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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 018 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 décembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. C’est la 18e réunion du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan.
    Nous accueillons aujourd’hui, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Colleen Swords, sous-ministre déléguée. Je vous souhaite la bienvenue.
    Du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous avons Douglas Scott Proudfoot, directeur du Groupe de travail sur le Soudan. Bonjour, monsieur.
    Du Service correctionnel du Canada, nous avons Linda Garwood-Filbert, gestionnaire, Évaluation et intervention.
    Je ne dispose, dans ma documentation, que d’une seule déclaration préliminaire, qui nous vient de Mme Garwood-Filbert. Est-ce que les deux autres témoins comptent présenter un exposé préliminaire?
    Savez-vous combien de temps il vous faudra pour le présenter?
    Si je vais vite, ce sera environ 10 minutes. Plus lentement, il me faudra 12 minutes.
    Je vous prie d’aller vite.
    Monsieur?
    Savez-vous quelle est la longueur du vôtre, madame Filbert?
    Les membres du comité ont besoin d’être au courant parce que cela détermine combien de tours de questions et réponses nous aurons et combien de questions ils peuvent poser. Nous ferons autant de tours que possible.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Comme d’habitude, nous donnerons aux témoins le temps de présenter leur déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions. Comme j’ai en main la version écrite de la vôtre, madame Garwood-Filbert, voulez-vous commencer tout de suite?
    Je vous remercie.
    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Je dirai, pour commencer, que je m’appelle Linda Garwood-Filbert. Je suis actuellement agente de projets spéciaux à l’Établissement de Stony Mountain. Mon travail consiste à effectuer des recherches et à rédiger des réponses pour le commissaire, le sous-commissaire, le directeur du pénitencier et l’enquêteur correctionnel, à établir des ordres de convocation pour des enquêtes et des plans d’action pour des enquêtes locales et nationales. Je travaille pour la fonction publique du Canada depuis 30 ans, dont 28 dans le domaine des services correctionnels, au Canada comme à l’étranger.
    A la fin de 2006, j’ai été choisie pour occuper le nouveau poste de directrice de la composante correctionnelle de l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar. Ce poste a été créé pour renforcer le portefeuille de la primauté du droit, car il n’y avait pas d’expertise en matière correctionnelle à Kandahar. Cette composante a permis d’accroître les efforts déjà entrepris dans le domaine de la reforme de la justice et des services policiers et d’envisager d’une manière globale les réformes dans le secteur judiciaire. J’ai fait partie de l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar du 5 février au 22 décembre 2007.
    Par la suite, du 2 janvier 2008 au 2 janvier 2009, j’ai travaillé pour l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime en Afghanistan, à titre de coordonnatrice internationale de la réforme des prisons. Mes principales fonctions consistaient à élaborer et à appliquer les nouveaux règlements sur les prisons, à terminer et à mettre en œuvre le processus de réforme et de restructuration prioritaire, l’infrastructure pénitentiaire dans l’ensemble de l’Afghanistan, la formation et l’encadrement du personnel des prisons et l’élaboration de programmes d’éducation et de formation professionnelle, en plus de mettre l’accent sur l’éducation et les possibilités offertes aux femmes et aux jeunes filles détenues après leur mise en liberté. Au total, j’ai passé deux ans à visiter et à surveiller le système carcéral de l’Afghanistan.
    Mes principales fonctions à titre de directrice de la composante correctionnelle étaient les suivantes: établir une présence correctionnelle au sein de l’EPRK; évaluer les problèmes d’infrastructure, surtout à la prison de Sarposa, mais aussi à la Direction nationale de la sécurité et, dans une moindre mesure, au Centre de détention du quartier général de la Police nationale afghane; acquérir des connaissances approfondies sur le Service central des prisons, en particulier sur les besoins en formation et en mentorat du personnel correctionnel; et, enfin, établir des relations de travail avec les intervenants des secteurs de la justice et du gouvernement de l’Afghanistan à Kandahar, tout en établissant des liens correspondants avec le conseiller correctionnel de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et les ministères pertinents à Kaboul.
    Ces liens devaient nous aider à étendre le pouvoir actuel du ministère de la Justice et du Service central des prisons dans la province de Kandahar, et à influer ainsi sur la réforme du secteur de la justice. Le groupe de travail sur les prisons à Kaboul disposerait également ainsi d’un forum où des questions propres à Kandahar seraient examinées à l’échelle nationale.
    J’ai non seulement travaillé de concert avec les Forces canadiennes, le MAECI et la police civile, mais j’ai pu aussi collaborer étroitement avec le Comité international de la Croix-Rouge, la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan, les ONG et d’autres conseillers correctionnels des Nations Unies, des États-Unis, de la Norvège et du Royaume-Uni. J’ai surtout pu travailler étroitement avec le directeur de la prison de Sarposa, son équipe de gestion et des représentants du gouvernement de l’Afghanistan.
    II en a résulté une proposition de programme présentée par l’entremise du Fonds pour la paix et la sécurité mondiales, qui portait sur l’amélioration des infrastructures, la formation du personnel, l’éducation et la formation professionnelle des détenus, les conditions de détention et les soins de santé offerts aux détenus, en particulier la problématique homme-femme et les besoins des enfants, et ce, conformément aux normes internationales des droits de l’homme pour les détenus.
    Nous avons commencé à effectuer des visites dans les prisons dès le 13 février 2007, bien avant la conclusion de l’accord supplémentaire de mai 2007 entre les gouvernements du Canada et de l’Afghanistan, qui a défini de manière explicite nos droits en matière de surveillance. Pendant cette période, nous avons effectué 13 visites à la prison de Sarposa et deux visites à la Direction nationale de la sécurité. Après la conclusion de l’accord, nous avons effectué 20 visites supplémentaires à la prison de Sarposa et dix autres à la Direction nationale de la sécurité avant mon départ fin décembre.

  (1540)  

    Autrement dit, pendant la seule année 2007, nous avons visité la prison de Sarposa à 33 reprises, la Direction nationale de la sécurité, 12 fois, et le Centre de détention de la Police nationale afghane, à 2 occasions, soit au total 47 visites. II s’agissait généralement de visites inopinées. Dans l’ensemble, je peux affirmer sans trop m’avancer que le Service correctionnel avait en général un accès libre et inconditionnel à la prison de Sarposa, à la Direction nationale de la sécurité et au quartier général de la Police nationale afghane.
    J’ai parlé à des détenus tout au long de ma mission; il s’agissait dans bien des cas d’entretiens informels. Au cours des visites, nous avons eu des discussions et des entretiens de nature générale avec des prisonniers, des détenus et des défenseurs des détenus pour connaître leurs points de vue au sujet des conditions de détention et du traitement des détenus dans le système carcéral. En général, les plaintes portaient sur la nourriture, les conditions de vie, l’accès aux visites familiales et les soins médicaux. Ce sont également les plaintes habituelles des détenus au Canada.
    Mon rôle particulier consistait à évaluer le traitement des détenus par rapport à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies et à indiquer à l’administration les améliorations à apporter. Je cherchais habituellement des signes de blessures ou de détresse attribuables à l’utilisation de fers et je donnais suite aux plaintes d’ordre médical portées à mon attention.
    Toutefois, en plus de jouer ce rôle, j’ai participé au processus plus officiel de la surveillance des détenus. Au cours de ces entrevues de contrôle tenues avec les détenus à la prison de Sarposa et à la Direction nationale de la sécurité, on nous a toujours fourni, à mon collègue du MAECI et à moi, un bureau ou un local où nous pouvions parler en privé avec les détenus. Pendant ces visites, le SCC a observé environ 26 entrevues avec des détenus. Certains ont raconté ce qu’ils avaient entendu, ce qu’on leur avait dit ou ce qui leur était arrivé personnellement, et dans la mesure du possible j’ai essayé de prouver le bien-fondé de leurs allégations. Même si j’ai pris soin de les examiner, je n’ai trouvé aucun signe physique de violence pour corroborer leurs affirmations. Au cours de toutes mes visites et entrevues auprès de ces détenus, je n’ai personnellement jamais observé de signes de violence physique ou de torture chez ces détenus. Tous ceux qui savaient qu’ils avaient été capturés par les Forces canadiennes ont dit du bien du traitement qui leur avait été réservé, y compris les soins médicaux donnés lorsqu’ils en avaient eu besoin.
    Néanmoins, en avril 2007, j’ai signalé à la CIDPA et au CICR les allégations de deux détenus au sujet des mauvais traitements qu’ils auraient subis. Par la suite, j’ai consigné toutes les autres allégations et observations dans mes rapports.
    En particulier, il y a eu un cas où un détenu avait été informé par d’autres de corrections administrées, un autre cas où un détenu a dit qu’il croyait avoir entendu un autre détenu se faire battre dans la cellule voisine et six cas où des détenus ont indiqué qu’ils avaient été battus, dont deux qui ont dit qu’ils avaient été battus par la Police nationale afghane avant leur transfèrement à la Direction nationale de la sécurité. Enfin, au cours d’une visite à la Direction nationale de la sécurité, le 19 novembre 2007, j’ai pris connaissance de commentaires concernant la découverte d’un bout de câble électrique tressé dans le bureau du directeur des enquêtes pendant la visite du 5 novembre 2007. Le rapport du MAECI à ce sujet a mené à la révocation du directeur.
    Les seuls traitements observables que j’ai notés aux deux endroits et qui allaient à l’encontre de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies — ces observations ne s’appliquent pas spécifiquement à des détenus transférés par le Canada — étaient les suivants: utilisation constante de chaînes pour entraver les détenus de la sécurité nationale; à la Direction nationale de la sécurité, refus d’autoriser les exercices en plein air, détention des enfants avec des adultes et, à une occasion, recours à la privation de lumière; et, à la prison de Sarposa, détention arbitraire de détenus après la date de leur mise en liberté. Dans chacun de ces cas, j’ai parlé immédiatement au gardien et au directeur de la prison, et j’ai signalé ces incidents au conseiller correctionnel de la MANUA, au MAECI et au Service correctionnel pour qu’on établisse des plans d’action afin de résoudre le problème.
    Au début, nous recevions également des appels de la CIDPA, qui nous informait que la Direction ne permettait pas à ses représentants d’entrer dans l’établissement, et nous servions de médiateurs. La situation s’est toutefois améliorée avec le temps. Le spécialiste des droits de l’homme des Nations Unies avait aussi indiqué que même s’il avait accès à la prison de Sarposa et au Centre de détention de la Police nationale afghane, il n’avait pas eu de succès auprès de la Direction nationale de la sécurité.

