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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 mai 2009

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    C'est la cinquième réunion du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan tenue conformément à l'ordre de renvoi du mardi 10 février 2009, relatif à l'étude de la mission canadienne en Afghanistan.
    Nous recevrons aujourd'hui deux groupes de témoins et nous nous réserverons quelques minutes à la fin de la réunion pour discuter des travaux du comité. Des témoins vont nous parler de la nouvelle Loi sur le statut personnel chiite en Afghanistan. Pendant la première heure de cette séance, nous entendrons M. Brodeur — qui a déjà comparu devant nous et que nous connaissons bien — et M. Stephen Wallace. M. Wallace est le vice-président du Groupe de travail sur l'Afghanistan, et je crois que Mme Gallit Dobner est ici pour le seconder.
    Je crois que vous connaissez tous les deux notre façon de procéder. Vous pourrez faire une déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions des députés. Nous sommes impatients d'entamer les débats sur ce sujet. À la fin de cette partie de la séance, nous ferons une brève pause avant d'accueillir l'autre groupe de témoins.
    Je ne sais pas lequel de vous deux va commencer, mais vous avez la parole.
    Merci.

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie encore une fois de nous donner l'occasion de venir vous expliquer ce nous faisons en Afghanistan.

[Traduction]

    J'ai une brève déclaration que je vais probablement lire un peu vite parce qu'elle est un peu trop longue. Il est cependant très important de comprendre ce que nous faisons là-bas.
    Le gouvernement du Canada a appris, avec une vive préoccupation, que le président de l'Afghanistan, M. Hamid Karzai, avait signé la Loi sur le statut personnel chiite, en violation des obligations de ce pays au regard des droits de la personne. Nous avons réagi immédiatement: le Canada a été l'un des membres de la communauté internationale qui a condamné le plus énergiquement cette mesure. Le 4 avril, le président Karzai a annoncé le lancement d'un processus d'examen, avant que la loi ne puisse être promulguée.
    Aujourd'hui, Stephen Wallace et moi-même présenterons à votre intention un aperçu de ce texte de loi, de la réponse du Canada et de l'engagement du gouvernement afghan à réviser celui-ci. Il sera aussi question de l'orientation plus générale du Canada à l'appui de la promotion et de la protection des droits humains par les Afghans, tout particulièrement les droits des femmes.
    En Afghanistan, la minorité chiite représente environ 10 p. 100 de la population. En vertu de l'article 131 de la Constitution afghane de 2004, les Chiites ont le droit de régler leurs différends familiaux conformément à la jurisprudence chiite. Pour de nombreux Chiites, la Loi sur le statut personnel constitue un témoignage important de leur place dans la société afghane, après des siècles d'oppression.
    Des membres de la société civile et du gouvernement afghan ont commencé à rédiger ce document en 2005. Celui-ci a été présenté à la Chambre basse de l'Assemblée nationale afghane en novembre 2008. nous n'étions pas au courant du contenu de la loi. S'agissant de l'examen et de la signature ultérieure de la loi, il semble que le gouvernement afghan n'ait pas suivi la procédure prescrite.
    Premièrement, conformément aux formalités législatives habituelles, la Chambre basse et la Chambre haute doivent toutes les deux examiner, un par un, tous les articles d'un projet de loi. Toutefois, dans ce cas précis, les députés afghans ont simplement voté afin de « confirmer » leur adhésion à l'ensemble du texte, de façon à confier à la Cour suprême d'Afghanistan la tâche de déterminer la légalité de chaque article.
    Deuxièmement, la Cour suprême n'a, dans les faits, jamais pris connaissance de l'avant-projet de loi. À la place, celui-ci a été communiqué directement au ministère de la Justice, pour qu'il le transmette au Président.
    Troisièmement, selon certaines informations, le président Karzai n'aurait pas examiné l'ensemble de ce texte de loi de près de 300 pages avant de le signer. De plus, ses aides ne l'ont pas informé pleinement de son contenu.
    Or, le texte signé par le président Karzai renferme des dispositions sur le mariage, le divorce, l'héritage, la liberté de mouvement et la faillite. Les plus préoccupantes d'entre elles portent cependant sur la garde des enfants, le mariage de personnes d'âge mineur, les relations sexuelles à l'intérieur du mariage, des restrictions aux droits des femmes de travailler, de poursuivre des études ou de recevoir des soins de santé, ou encore de quitter le domicile, outre les dispositions relatives à l'héritage.
    Cette loi n'a pas fait l'objet d'un débat politique national en Afghanistan. De plus, selon nos informations, les médias afghans n'en ont pas parlé pendant le processus législatif. Droits et Démocratie y faisaient référence dans un rapport courant et de nature générale présenté à l'ACDI en octobre 2008, sans mentionner de dispositions spécifiques de la loi.
    L'Ambassade du Canada à Kaboul savait qu'un processus d'examen avait commencé, mais elle ne détenait aucune information précise sur ses dispositions ni sur la date de son examen par l'Assemblée nationale. Elle a appris par un partenaire international que le président avait signé la loi le mardi 24 mars 2009. Le Canada a donc appris la signature de ce document en même temps que le reste de la communauté internationale, la plupart des représentants de la société civile afghane, et même certains députés afghans ayant participé au processus d'approbation.
    Des représentants canadiens à l'ambassade ont réagi sur-le-champ: ils ont informé Ottawa le 25 mars et, étant donné le peu de détails sur le contenu du texte, ils se sont attachés à obtenir plus d'information à ce sujet. Une fois qu'il a été possible de confirmer que la loi en question était contraire aux engagements internationaux de l'Afghanistan au regard des droits humains, le Canada a entamé des efforts énergiques pour faire connaître son désaccord.

  (1115)  

[Français]

    Le 31 mars 2009, lors d'une conférence internationale sur l'Afghanistan à La Haye, le ministre Cannon a immédiatement évoqué cette question avec le ministre afghan des Affaires étrangères, M. Spanta, et le ministre afghan de l'Intérieur, M. Athahar. Il leur a alors fait connaître les graves préoccupations du Canada concernant le contenu de la loi.
    Lors de la réunion du G20, le premier ministre a pour sa part exprimé publiquement les vives préoccupations du Canada à ce sujet en soulignant que: « Nous ne saurions trop insister sur nos préoccupations concernant le respect des droits des femmes en Afghanistan. »
    Les fonctionnaires canadiens ont également effectué des démarches à Kaboul, auprès du Cabinet du président Karzaï, et à Ottawa, auprès de l'ambassadeur de l'Afghanistan au Canada, M. Omar Samad. Nous avons réaffirmé les vives préoccupations suscitées par la décision afghane d'adopter la loi. En effet, dans ce dossier, le Canada est considéré comme un chef de file parmi les partenaires internationaux.

[Traduction]

    Le 4 avril 2009, le président Karzai s'est engagé à ce que la loi fasse l'objet d'un examen, pour garantir sa conformité avec la Constitution afghane et le droit international. Lorsque le ministre Cannon a évoqué une nouvelle fois la loi avec son homologue afghan, le ministre Spanta, lors d'un entretien téléphonique qui s'est tenu le 5 avril 2009, ce dernier a donné l'assurance au Canada que les efforts visant à la promulguer avaient été suspendus.
    Dans une déclaration en date du 6 avril, le ministère afghan de la Justice a confirmé que la loi ne serait pas publiée dans la gazette officielle aussi longtemps que l'examen ne serait pas terminé. Le ministère afghan de la Justice a depuis mis sur pied un comité formé d'experts juridiques, d'universitaires et de représentants du gouvernement et d'organisations de la société civile, avec pour mandat de proposer des changements à la loi. Nous croyons comprendre que ce comité formulera une série de recommandations au ministère de la Justice, qui remaniera par la suite le texte. Ce dernier sera ensuite soumis à l'approbation du Parlement afghan.
    Le gouvernement afghan estime qu'il faudra entre deux et trois mois pour revoir la loi. Par conséquent, nous n'attendons pas de réponse des Afghans avant juillet, dans le meilleur des cas.
    Le président Karzai et l'ambassadeur Samad ont tous les deux admis publiquement que l'adoption de la loi constituait une erreur. L'ambassadeur Samad a en outre fait observer que l'Afghanistan était une jeune démocratie, encore immature, qui évoluait dans un contexte culturel très différent. « Nous trébucherons parfois, a-t-il déclaré. Nous ferons certes des erreurs, mais cela nous permettra aussi de réaliser des progrès ».
    Le 27 avril 2009, le président Karzai a annoncé que la révision de la loi se poursuivait et que des changements y seraient apportés.

[Français]

    Le Canada continuera en outre à exhorter le gouvernement afghan, et cela aux plus hauts échelons, à respecter ses obligations internationales, y compris l'égalité des femmes devant la loi. Dans cette optique, l'ambassadeur du Canada en Afghanistan, M. Ron Hoffmann, a rencontré dernièrement — le 16 avril — le président Karzaï et, le 19 avril, le président de la Chambre basse de l'Afghanistan, pour faire connaître les préoccupations canadiennes. Il a en outre demandé au gouvernement afghan de veiller à ce que l'examen soit exhaustif et qu'il respecte les lois afghanes et le droit international. Dans les jours qui ont précédé, les représentants canadiens ont rencontré le deuxième vice-président, le ministre de la Justice, le Juge en chef de la Cour suprême, le procureur général et d'autres hauts responsables afghans, y compris des personnalités politiques.
    Le Canada continuera d'appuyer la révision de la loi selon qu'il conviendra avec la collaboration de la société civile et des responsables afghans, de concert avec la communauté internationale. De plus, au début de mars, notre pays a détaché une spécialiste des aspects juridiques de l'égalité entre les sexes auprès du ministère afghan de la Justice. De manière plus générale, elle s'emploie à renforcer les capacités du service chargé de la rédaction des lois.

[Traduction]

    J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, qui pourra vous donner plus d'information sur le soutien du Canada à la promotion et à la protection des droits humains en Afghanistan et, tout particulièrement, sur les efforts canadiens visant à promouvoir le respect des droits des femmes.
    Merci.

[Français]

monsieur le président, de cette occasion que vous me donnez ce matin de m'adresser à vous.

