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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 034 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 1er juin 2009

[Enregistrement électronique]

  (0935)  

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins que je remercie d'avoir su nous réserver un créneau sur leur emploi du temps très occupé.
    Pour ceux d'entre vous qui l'ignoreraient, nous avons été à Halifax, à Moncton et à Montréal. Nous allons passer deux jours à Toronto et espérons pouvoir nous rendre dans l'Ouest à l'automne.
    Encore une fois, merci beaucoup d'avoir répondu à notre invitation aujourd'hui et de prendre le temps nécessaire pour nous faire part de votre point de vue sur la situation de la pauvreté au Canada.
    Je vais commencer par ma gauche, c'est-à-dire par vous, Trevor, et nous continuerons vers ma droite. Je vous invite à essayer, autant que faire se peut, de vous limiter à cinq minutes chacun. Vous aurez un signal au bout de cinq minutes, mais je ne vous couperai pas pile à ce moment là. Je vous donnerai simplement une idée du temps qui s'est écoulé depuis le début. Après cela, nous passerons aux questions des députés.
    Bienvenue, Trevor David. Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, monsieur le président. Bonjour également aux membres du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Je m'appelle Trevor David et je suis président d'AfriCana Village and Museum, qui est un projet de développement économique et communautaire à vocation sociale, comportant un volet sans but lucratif et un volet à but lucratif. Ce projet vise à favoriser le développement d'une destination culturelle, patrimoniale, touristique et de divertissement afro-canado-caribéenne dans le secteur riverain de la grande région de Toronto, la GRT.
    Ce projet nous permettra de créer directement 2 000 emplois dans le secteur culturel et des milliers d'autres emplois secondaires. Nous voulons créer un moteur économique ainsi qu'un générateur de richesses pour la communauté afro-canadienne.
    Avant d'entamer mon exposé à proprement parler, je tiens à profiter de cette occasion pour vous remercier, vous-même et vos collègues, de nous donner ainsi la possibilité de vous parler de quelques-unes des solutions à caractère social et commercial, ainsi que des concepts d'affaires auxquels nous avons pensé pour traiter des 400 ans d'histoire et présenter la sombre situation de la communauté afro-canadienne, 400 ans après, selon nos livres d'histoire, que Matthew Da Costa fut l'interprète de Samuel de Champlain, en 1603-1604. Tout ça ne date pas d'hier et nous espérons qu'aujourd'hui, nous allons faire un pas dans la bonne direction.
    Je commencerai cet exposé en répondant aux questions suivantes: les ressources actuelles que le gouvernement fédéral affecte à la réduction de la pauvreté pourraient-elles être mieux employées? Si oui, comment? Quelles ressources additionnelles le gouvernement fédéral devra-t-il investir pour réduire la pauvreté au Canada? Quelles sources de financement pourraient permettre de débloquer ces ressources supplémentaires?
    Deuxièmement, quelles sont les stratégies et solutions que propose notre organisation pour diminuer la pauvreté?
    Les Britanniques ont eu le même problème de chômage dans les couches marginalisées de la société. Au cours des 10 dernières années, ils ont pourtant réalisé d'importants progrès en ayant recours aux entreprises sociales. Ils ont même créé un tout nouveau ministère, l'Office of the Third Sector, qui est un organisme spécialisé chapeauté par un ministre. Westminster a récemment publié un rapport sur la stratégie du troisième secteur dans le cas des collectivités et des administrations locales, rapport dans lequel ils établissent un lien entre leurs initiatives au titre de la stratégie du troisième secteur et le ministère de la Culture, des Médias et du Sport de même que le tourisme. Voici ce que dit l'énoncé de mission:
Nous visons à améliorer la qualité de vie de tous par le truchement d'activités culturelles et sportives, à appuyer la quête d'excellence et à promouvoir les industries du tourisme, de la création et des loisirs.
    Comme vous pouvez le voir, les Britanniques, qui ont réalisé certaines avancées dans le règlement du problème de la pauvreté, ont eu recours aux entreprises sociales. Ils ont même créé un troisième secteur chargé de s'occuper de certains de ces problèmes et ont établi un lien entre le secteur culturel et le secteur touristique.
    Nous ne savions pas que c'est ce qu'ils faisaient au Royaume-Uni, mais quand nous avons songé au concept d'AfriCana Village, il y a quatre ou cinq ans, nous nous sommes dit que nous devions miser sur les seules ressources naturelles dont dispose la communauté noire, soit le secteur culturel et le secteur du loisir, pour créer des emplois en tablant sur l'économie sociale et ainsi avoir un effet sur certains des problèmes auxquels nous nous heurtons.
    Nous estimons, par exemple, que le Fonds Chantiers Canada, d'Infrastructure Canada, pourrait être utilisé de façon plus constructive et novatrice pour s'attaquer à la pauvreté des groupes et des communautés marginalisés. Nous savons que ce fonds est spécifiquement destiné aux projets de tourisme urbain. Il se trouve qu'AfriCana Village correspond tout à fait à ce créneau. Les routes et les infrastructures touristiques urbaines sont les deux grands volets du Fonds Chantiers Canada lancé par le gouvernement. AfriCana Village fait précisément du tourisme urbain.
    Nous estimons que le Canada devrait, tout comme les Britanniques, envisager d'investir les soldes non réclamés de comptes bancaires inactifs pour financer des entreprises sociales et des projets macroéconomiques. Je crois savoir qu'on retrouve tous les ans des dizaines de millions de dollars de soldes non utilisés dans les comptes bancaires et que ces sommes sont versés au Trésor. Au Royaume-Uni, le gouvernement a utilisé ces fonds pour financer les entreprises sociales et remettre à flot les groupes marginalisés afin de permettre à leurs membres de trouver un travail et de payer des impôts. C'est peut-être une solution que le comité permanent pourrait étudier au nom de l'innovation et de la créativité.
    Par ailleurs, s'agissant des fonds de retraite, il faut savoir qu'il existe en Californie le CalPERS, régime de retraite des employés de la fonction publique de l'État. Je sais que vous n'avez rien à voir avec cet aspect, mais vous pourriez tout de même vous y intéresser. Certaines grandes caisses de retraite américaines consacrent un quart ou la moitié d'un pour cent au financement de projets de développement touristique urbain dans les collectivités marginalisées. Des milliards de dollars sont actuellement bloqués et ce serait peut-être là une autre façon d'utiliser ces sommes à bon escient. Il n'est pas question de risquer la majorité des fonds. Il serait simplement question de consacrer un quart à un demi pour cent du total à la relance des activités économiques et à la création de locomotives économiques et de générateurs de richesses dans les collectivités marginalisées.
    De plus, si l'Ontario et surtout la GRT devait obtenir les Jeux panaméricains de 2015, ce serait, selon nous, une excellente occasion de montrer au monde le genre de pays que nous sommes vraiment. La plupart des pays qui participent aux Jeux panaméricains viennent des Antilles. Ne serait-ce pas une merveilleuse démonstration que de nous remettre une partie de l'argent consacré aux Jeux panaméricains et au gouvernement de nous céder une quarantaine d'acres en front d'eau?
    Savez-vous que le gouvernement fédéral possède des milliers d'acres de propriétés riveraines dans la région du Golden Horseshoe? Pourquoi ne pas nous en donner 40, « 40 acres et un mulet »? En fait, gardez le mulet et donnez-nous les 40 acres pour que nous puissions créer une destination, un lieu où la communauté afro-canadienne pourra bâtir une sorte de Disneyland de l'art, de la musique et de la culture afrocentriques, une sorte de Caribana 12 mois sur 12 en bord de l'eau. Ce serait le point de départ d'un projet de création de richesse dont les recettes permettraient de financer d'autres projets, au sein de la collectivité, entrepris par de jeunes entrepreneurs, de financer des bourses et ainsi de suite.
    On peut s'y prendre de différentes façons. Je conclurai très rapidement en vous disant que, selon nous, il y aurait lieu de renforcer la Loi sur l'équité en matière d'emploi pour créer des emplois et s'assurer que les Afro-Canadiens et les autres groupes de minorités visibles obtiennent leur juste part sur le marché du travail. Nous savons qu'avec son train de relance économique, le gouvernement est en train de distribuer des milliards de dollars, mais a-t-il fait quoi que ce soit pour veiller à la répartition de la richesse que cette manne va créer?
    Quand le SkyDome a été construit, ici à Toronto, il a coûté 800 millions de dollars. Nous sommes des contribuables de cette ville. Après vérification auprès du Syndicat des charpentiers, j'ai appris que deux Noirs seulement avaient travaillé à la construction du SkyDome, deux sur des milliers de travailleurs. Ce sont nos dollars qui ont servi à ce projet. Après tout, nous payons des impôts, n'est-ce pas? Deux Afro-Canadiens seulement ont travaillé au SkyDome. Cette réalisation a été possible grâce à l'argent des contribuables. C'est notre argent qui a permis de construire cet édifice qui a ensuite été vendu pour 25 millions de dollars à Rogers.
    C'est toujours la même question, celle de la non-exclusion. Je ne suis pas venu vous entretenir du passé, mais plutôt vous présenter les solutions d'avenir. Il est question de collaborer avec le gouvernement fédéral qui est investi d'une responsabilité envers tous les citoyens canadiens. On ne peut pas simplement s'en remettre aux administrations locales et aux gouvernements provinciaux. Nous sommes au Canada depuis 1604. Nous étions déjà représentés aux côtés de Samuel de Champlain au moment de la fondation de ce pays.
    Nous ne sommes pas simplement un autre groupe minoritaire. Nous sommes l'un des peuples fondateurs de ce pays. Vérifiez ce qu'en disent vos livres d'histoire. James Douglas, de la Colombie-Britannique, était un Noir. Il a été gouverneur et fondateur de la Colombie-Britannique. William Hall, de la Nouvelle-Écosse, a obtenu la première Croix de Victoria décernée à un Canadien. Nous sommes ici depuis le tout premier jour. Durant la guerre de 1812, les nôtres sont tombés le long de nos rivages pour défendre le Sud-Ouest de l'Ontario contre l'invasion américaine. Nous sommes ici depuis le tout premier jour.
    J'invite simplement le comité à demander au gouvernement de réaliser un investissement dans la communauté noire. Les Américains l'ont fait en injectant un milliard de dollars. Le Congrès dominé par les républicains a autorisé un milliard de dollars pour construire un musée national d'histoire et de culture afro-américaines dans le mail, à Washington, sur un terrain de cinq acres situé juste en face du monument de Washington. Ça, c'est une réalisation de l'administration républicaine de Bush. Nous demandons au gouvernement de montrer aux Américains et au reste du monde que nous ne faisons pas simplement de beaux discours, ici, quand nous affirmons que nous apprécions la diversité.
     Le taux de chômage dans la communauté noire est de 40 à 70 p. 100. C'est le professeur Ornstein, de l'Université York, qui nous l'apprend. Un taux de chômage de 40 à 70 p. 100, c'est tout simplement époustouflant, mais il correspond à notre réalité quotidienne. Voilà pourquoi il y a des crimes et d'autres problèmes au sein de notre communauté. Les jeunes et les plus vieux n'ont plus d'espoir. C'est étonnant de voir que les événements prennent un tour « à la française ».
    Nous essayons de trouver des solutions. Nous croyons que, si le gouvernement fédéral acceptait de collaborer avec nous, nous pourrions réaliser de grandes choses. Nous pourrions nous doter d'institutions et d'organismes culturels et organiser notre propre tourisme culturel qui nous rapporterait 500 à 600 millions de dollars par an. C'est ce que représente Caribana en deux semaines. Demandez au gouvernement ici. En deux semaines seulement, cette activité permet à Queen's Park d'encaisser 48 millions de dollars en taxe de vente provinciale. C'est Jim Bradley, le ministre du Tourisme, qui me l'a dit. Quarante-huit millions de dollars en deux semaines. Imaginez ce que pourrait rapporter une destination en bord de l'eau, exploitée 12 mois sur 12, non seulement à la ville et à la province, mais aussi au gouvernement fédéral. Qu'est-ce que cela donnerait du côté de la TPS?