  (1545)  

    Je devrais également signaler qu’à quelques occasions, on nous a refusé l’accès à certaines zones des établissements, par exemple lorsqu’on était en train de transférer des détenus. Toutefois, d’après mon expérience, ces cas étaient justifiés et n’étaient pas inhabituels.
    Pendant mon séjour en Afghanistan, j’ai constaté une amélioration des conditions générales à la prison de Sarposa. Je pense, par exemple, à l’installation d’une nouvelle fosse septique, à des médicaments pour la clinique, à la construction de quatre nouvelles tours de surveillance périphérique, à l’éclairage solaire, à des métiers à tisser et à un nouvel atelier de menuiserie, à un centre de formation sur place et à la formation de base des agents, pour ne nommer que ceux-là.
    Les responsables de l’administration pénitentiaire avec qui j’ai travaillé étaient généralement réceptifs et acceptaient volontiers de collaborer avec nous pour aider à améliorer les conditions en milieu carcéral. Pendant que je travaillais pour les Nations Unies, j’ai aussi eu la possibilité de visiter des prisons dans d’autres régions du pays. Par comparaison et à la suite d’investissements considérables du Canada, la prison de Sarposa à Kandahar était considérée comme celle qui offrait les meilleures conditions de détention dans tout le pays.
    En conclusion, pendant mon séjour en Afghanistan, j’ai été impressionnée par le travail qu’on y accomplit pour faire respecter les droits et les normes qui doivent s’appliquer aux prisonniers et aux détenus. J’ai vu que les membres du personnel correctionnel au Service central des prisons s’efforçaient sincèrement d’apprendre et d’observer le mieux possible les normes internationales. Leur acceptation de mon ministère et la coopération dont ils ont fait preuve ont permis de préparer le terrain pour assurer la réforme du secteur de la justice et faire régner la primauté du droit à Kandahar.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Proudfoot.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai en mesure de répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

[Traduction]

    Je m’appelle Scott Proudfoot. Je suis actuellement directeur du groupe de travail sur le Soudan du ministère des Affaires étrangères, poste que j’occupe depuis août 2007. À ce titre, je suis responsable de la coordination de l’action pangouvernementale du Canada au Soudan et je dirige la politique étrangère canadienne dans ce pays.
    Avant d’assumer ces fonctions, j’étais directeur des Politiques et de la défense des intérêts au Groupe de travail sur l’Afghanistan jusqu’en juillet 2007. J’ai commencé à m’occuper de l’Afghanistan en août 2006 lorsque le groupe de travail, connu sous l’acronyme FTAG, a été créé. J’en ai été le premier directeur.
    Le groupe de travail a été établi notamment pour regrouper diverses fonctions liées à l’Afghanistan qui étaient auparavant éparpillées dans le ministère. Elles comprenaient la formulation des politiques et l’engagement diplomatique, les opérations bilatérales et les communications publiques. Jusqu’à ce que le groupe de travail soit renforcé et réorganisé début 2007, d’autres directions avaient la responsabilité d’un certain nombre de dossiers. Les questions qui échappaient au contrôle du groupe de travail comprenaient le déploiement de civils, la conception et l’exécution des programmes, la lutte antidrogue et la question des détenus, dont la responsabilité incombait surtout à la Direction générale de la sécurité internationale du MAECI jusqu’à l’été 2007.
    Même si je ne m’occupais pas directement de la question des détenus à ce moment, je me souviens d’avoir vu des rapports sur le sujet au cours de l’automne 2006. J’ai eu l’occasion de relire ces rapports depuis. Ils n’indiquaient pas que les détenus transférés par les Forces canadiennes étaient maltraités. Les rapports étaient essentiellement administratifs et signalaient un certain nombre de lacunes dans la mise en œuvre des ententes en place régissant le transfert des détenus aux autorités afghanes.
    Je me souviens également du fait que le MAECI et la Défense nationale avaient pris des mesures pour remédier à ces lacunes et améliorer les modalités établies.
    Toutefois, on s’est rendu compte dans les premiers mois de 2007 que des mesures supplémentaires étaient nécessaires pour minimiser le risque que les détenus transférés par les Forces canadiennes soient maltraités. Cela se fondait sur des rapports et des recommandations venant du personnel sur le terrain et d’autres sources, y compris des renseignements concernant le contexte général des droits de la personne.
    Par conséquent, le Canada a élargi et officialisé ses relations avec la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan pendant l’hiver et le printemps 2007, renforçant ses activités de programme afin de créer des capacités afghanes de surveillance, d’améliorer les conditions dans les prisons locales et de mettre en place un plan d’urgence diplomatique à mettre en œuvre en cas d’allégations de mauvais traitements subis par les détenus transférés par le Canada. Le plan a été mis en vigueur lorsqu’il y a eu de telles allégations en avril 2007.
    En mars et avril 2007, j’ai eu à m’occuper davantage de la question des détenus, de concert avec beaucoup d’autres représentants du MAECI et d’autres ministères. J’ai contribué à l’élaboration de l’accord supplémentaire conclu avec le gouvernement afghan le 3 mai 2007. Comme vous le savez, aux termes de cet accord, le Canada a obtenu des droits renforcés d’accès aux établissements de détention auxquels les Forces canadiennes avaient transféré des détenus, afin qu’il soit possible de contrôler leurs conditions de détention.
    Je serai maintenant heureux de répondre à toute question que vous voudrez me poser.
    Je vous remercie.

  (1550)  

    Merci, monsieur Proudfoot.
    J’ai chez moi un bon ami qui s’appelle également Proudfoot. Je m’en souviendrai la prochaine fois. Merci.
    Madame Swords.
    Merci, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître aujourd’hui pour vous présenter mon point de vue sur la question des détenus transférés par le Canada en Afghanistan. J’espère que mes observations permettront d’éclaircir trois points.
    Premièrement, d’importants efforts ont été déployés pendant toute la période où je me suis occupée de ce dossier afin d’empêcher que les détenus transférés par le Canada soient maltraités. Deuxièmement, nous avons actuellement en place un système de suivi et de surveillance des détenus transférés par le Canada qui est aussi rigoureux que celui de n’importe lequel de nos alliés de l’OTAN. Troisièmement, je me suis toujours attendue à des rapports objectifs de la part du personnel sur le terrain et j’ai toujours bien accueilli ces rapports.
    Permettez-moi d’abord de situer quelque peu le contexte. En septembre 2006, après avoir passé un an comme ambassadrice du Canada aux Pays-Bas, j’ai été invitée à rentrer à Ottawa pour assumer les fonctions de sous-ministre adjointe à la sécurité internationale et de directrice politique du G8. Ma direction générale comptait quelque 300 employés et avait une vaste gamme de responsabilités, y compris les questions de paix et de sécurité, le désarmement et la non-prolifération, le contre-terrorisme, la gestion des situations d’urgence occasionnées par des catastrophes naturelles, la sécurité des missions à l’étranger et la gestion d’un budget de 250 millions de dollars attribué à trois programmes différents, dont celui des projets du secteur de la sécurité en Afghanistan.
    Une entreprise telle que la mission en Afghanistan est, par nature, multidimensionnelle. Dans ma direction générale, trois directions s’occupaient de différents aspects du dossier. La direction responsable de la liaison avec le MDN assurait la direction fonctionnelle du dossier. Une autre direction était chargée des politiques humanitaires et des relations avec le Comité international de la Croix-Rouge. La troisième gérait la composante civile de notre opération de paix à Kandahar. Bien entendu, nous avions également recours aux experts en droit humanitaire de la Direction générale des affaires juridiques du ministère.
    À mon arrivée, il y avait également au MAECI un groupe de travail relativement petit sur l’Afghanistan, que dirigeait mon collègue sous-ministre adjoint du Secteur géographique et dont relevait l’ambassade à Kaboul. Pendant tout l’automne 2006, j’ai coordonné l’équipe interne du MAECI chargée de la question des détenus et me suis occupée personnellement des dossiers qui nécessitaient l’attention d’un responsable au niveau de sous-ministre adjoint. Lorsque David Mulroney a été affecté au MAECI fin février 2007, il m’a demandé d’assurer la coordination des activités du groupe de travail interministériel sur les détenus, afin de donner une certaine cohérence à notre politique et de préparer les mesures supplémentaires plus détaillées qu’il y avait lieu de prendre.
    En avril 2007, l’ampleur de la tâche a mené à la création, au MAECI, d’un groupe de travail sur l’Afghanistan doté de ressources beaucoup plus importantes relevant de David Mulroney. Par suite de cette évolution organisationnelle, lorsque les autres responsabilités liées au G8 sont devenues plus pressantes fin mai et début juin 2007, le groupe de travail a assumé le principal rôle de coordination dans le dossier des détenus.
    La politique du Canada relativement aux transferts des détenus afghans s’est toujours inspirée d’une perception sincère de l’importance de deux principes fondamentaux: d’abord, la souveraineté de l’Afghanistan et la responsabilité du pays en matière de droits de la personne; ensuite, les valeurs canadiennes, y compris le respect du droit humanitaire et, plus généralement, des droits de la personne. Il n’a pas été facile de concilier ces deux principes et de les transposer dans des mesures concrètes, compte tenu du contexte de sécurité très difficile et du niveau de développement très faible en Afghanistan. D’importants efforts étaient déployés pendant toute la période où je me suis activement occupée de ce dossier pour remédier à toutes les lacunes qu’on découvrait et pour déterminer les mesures supplémentaires à prendre afin de réduire le risque que les détenus transférés par le Canada ne soient maltraités. J’aimerais présenter quelques exemples pertinents.
    Dans le cadre des préparatifs d’une visite que devait effectuer à Ottawa le président du Comité international de la Croix-Rouge fin septembre 2006, j’ai assisté à une séance d’information au cours de laquelle j’ai appris qu’il y avait eu plus tôt des difficultés liées à des retards dans la notification des transferts. Je crois que cela fait l’objet du rapport de mai 2006 de M. Colvin. Comme le protocole d’entente de décembre 2005 accordait au CICR le droit de visiter les détenus à tout moment, c’était une question importante, dont nous nous sommes occupés rapidement. Des instructions ont été envoyées sur le terrain dans la semaine pour préciser les mesures que nous prenions et désigner un point de contact unique pour le CICR à Kandahar afin d’assurer des notifications rapides. Des réunions ont eu lieu à Ottawa et à Genève en juin 2006, par suite desquelles nous avons modifié nos procédures. Nous avons essentiellement commencé à téléphoner au CICR pour le mettre au courant de façon informelle avant de l’informer officiellement par écrit au moyen d’une note qui était remise en mains propres au bureau du CICR à Kandahar. En même temps, l’administration centrale du MAECI a continué à envoyer des notifications officielles au siège du CICR à Genève. Toute difficulté particulière qui était signalée au sujet des notifications était immédiatement portée à l’attention des responsables.

