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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Monsieur Wiseman, bienvenue ici cet après-midi. Nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de venir comparaître devant le comité cet après-midi.
    J'aimerais simplement vous faire part de quelques détails de cuisine interne avant que nous ne commencions. Nous sommes ici assujettis à certaines contraintes temporelles. De manière générale, comme le greffier vous l'a certainement déjà expliqué, nous accordons environ 10 minutes à nos invités pour leur déclaration, après quoi nous avons des créneaux assez serrés pour que les membres du comité puissent poser des questions et recevoir des réponses. Lorsque vous entendrez le signal sonore, je vous demanderais de conclure assez rapidement.
    Nous envisageons avec plaisir de vous entendre, monsieur Wiseman. Encore une fois, merci beaucoup d'être des nôtres. La parole est maintenant à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.
    J'ai travaillé au MPO, dans le domaine des relations internationales, pendant plus de 23 ans, dont 15 comme cadre supérieur. J'ai également passé plus de trois ans à Bruxelles, au début des années 1990, comme conseiller canadien en matière de pêches auprès de l'Union européenne. J'étais directeur général des relations internationales, au milieu de l'année 2002, lorsque j'ai pris ma retraite. Je suis l'un de quatre anciens cadres du MPO, aujourd'hui à la retraite, qui avons essayé d'aider le gouvernement dans ses efforts visant à améliorer la Convention de l'OPANO.
    J'ai demandé au greffier de faire circuler au comité deux documents pour examen. L'un d'eux est une lettre que mes collègues et moi avons envoyée au premier ministre le 20 septembre, renforçant la position que le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, M. Williams, a étayée dans sa lettre du 11 septembre au premier ministre du Canada, au sujet des inquiétudes de Terre-Neuve-et-Labrador relativement aux modifications à la Convention de l'OPANO. Se trouve annexé à notre lettre un commentaire point par point sur le communiqué de presse trompeur diffusé par la ministre Shea, sur réception de la lettre de M. Williams au premier ministre. Le deuxième document est une copie du texte, publié en tant que lettre, signé par nous quatre, adressé au rédacteur en chef du St. John's Telegram le 24 octobre 2009, et répondant à un deuxième communiqué de presse publié par la ministre après sa comparution devant le Comité permanent des pêches et des océans.
    Dans notre lettre au premier ministre, nous expliquons que nous avons été entraînés dans un débat public avec le gouvernement alors que nous ne souhaitions, initialement, qu'agir à titre privé afin de renforcer, à l'avenir, le rôle du Canada dans la conservation et la gestion rationnelle des ressources halieutiques de l'Atlantique Nord-Ouest. Nous convenons que la Convention de l'OPANO est dépassée et devrait être modifiée pour renforcer les dispositions qui pourraient la rendre plus efficace, afin qu'elle atteigne ses objectifs de conservation et pour être en accord avec le droit international actuel. Nous pensons cependant qu'à cet égard la série de modifications proposées est nettement insuffisante et qu'elle engendre des problèmes nouveaux et importants qui vont en fait affaiblir l'organisation et aussi empêcher le Canada de garder le contrôle plein et entier de sa gestion des pêches dans la zone canadienne de 200 milles.
    Nos commentaires ont été mal interprétés, peut-être délibérément, par l'ancien ministre, et continuent d'être minimisés par l'actuelle ministre. Nous aimerions donc remettre les pendules à l'heure en commentant la déclaration de la ministre Shea, et c'est ce que nous avons fait dans le document joint à notre lettre adressée au premier ministre et dans notre lettre au Telegram. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que le comité voudra me poser sur ces aspects.
    L'essentiel, pour nous, est que les modifications sont sérieusement défectueuses. D'autre part, à long terme, non seulement elles affaibliront la position du Canada à l'OPANO, mais, ce qui est plus grave encore, elles mineront la position du Canada dans tout processus futur d'arbitrage ou de renvoi au Tribunal du droit de la mer. Ces modifications ne doivent pas être ratifiées.
    Avant de conclure, j'aimerais faire quelques remarques au sujet des défenses par trop simplifiées qui ont été mises de l'avant pour justifier la ratification de ces modifications. L'une est un genre de déclaration selon laquelle tout le monde fait cela, alors pourquoi pas nous. Des témoins ayant comparu devant le comité parlementaire ont prétendu que le paragraphe 10 de l'article VI des modifications à l'OPANO, prévoyant la possibilité d'une gestion et d'un contrôle par l'OPANO à l'intérieur de la zone canadienne, a été adopté ailleurs. D'autre États côtiers ont accepté la chose, alors pourquoi pas nous? Ont également été évoquées deux organisations régionales de gestion des pêches dans le cas desquelles cela a été fait.
    Le nouvel article de l'OPANO est tiré de la version remaniée de la Convention sur les pêcheries de l'Atlantique Nord-Est. Cette entente ne vise que les États côtiers dont les stocks de poissons se trouvent à l'intérieur de la zone de réglementation de la Convention sur les pêcheries de l'Atlantique Nord-Est. Il n'y a pas de pays de pêche en eaux lointaines comme il y en a dans l'OPANO. Certains de ces stocks de l'Atlantique Nord-Est — hareng, maquereau, merlan bleu — passent par les eaux de plusieurs États côtiers et la haute mer lors de leur migration. Ces États côtiers — qui tous, en passant, sont également membres de l'OPANO — ont décidé qu'il leur faut une plus grande collaboration dans la gestion de ces stocks de poissons complexes, mixtes et transfrontaliers. La dynamique des négociations relatives aux pêcheries de l'Atlantique Nord-Est est conséquemment très différente de celle de l'OPANO.
    Dans le contexte de l'OPANO, les stocks de poissons chevauchants sur le nez et la queue du Grand banc ne concernent qu'un seul État côtier: le Canada. Bien qu'il soit juste de dire que les États-Unis, la France pour Saint-Pierre-et-Miquelon, et le Danemark pour le Groenland sont également des États côtiers dans la zone réglementée par l'OPANO, le Canada a des stocks chevauchants qui sont pêchés à l'intérieur de la zone réglementée par l'OPANO sur la queue et le nez du Grand banc. Le Canada est l'État côtier pour ce qui est de l'OPANO et l'actuelle convention le reflète. La convention modifiée affaiblit cette position.
    Le deuxième traité dont il est prétendu qu'il renferme un article semblable est celui visant l'Ouest du Pacifique et le Centre du Pacifique. Cette convention vise des espèces très migratrices — les thonidés — qui, en vertu de l'UNCLOS, sont traitées au moyen d'un régime de gestion très différent de celui applicable aux stocks chevauchants proches.

  (1540)  

    Pourquoi sommes-nous condamnés à répéter notre histoire? Pourquoi avons-nous cet article, et pourquoi est-il si important pour l'Union européenne? Il faut comprendre l'attitude de l'Union européenne et son histoire à l'intérieur de la zone réglementée par l'OPANO. L'Union européenne croit depuis longtemps que le Canada contrôle l'OPANO. L'Union européenne n'aime pas perdre lors de votes. Dans une certaine mesure, ses préoccupations étaient justifiées, vu que la Convention de l'OPANO avait été rédigée dans le but d'établir clairement que le Canada était le principal État côtier. D'autre part, le Canada avait été le principal moteur derrière l'adoption, en 1995, de l'Accord des Nations Unies sur la pêche, ou ANUP, qui a renforcé les positions canadiennes et le droit international en ce qui concerne la surveillance en haute mer.
    L'UE a résisté à plusieurs des articles clés de l'ANUP pour lesquels le Canada avait lutté. Pour apaiser les parties prenantes européennes, l'UE a élaboré une stratégie de mise en oeuvre de l'ANUP dans le contexte de ses objectifs originaux. Cela ressort clairement d'un rapport déposé par le comité des pêches du Parlement européen le 26 avril 1996. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens au MPO qui soient très au courant de ce qui s'est passé à l'époque. Le président de ce comité, Miguel Arias, a fait le commentaire que voici au sujet des effets de l'ANUP pour l'OPANO:
Le principe de l'unité biologique présenté comme une référence de base par l'accord, constitue une autre ambiguïté de ce document, qui pourrait affecter l'OPANO. Ainsi, l'accord établit l'obligation de traiter toute la population concernée comme une seule et même population dans toute la zone où elle se trouve, sans faire de distinction entre la ZEE et les zones adjacentes. Par ailleurs, l'accord stipule l'obligation de coopérer pour la conservation des stocks. Si ce principe est appliqué de façon rigide, on pourrait en conclure que les États qui opèrent en haute mer devraient participer à la gestion pour la conservation et pour la pêche non seulement dans les eaux en dehors de la ZEE des États riverains, mais également dans ces eaux-là, dans la mesure où cette obligation de coopération expressément imposée par l'accord perdrait toute signification si l'État pêchant en haute mer ne pouvait participer qu'à l'affectation et à la répartition des TAC de la seule zone de haute mer.
    Dans la négociation des nouvelles modifications à l'OPANO, l'UE a réussi à clarifier cette ambiguïté dont il fait état, au détriment du Canada.
    Or, cela ne correspond pas à ce que dit l'ANUP, ni ne reflète le droit international coutumier et l'UNCLOS. La souveraineté des États côtiers prévoit leur intervention exclusive dans la gestion des stocks à l'intérieur de leur zone de 200 milles. Pourquoi le Canada choisit-il de diluer ce droit dans les modifications à l'OPANO? En rattachant le langage de l'approche axée sur l'écosystème au langage modifié d'autres modifications et de cet article sur la souveraineté, l'UE peut prétendre que, avec sa ratification, les membres de l'OPANO acceptent que la nouvelle convention reflète l'opinion que les pays de pêche en eaux lointaines ont aujourd'hui une quasi part de responsabilité dans la gestion des stocks chevauchants. De fait, l'UE prétendrait que le Canada doit maintenant agir conformément aux décisions de l'OPANO et que le Canada ne contrôle plus l'OPANO.
    Ne s'agit-il pas là de gestion de conservation à l'intérieur de la zone de 200 milles? En acceptant ces modifications, le Canada pourrait également entraver ses droits devant tout tribunal international futur.
    Pourquoi un aspect essentiel de l'ANUP est-il lui aussi ignoré? Presque toutes les dispositions en matière d'exécution de l'ANUP figurent dans l'OPANO, sauf une. Le Canada a réussi à obtenir d'importantes concessions à la conclusion des réunions sur l'ANUP. Pourquoi le gouvernement dilue-t-il aujourd'hui ces réussites et refuse-t-il de mettre en oeuvre les dispositions en matière de contrôle de l'ANUP? Si le Canada était sérieux quant à la mise à jour de l'OPANO pour refléter l'ANUP, pourquoi l'actuel gouvernement ignore-t-il l'un des aspects les plus importants de l'ANUP? Les dispositions d'exécution de l'ANUP autorisent le Canada à ordonner à un navire ayant commis une sérieuse infraction de se rendre dans un port si l'État du pavillon refuse de prendre les mesures adéquates.
    L'UE va vraisemblablement dire qu'étant donné que les modifications à l'OPANO ont été décidées après l'ANUP et avaient pour objet de mettre en oeuvre cet accord, elles viennent remplacer les dispositions de l'ANUP en matière de saisie et de détention en haute mer et qu'il ne serait donc pas possible de les mettre en oeuvre dans le cadre de l'ANUP. Ces modifications cèdent ce pour quoi nous avons durement lutté pendant de nombreuses années.
    Cela se trouve également reflété dans le rapport de 1996. Celui-ci demande à la Commission européenne d'examiner son action politique de manière à obtenir « l'appui durable d'autres pays... et d'élaborer... une stratégie commune au sein de l'OPANO ». Ces modifications à l'OPANO reflètent cette stratégie.