[Traduction]

    Monsieur le président, c'est avec plaisir que je compléterai l'information fournie par mon collègue du ministère des Affaires étrangères au sujet de l'appui du Canada à la promotion et à la protection des droits de la personne en Afghanistan, plus particulièrement aux droits des femmes et des filles.
    Le Canada appuie depuis longtemps les institutions qui veillent à promouvoir et à protéger les droits de la personne en Afghanistan. Entre autres projets majeurs, mentionnons notre appui à la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan. Nous versons actuellement sept millions de dollars à la Commission pour qu'elle puisse mettre en œuvre son plan d'action triennal, ce qui fait du Canada le premier donateur en importance de cette institution afghane clé.
    Conformément à la constitution afghane, la Commission a pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de la personne en enquêtant sur les plaintes concernant les violations alléguées des droits de la personne. Dans le contexte de la discussion d'aujourd'hui, la Commission joue un rôle clé dans la réaction afghane à la Loi sur le statut personnel chiite.
    Outre son soutien direct à la Commission indépendante des droits de la personne, le Canada appuie plusieurs projets qui permettent d'améliorer l'accès des Afghans à la justice. Nous avons récemment annoncé une aide à l'Unité d'appui aux droits de la personne du ministère de la Justice, laquelle aide les organismes du gouvernement de l'Afghanistan à intégrer et à internaliser les droits fondamentaux dans leurs politiques, leurs lois et leurs secteurs de responsabilité respectifs.
    Dans la pratique, nous appuyons un projet de l'Association internationale des avocats de la défense et de la Fondation juridique internationale qui vise à améliorer l'équité du système de justice pénale afghan en fournissant des services d'aide juridique aux Afghans démunis.

  (1120)  

[Français]

    Dans le cadre de ses priorités plus générales en matière des droits de la personne, le Canada a accordé une attention particulière aux droits fondamentaux des femmes. Avec le soutien de l'ACDI, Droits et Démocratie joue un rôle de premier plan dans la réforme du droit de la famille, un enjeu étroitement lié aux droits fondamentaux des femmes et des enfants.
    Je suis heureux de constater que M. Beauregard et M. Panossian comparaîtront devant le comité dans moins d'une heure.
    Le projet portant sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants a un aspect très pratique. Il est à la hauteur de 5 millions de dollars et il permet d'ouvrir des centres d'aide juridique dans six provinces et d'améliorer l'accès des femmes et des filles au système juridique officiel.
    En plus de ces projets directement liés aux droits de la personne, le Canada apporte un soutien majeur aux programmes dont le but est de promouvoir les droits des femmes et des enfants, notamment les filles. Conformément aux six priorités établies par le Canada en Afghanistan, nous appuyons une diversité de projets qui servent à améliorer l'éducation, la santé de la mère et de l'enfant, l'accès des femmes au marché du travail ainsi que la participation de celles-ci à la vie politique. Notre soutien à l'amélioration de l'accès à l'éducation, plus particulièrement pour les filles, est bien connu.

[Traduction]

Au cours des dernières heures, le premier ministre a annoncé certaines de ces mesures en Afghanistan.

[Français]

    Le Canada est aussi reconnu comme un donateur de premier plan du Programme d'amélioration de la qualité de l'éducation, un programme national qui permet au ministère de l'Éducation d'offrir des services d'éducation de qualité aux filles et aux garçons, en renforçant la capacité des collectivités de gérer les activités d'apprentissage, en investissant dans les ressources humaines, dont les enseignantes, et en construisant et en remettant en état des écoles.

[Traduction]

    Nous mettons en œuvre une vaste gamme de projets qui permettent de renforcer les capacités des femmes comme agents économiques, y compris par l'accès au crédit et à la formation professionnelle. Des 440 000 clients qui bénéficient de nos programmes de services aux entreprises et des services financiers en Afghanistan, près des deux tiers sont des femmes. Par ailleurs, nous contribuons à améliorer grandement la santé des femmes et des enfants au moyen de projets qui favorisent l'accès à des soins de santé de qualité et à des programmes d'immunisation, d'alimentation et de nutrition qui sont essentiels.
    Depuis 2005, le Canada appuie la présence d'une conseillère en matière d'égalité entre les sexes au sein du ministère de l'Intérieur. Elle s'est attaquée avec beaucoup de succès, à notre avis, aux problèmes les plus ardus et les plus délicats auxquels sont confrontés les femmes en Afghanistan. Elle a intégré des programmes répondant spécifiquement aux besoins des femmes au sein de la Police nationale afghane, dont des unités d'intervention familiale composées de femmes policières répondant aux cas de violence familiale. Depuis peu, le Canada accorde son attention à la participation des femmes à la vie politique dans le contexte des élections prévues en 2009.

[Français]

    Même si notre travail se fait surtout par l'entremise de programmes nationaux de grande envergure, nous reconnaissons l'importance du rôle que joue la société civile pour ce qui est de réaliser des gains et de donner aux Afghans la chance d'exprimer leurs attentes en ce qui a trait à la condition des femmes et des filles. Notre Fonds de soutien ponctuel pour l'avancement des femmes est un mécanisme d'intervention rapide qui permet de fournir un soutien stratégique modeste à ces organisations.
    Par exemple, par l'entremise de ce fonds, le Canada appuie la formation de 300 journalistes, hommes et femmes, afin de les sensibiliser davantage aux droits de l'enfant, à l'égalité entre les sexes et à la participation des femmes.

[Traduction]

    Sans contredit, cette gamme de projets fait toute une différence dans la vie d'un grand nombre de femmes et de filles. Cependant, les gains sont difficilement acquis et il reste beaucoup à faire. Notre but immédiat est de définir d'autres initiatives pendant la période d'examen qui permettront de corriger les lacunes dans le processus sous-jacents qui a mené à la version de la Loi sur le statut personnel chiite qui a été adoptée en mars.
    Nous travaillerons avec nos partenaires actuels tels que Droits et Démocratie, la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan, les parlementaires afghans et les organisations de la société civile afin qu'ils aient les outils nécessaires pour s'acquitter efficacement de leur rôle respectif dans le processus d'examen de la loi. Notre principal objectif est toujours de renforcer la capacité et la participation afghanes, à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement, afin de régler les problèmes de taille sur le plan des droits de la personne qui ont un impact négatif sur l'atteinte de progrès depuis trop longtemps.
    Pour conclure, monsieur le président,

  (1125)  

[Français]

en Afghanistan, les femmes demeurent confrontées à des problèmes et à des difficultés multiples. Elles sont toujours exposées à la violence et à la pauvreté, et sont privées de droits fondamentaux comme les droits à la propriété, à l'éducation et à l'alphabétisation. Les changements se feront lentement, et il y aura certainement des revers.
Toutefois, nous ne pouvons fermer les yeux sur les progrès que les femmes ont réalisés depuis 2001. Aujourd'hui, les Afghanes représentent 27 p. 100 des parlementaires. Plus de 2 millions de filles fréquentent l'école et plus de 290 000 femmes ont accès pour la première fois à des petits prêts et à des services d'épargne partout au pays. Les Afghanes sont elles-mêmes des agents de changement et des leaders dans le processus de développement.

[Traduction]

    Il n'y a pas de solution magique à l'avancement des droits de la personne, monsieur le président. L'histoire montre que les progrès en matière de promotion et de protection des droits de la personne consistent en une série de petits pas dans la bonne direction. Les récents événements en Afghanistan ont, en tout cas, eu pour effet d'intensifier notre importante collaboration avec l'Afghanistan sur des questions d'importance vitale, comme la condition des femmes et des filles. De nombreux défenseurs afghans des droits de la personne nous ont dit que les récents événements les ont rappelés à la réalité. Ces événements leur ont permis de se retrouver dans une meilleure position pour s'unir et s'exprimer d'une voix commune et plus forte.
    Monsieur le président, nous serons heureux de répondre aux questions du comité sur la Loi sur le statut personnel chiite et sur notre appui plus général aux droits de la personne, plus particulièrement ceux des femmes et des filles en Afghanistan.
    Merci de votre attention.
    Merci messieurs.
    Passons directement aux questions, en commençant par le représentant de l'opposition officielle, M. Wilfert.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Le code de la famille ne s'applique qu'à la minorité chiite en Afghanistan et pas à toutes les femmes, mais on craint qu'il ne devienne un précédent. Ma question porte sur certaines visions divergentes de la mission afghane. Le président des États-Unis vient de faire savoir qu'il va changer l'orientation de ses efforts: au lieu de chercher à construire une nation démocratique, on va tâcher d'empêcher que l'Afghanistan devienne un tremplin pour les activités terroristes.
    L'émancipation des femmes afghanes a-t-elle déjà été vraiment une raison de notre mission en Afghanistan? Qu'avons-nous fait pour réagir? Vous dites qu'il n'y a pas de solution miracle, mais je demande quelle solution existe pour remédier à ces problèmes. En l'occurence, que faisons-nous depuis l'adoption de cette loi, pour faire savoir…? Si une telle loi peut être adoptée sans que qui que ce soit ne réagisse sauf après coup — les gens ont dit qu'ils ne l'avaient pas lue, ce que le président a reconnu —, comment pouvons-nous assurer le développement des capacités nécessaires pour prévenir de tels incidents dans l'avenir? Quel est le rôle de notre mission à cet égard?
    Mes deux collègues ont aussi des questions.
    Merci pour votre question. Je la trouve fondamentale.
    D'emblée, je dirais que la question des droits a toujours été au centre de nos préoccupations quand nous avons décidé d'envoyer une mission en Afghanistan. Ce n'est pas la seule, mais c'est une préoccupation importante, dont témoignent les objectifs que nous avons adoptés. Bâtir une société où les droits de la personne sont respectés et où les Afghans peuvent aider les membres de leur société à s'exprimer et à jouir de tous leurs droits est au premier plan de nos activités.
    Nous faisons différentes choses pour développer les capacités des Afghans. Mon collègue en a mentionné quelques-unes tout à l'heure. Avant de céder la parole à Stephen, permettez-moi de dire encore une fois que nous sommes tous d'accord: pour que la société afghane puisse vivre dans la sécurité et fonctionner normalement, les droits doivent y être protégés, et le gouvernement afghan doit être en mesure de le faire.
    Merci de votre question. Il serait peut-être utile de rappeler les six priorités du Canada et leur rapport avec les droits de la personne.
    Par exemple, la première priorité du Canada, soit la sécurité et la primauté du droit, revêt une importance capitale pour la sécurité générale et la situation des femmes en particulier. Nous avons un programme conjoint avec le ministère de l'Intérieur pour renforcer la police et étendre les services policiers de manière à protéger les femmes et les victimes de violence. En outre, l'intensification des activités de mentorat canadien et la création d'un effectif de policières en Afghanistan ont été partie intégrante de nos efforts.
    Quant à la primauté du droit, nous avons discuté ce matin de ses liens avec le droit familial et le respect de la justice et des droits de la personne. C'est une de nos activités centrales.
    La deuxième priorité du Canada est de permettre la prestation de services de base pour créer un lien entre les citoyens et l'État. L'éducation des filles et des femmes fait partie de cet effort ciblé du Canada.
    Nous avons pris des mesures très précises pour améliorer la santé maternelle et infantile en combattant, entre autres, la polio et la tuberculose. Nous tâchons d'offrir les services essentiels aux citoyens en ciblant les éléments les plus défavorisés de la société, en l'occurrence, les femmes et les filles.
    Il en va de même de notre aide humanitaire. Nous ciblons notre aide alimentaire et offrons un programme de Vivres contre formation. À Kandahar, par exemple, ce programme a aidé 11 000 femmes analphabètes à apprendre à lire.
    Les droits de la personne et la protection des femmes et des filles contribuent à la réalisation de nos six priorités.