  (1555)  

    À mon arrivée en septembre 2006, l’orientation politique que nous avions était conforme au protocole d’entente de décembre 2005. Aux termes du protocole, les autorités afghanes étaient responsables des détenus confiés à leur garde et de la tenue de dossiers. L’entente mentionnait également l’important rôle joué, en matière de traitement des détenus, par les experts internationaux en affaires humanitaires, le Comité international de la Croix-Rouge et la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan, organisme qui a le mandat constitutionnel de promouvoir les droits de la personne.
    Nous avions également élaboré une stratégie visant à établir des contacts étroits avec le gouvernement de l’Afghanistan au sujet de sa propre responsabilité de protection des droits de la personne sur le territoire afghan. Cette stratégie comprenait le renforcement des capacités dans le secteur de la justice et des services correctionnels parce que nos opérations précédentes de soutien de la paix nous avaient appris qu’un bon système de justice, de police, de détention et de prisons constitue, pour un pays, le fondement de la primauté du droit et du respect des droits de la personne.
    C’est ainsi qu’en octobre 2006, le MAECI a reçu un rapport, qu’il avait commandé au Service correctionnel du Canada, sur les capacités correctionnelles et de détention dans la province de Kandahar. Le rapport était le résultat d’une mission d’évaluation des prisons de Kandahar. Il recommandait de la formation et du mentorat ainsi que l’amélioration de certains éléments d’infrastructure. Cela a mené au déploiement à Kandahar de deux agents du Service correctionnel du Canada, qui étaient financés par le programme du Secteur de la sécurité du MAECI. Nous avons entendu aujourd’hui le témoignage de Mme Garwood-Filbert.
    En février, mars et avril, ces deux agents, de concert avec quelques autres collègues de l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar, ont fait un grand nombre de visites dans trois établissements de détention de la province. Je dois préciser qu’à ce stade, ils ne s’occupaient pas particulièrement des prisonniers transférés par le Canada, mais ils ont eu l’occasion d’observer eux-mêmes les conditions dans les prisons afghanes et d’entreprendre des mesures initiales d’aide dans les domaines de l’infrastructure et de la formation.
    J’avais une autre tâche prioritaire à l’automne 2006: obtenir le renouvellement du financement dont nous avions besoin pour les projets du Secteur de la sécurité, y compris ceux du domaine de la justice et des services correctionnels. Notre ambassadeur à Kaboul et d’autres Canadiens affectés en Afghanistan insistaient régulièrement auprès des autorités afghanes sur l’importance du respect des droits de la personne et des normes internationales. Compte tenu du rôle du Canada dans le pays, les autorités afghanes, même aux niveaux les plus élevés, se sont montrées très réceptives face à nos démarches. Elles comprenaient parfaitement l’importance que nous attachons à cette question. Nous étions persuadés que leurs assurances et leurs efforts témoignaient d’un engagement authentique envers leurs obligations internationales.
    Lorsque nous avons été informés, à un moment donné, que la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan avait de la difficulté à accéder à certains établissements de détention, nous avons soulevé la question auprès des autorités afghanes et avons immédiatement obtenu gain de cause.
    En février 2007, un échange de lettres a officiellement établi que la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan informerait le Canada si elle avait connaissance de mauvais traitements infligés à des prisonniers transférés par le Canada. Les deux agents du Service correctionnel étaient arrivés sur place. Un groupe de travail interministériel poursuivait ses travaux, examinant les options à court, moyen et long terme en vue d'un engagement plus actif dans ce dossier.
    En avril 2007, nous avons élaboré, après des consultations interministérielles aussi étendues que soigneuses, un plan d’urgence détaillé à mettre en œuvre en cas d’allégations concernant de mauvais traitements infligés à des prisonniers transférés par le Canada. Nous n’étions alors au courant d’aucune allégation de ce genre, mais nous voulions être certains d’être en mesure de réagir, le cas échéant, pour réduire le risque de voir se reproduire les mêmes situations.
    Le groupe interministériel a également examiné ce dont nous aurions besoin si nous établissions notre propre régime de surveillance. L’examen comprenait des discussions avec nos alliés de l’OTAN, le CICR, la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan et le gouvernement afghan. Nous avons considéré d’importantes questions pratiques, comme les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de nos employés, la formation des membres de notre personnel que nous chargerions de la surveillance, un meilleur outil de suivi, des modèles normalisés de rapports et des procédures normalisées de fonctionnement. Nous étions déterminés non seulement à annoncer que nous commencerions à exercer une surveillance, mais aussi à trouver les moyens de bien le faire.

  (1600)  

    Pour résumer, des efforts constants et de nombreuses réactions venant du personnel sur le terrain et de l’administration centrale du ministère ont tous contribué à la conclusion du protocole d’entente révisé de mai 2007 sur les transferts. Le Canada a donc mis en place un processus de transfert et de surveillance qui est plus rigoureux que celui de n’importe lequel de nos alliés de l’OTAN qui, je dois le souligner, transfèrent également des prisonniers aux autorités afghanes.
    Je voudrais répondre brièvement à certaines observations formulées par Richard Colvin dans son témoignage devant le comité. Il a avancé des arguments valides au sujet de la complexité de la tâche et du manque de ressources civiles dans nos premiers temps en Afghanistan. Les agents du MAECI, comme Richard et tous les civils qui servent en Afghanistan et dont certains s’occupent de surveillance dans les prisons afghanes, travaillent dans un environnement où ils risquent leur vie, comme la famille de Glyn Berry ne le sait que trop bien.
    Richard a également indiqué que j’ai appelé à un moment donné pour suggérer de ne plus mettre des choses par écrit. En réalité, j’appelais pour lui donner l’assurance que l’administration centrale travaillait sur certaines possibilités et pour l’encourager à transmettre ce qu’il était le mieux placé pour nous offrir, à savoir des rapports étayés et précis au sujet de ce qui se passait sur le terrain. Je l’ai encouragé à m’appeler s'il souhaitait discuter de suggestions ou de préoccupations relatives à notre politique. Je voulais qu’il comprenne quelle contribution il était le mieux placé pour faire sur le terrain, dans le contexte du travail qui se poursuivait à l’administration centrale. Comme il a envoyé quelques rapports plus précis par la suite, je suppose que j’avais réussi à lui faire comprendre ce dont nous avions besoin sur le terrain.
    La confidentialité est essentielle pour permettre au Comité international de la Croix-Rouge de s’acquitter de sa mission humanitaire, mais je tiens à rappeler au comité ce qu’avait dit le chef du CICR en public à Ottawa au début d’octobre 2006. Je cite:
Je n’ai pas de raison de craindre que le Canada ne fasse pas de son mieux. Je suis sûr que les Canadiens nous avertiront. De plus, je suis persuadé qu’ils feront leur possible pour s’assurer que les personnes remises au système afghan seront convenablement traitées.
    Je crois que nous l’avons fait.

[Français]

    En conclusion, la question du traitement des détenus dans le contexte d'une mission complexe de stabilisation et de contre-insurrection comme celle menée en Afghanistan est probablement la question la plus difficile à laquelle je me sois attaquée durant mes 29 années de service dans la fonction publique.
     Toute option imaginable a des défis qui lui sont inhérents. La leçon que j'ai retenue au cours de l'évolution de ce dossier est l'importance de mettre au point une réponse multidimensionnelle. Lorsque nous essayons de renforcer les capacités d'un pays qui sort d'une période de conflit ayant duré des décennies et qui se trouve aux échelons les plus bas de l'indice du développement humain, la voie vers le respect des droits de la personne est longue, mais nous devons commencer quelque part et continuer encore plus ardemment.

[Traduction]

    Je tiens également à donner au comité l’assurance que chacune des personnes à qui nous avons eu affaire, tant au MDN que dans les ministères civils qui participent à la mission canadienne en Afghanistan, a toujours fait de son mieux tant pour minimiser les risques pour les prisonniers transférés par le Canada que pour améliorer d’une façon générale le secteur de la justice et des services correctionnels en Afghanistan.
    Je vous remercie.