  (1545)  

    Enfin, un dernier extrait du rapport du Parlement européen éclaircira peut-être la situation actuelle. Lorsque la Convention de l'OPANO a été finalisée, l'Espagne n'y a pas adhéré, « estimant que la nouvelle convention faisait la part belle au Canada par rapport aux autres pays ». Ces clauses de la Convention de l'OPANO, qui préoccupaient tant l'Espagne, ont maintenant été diluées dans les modifications. Rien d'étonnant, donc, à ce que l'UE soit si heureuse des modifications.
    Si vous permettez que je soulève un dernier point, monsieur le président, d'aucuns ont prétendu qu'il serait trop embarrassant ou trop coûteux pour nous de ne pas ratifier cette entente et de rouvrir les négociations. Je pose la question: pourquoi cela serait-il si embarrassant? Quel est l'objet d'un processus de ratification? Pourquoi cette étape existe-t-elle dans la négociation d'une entente? Elle vise simplement à offrir au gouvernement la possibilité de peser soigneusement le pour et le contre d'une entente et de décider, en bout de ligne, de la façon dont il veut procéder.
    Par le passé, certains États ont cherché à retourner à la table suite à cet examen secondaire. Dans le cas de questions relatives à la pêche, par exemple, l'UE a, dans le cas d'au moins deux accords sur les pêches avec le Canada, cherché à obtenir des changements dans le cadre du processus de ratification, une fois ses consultations internes ayant fait ressortir un désir d'apporter des changements. Les États-Unis, à plusieurs occasions, sont retournés à la table de négociation après que le Congrès ait indiqué qu'il n'accepterait pas les résultats de l'accord proposé. Les parties sont retournées à la table et des ententes ont par la suite été finalisées. Ce n'est pas révolutionnaire. Il n'y a aucune raison pour que le Canada se sente le moindrement mal à l'aise, ni tenu de ratifier cette entente.
    Enfin, je crois que les autres parties contractantes à l'OPANO ne seraient pas étonnées si le Canada ne ratifiait pas les changements, s'y opposant sur la base de l'actuel libellé de la convention. Certaines se demanderaient même sans doute pourquoi nous n'avons pas agi plus tôt.
    Merci.
    Merci, monsieur Wiseman.
    Nous allons commencer avec M. Byrne.
    Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Wiseman.
    Vous nous avez livré certains détails intéressants à examiner, mais vous avez également répondu proactivement à plusieurs questions qui occupent l'esprit de certaines personnes.
     Commençons par faire un petit peu de ménage en vue d'éliminer certaines choses comme préoccupations. En plus de servir plusieurs ministres des Pêches qui ont peut-être été membres d'un gouvernement libéral, si je comprends bien, vous avez également servi les ministres des Pêches Tom Siddon, Valcourt, Crosbie et d'autres. Avez-vous reçu des promotions dans le cadre de cette partie de votre carrière? Pouvez-vous répondre à cette question?
    L'essentiel est de déterminer si vous avez joui du respect et de l'écoute de plusieurs ministres, tant conservateurs que libéraux, pendant votre carrière.
    C'était le cas, et j'ai en fait travaillé très étroitement avec le ministre Crosbie. Je me souviens très bien que l'opinion de M. Crosbie était qu'il était le ministre des poissons. Quelqu'un devait lutter pour la protection et la conservation des poissons. J'estime que l'actuel accord sert l'industrie des pêches, afin qu'elle maximise tôt ses profits. Il n'est pas au service de la conservation du poisson.
    Merci.
    Vous avez livré au comité un certain nombre de nouvelles informations et une analyse de la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est. Vous avez apporté une importante clarification, une distinction entre cette commission et l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest.
    Vous avez dit, et je paraphrase, qu'en gros, pour ce qui est du nord-ouest, dans l'OPANO, la France pour Saint-Pierre-et-Miquelon et le Danemark pour le Groenland... Le Canada est un important État côtier et l'OPANO est composée de flottes de pays de pêche en eaux lointaines. Dans le nord-est, la quasi-totalité des membres sont des États côtiers. Cela laisse-t-il entendre qu'il y a un certain degré de détente? Les circonstances sont différentes dans le Nord-Est. Si vous demandez une mesure dans le Nord-Est, vous savez qu'elle va vous viser vous aussi, du fait que vous aussi soyez un État côtier. Cela résume-t-il bien la situation à cet égard?

  (1550)  

    C'est encore plus précis que cela.
    Premièrement, nombre des stocks de poissons dans l'Atlantique Nord-Est traversent les eaux de plusieurs États côtiers. Ils peuvent traverser les eaux de la Norvège et de l'Islande, ainsi que la haute mer, par exemple. Vous auriez donc deux États côtiers et la haute mer, pendant que toutes les autres parties pêcheraient ces poissons. Certains stocks peuvent traverser les eaux de la plupart des membres. La dynamique est donc très différente et beaucoup plus complexe, un petit peu comme c'est le cas avec les espèces très migratrices. C'est pourquoi l'UNCLOS est différente, étant donné que tous les États doivent collaborer de manière différente pour gérer les pêches.
    Dans le cas de l'OPANO, comme je l'ai mentionné, les États-Unis, la France et le Danemark sont des États côtiers aux fins de la convention, mais ils ne sont pas des États côtiers pour les stocks chevauchants sur la queue et le nez du Grand banc. D'ailleurs, les États-Unis et la France n'ont aucun stock chevauchant. Le Danemark a un stock chevauchant possible. Il s'agit en fait d'un stock qui commence dans l'Atlantique Nord-Est, puis traverse les eaux norvégiennes, les eaux islandaises, les eaux du Groenland, la zone réglementée par l'OPANO et le Canada. Il s'agit du seul stock pour lequel le Groenland peut prétendre à des droits d'État côtier, mais l'Islande et la Norvège le peuvent aussi, pour le même stock. La situation avec l'OPANO est donc très différente.
    Le Canada a été reconnu par tous les signataires lors de la première Convention de l'OPANO, élaborée par des Canadiens. Le stylo était entre les mains de Canadiens et il y a été clairement établi que le Canada était l'État côtier. Ce nouvel accord a dilué cela.
    Parlant du stylo, nous avons entendu des témoignages d'autres témoins au sujet de l'incidence du rapporteur, de la personne qui tient le stylo. Vous appuyant sur vos 23 années d'expérience relativement aux politiques et à la gestion en matière de pêches internationales, trouvez-vous étrange que l'Union européenne ait été le rapporteur, et tenu le stylo, lors de l'élaboration de ce traité?
    Le Canada est le dépositaire des documents de l'OPANO. Le siège de l'OPANO est situé au Canada, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. C'est nous qui fournissions la part du lion quant au financement de l'OPANO. Comment se fait-il que l'Union européenne se soit retrouvée avec le stylo lors de l'élaboration de ces textes? Et quelles en sont les conséquences?
    Je ne trouve pas cela étonnant; cela a toujours été l'objectif de l'Union européenne. Ce que je trouve étonnant est que nous l'ayons laissée faire.
    La conséquence en est que la personne qui assure la présidence et tient le stylo produit le rapport du président — produit le rapport sur la discussion — et elle peut, en sa qualité de président, lui donner la tournure ou y apporter les modifications qu'elle souhaite. C'est ensuite aux autres, qui n'aiment peut-être pas ce qui figure dans le rapport, de se battre pour obtenir des changements. Voilà la réalité à laquelle nous avons, je pense, été confrontés.
    Pourrions-nous discuter un petit peu de la majorité des deux tiers, que certains ont décrite comme assurant une meilleure inclusivité dans le processus décisionnel? Nous avons entendu à ce sujet des témoignages contradictoires également. De fait, il y a eu certains témoignages très négatifs, selon lesquels il serait peut-être acceptable de maintenir des structures de partage, mais il se pose une grosse question, qui est, je pense, la plus importante en ce qui concerne la conservation: que se passe-t-il lorsque des stocks commencent à décliner et que des intérêts vifs, ambitieux et commerciaux commencent soit à entraver le processus, soit à s'y immiscer de manière à maintenir les structures de quotas actuelles, en d'autres mots, de manière à maintenir ces parts? Pourriez-vous expliquer au comité quelles en seraient les ramifications?
    Je pense que vous avez fourni une réponse partielle à la question. Lorsque les parties ne veulent pas que les stocks fléchissent, elles vont résister aux mesures de conservation qui seraient mises en place pour protéger ces stocks. Si vous exigez que davantage de parties votent pour les mesures de conservation, vous allez avoir davantage de difficulté à les obtenir.
    En ce qui concerne le règlement de différends, des témoins nous ont dit que ces mécanismes sont exécutoires. Le message sous-entendu est qu'une procédure d'opposition ne fait plus partie du processus de l'OPANO. Je ne crois pas forcément que ce soit le cas.
    Pourriez-vous nous décrire le processus par lequel des pays peuvent aujourd'hui faire opposition et quelles en sont les conséquences? Et que les parties contractantes peuvent-elles faire post-ratification de ce qui est proposé? Y a-t-il un moyen efficace de régler les différends à l'intérieur d'un cycle écologique — en d'autres termes, pendant l'année civile —, dans les semaines suivant la véritable prise de décision de l'OPANO, ce pour éviter la surpêche des stocks?

  (1555)  

    C'est une question intéressante, car il y a en fait deux articles dans les modifications à l'OPANO, les articles 14 et 15. L'article 14 traite des procédures d'opposition. Il crée un panel chargé d'examiner les oppositions. L'article 15 traite du règlement de différends. L'article 15 reflète ou renvoie à ce qui existe déjà en vertu du droit international coutumier. Vous pouvez soumettre un différend au Tribunal du droit de la mer en vertu de l'ANUP ou du droit de la mer.
    Nous pourrions faire cela maintenant. Nous aurions pu le faire il y a de cela cinq ans. Le mécanisme existe. Tout cet aspect exécutoire a toujours été en place, et ce avec ou sans l'OPANO.
    La procédure d'opposition n'est d'aucune manière exécutoire. Elle ne fait que créer une commission d'examen. La commission d'examen fait rapport. Un vote des deux tiers est nécessaire pour adopter toute nouvelle mesure s'il y a changement, et si la partie ayant fait opposition au départ n'aime pas la nouvelle décision, elle peut s'y opposer à nouveau, et le tout recommence alors à zéro. Vous jouez alors la montre, et l'année est vite terminée avant qu'il ne se soit passé quoi que ce soit. Les parties doivent alors décider si elles veulent faire intervenir l'article 15 et instaurer ainsi un processus de règlement de différend exécutoire en portant l'affaire devant un tribunal international. Cela demande des années et coûte des millions de dollars.
    Soyons clairs ici. L'OPANO prend une décision annuelle. Vous dites que le règlement d'une opposition demande des années, mais, quelques mois plus tard, une nouvelle décision sera rendue.
    Mettons, par exemple, que l'Islande veut pêcher plus de poissons que ce que l'OPANO lui a consenti pour ce qui est de la crevette du Bonnet Flamand. Le pays ne l'a jamais fait, mais supposons qu'il veuille... cela fait présentement l'objet d'une opposition. Mais disons, par exemple, que l'Islande s'opposerait à son quota de crevettes 3M. Le pays fait opposition en 2010. La procédure d'opposition suivrait son cours. La procédure de litige demanderait sans doute — si c'est ce que vous êtes en train de dire — environ deux, trois ou quatre ans pour suivre son cours dans le système.
    Mais l'important ici, monsieur Wiseman, et c'est ce qu'il me faut savoir, est si le pays peut enclencher à nouveau la procédure d'objection en 2011, comme si la chose ne s'était jamais produite?
    La procédure d'opposition ne durerait pas deux, trois ou quatre ans. Il serait enclenché un processus de règlement de différend, un processus distinct. Si le pays faisait opposition en octobre ou en novembre, à la première occasion, alors il interviendrait une période d'attente de 60 jours. Il y a tout un tas d'étapes à franchir. Une première commission d'examen pourrait sans doute s'y pencher et faire quelque recommandation à la commission des pêches au milieu de l'année. Il n'y a rien dans le texte qui dit dans quel délai la commission des pêches aurait à en traiter. Elle pourrait reporter le dossier. Elle pourrait tenir des réunions supplémentaires. Une fois une décision rendue, il interviendrait alors une autre période d'opposition, puis une autre période d'attente. On peut ainsi jouer la montre pendant une année. À la fin de l'année, peu importe que quiconque dise quoi que ce soit, car le poisson serait déjà parti. L'année suivante, le processus reprendrait. Si le pays choisissait de faire opposition, la même chose pourrait survenir.
    Il faudrait espérer que cela ne se produise pas, mais par le passé, il y a eu des situations où, année après année, il y a eu opposition en dépit des discussions. Il y avait des discussions approfondies. Tout le monde connaissait les motifs des oppositions; tout le monde en connaissait les raisons. La partie qui n'était pas d'accord refusait simplement de changer sa position. Et dans le cadre de la nouvelle entente, il n'y a rien pour amener qui que ce soit à changer de position.
    Merci, monsieur Wiseman.
    Monsieur Blais.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Wiseman.
    J'aurais deux questions, mais cela dépendra évidemment du temps à ma disposition, qui court présentement.
    Ma première question porte sur une lettre que vous avez cosignée le 20 septembre 2009, dans laquelle vous mentionnez que si l'on ratifie l'accord tel que négocié, la position du Canada au sein de l'OPANO sera diminuée ou moins efficace. Vous mentionnez quelque chose de bien particulier. J'aimerais avoir des détails là-dessus.
    Pire encore, vous dites: « [...] rendra la position du Canada plus vulnérable lors d'éventuels arbitrages devant le Tribunal du droit de la mer. » J'aimerais que vous soyez le plus précis possible en me donnant des exemples de ce qui pourrait arriver.