  (0940)  

    Nous invitons donc essentiellement le gouvernement fédéral à s'associer avec nous, à prendre langue avec la province, à parler avec le Ville sur la possibilité de travailler avec la communauté noire locale et avec des entrepreneurs sociaux comme moi qui ont des idées. Nous ne manquons pas d'idées. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un partenaire prêt à agir à l'échelon fédéral, prêt à faire appel à nous et à travailler avec des gens comme moi qui sont engagés — je dis bien engagés — envers cette cause qui consiste à bâtir des institutions économiques et culturelles qui bénéficieront non seulement à la communauté noire, mais aussi à l'ensemble du pays.
    Merci.

  (0945)  

    Merci, monsieur David, et merci pour ce discours passionné.
    Monsieur Rae, bienvenue. Je suis heureux de vous revoir, puisque nous nous sommes parlé dans le cadre de notre étude sur l'employabilité. C'est bien de vous revoir. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureux, moi aussi, de vous revoir.
    Madame et messieurs les députés, je suis heureux d'être ici.
    L'Organisation des Nations Unies avait désigné 1981 comme Année internationale des personnes handicapées. Il y a donc longtemps. Depuis, le Canada a adopté la Charte des droits et libertés qui garantit la même protection et les mêmes droits à tous en vertu de la loi. Malheureusement, si nous ne nous en sommes pas trop mal sortis sur le plan de l'égalité de protection conférée par la loi, nous sommes encore loin de parvenir à l'objectif de l'année internationale ou à la promesse de la Charte qui était de garantir la protection égale de la loi.
    Où en est-on? De nos jours, les personnes handicapées sont presque les plus pauvres au Canada; c'est parmi elles qu'on compte le plus de chômeurs et le plus grand nombre de personnes chroniquement marginalisées. Nous estimons que cette situation qui se perpétue, ces souffrances qui perdurent sont une honte nationale. Ce n'est rien d'autre qu'une honte nationale dans un pays comme le nôtre.
    De quoi avons-nous besoin? Nous avons besoin d'une stratégie économique nationale. Je pèse mes mots — monsieur le président, vous m'avez déjà entendu parler de cela auparavant et vous savez que je ne veux pas parler d'une stratégie nationale d'emploi, mais plutôt d'une stratégie économique nationale. Plutôt que d'appréhender les choses à la façon classique du gouvernement, c'est-à-dire à la petite semaine, nous réclamons une démarche globale.
    Par où commencer? Par un principe fondamental qui fait défaut dans ce pays depuis toujours, c'est-à-dire une volonté politique nationale. Dès lors, nous exhortons le premier ministre à réclamer l'adoption d'une nouvelle approche, à convoquer les organisations représentant les entreprises, le milieu du travail et les citoyens, comme mon organisation, comme le Conseil des Canadiens avec déficiences et le Réseau des femmes handicapées, bref des organisations civiques pour essayer de former un nouveau partenariat.
    Dans le cadre de ce nouveau partenariat, il faudra se pencher sur l'emploi. Il faudrait commencer par transformer le secteur public fédéral en employeur modèle, ce que nous voulons qu'il soit. Au cours de l'année écoulée, le gouvernement a pris de nouveaux engagements envers l'embauche de membres de minorités visibles à la fonction publique fédérale. Je trouve que c'est une bonne idée. Nous croyons également qu'il y a lieu de mettre en place une stratégie spéciale concernant la communauté des personnes handicapées. Il faut faire la même chose dans toutes les provinces et tous les territoires, de même que chez tous les employeurs, du secteur privé comme du secteur public.
    Au Canada, nous avons le droit de passer d'une province à l'autre. C'est ce que dit la Charte. On appelle ça le droit à la mobilité. Nous aussi avons le droit de traverser le pays. Cependant, quand on étudie la situation, on se rend compte qu'il existe des disparités d'une province à l'autre. Cela m'a amusé la première fois qu'on m'en a parlé, mais plus maintenant. Laurie Beachell, coordonnateur national du Conseil des Canadiens avec déficiences, dit qu'une personne handicapée qui a besoin de soins à domicile s'en sort mieux si elle vit au Manitoba, si elle a besoin d'aides techniques, mieux vaut qu'elle aille en Ontario et ainsi de suite. Ce qu'il veut dire, c'est qu'en matière d'aides techniques, les Ontariens comme moi ont la possibilité de se prévaloir du Programme provincial des appareils et accessoires fonctionnels, mais je perdrais cet avantage si jamais je devais déménager au Manitoba, ne serait-ce qu'à un mille de l'autre côté de la frontière.
    J'estime que c'est une honte. Nous vivons dans ce qui est censé être un pays. Pourquoi ne jouissons-nous pas des mêmes droits dans toutes les provinces? Ce dont nous avons besoin, c'est d'une norme nationale, d'une stratégie nationale.
    Sur le plan du revenu, on entend parler du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Je suis retraité. Je suis contribuable. J'en bénéficie et j'en suis heureux. Ce crédit m'aide à compenser une partie des coûts de mon handicap. En revanche, quel abus de langage quand on parle de crédit d'impôt. Ce sont les gens comme moi, qui travaillent, qui en bénéficient. Par contre, ceux qui perçoivent l'aide sociale ne l'obtiennent pas, même s'ils en ont encore plus besoin que moi, Ce n'est pas un crédit, c'est une déduction fiscale. Si vous vouliez que ce soit une déduction, alors pourquoi ne l'avez-vous pas nommée ainsi? Ça aurait été très bien. Nous faisons partie de ceux qui estiment que ce crédit d'impôt devrait être un véritable crédit d'impôt, remboursable.

  (0950)  