  (1605)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons tout de suite entreprendre notre premier tour à sept minutes. À vous, monsieur Dosanjh.
    Je vous remercie.
    Mes questions s’adressent à Mme Garwood-Filbert.
    Je vais être très précis, et j’espère que vos réponses le seront autant, madame.
    Je vais vous montrer trois documents. Le premier est marqué 1. Il y a ensuite la partie 1(a), puis les documents 2 et 3. Je vais vous les faire passer, si quelqu’un veut bien les prendre.
    Madame, vous avez maintenant les documents. Vous avez en main les feuilles 1 et 1a. Elles ont comme sujet FW: KANDH-0039.
    Mes questions sont les mêmes pour les trois documents. Tout d’abord, étiez-vous présente au cours des visites à Sarposa mentionnées dans ces documents? Deuxièmement, avez-vous rédigé le document ou avez-vous été consultée au sujet de sa rédaction? Troisièmement, s’agissait-il de détenus transférés par le Canada? Je vous signale qu’il semble bien que ce soit le cas. Quatrièmement, est-ce que chacun de ces documents fait état d’allégations précises de torture à l’endroit de ces détenus? En soi, oui, ce sont des allégations, mais elles sont très précises.
    Ce sont donc les quatre questions que je veux poser.
    Permettez-moi de passer en revue la première question. Si vous regardez le document 1, vous noterez qu’il mentionne quelque part que vous étiez présente. Au sommet de la page 2, on peut lire que Fairchild, Garwood-Filbert et d’autres ont effectué une visite de suivi. Au bas de la première page, on peut lire: « Nous informerons MINA dans une note distincte. » Je demanderai peut-être plus tard à Colleen Swords de nous dire si cela a effectivement été transmis au cabinet du ministre.
    À la page 3 du document 1, on peut lire: « Nombre de prisonniers transférés par le Canada qui étaient présents ». « Nature de l’interaction avec les prisonniers transférés par le Canada: Entrevue privée d’environ 20 minutes avec chaque prisonnier ». « Interaction avec d’autres prisonniers...: Aucune ». Je dirai donc que toute l’interaction mentionnée s’est faite avec des prisonniers transférés par le Canada.
    À la page suivante, qui ne porte aucune désignation... Il y a un 2 au sommet. Vers le milieu de la page, au quatrième paragraphe, on peut lire: « Un prisonnier... a soutenu avoir été “fouetté avec des câbles électriques avec un bandeau sur les yeux” à une occasion au cours de son... à l’établissement de la DNS à Kandahar. » Il y a également quelque chose au sujet des soins médicaux: « ... nous a demandé cependant de taire son nom pour éviter des répercussions possibles. » C’est le premier document.
    Le document 1a en fait aussi partie, mais figure sur un autre formulaire caviardé. Le document 1a révèle que le document 1 a été rédigé le 4 juin 2007, si vous regardez à la page 2. On peut lire au sommet 5 juin 2007. Je suppose donc que le document 1 a été écrit le 4 ou le 5 juin 2007.
    Si vous passez au document 2, madame, vous verrez qu’il a pour sujet KANDH0138. On peut y lire: « Nombre de prisonniers transférés par le Canada qui étaient présents: [caviardé] ». « Nombre de prisonniers transférés par le Canada vus par les fonctionnaires en visite: [caviardé] ». « Nature de l’interaction avec les prisonniers transférés par le Canada ». La réponse, c’est: « ... entrevue privée avec [caviardé] prisonniers ». « Interaction avec d’autres prisonniers...: Néant ». Par conséquent, ce rapport aussi traite de prisonniers transférés par le Canada.
    Dans le dernier tiers de la seconde page, on peut lire que cet homme a reçu une ou deux gifles sur le visage.
    À la page suivante, marquée 3 en bas, on peut lire, dans le premier tiers de la page: « Il affirme qu’il a été interrogé [caviardé] fois pendant qu’il était à la DNS... et qu’il a été battu à [caviardé] de ces occasions. Il soutient que les interrogatoires ont été dirigés par [caviardé] ». « ... chaque interrogatoire a duré entre deux et quatre heures. Il a affirmé qu’il a été battu plusieurs fois avec un câble et qu’on lui a dit qu’il serait [caviardé]. Il a prétendu que [caviardé] ». Voilà pour ce document, madame.
    J’aimerais savoir si vous avez écrit ces textes ou avez été consultée au sujet de leur rédaction.
    Le troisième document est marqué 3. Les questions sont les mêmes.

  (1610)  

    Madame, vous verrez, au sommet de la page 2: « Nombre de prisonniers transférés par le Canada qui étaient présents [caviardé]: [caviardé] il y a des prisonniers transférés par le Canada qui purgent des peines d’emprisonnement dans l’établissement ». « Nombre de prisonniers transférés par le Canada vus par les fonctionnaires en visite: [caviardé] ». Ensuite: « Interaction avec d’autres prisonniers...: Néant ».
    Je suppose donc qu’il s’agissait encore de prisonniers transférés par le Canada. À la page 3, dans le premier tiers, on peut lire: « [Caviardé] est venu à la DNS, mais ne l’a pas vu en personne. [Caviardé] l’a vu à la DNS. » Et, plus loin: « Il a également utilisé les mots... torture. » On l’avait empêché de dormir « pendant [caviardé] jours ». De plus, « il a été sévèrement battu, mais il ne savait pas avec quoi parce qu’il avait les yeux bandés. Quand on lui a demandé ce qui avait été utilisé, il a dit que c’était un câble ou un fil électrique et a montré son flanc et ses fesses. Par torture, il voulait dire qu’il avait été enfermé à la DNS [caviardé] et maintenu à l’état de veille. Quand on lui a demandé pourquoi il n’avait pas donné ces renseignements auparavant, il a dit qu’il ne nous faisait pas confiance parce que nous l’avions remis à la DNS. »
    Madame, je voudrais vous demander de répondre aux questions que je vous ai posées au début au sujet de ces documents.
    Je regrette, madame, vous avez moins d’une minute pour répondre.
    Tout d’abord, ce ne sont pas mes rapports. Ce sont des rapports du MAECI.
    Je regrette, vous avez écrit un des rapports.
    Non, monsieur, pas dans ce format. J’ai bien rédigé des rapports que j’ai présentés au MAECI, mais le MAECI rédigeait aussi ses propres rapports.
    Madame, il est dit ici...
    Je n’ai pas présenté mes rapports dans ce format parce que je n’ai pas accès à ce genre de technologie.
    J’ajouterai cependant que tous ces documents me semblent familiers. J’étais présente, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, à toutes les entrevues avec les prisonniers et notamment les prisonniers transférés par les Forces canadiennes. J’étais donc présente. Je suis au courant de ces observations. De plus, les dates coïncident avec celles dont je me souviens.
    Je regrette, mais votre temps de parole est écoulé.
    Nous allons maintenant passer à M. Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je partagerai le temps dont je dispose avec ma collègue Mme Lalonde.
     Mes questions s'adresseront à Mme Garwood-Filbert.
     Madame Garwood-Filbert, étiez-vous la seule agente correctionnelle avec l'Équipe de reconstruction provinciale?

[Traduction]

    Allez-y.
    Non, nous étions deux agents correctionnels sur le terrain. Un autre agent m’accompagnait jusqu’à la fin juillet 2007. Toutefois, à partir de là, j’ai été la seule agente sur le terrain.

[Français]

    M. Colvin nous a dit que certains prisonniers n'étaient pas du tout des talibans et que la plupart étaient innocents. Je crois avoir lu dans vos rapports que certains détenus étaient âgés de moins de 18 ans.
    Pouvez-vous me le confirmer?

[Traduction]

    Je n’ai vu aucun des rapports de M. Colvin parce que je n’y avais pas accès et que je n’étais pas en rapport avec lui. Si vous voulez parler des prisonniers, oui, il y a dans les prisons afghanes des détenus juvéniles. C’est donc vrai. Pour ce qui est des enfants, il est arrivé de temps en temps qu’ils soient pris par des militaires. Nous nous sommes donc occupés de ces questions. Nous avons essayé de garder les enfants à l’écart des adultes, ce qui constitue un droit fondamental de la personne. Quand nous étions informés de telles situations, nous nous efforcions de maintenir ces détenus à l’écart des prisonniers adultes.

[Français]

    J'ai quelques questions brèves à vous poser et j'aimerais que vous répondiez brièvement également, car je veux céder la parole à ma collègue.
    Lorsque vous constatiez des choses incorrectes, en parliez-vous avec les officiers de l'Équipe de reconstruction provinciale? Aviez-vous une façon de superviser la détention? Assuriez-vous un suivi et aviez-vous les registres nécessaires pour le faire? J'aimerais savoir si vous avez subi des pressions de la part du gouvernement pour révéler le moins de choses possible, ici ou à la commission des plaintes. Quelqu'un vous a-t-il, non pas menacée, mais mise en garde sérieusement contre ce que vous alliez dire ici aujourd'hui?

  (1615)  

[Traduction]

    Je répondrai d’abord à votre dernière question parce qu’elle traite d’événements récents qui sont frais dans ma mémoire.
    Je n’ai été soumise à aucune espèce de pression. J’ai présenté un compte rendu complet de ce que j’ai personnellement observé au cours des entrevues. J’ai eu la possibilité de faire figurer toutes mes observations dans mes rapports. Aujourd’hui, j’ai présenté ma déclaration préliminaire en toute liberté et sans la moindre restriction.
    Compte tenu du nombre de visites que nous avons effectuées, nous avons toujours eu la possibilité de suivre les événements, comme dans le cas de l’utilisation d’entraves, de l’exercice en plein air et des choses du même genre. Nous encouragions le personnel des différents centres de détention à s’occuper de ces questions. Si le problème était dû au manque d’équipement, nous faisions de notre mieux pour fournir le matériel nécessaire. Si les membres du personnel ne comprenaient pas les règles à appliquer en prison ou les normes internationales, nous nous efforcions de les aider.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Allez-y.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais débuter en posant deux questions à M. Proudfoot.
    Selon les notes que j'ai prises, vous dites qu'au début de 2007, vous êtes devenu de plus en plus conscient que des améliorations étaient nécessaires. Vous dites, un peu plus loin, qu'aux mois de mars et avril 2007, vous avez contribué à l'amélioration de l'entente.
    Puis-je vous demander quelles sont les améliorations qui étaient nécessaires selon vous, et pourquoi? Pouvez-vous nous dire quelles améliorations ont été apportées?
    Certainement.
    Deux sortes d'améliorations ont eu lieu en 2007. D'abord, nous avons intensifié et formalisé la relation entre le gouvernement du Canada et la Commission des droits de la personne de l'Afghanistan. Nous avons envoyé à Kandahar des agents du service correctionnel. À l'époque, c'était surtout pour améliorer les conditions ou la capacité du système correctionnel afghan. On a élaboré un contingency plan, au cas où on recevrait des informations concernant des abus sur des détenus.
    Avez-vous entendu souvent qu'il y avait eu des abus?
    On a reçu la première information à cet égard en avril 2007.
    Finalement, pour répondre à votre question, c'est l'accord supplémentaire du 3 mai qui a beaucoup changé, sur plusieurs plans, la capacité canadienne d'assurer...
    Qu'est-ce qui était le plus important, pour vous, dans cette amélioration?
    D'abord, l'accord de 2007, en comparaison avec celui de 2005, spécifie que les agents canadiens auront accès aux détenus et qu'ils feront un suivi. Par exemple, les détenus transférés par les Forces canadiennes doivent être dans des endroits spécifiés pour faciliter ce suivi.
    S'agit-il du suivi de l'article 7 qui ordonnait...?
    Oui, exactement, c'est dans l'article 7.

[Traduction]

    Je vous remercie. Il faudra y revenir plus tard.
    C’est maintenant au tour du gouvernement pour sept minutes
    Monsieur MacKenzie.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les témoins pour leur présence au comité aujourd’hui. Nous étudions un sujet extrêmement important.
    Madame Garwood-Filbert, à la page 5 de votre déclaration préliminaire, vous mentionnez le cas d’un détenu qui avait été informé par d’autres que des détenus avaient été battus, etc. Vous dites ensuite que six autres vous ont dit qu’ils ont eux-mêmes été battus, y compris deux qui ont affirmé avoir été battus par la... Pouvez-vous me dire s’il s’agissait de prisonniers transférés par le Canada?