  (1130)  

    Votre temps n'est pas écoulé.
    L'Occident a été vertement critiqué par une femme qui était la porte-parole de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan. On nous a reproché de laisser ces choses se produire alors que l'on aurait dû être au courant.
    J'accepte tout à fait le témoignage de M. Brodeur quand il dit que le gouvernement canadien n'était pas au courant. Mais la deuxième question, connexe, le vrai problème, c'est sans doute que s'il y a une loi chiite relative à la famille qui a été adoptée, il y a sans doute une loi semblable pour les sunnites qui est en préparation. Je me demande quel enseignement nous avons tiré de cette situation au sujet du droit de la famille chiite pour savoir ce qu'il faut faire.
    Je suis bien conscient que ce n'est pas facile. Pour moi, l'idée de transformer l'Afghanistan en démocratie laïque, libérale dans l'immédiat est honnêtement une absurdité. Cela ne se fera pas. Il faut trouver le juste milieu acceptable pour nous et les autres pays de l'OTAN, dont la présence là-bas était forte, et les valeurs qui finiront par émerger.
    Peut-être pouvez-vous nous donner des conseils au sujet de la prochaine tuile qui va nous tomber sur la tête. Nous avons une population majoritaire sunnite. S'il y a une loi sur la famille sunnite qui s'annonce — et j'imagine qu'il y en aura une — ce ne sera pas une mince affaire pour certaines de ces questions.
     Merci de votre question.
    Il y a un droit de la famille en Afghanistan. Il existe depuis le début du XXe siècle. Il repose sur la jurisprudence sunnite, parce que la communauté sunnite est la plus importante au pays. Le comité de rédaction se penche actuellement sur le droit de la famille en Afghanistan dans le but de l'adapter à l'ensemble de la population. Ce comité est composé de spécialistes afghans. Nous appuyons directement ce travail par l'intermédiaire d'une personne qui donne des conseils pour veiller à ce que la loi réponde aux exigences internationales ainsi qu'à la constitution afghane. Aussi, Droits et Démocratie — et vous aurez l'occasion de poser la question à M. Beauregard — s'emploie lui aussi à s'assurer que la loi respecte les exigences.
    La loi sur le statut personnel chiite est une toute autre chose, qui se place dans le cadre de la constitution afghane et qui garantit à la minorité chiite la reconnaissance de ses droits.
    Là aussi, nous travaillons beaucoup avec les Afghans pour nous assurer que la loi sur la famille actuellement à l'étude et en cours de rédaction est conforme aux normes, tant du point de vue afghan que celui de la communauté internationale.
    Nous allons passer à M. Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    D'habitude, je ne crois pas en la théorie des complots, mais ce qui nous est proposé aujourd'hui me semble un peu gros. Je dois vous dire l'arrière-pensée qui m'habite continuellement. Une petite voix me dit qu'on assiste aujourd'hui, avec tout le respect que je dois au présentateur, à une démarche de damage control.
    J'ai beaucoup de mal à comprendre qu'on ait court-circuité toutes les démarches normales d'un projet de loi. En plus, je trouve que la démarche semble démontrer que le Canada se donne beaucoup de crédit d'avoir corrigé la situation. C'est ce que me dit ma petite voix.
    Il me semble qu'en disant que le Canada n'était pas au courant... On posera une question plus tard sur la Strategic Advisory Team, la SAT, ou l'Équipe consultative stratégique, qui a été remplacée par des civils. Ils sont supposés être proches du président. Vous me direz combien de personnes font partie de cette équipe. Ces gens devraient normalement être au courant des projets de loi qui s'en viennent. Ce ne sont plus des militaires, ce sont des gens de la société civile habitués à ce genre de projet de loi. Normalement, ils auraient dû le voir venir. La petite voix continue de me dire que même si je ne crois pas aux complots, je suis en politique depuis assez longtemps pour savoir que parfois, des stratégies politiques ressemblent à des complots.
    Croyez-vous vraiment que le président ait signé un projet de loi qu'il ne connaissait pas, qu'il ait été mal avisé, qu'on ait court-circuité les démarches normales du Parlement et qu'on ait renvoyé l'affaire à la Cour suprême? Croyez-vous vraiment que nous attendrons trois mois? Qu'y aura-t-il, dans trois mois? Il me semble qu'une élection se tiendra au mois d'août. Sur le plan politique, est-on en train de dire qu'on réglera cette affaire après l'élection? M. Karzaï voulait-il aller chercher des voix du côté des chiites? Je ne crois pas à cette théorie du complot, naturellement. C'est ce que me dit ma petite voix.
    Premièrement, croyez-vous qu'on voulait faire passer une mesure populaire auprès des chiites pour gagner des votes? Deuxièmement, croyez-vous que la SAT civile n'était pas du tout au courant de cette loi? Troisièmement, en disant qu'on va réviser tout ça dans trois mois, ne reporte-t-on pas la révision après l'élection, quand les choses se seront calmées?

  (1135)  

    Merci.
    Je vais répondre à la première partie et je vais laisser M. Wallace vous parler du GSO, le Governance Support Office ou le Bureau d'appui à la gouvernance, qui a remplacé la SAT.
    Je vais commencer par dire qu'on ne fait pas preuve de triomphalisme dans ce dossier. Les droits des femmes et des citoyens afghans sont un sujet extrêmement important. La volonté d'aider les Afghans à reconstruire et à acquérir les capacités dont ils ont besoin pour s'assurer d'un avenir meilleur est au coeur de la démarche qu'on a entreprise.
    Il faut aussi se rappeler que l'Afghanistan a été en situation de conflit pendant les 30 dernières années au moins, où il n'a pas simplement fallu réparer mais repartir à zéro, ou presque. J'en conviens, cette loi contient certains éléments absolument épouvantables. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que d'autres lois ont amené des changements positifs au pays.
    Je compare la situation à un enfant qui apprend à marcher. Il va tomber de temps en temps et probablement se blesser, peut-être même casser quelque chose. Va-t-on le gronder, le punir pour ça? La réaction normale serait de lui dire qu'on va l'aider afin que ça ne se reproduise pas et qu'il puisse acquérir les compétences dont il a besoin pour apprendre à marcher. Je ne pense pas qu'il y ait de complot ou de souhait délibéré de vouloir tromper qui que ce soit.
    Le président Karzaï a admis publiquement qu'il n'avait pas lu le projet de loi et qu'il n'avait pas été renseigné adéquatement. Il a admis son erreur, et je ne sais pas si on pourrait lui en demander plus, à ce moment-ci.
    En termes de délais, les Afghans ont dit qu'un processus était en place. Un groupe a commencé à revoir ce processus. Dans nos législatures, combien de temps mettons-nous pour aboutir à un résultat dans le cadre d'un tel processus? Il s'agit de l'Afghanistan et ça va prendre un certain temps. Je pense que les Afghans vont livrer la marchandise, en fin de compte.
    Je vais laisser M. Wallace vous parler du GSO.

  (1140)  

    Merci beaucoup.
    Le Bureau d'appui à la gouvernance compte maintenant dix affectations, dont deux sont directement reliées à la justice: l'une au ministère de l'Intérieur et l'autre au ministère de la Justice. Cette deuxième personne est experte en loi islamique et apporte une contribution technique très valable au processus global du pays.
    Je crois que le processus était défaillant tant sur le plan du contenu que sur celui de la révision et de la préparation de la loi chi'a. Les personnes qui auraient dû participer au processus de révision et d'examen de la loi n'y ont pas participé. C'est pour cette raison que cette loi, dont on a pris connaissance en mars, en a surpris plus d'un.
    On va continuer comme si on était dans le meilleur des mondes. M. Karzaï a admis sa faute, mais son intention était probablement de faire passer le projet de loi en douce. Si personne ne s'en était rendu compte, les 10 p. 100 de chiites qui étaient là auraient probablement voté pour lui, ce qui aurait facilité sa réélection. Il est très facile de s'excuser après qu'on s'est fait prendre, on l'a déjà vu souvent.
    Là où il y a de la politique, il y a de la politicaillerie. D'après moi, la révision ne sera pas prête avant le 20 août, mais après l'élection. De telles tactiques ont déjà été utilisées ici même, au Canada. Vous n'avez pas apaisé ma petite voix intérieure.
    Vous avez votre théorie et j'ai la mienne. Je conclus là-dessus.

[Traduction]

    Monsieur Bachand, vous concluez à l'heure pile.
    Monsieur Abbott.
    Je dois dire que je ne pense pas que quiconque dans cette salle puisse en dire plus qu'un autre. C'est frustrant. Ça nous a mis en colère, et nous sommes très déçus. Nous avons tous le même sentiment. Toutefois, je peux dire à M. Bachand que lorsque l'on entend une petite voix intérieure, c'est habituellement le signe que l'on croit à un complot.
    Je signale comme vous l'avez fait que le premier ministre est en Afghanistan aujourd'hui. Je pense que l'un des plus importants messages qu'il a, que moi je perçois en tout cas, c'est qu'il est là pour souligner l'évolution de notre mission. Je pense qu'un des domaines, dans le renforcement des capacités des femmes comme acteur économique en particulier, est de leur fournir des services financiers.
    Comme la plupart d'entre nous le savent, les efforts menés par le Prix Nobel de la paix 2006, le professeur Muhammed Yunus, lorsqu'il a fondé la Grameen Bank, ont eu des effets spectaculaires sur les éléments les plus démunis de la société, les femmes en particulier. La banque a pris beaucoup d'expansion et continue d'accorder de petits prêts aux populations pauvres des campagnes.
    Son succès a inspiré des projets semblables dans plus de 40 pays dans le monde et comme nous le savons tous, l'ACDI a été l'un des principaux acteurs de la communauté internationale à reconnaître le succès du mécanisme de microfinancement et de soutien en Afghanistan, qui a accompagné plus de 440 000 clients dans ce pays.
    J'ai relevé que vous employez le chiffre de 220 000 femmes. Le chiffre que j'ai ici est de 440 000 clients en Afghanistan. Je crois savoir que le mécanisme est passé de cinq à une quinzaine d'établissements de microfinancement et offre aux Afghans pauvres, dont les deux tiers sont des femmes, accès à des prêts et à des services financiers dont ils ne pourraient bénéficier autrement. Je signale le caractère industrieux de la plupart des femmes, mais en particulier celles de l'Afghanistan.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui se passe exactement ici, parce que je pense qu'il s'agit là de très bonnes nouvelles.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi d'abord de préciser les chiffres. Le mécanisme de microfinancement et de soutien est un programme extraordinaire qui a mérité des prix internationaux. Dans un pays où la situation est très difficile, il a progressé très rapidement et a eu d'excellents effets.
    Les 440 000 clients sont des hommes et des femmes de partout au pays. À cause du fort élément féminin, le chiffre que j'ai utilisé était de 290 000 femmes sur les 440 000 clients au total. Le but était de donner un ordre de grandeur.
    Vous soulignez là quelque chose qui a pris de l'importance dans le pays. En effet, une des façons les plus efficaces que nous avons trouvées de favoriser l'égalité des femmes est de renforcer leur situation académique. Lorsqu'elles ont accès à des actifs de production et les maîtrisent, cela a des effets sur le bien-être des femmes, des familles, des collectivités, sur le pouvoir de décision dans les ménages, autant d'effets positifs. Cela offre aux femmes des possibilités et des choix, elles qui sont souvent à la tête des ménages. Dans un pays comme l'Afghanistan, beaucoup de femmes sont veuves à cause de la guerre.
    Le microfinancement consent souvent des prêts de 50 ou 100 $, ce qui donne aux femmes un coup de main et leur confère une certaine autonomie et un certain pouvoir financier. Je précise que le remboursement de ces prêts est bien supérieur à 95 p. 100. Ce programme connaît un succès extraordinaire et il a des effets. Il permet aux femmes de quitter la maison et de discuter entre elles de ce qui se passe. Elles sont plus libres et plus ouvertes dans leur façon de faire les choses.
    L'allusion que vous avez faite à Muhammad Yunus et à la Banque Grameen qu'il a créée et qui lui a valu le prix Nobel est très intéressante dans le contexte afghan parce que c'est l'un de nos partenaires les plus proches. Les gens de la banque ont commencé leurs activités dans le pays en 2003 et travaillent partout sur le territoire, aussi bien dans le domaine de l'éducation que du microfinancement, et concentrent beaucoup leur action sur la clientèle féminine. En effet, 86 p. 100 de leurs clients sont des femmes.
    L'héritage de Muhammad Yunus se voit de manière très positive en Afghanistan, et ses effets sur la situation des femmes sont inestimables.