  (1600)  

[Traduction]

    Cela peut devenir un petit peu technique. Je vais m'efforcer de ne pas être trop technique.
    Cela fait trois ans que nous demandons au gouvernement de faire une analyse article par article approfondie de la Convention de l'OPANO, de la nouvelle version, pour voir où ont été introduits de petits changements subtils. Il y a, dans le libellé, un nombre important de changements subtils de terminologie. Par exemple, les membres de l'OPANO avaient autrefois l'obligation, dans la détermination des contingents et dans les décisions, d'accorder la priorité au Canada. Maintenant, l'obligation revient à la Commission des pêches, mais aucun des membres n'a pour obligation légale de faire quoi que ce soit. Dans l'ancienne convention et dans les conventions existantes, il se trouve des obligations imposées à chacune des parties contractantes. Cependant, du fait d'imposer l'obligation à la commission, si quelque partie n'appuie pas la position canadienne en matière d'allocation, elle ne va pas à l'encontre de la convention. À l'heure actuelle, elle agirait à l'encontre de la convention. Voilà un changement significatif qui diminue la convention.
    On nous expose à l'arbitrage... J'ai mentionné cela dans notre exposé. Si nous choisissions d'utiliser nos droits en vertu de l'ANUP pour saisir et détenir un navire pêchant en haute mer et ayant commis une sérieuse infraction à l'égard de l'OPANO sans l'approbation de l'État du pavillon, du fait que nous jugions que l'État du pavillon n'ait pas agi de manière appropriée face au sérieux de l'infraction, en vertu de l'ANUP nous pourrions le faire en ce moment. Avec la nouvelle convention, l'UE dirait vraisemblablement, non, vous avez signé cette convention après l'ANUP. L'objet de la convention était de mettre en oeuvre l'ANUP, et vu que cette clause n'y figurait pas, nous avons manifestement convenu que cet article ne s'applique plus. Vous ne pouvez donc plus recourir à cet article.

[Français]

    Donc, vous êtes d'avis que même avec le traité actuel, le statu quo est moins dangereux, à moyen ou à long terme, que ce dont on est actuellement saisis. C'est la raison pour laquelle vous nous dites de faire très attention avant d'accepter le traité qui est négocié, ou l'entente ou l'amendement qui est présenté.
    En même temps, vous nous dites que le statu quo n'est pas très bon. Toutefois, vous préférez vivre avec le statu quo pendant encore quelques années, même si c'est perfectible — c'est à améliorer —, plutôt que d'avoir la nouvelle convention.

[Traduction]

    Le statu quo n'est pas parfait.
    Comme nous l'avons dit dans notre lettre au premier ministre, nous estimons que l'accord devrait être renégocié. Nous pensons qu'il requiert d'importantes modifications. Il a été souligné il y a longtemps que les principaux problèmes étaient la procédure d'opposition et la nécessité d'un processus de règlement de différends exécutoire et d'un réel pouvoir d'intervention, au besoin, en haute mer. Aucun de ces changements n'a été apporté. Je dirais que c'étaient là les principaux objectifs du Canada. Lorsque mes collègues et moi sommes intervenus dans le dossier, nous avions espéré travailler avec le gouvernement pour essayer de l'aider à atteindre ses objectifs. On nous a fermé la porte au nez. Personne ne voulait nous parler. On nous a refusé l'accès à des réunions. Nous avons opté pour une autre formule, en parlant publiquement de nos préoccupations.
    La Convention de l'OPANO peut encore être modifiée. Elle peut encore être renforcée. Mais les modifications actuelles n'offrent vraiment pas grand-chose. Les éléments qui sont vantés et les améliorations à l'approche fondée sur la précaution et à l'approche fondée sur les écosystèmes sont des choses que l'OPANO applique depuis 10 ans. Cela ne requiert pas de changement au niveau de la convention, et la convention n'impose de toute manière aucune obligation d'en tenir compte. Ces mécanismes sont tout simplement là. Le processus de règlement de différends est le processus de l'ANUP, qui a toujours été là.

[Français]

    Le temps file, et je ne voudrais pas me faire interrompre.
    Une autre question me vient à l'esprit. La seule personne que vous avez rencontrée parmi les premiers ministres, c'est le premier ministre Williams, et vous avez eu des échos par rapport à cette rencontre.
     Avez-vous essayé de rencontrer les autres premiers ministres ou ministres des autres provinces? Si oui, quels effets de retour avez-vous avez eus par rapport à ces possibilités de rencontres ou à ces discussions?

  (1605)  

[Traduction]

    Notre rencontre avec le premier ministre Williams a eu lieu à sa demande. Nous n'avons pas cherché à obtenir de rencontre avec d'autres premiers ministres ou d'autres gouvernements.

[Français]

    Donc, vous n'avez fait aucune tentative pour rencontrer les ministres d'autres provinces?

[Traduction]

    La lettre a été envoyée au premier ministre, avec copie à tous les premiers ministres des provinces de l'Atlantique.

[Français]

    Vous réalisez que c'est le silence complet ailleurs? Que pensez-vous de ce silence? Est-ce de l'indifférence ou quoi?

[Traduction]

    Vous parlez de silence, et je n'ai rien entendu. Mais ce qu'ils ont dit au premier ministre Williams, ce qu'ils ont dit au gouvernement fédéral, je n'en sais rien. Leurs intérêts sont manifestement différents. Lorsque nous parlons du fait que le Canada soit l'État côtier des stocks de poissons du nez et de la queue du Grand banc, cela intéresse en premier lieu Terre-Neuve, et en deuxième lieu la Nouvelle-Écosse.
    C'est la possibilité pour l'OPANO d'éventuellement assurer la gestion et le contrôle à l'intérieur des 200 milles — tout à côté du golfe Saint-Laurent — qui devient, je pense, source de préoccupation pour les autres provinces.
    Merci, monsieur Wiseman.
    Monsieur Stoffer.
    Merci, monsieur le président et monsieur Wiseman. Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
    Je trouve plutôt révélateur qu'une personne de votre expérience et une personne de l'autre... Eh bien, je suppose que nous pourrions les appeler les 4S — on dirait une zone de pêche — les quatre sages. Avec près de 100 années d'expérience entre vous, lorsque le gouvernement négocie quelque chose d'aussi compliqué que ces accords de pêche, il devrait au moins vous payer un café et vous dire « Écoutez, que pensez-vous que nous pourrions faire? ». Vous pourriez offrir vos conseils, les donner gratuitement, et repartir. Vous avez déclaré que la porte était fermée. Je trouve cela presque incroyable.
    Deuxièmement, je me suis entretenu avec des pêcheurs de Terre-Neuve-et-Labrador qui ont demandé pourquoi le Canada ferait cela. Il faut qu'il y ait un élément d'un plus grand tableau quelque part. Sommes-nous en train de céder quelque chose de manière délibérée, en échange d'autres choses, dans le cadre d'un compromis économique pour autre chose, d'un compromis Canada-UE? Voilà ce qu'ils me disent, ces pêcheurs. Je n'ai en la matière aucune base factuelle, mais voilà ce que j'entends.
    Ce que j'aimerais que vous fassiez, monsieur, si la chose est possible... Ce qui m'intrigue est l'aspect vote. Je comprends que les deux tiers représentent une différence d'un ou peut-être de deux votes, par rapport à 50 p. 100 plus un.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi, dans votre dépliant, vous dites que la ministre Shea a répété que son objectif premier est la conservation, mais que cela soit affaibli dans l'amendement proposé. Pourriez-vous prendre un petit peu de temps, monsieur — prenez le reste du temps qui m'est accordé si vous voulez —, pour expliquer ce que vous avez vraiment voulu dire au sujet des deux tiers, de l'affaiblissement des mesures de conservation et du fait que le Canada ne puisse pas obtenir ses parts antérieures des stocks?
    Merci d'être venu.
    Merci.
    L'une de vos questions cherche à savoir pourquoi le Canada fait ceci, et ce que le pays en retire. Je ne sais pas. Je peux dire, cependant, que je sais qu'il y a en ce moment une opinion selon laquelle défendre les droits du Canada, s'imposer, a été perçu comme n'étant pas très efficace. La manière d'être efficace en ce moment est de baisser les armes, de poser le bouclier, et de négocier avec l'Union européenne, qui est en train d'être considérée comme un partenaire en qui nous pouvons faire confiance et avec lequel nous pouvons travailler.
    Il y a peut-être du vrai là-dedans, mais, d'un autre côté, l'histoire nous a montré que ce n'a pas toujours été le cas dans les faits. L'UE, en 1996, comme cela est souligné dans le rapport, a dit très clairement qu'elle avait une stratégie pour mettre en oeuvre l'ANUP d'une manière qui reflète ses vues. Je ne vois pas du tout de réels changements dans la stratégie de l'Union européenne. Je pense simplement que le fait d'être digne de confiance... Vous savez, c'est une confiance à vérifier. Je pense qu'il nous faut mettre en place dans l'accord des mesures de protection pour veiller à ce que nous ne cédions pas des choses qui viendront nous nuire à l'avenir.

  (1610)  

    Est-il juste de dire que nous nous sommes fait coincer?
    Je ne voudrais pas dire cela, car il y a peut-être des personnes qui ont décidé que nous ne voulons plus de guerres; nous voulons la paix. Nous voulons avancer ensemble positivement, et si nous faisons montre de confiance à leur égard, nous nous attendons à ce qu'ils fassent de même envers nous. Quant à savoir si cela va nous être livré par l'autre côté ou non, je ne le sais pas, mais ce n'est pas ce que nous a montré l'histoire.
    L'UE représente 27 pays, de nombreux intérêts différents, et ces pays feront ce qu'il leur faut faire. Ils l'ont fait par le passé, et ils continueront de le faire. Voilà quelle en est mon expérience avec eux.
    Vous avez également posé une question au sujet du système de vote et du vote des deux tiers et du fait qu'il y a peut-être aujourd'hui juste une différence d'une ou deux voix. Oui, aujourd'hui cela est vrai, mais rappelez-vous ce qui s'est passé pour l'Union soviétique. Elle avait autrefois un siège à la table de l'OPANO, puis cela est passé à six, car c'est devenu la Russie, les trois États baltes, la Bulgarie et la Roumanie. C'est ainsi que, tout d'un coup, il y a eu un changement politique. Nous avons eu affaire à six membres à l'OPANO. Aujourd'hui, plusieurs d'entre eux se sont joints à l'Union européenne. Qui sait ce qui va se passer à l'avenir? L'Union européenne n'a jamais été satisfaite du fait d'avoir une voix. Qui sait ce qui va se passer à l'avenir? Qui sait s'il n'y aura pas d'autres pays qui choisiront de se joindre à l'OPANO?
    Nous avons aujourd'hui 12 membres. Il n'y a aucune garantie que ce sera 12 membres dans 30 ans.
    Vous avez cependant indiqué, dans la documentation que vous nous avez fournie...
    Monsieur Stoffer, le temps dont vous disposiez est écoulé.
    C'est tout pour moi?
    Oui, c'est tout pour vous.
    On s'amuse tellement. Je vous reviendrai, monsieur.
    Je n'ai pas entendu de sonnerie.
    Merci, monsieur Stoffer.
    Monsieur Weston.
    Merci. Nous savons que M. Stoffer ne fait que s'échauffer.
    Merci, monsieur Wiseman, de venir comparaître devant nous. Vous vous êtes déclaré passionné par la question, et vous et vos collègues avez été très prolixes dans toute la panoplie de critiques que vous avez formulées relativement au traité. En fait, vous en avez fait tellement qu'il est quelque peu difficile de les suivre. Je vais me concentrer sur celle que je crois être la principale, mais avant de m'éloigner de la question du nombre de critiques que vous soulevez, je trouve curieux que vous ayez à en redire sur un si grand nombre de choses qui ont été si énergiquement défendues, non seulement par le MPO, mais également par des experts.
    Permettez que je m'attarde sur la question de la souveraineté. Tout juste la semaine dernière, ont comparu devant le comité Phillip Saunders, doyen de la faculté de droit de Dalhousie, et Ted McDorman, professeur de droit à l'Université de Victoria, et nous avons passé du temps à discuter de la souveraineté. On vient de me donner une définition du mot souveraineté, qui a été tirée d'un dictionnaire: « caractère d'un État ou d'un organe qui n'est soumis à aucun autre État ou organe ».
    Pour ce qui est des premiers points, monsieur Wiseman, il n'y a aucun doute qu'il faut le consentement du Canada pour que quelque puissance étrangère pénètre dans nos eaux en vertu des modifications. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Pour ce qui est d'imaginer un scénario dans le cadre duquel il se passerait quelque chose de mauvais du fait de l'article VI, paragraphe 10, qui traite de l'entrée possible dans nos eaux avec le consentement du Canada, M. Saunders a dit au comité que le gouvernement canadien détient tout le contrôle, et c'est bien sûr ce que nous ont dit le ministre et les fonctionnaires du MPO.
    Passons maintenant au deuxième point. Vous avez emprunté à un ancien ministre, M. Crosbie, une magnifique formule: défendre les poissons. N'est-il pas vrai que les différents pays ne sont pas des silos dans cette lutte mondiale pour préserver nos pêcheries, que ce n'est que si les pays collaborent entre eux que nous pourrons, nous autres qui appartenons à l'espèce humaine, nous attendre à ce que soient préservées les différentes espèces de poisson pour les générations futures? Pour citer Phillip Saunders, il a dit qu'il y aurait des avantages à la disposition que vous contestez, étant donné qu'elle pourrait permettre au Canada de travailler avec l'OPANO en vue de l'établissement d'aires marines protégées dans le cas de stocks chevauchant différentes zones.
    N'est-il donc pas un truisme qu'il nous faut, en tant que nations, travailler avec d'autres nations? Nous ne pouvons pas nous permettre d'agir en tant que silo. Vous secouez la tête, alors je devine que nous sommes d'accord là-dessus, n'est-ce pas?
    La collaboration, absolument.
    J'en arrive donc à mon troisième point. Ne conviendriez-vous pas qu'un traité parfait est une impossibilité, qu'en bout de ligne, tout traité ne peut être qu'un cumul de plusieurs ententes?
    J'aimerais vous lire un extrait de propos tenus par Tom Hedderson, ministre des Pêches et de l'Aquaculture de Terre-Neuve. Il a lui aussi comparu devant nous. Voici ce qu'il a déclaré en juillet:
Le fait que le Canada ait à appuyer une mesure de l'OPANO, puis à demander son application dans la ZEE, semble assurer une mesure de sauvegarde suffisante contre une conséquence imprévue de la convention modifiée. Cela, ajouté à une garantie des parts canadiennes des stocks gérés par l'OPANO, constitue un ensemble acceptable.
    Il ne disait pas que le traité est parfait du point de vue du Canada, et le ministre ne dit pas non plus que le traité renferme tout ce que le Canada aurait, unilatéralement, dans le cadre d'un traité. Mais dans un monde où nous travaillons aux côtés d'autres organes, nous en sommes en bout de ligne arrivés à un ensemble considéré acceptable; en tout cas c'est ainsi que l'envisageait le ministre Hedderson à l'époque.
    Il se déroulait manifestement des négociations réciproques.
    Jusqu'ici, tout va bien. Vous êtes d'accord?