  (1620)  

    Dans ma déclaration, quand je disais « prisonnier », c’était pour indiquer qu’il ne s’agissait pas de détenus pris par des militaires. Dans ce contexte, il pourrait s’agir de personnes qui nous ont approchés au cours de l’une de nos visites pour nous donner ces renseignements. Il y a eu un incident de ce genre en avril quand nous avons été abordés par des prisonniers à la DNS. Il y a aussi le cas que vous mentionnez, avec des allégations concernant la Police nationale afghane.
    Il importe de savoir que la Direction nationale de la sécurité... Ce ne sont pas toujours des détenus pris par les militaires. Il peut s’agir de prisonniers dont le crime était lié à la sécurité ou à l’intégrité du gouvernement afghan. Il peut s’agir de personnes arrêtées pour enlèvement, blanchiment d’argent, contrefaçon ou pour un crime qui a retenu l’attention. Le fait que ces gens se trouvaient dans un établissement de sécurité nationale n’impliquait pas nécessairement qu’il s’agissait de détenus pris par les militaires.
    Ainsi, les six détenus que vous avez mentionnés n’étaient pas des prisonniers transférés par le Canada?
    Ces six détenus avaient effectivement été transférés par le Canada. Ils étaient identifiés sur notre liste d’entrevues. Quand nous leur avons parlé, ils ont fait ces allégations. Toutefois, il ne s’agit que d’allégations. Ce sont des observations qui ont été formulées. Nous avons essayé d’obtenir une confirmation de leurs dires, mais nous n’avons pas réussi à le faire.
    D’accord.
    Je crois que vous avez dit que vous avez effectué 47 visites.
    Oui, monsieur.
    Cela fait beaucoup de visites, tout le monde en conviendra. Serait-il exact de dire que les agents du Service correctionnel du Canada qui ont été envoyés en Afghanistan, vous comprise, ont reçu une formation leur permettant de déceler les abus et la torture?
    Je n’ai pas suivi cette formation particulière. Toutefois, j’ai passé 28 ans dans des établissements pénitentiaires. J’ai vu toutes sortes de blessures et de traumatismes découlant de d’incidents de violence en prison ou de violence domestique. En général, dans ce genre d’entrevue, si quelqu’un fait une allégation, nous lui demandons s’il a reçu des soins médicaux et s’il a gardé des traces ou des cicatrices. Les détenus que j’ai interrogés n’ont pas pu nous donner des preuves concrètes.
    Voulez-vous dire qu’au cours de vos 47 visites, vous n’avez jamais vu des preuves physiques de torture?
    C’est exact, monsieur.
    Et vous n'en avez vu sur aucun prisonnier au cours de cette période?
    C’est exact.
    Je crois qu’il est juste de dire — je pense que la plupart des Canadiens le comprendront — que les établissements afghans ne sont pas très semblables à ce que nous avons au Canada et qu’il serait faux de supposer qu’on peut vraiment établir une analogie entre les deux.
    Au cours de votre séjour en Afghanistan, avez-vous pu constater des améliorations attribuables aux efforts du Canada, à de gens comme vous et aux investissements que nous avons faits?
    Absolument. Grâce au travail et à la planification que nous avons faits, de concert avec le MAECI et le Fonds pour la paix et la sécurité mondiales, il a été possible d’installer une nouvelle fosse sceptique, ce qui a eu des effets sur la santé et la sécurité des détenus et du personnel qui vivait sur place. Nous avons pu donner de la formation et fournir du matériel, des uniformes, des véhicules, des tours de surveillance, un éclairage solaire, etc. Les améliorations étaient telles que les évaluations de l’infrastructure réalisées par la suite ont établi que Sarposa était l’une des meilleures prisons de l’Afghanistan. C’est directement attribuable au travail que nous avons fait.
    Au cours de ces visites dans les prisons... Y avait-il des femmes détenues dans les prisons afghanes?
    Je ne peux pas parler de cette question en public, monsieur.
    D’accord.
    L’un des autres changements qu’il nous a été possible ou non de constater concerne les soins médicaux donnés aux prisonniers en Afghanistan. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?

  (1625)  

    Les prisonniers blessés au combat étaient toujours soignés à l’établissement de détention de l’aérodrome de Kandahar. Ensuite, il nous incombe, à titre de conseillers en matière de services correctionnels, de nous assurer que des médecins faisaient des visites régulières dans les prisons et donnaient des soins chaque fois qu’un problème médical était porté à notre attention. De plus, nous avons pu, grâce à des fonds canadiens, réapprovisionner à deux reprises la clinique de Sarposa pour être en mesure de donner aux prisonniers les soins et médicaments dont ils avaient besoin.
    J’aimerais revenir un peu en arrière. Vous avez dit que les prisonniers de ces établissements n’avaient pas nécessairement été transférés par les militaires.
    À la DNS, oui, il ne s’agissait pas strictement de détenus pris par les militaires. Il pouvait y avoir des gens accusés de crimes ayant beaucoup retenu d’attention.
    D’accord. Les détenus n’avaient pas tous étés transférés par le Canada. Il pouvait très bien y avoir d’autres plaintes. Seriez-vous intervenue dans ce cas aussi? Auriez-vous au moins eu une entrevue avec ces gens?
    Vous devez comprendre que le dossier des détenus n’était qu’une petite partie du travail que j’avais à faire là-bas. Mon rôle consistait à m’occuper de tous les prisonniers et de toutes leurs plaintes, qui pouvaient provenir d’endroits relevant de différents organismes, dont la DNS, la Police nationale afghane, qui relevait du ministère de l’Intérieur, et la prison de Sarposa qui relevait du ministère de la Justice. J’avais affaire à tous ces organismes et à tous les prisonniers, aussi bien s'ils avaient été condamnés que s'ils attendaient de passer en jugement.
    Je vous remercie.
    Nous avons parfaitement respecté l’horaire.
    Allez-y, monsieur Dewar. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également nos témoins.
    Je voudrais commencer par Mme Swords, après quoi j’aurais des questions à poser à M. Proudfoot, puis à Mme Garwood-Filbert.
    Madame Swords, dans votre témoignage devant la Cour fédérale, dont j’ai ici un compte rendu, vous avez dit qu’il y avait eu des difficultés dans le suivi ou la surveillance des détenus, en ce qui concerne l’établissement dans lequel ils se trouvaient. Dans votre témoignage, vous avez dit:
Nous savons que le gouvernement afghan a différents établissements relevant de la police, de l’armée ou de la DNS. Comme nous ne savons pas exactement à quel établissement les détenus transférés ont été envoyés, il serait logique d’essayer, à l’avenir, de limiter le nombre des établissements dans lesquels ils aboutissent.
    Êtes-vous toujours du même avis?
    Ce témoignage est antérieur à la signature du protocole d’entente du 3 mai 2007. Par la suite, nous avions établi un mécanisme de suivi assez rigoureux pour commencer...
    Non, j’essayais simplement de préciser les préoccupations que vous aviez à ce moment.
    À ce moment...
    Ils partaient et vous ne pouviez plus les suivre. Ils étaient envoyés à différents endroits.
    À ce moment, nous avions découvert que le gouvernement afghan ne tenait pas très bien ses dossiers. En fait, l’une des choses que nous faisions était de renforcer leurs capacités dans le domaine de la tenue des dossiers.
    Monsieur Proudfoot, dans votre témoignage, vous aviez exprimé le même point de vue. Devant la Cour fédérale, on vous a demandé: « Savons-nous maintenant où les détenus des Forces canadiennes sont gardés? » Vous avez répondu: « Nous avons approché le gouvernement de l’Afghanistan afin de déterminer où se trouvaient tous les détenus transférés. Je ne sais pas si une réponse a été reçue. »
    L’avocat vous a alors demandé: « Ainsi, vous ne savez pas si l’Afghanistan a réussi à localiser tous les détenus? ». Vous avez dit: « Je ne sais pas. »
    L’avocat a demandé: « Une fois que l’Afghanistan aura fourni les renseignements, est-ce qu’ils aboutiront à un moment donné sur votre bureau? » Votre réponse: « Probablement pas. » Question: « Pourquoi? ». Votre réponse: « Les rapports sur cette question ont une diffusion très restreinte... »
    Tout cela est très bien, mais votre témoignage est-il le même que celui de Mme Swords, en ce sens que vous aviez des préoccupations au sujet des arrangements qui étaient encore en place à ce moment parce qu’il était difficile de localiser les prisonniers transférés?
    L’une des améliorations apportées par l’entente de mai 2007 — j’y ai fait allusion dans ma réponse à Mme Lalonde, il y a quelques instants —, c’est que l’article 7 prévoit qu’à l’avenir, le gouvernement afghan garderait les prisonniers transférés par les Forces canadiennes dans un nombre limité d’établissements. Cela avait pour but de faciliter notre suivi et notre surveillance de ces détenus. En sachant qu’ils se trouvaient dans un nombre limité d’établissements, il nous était plus facile d’y aller pour les retrouver et faire les suivis nécessaires.