  (1145)  

    Je pense aussi, et c'est une observation générale personnelle, que parce que nous sommes là, que notre pays, notre population et nos familles en paient le sang de Canadiens, parce que nous sommes là, nous avons mérité le droit de dire qu'en ce qui concerne nos lois, ça ne va pas. La réaction myope que j'ai constatée chez un petit nombre de mes propres électeurs, « Oh, regardez ce qu'ils font. Allons-nous-en », est exactement la mauvaise chose à faire, parce qu'on en a déjà payé le prix. Du fait que nous avons déjà payé ce prix, nous sommes maintenant en droit d'exercer de fortes pressions morales à ce sujet, et à cela s'ajoute le fait que nous sommes aussi à même de renforcer les femmes de manière très réelle et pratique dans leur quotidien.
    Monsieur Kerr, voulez-vous ajouter rapidement quelque chose?
    Oui, merci beaucoup.
    Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais nous avons remarqué aujourd'hui que Chris Alexander rentre au pays après six ans là-bas. Je crois savoir qu'il jouit de beaucoup de respect et est très présent.
    À propos de ce qu'il a dit sur le fait que nous sommes tous du même avis à propos de l'incident concernant cette loi, il veut signaler que beaucoup de lois ont été adoptées et qu'elles ont beaucoup de succès. C'est pour nous un rappel à la vigilance. Il ne faut pas paniquer devant une erreur. Le pays se consolide et apprend.
    Pourriez-vous nous parler de sa vision? J'ai remarqué qu'il prend la parole à Ottawa ce soir. Pourriez-vous nous parler de sa vision concernant les progrès législatifs d'ensemble qui ont été réalisés par rapport à l'unique erreur qui a été commise?
    Oui, je vais répéter ce que j'ai dit en français il y a quelques instants.
    C'est un argument très juste. Ce que M. Alexander soulignait en fait c'est que oui, dans cette démocratie naissante, qui est encore en train d'essayer de s'organiser, des erreurs seront faites et de toute évidence c'en est une, et une très grave. Mais d'autres lois ont été adoptées. Le gouvernement fonctionne et ses institutions aussi, et c'est pourquoi il signalait que plus de 50 lois ont été adoptées sans véritable problème comparable à ceux-ci.
    Il y a aussi quelques autres éléments. L'Afghanistan a adopté une nouvelle constitution, a tenu des élections et a vu la création de 102 partis politiques. Grâce à l'aide du Canada, il a créé une commission indépendante des droits de la personne qui fait de l'excellent travail et que nous soutenons. Le pays prend des mesures pour faire de la société civile en Afghanistan un véritable intervenant qui prendra de l'essor. Ce sont donc là des gains. Ils sont importants et on ne peut les passer sous silence.
    Il y a peut-être une autre chose que je voudrais...

  (1150)  

    Soyez bref, dans ce cas.
    Le débat. Il y a actuellement un débat sur le droit chiite en Afghanistan, ce qui n'aurait pas eu lieu il y a trois ou quatre ans.
    Merci.
    Avant de passer au NPD, je veux rappeler des témoignages que nous avons entendus lors d'une autre séance venant de femmes afghanes au sujet du remboursement des prêts à 95 p. 100. Elles nous ont assuré que les 5 p. 100 qui n'étaient pas remboursés avaient tous été reçus par des hommes.
    Nous allons passer au NPD.
    Merci de votre exposé.
    En ce qui concerne la question précédente sur les autres lois qui ont été adoptées, on semble tout savoir sur leur sujet. Est-ce bien le cas? Dans quelle mesure les Canadiens peuvent-ils avoir confiance dans les yeux et les oreilles que nous avons en Afghanistan? Cette loi n'est pas simple. J'en ai vu des passages. Vous avez dit qu'elle faisait 300 pages. Ce n'est pas tombé du ciel. La plus grande partie découle sans doute des pratiques traditionnelles chiites non codifiées jusqu'à présent.
    Comment une loi de 300 pages peut-elle apparaître — il y a dû y avoir un processus de rédaction — à l'insu des Canadiens sur le terrain qui étaient censés participer à la création de cette institution? Dans quelle mesure peut-on avoir confiance non seulement dans ce qui s'est passé ici, mais dans le fait qu'on nous dit aujourd'hui que d'autres lois ont été adoptées sans que l'on ait quoi que ce soit à leur reprocher. Il s'agit de toute évidence d'une question politique, internationale, canadienne et politiquement explosive. Pourquoi est-ce que nos yeux et nos oreilles n'ont pas réussi à le comprendre?
    Je trouve que c'est une question très valable.
    Nous avons des yeux et des oreilles; nous observons ce qui se passe. Je répète que, compte tenu des activités innombrables qui se passent là-bas, il arrive parfois que, malheureusement, nous ne soyons peut-être pas aussi au courant que nous le devrions. Dans cette affaire, nous savions qu'un processus était enclenché pour élaborer cette loi — pas seulement le Canada, en passant, mais aussi d'autres acteurs internationaux. Nous n'en connaissions pas la teneur exacte. Un processus était en place, mais il a été court-circuité à un moment donné et l'on a sauté des étapes très importantes dans l'élaboration de cette loi.
    Donc, comme Stephen l'a dit tout à l'heure, c'est un échec sur deux plans: le fond et la forme. Et nous faisons tout ce que nous pouvons, notamment en confiant à des gens, comme à cette femme qui s'occupe de la problématique hommes-femmes au ministère de la Justice, la tâche de suivre tout cela de près. Nous travaillons avec l'organisme Droits et Démocratie. Celui-ci a plusieurs très bons projets pour examiner les lois et s'assurer que nous en ayons une bonne compréhension et que nous sachions ce qui se passe.
    Donc je suis personnellement convaincu que nous avons ce qu'il faut pour faire le travail qu'on nous a confié, mais je pense qu'on peut dire également que nous ne sommes pas toujours nécessairement au courant de tout. Cela nous a pris par surprise, et pas seulement nous, je le répète, mais beaucoup d'autres pays et membres de la communauté internationale.
    Puis-je vous demander si vous avez une traduction du texte de cette loi? Pouvez-vous la communiquer au comité? J'en ai vu des extraits et je trouve un peu troublant qu'on précise dans les moindres détails ce qui est autorisé et surtout interdit par la loi.
    Nous savons que nous avons affaire à une société traditionnelle, mais voici maintenant que l'on codifie dans la loi des coutumes qui sont peut-être traditionnelles, mais qui ne survivront peut-être pas à la modernité. Si l'on codifie tout cela pour lui donner force de loi, on semble mettre en place des éléments qu'il sera ensuite très difficile de changer.
    Je sais bien que ce n'est pas notre pays, mais nous avons des normes internationales pour les droits de la personne. Il me semble extrêmement difficile de concilier cette loi qui est extrêmement détaillée et les principes du droit international que nous nous attendons à voir respectés en Afghanistan, c'est du moins ce que nous espérons.
    Je ne crois pas qu'il y ait de débat là-dessus. Les Afghans eux-mêmes reconnaissent que la loi proposée, qui n'a pas été promulguée dans sa forme actuelle, ne remplit pas les exigences de leur constitution et ne respecte pas le droit international et les traités auxquels ils sont partie. C'est acquis; ils le reconnaissent.
    Quant au document, j'ai ici un document de 76 pages rédigé par l'organisme USAID qui donne un résumé, en anglais, des aspects les plus controversés. En fait, je pense qu'on y traite des 300 articles. Je pense que vous avez vu ce document de 300 pages, qui est du domaine public.

  (1155)  