  (1615)  

    Je ne suis pas totalement d'accord avec vous en ce qui concerne vos conclusions. J'accepte le processus que vous avez décrit.
    Bien.
    En bout de ligne, une puissance souveraine comme le Canada — et je reviens à notre définition, « caractère d'un État ou d'un organe qui n'est soumis à aucun autre État ou organe »... Voilà ce qu'est le Canada. Nous pouvons même en ce moment, avec ou sans l'OPANO, avec ou sans la modification, inviter dans nos eaux une puissance étrangère pour venir observer le respect de certaines normes en matière de conservation. Nous pouvons faire cela en ce moment, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi votre groupe considère la convention modifiée comme étant un abominable cheval de Troie, conçu par les Européens pour affaiblir la souveraineté canadienne. Nous avons notre souveraineté. Elle requiert que nous invitions à venir ici un autre pays. Il nous faut une collaboration avec ces pays.
    Monsieur Wiseman, je pense que vous avez déclaré plus tôt que l'OPANO n'est pas parfaite, mais que nous ne voulons pas l'éliminer, et qu'il nous faut quelque chose pour la maintenir en vie. Aidez-moi. Je m'efforce de comprendre votre point de vue. Je ne saisis pas. J'imagine que Phillip Saunders ne l'a pas saisi. Le professeur McDorman ne l'a pas saisi. Le ministre des Pêches et des Océans l'a certainement entendu et ne l'accepte pas lui non plus.
    Je vais essayer de vous répondre.
    Je pense que si M. Saunders et M. McDorman — M. Saunders n'étant jamais vraiment intervenu dans les négociations — pouvaient faire comme bon leur semble, cette clause sur la souveraineté ne figurerait pas dans le texte. Mais elle y est. Ces messieurs donnent l'impression que c'est une chose qu'ils préféreraient ne pas y voir, mais cette clause y figure, et c'est ce qui a résulté des négociations.
    Notre principal souci est que la convention s'applique à l'heure actuelle exclusivement à la zone réglementée par l'OPANO à l'extérieur des 200 milles. Elle interdit, de facto, toute intervention de l'OPANO à l'intérieur des 200 milles. Si le Canada demandait à l'OPANO de faire quelque chose à l'intérieur de la zone de 200 milles, elle ne pourrait pas le faire car elle n'y serait pas autorisée par la Convention de l'OPANO. La nouvelle Convention modifiée de l'OPANO n'autoriserait pas la chose. Elle accorde à l'OPANO un nouveau droit qui n'existe pas à l'heure actuelle.
    La réalité est...
    Puis-je vous interrompre? Ce n'est pas ainsi que je comprends les choses. En tant que pays souverain, nous fonctionnons à l'intérieur d'un cadre tel que nous pourrions inviter un pays à venir faire ce que nous voulons. Je pourrais vous donner un exemple hypothétique. Nous ne disposons pas de certaines technologies que possède un pays européen donné et nous lui demandons de venir nous aider à faire une évaluation d'un stock de poissons réduit. Cela semble cadrer parfaitement avec notre souveraineté, et nous n'avons pas besoin de l'OPANO, ni d'une modification à la Convention de l'OPANO pour ce faire.
    Merci. C'est exactement mon propos. Nous faisons cela depuis des années. Nous pouvons le faire...

  (1620)  

    Il ne s'agit donc pas d'un gros changement.
    Nous avons l'entière souveraineté pour le faire. Ce qui a changé est que l'OPANO a maintenant un levier. L'OPANO a maintenant le premier avantage. L'Union européenne le sait. Elle s'en servira.
    Je vous demande de vous rappeler de ce que j'ai dit au sujet des propos tenus par le président Arias Cañete. Les Européens croient que, dans le cas de stocks chevauchants, le pays de pêche en eaux lointaines devrait avoir des droits égaux dans la gestion de la totalité de ce stock, à l'intérieur et à l'extérieur. C'est là ce qu'ils croient. C'est là leur objectif. Ils veulent avoir leur mot à dire sur ce que nous faisons à l'intérieur de notre zone des 200 milles.
    Ils n'ont pas pu obtenir que la clause dise exactement ce qu'ils voulaient, car il nous a été possible d'y inscrire toutes les exigences en matière de demande, mais cette clause figure néanmoins dans le texte. Comment peuvent-ils revendiquer ce droit? La chose est fort simple dans le contexte de l'OPANO.
    Nombre des experts qui se sont entretenus avec vous n'ont peut-être jamais été dans une salle de négociation de l'OPANO, mais lorsque vous voyez les chefs de délégation assis autour de la salle essayer d'en arriver à un consensus... Prenez la dernière réunion à Bergen. Imaginez-vous la chose. Le Conseil scientifique a dit que le quota de flétan noir devrait être plus bas et que le quota de morue 3M devrait être plus bas.
    L'industrie canadienne souhaite que le quota de flétan noir soit plus élevé du fait que cela lui rapporte beaucoup d'argent, alors tant pis pour la conservation, et le Canada ira de l'avant avec un quota supérieur. L'Union européenne, dans ce cas-ci, dit non à cela et dit que nous devrions suivre les conseils scientifiques et avoir un quota inférieur, mais l'Union européenne souhaite un quota supérieur pour la morue 3M.
    Que fait alors le Canada? Le résultat de la rencontre est qu'il y a un quota plus élevé pour la morue 3M, ce que voulait l'Union européenne, et il y a reconduite du quota de flétan noir, ce que souhaitait le Canada. C'est un compromis, car c'est ainsi que se font les choses.
    Un jour, les Européens pourraient peut-être tout simplement réagir comme ceci. Si le Canada souhaite un quota inférieur pour un stock chevauchant et que l'Union européenne ne peut pas accepter un plus faible quota pour le stock de poisson concerné du fait que les taux de prises soient si faibles à l'extérieur de la zone des 200 milles, alors elle dira que si le Canada lui laisse prendre son quota à l'intérieur des 200 milles, alors elle pourrait peut-être accepter un plus bas quota. Ainsi, pour des raisons de conservation, le Canada, désireux qu'il est d'avoir un quota plus bas, dira « Très bien, vous pouvez maintenant venir pêcher dans nos eaux ». Ce que je veux dire par là est que c'est ainsi que les choses vont se passer.
    Permettez que je vous livre ce que je pense entendre. Chaque député dans cette salle s'est engagé à l'égard d'au moins une chose, soit faire de son mieux pour que nos stocks de poisson survivent pour les générations futures. J'imagine qu'aucun d'entre nous n'est heureux d'avoir à travailler avec des députés ou des dirigeants d'autres pays d'une manière telle qu'il nous faille peut-être céder quelque chose de canadien.
    Mais à un moment donné, si notre priorité est de préserver les stocks de poissons pour les Canadiens, pour notre race, alors il nous faudra peut-être faire cela. Et tout ce que nous avons fait c'est répéter des évidences passées, soit que, si nécessaire, s'il nous faut faire venir quelqu'un d'autre pour travailler avec nous parce que nous allons travailler avec eux dans l'intérêt de cet objectif global de préservation de nos stocks de poissons, alors c'est quelque chose que nous aurions pu faire de toute manière. Nous le redisons dans le traité. Je pense qu'en bout de ligne c'est là où nous en sommes et c'est pourquoi cette disposition figure dans l'accord.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wiseman, merci beaucoup d'avoir pris le temps dans votre...
    Monsieur le président, M. Wiseman aimerait-il répondre?
    Certainement. Mes excuses.
    Souhaitez-vous répondre à cela, monsieur Wiseman? Je considérais que c'était davantage une déclaration qu'une question.
    Nous partageons votre opinion. Nous voulons défendre la conservation et la durabilité à long terme. Nous estimons qu'il est possible d'obtenir ce genre d'entente à l'OPANO aux côtés d'autres parties contractantes.
    Nous pensons que cette clause en est une qui a consenti un premier avantage et que d'ici 30 ans — qui sait? — ce pourrait être utilisé d'une manière totalement différente de ce que nous pouvons envisager aujourd'hui. Il n'y a simplement aucune justification pour cela. Du fait que nous soyons en ce moment souverains, du fait que l'OPANO n'ait aucun droit à l'intérieur de notre zone, nous pouvons, en tant qu'État souverain, prendre toutes les décisions que nous voulons. Si nous voulons inviter un pays à l'intérieur de nos eaux pour y faire du travail scientifique, partager de la technologie, pêcher ou faire quoi que ce soit d'autre, nous le pouvons.
    Il n'est nul besoin d'une telle clause dans la Convention de l'OPANO. Cette clause établit tout simplement un droit et la base pour qu'en cas d'arbitrage futur, peut-être, ou de règlement de différend, une partie puisse dire « Eh bien, il est dit dans le texte qu'il y a des possibilités, alors le Canada pense clairement que nous avons un rôle à jouer à l'intérieur de sa limite des 200 milles ».
    Merci beaucoup, monsieur Wiseman.
    Monsieur Wiseman, j'aimerais, au nom de tout le comité, vous remercier d'avoir pris le temps de venir comparaître devant le comité aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants de votre contribution.
    Nous allons faire une courte pause pour permettre aux témoins suivants de s'installer.
    Merci.