    Une grande partie de notre travail, monsieur le président, consiste à essayer d'abattre les vieux obstacles et à empêcher qu'on en crée de nouveaux. Croyez-le ou non, en 2009, nous passons de plus en plus de temps à lutter contre l'érection de nouvelles barrières. Parce que, même si c'est inimaginable, c'est ce qui se passe dans ce pays en 2009. Le domaine des technologies en est un bon exemple. Rares sont les technologies qu'on élabore dans le dessein de les rendre universelles, si bien que nous ne pouvons nous en servir que si nous avons recours à d'autres technologies coûteuses. Pour utiliser un téléphone cellulaire, il faut acheter des équipements destinés aux personnes handicapées. Vous pouvez acheter un four micro-ondes dans un magasin ou emprunter un avion d'Air Canada. Vous pouvez utiliser tout ce qui est mis à votre disposition. Moi, on me propose de plus en plus d'écrans tactiles, dépourvus de tout bouton, que je ne peux pas utiliser. Vous vous demanderez ensuite pourquoi je qualifie cela de discriminatoire?
    Dans le domaine du revenu des particuliers, le sort des personnes handicapées et leur niveau de pauvreté sont bien connus et bien documentés, surtout dans cette province. C'est ce qui a été confirmé rapport après rapport l'année dernière. Comme vous le savez, Queen's Park a adopté une stratégie de réduction de la pauvreté. Nous verrons ce qu'elle donnera. L'un de ses rapports nous a appris quelque chose de très intéressant et peut-être de surprenant: si vous donnez 1 000 $ de plus à un pauvre, vous lui permettrez d'améliorer très nettement son état de santé. Nous savons que le système de soins de santé est débordé. Il faut donc faire tout ce que nous pouvons pour essayer de l'alléger.
    Enfin, je veux vous parler d'une chose à propos du dernier budget, c'est-à-dire des fonds destinés aux infrastructures. Ils présentent un potentiel, mais dans quelle mesure a-t-on prévu des sommes pour contribuer à abattre les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées? Une partie de l,argent ira à des collèges et à des universités, ce qui est une bonne idée. En effet, les édifices de certains collèges et universités ont grandement besoin d'être modifiés pour que être plus facilement accessibles. Dans quelle mesure a-t-on prévu des sommes à cette fin? Il va aussi falloir rendre le transport en commun beaucoup plus accessible. Il y a lieu de se demander non seulement s'il sera possible d'utiliser des sommes à ces fins, mais surtout si on le voudra.
    En conclusion, nous réclamons une stratégie économique nationale fondée sur une véritable volonté politique, comportant un volet sur l'accès au marché du travail, une dimension concernant la sécurité du revenu et prévoyant la suppression des barrières de nature technologique; cette stratégie devra aussi s'intéresser au sort des membres des Premières nations qui souffrent d'un handicap et elle devra consacrer une partie des fonds d'infrastructures à notre communauté.
    Monsieur le président, par les temps qui courent, tous les ordres de gouvernement trouvent l'argent nécessaire pour se porter au secours de grandes sociétés. Le moment n'est-il pas venu de dénicher quelques sous pour se porter au secours des Canadiennes et des Canadiens qui ont le plus besoin d'un coup de main?
    Merci, monsieur le président.
    Merci, John.
    Nous allons passer à Sherry Campbell du Collège Frontier.
    Bienvenue Sherry. Vous avez la parole.
    Bonjour. Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité. Je suis ravie d'être ici.
    Comme je suis enthousiaste de nature, je suis arrivée un peu plus tôt et j'ai pu assister à d'autres séances. Contrairement à l'un de mes collègues qui était ici plus tôt, j'espère parvenir à établir sans détour le lien qui existe entre l'alphabétisme insuffisant et la pauvreté.
    Le Collège Frontier est le premier organisme national d'alphabétisation. Nous sommes très fiers, cette année, de célébrer les 110 ans de notre programme national d'alphabétisation. Nous avons toujours travaillé aux frontières de notre société, auprès des plus marginalisés d'entre nous. Nos programmes comportent des séances de tutorat en tête-à-tête, des clubs de devoirs personnalisés, des cercles de lecture, du soutien en classe, des cours d'ALS, un programme d'alphabétisation en prison, les camps d'été pour Autochtones et l'alphabétisation en milieu de travail. Les apprenants dont nous nous occupons sont des gens pauvres, qui vivent souvent en marge de la société, et l'on y retrouve des familles vivant dans des logements sociaux, de nouveaux arrivants appartenant à des minorités raciales et culturelles qui luttent pour survivre grâce à des emplois peu rémunérés, des décrocheurs du secondaire et des jeunes à risque qui sont des chômeurs chroniques, souvent criminalisés, des Autochtones vivant dans des réserves éloignées un peu partout au Canada, des prisonniers et des personnes handicapées.
    Nous estimons que l'alphabétisme est un droit humain fondamental grâce auquel les gens peuvent pleinement participer à la société en général. Toute stratégie ou tout plan destiné à réduire la pauvreté au Canada doit s'attaquer au problème de l'alphabétisme insuffisant. Nombre d'études ont fait ressortir le lien qui existe entre ce phénomène et la pauvreté et les constats de ces études portent à la réflexion. Les gens qui ont de faibles capacités de lecture et d'écriture sont deux fois plus susceptibles que les autres adultes de se retrouver sans emploi.
    J'écoutais une émission ce matin, à la radio, sur le thème des programmes de recyclage dans le secteur manufacturier destinés aux travailleuses à qui l'on enseigne la salubrité alimentaire, c'est-à-dire tout ce qui touche à la salubrité des aliments pour qu'elles puissent, par exemple, devenir aides-diététistes. Cependant, l'un des obstacles auxquels ces femmes se heurtent pour suivre ces cours de recyclage est leur faible niveau de littératie. Après des années passées en usine à ne pas utiliser leurs capacités de lecture et d'écriture, elles ne sont pas en mesure de lire et d'écrire suffisamment bien et il a fallu commencer par investir dans un programme d'alphabétisation de base afin qu'elles puissent suivre les programmes de recyclage.
    Le revenu de personnes ayant des difficultés sur le plan de l'alphabétisme n'équivaut qu'aux deux tiers de celui des autres adultes. Ces mêmes personnes touchent 28 000 $ de moins que ceux qui sont pleinement alphabétisés. Nous savons que c'est dans les familles pauvres qu'on retrouve les taux les plus élevés d'analphabétisme et de pauvreté. Les personnes dont l'alphabétisme est insuffisant ne sont pas capables de remplir les formulaires ou même de bénéficier d'un grand nombre de programmes de soutien que le gouvernement met à leur disposition. C'est un service important. Les gens doivent comprendre que pour accéder à un logement, à des soins de santé ou à d'autres programmes et services gouvernementaux, il leur faut assez bien maîtriser les techniques de lecture et d'écriture. Elles seront beaucoup plus susceptibles de participer à des activités civiques, comme des élections, des réunions communautaires ou des réunions scolaires.
    Comme nous le savons, l'alphabétisme insuffisant se transmet de génération en génération, comme la pauvreté. Les enfants de parents qui ne peuvent les aider à apprendre la lecture et l'écriture ou à faire leurs devoirs éprouvent souvent un problème d'alphabétisme insuffisant quand ils sont plus vieux.
    Les enfants de familles pauvres risquent davantage que les autres d'être étiquetés dans le système scolaire et de se retrouver dans des classes où l'on attend moins d'eux, mais aussi où on leur apporte moins. Cela étant, beaucoup d'enfants pauvres décrochent ou finissent leur scolarité sans être parfaitement alphabétisés.
    Le Centre canadien de politiques alternatives a récemment publié un article sur le thème de la réduction de la pauvreté comme meilleur moyen de soigner une économie malade. On y apprend qu'un décrocheur en 10e année du secondaire perd plus de 120 000 $ en revenus durant toute sa vie active.
    La pauvreté et l'alphabétisme insuffisant vont de pair. C'est toute notre société qui est perdante quand des élèves décrochent. Notre société est perdante quand des gens ne comprennent pas les directives relatives à la prise de médicaments, quand des travailleurs ne savent pas lire les consignes de sécurité, quand des parents sont incapables de lire des histoires à leurs enfants, le soir, pour les endormir.
    Tout comme les autres administrateurs de programmes d'alphabétisme, nous serions ravis que le gouvernement débloque davantage de ressources pour financer les programmes d'alphabétisation communautaires, afin de mieux servir les apprenants, mais nous ne pouvons pas ignorer qu'une petite fraction d'adultes, 5 à 10 p. 100, ayant des capacités limitées en lecture et en écriture s'inscrivent aux programmes d'alphabétisation pour s'améliorer. Nous estimons donc qu'il convient d'appliquer de nouvelles approches pour favoriser l'amélioration des niveaux d'alphabétisation et rejoindre davantage d'apprenants. C'est pour cela que nous proposons un certain nombre de choses: que les projets pilotes de RHDCC soient intégrés dans les programmes d'alphabétisation communautaires, plus précisément dans un cadre non traditionnel de prestation de services, comme des banques alimentaires, des cliniques de santé, des services de counselling et des programmes de recyclage, de sorte à rejoindre davantage d'apprenants potentiels.
    Nous savons que les gens n'ont pas accès à de tels programmes quand ils sont offerts hors de leurs collectivités. Nous savons que ceux qui ont de faibles capacités de lecture et d'écriture sont stigmatisés. Nous savons également que les gens ne sont pas forcément conscients de leur faible niveau d'alphabétisme. Les femmes dont je parlais tout à l'heure, qui venaient de perdre leur emploi dans le secteur manufacturier, n'avaient pas forcément eu de difficultés auparavant à cause de leur faible niveau d'alphabétisme, du moins pas tant qu'elles n'ont pas eu à se trouver un autre emploi.
    Nous savons que ceux qui souffrent des effets d'une paupérisation croissante se tournent de plus en plus vers les organismes communautaires, ce qui nous amène à demander que les programmes d'alphabétisme soient offerts par ces organismes.

  (0955)  

    Nous recommandons aussi que les ministères fédéraux revoient l'ensemble de leurs programmes sous l'angle de la littératie. Par exemple, Santé Canada pourrait revoir toutes les consignes relatives à l'étiquetage des contenants de médicaments pour s'assurer que le langage employé est accessible aux Canadiens qui ont de la difficulté à lire.
    Je conclurai en disant qu'il y a bien un lien étroit entre l'alphabétisme insuffisant et la pauvreté, si bien que, pour porter fruit, toute stratégie de réduction de la pauvreté devra tenir compte de cette dimension. De nombreuses études nous ont révélé qu'un trop grand nombre de Canadiens vivent dans la pauvreté, qu'ils sont abandonnés par les systèmes d'éducation traditionnels et qu'ils n'ont pas accès aux programmes.
    Je vous laisserai sur une citation extraite d'un rapport du Groupe Financier Banque TD. Craig Alexander est l'économiste en chef de la TD. Il y a quelques années, ce groupe a publié un rapport intitulé Ne négligeons pas l'alphabétisme: appel à l'action. Je vous cite sa conclusion:
Parmi les nouvelles les plus favorables, retenons que les efforts d’amélioration de l’alphabétisme peuvent avoir des incidences considérables et un retentissement profond. Un meilleur alphabétisme rehaussera le succès tant économique que financier des personnes et de l’économie dans l’ensemble. De tels progrès servent à réduire la pauvreté, à améliorer l’état de santé, à favoriser un meilleur engagement dans la collectivité et, enfin, à élever le niveau de vie. En fait, il serait difficile de penser à un autre enjeu unique susceptible d’avoir des retombées bénéfiques aussi considérables pour les citoyens, l’économie et la société.
    Merci.

  (1000)  

    Merci Sherry.
    Nous allons maintenant passer à Margaret Eaton de ABC CANADA Fondation pour l'alphabétisation.
    Margaret, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, et merci à vous, Sherry, pour cette merveilleuse introduction à ce que j'ai à dire sur l'alphabétisme. Certaines de nos recommandations s'appuieront d'ailleurs sur ces remarques fort bien senties.
    Je m'appelle Margaret Eaton et je suis présidente d'ABC CANADA Fondation pour l'alphabétisation. Je suis très heureuse de me retrouver ici pour vous parler de cette question fondamentale.
    Je vais également vous parler des liens très étroits qui existent entre l'alphabétisme insuffisant chez les adultes et la pauvreté. Les deux sont inextricablement liés. Si nous parvenions à hausser les niveaux d'alphabétisme des adultes canadiens, nous pourrions faire en sorte que beaucoup d'entre eux échappent à la pauvreté.
    Comme Sherry vous l'a dit, la récession fait des ravages. À cause de l'augmentation du chômage, les listes d'attente s'allongent et les Canadiens qui veulent s'inscrire à des programmes d'alphabétisation doivent parfois attendre des mois. Beaucoup de travailleurs qui occupent des emplois subalternes dans le secteur manufacturier ont besoin, pour aller travailler ailleurs, de compétences qui sont de loin très supérieures. La littératie est une compétence générale et, par littératie, je veux parler de l'aptitude à la lecture, à l'écriture et au calcul qu'il faut posséder pour participer aux activités quotidiennes à domicile, au travail et au sein de la collectivité afin de pouvoir réaliser les objectifs qu'on s'est fixés.
    Selon des évaluations réalisées à l'échelle internationale, près de 42 p. 100 des Canadiens ont un faible niveau d'alphabétisme. Cela veut dire qu'ils ont un niveau inférieur à celui du secondaire qui est le minimum reconnu dans le monde pour qu'il soit possible de participer à l'économie du savoir. Certaines personnes dans cette situation peuvent avoir des revenus très élevés, mais ce n'est pas le cas pour la très grande majorité.
    Comme Sherry vous le disait, l'alphabétisme insuffisant est à mettre en rapport direct avec de faibles revenus. Ceux qui sont peu alphabétisés ont moins de chances de se trouver un emploi que ceux dont le niveau d'alphabétisation est élevé. Il leur est simplement plus difficile de trouver et de conserver un emploi. Celui qui ne possède pas un niveau de littératie suffisant a beaucoup moins de chances que les autres de se sortir de la pauvreté. Nous craignons, à cause de la récession actuelle, qu'un grand nombre de Canadiens n'aient pas les compétences minimales nécessaires pour s'adapter aux nouvelles réalités économiques.
    Nous avons assisté au déclin des secteurs manufacturier, forestier et minier. Avant, tous ces secteurs offraient certains emplois bien rémunérés à des gens qui ne savaient pas forcément très bien lire ni écrire. Désormais, ils ont énormément de difficulté à changer d'emploi. Nous savons, par ailleurs que les employeurs exigent de plus en plus des niveaux d'alphabétisme supérieurs. Par exemple, l'industrie du camionnage, qui a été un merveilleux refuge, dans certains endroits, pour des personnes ayant un alphabétisme insuffisant, sont maintenant tenues de participer à la gestion des inventaires. Pour cela, les routiers doivent utiliser des ordinateurs de bord.
    Beaucoup de Canadiens devront se recycler et améliorer leurs qualifications pour être concurrentiels sur un marché du travail en mutation.
    Nous avons récemment demandé à Ipsos Reid de sonder les travailleurs canadiens au sujet de leurs niveaux d'alphabétisme. Nous leur avons demandé si, advenant qu'ils perdent leur emploi aujourd'hui, ils possédaient le niveau d'alphabétisme nécessaire pour s'en trouver un autre. Pas moins de 21 p. 100 d'entre eux craignent de ne pas posséder le niveau de littératie nécessaire pour cela.
    Par ailleurs, il convient de se préoccuper des aspects connaissances en finances et connaissances en calculs dans le cas de ceux qui présentent un alphabétisme insuffisant. Comme nous l'avons vu dans le sillage de la crise des hypothèques aux États-Unis, que nous ressentons un peu au Canada, la méconnaissance des règles financières a beaucoup joué dans ce phénomène. Ce genre de compétences peut, en outre, aider les gens à se sortir de la pauvreté.
    Comme Sherry vous l'a également dit, il y a un lien absolu entre le niveau de littératie des enfants et celui de leurs parents. Si nous voulons briser le cycle de l'alphabétisme insuffisant, il faudra s'attaquer à l'alphabétisation des adultes.
    Dans notre étude Ipsos Reid, nous avons aussi voulu savoir qui était responsable d'améliorer les compétences des Canadiens. La plupart des répondants estiment bien sûr qu'il appartient à chacun d'améliorer ses compétences, mais on constate aussi qu'ils ne s'attendent pas à devoir faire cela tout seuls. Quatre répondants sur dix étaient d'avis que le milieu de travail de la personne avait un important rôle à jouer. Cependant, sept Canadiens sur dix croient aussi que le gouvernement doit contribuer à l'amélioration du niveau d'alphabétisme des adultes. Cela veut dire que la grande majorité des Canadiens veulent que leur gouvernement joue un rôle auprès des adultes pour les aider à améliorer leurs compétences.
    Nous recommandons que le Canada se dote d'une stratégie comportant un important volet consacré à l'alphabétisation et à l'enseignement des compétences essentielles afin de s'assurer que les Canadiens soient suffisamment outillés pour être compétitifs sur le marché du travail, dans le présent et dans l'avenir. Les compétences et l'emploi sont deux facteurs déterminants pour sortir les Canadiens de la pauvreté et s'assurer qu'ils n'y retomberont pas. J'ai apprécié ce qu'a dit John quand il a parlé de l'idée d'une stratégie économique, parce que c'est bel et bien un enjeu économique. J'estime que votre comité pourrait véritablement jouer un rôle de premier plan dans la définition d'une stratégie globale répondant à un grand nombre des préoccupations qui ont été soulevées aujourd'hui.
    Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer? Nous estimons qu'il pourrait prendre les rênes en main pour créer et mettre en oeuvre une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté dont l'un des principaux piliers serait une stratégie nationale d'alphabétisation. C'est en mobilisant les provinces, les territoires et les parties prenantes du milieu de l'alphabétisation que nous parviendrons à élaborer une telle stratégie. Celle-ci énoncera une démarche unifiée, fondée sur des principes, qui nous permettra d'éliminer l'ensemble des services disparates actuellement offerts un peu partout au pays et de proposer de véritables normes.