    D'après ce que vous en avez dit, le processus d'examen ne semble pas être parlementaire, mais plutôt un examen technique fait par des experts. Il semble que le résultat final sera une nouvelle version de ce document-ci.
    Ce processus peut-il être qualifié d'examen parlementaire qui nous satisfait, ou est-ce plutôt quelque examen technique constituant une tentative de… Je ne veux pas dire de noyer le poisson, mais enfin d'en arriver à une version plus ou moins acceptable qui pourrait être jugée valable? Y aura-t-il un débat ouvert au Parlement afghan, ou est-ce une manipulation politique?
    Concrètement, le texte de la loi a maintenant été repris par le ministère de la Justice, il est à tout le moins sous l'égide du ministre de la Justice et il est examiné par un groupe d'experts, de savants et d'Afghans, avec l'aide de membres de la société civile. Ils vont l'examiner dans l'optique d'en retirer les éléments de droit qui ne sont pas acceptables. On nous dit que ce processus prendra de deux à trois mois, après quoi le projet sera de nouveau présenté au Parlement. Tel est le processus qui semble en cours actuellement.
    J'ai une autre question.
    Je reconnais que c'est une bonne chose que deux millions de fillettes fréquentent l'école, mais on n'est pas passé de zéro à deux millions. Si l'on compare la situation à celle d'avant le règne des talibans, on constate qu'avant les talibans, les filles allaient à l'école. Cela fait maintenant huit ans que les talibans ont été renversés, et deux millions de filles fréquentent l'école. Cela fait beaucoup de personnes. Cependant, je crois savoir qu'il y a en Afghanistan environ 14 millions d'enfants de moins de 18 ans, et l'on peut supposer que la moitié sont des filles; cela fait donc sept millions de filles de moins de 18 ans, dont deux millions vont à l'école.
    Les chiffres que j'ai vus sont conformes à ce qu'on m'a dit, à savoir que seulement 30 p. 100, environ des filles en Afghanistan ont accès à l'éducation. Il semble y avoir un certain progrès, mais assez limité. Quelles sont vos réflexions là-dessus?
    Monsieur le président, pourrais-je intervenir au sujet d'une technicalité?
    Le document dont j'ai parlé nous a été remis par une organisation qui n'est pas canadienne. Ce document est en anglais seulement. Je tenais à le dire clairement, parce que normalement, la règle est que nous devons remettre ces documents dans les deux langues. Ce n'est pas un document canadien. Il est en anglais seulement, si cela convient aux membres du comité.
    Je n'ai pas d'objection.
    Allez-y, monsieur Wallace.
    En 2001, seulement 700 000 enfants allaient à l'école en Afghanistan. C'était tous des garçons. Les talibans ne permettaient pas aux filles d'aller à l'école. Nous sommes passés d'un total de 700 000 enfants à l'école en 2001 à plus de six millions aujourd'hui, dont deux millions sont des filles.
    La situation en Afghanistan aujourd'hui est que plus d'enfants vont à l'école que jamais dans toute l'histoire de ce pays. C'est un pays qui sort de trois décennies de guerre civile et d'une situation de misère affreuse, et il ne possède tout simplement pas les bases qui lui permettraient d'offrir l'enseignement primaire à tous. Il a encore du chemin à faire pour pouvoir scolariser tous les enfants du pays, mais les Afghans font mieux que jamais dans leur histoire à ce chapitre.
    Le Canada a été le chef de file quant au soutien à la stratégie nationale pour l'éducation, et c'est l'une des raisons pour lesquelles le Canada a annoncé l'année dernière un projet modèle visant à construire ou à rénover 50 écoles à Kandahar, dans le cadre de cet effort global pour assurer la scolarisation de tous.
    Merci.
    Maintenant, je m'adresse aux membres du comité. Nous avons commencé en retard, j'en suis conscient. Mais pour être juste envers notre deuxième groupe de témoins, et étant donné qu'il nous faut quelques minutes à la fin pour régler quelques affaires du comité, cela met fin à l'audition des premiers témoins. Nous avons donné la parole à chaque parti, et je pense que nous allons donc faire maintenant une pause pour permettre aux autres témoins de prendre place, avant d'aborder le deuxième tour.
    Merci.

  (1155)  


  (1200)  

    Merci beaucoup.
    Pour la deuxième moitié de notre réunion d'aujourd'hui, nous accueillons Droits et Démocratie, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Nous sommes heureux d'accueillir M. Beauregard, qui en est le président. Bienvenue, monsieur. Nous accueillons aussi Razmik Panossian, directeur des politiques, des programmes et de la planification.
    Messieurs, vous connaissez manifestement le processus. Vous avez assisté à l'audition du premier groupe de témoins, et je suis sûr que ce n'est pas votre première comparution devant un comité. Nous allons donc vous donner le temps de faire votre exposé, après quoi les membres du comité auront des questions captivantes à vous poser.
    Une voix: Est-ce une note d'ironie?
    Le président: Non, de louanges.
    Vous avez la parole, messieurs.

[Français]

[Traduction]

    J'aimerais tout d'abord remercier le président, M. Casson, ainsi que les autres membres de ce comité important, pour l'intérêt qu'ils portent à la cause des droits des femmes en Afghanistan et pour avoir invité Droits et Démocratie à participer à la rencontre d'aujourd'hui. Je tiens également à souligner l'appui des élus du Canada à la lutte pour les droits des femmes en Afghanistan. Je rappelle à cet égard les deux motions qui ont été adoptées par le Comité permanent de la condition féminine le 23 avril.
    Vous n'êtes pas sans savoir que Droits et Démocratie a été créé par une loi du Parlement en 1988. Son mandat est de promouvoir le développement démocratique et les droits de la personne à l'échelle internationale. Depuis près de 20 ans, nous nous acquittons de ce mandat au nom de tous les Canadiens et Canadiennes et nous leur rendons des comptes par l'entremise du Parlement. Nous faisons la promotion des droits de la personne et des libertés démocratiques aux quatre coins de la planète pour appuyer les citoyens et les partisans de la démocratie qui vivent sous le joug de la répression et pour établir des institutions et des processus démocratiques qui donnent effet aux droits de la personne universels. C'est ce que nous faisons en Afghanistan.
    Droits et Démocratie travaille directement auprès des femmes afghanes depuis 2002. Nous avons appuyé leurs efforts pour que l'égalité entre les hommes et les femmes soit inscrite dans la Constitution adoptée en 2004. Nous appuyons actuellement les groupes de femmes afghanes et le gouvernement afin de veiller à ce que les lois afghanes relatives à la famille respectent cette égalité, garantie par la Constitution, de même que les engagements internationaux de l'Afghanistan en matière de droits de la personne. Nous faisons le pont entre la société afghane et le gouvernement afghan sur cette question des plus importantes.
    La nouvelle selon laquelle le président Karzaï a signé une loi sur la famille, visant la minorité chiite, qui dans les faits, légalise le viol entre époux et limite les droits les plus fondamentaux des femmes, nous a consternés, en plus de constituer un recul. Cependant, nous devons voir la décision de revoir cette loi comme une occasion. Il s'agit d'abord et avant tout d'une occasion pour les femmes afghanes de prendre part au processus de révision de cette loi. Il s'agit également, pour les femmes afghanes, d'une occasion de renforcer à long terme la protection offerte par les droits de la personne dans les lois et la pratique, et de s'assurer que l'on tienne compte de leurs opinions au moment de prendre des décisions qui touchent leur vie. Pour que les occasions à court et à long termes se réalisent, le Canada doit être résolu dans son engagement à soutenir les Afghans et les Afghanes qui sont déterminés à ce que l'avenir du pays se fonde sur les principes de la démocratie universelle et des droits de la personne.
    Droits et Démocratie soutient ces efforts entrepris par les Afghans, grâce, en partie, au soutien de l'ACDI. Droits et Démocratie facilite les travaux d'un comité de rédaction dirigé par des Afghans qui se penche sur les divers éléments du droit familial, y compris la Loi sur le statut personnel chiite, et dont les résultats devraient être présentés au Parlement afghan. Ce comité comprend des représentants des organisations de la société civile afghane, de l'Université de Kaboul, du ministère de la Justice et du ministère de la Condition féminine, ainsi que des membres de la Commission afghane indépendante des droits de la personne. Le comité de rédaction a pour objectif d'examiner le droit de la famille existant en vue de garantir qu'il respecte les droits des femmes en vertu de la loi islamique et des droits de la personne à l'échelle internationale.

  (1205)  

[Français]

    Ce processus exige énormément de temps et d'efforts, et présente de nombreuses difficultés. L'Afghanistan est une société traditionnelle où la perspective de voir les femmes obtenir davantage de liberté, et l'égalité en vertu de la loi, suscite encore d'immenses débats.
    Le travail assidu du comité de rédaction a toutefois engendré des résultats: en 2007, l'Afghanistan a mis en place un contrat de mariage national qui protège le statut juridique de la femme dans le cadre du mariage. La loi portant sur le statut personnel chiite, à la source de la récente indignation, a été étudiée par le comité de rédaction, pendant toute la deuxième moitié de 2008.
    Droits et Démocratie a facilité la participation d'Afghanes et de représentants de la société civile, qui mettent en avant des modifications progressistes à leurs lois. Cependant, comme chacun sait, la majorité de ces éléments progressistes n'a malheureusement pas été retenue dans la législation que le président Karzaï a aveuglément promulguée récemment.
    Bien qu'elle constitue certainement un recul pour les droits de la personne en Afghanistan, la loi sur le statut personnel chiite n'est pas l'échec absolu que certains voudraient y voir. Malgré ce rappel clair et troublant des défis complexes qui continuent de se poser pour les droits de la personne en Afghanistan, nous ne pouvons faire abstraction des voix de plus en plus nombreuses qui s'élèvent dans ce pays contre les éléments les plus rétrogrades de cette loi.
    J'étais en Afghanistan lors de l'annonce de la loi sur le statut personnel chiite. Droits et Démocratie organisait alors à Kaboul une conférence sur le droit familial dans les pays musulmans. Les participants, qui venaient de Malaisie, d'Iran et du Pakistan, ainsi que les représentants du gouvernement afghan, du Parlement afghan et des groupes de femmes, entre autres, ont spontanément fait une déclaration dénonçant la loi sur le statut personnel chiite dans sa forme actuelle et ont demandé que des modifications y soient apportées, afin qu'elle soit conforme aux engagements nationaux et internationaux pris par l'Afghanistan en matière de droits de la personne. Une pétition, signée par 5 ministres et 22 députés afghans, ainsi que par 100 intellectuels et représentants de la société civile, a été présentée pour protester contre la loi. De plus, des femmes sont descendues dans la rue pour demander que leurs droits soient respectés.
    À la suite de ces manifestations publiques, le président Karzaï a accepté de revoir la loi et a demandé à des groupes de femmes et à d'autres intervenants de prendre part à ce processus. On a donné au ministère de la Justice la tâche de revoir la loi, en consultation avec la société civile afghane. Le comité de rédaction a également participé à ce processus. Une liste de modifications a été présentée au ministre de la Justice, afin d'assurer que la loi révisée sur le statut personnel chiite respecte les principes nationaux et internationaux en matière d'égalité et de droits de la personne.
    Bien que nous souhaitions que la loi révisée tienne compte des opinions formulées par les groupes de femmes et le comité de rédaction, ce processus démocratique naissant représente une véritable occasion de développement à long terme d'une culture fondée sur les droits de la personne en Afghanistan. La loi sur le statut personnel chiite est l'une des nombreuses lois étudiées qui auront une incidence directe sur la vie des femmes. La loi à venir sur la tutelle, la loi plus étendue sur la famille visant la majorité sunnite et la loi sur l'élimination de la violence contre les femmes ne sont que quelques-unes des lois qui feront l'objet de débats au cours des mois et des années à venir, alors que la société afghane progresse vers la consolidation de la démocratie et de la primauté du droit.
    Ces lois ne constitueront pas en elles-mêmes un obstacle insurmontable aux infractions. La mise en place d'un cadre juridique pour la protection des droits de la personne ne constitue que la première étape d'un processus à long terme.
    Voilà pourquoi Droits et Démocratie a également:
    - formé 350 hommes et femmes en qualité de meneurs de discussion portant sur les droits de la personne au niveau communautaire, pour qu'ils veillent à la protection de ces droits, dans le cadre du droit familial, par exemple en vertu du contrat de mariage;
    - appuyé plus de 1 000 réunions communautaires menées par des Afghans, portant sur la sensibilisation à l'égard des droits des femmes, du droit familial et de l'utilisation du contrat de mariage, ainsi que pour consulter les femmes et les hommes de la collectivité en lien avec le processus de réforme légale;
    - offert un soutien clinique d'aide juridique pour que les femmes aient des recours judiciaires lorsque leurs droits sont violés;

  (1210)  

    - travaillé avec les leaders religieux afin d'obtenir leur soutien quant à l'utilisation du contrat de mariage;
    - offert un soutien professionnel, psychologique et psychosocial aux filles et aux femmes victimes de violations;
    - soutenu les efforts de plaidoyer de la société civile au moyen de formation et de recherche sur les droits des femmes et facilité le dialogue État-société en matière de politiques et de réforme juridique;
    - financé 34 ONG locales pour des projets concernant les droits des femmes. Grâce à ce soutien, plus de 9 000 femmes et hommes afghans ont bénéficié d'une formation sur les droits des femmes;
    - et produit 12 émissions de radio dans 6 provinces sur le droit familial et les droits des femmes.