    


    

  (1630)  

    La séance va maintenant reprendre.
    Merci beaucoup, messieurs, d'avoir accepté de comparaître cet après-midi devant le comité.
    Il y a un certain nombre de contraintes temporelles auxquelles nous demandons à nos invités d'adhérer. Les membres du comité disposent quant à eux de plages limitées pour les questions et réponses. Nous prévoyons en règle générale une dizaine de minutes environ pour les déclarations liminaires. Je n'interromps habituellement pas nos invités, mais à un moment donné, lorsque je vous ferai signe, je demanderai que vous boucliez.
    Monsieur Etchegary, je crois savoir que vous allez nous livrer quelques déclarations liminaires. Allez-y, dès que vous êtes prêt.
    Merci beaucoup de l'occasion qui m'est ici donnée de discuter d'une question qui revêt une importance énorme pour les Canadiens de la côte Est — les modifications à la Convention de l'OPANO. J'aimerais également dire quelques mots au sujet de la question de la gestion des pêches en général sur le plateau continental, là où le poisson migre et ne connaît aucune frontière.
    Je suis arrivé dans cette industrie en 1947. J'ai travaillé avec une très grosse société qui employait environ 6 000 personnes. Elle avait des usines au Québec et en Nouvelle-Écosse, mais la très grande majorité de ses installations se trouvaient à Terre-Neuve. J'ai servi comme commissaire auprès de la délégation canadienne pendant huit ou neuf ans dans les années 1970. J'ai pris ma retraite, puis on m'a invité à revenir pendant l'année de transition de la Commission internationale pour les pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest à l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest en 1978.
    Aujourd'hui, je suis ici en tant que représentant de la Fisheries Community Alliance of Newfoundland and Labrador. Il s'agit d'une groupe bénévole englobant d'anciens bureaucrates fédéraux et provinciaux, des chercheurs intéressés spécialisés dans les sciences halieutiques, d'anciens transformateurs, des pêcheurs et certains membres du public. Je peux vous assurer que tous ces bénévoles au sein de notre organisation ont une solide expérience de diverses questions liées aux pêcheries. Je peux également vous assurer encore davantage que ce ne sont pas de simples critiques de fauteuil, tels qu'ils ont récemment été décrits par certains témoins ayant comparu devant les comités du Sénat et de la Chambre.
    Je suis arrivé dans l'industrie en 1947, pendant la transition de l'industrie du poisson salé à l'industrie du poisson congelé. Cela a créé un nombre énorme de possibilités pour différents produits de la mer en provenance de toute une variété d'espèces. Cela a créé des milliers d'emplois, depuis la côte gaspésienne jusqu'aux Maritimes et à Terre-Neuve-et-Labrador.
    La pêcherie du poisson de fond, autour de laquelle s'est développée toute la structure de l'OPANO, était riche, avec toute une variété d'espèces. Un stock au large de la côte de Terre-Neuve-et-Labrador, en 1962, a compté pour 3,5 millions de tonnes de morue. De nombreuses autres espèces étaient disponibles à l'époque, en vue de leur transformation et de leur commercialisation, et elles étaient très abondantes. L'industrie a progressé et est demeurée viable pendant presque 35 ans, jusqu'au début de son déclin en 1970-1971 — pas en 1992 ou en 1987.
    Deux événements majeurs sont survenus aux environs de 1949-1950. Terre-Neuve et le Labrador se sont joints à la Confédération. Et c'est ainsi que le Canada est passé du 14e au 6e rang mondial parmi les pays exportateurs de poisson. Le deuxième événement qui est survenu a été l'arrivée d'une armada de navires-usines réfrigérés européens, à compter de 1950.
    En 1960, ils étaient au nombre de 1 200, avec 65 000 membres d'équipage et aides d'usine, pêchant sur le plateau continental, depuis le Labrador jusqu'au sud de la Nouvelle-Écosse. Ils ont continué de pêcher pendant toutes ces années — jusqu'à aujourd'hui, bien qu'en moins grand nombre — et ce sans restriction et sans contrôle. Les flottes ont rétréci au fil de leur surpêche, et leur énorme effort a fini par décimer la ressource. D'après les meilleurs renseignements à la disposition des chercheurs, la quantité de morue est passée de 3,5 millions de tonnes, comme je l'ai mentionné, à 135 000 tonnes aujourd'hui.

  (1635)  

    La CIPANO a été créée en 1949, pour être remplacée par l'OPANO en 1978, lorsque le Canada a étendu sa compétence sur les pêches jusqu'à 200 milles. Ce fut une grave erreur de la part du gouvernement fédéral. Il lui avait été fait de nombreuses mises en garde en la matière. Dans un effort sans conviction, il a tenté de protéger la pêcherie. Il n'y est pas parvenu. D'ailleurs, il l'a en fait exposée à encore davantage d'abus.
    L'OPANO a remplacé la CIPANO avec l'extension de la compétence en matière de pêche. Cette organisation — cette organisation inutile et sans muscle — est en train d'asséner le coup mortel à ce qui reste de la pêcherie dans l'Atlantique Nord-Ouest. Ceux qui vous diront le contraire n'ont strictement rien compris.
    Entre-temps, comme quelqu'un l'a mentionné, cela a surtout touché Terre-Neuve-et-Labrador, en tant que province. Cela est vrai. Autrefois, la Nouvelle-Écosse avait une très grosse pêcherie des poissons de fond, mais ce n'a pas été le cas plus tard.
    Ce qui nous est arrivé au cours des 35 ou 40 dernières années a amené la perte de 15 p. 100 de la population de Terre-Neuve-et-Labrador. Cela correspond à 80 000 personnes, qui ont quitté la province de Terre-Neuve-et-Labrador, qui travaillaient dans les pêcheries, qui vivaient dans les collectivités côtières et ainsi de suite. Avec elles sont partis 30 000 emplois, tout cela — je dis bien tout cela — étant le résultat direct de la surpêche par les étrangers et, de l'autre côté, d'une mauvaise gestion de la ressource par le MPO.
    Notre conclusion réfléchie est que cela fait quelque temps déjà que le Canada n'est plus habité par le dévouement et l'engagement qui le caractérisaient autrefois — lorsque, par exemple, il a assumé la responsabilité pour la conservation et la durabilité de la ressource de propriété commune que Terre-Neuve a livrée à Ottawa. Aujourd'hui, le Canada, par l'intermédiaire du MPO, a perdu sa voie. Il a perdu sa voie en ce qui concerne la gestion et le contrôle des pêcheries.
    Des pays de pêche étrangers comme ceux de l'UE, la Russie et les pays scandinaves sont très au courant de ce fait. Ces pays membres de l'OPANO profitent du manque croissant d'intérêt de la part du gouvernement du Canada et cherchent énergiquement par le biais de l'OPANO — malheureusement, avec l'appui de certains intérêts canadiens — à obtenir un plus grand contrôle sur les stocks chevauchants et, en bout de ligne, sur les stocks situés à l'intérieur de la limite des 200 milles.
    Ce sont des groupes qui, en passant, ne se préoccupent que peu ou pas du tout de la conservation de la ressource, ainsi que du besoin pressant de rebâtir cette ressource, qui a employé des milliers de Canadiens pendant toutes ces années.
    Il me paraît incroyable que l'on voie un jour le gouvernement du Canada s'autoriser à s'aligner avec d'autres membres de l'OPANO pour accepter des modifications à la convention qui ouvriraient la porte à une intervention étrangère incontrôlée dans la gestion des pêches à l'intérieur de la limite des 200 milles — pire encore, pour permettre à l'OPANO de court-circuiter le Canada et d'accéder à une demande du WWF de poser un panneau d'interdiction aux autres chalutiers sur le fond marin de notre plateau continental, pour lequel le Canada a la compétence exclusive.
    Où étaient nos bureaucrates négociateurs? Où étaient-ils pour que cette situation embarrassante puisse survenir? Et, plus important encore, quelle incidence cela aura-t-il sur la souveraineté de notre pays?
    La vérité est que nos représentants à l'OPANO ont été devancés. Ils se sont fait damer le pion. C'est le cas depuis bien trop longtemps.
    En passant, je vous dirais que cette procédure d'opposition, qui est, de loin, le pire aspect jusqu'ici de tout cet arrangement OPANO, est une chose dont nous aurions pu nous débarrasser en 1978. À l'époque, deux ou trois autres et moi-même pressions très fort: lorsque les pays étrangers ont été repoussés à l'extérieur des 200 milles, ils étaient presque à genou pour obtenir de petits quotas ici et là pour récupérer les pertes qu'ils allaient subir.

  (1640)  

    C'est alors que nous aurions pu tirer cela à notre avantage. Nous avions les moyens de négociation. Nous avions cela à portée de la main. Nous avons supplié le gouvernement de ce pays, nous avons supplié les représentants du MPO, qui étaient à la table de négociation, de profiter de l'occasion, mais ils ne l'ont pas fait.
    Dans ces modifications, il n'y est pas une seule fois fait mention de la conservation. Nous voici ici avec un moratoire — 1992 — qui, après 18 ans, offre très peu d'espoir pour l'avenir et aucune preuve quelle qu'elle soit d'une reprise appréciable. Oui, vous entendrez parler d'un petit coin de-ci de-là. Mais je peux vous assurer que si un effort de pêche commerciale était engagé dans certaines de ces zones qui commencent à peine à se remettre... En passant, la morue du Bonnet Flamand est un exemple classique. C'est incroyable.
    La réunion de Bergen est elle aussi un exemple classique de la situation dans laquelle nous allons nous retrouver à moins de stopper les choses ici et de ne pas ratifier l'accord, de nous y opposer sérieusement, et de tout bloquer. À Bergen, notre délégation canadienne est allée jusqu'à saper nos propres chercheurs à l'OPANO. Ils se sont joints aux autres pays de l'OPANO et ont pris l'évaluation des stocks du Conseil scientifique, qui portait sur la morue et le turbot du Bonnet Flamand ainsi que sur les niveaux des prises accessoires à l'intérieur de la zone, et l'ont jetée par la fenêtre. Non seulement nos négociateurs canadiens ont jeté par-dessus bord la contribution de nos chercheurs canadiens au conseil de l'OPANO, mais il ont accepté l'établissement de quotas qui étaient bien au-dessus de ce que ces gens avaient recommandé.
    Si le Canada n'est pas prêt à entreprendre ce qui est nécessaire pour rebâtir la pêcherie — et je peux tout de suite ici vous dire que cela ne se fera jamais sous l'OPANO ni tant et aussi longtemps que l'OPANO maintient sa position actuelle. Si le Canada n'est pas prêt à faire le ménage dans sa maison et à mettre en place les personnes qui engageront le pays sur la voie du rétablissement pour ce qui est des ressources halieutiques, si le Canada n'est pas prêt à le faire pour les personnes qui ont été déplacées et qui ont perdu leur emploi, alors pour l'amour de Dieu, reconnaissez le fait qu'une ressource bien gérée et durable peut être la plus importante source d'alimentation au monde. Dans notre monde d'aujourd'hui, où la pauvreté règne et où des centaines de millions de personnes ont faim, notre pays, l'un des principaux pays du monde civilisé, devrait au moins dire s'il est prêt ou non à rétablir et à rebâtir la pêcherie pour sa propre population.
    Il y a bien sûr un certain nombre d'autres choses que j'aimerais vous dire aujourd'hui, monsieur le président. Il y a un aspect dont j'aimerais beaucoup traiter, et il s'agit de la science halieutique, et des raisons pour lesquelles elle est si importante dans tout ce dossier, y compris par rapport à la Convention de l'OPANO.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup.

  (1645)  

    Merci beaucoup, monsieur Etchegary.
    Je suis certain que vous aurez l'occasion, en réponse aux questions qui vous seront posées, de toucher également à quelques-uns de ces autres points.
    Monsieur Byrne, vous et M. MacAulay allez-vous partager le temps qui vous revient? J'ignore lequel de vous deux va commencer.
    C'est bien le cas, mais...
    Oh, je suis désolé, monsieur Winter. Veuillez m'excuser. J'imagine que c'est parce que nous avons hâte d'en arriver aux questions.
    Monsieur Winter, vous aviez vous aussi des déclarations liminaires à faire.
    Oui. Merci beaucoup de l'invitation, mesdames et messieurs, ladies and gentlemen.
    Je suis très heureux d'être ici pour vous entretenir de cette question, car les modifications à la Convention de l'OPANO dont la Chambre est saisie sont une question très sérieuse, pas seulement pour Terre-Neuve-et-Labrador, mais pour tout le Canada atlantique et l'Est du Québec.
    Pour vous donner un peu de contexte, je suis l'ancien animateur d'une émission radiophonique de la CBC appelée Fisheries Broadcast.

[Français]

    Et j'ai fait la même chose auprès de la SRC pendant plusieurs années, avec un accent terre-neuvien, quand même. C'était donc un français plus ou moins...