  (1630)  

    J’ai devant moi un document datant du 17 mai 2007, juste après la conclusion de l’entente. Venant de Kerry Buck, ce document dit essentiellement: « L’équipe a examiné le registre des détenus transférés le 1er février pour déterminer où ils se trouvaient. Le processus est vraiment laborieux. L’équipe est d’avis qu’il n’est pas infaillible... les normes de tenue de dossiers. Tous les détenus transférés par le Canada depuis le 1er février ont été soit mis en liberté soit envoyés à d’autres établissements. Les responsables canadiens ne savent pas où et sont donc incapables d’avoir des entrevues avec ces détenus. L’équipe recommandera qu’une aide supplémentaire soit... »
    Cela confirme ce que vous avez dit.
    Madame Garwood-Filbert, j’ai un document qui vous concerne. Vous avez mentionné, dans votre déclaration préliminaire, que vous aviez des préoccupations au sujet du traitement des prisonniers. Vous en avez fait état. Quand vous parlez de normes internationales, est-il exact de dire que ces normes — je dois dire que je pense plutôt au droit international — ne permettent pas de garder un prisonnier dans les fers 24 heures sur 24?
    En fait, les normes de l’ONU permettent d’utiliser des entraves. Ce qu’elles ne permettent pas, c’est leur utilisation à titre de punition. Elles ne permettent pas non plus l’utilisation de chaînes et de barres de métal droites. À cause de problèmes de matériel, lorsque nous avons essayé de remédier à la situation pendant que j’étais sur place, nous nous sommes aperçu que les deux établissements n’avaient rien d’autre que des chaînes. C’est la raison pour laquelle cela a été mentionné comme incident, car les normes de l’ONU interdisent l’utilisation des chaînes.
    Vous avez également noté le fait que les prisonniers étaient enchaînés à leur départ de la DNS et qu’ils sont restés enchaînés. Quand on a demandé au gardien de leur retirer les chaînes, il n’a pas réussi à trouver la clé. Cela fait partie de votre témoignage. La question vous a évidemment préoccupée à l’époque, comme elle m’aurait préoccupé aussi.
    La question est de savoir s’ils avaient les pieds entravés au moment en cause, ce qui serait conforme aux normes de l’ONU. Ces normes admettent l’utilisation des chaînes pendant un transfert, leur objet étant alors d’empêcher la fuite des détenus. Les chaînes sont également tolérées si elles visent à empêcher un détenu de s’infliger lui-même des blessures. Si les entraves sont utilisées pendant une longue période, il faut qu’il y ait une surveillance. C’est pour cette raison qu’à chacune de mes visites, je m’assurais de l’absence de signes de détresse ou...
    Vous l’avez déjà dit. Toutefois, cela se produisait à cause des méthodes utilisées par les Afghans.
    Vous avez aussi mentionné que, dans votre demande d’équipement, vous aviez prévu des bottes neuves. On a dit — cela a déjà été mentionné en public — que pour des raisons de santé et de sécurité, votre personnel... Vous dites que vous marchiez « sur du sang et des matières fécales aussi bien en patrouille qu’en prison ». Il était donc clair que les conditions de la prison avaient besoin d’être améliorées.
    Je voudrais demander ceci à M. Proudfoot. Vous avez mentionné — et cela est absolument critique pour se rendre compte de ce qui s’est passé pendant une quinzaine de mois — au sujet des rapports produits par la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan qu’il était à craindre que les gens ne soient pas en mesure d’accéder aux renseignements ou alors qu’ils ne s’en prévalaient pas. Lorsqu’ils ont comparu devant le comité, les généraux ont dit qu’avant la mise à jour du protocole d’entente, ils n’avaient pas à s’occuper des détenus après leur transfert. Nous avons maintenant établi qu’il était impossible de les localiser à cause de l’entente. Ce que nous savons, c’est que la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan ainsi que la Croix-Rouge faisaient état d’inquiétudes au sujet de la torture. En fait, elles en ont beaucoup parlé.
    Avez-vous lu l’un quelconque de ces rapports?
    Je vous prie de répondre brièvement, monsieur Proudfoot.
    Quels rapports?
    Ceux de la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan.
    Je suis au courant des rapports de la CIDPA.
    Mais vous ne les aviez pas lus?
    Je ne suis pas sûr de savoir de quels rapports vous parlez?
    Les rapports de 2006.
    Je ne peux pas vous dire, à trois ans de distance, quels rapports particuliers j’ai lus. Toutefois, je suis au courant...
    Vous avez dit, dans votre témoignage, que vous ne les aviez pas lus. Je vais donc supposer que c’était exact.
    Alors, je suppose que c’est le cas.
    Et pourquoi?
    Je vous remercie. Cela me met fin à notre premier tour.
    Nous allons commencer du côté du gouvernement. Cinq minutes.

  (1635)  

    Merci, monsieur le président.
    Madame Garwood-Filbert, vous avez mentionné que vous avez des années d’expérience — 28 ans, je crois — dans le système correctionnel. Pouvons-nous supposer que vous avez passé 28 ans à entendre des allégations d’abus et que vous connaissez bien ce genre d’environnement?
    Oui, nous recevons habituellement de nombreuses plaintes des détenus ou des prisonniers. Certaines des plaintes sont intéressées et d’autres doivent être confirmées. La plupart sont infondées, mais il arrive, dans certains cas, qu’elles soient malheureusement fondées.
    Je vous prie de répondre le plus brièvement possible.
    Pour ce qui est du sang et des matières fécales, j’ai déjà été à l’établissement à sécurité maximum d’Edmonton. J’y ai vu du sang et des matières fécales. À votre connaissance, est-ce inhabituel dans les prisons canadiennes?
    Je crois qu’il y a un malentendu. Lorsque nous avons parlé de ces conditions et de la nécessité de porter des bottes, nous voulions donner une idée de l’état de délabrement avancé des égouts et de la fosse septique. Nous devions marcher au milieu d’excréments mêlés de sang. Beaucoup de gens étaient atteints de maladies pulmonaires et crachaient du sang. C’est dans ce contexte que nous en avions parlé. Cela n’avait rien à voir avec des sévices quelconques subis par les prisonniers. C’était vraiment une question de santé et de sécurité pour nous, pour le personnel de la prison et pour les détenus.
    Pouvez-vous me dire si, oui ou non, vous avez jamais eu affaire à des allégations d’abus qui ont été confirmées?
    Pas à ma connaissance, pas pendant que j’étais là.
    Jamais?
    Non, monsieur.
    Merci beaucoup.
    Vous avez parlé de l’utilisation de chaînes et des moments où il était nécessaire d’entraver les prisonniers pour des motifs opérationnels.
    Oui, monsieur.
    Vous avez dit, je crois, que cela était attribuable à un manque d’équipement et que nous avons remédié à ces lacunes. Est-ce exact?
    Lorsque j’ai cessé de m’occuper de cette partie de ma mission, nous étions en train d’étudier les moyens d’obtenir du matériel adéquat.
    Madame Swords, je ne sais pas si vous pouvez répondre à ma question en tout ou en partie, mais, en ce qui concerne le Comité international de la Croix-Rouge et son mode opératoire, il me semble que si le CICR s’inquiétait sérieusement de torture et de choses de ce genre, il n’en aurait pas parlé à quelqu’un du niveau de M. Colvin, il aurait plutôt transmis ces préoccupations à un niveau beaucoup plus élevé, peut-être directement à l’État. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire du mode opératoire du CICR.
    Je peux répondre à votre question. Le Comité international de la Croix-Rouge a une politique très ferme. S’il a des préoccupations, il les transmet au gouvernement qui détient les personnes en cause. S’il s’inquiète du sort des détenus que nous gardons à l’aérodrome de Kandahar jusqu’à leur transfert, il en discutera avec le Canada. S’il a des doutes sur le traitement des détenus après leur transfert, il s’adresse aux autorités afghanes. Il est absolument critique pour le CICR de maintenir le caractère confidentiel de ses communications. Autrement, il perdrait ses contacts. La Croix-Rouge s’inquiète beaucoup quand des gouvernements diffusent trop largement un dialogue privé entre le CICR et des autorités qui détiennent des gens.
    Je comprends. Si la Croix-Rouge avait des préoccupations quelconques au sujet de mesures prises par le Canada, en aurait-elle parlé à quelqu’un du niveau de M. Colvin, ou bien aurait-elle fait part de son inquiétude à des gens beaucoup plus hauts placés?
    Je peux dire que nous avons régulièrement des réunions avec de hauts fonctionnaires du Comité international de la Croix-Rouge à Genève et à Washington. Je ne crois pas qu’il convienne de faire des commentaires sur ce qu’ils nous ont dit. J'ai cité les propos tenus par M. Kellenberger en 2006 parce qu’il avait alors parlé en public.
    Je vous remercie.
    Monsieur Proudfoot, si vous ou vos collègues aviez des appréhensions au sujet de la torture possible d’Afghans transférés par les Forces canadiennes, à qui en auriez-vous parlé? À qui l’auriez-vous signalé?
    Nous n’avons pas reçu de renseignements permettant de croire que des détenus transférés par le Canada avaient été maltraités avant avril 2007. Par la suite, nous avons reçu de telles allégations et les avons portées à l’attention des hauts fonctionnaires et des ministres.
    Est-ce que quelqu’un a jamais fait état devant vous de preuves concrètes de torture sur une personne transférée par les Forces canadiennes?
    J’ai vu des rapports en avril et quelques autres en juin qui mentionnaient des allégations faites par des détenus transférés par le Canada, qui affirmaient avoir été maltraités.

  (1640)  