  (1005)  

    Le gouvernement fédéral pourrait adopter une vision et des objectifs pour l'ensemble du pays afin que notre main-d'oeuvre soit adaptée aux besoins d'une économie mondiale.
    Si on hausse les niveaux d'alphabétisme des Canadiens, tout le monde aura accès à des emplois bien rémunérés, ce qui aura des répercussions énormes sur la qualité de vie de chacun. Qui dit niveau d'alphabétisation plus élevé, dit meilleure santé, revenu supérieur et meilleure participation citoyenne. Un niveau d'alphabétisme plus élevé est aussi évocateur d'un pays qui dispose d'une main-d'oeuvre plus compétitive sur un marché du travail qui s'internationalise de plus en plus. L'amélioration des compétences et la réduction de la pauvreté auront également des répercussions durables sur notre économie nationale.
    Notre compétitivité, notre productivité et notre créativité dépendent du pilier essentiel qui est l'aptitude à la lecture et à l'écriture considérés en tant que moyens de réduction de la pauvreté.
    Merci.
    Merci, Margaret.
    Nous passons maintenant à John Stapleton de l'Atkinson Charitable Fondation.
    Bienvenue, John. Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je m'appelle John Stapleton et je suis bénéficiaire d'une bourse d'études en politiques sociales de la Metcalfe Foundation, à la St. Christopher House de Toronto.
    Je vais adresser trois remarques et recommandations au comité. La première concerne le rôle de moins en moins important que remplit le gouvernement fédéral vis-à-vis du filet de sécurité sociale du Canada. La deuxième a trait aux stratégies de réduction de la pauvreté aux niveaux provincial, territorial et fédéral. La troisième porte sur le plafonnement des avoirs relativement à l'admissibilité à l'aide sociale et sur ce que le gouvernement pourrait faire à ce propos.
    Pour ce qui est du premier aspect, dans les années 1980, la part du gouvernement fédéral, calculée en pourcentage du PIB, dépassait le total provincial. Or, cette contribution ne correspond plus aujourd'hui qu'aux deux tiers de celle des provinces et elle ne cesse de diminuer, tandis que la part des provinces augmente. Au rythme actuel où vont les choses, la part du fédéral pourrait fort bien, d'ici 2025, être inférieure à la part brute des municipalités, toujours en fonction du PIB. Cela revient à dire que le gouvernement fédéral jouera un rôle de moins en moins important dans la détermination des normes nationales applicables aux programmes sociaux et que son pouvoir de dépenser et sa présence financière diminueront avec le temps.
    Comme vous le savez, la capacité du gouvernement fédéral de financer ses propres programmes sera mise à rude épreuve dans les 10 prochaines années, alors que les enfants du baby boom prendront leur retraite, que la masse des prestations versées aux personnes âgées augmentera et que les revenus fiscaux diminueront. J'exhorte le comité à prendre note de ces tendances troublantes et à en tenir compte dans son évaluation du futur rôle d'Ottawa dans l'établissement de la politique sociale du Canada. Le gouvernement fédéral devrait essayer de renverser la tendance actuelle caractérisée par une érosion de sa part des dépenses sociales afin, dans l'avenir, de renouer avec son rôle prédominant.
    Mon deuxième axe d'intervention concerne les stratégies de réduction de la pauvreté. Bien que le gouvernement du Canada n'ait pas adopté une telle stratégie, il se trouve que la majorité des provinces se sont dotées d'instruments de ce genre, notamment Terre-Neuve et Labrador, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Québec, l'Ontario et, plus récemment, il y a tout juste deux semaines, le Manitoba. Ce n'est pas par hasard que les deux plus grandes provinces du Canada ont été les premières à se doter d'une législation de lutte contre la pauvreté. Avec l'augmentation de la taille de leur économie par rapport à celle du fédéral, il était normal que les deux plus grosses provinces disposent de plus gros moyens financiers pour s'attaquer seules à la pauvreté, du moins en partie.
     Les petites provinces, ayant des moyens financiers moindres, et les provinces de l'Ouest qui sont davantage sujettes à la fluctuation du cours des produits de base n'ont pas encore adopté de telles stratégies. Si cette situation persiste, on verra apparaître une disparité dans la lutte contre la pauvreté entre certains territoires et provinces. Le gouvernement fédéral ne doit pas permettre cela. Il doit exercer son rôle dominant dans ce dossier et adopter une stratégie nationale de réduction de la pauvreté le plus tôt possible.
    Je vous ai fait remettre mes remarques sur la mise en place de la prestation fiscale canadienne pour enfants et je souligne une troublante tendance, soit que les cinq plus petites provinces du Canada n'ont pas été en mesure d'appliquer la prestation pour enfants intégrée. Cela illustre également le manque de capacité des petites provinces et des petits territoires.
    Pour ce qui est de mon dernier point, celui concernant le plafonnement des avoirs dans le cadre de l'aide sociale, il est certes notable qu'Ottawa ait, en 1996, renoncé à son programme de partage des coûts pour l'aide sociale et les services sociaux — je veux parler du Régime d'assistance publique du Canada — , mais le RAPC n'était pas simplement un véhicule de partage de coûts, puisqu'il fixait les paramètres et les consignes auxquels les provinces devaient se conformer. Par exemple, le RAPC interdisait aux provinces et aux territoires d'imposer le travail obligatoire et leur fixait le plafonnement des avoirs. Cependant, avec la fin du RAPC il y a 13 ans, beaucoup de provinces ont appliqué différentes formes de travail obligatoire. Elles ont aussi réduit de beaucoup le plafond des avoirs au point que la norme d'admissibilité équivaut désormais à un parfait dénuement.
    Il ne faut pas s'y tromper: jamais dans l'histoire du Canada le régime d'assistance publique n'a été sujet à un plafonnement des avoirs aussi bas et jamais il n'a été aussi difficile de se prévaloir de ce programme. Cela veut dire que, dans les provinces où la protection de l'AE est faible, où le volume de cas augmente rapidement — c'est-à-dire au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique — contrairement au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve, l'admissibilité à l'aide sociale est très différente de ce qu'elle a été dans les récessions antérieures quand on avait également noté une augmentation du volume de cas. Dans les récessions précédentes, on avait permis aux bénéficiaires de posséder un minimum d'avoirs raisonnable qui devait leur permettre de se remettre sur pied au moment où ils pouvaient se débrouiller sans l'aide sociale. Or, comme ces niveaux d'avoirs ne sont plus permis, il faut s'attendre à ce qu'un important et coûteux reliquat de volumes de cas persiste longtemps après la fin de cette récession.
    Je vais vous dire ce que le gouvernement pourrait faire sans qu'il ne lui en coûte rien. On a pu constater que, chaque fois où le fédéral a pris les choses en main et réclamé des modifications aux normes nationales, les provinces et les territoires ont emboîté le pas. Par exemple, quand le ministre des Finances, John Manley, a demandé aux provinces, en 2003, de cesser de récupérer le supplément de la prestation nationale pour enfants, toutes ont obtempéré. Quand, en 2004, RHDCC a demandé à toutes les provinces de ne pas faire intervenir les REEE dans le calcul des avoirs pour l'admissibilité aux allocations sociales, toutes se sont conformées. Quand, le 23 décembre de l'année dernière, le ministre des Finances, M. Flaherty, a demandé aux provinces d'exclure la Prestation fiscale pour le revenu de travail — la PFRT — et le Régime enregistré d'épargne-invalidité du calcul des prestations de l'aide sociale, toutes lui ont obéi. Cependant, quand on ne les invite pas à exclure des paiements de l'aide sociale les REER ou le nouveau CELI, les provinces et territoires maintiennent leur politique qui consiste à comptabiliser les CELI et, plus important encore, les REER comme des avoirs et des revenus dans le cadre des programmes d'aide sociale provinciaux. Seuls l'Alberta, le Québec et Terre-Neuve et Labrador excluent une partie de ces véhicules d'épargne, comme l'a montré John Rae plus tôt, dans son intervention.