[Traduction]

    J'ai travaillé pour le MPO à Terre-Neuve ainsi qu'à Ottawa, et j'ai également travaillé pour les pêcheries dans le secteur privé. Au total, cela remonte aux années 1970.
    Les lieux de pêche canadiens s'étendent depuis l'Arctique dans le Nord jusqu'aux Grands Bancs, au Banc Hamilton, et au Bonnet Flamand dans l'Est jusqu'au Banc Georges dans le Sud. Mon opinion, et celle de mes collègues à la Fisheries Community Alliance, et d'autres qui ont une vaste connaissance et une vaste expérience des activités passées et des objectifs à long terme de l'OPANO, est que ces modifications mettront fin à la souveraineté canadienne dans ces eaux et sont la garantie que le Canada ne verra jamais rebondir les stocks de poissons qui sont au coeur tant du bien-être économique que de la culture du Canada atlantique et de l'Est du Québec.
    Nos objections à ces modifications sont fondées sur des décennies d'expérience auprès de l'OPANO en tant que bureaucrates dans la haute direction des pêches fédérale et provinciale, en tant que commissaires à l'OPANO et en tant que participants à l'industrie. Elles ne sont pas le fruit d'un intérêt direct ou de connaissances universitaires et(ou) théoriques de l'OPANO, mais de l'expérience douloureuse de plus de 40 années d'interaction directe avec l'OPANO, la voyant ignorer les connaissances scientifiques, voyant des États membres s'adonner à la surpêche tant légalement qu'illégalement, voyant l'OPANO fonctionner d'une manière qui est tout à l'opposé des intérêts du Canada et des citoyens canadiens.
    Nos objections ne s'appuient pas sur des considérations politiques, contrairement à ce qui a été allégué. À différents moments, tous les partis siégeant à la Chambre des communes se sont attaqués à cette question de la gestion canadienne des pêches dans ces eaux, que ce soit par le biais de la gestion de conservation ou de l'extension de la compétence exclusive en matière de pêche. Nous sommes tout simplement des citoyens non alignés, participant aux travaux du comité ici réuni dans le cadre du processus parlementaire. Je veux bien accepter que l'intention de ces modifications était la réalisation d'une gestion de conservation ou de quelque chose du genre. Tristement, ces modifications représentent un pas en arrière par rapport à cet objectif, plutôt qu'un pas en ce sens.
    Je ne vais pas vous détailler mes objections, étant donné que vous avez entendu des personnes beaucoup plus qualifiées et beaucoup plus expérimentées que je ne le suis. Celles-ci ont épluché dans le détail les nombreux défauts de ces amendements par rapport aux objectifs du Canada en matière de pêche et à la souveraineté du Canada dans les eaux au large de ses côtes. Vous entendrez indubitablement d'autres intervenants ayant les mêmes opinions et les mêmes antécédents.
    Nous savons tous que l'on ne peut pas toujours réussir à atteindre ses objectifs dans le cadre de négociations internationales de ce genre. Lorsqu'un second examen objectif vous indique que le résultat est négatif, ce n'est pas consentir à l'échec que de rejeter le résultat. C'est la reconnaissance que, dans l'intérêt des citoyens canadiens et de la nation canadienne, l'effort en question devrait être rejeté. Il n'y a aucune honte à marquer un temps d'arrêt pour analyser ce qui a été fait et à accepter que l'objectif n'a pas été atteint. C'est là un signe de maturité, un signe des meilleures traditions parlementaires canadiennes à l'oeuvre.
    Le Parlement devrait dire non à l'unanimité et aviser officiellement l'OPANO de sa décision. Dites non, et informez l'OPANO que des réformes radicales sont nécessaires pour protéger les objectifs canadiens en matière de pêche et la souveraineté canadienne; dites non, et informez l'OPANO qu'à défaut de négociations fondées sur le concept de la gestion de conservation ou de l'extension de sa compétence, le Canada devra se pencher sérieusement sur la viabilité future de toute organisation qui, depuis sa création, n'a pas protégé les droits du Canada en tant qu'État côtier en vertu de la Convention sur le droit de la mer.
    Les bateaux-usines réfrigérés européens pillant les bancs de pêche canadiens dans les années 1960 et 1970 ont été la cause de l'effondrement de la pêcherie canadienne. Dans les près de 20 ans qui ont suivi le moratoire imposé aux pêcheurs canadiens, nous n'avons vu aucun changement dans l'attitude des Européens en matière de conservation des pêches et que très peu de respect de leur part à l'égard de la compétence canadienne. Ce que nous avons vu est une pratique européenne continue de surpêche tant légale qu'illégale qui a sérieusement entravé le rétablissement des stocks de poissons canadiens, pratique qui utilise les règles de l'OPANO pour se moquer de la souveraineté canadienne.

  (1650)  

    Nous avons tous constaté la dévastation économique et le bouleversement social causés par les activités de pêche des Européens depuis les années 1950. Nous avons vu des villages côtiers de partout dans le Canada atlantique et dans l'Est du Québec se dépeupler. Nous avons vu des familles obligées de se défaire pour pouvoir survivre, avec des pères ou des mères dans les camps de champs pétrolifères albertains, les villages miniers de l'Ontario ou les forêts de la Colombie-Britannique, tandis que les enfants restent sur place avec l'autre parent ou les grands-parents.
    Plus d'un demi-siècle d'interventions par la CIPANO et l'OPANO nous ont clairement démontré que les objectifs de l'OPANO sont de résoudre les problèmes de pêche européens sur le dos des citoyens canadiens. Trop, c'est trop.
    Nous autres Canadiens, par l'intermédiaire de nos représentants élus à la Chambre des communes, devons rejeter ces modifications, et il nous faut les rejeter fermement, vigoureusement et sans réserve aucune. Le Parlement canadien doit envoyer à l'OPANO un message sérieux, ciblé et clair en rejetant ces amendements à l'unanimité, un message que ni l'OPANO ni l'UE ne pourront interpréter comme étant de la politique partisane, un message unanime de la Chambre des communes, qui se place au-dessus de la politique partisane, un message qui cadre avec les objectifs de tous les partis politiques à la Chambre, comme cela a été énoncé à diverses occasions au fil des ans.
    Je déclare mon opposition à ces modifications en m'appuyant sur des années d'exposition et d'expérience par rapport aux actions des mandarins à Bruxelles et de leurs maîtres politiques à Strasbourg. Cela a établi en moi une méfiance absolue par rapport à leurs objectifs dans l'Atlantique Nord-Ouest, objectifs qui sont tout à fait contraires au rétablissement de la pêcherie canadienne et au maintien de la souveraineté canadienne.
    Si nous allons contrôler ces eaux, si nous allons avoir une pêcherie à l'échelle de l'océan Atlantique — et qui ne se limite pas juste à Terre-Neuve, juste au Nouveau-Brunswick, juste à la Nouvelle-Écosse, juste à l'Est du Québec —, si nous voulons que les villages et les hameaux le long de la côte puissent survivre, nous n'avons pas besoin des genres de modifications qui vont ouvrir les portes à l'OPANO pour que ces pays viennent... Il ne s'agit pas d'inviter un seul pays à venir nous aider dans le cadre d'un dossier scientifique. L'OPANO est une organisation. Lorsque vous mettez en place des règles dans une organisation, vous créez un cheval de Troie, pour reprendre l'expression employée plus tôt par quelqu'un d'autre.
    Je déclare mes objections à ces modifications à l'OPANO non seulement en tant que Terre-Neuvien, en tant que Labradorien, mais également en tant que citoyen canadien qui croit réellement en la capacité de la tradition parlementaire canadienne de prendre des décisions sur la base de l'intérêt des citoyens canadiens et des droits du Canada en tant que nation, et pas simplement des intérêts politiques d'un parti ou d'un autre ni, cela va sans dire, des intérêts de gouvernements ou d'organes étrangers.
    Je vous demande, dans l'intérêt de tous les citoyens canadiens, étant donné que la viabilité future des pêches du Canada atlantique et de l'Est du Québec a une incidence directe sur l'économie de toutes les autres provinces, de demander à vos collègues parlementaires et à vos chefs de parti d'inviter la Chambre des communes à rejeter à l'unanimité ces amendements et à aller de l'avant, en tant que Parlement uni, vers l'objectif de la gestion de conservation ou de l'extension de la compétence nationale, concepts que tous les partis ont, à différents moments, dit vouloir réaliser. Tous les partis à la Chambre ont exprimé ce voeu. Tous les partis ont dit que l'OPANO a été et continue d'être une catastrophe pour le Canada, ce pour quoi nous sommes d'ailleurs saisis de ces modifications.

  (1655)  

    Mais, triste constat, ces modifications n'atteignent pas l'objectif visé au départ. Elles sont contre-productives. Le moment est venu de les abandonner et d'abandonner la politique partisane. Le moment est venu de parler en tant que Chambre unie, car les Européens ne comprennent rien d'autre que la force derrière la réponse.
     Si ces modifications devaient être adoptées, vous pouvez être certains qu'une génération future demandera sous la garde de qui cela est arrivé. Il y aura des comptes à rendre pour ce qui est de la cession de la souveraineté canadienne à l'égard des eaux du plateau continental de la côte Est du Canada, de l'effondrement des villages et des hameaux du Canada atlantique et de l'Est du Québec, et des conséquences pour les familles ayant pendant des siècles contribué à l'économie et au bien-être culturel du Canada.
    Tous les participants à la pêcherie comprennent que cet objectif ne sera pas facilement atteint, et qu'il ne sera pas atteint du jour au lendemain. Mais dans l'intérêt de nos enfants et de nos petits-enfants, il doit l'être.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Winter.
    Monsieur MacAulay, je pense que c'est vous qui allez ouvrir le bal.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue ici aux deux témoins. C'est un réel plaisir que d'entendre quelqu'un qui connaît l'industrie du fait d'en avoir été et d'avoir su et vu ce qui s'est produit au fil des ans.
    Monsieur Etchegary, vous avez mentionné que vous aimeriez parler davantage de l'aspect scientifique. J'aimerais vous en donner le temps. Vous, ou M. Winter, pourriez peut-être nous indiquer ce qui se produira selon vous si ce qui est envisagé pour les eaux à l'intérieur de notre zone de 200 milles devient réalité.
    En ce qui concerne la science — et je pense que la chose est très importante —, le fait est qu'en ce moment la science canadienne en est à son plus bas dans mon histoire. Croyez-le ou non, je suis ici depuis une soixantaine d'années environ, et je n'ai jamais vu la science canadienne à un niveau aussi bas que celui qu'elle connaît à l'heure actuelle pour ce qui est des heures de bord disponibles pour la recherche, du nombre de chercheurs, qui diminue de semaine en semaine, et de la disponibilité des navires.
    Le mois dernier, un navire est parti pour un très important voyage de recherche. À mi-parcours, il est tombé en panne et a dû être remorqué jusqu'à St. John's. Il est reparti quatre ou cinq jours plus tard et a connu le même sort. Pendant cette période, la Garde côtière a imputé les frais au budget scientifique de White Hills.

  (1700)  

    Pour le remorquage.
    Oui.
    Voici ce qui se passe. Vous avez ces professionnels de tout premier niveau, dévoués pour la cause. Je peux vous assurer que les chercheurs canadiens, ceux qui j'ai connus pendant toutes ces années, sont des personnes dévouées, dévouées à leur travail. Leurs contributions à la gestion avancée des pêches sont tout aussi importantes que l'est le coeur pour le corps humain.
    Je vais vous dire, leur expérience il y a trois semaines à Bergen aurait mis n'importe qui sans dessus dessous: lorsque vous avez un groupe de chercheurs qui travaillent aussi fort que le font ces personnes, avec des installations et une infrastructure et tout le reste qui sont très limitées, avec à peine assez de techniciens pour compter les otolithes, et c'est un fait, et que ces personnes se présentent et font cette contribution au Conseil scientifique de l'OPANO et que celui-ci se retrouve à Bergen, pour qu'ensuite un sous-fifre, un lobbyiste — cela me fait presque mal de le dire —, soit autorisé à venir présenter à l'OPANO un rapport d'un consultant indépendant, situé à des milles du Canada, le présente au groupe de l'OPANO à Bergen, pour qu'ensuite celui-ci rejette les recommandations du Conseil scientifique et instaure un quota pour la morue du Bonnet Flamand, dont je peux vous garantir qu'il sera utilisé tout comme le quota du turbot est utilisé à l'extérieur de la zone des 200 milles, pour permettre à des navires étrangers de Vigo, d'Aveiro et d'autres ports européens de traverser l'océan, de pêcher pendant un jour sur le Bonnet Flamand pour ensuite aller aux Grands Bancs... Lorsque les équipes d'abordage canadiennes montent à bord, elles verront que le tout a été mélangé et qu'il est impossible de distinguer entre ce qui a été pris sur le Cap Flamand et ce qui a été pris sur les Grands Bancs.
    Mesdames et messieurs, je vous le dis, il s'agit là d'une pratique courante. C'est pourquoi ce genre d'incursion par l'OPANO...
    Et, écoutez, la lointaine possibilité que ces pêcheurs puissent jamais pénétrer à nouveau dans notre zone, comme ils l'ont fait par le passé, doit être éliminée. Il vous faut rejeter cela. Il vous faut l'éliminer, car si vous ne le faites pas, vous allez voir la fin de la pêcherie de la côte Est du Canada.
    Merci, Gus, et merci, Jim, de comparaître devant nous.
    L'une des raisons pour lesquelles vous avez été invités ici est de nous livrer vos témoignages et de donner la réplique à certains de vos collègues.
    Vous représentez l'industrie des pêches. Gus, je pense que, en toute justice, vous vous appelleriez vous-même l'un des gros tueurs de poissons de l'époque. Vous réussissiez très bien en tant que pêcheur.
    Nous avons entendu les témoignages de représentants de l'actuelle industrie canadienne de la pêche hauturière nous dire qu'ils appuient tout à fait ceci. Ils appuient ces modifications remaniées, et ils ont semblé le faire sur la base de questions de préservation des parts canadiennes, des quotas canadiens. Je sais, du fait d'échanges personnels et de vous avoir entendu prononcer des discours ailleurs, que vous parlez non seulement des parts canadiennes mais également de conservation. La structure de vote aux deux tiers a été applaudie par certains du fait que cela assure une protection canadienne accrue en ce qui concerne la structure des parts.
    Pourriez-vous livrer au comité vos propres impressions, vous qui étiez à votre époque l'un des grands tueurs de poissons, de ce que cela aurait ou pourrait avoir comme conséquence pour la conservation?
    Eh bien, on m'a bien sûr, au fil des ans, beaucoup renvoyé ma réputation d'être un gros tueur de poissons. Mais je peux vous assurer que lorsque vous êtes Canadien, que vous accostez dans un port canadien, vous êtes assujetti à la présence de trois à quatre agents des pêches du Canada dès que vous débarquez. Et le capitaine à bord et son équipage se font sérieusement interroger s'il y a quoi que ce soit... S'ils brandissent par exemple un dispositif de mesure de trois mailles et constatent quelque infraction, vous paierez pour. Quelqu'un paiera.