[Traduction]

    Afin de surmonter un historique d'exclusion et de répression, les femmes afghanes prennent les choses en main, comme le montre leur participation au Parlement, dans les ministères gouvernementaux, dans les petites entreprises et dans les organisations de la société civile. Les manifestations contre la loi sur le statut personnel chiite ont montré le désir croissant pour l'égalité en Afghanistan, tant à la maison que dans la sphère publique.
    Les femmes et les hommes qui mènent ces manifestations font preuve d'un grand courage et ont besoin plus que jamais de notre encouragement. Agir autrement, et retirer notre appui aux Afghanes et aux Afghans qui se mobilisent maintenant contre la répression avec tant de courage et de détermination reviendrait à abandonner les plus belles sources d'espoir pour le progrès des droits de la personne en Afghanistan.
    Mesdames et messieurs les députés, vous faites face, dans vos délibérations sur la mission du Canada en Afghanistan, à de nombreux défis touchant une mission complexe réalisée par l'ensemble du gouvernement dans l'une des régions du monde les plus complexes. J'espère aujourd'hui vous avoir transmis les deux messages suivants. Premièrement, notre mission visant à faire de l'Afghanistan une société stable et démocratique est un projet à long terme. Deuxièmement, cette mission a été définie par les 300 hommes et femmes qui ont risqué leur vie en manifestant publiquement pour faire valoir les droits de la personne. Nous devons les suivre dans cette démarche.
    Merci beaucoup.

  (1215)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Coderre, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions à poser. Mes collègues en auront sûrement également. J'ai énormément de respect pour Droits et Démocratie, car j'ai travaillé avec votre prédécesseur sur le dossier d'Haïti. Pour moi, Droits et Démocratie est une sorte de phare neutre qui nous donne l'heure juste sur le terrain. Je sais donc que vous ne serez pas complaisant.
    J'aimerais avoir l'heure juste et qu'on me dise quand le gouvernement a été mis au courant. Dans un article du Devoir, nous avons vu que Droits et Démocratie l'avait informé, d'une certaine façon, qu'une loi de ce genre allait être adoptée.
    Vous auriez parlé au représentant du gouvernement ou à l'ambassade. J'aimerais que l'on fasse la lumière à ce sujet une fois pour toutes. Nous avons l'impression qu'on a mis en place un groupe d'appui à la gouvernance sous la responsabilité de la Défense. Par la suite, l'ACDI l'a fait. On s'est toujours vanté qu'on avait des liens très proches avec le ministère de la Justice et le président Karzaï. Or, on a maintenant l'air d'avoir appris la chose à la dernière minute, de ne pas savoir ce qui est arrivé et d'avoir tous été pris un peu par surprise.
    L'article du Devoir porte un peu à confusion. Au fond, il nous donne l'impression que vous les aviez déjà avertis à l'avance. On est un peu comme le chauffeur d'autobus qui demande aux gens d'« avancer en arrière », alors qu'on aurait pu faire de la prévention plutôt que de la gestion de crise. J'aimerais, monsieur Beauregard, que vous nous donniez l'heure juste à ce sujet.
    En outre, j'ai trouvé qu'on n'en a pas fait assez dans le cas de Malalai Joya, lorsqu'elle a été expulsée du Parlement afghan. On parle du droit des femmes. On pourrait poser des gestes ponctuels pour démontrer notre soutien aux droits des femmes.
     J'aimerais que vous nous disiez si vous croyez qu'on en a fait assez, comme pays et comme gouvernement, pour protéger les droits de la députée Joya. On parle beaucoup de concepts, mais il s'agit là d'un cas précis. Pour moi, une valeur universelle ne consiste pas à dire que c'est un dossier qui touche strictement le Parlement, donc, que c'est une question de souveraineté. Un droit est un droit, et on devrait intervenir lorsque les droits des femmes sont bafoués, peu importe la situation.
    Ce sont là mes deux questions. Mes collègues pourront ensuite poser les leurs.
    Dans le rapport d'étape de l'ACDI, en octobre dernier, nous avons indiqué que nous soutenions le travail d'un comité de rédaction qui travaillait sur ce projet de loi, sans en dire davantage, sans parler du contenu du travail qui se faisait. Nous travaillions là-dessus. Ça faisait partie de notre plan de travail. C'est effectivement ce qui s'est passé dans la deuxième moitié de 2008.
    Notre bureau de Kaboul — comme je vous l'ai dit dans ma présentation — appuie un comité composé d'experts qui travaillent au sein du ministère de la Condition féminine dans le cadre de la préparation de ce projet de loi.
    L'an dernier, nous avions fait un travail semblable sur le contrat de mariage, et le processus était rendu à la limite, jusqu'à ce qu'on s'entende sur un texte de contrat de mariage qui soit soumis à la Cour suprême pour approbation. Toutes les parties qui avaient participé à ce processus, y compris le groupe de travail qu'on soutenait, étaient heureuses du résultat que proposait ce contrat de mariage.
    Nous étions convaincus que le même processus serait suivi pour ce qui est du code de la famille pour la communauté chiite. Malheureusement, alors que le comité de rédaction continuait à avoir des discussions avec les gens du ministère de la Condition féminine et du ministère de la Justice, on a appris que la version que le Ulema Council, les mullahs de la communauté chi'a, avait proposée était celle qui allait prévaloir, et que le président l'avait signée. Il l'avait remise au ministre de la Justice qui ne l'avait pas encore publiée, donc la loi n'était pas entrée en vigueur.
    J'ai appris cette nouvelle, alors que je me rendais en Afghanistan, en lisant un article paru dans le Guardian de Londres. Quand je suis arrivé en Afghanistan, j'ai demandé aux gens de mon bureau si ce que j'avais lu était exact, et ils m'ont dit que c'était effectivement ce qui semblait s'être passé. Le soir même, j'ai dîné avec la présidente de la Commission afghane des droits de la personne, Mme Sima Samar, qui fait partie de notre conseil d'administration. Elle aussi rentrait d'Europe, et on était tous les deux estomaqués de savoir que ça s'était produit.

  (1220)  

    Vous ne l'aviez donc pas appris un peu avant et vous n'aviez pas averti le Canada?
    Non.
    L'article du Devoir porte donc à confusion.
    Oui, et j'ai fait une rétractation par rapport à l'article du Devoir.
    Parfait. Et le cas de Mme Joya?
    Le cas de Mme Joya n'est pas un cas sur lequel on a travaillé directement. On travaille avec des parlementaires afghanes pour leur offrir du soutien dans les débats qui portent sur les questions qui les intéressent, mais on n'a pas travaillé directement sur ce cas.

[Traduction]

    Puis-je poser une question...
    Il ne vous reste qu'une minute avant que votre temps de parole ne soit écoulé.
    J'aimerais poser une question au sujet de cette conseillère en matière d'égalité des sexes que nous avons au ministère de l'Intérieur depuis 2005 et qui est chargée de promouvoir la sécurité des femmes et des filles et de s'occuper d'autres questions les touchant. Pouvez-vous me dire d'où viennent les fonds pour la rémunérer?
    J'aimerais aussi savoir quelles sont les évaluations qui auraient été faites? Cette personne aurait vraisemblablement eu connaissance de la loi en question. Quels sont les mécanismes de communication qui sont en place pour que ce genre de choses soit communiqué à l'ambassade afin que nous ayons l'assurance que les normes de référence que nous avons établies soient respectées dans les faits?
    Ce que nous savons, c'est qu'il y a plusieurs ministres qui ne savaient pas que le président avait signé la loi, dont le ministre des Affaires étrangères.
    La ministre de la Condition féminine ne savait pas non plus que la loi avait été signée. Quand je l'ai rencontrée, elle m'a dit qu'elle n'était pas du tout au courant, même si son ministère avait participé aux négociations sur la rédaction de la loi et que cinq de ses fonctionnaires faisaient partie du comité de rédaction, que nous avons appuyé. C'était une surprise pour elle aussi.
    Pour ce qui est de toute la question de la sécurité des femmes et des filles, nous travaillons de concert avec plusieurs organisations féminines de la société civile, quelque 60 organisations réparties dans six provinces. Nous travaillons avec des cliniques juridiques qui se spécialisent dans la protection des femmes et des filles. Les femmes et les filles peuvent faire appel à ces cliniques si elles estiment que leurs droits ont été violés. Nous produisons des émissions de radio. Nous formons des gens sur le terrain.
    C'est toutefois un long processus. Les droits des femmes sont bafoués dans ce pays depuis déjà plusieurs générations. Il faudra un certain temps pour créer une culture du respect et pour promouvoir la protection des droits de la personne.
    Je suis sûr que le ministre de l'Intérieur, que vous avez rencontré, a de bonnes intentions. Par exemple, quand ces 300 jeunes filles sont sorties dans la rue pour manifester devant la mosquée bleue à Kaboul, ce qui est intéressant de savoir, c'est que ce sont des policières qui sont venues à leur rescousse. C'est là ce qu'il faut retenir. C'est quelque chose qui ne se serait pas produit il y a 10 ans.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Beauregard, je vous remercie, vous et les membres de votre groupe, d'être ici.
    Étiez-vous dans la salle quand j'ai interrogé M. Wallace et M. Brodeur sur...
    Oui, j'y étais.
    Partagez-vous un peu mon point de vue? Ne trouvez-vous pas un peu bizarre que tout se soit passé ainsi?
    Avez-vous des voix dans l'oreille, comme mon ami Bachand?
    Mes voix ne sont pas fausses.
    Nous travaillons sur le terrain directement avec les gens engagés dans le processus. Évidemment, il y a un processus politique qui peut échapper à notre travail. Nous travaillons avec des groupes de la société civile ainsi que le personnel du ministère de la Condition féminine, du ministère de la Justice et de la Cour suprême. Je peux vous dire qu'avec ces groupes, le travail du comité de rédaction est de faire avancer le dossier.
    Nous avons été surpris, comme tout le monde, par la tournure des événements, mais je ne ferai pas de spéculations, je ne sais pas ce qui s'est vraiment passé.