  (1010)  

    Que cela donne-t-il? Au final, des chômeurs qui n'ont que quelques milliers de dollars placés dans des REER et qui demandent à être admis à l'aide sociale se font dire qu'ils doivent d'abord liquider leur pécule et représenter une demande ensuite. C'est ce qu'ils font, mais à une valeur plancher après l'effondrement des marchés, puis ils dépensent le produit de la vente avant de pouvoir obtenir un seul sou de l'aide sociale. L'année suivante, ils reçoivent une facture de l'impôt qu'ils ne sont pas en mesure de régler. Histoire d'aggraver les choses, ils n'ont plus d'argent de côté pour leur retraite et ils dépendront de plus en plus de programmes comme le supplément de revenu garanti après l'âge de 65 ans, tout cela à cause de politiques à courte vue qui coûtent très cher à tout le monde.
    J'invite donc le gouvernement fédéral à assumer son rôle de chef d'orchestre qui a fait ses preuves dans le passé et à demander aux provinces et aux territoires d'exclure les montants modestes de REEE et de CELI du calcul de l'aide sociale.
    Merci beaucoup.
    Merci, John.
    Nous allons maintenant passer à notre dernier groupe, l'African Canadian Legal Clinic. Nous accueillons Mary Chen, de même que Heather Kere. Bienvenue. Vous avez cinq minutes.
    Merci. Bonjour, monsieur le président; je salue les membres du comité et nos cotémoins.
    L'African Canadian Legal Clinic est une clinique d'aide sociale en Ontario qui représente les Afro-Canadiens à faible revenu. Nous prenons part à des causes décisoires, à des litiges et à des activités de réforme du droit touchant à la lutte contre le racisme et à l'égalité des droits.
    Je m'appelle Heather Kere et je suis aide judiciaire auprès des tribunaux pour l'African Canadian Legal Clinique; je suis accompagnée de ma consoeur, Me Marie Chen, qui est avocate à l'emploi de la clinique d'aide juridique.
    Nous avons l'intention de vous parler de la situation de pauvreté que connaissent les Afro-Canadiens. C'est un point de vue que l'on entend rarement, mais qui est tout de même essentiel dans la lutte visant à éradiquer la pauvreté. Je vous citerai des statistiques dans mon exposé, mais sachez qu'elles apparaissent toutes dans le mémoire que nous avons soumis au comité.
    À l'instar des nombreux intervenants qui, aujourd'hui, ont fait ressortir le lien entre pauvreté et littératie, nous affirmons que la pauvreté est étroitement liée au racisme. L'African Canadian Legal Clinic et nombre de ses alliés affirment que la pauvreté a une couleur nettement raciale. Les taux de pauvreté des groupes raciaux, surtout des Afro-Canadiens, sont disproportionnellement plus élevés que ceux enregistrés pour le reste de la population à cause de barrières structurelles et d'un racisme institutionnel.
    Il convient de remarquer que le racisme dirigé contre les Noirs, en particulier, est au coeur du phénomène de la pauvreté chez les Afro-Canadiens. Toute stratégie destinée à lutter contre la pauvreté doit s'accompagner d'une analyse antiraciste visant à nous donner des chances égales pour notre développement politique, social et économique. Les questions entourant la pauvreté sont toutes reliées entre elles et elles menacent notre capacité à jouir des autres droits qui nous sont garantis, comme l'accès au travail et au logement et la sécurité alimentaire. Les taux élevés de chômage, la pauvreté des femmes et des enfants et la concentration d'Afro-Canadiens dans les quartiers à faible revenu sont autant d'obstacles qui nous empêchent de briser le cycle de la pauvreté des Afro-Canadiens. Il a été établi que tout cela favorise le phénomène de criminalisation de cette tranche de la population.
    Dans son étude des niveaux de pauvreté des minorités raciales, le professeur Michael Ornstein montre que 10,6 p. 100 des familles blanches vivent sous le seuil de la pauvreté, contre 36 p. 100 des familles Afro-Canadiennes — 10,6 p. 100 par rapport à 36 p. 100, cela fait une différence de près de 25 p. 100. Les Afro-Canadiens constituent actuellement 0,2 p. 100 seulement de la population canadienne, mais une analyse du recensement de 2006 nous révèle que 40 p. 100 de cette tranche de la population vivait sous le seuil de la pauvreté en 2001.
    Quel est l'état de la situation des Afro-Canadiens sur le plan de l'emploi? Le recensement de 2001 a fait ressortir que les Afro-Canadiens sont tout aussi instruits que les autres, pourtant leurs taux de pauvreté sont supérieurs et leurs revenus sont inférieurs à ceux de la population en général, et ils sont plus susceptibles d'être chômeurs. Cela fait 11,4 p. 100 d'Afro-Canadiens contre 5,8 p. 100 pour les autres.
    Qu'en est-il de nos femmes et de nos enfants? Avec plus de 57 p. 100 d'entre elles qui vivent sous le seuil de la pauvreté, les Afro-Canadiennes appartiennent au groupe racial le plus pauvre du Canada. Plus de 34,5 p. 100 des Afro-Canadiennes qui font partie d'une famille sont pauvres, contre plus de 52,7 p. 100 de celles qui vivent seules. Ces chiffres portent d'autant plus à la réflexion quand on les compare avec les données relatives à la population en général, puisque la pauvreté concerne 13,7 p. 100 de l'ensemble des femmes vivant dans une famille et 41,9 p. 100 des femmes vivant seules.
    D'après le recensement de 2001 de Statistique Canada, 44 p. 100 des enfants afro-canadiens vivent dans la pauvreté, contre 19 p. 100 pour la population en général. Qui plus est, si dans la population eurasienne, les taux de pauvreté des mères célibataires sont de 26 p. 100, dans la population afro-canadienne, ils sont de 65 p. 100. Les Afro-Canadiens sont aux prises avec d'autres problèmes de sécurité sociale, de menaces à la sécurité alimentaire et de logements inadéquats dont nous traitons plus en profondeur dans notre mémoire.
    Quelles recommandations avons-nous à adresser au gouvernement fédéral? Eh bien, nous estimons, tout d'abord, qu'avant d'élaborer une quelconque stratégie de lutte contre la pauvreté, il faut comprendre le rôle fondamental du racisme dans la création et l'entretien de la pauvreté et des obstacles systémiques auxquels se heurtent les Afro-Canadiens.

  (1015)  

    Vous trouverez dans notre mémoire une liste complète de nos recommandations, mais nous nous proposons de vous en souligner quatre.
    Premièrement, il serait question d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté comportant une réponse intégrée et multisectorielle qui parte du principe que la pauvreté dépend de la race et qui reconnaisse que les Afro-Canadiens ont des besoins distincts, qu'ils sont vulnérables et qu'ils se heurtent à des obstacles particuliers, cela pour que tous les Canadiens aient un niveau de vie acceptable, y compris les Afro-Canadiens.
    Deuxièmement, il faut réclamer la collecte de données non regroupées sur les indicateurs socioéconomiques de la pauvreté en fonction de la pauvreté et de la race, auprès de tous les organismes et ministères, pour s'en servir d'outils de contrôle et d'évaluation.
    Troisièmement, il faut prendre les mesures nécessaires pour garantir à tous des chances égales d'obtenir un emploi, surtout aux femmes, et parvenir à persuader les gouvernements provinciaux et territoriaux d'adopter de véritables lois instaurant l'équité en matière d'emploi, lois assorties de mandats, d'objectifs et d'indicateurs spécifiques en vue d'aplanir les disparités dont souffrent les Afro-Canadiens en matière d'emploi et de veiller à ce que ces lois soient strictement appliquées.
    Enfin, il faut augmenter le supplément de la prestation nationale pour enfants, surtout pour les bénéficiaires de l'aide sociale, et parvenir à persuader les gouvernements provinciaux et territoriaux qui continuent de récupérer le supplément de la prestation nationale pour enfants qu'ils doivent mettre un terme à cette pratique discriminatoire à cause de laquelle nos femmes et nos enfants se retrouvent dans la misère.
    Quand des communautés entières vivent dans la pauvreté, c'est tout le monde qui en souffre. Les communautés, mais aussi la société en général. Nos femmes souffrent et nos enfants et nos adolescents sont en crise. La communauté afro-canadienne demande au gouvernement fédéral d'assumer ses responsabilités et de créer un plan national en vue d'instaurer et d'entretenir un niveau de vie comparable pour tous.
    Merci.

  (1020)  

    Merci, madame Kere.
    Nous allons entamer nos séries de questions. La première série sera de sept minutes et je pense que nous aurons du temps pour tout le monde. Sachez que l'interprétation est offerte, si jamais vous en avez besoin. M. Ouellet vous posera ses questions en français.
    Nous allons commencer par Mme Minna. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous pour votre présence.
    Ce n'est pas ce que j'ai entendu ce matin qui me frustre et j'ai d'ailleurs déjà dit cela dans d'autres réunions, parce que ça n'a rien de nouveau pour moi. Je suis originaire de Toronto et j'ai oeuvré sur le plan communautaire dans cette ville, pendant de nombreuses années, avant de me présenter sur la scène fédérale. Certaines des choses que vous avez dites ont des airs de déjà vu parce qu'elles illustrent des combats que nous menons depuis longtemps. La pérennité de ce combat est d'ailleurs plus tragique que l'existence même de ces problèmes.
    C'est tout ce que je voulais dire.
    Je tenais également à dire à Mme Kere qu'elle a tout à fait raison. Lors de notre étude sur l'analyse comparative entre les sexes, au Comité permanent de la condition féminine, nous nous sommes rendu compte que, chaque fois qu'on étudie la pauvreté ou d'autres dossiers du genre, il faut tenir compte de la dimension hommes-femmes, mais aussi de la dimension raciale et ethnique. Toutes deux sont extrêmement importantes.
    Malheureusement, et nous le savons tous, même si nous prétendons que le racisme n'existe pas dans ce pays, il est bel et bien présent. Il existe d'une façon qui n'est pas forcément très évidente, mais qui est insidieuse parce qu'il est systématique et qu'il revient à nier à beaucoup d'enfants et de familles le droit de participer... J'ai personnellement connu ce phénomène, puisque je suis arrivée d'Italie dans les années 1950. Ma communauté a dû attendre trois générations au Canada avant de pouvoir aller à l'université à temps plein, à cause du principe de la répartition en classes homogènes. On supposait alors que nous travaillerions tous dans le bâtiment ou dans des usines. Je sais que la situation n'est pas la même et que je ne peux faire de comparaisons. Tout ce que je voulais vous dire, c'est que je comprends ce que cela signifie, dans une certaine mesure. Et je sais qu'aujourd'hui la situation est encore pire dans le cas des minorités visibles au Canada.
    Nous devons être audacieux et je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit.
    Je vais vous poser deux ou trois questions. Monsieur David, vous avez parlé d'entreprises sociales. À une époque, au gouvernement, nous avions un secrétaire parlementaire chargé de l'économie sociale, mais cette fonction n'existe plus. Je pense, cependant, que c'est ce à quoi vous faisiez allusion. Vous parliez évidemment de votre organisme, mais d'une façon plus générale, on parle d'économie sociale, soit des projets socioéconomiques. Si l'on se penchait sur la question du logement, nous pourrions y rattacher une dimension économique, qu'il soit question d'offrir de la formation ou des emplois, d'ouvrir un magasin ou un centre de développement des compétences, ou que sais-je encore, en milieu communautaire. Vous parlez donc bien d'un cadre intégré de développement socioéconomique communautaire. C'est cela?
    Parfaitement. D'ailleurs, il serait question de réaménager Regent Park, qui est un ensemble résidentiel gigantesque dans le coin. Nous avons contacté Derek Ballantyne, PDG de Toronto Housing, qui supervise l'ensemble résidentiel Regent Park. Nous lui avons dit que cet ensemble se trouvait à 10 minutes de marche d'un terrain en bord de l'eau qui nous intéresse, à l'intersection de Parliament Street et de Queen's Quay. Nous lui avons demandé ce qu'il envisageait de faire après avoir rasé Regent Park et reconstruit l'ensemble. Nous voulions savoir quel genre de population allait résider dans le coin, dans ces nouveaux édifices charmants. Allait-il mettre un chômeur à côté d'un banquier? Pourquoi ne travaillerait-il pas avec nous pour créer un village afro-canadien, en bas de l'intersection Parliament et Queen's Quay, dans la partie est du front de lac, pour que les gens qui occuperont ces lieux puissent avoir un emploi?
    Voilà un bon exemple de ce que j'entends par économie sociale.
    Tout à fait. On ne nous a pas répondu. Les idées sont là, mais encore faut-il trouver un partenaire sérieux.
    Si vous me permettez d'ajouter très rapidement une chose, je dirais que nous voulions, dans le cas du Village AfriCana, travailler avec le Syndicat des charpentiers, par exemple, pour qu'on embauche une centaine de jeunes afin qu'ils soient formés dans les métiers de la construction, entre autres choses. Ce serait une démarche complètement intégrée.