    Vous n’êtes probablement pas au courant, mais, à votre connaissance, y avait-il dans ces allégations des faits établis?
    Je ne sais pas si les allégations étaient fondées.
    Merci, monsieur Hawn.
    À vous, monsieur Wilfert.
    Monsieur le président, j’ai juste une question à poser à Mme Garwood-Filbert.
    J’essaie de concilier deux déclarations. Vous avez fait la première devant le comité aujourd’hui. Vous avez dit:
... pendant mon séjour en Afghanistan, j’ai été impressionnée par le travail qu’on y accomplit pour faire respecter les droits et les normes qui doivent s’appliquer aux prisonniers et aux détenus. J’ai vu que les membres du personnel correctionnel au Service central des prisons s’efforçaient sincèrement d’apprendre et d’observer le mieux possible les normes internationales.
    Je voudrais aussi citer ce que vous avez dit au cours d’une interview que vous avez donnée à CTV, dont le Globe and Mail a donné un compte rendu le 27 avril 2007:
« Aucun travail important n’a été fait dans les prisons », avait dit Mme Garwood-Filbert à ce moment, ajoutant qu’il n’était que trop facile pour les autorités canadiennes et afghanes d’oublier les prisonniers après les avoir jetés en prison. « Loin des yeux, nous n’y pensons plus. Nous sommes simplement heureux qu’ils soient en prison. » Les allégations de torture dans les prisons afghanes ne la surprendraient pas.
    Vous aviez dit cela dans votre interview aux informations de CTV à cette date.
    La politique consistant à oublier les prisonniers après les avoir jetés en prison semble s’être maintenue à Ottawa jusqu’au 5 novembre 2007. Ce sont mes paroles.
    Pouvez-vous concilier ces deux déclarations? Celle que vous avez faite en avril et celle d’aujourd’hui?
    Vous pouvez y aller.
    Bien sûr. Il n’est pas inhabituel pour une société d’oublier les détenus pendant qu’ils sont incarcérés. C’est pour cette raison que les gens de notre profession sont appelés les gardiens des oubliés. Une fois qu’ils sont passés devant le juge, on a tendance à ne plus penser à eux jusqu’à ce qu’il soit temps de les libérer. Ils deviennent alors une source de préoccupation pour la collectivité. C’est cela que je voulais dire.
    La situation n’est pas très différente pour les Afghans. Quand une personne est condamnée et incarcérée, les gens sont satisfaits de savoir qu’elle est en prison. Ça s’arrête là.
    Quant à mes autres déclarations, il ne faut pas perdre de vue que j’ai 28 ans d’expérience. Je serais vraiment naïve, comme experte et conseillère en matière carcérale, de penser que les plaintes et les allégations qu’on entend dans les prisons canadiennes n’ont pas leur équivalent dans un pays comme l’Afghanistan.
    Voilà donc qui explique mes déclarations.
    Encore une fois, je ne comprends pas très bien la différence. Vous dites d’une part que les droits et les normes sont respectés et, de l’autre, que ces gens sont oubliés une fois qu’ils vont en prison où ils peuvent être torturés. J’ai de la difficulté à concilier les deux déclarations.
    Je faisais une observation au sujet de la société afghane et non des responsables des prisons. Les responsables des prisons...
    Pourtant, vous avez parlé des autorités canadiennes et afghanes qui oublient leurs prisonniers après leur incarcération.
    Eh bien, c’est la citation, monsieur, mais ce n’était pas ce que j’avais à l’esprit.
    Entre ce que vous aviez un esprit et ce que vous avez dit... Je ne sais pas.
    Puis-je avoir la parole?
    À vous de décider.
    Oui, M. Rae peut y aller.
    C’est à vous.
    Vous parlez à la page 6 d’un bout de câble électrique tressé qui a été trouvé dans le bureau du directeur des enquêtes pendant la visite du 5 novembre.
    Oui, monsieur.
    À quoi pourrait donc servir un bout de câble électrique tressé?
    Je n’étais pas présente. Je n’ai pas participé à cette visite. C’est une chose que j’ai apprise au cours de la visite du 19 novembre.
    Mais, comme les allégations qui ont été faites tout le long... Il y avait un thème qui commençait à se développer. À mesure que notre surveillance et nos interrogatoires avançaient et que nous arrivions à mieux utiliser nos interprètes, nous avons commencé, vers la fin de mon séjour, à nous rendre compte qu’il y avait un thème qui revenait quand les prisonniers ou les détenus mentionnaient l’utilisation de câbles.
    Vous voulez dire que les câbles servaient d’instrument de torture?
    C’est ainsi que cela a été signalé, à ma connaissance.
    Et, par suite du rapport établi à ce sujet par le MAECI, vous dites que le directeur des enquêtes a été révoqué.
    Oui, monsieur.
    Dans ce cas, comment peut-on prétendre qu’il n’y a eu aucune preuve de... Je veux dire, si quelqu’un est renvoyé parce qu’il avait un bout de câble électrique tressé dans son bureau, on peut supposer que les gens qui allaient dans le bureau du directeur des enquêtes couraient un risque important.
    À ce moment, quand nous avions une preuve concrète, le transfert des détenus était interrompu.
    Pendant combien de temps, cet homme, le directeur des enquêtes... Le savez-vous?
    Je ne le sais pas, monsieur.
    Vous l’avez trouvé dans son bureau. Il y était probablement depuis un certain temps.
    Je n’étais pas là à ce moment, monsieur, donc...
    Je comprends. Je n’essaie pas de vous faire dire quelque chose. Je pense simplement qu’il est un peu difficile d’affirmer qu’on ne dispose d’aucune preuve de torture quand on a trouvé un instrument de torture dans le bureau du directeur des enquêtes.

  (1645)  

    Le MAECI l’a trouvé, oui, monsieur.
    Oui, le MAECI l’a trouvé, ce qui a entraîné la révocation du directeur des enquêtes.
    Oui. La découverte a été signalée dans un rapport, après quoi le directeur a été révoqué.
    D’accord.
    J’ai parlé dans ma déclaration des choses que j’ai vues et entendues moi-même. Voilà ce dont je parlais.
    Je m’en rends parfaitement compte.
    D’après mon interprétation du droit international — je pourrais peut-être demander son avis à Mme Swords —, quand on envisage l’opportunité de transférer des gens à un autre pays, on n’est pas autorisé à le faire si on a des motifs sérieux — je crois que c’est l’expression employée dans la Convention contre la torture — de croire qu’ils courent le risque d’être torturés. Le même principe ne s’applique-t-il pas si on a des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque de torture? Si vous trouvez un instrument de torture dans le bureau du directeur des enquêtes de la Direction nationale de la sécurité, qu’est-ce que cela signifie? Depuis combien de temps ce monsieur était-il là?
    Nous avons besoin d’une réponse brève. Le temps de parole est écoulé.
    Il n’y a rien de tel qu’une brève réponse dans le domaine juridique. Je ne suis pas ici comme avocate, mais je crois que le critère, c’est le « risque sérieux de torture », risque qui doit s’appliquer à la personne en cause et non d’une façon générale.
    Je crois que nous avons pris toutes les mesures que nous jugions raisonnables à ce moment pour nous assurer que tout était fait pour minimiser ce risque sérieux. On ne peut jamais se débarrasser complètement d’un risque. Si c’est ce que nous essayons de faire, nous aurons certainement beaucoup de difficulté à mener efficacement des opérations de paix. Nous devons mettre en place un processus pour empêcher les choses de se produire. Si nous constatons que cela s'est quand même produit, nous devons tout faire pour éviter que cela ne se reproduise.
    Je crois que cet incident particulier est celui qui est mentionné dans une déclaration sous serment de l’un de mes collègues devant de la Cour fédérale. Nous avons pris des mesures. Nous avons porté l’affaire au niveau le plus élevé du gouvernement afghan, qui a fait ce qu’il devait faire. Il a ouvert une enquête et a révoqué le responsable.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Rae.
    Nous passons maintenant à la partie gouvernementale, après quoi nous reviendrons au Bloc.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur présence au comité.
    Madame Swords, je veux vous poser officiellement une question. J’aimerais que vous me répondiez tout aussi officiellement, comme l’ont fait M. Mulroney, M. Proudfoot et Linda. Existe-t-il, à votre connaissance, des preuves crédibles et étayées de torture dans le cas des prisonniers transférés par le Canada?
    Les premières allégations de torture que j’ai vues, qui ne concernaient pas nécessairement des prisonniers transférés par le Canada, ont en fait paru dans le Globe and Mail en avril.
    Vers la fin avril, d’autres allégations ont été communiquées à deux Canadiens qui visitaient une prison de Kandahar. Il ne s’agissait pas nécessairement de prisonniers transférés par le Canada, et les intéressés ont agi de leur propre initiative. Autrement dit, cela ne faisait pas partie de ce qui était alors notre mécanisme de surveillance.
    En juin et par la suite, mon rôle dans cette affaire a été beaucoup plus périphérique, d’autres personnes ayant pris la relève. Je crois que je ne ferais que brouiller les cartes pour tout le monde si j’essayais de donner des détails à ce sujet.
    Les premières allégations précises ont donc paru dans le Globe and Mail, puis il y a eu un autre rapport plus tard. À notre connaissance, aucune de ces allégations ne s’appliquait à des prisonniers transférés par le Canada d’après les listes de noms dont nous disposions.
    Je vous remercie.
    Le compte rendu de M. Colvin a mis en évidence différents autres aspects de la mission en Afghanistan, y compris beaucoup de procédures relatives à des domaines autres que le transfert des prisonniers. Au cours de témoignages précédents, nous avons entendu parler des messages C4 que M. Colvin envoyait et de leur diffusion.
    M. Colvin a très bien pu attacher une grande importance à une question qui le préoccupait particulièrement, comme celle des prisonniers. Je voudrais vous demander s’il vous en a jamais parlé, à titre de sous-ministre adjointe.
    C’est difficile à dire. M. Colvin a assisté à un certain nombre de réunions au cours desquelles nous discutions des mesures supplémentaires qu’il fallait prendre. Il a fait état de ses préoccupations générales au cours de ces réunions. Il n’a jamais parlé d’allégations précises de torture qu’il aurait vues ou dont il aurait eu connaissance de façon directe, mais il avait des préoccupations, comme beaucoup d’autres personnes.
    D’accord. C’était donc très général, mais il n’a jamais fait état devant vous de préoccupations particulières relatives à des prisonniers torturés.
    Non. Il a fait des observations générales. Il n’avait pas de faits précis ou étayés concernant des personnes particulières. C’est le même genre de choses qu’on voit dans les rapports généraux sur les droits de la personne.

  (1650)  

    Madame Swords, Kerry Buck, qui a été la porte-parole au cours de l’affaire avec Amnistie internationale, a dit que son rôle se limitait à écrire et qu’elle ne faisait rien d’autre. À titre de directrice, pouvez-vous nous dire quelle est la voie hiérarchique que vous auriez suivie si vous aviez reçu des preuves ou aviez eu connaissance d’allégations de torture? Qu’auriez-vous fait? Est-ce qu’on aurait rédigé un rapport qu'on aurait aussitôt oublié? Y aurait-il eu un suivi au ministère?
    S’il y avait eu des allégations de torture, nous aurions immédiatement fait un suivi. C’est exactement ce que nous avons fait après la parution des articles dans le Globe and Mail et l’incident signalé fin avril.
    La question a été soulevée aux niveaux les plus élevés du gouvernement de l’Afghanistan ainsi qu’au niveau politique, auprès des ministres et des dirigeants des prisons. Nous avons informé la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan ainsi que le CICR. Nous avons insisté pour que le gouvernement afghan ouvre une enquête et lui avons offert notre aide pour toute enquête qu’il souhaiterait mener.
    Monsieur Proudfoot, dans vos fonctions précédentes, vous faisiez partie de la liste de diffusion des messages C4 venant de M. Colvin. Pouvez-vous confirmer que votre nom figurait sur cette liste?
    Oui, je recevais une copie de la plupart des messages C4.
    Vous souvenez-vous d’éléments particuliers de ces messages de M. Colvin qui faisaient état de preuves de première main relatives à des prisonniers torturés?
    Je crois que le premier rapport de M. Colvin faisant état d’allégations de torture remontait à juin 2007.
    Après juin 2007, nous avons eu l’accord supplémentaire amélioré.
    En même temps, il y avait des visites. Ainsi, ces messages ont été reçus. Nous revenons donc à la même question: A-t-on trouvé des preuves étayées par suite de votre enquête ou de vos suivis?
    J’ai quitté le Groupe de travail sur l’Afghanistan en juillet 2007. Il m’est donc difficile de parler de ce qui s’est produit par la suite. Je peux cependant dire que, lorsque nous avons eu des renseignements faisant état d’allégations de torture de prisonniers transférés par le Canada en avril et en juin 2007, nous avons mis en branle le plan diplomatique d’urgence que j’ai mentionné plus tôt: nous avons parlé de nos préoccupations aux niveaux élevés du gouvernement de l’Afghanistan et avons pris contact avec le CICR et la CIDPA pour porter des cas particuliers à leur attention en leur demandant d’y donner suite et de prendre les mesures nécessaires.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Bachand.