  (1225)  

    De combien de personnes votre comité de rédaction est-il composé, à peu près?
    Je pense qu'il se compose de treize ou quinze personnes. Ce sont en majorité des femmes. Il y a des représentants de la Cour suprême, de l'Université de Kaboul, du ministère de la Condition féminine et du ministère de la Justice. Il y a aussi des gens de la société civile, des gens de la Faculté de droit et de la Faculté des affaires religieuses, la Faculty of Sharia & Islamic Studies. Enfin, il y a une ONG internationale, Medica Mondiale, le Afghan Women's Network et deux membres de notre personnel.
    Ce sont tous des experts sur les questions des droits de la personne, des droits des femmes et des droits des communautés religieuses.
    Auriez-vous objection à nous transmettre la liste des gens qui forment votre comité de rédaction? Je pense que cela pourrait être utile aux membres du comité.
    Je n'y ai aucune objection.
    Le comité de rédaction qui se penche sur plusieurs lois, dont celles qui vont être présentées, a-t-il des contacts avec la SAT, la fameuse Équipe consultative stratégique, qui était une équipe formée de militaires à l'époque? D'ailleurs, j'étais tout à fait favorable au changement qui en a fait une équipe de civils. Cependant, je sais que ça a causé des problèmes, car plusieurs militaires l'ont mal pris.
    Quand vous faites de la rédaction et que vous donnez votre opinion sur les projets de loi, cela est-il transmis à l'entourage du président Karzaï? Donnez-vous une copie aux groupes qui entourent le président? Si j'ai bien compris, l'équipe consultative stratégique compte même un spécialiste des lois islamiques. Je trouve qu'il serait important qu'un lien soit établi entre vous et eux. Vous tenez-vous loin des instances gouvernementales?
    Non, nous ne nous tenons pas loin, mais nous utilisons les canaux gouvernementaux. Le ministère de la Justice et le ministère de la Condition féminine sont les deux canaux gouvernementaux afghans avec lesquels nous travaillons. J'ai eu l'occasion de rencontrer la spécialiste des affaires religieuses qui est en poste depuis trois mois. Elle est en contact avec les gens de notre bureau. Ils s'échangent de l'information. C'est à ce niveau que nous travaillons.
     Le processus actuel fait en sorte que se sont surtout les Afghans qui mettent en avant leurs propres propositions. Notre rôle est d'apporter notre appui. Nous facilitons le processus, nous donnons des avis éclairés, mais nous avons toujours considéré depuis le début qu'il s'agissait de leur processus.
    Les gens du groupe de rédaction donneront leur opinion sur les différentes lois à venir, mais je suppose qu'ils ne traduisent pas cela en textes législatifs. Vont-ils jusque-là?
    Non, car c'est rédigé en dari. J'ai vu les traductions anglaises de leur travail. Je ne pense pas qu'il s'agisse de rédaction législative. Même ici, si je me réfère à mon expérience gouvernementale, quand on prépare un projet de loi, on le donne à un rédacteur législatif qui met cela en forme. C'est sans doute ce qui se fait là aussi.
    Je ne connais pas suffisamment la démocratie parlementaire afghane, mais n'y a-t-il pas un risque que des morceaux des belles idées que vous transmettez à un rédacteur législatif soient abandonnées?
    Dans le cadre de l'expérience que nous avons vécue l'an passé concernant le contrat de mariage, nous avons été amenés à penser que le processus serait exactement le même que celui mis en oeuvre à l'époque. C'est sur cette prémisse que nous nous sommes fondés.
    L'an passé, pendant environ huit mois, nous avons fourni des avis sur ce que devait contenir un contrat de mariage. Il y a eu des discussions, des échanges de points de vue, des sujets sur lesquels nous nous entendions et d'autres sur lesquels nous ne nous entendions pas, notamment certaines clauses concernant le divorce. Quoi qu'il en soit, quand nous avons dit disposer de suffisamment d'éléments pour aller de l'avant, nous avons remis notre travail à un rédacteur juridique, qui a préparé le texte final et l'a remis à la Cour suprême, qui l'a accepté.
    Nous nous fondions sur la prémisse voulant que le même processus s'applique, mais évidemment...

  (1230)  

    Les choses ont un peu dérapé.
     Vous avez mentionné la loi à venir sur la tutelle, la loi plus étendue sur la famille visant la majorité sunnite, et la loi sur l'élimination de la violence contre les femmes. Allez-vous participer à cela?
    Oui, et on a déjà commencé. Pour ce qui est de la loi relative à la communauté sunnite, on devrait avoir terminé les discussions sur les échanges de documents et la rédaction d'un premier projet vers le milieu de 2009. Le plan auquel on travaille va faire en sorte que ce projet de loi devienne public, fasse l'objet de débats au sein de la société et soit ensuite déposé devant le Parlement. Les parlementaires décideront alors ce que décident habituellement les parlementaires.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Glover. Je suis sûr que, en tant qu'ancienne policière, vous avez trouvé ces témoignages très intéressants.
    Tout à fait. Merci, monsieur le président, de me permettre de poser des questions ici aujourd'hui.

[Français]

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Beauregard ainsi qu'aux autres témoins.

[Traduction]

    Je tiens à vous expliquer pourquoi je suis là aujourd'hui.
    Je veux prendre un moment pour remercier mes collègues qui m'ont permis en fait d'être là. Je ne suis pas membre de ce comité en tant que tel, mais je suis mère de cinq enfants et je milite également pour les victimes et pour les femmes.
    Cela fait maintenant 18 ans et demi que je suis policière. J'ai pris un congé pour siéger à la Chambre des communes.
    J'ai consacré une bonne partie de ma carrière à me battre ici au Canada contre le genre de traitement dont nous parlons ici relativement à ce qui se passe en Afghanistan. Je tiens également à ce que vous sachiez — j'ai travaillé pendant quatre ans et demi comme détective au sein de l'unité de lutte contre les sévices faits aux enfants — qu'il y a aussi des atrocités qui sont commises au Canada contre lesquelles nous devons nous battre. Il est toutefois absolument essentiel que nous poursuivions notre travail par votre entremise, et je vous félicite pour ce que vous faites en Afghanistan.
    J'ai aussi travaillé au Service de police de Winnipeg avec un confrère qui s'appelle Ray Arnal. Son fils a été le tout premier soldat de Winnipeg à revenir de l'Afghanistan dans un cercueil. Je tiens donc à lui rendre hommage aujourd'hui.
    Cela dit, je suis très préoccupée. J'aimerais savoir, pour faire suite à ce que disait M. Bachand, combien de femmes faisaient partie du comité. Pourriez-vous également, quand vous nous remettrez les renseignements demandés, nous dire combien il y avait de femmes parmi les 15 personnes dont vous avez parlé? Vous avez dit qu'elles étaient la « majorité », mais j'aimerais savoir exactement combien il y en avait.
    Huit membres sur quinze.
    Huit de ces quinze personnes sont des femmes.
    Vous dites à la page 5 de votre exposé que Droits et Démocratie a facilité la participation d'Afghans et de représentants de la société civile. Combien d'intervenants étaient des femmes? Il s'agit de personnes qui ont participé à la rédaction de la loi originale, mais la majorité des éléments progressistes proposés n'ont pas été retenus. Combien d'intervenants étaient des femmes?
    On me fournit à l'instant ces chiffres. Le comité était formé de 18 personnes dont 11 étaient des femmes.
    Ça c'était le comité de rédaction!
    Oui, il s'agit du comité de rédaction.
    Onze des dix-huit membres sont des femmes.
    C'est exact.
    Combien de femmes le comité original comptait-il?
    Parlez-vous du comité sur le contrat de mariage ou...
    Je parle du comité qui s'est penché sur la Loi sur le statut personnel chiite.
    C'est le comité dont je parle. C'est ce comité composé de 18 personnes.
    C'est le comité qui procède à la révision.
    C'est le même comité.
    Ainsi, le comité qui n'a pas su faire retenir ses propositions dans la loi adoptée est celui qui est chargé de procéder à la révision de cette loi!
    C'est exact.
    Ainsi, il n'y a pas du tout de nouveaux éléments.
    Ce comité va proposer les mêmes choses qu'il avait proposé la première fois.
    Et pour cela, il faudra deux à trois mois!
    Si j'ai bien saisi, le ministre de la Justice doit négocier ces modifications avec le Conseil Ulema qui est composé d'ecclésiastiques chiites. C'est probablement ce qui prendra le plus de temps.
    Ce n'est pas la façon dont on a procédé la première fois. Pourquoi changer la façon de faire les choses?
    On avait dans une certaine mesure procédé de la même façon, parce que nous avons participé au processus, mais il semblerait qu'il y avait deux versions. La première était celle proposée par le comité de rédaction, puis il y avait celle proposée par le Conseil Ulema. En fait, à un certain moment nous discutions des diverses versions du même article.
    On a retenu la version du Conseil Ulema, à l'exception de 10 articles, 10 articles sur 250 — qui ont été retenus de notre proposition.
    Vous nous dites donc que des mesures seront adoptées afin d'assurer que ce qui s'est passé la première fois ne se répétera pas.
    Nous avons reçu l'engagement du président et du ministre de la Justice qui nous ont assuré que la nouvelle loi respectera deux grands thèmes. Le premier est le concept de l'égalité, qui fait partie de la constitution de l'Afghanistan. Le deuxième, ce sont les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, texte que l'Afghanistan a été le premier pays musulman à ratifier, sans réserve quelconque. Ce sont les engagements qui ont été pris, et nous supposons qu'ils seront respectés.