  (1025)  

    Je comprends. C'est le concept d'économie sociale tel que je le comprends. Vous en parlez, mais on peut aussi l'appliquer à un contexte plus global, par-delà bien sûr votre programme. J'estime que c'est très important.
    Pour en revenir un instant sur la question de l'alphabétisme, je crois me souvenir que Mme Campbell a mentionné le rapport Ne négligeons pas l'alphabétisme. Est-ce que, par hasard, vous auriez...? Qui a rédigé ce rapport, pour que nous puissions le trouver sur Internet?
    Il s'intitule Ne négligeons pas l'alphabétisme: appel à l'action et il a été publié par le Groupe Financier Banque TD. L'auteur est Craig Alexander qui, à l'époque, était vice-président et économiste en chef adjoint. Je pense que vous pouvez encore le trouver sur le site Web de la TD.
    Sinon, nous vous appellerons.
    Tout à fait.
    J'aimerais le lire. J'estime que c'est un dossier auquel nous devons nous attaquer vigoureusement à cause de son incidence sur la pauvreté. Je le comprends, puisque dans ma famille, ma mère était complètement illettrée, à cause de mon grand-père qui ne croyait pas dans l'instruction des filles. Mon père avait une deuxième année. Je comprends cela. J'étais l'enfant qui faisait la passerelle pour la famille.
    Ce rapport est rempli d'informations intéressantes.
    Soit dit en passant, cela m'a contrainte à apprendre plus vite, ça a eu l'effet contraire, mais...
    Madame Kere, avons-nous un mémoire de vous? Vous avez cité un grand nombre de statistiques intéressantes. J'en ai consigné quelques-unes, mais j'aimerais bien voir quelque chose par écrit.
    Monsieur le président, avons-nous?
    Je pense que nous avons reçu son mémoire, mais qu'il n'est pas encore traduit.
    Il n'est pas traduit. Parfait, ça va. Je voulais juste m'assurer que nous avions quelque chose. Je voulais être certaine qu'il y avait un mémoire.
    Pour en revenir à la question de l'alphabétisme, je suppose que vous êtes tous d'accord avec l'idée d'intégrer l'alphabétisme dans toute stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Il faudrait quasiment que l'on dispose d'une stratégie nationale d'alphabétisation, d'une stratégie de l'éducation qui comprendrait... Pour moi, l'éducation va du berceau, c'est-à-dire de la petite enfance, de la garderie et du préscolaire, jusqu'à la retraite. Voilà le spectre qu'il convient d'envisager. N'êtes-vous pas d'accord?
    Je pense que nous sommes toutes deux d'accord. L'un des problèmes sur ce plan est d'ordre constitutionnel, à cause de la compétence en matière d'éducation et de la responsabilité des différents secteurs. Dans le cas des communautés autochtones situées dans les réserves, la compétence est fédérale. Hors réserve, elle est provinciale. L'éducation des jeunes est provinciale et, pour les néo-immigrants... Vous savez cette répartition des responsabilités soulève de nombreux problèmes. Il serait logique que la stratégie nationale d'alphabétisation s'affranchisse de toutes ces limites de compétence et que les provinces, les organisations communautaires et les administrations municipales se voient comme étant parties à cette entreprises. Une stratégie relevant uniquement du palier fédéral m'inquiéterait.
    Je comprends.
    Je saute du coq à l'âne parce que nous n'avons que peu de temps.
    Je vais revenir à Mme Kere. Les problèmes raciaux sont énormes, ils sont très graves. Je voudrais savoir si des études ont été réalisées sur l'ampleur... Il conviendrait évidemment de lancer un programme de communications interraciales dynamique auprès du secteur privé et d'autres afin d'abattre les barrières actuelles. De plus, estimez-vous, d'après ce que vous savez, qu'il faudrait faire quelque chose du côté de l'élémentaire et du secondaire? En faisons-nous suffisamment à ces niveaux pour éduquer la prochaine génération d'employeurs grâce à des programmes appropriés d'intégration raciale ou mettons-nous, là aussi, à côté de la plaque?
    Je suis au courant d'une étude qui a été réalisée par un professeur de l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario, George Dei. Il y explique en détail ce que vivent les jeunes Afro-Canadiens dans le système d'enseignement et le genre de discrimination dont ils sont victimes. Il est question de la façon dont ce traitement modifie la façon leurs perceptions du système d'enseignement et la raison pour laquelle ils n'y adhèrent pas. C'est la seule étude particulière que je connaisse sur l'enseignement.
    Peut-être que Marie voudra ajouter quelque chose?
    Dans notre travail, nous avons constaté de nombreux problèmes associés à l'instruction des enfants afro-canadiens. Il est bien connu que les taux de décrochage sont extrêmement élevés chez eux.
    À Toronto, nous avons eu tout un débat où nous nous sommes demandé si le système d'enseignement n'avait pas négligé les enfants afro-canadiens et il est clairement ressorti que c'est le cas. Il y a eu tout un débat sur le thème de l'école afrocentrique. Tous ces problèmes, je pense, sont très bien documentés et acceptés.
    Selon nous, il existe d'autres barrières à la réduction de la pauvreté quand on est confronté à des enfants insuffisamment instruits, à des taux élevés de décrochage et à des jeunes qui sont dirigés vers les filières de métiers plutôt que les filières de culture générale et qui ne reçoivent donc pas l'éducation qu'ils méritent. À cause de la loi sur la sécurité à l'école, des enfants sont suspendus et ils cessent momentanément d'apprendre. On a vu ce que cela pouvait donner, également. Tout ça ne fait que contribuer au cycle de la pauvreté. Quand les enfants ne vont pas à l'école, où se retrouvent-ils au sein de la collectivité? Qui est en sécurité? Que met-on alors à leur disposition?
    Ce que nous voulons notamment faire ressortir aujourd'hui, c'est que la solution passe par une approche multisectorielle. Il faut envisager toute la question du racisme, pas uniquement sous l'angle de la situation économique, mais sous celui de ses causes également.

  (1030)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Ouellet, pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Comme le disait Mme Minna, on rencontre des groupes depuis longtemps. En 2006, j'ai fait le tour du Canada pendant un mois et demi, sept jours par semaine. J'ai rencontré plusieurs groupes qui ont des problèmes de pauvreté, des sans-abri et des gens qui ont besoin d'un logement. On sait que les sans-abri ont besoin d'un logement pour s'en sortir, mais une fois qu'ils sont logés, ils sont confrontés à un problème d'alphabétisation. Tout le monde ici s'intéresse à l'alphabétisation parce que tous les groupes font face à ce problème.
    Madame Eaton, vous avez dit que le gouvernement fédéral devait prendre le leadership pour changer la situation. En remettant une partie de ses responsabilités à l'entreprise privée et aux organismes de charité comme c'est le cas actuellement — c'est ce qu'on nous a dit à la Chambre —, le gouvernement prend-il un leadership qui amènera des résultats?

[Traduction]

    Je pense que d'excellentes mesures ont profité aux provinces, dont quelques-unes monétaires — en particulier les ententes sur le marché de la main-d'oeuvre dont nous avons parlé. Dans certains cas, les sommes ont été versées en partenariat avec le secteur privé, pour les programmes d'alphabétisation en milieu de travail et pour un renforcement des programmes s'adressant aux chômeurs. Une partie de ces sommes a abouti dans les programmes d'alphabétisation. Ce qui nous préoccupe, en vérité, c'est la multiplicité des approches adoptées par les différentes provinces, si bien qu'on n'apporte pas tout le soin ni toute l'attention voulus aux questions d'alphabétisation, contrairement à ce qui se passe dans cette merveilleuse province qu'est le Manitoba. C'est un chef de file dans l'administration de son programme d'alphabétisation comparativement à certains territoires et provinces pauvres qui sont aux prises avec d'autres problèmes réglés grâce aux fonds destinés au marché du travail.
    Nous souhaiterions donc que le gouvernement fédéral assume un rôle de premier plan plus marqué, comme nous l'avons dit, mais comme Sherry l'a justement fait remarquer aussi, cela doit se faire de concert avec les provinces à cause de problèmes de compétence, très délicats, pour amener les provinces et les territoires à travailler ensemble avec le gouvernement fédéral. Cependant, comme beaucoup de vos témoins l'ont dit aujourd'hui, le fédéral doit assumer un rôle de leadership pour fixer les normes et assurer l'équité à l'échelle nationale.

[Français]

    L'assurance-emploi pourrait-elle être un maillon important pour permettre aux gens qui perdent leur emploi d'être plus instruits? Ce programme relève de la compétence fédérale, et le gouvernement pourrait faire la même chose que la Finlande et la Suède. Dans ces pays, quelqu'un qui perd son emploi et qui ne sait pas suffisamment bien s'exprimer, lire ou écrire, se voit offrir un cours d'une durée d'un an ou d'un an et demi. L'assurance-emploi devrait faire la même chose et ne pas uniquement offrir des cours de deux ou trois semaines.

[Traduction]

    Nous pourrions, je crois, utiliser l'argent de l'assurance-emploi de façon beaucoup plus créative.
    Avec le gouvernement provincial de l'Ontario et avec le gouvernement fédéral, nous avons notamment parlé des programmes de travail partagé. La personne mise à pied qui se retrouve avec trois jours de travail plutôt que cinq pourrait mettre à profit les deux autres journées en suivant une formation d'une valeur inappréciable. Il serait possible de financer l'opération grâce à l'assurance-emploi, de façon beaucoup plus créative et plus souple qu'à l'heure actuelle. L'excédent de la caisse de l'assurance-emploi pourrait aussi être utilisé de façon plus créative, éventuellement pour consentir un soutien à long terme.
    Il existe un programme qui est financé par la caisse de l'assurance-emploi avec la Stratégie d'aide pour une deuxième carrière qui est aussi financée en vertu de l'entente sur le marché de la main-d'oeuvre en Ontario. Elle permet aux gens de suivre des programmes de formation d'une année dans un collège ou une université afin de changer d'orientation de carrière. Beaucoup de ceux qui s'inscrivent dans ces programmes ne possèdent pas les qualifications de base pour étudier au collège, d'où une nouvelle impossibilité pour nous d'administrer ce genre de programme... Il faut adopter des programmes plus souples et mieux adaptés. Je pense que c'est ce qu'essaie de faire ce gouvernement à bien des égards, mais on pourrait sans doute faire davantage.

  (1035)  

[Français]

    Monsieur David, je suis d'accord avec vous au sujet de l'économie sociale. On pourrait ajouter à cela l'économie de proximité, c'est-à-dire celle qui s'accomplit près des gens. La semaine dernière, il y a eu au Québec une rencontre sur l'économie sociale. Au Québec seulement, celle-ci représente des actifs d'une valeur annuelle de 43 milliards de dollars.
    Pensez-vous que le fédéral devrait jouer un rôle de leader dans le cadre d'un nombre grandissant de projets d'économie sociale de proximité?