  (1705)  

    Permettez que je tire au clair ma question. Ce que je relève est qu'en plus du fait que vous ayez toujours un ferme respect pour l'industrie canadienne, les parts canadiennes, vous avez également lutté pour la conservation. Vous avez été commissaire à la CIPANO. Vous avez été commissaire à l'OPANO. Vous étiez l'un des points plus brillants du fait d'avoir véritablement dit que si nous ne bougions pas dans ce dossier, nous allions nous retrouver en difficulté. L'industrie canadienne d'aujourd'hui a comparu devant le comité et a dit, écoutez, la principale préoccupation pour nous est tout simplement de pouvoir tuer ce poisson et maintenir les parts canadiennes. Ces intervenants ne sont pas vraiment venus ici pour parler de ce qui se passe lorsqu'il nous faut agir dans l'intérêt de la conservation à l'OPANO, lorsqu'il importe en vérité de réduire les quotas de l'OPANO.
    La majorité des deux tiers semblerait présenter un problème à cet égard. Gus, est-il en vérité plus facile d'agir en matière de conservation avec une simple majorité, ou bien est-il plus facile d'agir en matière de conservation avec la majorité des deux tiers requise avant que l'OPANO ne puisse prendre une décision? Entre Gus et Jim, vous voudrez peut-être répondre.
    La réponse est que la préservation de la part des quotas par le biais du mécanisme des deux tiers est un merveilleux concept si vous êtes une compagnie de pêche. Ma réponse, du point de vue de la conservation, est que 70 p. 100 de zéro, c'est zéro. Je dirais que si l'industrie souhaite sincèrement protéger ses parts et poursuivre la conservation en tant qu'objectif, alors il n'y a rien de mal à dire qu'une majorité des deux tiers pour les questions d'allocation de parts seraient une bonne chose. Mais nous devrions avoir 50 p. 100 pour tout le reste, sans quoi nous n'aurons rien. Vous ne parviendrez jamais à réduire les quotas avec cette exigence d'une majorité des deux tiers. Si l'industrie est intéressée par cet aspect de protection des parts, alors pourquoi ne pas simplement avoir les deux tiers pour les quotas et 50 p. 100 pour tout le reste?
    Gus.
    Vous savez, les gens de notre industrie, de l'industrie canadienne, qui appuient cette majorité des deux tiers, se sont des gens qui sont très myopes. Il n'y a absolument aucun doute en la matière. Il s'agit d'une politique myope et ces gens nous en ont donné la preuve au cours des deux ou trois dernières semaines. Et certains d'entre eux en tout cas en donnent la preuve depuis quelque temps déjà.
    Il ne nous reste plus beaucoup de temps, mais, Gus, vous vous souviendrez que l'Union européenne a en fait été un participant plutôt amical à l'OPANO à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Mais les choses ont très vite mal tourné au milieu des années 1980. Lorsque l'Espagne et le Portugal sont entrés dans l'Union européenne, alors tout d'un coup cet esprit amical et coopératif a pour ainsi dire disparu. L'Espagne et le Portugal, lorsqu'ils sont entrés dans l'UE, devaient s'y faire accorder des droits de pêche. L'UE les a bloqués; elle leur a servi une interdiction de pêcher pendant 10 ans dans les eaux européennes. Où sont allés les Portugais et les Espagnols entre 1985 et 1995, alors qu'ils étaient interdits de pêche en Europe?
    Je peux vous dire qu'ils ont fait un sérieux boulot sur les Grands Bancs pendant cette période. Entre 1978 et 1986, par exemple, ils ont eu un quota total de 163 000 tonnes. Leurs prises véritables ont été de 1 350 000 tonnes. Les Espagnols et les Portugais ont bien sûr véritablement et réellement été notre plus gros problème dans les pêches. Il n'y a aucun doute là-dessus.
    Il vous faut comprendre que si vous êtes un propriétaire à Vigo et que vous avez aujourd'hui un navire-usine réfrigéré de 20 à 25 millions de dollars, et que ce navire s'élance...
    En passant, il me faut vous dire que nous cherchons à confirmer ce renseignement par le biais de l'accès à l'information depuis trois ou quatre ans et que nous nous sommes fait à chaque fois rabrouer. Dans la dernière correspondance que nous avons reçue, on nous dit que si on nous divulguait ces renseignements sur la surpêche, sur les infractions sur les contraventions et ainsi de suite visant les flottes espagnole et portugaise, cela nuirait aux relations internationales entre pays.
    Mais le fait est que lorsque ce navire quitte Vigo pour se rendre aux Grands Bancs, il y a trois objectifs. L'un est que, vu que le propriétaire a ce navire qui lui a coûté 20 à 25 millions de dollars, il lui faut l'amortir. Il y a à son bord 60 à 65 membres d'équipage. Le navire doit réaliser un profit. Il n'y a rien qui va empêcher ces pêcheurs et ce capitaine de faire ce qu'ils veulent.
    Et, soit dit en passant, il y a un contact quotidien — plus que quotidien, en fait — entre propriétaires et capitaines pour continuer de faire exactement ce qu'ils font depuis des années.
    Je peux vous assurer, mesdames et messieurs, que ces deux pays en particulier, et d'autres également — les Russes, on le sait, sont très doués en la matière également — surexploitent avec impunité. C'est un simple fait. Nous avons établi des contacts à l'intérieur du régime du MPO, au niveau scientifique, au niveau de l'abordage, au niveau de la surveillance, et, je vous le dis, les renseignements que nous vous livrons ici sont la pure vérité.

  (1710)  

    Monsieur Etchegary, cela m'ennuie énormément de vous couper la parole, mais nous sommes ici confrontés à des contraintes temporelles plutôt strictes.
    Si vous permettez que je donne une petite réponse rapide à Gerry, pendant deux secondes...
    Deux secondes seulement.
    Gerry, la réponse est qu'ils continueront de faire ce qu'ils font depuis toujours, c'est-à-dire exporter leurs problèmes pour que le dos des citoyens canadiens en porte le fardeau, purement et simplement.
    Merci beaucoup, monsieur Winter.
    Monsieur Blais.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour messieurs.
    J'aimerais tout d'abord vous remercier de votre belle franchise et, en même temps, de vos propos engagés, qui semblent venir de cet engagement au fil des dernières années.
    Je m'adresserai davantage à M. Jim Winter, pour différentes raisons. On a déjà eu l'occasion de se rencontrer au sujet du dossier de la chasse aux phoques.
     Je comprends très bien votre engagement dans ce dossier. On a déjà eu l'occasion d'en parler un peu. Cependant, j'aimerais mieux comprendre. Comment se fait-il que le dossier de l'OPANO puisse autant vous passionner ou vous intéresser?
    Malheureusement, dans les Maritimes, mis à part vos déclarations, celles de Danny Williams, du ministre des Pêches et des Océans, de M. Applebaum et d'autres, il n'y a pas cette passion. On ne la retrouve pas ailleurs, comme en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou même au Québec.
    J'aimerais mieux comprendre. Comment se fait-il que vous vous intéressiez beaucoup à ce dossier et que vous défendiez avec vigueur le fait qu'il ne faut absolument pas entériner ce qui a été négocié jusqu'à maintenant.
    C'est parce que je suis un gars qui a été élevé dans un village où j'ai vu la survie de mes copains dépendre du mode de vie qui était disponible, celui qui repose sur la pêche. Lorsque j'étais jeune, nous nous sommes annexés au Canada. C'est alors que toutes sortes de nouvelles possibilités et de nouveaux débouchés nous ont été présentés. Il s'agissait de possibilités liées à l'éducation, au travail à l'extérieur plutôt que sur l'île.
    Cependant, notre culture et nos villages sont encore et toujours au fond de nos coeurs, même si beaucoup d'entre nous se sont instruits et ont quitté ces villages. C'est la raison d'être de Terre-Neuve. Cela a toujours été comme cela, et cela va continuer comme cela. On n'est pas les seuls. La même chose s'applique à la Côte-Nord, des Maggies jusqu'à Blanc-Sablon, à la côte du Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle-Écosse.
    C'est difficile pour nous de comprendre ces Canadiens d'ailleurs. Lorsqu'on parle à ces Canadiens qui n'ont jamais vu de villages, on s'aperçoit qu'ils ne comprennent absolument rien au domaine de la pêche. Ils ne comprennent pas lorsqu'on leur parle du travail lié à la pêche à la morue et lorsqu'on leur dit que dans le domaine de la crevette, il n'y a pas de travail, seulement de l'argent. Ils se posent des questions et disent qu'il y a de l'argent à faire dans ces deux domaines de pêche. Oui, mais il y a du travail dans un domaine. On peut rester dans nos villages grâce à ce travail.
    Voilà pourquoi je suis passionné. Voilà pourquoi je rejette ce qu'il y a dans les amendements dont est maintenant saisi le Parlement, qui ouvrent un peu la porte aux étrangers. Mon expérience m'indique que si vous donnez un pouce aux Européens, ils en prendront mille. Voilà pourquoi, monsieur, j'ai de telles opinions.

  (1715)  

    En passant, je veux faire un petit commentaire: j'ai l'impression que si vous étiez au Québec, vous seriez souverainiste assez facilement.
    Des voix: Ah, ah, ah!
    M. Raynald Blais: On aurait un membre de plus.
    Monsieur Etchegary.

[Traduction]

    J'aimerais être précis. Vous avez demandé pourquoi il n'y a pas de passion ou de sentiments profonds dans certaines des autres provinces. Comme je l'ai dit au début, la pièce maîtresse de tout cela est la pêche des poissons de fond. Si vous regardez la valeur des exportations de la Nouvelle-Écosse avant et après l'effondrement de la pêche sur les Grands Bancs, par exemple, ou des pêcheries de poissons de fond, vous verrez qu'il y a très peu de différence, principalement du fait qu'il s'agit d'une pêche différente. La concentration des pêcheries en Nouvelle-Écosse, par exemple, est du côté des crustacés de très grande valeur, de la pêche aux coquillages, et cela est très différent. Dans notre cas, nous avons perdu, comme je l'ai dit plus tôt, 80 000 personnes; 15 p. 100 de notre population sont partis du fait de cet effondrement, et c'est ce qui explique le degré de passion.
    L'autre chose est la suivante: bien qu'il n'y ait pas cette passion, mettons, au Nouveau-Brunswick ou à l'Île-du-Prince-Édouard, et je ne sais pas ce qu'il en est de la Gaspésie à l'heure actuelle, il fut un temps, lorsque nous étions là-bas, où la passion y était très vive, et le fait est... La question est celle de la perte de cette énorme pêcherie et du déplacement de toutes ces personnes, mais en plus de cela, il y a un moratoire de 19 ans. Rappelez-vous. Je vous demande simplement d'en comprendre l'importance. Cela fait 19 ans et rien n'a été fait, et c'est en grande partie parce qu'il n'y a pas de plan, il n'y a jamais eu de plan, à Ottawa, pour rebâtir les pêcheries. Je peux vous assurer que notre groupe et d'autres ont passé du temps, je ne saurais vous dire combien, à essayer de convaincre le gouvernement du Canada de ce réengager et de se reconsacrer au rétablissement de la ressource. Au lieu de cela, que constatons-nous? Je peux vous dire qu'il y a 19 ans, lors de l'annonce du moratoire, la gestion de conservation était très importante pour nous. Plus ou moins à la même époque, le Canada assumait ou s'est vu accorder la compétence à l'égard du plateau continental et des espèces sédentaires. Il y avait eu des discussions quant à la question de savoir si la plie était ou non une espèce de fond pouvant être incluse aux côtés des palourdes et des autres coquillages.
    Dix-neuf années, c'est tout un pan. Pourtant, il y a du potentiel dans les lieux de pêche des Grands Bancs, de la Plate-forme Scotian, du golfe Saint-Laurent et d'autres endroits encore, au Labrador. À moins qu'il y ait un plan de rétablissement d'envergure, des efforts de pêche accrus seront menés dans des zones isolées, ce qui nuira aux perspectives de rétablissement.