  (1235)  

    Très bien. Merci.
    Je m'excuse, mais je ne dispose que de cinq minutes.
    Au lieu de me concentrer sur les théories des complots, je peux vous dire qu'au Parlement canadien — et je n'en fais partie que depuis 2008 —, nous avons également beaucoup de surprises, comme des partis qui s'opposent à nos propres lois sur la traite de personnes qui visent à protéger les hommes et les femmes au Canada.
    Écartons donc les théories des complots, parce je veux savoir quelles mesures de sécurité nous prenons pour protéger les femmes au sein de la famille des hommes qui ont rédigé cette loi sur le statut personnel. Quelles mesures de sécurité prenons-nous de façon proactive pour mettre ces femmes à l'abri de toute forme de représailles.
    Dans six provinces — et nous espérons bientôt pouvoir le faire dans les 34 provinces —, nous collaborons avec des cliniques d'aide juridique qui offrent des services aux femmes dont les droits sont violés.
    Oui, mais ce sont des mesures réactives. Avons-nous des programmes de rayonnement, agissons-nous de façon proactive?
    Nous nous tournons également vers les organisations de la société civile. Nous présentons des rapports radio. Nous avons formé environ 1 000 personnes, qui deviennent formateurs également, pour faire la promotion de ces questions. Mais c'est un processus à long terme; les choses ne changeront pas du jour au lendemain.
    J'ai rencontré la ministre responsable des questions féminines la veille de mon départ, et elle m'a dit qu'une fois que la loi serait adoptée, ils devraient faire en sorte qu'il existe des tribunaux de la famille dans toutes les provinces, que les gens qui travaillent à ces tribunaux aient la formation nécessaire pour bien appliquer la loi, et que l'on fasse la promotion et l'explication de cette mesure législative. Il faudra également s'assurer que la population est d'accord avec la loi parce que même si l'on désire que cette mesure législative reflète ces divers engagements, il faut comprendre qu'ils vont à l'encontre de certaines traditions. Les choses doivent changer. Évidemment il faudra un bon moment pour qu'on y parvienne. Il y a encore des hommes et des ecclésiastiques en Afghanistan qui croient que les femmes font partie du cheptel de leur mari.
    Je sais, et je remercie le bon Dieu de vivre dans le meilleur pays du monde, le Canada.
    Je m'inquiète, tout particulièrement en raison de mon expérience dans les forces de l'ordre, et en raison de mes connaissances personnelles, des mesures de représailles auxquelles les policières de l'Afghanistan sont exposées. Une policière très bien connue en Afghanistan est décédée. Je me pose des questions sur les mesures de sécurité que nous prenons, pas simplement celles que vous avez décrites en réaction à certaines situations, mais de façon préventive pour protéger ces femmes.
    Faisons-nous enquête lorsque les policiers qui étudient ces dossiers nous disent que des femmes sont victimes de mesures de représailles en raison de ce qui s'est passé, comme le cas où 300 femmes ont manifesté pour dire que ce qui était fait n'était pas acceptable? Attendons-nous simplement qu'elles viennent nous demander de l'aide, ou essayons-nous de les retrouver pour les aider?
    Une brève réponse si vous voulez bien! Il ne reste plus de temps.
    Allez-y.
    Je demanderai à Razmik de répondre à cette question.
    Je serai bref. Le processus de rédaction de la loi est une partie importante de notre projet, mais ce n'est qu'un volet parmi tant d'autres. Le projet comporte également un élément proactif; en effet, nous rencontrons les collectivités dans les provinces où nous travaillons, nous collaborons avec les leaders communautaires, que ce soit en matière de sécurité... Nous collaborons avec les leaders religieux, les mollahs, nous les formons pour les sensibiliser aux questions qui touchent les droits des femmes. Ainsi, au cours des deux dernières années, nous avons assuré la formation de près de 14 000 personnes à l'égard des droits des femmes dans leurs propres collectivités, et ce dans un pays où l'État est faible et la police n'est pas présente partout. Ce genre de formation est très important, pour que les leaders communautaires, principalement des hommes — des leaders religieux, des mollahs —, comprennent bien le concept général des droits des femmes. C'est un élément très important du projet. Clairement, la réunion d'aujourd'hui porte sur la rédaction de la loi sur la famille, mais c'est un élément du projet sur lequel nous nous penchons également.
    Merci, madame Glover.
    Nous passons maintenant à M. Harris qui sera notre dernier intervenant aujourd'hui.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier de vos exposés. Je dois dire que moi aussi j'admire beaucoup votre organisme et le travail que vous avez fait depuis votre création pour faire la promotion des droits de la personne et de la démocratie dans toutes les régions du monde.
    Je suis très heureux d'entendre parler du travail que vous faites pour que les organisations en Afghanistan puissent se charger elles-mêmes de la défense des droits de la personne et des droits des femmes. Je crois que très clairement, c'est là un sujet très important. Il faut que ce projet soit le leur, puisque c'est leur pays. Cependant, comme nombre d'autres personnes, je suis très inquiet du processus et de la façon dont les choses se déroulent. C'est bien d'aider les intervenants à appliquer les dispositions des lois sur la famille et de créer des tribunaux, mais si les lois mêmes sont des mesures d'oppression ou répression, elles font alors partie du problème.
    Vous avez indiqué que vous étiez satisfait de la façon dont les choses avaient été faites en ce qui a trait à la Loi sur le contrat de mariage, et j'aimerais qu'on en discute un peu, si vous le voulez bien. Ce comité, si je ne me trompe pas, est le comité de rédaction. Nous parlons du même comité. Vous avez signalé dans vos commentaires liminaires que ce comité était en fait un groupe de discussion où l'on discutait des propositions qui seraient présentées au Parlement afghan. Puis il y a l'intervention de la Cour suprême. Est-ce que c'est la façon dont les choses se font?
    Je sais qu'on en est venu à un compromis en ce qui a trait au contrat de mariage, mais qu'il n'y avait pas unanimité au sein des membres du comité de rédaction. Le document a été envoyé à la Cour suprême, car il fallait s'assurer qu'il respectait la constitution afghane, puis envoyé au Parlement. Est-ce bien la façon dont les choses ont été faites?

  (1240)  

    À l'époque, le groupe de travail… Nous parlons aujourd'hui du comité de rédaction. À l'époque c'était le groupe de travail, il était composé des mêmes personnes. Il y avait eu des négociations sur le texte du contrat de mariage.
    D'après les rapports que j'ai eus, les questions qui suscitaient la plus vive controverse portaient sur le divorce contractuel, mais les membres de ce groupe avaient fini par s'entendre. Ils ont alors présenté le texte à la Cour suprême afin de s'assurer qu'elle serait disposée à appuyer ce texte — le contrat de mariage. La Cour suprême l'a accepté, et ce contrat de mariage est maintenant un instrument législatif national.
    Mais par la suite, ils se sont adressés au Parlement...
    Le texte a probablement été renvoyé au Parlement pour y être adopté, mais je me souviens que l'élément le plus important, c'était de s'assurer que la Cour suprême était prête à accepter et à appuyer le texte. La Cour suprême comptait d'ailleurs un représentant du sein du comité.
    Il me semble que tout cela touche l'opinion du tribunal. Ici, la cour se prononce sur l'acceptabilité de la loi ou sa conformité avec la Constitution. Vous dites que vous ne savez pas si le Parlement s'était penché sur ce texte.
    Ce n'est pas ce qu'on me dit. Le contrat de mariage n'était pas une loi. C'est simplement un document juridique qui a été approuvé par la Cour suprême.
    Il fallait donc déterminer si la Cour suprême ferait appliquer les dispositions de ce contrat.
    De toute façon, le contrat est aujourd'hui utilisé à l'échelle nationale et en fait, certains leaders religieux en font la promotion.
    Très bien. Alors c'est un peu différent. Vous aviez supposé que c'était le même processus, mais j'en déduis que vous aviez pensé qu'à un moment donné, le Parlement se pencherait sur la proposition n'est-ce pas?
    Oui, évidemment. On jugeait qu'une fois que le ministre de la Justice jugeait que tout ce qui devait être fait avait été fait pour mettre en application la Loi sur le statut personnel chiite et que l'on avait respecté tous les critères établis en ce qui a trait à la correspondance avec la Constitution et les conventions sur les droits des femmes, on ferait parvenir l'ébauche du texte définitif au Parlement. Il y aurait un débat ouvert et public au Parlement et au sein de la société, comme on le fait ici lorsqu'un projet de loi est déposé au Parlement. On se disait que ceux qui le voulaient pourraient comparaître devant les comités. Ce n'est pas du tout ce qui s'est produit.
    Vous dites donc que... disons la version des mollahs ou des ecclésiastiques de la loi chiite sur la famille est celle qui a été adoptée sans faire l'objet d'un débat, et que seulement quelques modifications — je crois que c'est 10 — ont été apportées à ce texte. Je vois que certaines dispositions très détaillées portent sur les rapports entre les parents et leurs enfants, les femmes et les hommes et les grands-parents, les personnes qui souffrent de troubles mentaux et des choses du genre au sein de la famille. Je ne sais pas si cela avait déjà été codifié auparavant. Le savez-vous? Pouvez-vous nous dire s'il y avait eu codification de ces dispositions auparavant?
    Il y a une loi sunnite sur la famille. C'est une loi qui a été révisée. Je crois que la dernière révision remonte à 1977, mais elle est fondée sur la jurisprudence sunnite. Lors des négociations sur la constitution, la minorité chiite avait demandé sa propre loi, parce qu'actuellement, elle doit respecter le droit familial sunnite.
    Lorsque cette proposition a été mise de l'avant et que votre organisation a commencé à participer au processus, n'avez-vous pas vu que ce document pouvait susciter une vive controverse et était en fait une bombe à retardement politique, à votre avis et de l'avis de la collectivité internationale, compte tenu, surtout, du rôle que jouaient les gouvernements occidentaux en Afghanistan? En étiez-vous conscients?

  (1245)  

    Le comité de rédaction savait que les ecclésiastiques proposaient que certains articles litigieux soient intégrés à la loi. C'est pourquoi ils proposaient leur propre version de la loi de sorte qu'elle soit conforme à la shari'a et au principe de l'Islam tout en respectant les droits des femmes. Ainsi le comité de rédaction a en quelque sorte participé à un processus de négociation. Nous leur accordions la même confiance qu'au groupe de travail qui s'est penché sur le contrat de mariage.
    Personne ne s'attendait à ce que soudainement, la version proposée par le Conseil Ulema soit la version retenue par le président.
    Lorsque la version du conseil a été présentée, vous n'avez pas signalé à qui que ce soit que cela pourrait créer d'importants problèmes politiques?
    À l'époque, le comité de rédaction négociait avec d'autres intervenants de la société. On jugeait que les choses se déroulaient assez bien et qu'il n'était pas nécessaire de manifester publiquement ces préoccupations. Il faut comprendre que cette initiative a été proposée par les Afghans. Nous leur avons offert notre appui, mais il s'agissait de leur propre loi. J'ai demandé au comité si les membres s'inquiétaient de la situation. Ils m'ont répondu qu'ils avaient certaines préoccupations, mais qu'ils proposaient des modifications et qu'ils en discutaient. Le processus était ouvert. Soudainement, le processus n'existait plus et ils n'ont pas eu l'occasion de proposer quoi que ce soit d'autre.
    Ils ont eux aussi été désagréablement surpris.
    C'est exact.
    Pensez-vous que cette nouvelle version, peu importe le libellé, sera présentée au gouvernement afghan avant d'être promulguée?
    Le président et le ministre de la Justice nous ont promis que la nouvelle version devra respecter tous les engagements pris par le pays, que le processus sera ouvert et transparent, et que tout ne sera pas décidé en un clin d'œil. Il y aura plusieurs réunions et discussions sur le sujet. Ces échanges ont déjà eu lieu, et le ministre de la Justice a rencontré à plusieurs reprises des représentants de la société civile. C'est sur ce dossier que nous nous penchons actuellement.
    Mais ce n'est pas vraiment ce que j'ai demandé. Je vous ai demandé si vous êtes passablement certain que ce texte sera présenté au Parlement afghan avant d'être promulgué?
    Je m'excuse, nous n'avons plus de temps.
    Monsieur le président, le témoin peut seulement répondre oui ou non. Je vous demande de le laisser répondre à ma question.
    Pouvez-vous répondre oui ou non s'il vous plaît?
    Nous avons reçu l'engagement que le texte sera présenté au Parlement.
    Voilà votre réponse.
    Messieurs, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de rencontrer le comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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