[Traduction]

    Tout à fait.
    Comme je le disais, au Royaume-Uni, le gouvernement Blair a créé l'Office of the Third Sector précisément pour cette raison: il s'était rendu compte que le troisième secteur, le secteur sans but lucratif ou à but lucratif qu'est celui de l'économie sociale regorge de talents et d'innovations.
    Nous estimons qu'un des mandats qui incombent au gouvernement fédéral consiste précisément à assumer le leadership sur ce plan. Regardez ce qui s'est passé aux États-Unis, songez à la lutte pour les droits civiques, à tous les gains qui ont été réalisés, aux grandes avancées qui ont été faites, tout cela grâce au gouvernement fédéral. Si vous vous en remettez aux gouvernements locaux, si vous laissez cela aux provinces et aux municipalités... Par exemple, il y a une centaine d'années, il y avait un maire noir à la tête de cette ville, William P. Hubbard. Il était devenu conseiller municipal grâce à George Brown — le Collège George Brown — qui était un abolitionniste, parce qu'il était allé le chercher et qu'il l'avait appuyé. Puis, de 1895 à 1914, il avait été maire et conseiller municipal. Une centaine d'années plus tard, nous n'avons toujours pas eu d'autre maire noir. Cette ville est composée pour moitié de membres de minorités visibles, mais 13 p. 100 seulement de nos conseillers municipaux appartiennent à ces groupes. Encore une fois...
    Quand vous n'avez pas de poids politique ou les moyens de vous faire entendre, on vous ignore, n'est-ce pas? Les autorités se montreront partantes si vous voulez construire un terrain de basket-ball dans un quartier noir, pas de problème, ou encore si vous voulez offrir un programme de hip-hop après l'école. Le maire est là pour prendre l'initiative. C'est merveilleux. Cependant, si vous voulez lancer des projets sérieux — je dis bien sérieux — d'économie durable qui déboucheront sur la création d'emplois viables, alors là il n'y a plus personne en face, parce que les gens ne sont pas intéressés.
    Nous comptons donc sur le leadership du gouvernement fédéral sur ce plan. Si vous vous en remettez à l'establishment local, ça ne donnera rien parce que, très honnêtement, ces gens s'en foutent. Cela fait quatre ans maintenant que je m'occupe de ce projet et j'ai essuyé un revers de toutes les grandes institutions de cette ville, politiques, philanthropiques et autres, à propos de cette superbe idée qui permettrait de créer 2 000 emplois dans le secteur culturel, de générer 5 à 6 millions de dollars par an, de rapporter des taxes et d'embaucher 500 jeunes à risque pour leur donner du travail. Mais voilà, on vous envoie paître et on vous claque la porte au nez. Pourquoi? Parce que vous représentez une communauté qui est impuissante. Bien sûr, en période d'élection, on vient cogner à votre porte, mais après... on vous oublie. Nous ne sommes pas entendus. Nous sommes le peuple des sans voix dans cette ville même si, depuis des centaines d'années, nous contribuons à bâtir ce pays et cette ville.
    Alors oui, nous comptons sur le gouvernement fédéral pour qu'il prenne le leadership dans ce domaine.
    Merci.
    Merci, monsieur Ouellet.
    Nous allons maintenant passer à M. Martin pour sept minutes. Je vous en prie.
    Merci de vous être déplacés ce matin et merci pour ces excellents renseignements.
    Ce que j'entends dire des Canadiens d'un peu partout, c'est qu'ils exhortent le fédéral à prendre les choses en main et à réclamer davantage de ressources. La question qui se pose est bien sûr de savoir comment articuler un tel message. Quel message allons-nous adresser au gouvernement fédéral à cet égard pour s'assurer que les programmes qu'il mettra en place donnent les effets escomptés? De plus, comment viser à la fois le court et le long terme?
    Je ne pense pas qu'on prenne pleinement la mesure de l'incroyable catastrophe qui nous attend à cause de l'allure de l'économie, du nombre de personnes qui sont déjà pauvres et de celles qui le deviendront. Beaucoup vont arriver en fin de droit de l'assurance-emploi, peu importe les réformes que nous appliquerons et ces gens-là se retrouveront à l'aide sociale. Ils constateront que l'aide sociale est un véhicule particulièrement mesquin que le gouvernement a mis en place pour aider les gens.
    John, lors d'une séance précédente, j'ai demandé à quelqu'un qui est sans doute l'un de vos collègues de la banque alimentaire, ou du moins quelqu'un que vous connaissez, de me donner des statistiques à jour sur le nombre d'assistés sociaux dans les différentes provinces. Je pense que ce genre de données devraient être instructives pour nous tous. Je crois que le gouvernement doit faire preuve de courage et être prêt à agir rapidement dans certains de ces dossiers. Il n'a pas besoin de réinventer la roue. Les provinces sont déjà présentes sur ce terrain, comme je le disais tout à l'heure, puisqu'elles adoptent des stratégies — le Québec, l'Ontario, Terre-Neuve et Labrador, de même que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, comme nous l'avons appris quand nous étions là-bas, et le Manitoba, comme nous l'avons appris la semaine dernière, quand nous étions à Calgary. Le gouvernement fédéral doit faire alliance avec les provinces et les territoires qui nous disent qu'ils ne peuvent pas agir seuls, qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires.
    Avant, il y avait le Régime d'assistance publique du Canada — dont vous avez parlé, John. Il était assorti de critères véritables que les gouvernements devaient respecter. Le gouvernement fédéral brandissait alors un bâton très efficace en matière de financement. Là aussi, il y a eu un repli.
    J'ai passé 13 ans en politique provinciale, dont cinq durant le gouvernement de Bob Rae qui avait adopté la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Celle-ci n'existe plus. Pour autant que je sache, il n'y a plus nulle part au Canada de loi sur l'équité en matière d'emploi. Celle-ci visait les personnes handicapées et les gens de couleur et elle fonctionnait. Grâce à cela, des gens obtenaient des emplois, de bons emplois.
    Quand on a mis un terme à ce régime, au milieu des années 1990, à cause des coupures du gouvernement, les premiers à être arrivés furent les premiers à partir. Ceux qui avaient trouvé un travail parce qu'ils appartenaient à ces groupes cibles se retrouvaient sans emploi. Dans certains cas — et j'ai accueilli de ces gens dans mon bureau — il avait été plus dommageable à long terme de leur donner cet espoir, qu'on leur avait ensuite retiré, que si on ne leur avait fait briller aucune possibilité.
    Cela étant posé, quels éléments devrait-on retrouver dans une loi fédérale, des choses comme ce que constituait le Régime d'assistance publique du Canada, par exemple? Que devrait-on inclure? Si vous aviez la possibilité d'en parler au gouvernement, à quoi cela devrait-il ressembler, selon vous?

  (1040)  

    Il faut commencer par reconnaître que les programmes s'adressant aux personnes âgées, sous la forme de la sécurité de la vieillesse et du SRG, fonctionnent. Il y a aussi les régimes de retraite enregistrés et les programmes de versement en contrepartie. Il existe la même chose pour les enfants. Il y a la prestation fiscale canadienne pour enfants de base et son supplément. Il y a aussi les programmes enregistrés et les programmes de versement en contrepartie.
    Pour ce qui est des adultes en âge de travailler, ceux pour qui il y a vraiment des manques, de nombreuses provinces et de nombreux territoires offrent des crédits non remboursables, mais ces programmes ne fonctionnent pas très bien ensemble. Je pense donc qu'il faudrait retrouver, dans toute loi fédérale visant à réduire la pauvreté, un engagement, des principes solides comme envisagent de le faire le Québec et l'Ontario, mais aussi des objectifs et des mesures, comme l'a fait l'Ontario avec son régime, après quoi, il sera possible d'élaborer un plan destiné à aménager et à regrouper les programmes de sécurité du revenu et il faudra essayer de faire, pour la population adulte active, ce que nous sommes en train de faire pour les enfants et ce que nous avons déjà fait pour les personnes âgées.
    Nous devrions réaliser certaines choses dans le cadre des actuels programmes de l'assurance-emploi qui ne cadrent pas vraiment avec l'aide sociale et nous devrions nous rendre compte que ces programmes ont été conçus au cours des 15 dernières années et qu'ils n'apportent pas le niveau de sécurité qui existait auparavant. Ce devrait être, selon moi, l'une des premières choses à faire, c'est-à-dire de décider du genre de prestation de base que nous commencerions à offrir à l'échelon fédéral, prestation qui permettrait d'aider les adultes en âge de travailler. Pour cela, et avant toute chose, il conviendrait de transformer un grand nombre de crédits d'impôt non remboursables en crédits de base remboursables.

  (1045)  

    Monsieur Martin, vous avez parlé des lois provinciales sur l'équité en matière d'emploi. Il se trouve que j'ai eu l'honneur — un grand honneur — de travailler pour ce genre de programme pendant un temps. Bien sûr, nous avons le programme fédéral, mais il exclut un grand nombre d'employeurs, parce qu'il ne s'adresse qu'aux entreprises comptant au moins 100 employés.
    Deuxièmement, monsieur Ouellet, vous avez parlé de l'assurance-emploi. C'est vrai qu'il doit exister des façons plus créatives d'utiliser ces fonds. Dans notre communauté où beaucoup connaissent un chômage chronique, les gens ne travaillent pas ou n'ont pas suffisamment travaillé pour être admissibles aux programmes de l'assurance-emploi, et ils sont doublement pénalisés. Comme nous avons manqué de travail dès le début, nous n'avons pas accumulé l'expérience suffisante pour être admissibles aux programmes destinés à aider les travailleurs sans emploi. C'est pour cette raison que toute stratégie économique nationale devra comporter des programmes s'adressant spécifiquement aux personnes handicapées.
    Merci beaucoup, monsieur Martin.
    Nous allons maintenant passer à M. Vellacott. Monsieur, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je me propose de fouiller un peu la question de l'alphabétisation. Je pense que nous sommes tous d'accord, autour de cette table, pour dire que la littératie est déterminante pour aider les gens à sortir de la pauvreté et à ne plus y retomber. Les écarts salariaux sont énormes à cause de niveaux de revenu différents ou de niveaux d'alphabétisme insuffisants, ce qui fait que la littératie est essentielle à la réussite.
    J'aimerais savoir, à propos de... Un enfant peut étudier à la maison ou bénéficier d'autres formes d'enseignement, mais la plupart de nos enfants vont soit à l'école publique, soit à ce qu'on appelle par chez moi, une école catholique ou séparée. Pour ce qui est de l'enseignement élémentaire, les études sont obligatoires jusqu'à un certain niveau — je ne me rappelle plus l'âge auquel la scolarité n'est plus obligatoire en Ontario — et il y a donc lieu de suivre des études jusqu'à cet âge-là. Avant, il y a bien longtemps, on apprenait au moins à lire, à écrire et à compter.
     Sommes-nous en train de dire que les écoles...? Je ne veux pas me limiter aux écoles, mais elles représentent le principal milieu où l'on est censé apprendre à lire, à écrire et à compter. Après l'école, il y a bien des raisons qui interviennent et qui font que les gens tombent entre les mailles du filet. Ne devrait-on pas faire quelque chose sur ce plan? Certes, l'enseignement est du ressort des provinces, mais pourquoi est-ce que tant de jeunes sont admis dans les classes supérieures tandis qu'ils n'ont même pas le niveau d'alphabétisation de base nécessaire? On s'attend à ce qu'ils terminent leur 12e année, même s'ils n'entament pas d'études postsecondaires. Si 12 ans ça ne suffit pas pour enseigner à quelqu'un à lire, à écrire et à compter, alors nous avons un problème fondamental avec le système scolaire, de l'élémentaire au secondaire.
    J'aimerais obtenir une réponse à ce propos et savoir comment nous pourrions...? Nous pouvons toujours intervenir de façon marginale, mais que faudra-t-il faire pour ce qui est du centre du dispositif, quand on voit le niveau de scolarité de la masse d'enfants qui sortent de l'école et qu'à l'évidence nous ne faisons rien?
    Je n'aime pas ce genre de question, parce qu'elle rappelle la position de la Direction de l'enseignement postsecondaire que nous combattons et qui consiste à dire que c'est la faute du système d'enseignement, de la maternelle à la 12e. Or, c'est toute une série de facteurs qui interviennent. Mes voisins à la table voudront peut-être vous en parler, mais il est certain que les problèmes d'ordre racial empêchent les enfants de réussir.
    Les écoles sont toutes différentes, certaines sont rurales, d'autres urbaines, certaines s'adressent à des communautés autochtones isolées, dans les réserves ou hors réserve, d'autres sont à Toronto, à Rosedale ou à Regent Park. Ce n'est pas un seul facteur qui vient mettre des bâtons dans les roues de l'instruction d'un enfant. Il y a la question des parents qui sont pauvres, qui doivent cumuler deux ou trois emplois. Même quand ils ont un bon niveau en lecture et en écriture, les parents n'ont pas le temps d'aider leurs enfants. Il faut aller bien au-delà du système d'éducation. Il faut que la communauté s'en mêle et nous savons que beaucoup d'enseignants ne résident pas dans les collectivités où ils exercent et ils ne sont donc pas au courant du type de soutien communautaire auquel ils pourraient avoir recours pour aider leurs élèves. Il faut mettre en place des programmes destinés à présenter les organismes communautaires aux écoles et vice-versa, et il faut que les parents participent à ce processus.
    L'échec scolaire a de nombreuses explications. Une des façons de s'assurer que les enfants réussissent mieux consiste à veiller à ce qu'ils bénéficient de plus d'appuis à l'extérieur de l'école, parce que ça ne se limite pas au 9 à 5 en classe. Il est question de faire participer les jeunes à leur instruction, d'outiller les parents pour qu'ils participent eux aussi à cette instruction, et il est question de favoriser le soutien communautaire.

