peut-être que vulnérable, voire parfaitement florissante, au niveau mondial. C'est juste le processus du COSEPAC.
    Si je peux ajouter un mot, monsieur le président, c'est la population canadienne, mais le COSEPAC se demande aussi s'il y a en fait des sous-populations qui devraient être évaluées de manière indépendante. Il y a des cas où nous avons une espèce donnée mais le COSEPAC fait son évaluation par population et l'on pourrait donc se retrouver, comme cela s'est déjà vu, avec des évaluations multiples pour des populations multiples d'une même espèce.
    Je remercie tous nos témoins d'aujourd'hui. Je suis personnellement heureux que nous ayons repris notre travail sur la LEP car je pense que notre examen de la loi est un travail très important. J'ai hâte d'adresser des recommandations au Parlement.
    Cela dit, quelqu'un peut-il proposer une motion d'ajournement?
    Une voix: Je propose l'ajournement.
    Le président: La séance est levée. Je vous souhaite un bon week-end.
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