  (1720)  

    Monsieur Etchegary, cela m'ennuie énormément d'avoir à vous interrompre à nouveau. Nous approchons de la fin de la plage prévue et la sonnerie va bientôt retentir.
    Monsieur Stoffer.
    Très rapidement, monsieur, après quoi je céderai le reste du temps qui m'est alloué à M. Harris, de Terre-Neuve-et-Labrador.
    Jim, vous avez parlé de cela plus tôt — et merci à tous les deux, en passant, d'être venus aujourd'hui. M. Weston a parlé de cette question tout à l'heure avec M. Wiseman. Nous ne parlons pas d'inviter un autre pays à venir dans nos eaux; nous parlons d'inviter une autorité de gestion étrangère, en l'occurrence l'OPANO, à venir assumer la gestion de conservation à l'intérieur de nos eaux, ce qui créerait pour le Canada l'obligation légale de suivre les règles étrangères à l'intérieur de la limite des 200 milles. Est-ce bien cela?
    C'est tout à fait exact, et il y a une différence énorme entre les deux choses.
    Merci, monsieur.
    Jack.
    Merci, Peter, et je vous remercie tous les deux d'être venus aujourd'hui.
    Je tiens à vous féliciter tous deux pour votre action revendicatrice soutenue. Je la qualifierais d'action revendicatrice extrêmement éclairée et de passion bien placée. Je sais que M. Blais a reconnu cela, mais je devine que cela l'a aidé à comprendre.
    Depuis l'époque où j'étais petit garçon, dans les années 1950, la surpêche étrangère est une menace pour nos pêcheries. Lorsqu'il y avait une limite territoriale de trois milles, les navires se trouvaient à l'intérieur de la zone de trois milles. Lorsqu'elle a été portée à 12 milles, les navires étrangers étaient à l'intérieur de la limite des 12 milles. Et lorsqu'elle est passée à 200 milles, les navires sont entrés impunément à l'intérieur de la zone de 200 milles. C'est donc une question de survie pour la population de Terre-Neuve-et-Labrador. En dépit du moratoire de 20 ans, les gens y voient toujours une partie de notre obligation d'essayer de rétablir la pêcherie.
    Monsieur Etchegary, je me souviens de notre comparution tous les deux en tant que témoins devant le comité des pêches à St. John's, à l'Hôtel Delta, il y a de cela quelques années, lorsque la question était celle de la gestion de conservation. Vous et moi et de nombreuses autres personnes avions témoigné devant le comité. Le résultat de l'étude du comité a été un rapport unanime demandant au gouvernement du Canada de poursuivre la gestion de conservation. M. Loyola Hearn était à l'époque le député de St. John's-Ouest, et il est plus tard devenu ministre des Pêches. Nous nous nourrissions tous l'espoir et l'attente que le nouveau gouvernement chercherait à mettre à exécution sa promesse de gestion de conservation.
    J'aimerais connaître votre réaction à la suggestion, qui semble avoir été adoptée par le gouvernement, que ces nouvelles modifications assureront une gestion de conservation. Avez-vous entendu cet argument, et comment y réagissez-vous?
    Il a été utilisé, mais c'est de la pure foutaise.
    Avant l'élection de l'ancien ministre des Pêches, il a maintes fois eu des breffages. D'ailleurs, celui qui allait plus tard devenir le ministre est venu à notre association 10 ou 15 fois et s'est fait livrer toute l'information concernant notre définition de ce qu'est la gestion de conservation, remontant jusqu'en 1992. Il s'était engagé favorablement à l'égard du concept de gestion de conservation tel que nous l'avions défini. Il a ensuite été élu. Mais je suis absolument convaincu que cela a été mis de l'avant en tant que concept pour une gestion améliorée de la pêche canadienne des poissons de fond.
    La première tentative pour mettre cela de l'avant a été faite à la réunion de l'OPANO en Espagne. Il y avait eu des objections, ce à quoi nous nous étions attendus. Nous ne nous attendons pas à ce que ces pays l'acceptent tout bonnement. C'est un processus qui va demander du temps, tout comme l'évolution du droit maritime. Ce qui s'est passé c'est que, armés d'engagements, et le premier ministre et le futur ministre des Pêches se sont engagés à étendre la compétence et à assurer une conservation de gestion. Ils se sont retrouvés dans une position dans laquelle l'OPANO devenait plus agressive, prenant des mesures agressives par le biais de la nouvelle Convention de l'OPANO.
    Le résultat en est que, d'une façon ou d'une autre, il leur a fallu trouver le moyen de définir quelque chose qui pourrait être décrit comme étant de la gestion de conservation. L'un des commissaires présents à la réunion en Espagne il y a deux semaines a dit que l'ancien ministre des Pêches avait brouillé la question et induit le public en erreur en laissant entendre qu'il y avait gestion de conservation.

  (1725)  

    Merci, monsieur Etchegary.
    L'actuelle ministre, bien sûr, a dit la même chose. Encore une fois, ce que je veux dire par là est que les choses ont été...
    Merci, monsieur Etchegary. Il nous faut poursuivre.
    Monsieur Kamp, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, d'être venus.
    Monsieur Etchegary, nous avons eu l'occasion de nous rencontrer à Terre-Neuve, il y a de cela quelques années. J'imagine que cette rencontre a été plus mémorable pour moi que pour vous. Nous nous sommes donc déjà vus.
    Je pense que je comprends votre position à l'égard de ces modifications à la Convention de l'OPANO. Je ne vais pas discuter beaucoup de cela. Je pense comprendre votre position, mais nous ne sommes pas d'accord avec vous sur tout ce que vous dites.
    Permettez-moi de commencer par citer des propos tenus par notre ministre des Pêches en 1978. Il semble que le point de vue que vous nous exposez est que toutes nos difficultés sont attribuables à la surpêche par des pays étrangers. Je conviens, certes, que cela constitue une grosse partie du problème, ne me comprenez pas mal, mais, en 1978, l'un de nos ministres des Pêches les mieux respectés, Roméo LeBlanc, a fait la déclaration que voici, et que je trouve très éloquente, devant le Conseil canadien des pêches:
L'actuelle flotte de pêche de poissons de fond composée de plus gros navires a la capacité de prendre moitié plus encore que ses prises actuelles et d'offrir de meilleurs revenus — si nous augmentons le poisson... et les taux de capture. Si nous faisons les choses dans le sens inverse — en augmentant d'abord la flotte —, alors nous sommes comme le propriétaire d'un boisé épuisé, qui, au lieu de planter davantage d'arbres... dépense tout son argent pour s'acheter davantage de tronçonneuses.
    Il a poursuivi en disant, s'adressant à l'industrie des pêches de Terre-Neuve à l'époque:
J'aimerais vous voir vous joindre à moi pour résister aux suggestions voulant que les flottes soient de beaucoup augmentées, que les usines soient de beaucoup agrandies — en d'autres termes, résister à la tentation d'attentes exagérées. Je ne vois aucun chemin qui mène plus vite à la catastrophe que d'oublier la très simple leçon que la biologie ne peut pas suivre le rythme de la technologie — que la richesse des océans n'est pas encore en mesure d'égaler la cupidité de l'homme.
    C'étaient là, je pense, des déclarations plutôt poignantes. N'y a-t-il pas un peu de vérité dans le fait que l'industrie du jour ait bel et bien ignoré le plaidoyer du ministre des Pêches et ait grossi sa flotte? Au lieu de rationaliser la flotte, elle a grossi sa capacité.
    Monsieur Etchegary, à l'époque où vous participiez au CCP, j'imagine que votre entreprise s'est élargie au même rythme que les autres et qu'il y a donc eu une certaine participation des Canadiens également dans l'effondrement de la pêche de la morue. Pourrions-nous, s'il vous plaît, entendre simplement vos commentaires là-dessus?
    Lorsqu'il y a eu extension de la compétence en 1978 et que les pêcheurs étrangers ont été délogés, la flotte canadienne représentait environ le vingtième de la taille de la flotte qui avait été écartée de la morue du Nord, par exemple. À l'époque, avec les lourds investissements consentis d'un bout à l'autre par de nombreuses personnes dans l'Est du Canada, notre espoir était certainement qu'il y ait une augmentation de la ressource par suite de l'extension de la compétence canadienne.
    Nous ne voulions pas pêcher la morue du Nord après le départ des étrangers, pour la simple raison que nous songions au futur et aux investissements qui avaient été faits. Nous ne pouvions pas maintenir notre viabilité avec les taux de capture tels qu'ils étaient, et c'est pourquoi nous cherchions une augmentation. Mais le même ministre, celui que vous avez mentionné, monsieur Kamp, a consenti une subvention de 23 800 $ pour la flotte canadienne existante pour qu'elle aille pêcher la morue du Nord. Je peux vous assurer que moi et deux autres qui étions très engagés dans la pêcherie étions allés le voir et avions passé quatre heures avec lui à essayer de le dissuader d'offrir cette subvention de 23 800 $ à un chalutier de la Nouvelle-Écosse pour que celui-ci se rende sur les bancs de Hamilton Inlet.
    C'était le début. Les étrangers avaient déjà fait du sérieux boulot, mais cet effort n'a certainement pas aidé; je suis d'accord avec vous là-dessus. Mais je peux vous assurer que c'est ainsi que les choses se sont déroulées.
    Permettez que je vous lise, monsieur Kamp, étant donné que c'est vous qui en avez parlé, l'extrait que voici de la politique pour les pêcheries commerciales du Canada, de 1976. Nous parlons du même ministre. Voici le gros morceau. La copie que j'ai est jaunie car je l'ai depuis 20 ans. Je vous en lis un extrait:
Les stratégies adoptées [pour les politiques en matière de pêches] reflètent une réorientation fondamentale de la politique gouvernementale à l'égard de la gestion et du développement des pêches. Bien que la pêche commerciale soit depuis longtemps une activité hautement réglementée au Canada, l'objet de la réglementation a été, à quelques rares exceptions près, la protection de la ressource renouvelable. En d'autres termes, la pêche a été réglementée dans l'intérêt du poisson. À l'avenir, il lui faudra être réglementée dans l'intérêt des personnes qui dépendent de la pêcherie.
    Cela, monsieur, a été un tournant, je vous assure, dans la politique du gouvernement fédéral. Comment ce tournant a été amené et pourquoi, je ne le saurai jamais. Mais je peux vous assurer qu'à partir de cette date-là, il est possible de mesurer le changement dans la gestion des pêches par le gouvernement canadien.

  (1730)  

    Le site Web de la Fisheries Community Alliance dit que votre objectif est le suivant:
Pour rétablir les stocks de poissons, le Canada doit se retirer de l'OPANO, étendre sa compétence jusqu'à la pente du plateau continental et instaurer des programmes de rétablissement fondés sur la science dans l'intérêt des participants légitimes futurs.
    J'aimerais savoir sur quelles connaissances juridiques vous vous appuyez pour dire comment cela fonctionnerait. Ont comparu devant nous des experts en droit international qui nous ont dit que ce genre d'approche n'est pas possible en vertu du droit international actuel et que cela ne pourra pas fonctionner. Cela m'intrigue de savoir pourquoi vous y voyez la solution.
    Je ne peux que vous dire que l'engagement de la part du gouvernement du Canada a été pris par le ministre des Pêches du Canada en octobre 1971, un certain Jack Davis. J'ai d'ailleurs copie du télex qu'il m'a envoyé, si cela vous intéresse de le voir, et dans lequel il prend l'engagement que le gouvernement du Canada étendrait la compétence nationale jusqu'à la pente du plateau continental. Le gouvernement a, bien sûr, manqué à sa promesse, et le même... En tout cas, je n'irai pas plus loin.

  (1735)  

    Merci beaucoup, monsieur Etchegary et monsieur Winter. Je vous suis très reconnaissant d'avoir pris le temps de venir comparaître devant le comité aujourd'hui. Nous nous excusons. La sonnerie nous convoque pour un vote imminent.
    Merci encore beaucoup.
    La séance est levée.
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