  (1050)  

    J'aimerais vous répondre aussi, parce qu'on nous pose souvent cette question.
    L'un des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés, c'est le resserrement de la courbe démographique. Une plus grande partie de notre population est désormais en âge de travailler. Même si nous pouvions parvenir à ce que chaque enfant soit parfaitement alphabétisé à l'âge de 18 ans, nous serions encore aux prises avec le gros de notre population dont l'alphabétisme est insuffisant.
    Parallèlement au déclin de la population de jeunes, nous assistons à une augmentation de la population d'immigrants, des gens à qui l'on demande des qualifications de plus en plus élevées, même à ceux qui ont peut-être une 12e année, mais qui ont perdu leurs compétences.
    Je m'entretenais récemment avec la personne responsable du Peel Literacy Connection. Cette organisation a effectué un enquête auprès de 50 personnes inscrites à ses programmes. Il est ressorti que 37 d'entre elles avaient une 12e année mais que, comme elles occupaient des emplois n'exigeant pas de compétences en lecture et en écriture, elles s'étaient présentées aux programmes parce qu'elle voulait améliorer leurs compétences en écriture ou qu'elles ne maîtrisaient pas leur grammaire. Dans sa réponse écrite, un homme a indiqué qu'il devait rédiger de nombreux courriels au travail et qu'il n'avait pas vraiment les compétences voulues. Comme on lui avait dit qu'il écrivait trop mal, il avait demandé de l'aide.
    Si nous pouvions, d'un simple claquement de doigts, régler le problème de l'enseignement de la maternelle à la 12e, si problème il y a, nous ne parviendrions quand même pas à régler le problème des adultes.
    Je comprends et j'apprécie vos remarques, mais je tiens à indiquer pour mémoire que... Vous connaissez ces histoires-là vous aussi. Je demeure troublé par le fait que vous accueillez des gens qui ont terminé leur 12e année. C'est une chose que certains, comme vous l'avez expliqué, aient perdu leurs compétences en lecture et en écriture à cause d'un travail par trop manuel, mais cela me trouble quand même beaucoup, parce que j'ai tellement apprécié... Moi qui viens d'un milieu pauvre et défavorisé, j'ai acquis mon amour pour les études grâce au système scolaire. Je suis donc troublé que des gens aient pu terminer leur 12e année sans être vraiment alphabétisés. J'estime que l'alphabétisme est une fondation qui permet de prévenir... Évidement, il faut aller bien au-delà.
    Que faut-il faire dans cet ordre d'idées, outre qu'il convient de permettre aux gens de retrouver un niveau d'alphabétisme supérieur ou de l'acquérir parce qu'ils ne l'auraient jamais vraiment eu? Dans ma ville, à Saskatoon, et ailleurs, il y a des centres d'alphabétisation, mais j'ai été intrigué par une chose qu'a dite Sherry. Est-ce qu'on insiste vraiment beaucoup pour offrir ce type de service dans les banques alimentaires, les cliniques de santé et les centres de counselling? Certes, votre gouvernement insiste dans ce sens pour le recyclage. Margaret elle aussi en a un peu parlé. Estimez-vous que c'est ce qui se passe, que c'est là-dessus qu'on va se poser? Je trouve l'idée excellente. Pourquoi n'y a-t-on pas pensé beaucoup plus tôt?
    C'est en fait le modèle que nous appliquons depuis de nombreuses années. C'est aussi dans ces endroits qu'on détecte les problèmes d'analphabétisme. Laissez-moi vous raconter l'histoire de ces femmes, à Winnipeg, qui étaient venues remplir leurs paniers à provisions pour se rendre compte, sur place, que le système avait été changé et qu'elles devaient remplir une demande. Il leur fallait donc remplir un formulaire et téléphoner ensuite. Quand nous leur avons remis ces informations et que nous leur avons parlé, elles sont devenues très agitées. Elles devaient revenir le jeudi pour le début des classes. Or, nous nous sommes rendu compte que leur émoi était dû au fait qu'elles n'étaient pas capables de remplir ces demandes de renouvellement d'accès à la banque alimentaire. Nous avons alors inscrit la rédaction du formulaire à notre cours et aux séances de tutorat plus tard dans la semaine.
    C'est de plus en plus dans ces lieux que les gens sont confrontés à leur analphabétisme et les organismes communautaires ont la possibilité d'intervenir. Pourquoi n'existe-t-il pas plus de programmes grâce auxquels les familles peuvent non seulement combler leurs besoins alimentaires, mais aussi accéder à des classes où leurs enfants peuvent s'améliorer en lecture et se faire aider dans leurs devoirs, et où il est aussi possible aux adultes d'améliorer leur littératie en milieu de travail, parce qu'ils apprennent à lire et à écrire?
    Bien des choses empêchent les gens d'avouer qu'ils souffrent d'un problème d'alphabétisme insuffisant. Ces personnes finiront par se prévaloir de la Stratégie d'aide pour une deuxième carrière de l'Ontario, mais elles doivent d'abord se sentir à l'aise dans le lieu où elles entameront leur programme d'alphabétisation. Ce sera probablement au sein de leur collectivité. Elles ne vont pas franchir une porte quelque part en lançant à la cantonade « Je ne sais pas bien lire et écrire », mais elles iront frapper à une porte où l'on aide éventuellement les enfants à lire et à faire leurs devoirs, au point que les adultes se sentent suffisamment chez eux pour se prévaloir de l'aide offerte sur place.
    Est-ce que John a une idée de ce à quoi correspond le montant modeste d'un CELI ou d'un REER qui est exonéré? Je ne sais pas si nous avons le temps pour une brève réponse ou si nous n'allons pas devoir en parler en aparté, mais j'aimerais avoir votre avis sur le niveau d'exonération auquel il n'y a pas de récupération. Avez-vous un montant en tête?

  (1055)  

    Au Québec, le plafond est actuellement de 60 000 $ pour tous les REEE combinés qui, comme vous le savez, peuvent atteindre 45 000 $ chacun. L'exonération a été fixée à 60 000 $ pour tous ces instruments après regroupement. En Alberta, le plafond est plus modeste, avec 5 000 $ par adulte.
    J'estime que tout ce qui irait dans ce sens dans l'ensemble du Canada serait une très bonne chose.
    Parfait, madame Kere, mais très rapidement.
    Je vais essayer d'être brève.
     Je vais essayer de répondre à la question précédente au sujet des élèves de 12e année, par exemple, qui ne savent pas lire. Un intervenant tout à l'heure a parlé du rôle du racisme dans le système d'enseignement et de son impact sur certains groupes d'enfants.
    Le taux de décrochage des enfants afro-canadiens est disproportionné par rapport aux autres. Des éléments comme la Loi sur la sécurité à l'école ont une incidence disproportionnée sur les enfants afro-canadiens, de même que sur les enfants handicapés, du moins quant à la façon dont ils perçoivent le système éducatif et dont ils cheminent dans ce système.
    Le programme d'études aussi est très important. C'est là un aspect qu'on essaie de régler grâce à l'initiative de l'école alternative afrocentrique. Je suis heureuse d'annoncer que celle-ci ouvrira en septembre prochain.
    Cependant, dans mon travail, je rencontre des élèves qui ne font que transiter dans le système scolaire. Il y en a qui...
    Je dois préciser que l'on diagnostique beaucoup plus de problèmes comportementaux chez les enfants afro-canadiens que chez les autres. Comme ils sont particulièrement ciblés à cet égard, on les exclut souvent des salles de classe. Ceux qui sont plus vieux sont suspendus. Non seulement on passe à côté du diagnostic, soit un trouble du comportement, mais en plus on suspend ces enfants.
    Je vois des enfants qui ont été suspendus et renvoyés chez eux sans qu'on leur donne de travail ou de devoirs à faire à domicile. Ça se produit très souvent. Or, les écoles ont la responsabilité de les renvoyer chez eux en leur confiant des devoirs et en avisant leurs parents que l'enfant a été suspendu. C'est rarement ce qui se produit comme j'ai pu le constater, même si cela devrait être systématique. Voilà donc des enfants qui se retrouvent chez eux sans devoirs et un système scolaire qui n'assume pas ses responsabilités envers ces enfants. J'estime que c'est un énorme problème.
    Il faut également voir qui est touché par tout cela. C'est là un aspect que nous avons essayé de régler au sein de notre communauté. Nous sommes très productifs dans la façon dont nous nous attaquons à tous ces problèmes. Comme je l'ai dit plus tôt, l'un de nos combats a porté fruit, avec l'école alternative afrocentrique. C'est une de nos réussites, mais nous avons encore beaucoup de travail à abattre.
    Merci.
    Je tiens à remercier les témoins encore une fois d'avoir trouvé un créneau dans leur emploi du temps pour venir nous rencontrer.
    Je vous invite à vous retirer afin que nous puissions préparer la table pour notre prochain groupe. Des députés veulent s'approcher pour vous remercier. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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