[Français]

    Je vais partager le temps qui m'est alloué avec Mme Lalonde.
    Je reviens à vous, madame Garwood-Filbert. Avez-vous été convoquée pour témoigner devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire?

[Traduction]

    Mon nom figurait sur la liste initiale, mais, à un moment donné du processus, il en a été retiré.
    Votre nom a été retiré de la liste.
    Oui, monsieur.
    D’accord. Vous n’avez pas vous-même retiré votre nom de la liste. On a simplement dit que vous n’aviez pas à venir.
    D’accord. Ainsi, le gouvernement n’a exercé aucune pression sur vous pour que vous n’y alliez pas.
    Non, monsieur.

[Français]

    Madame Swords, j'ai un document qui a été rédigé par M. Colvin et Mme Bloodworth et approuvé par l'ambassadeur Lalani dans lequel M. Colvin écrit ce qui suit:

[Traduction]

    Il a dit que pendant sa détention, il était venu et lui avait parlé une fois.
Lui et d’autres ont dit à [caviardé] que trois codétenus avaient eu les doigts coupés et brûlés avec un briquet pendant leur détention à la DNS.
Lorsqu’il a été interrogé au sujet de son propre traitement [caviardé] il a dit qu’il a été frappé sur les pieds avec un câble ou « un grand fil » et forcé à rester debout pendant deux jours, mais que « c’était tout ». Il nous a montré une marque sur l’arrière de sa cheville qui, d’après lui, avait été faite par le câble.
    La suite est du même ordre.

[Français]

    Une copie conforme de ce document vous a été envoyée, de même qu'à M. Mulroney, qui s'en rappelle très bien.
    Voulez-vous voir ce document ou vous rappelez-vous l'avoir vu?

[Traduction]

    J’aimerais voir ce document parce qu’il y en a eu beaucoup.
    Oui, je crois que je l’ai déjà vu. Il ne m’est pas adressé pour que je prenne moi-même des mesures. Je figure simplement sur la liste de diffusion. J’en ai reçu une copie.
    Je crois que cela remonte à la période du début juin. Notre mission à Kaboul a visité une prison de la capitale afghane. Quand ce rapport est arrivé, j’assistais aux réunions du G8. Le Sommet du G8 avait lieu à ce moment. Des mesures devaient être prises par le Groupe de travail sur l’Afghanistan.

  (1655)  

[Français]

    Vous me direz sans doute que M. Colvin était un diplomate que vous respectiez. Ce document, dont vous avez reçu copie, n'est-il pas suffisant pour refuser de remettre des détenus? La Convention de Genève prévoit non seulement qu'il faut démontrer qu'il y a eu torture mais risque de torture.
    Quand M. Colvin vous a envoyé une copie de cette lettre, il y avait matière suffisante pour arrêter le transfert de détenus. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

[Traduction]

    Eh bien, quand on est dans un pays comme l’Afghanistan où se déroule le conflit que nous savons, il faut bien se garder de supposer que tous ceux qui prétendent avoir été torturés l’ont effectivement été. Autrement, on court le risque de voir tout le monde dire qu’il a été victime de torture. Les conséquences ne sont donc pas fondées sur des faits. Il est important dans ces conditions de faire enquête pour déterminer si les allégations sont crédibles.

[Français]

    Je veux seulement vous souligner...
    Je vais enchaîner, si vous le permettez.
    En vertu du droit international, on ne dit pas qu'il faut s'assurer que la personne a été torturée mais que, lorsqu'il y a risque de torture, le Canada n'a pas le droit de transférer des détenus.

[Traduction]

    Ce que nous avons constamment fait, c’est essayer de mettre en place des mesures et un processus permettant de s’assurer qu’on ne remet personne quand on a des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque de torture. Nous ne pouvons pas décider, chaque fois que quelqu’un déclare « J’ai été torturé », que c’est vraiment le cas. Nous avons fait de notre mieux pour veiller à ce que les autorités afghanes sachent quelles étaient leurs obligations et que les responsables des prisons aient l’information voulue. Nous ne pouvions pas être là 24 heures sur 24. En fin de compte, nous avons mis en place un mécanisme de surveillance pour essayer de faire un suivi.

[Français]

    Il y avait des marques.
    Je poursuis.
    Des voix: Ah, ah!
    Mme Francine Lalonde: Le Canada devait assurer un suivi minimal. Vous dites que les personnes qui se sont plaintes de torture pouvaient dire ça de façon gratuite, mais le Canada a la responsabilité de s'assurer que ça ne s'est pas produit. En vertu de l'article 7 et des améliorations de la deuxième entente, c'est une responsabilité. À votre connaissance, le Canada s'est-il assuré que les personnes qui se sont plaintes n'étaient pas victimes de torture?

[Traduction]

    Encore une fois, la plupart des allégations ont été faites après la période où je me suis occupée de très près de ce dossier.

[Français]

    Ah!

[Traduction]

    D’après ce que je sais, chaque fois qu’il y avait une allégation, même quand elle ne concernait pas des prisonniers transférés par le Canada, nous en informions la CIDPA et le CICR et nous soulevions la question auprès des autorités afghanes pour nous assurer qu’elles y donneraient suite.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer du côté du gouvernement. Allez-y, monsieur Kerr.
    Je remercie les témoins de leur présence au comité. Il n’y a pas de doute que vous complétez les renseignements que nous ont donnés les différents témoins qui ont comparu devant le comité.
    J’aimerais faire deux choses précises. D’abord, nous avons parlé d’une façon générale. Nous avons entendu une foule de commentaires très vagues concernant les prisonniers et la torture. Ensuite, nous examinerons en particulier ce qui est arrivé aux prisonniers transférés par le Canada. J’ai cru comprendre — ma question s’adresse à qui voudra y répondre — que nous avons entendu parler d’incidents allégués pendant une bonne partie de 2007. Autrement dit, quand les comptes rendus sont arrivés, il était vraisemblable qu’ils concernaient les prisonniers transférés par le Canada. J’ai également cru comprendre que, dès que vous en avez entendu parler, les autorités ont en fait suspendu le transfert des prisonniers, après quoi il y a eu des suivis pour déterminer ce qui s’était passé. C’est à ce moment que nous avons réagi pour la première fois aux allégations relatives aux difficultés des prisonniers transférés par le Canada.
    Je vais commencer par cela. Est-ce que c’est exact?

  (1700)  

    Je suppose que n’importe lequel ou laquelle d’entre nous peut répondre.
    La suspension des transferts en novembre découlait du fait que le Canada avait l’impression que les autorités afghanes, à ce moment particulier et dans cette prison particulière, n’étaient plus en mesure de satisfaire aux normes que nous jugions nécessaires. Jusqu’alors, les allégations dont nous avions eu connaissance soit ne concernaient pas des prisonniers transférés par le Canada — auquel cas nous les portions à l’attention des autorités compétentes — soit n’avaient pas été jugées très crédibles, surtout sur la base d’examens physiques.
    À ma connaissance, nous avons reçu la première allégation crédible concernant un prisonnier transféré par le Canada en novembre 2007. Je répète encore une fois que je n’étais plus la première responsable de ce dossier à ce moment. C’est alors que nous avions suspendu les transferts.
    D’accord. Est-ce que tous les témoins sont du même avis?
    Oui, monsieur.
    Je crois que c’est important parce que beaucoup de ce qui s’est dit et beaucoup des questions posées avaient trait à des considérations générales sur la torture pratiquée au fil des ans dans les établissements afghans ainsi qu’à votre rôle dans le pays. Si j’ai bien compris toute cette question, nous voulons savoir d’une façon très claire ce qui s’est passé ainsi que la responsabilité des militaires et des autorités du Canada et les mesures qu’ils ont prises. Je vous ai entendu confirmer que cela s’est passé après que nous avons vraiment compris qu’il y avait des accusations concernant les prisonniers transférés par le Canada. Je crois qu’il est très important d’en faire état officiellement et en public.
    En second lieu, je voudrais revenir un peu en arrière. Madame Garwood-Filbert, vous avez dit que le Canada a déployé de grands efforts pendant des mois avant ces incidents pour améliorer ces établissements et faire tout ce qu’il y avait à faire dans ce domaine. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce qui s’est fait sur le plan de la planification, sur ce qui a été dépensé pour moderniser l’infrastructure et sur les résultats obtenus? Nous avons tendance à passer un peu trop rapidement sur le fait que le Canada s’efforçait d’améliorer et de moderniser l’infrastructure et les installations. Je crois que c’est un élément extrêmement important du rôle que nous avons assumé. Compte tenu du fait que nous n’avions pas été sur le terrain pendant très longtemps, à titre de participants militaires actifs, je crois que notre réaction a été très rapide. Je suis peut-être partial en disant cela. J’aimerais donc connaître votre point de vue sur la question.
    L’une de nos grandes tâches consistait à évaluer en particulier la prison de Sarposa et, dans une mesure moindre, les centres de détention de la Direction nationale de la sécurité et de la Police nationale afghane sur les plans de l’infrastructure et de la formation.
    Le premier exemple concret a consisté, je crois, à réaliser quelques projets devant donner des résultats rapides, comme l’aide médicale. Nous nous sommes ensuite occupés d’autres projets plus importants et à plus long terme qui étaient financés par le Fonds pour la paix et la sécurité mondiales. Cela a été approuvé pendant que j’étais en Afghanistan. Il s’agissait d’un projet de 1,6 million de dollars qui avait de multiples objectifs. J’ai parlé des questions de santé et de sécurité liées à la fosse septique et au système d’égouts. L’installation a été complètement modernisée. Nous avons également réussi à installer des tours de surveillance périphérique et un système d’éclairage de sécurité pour la nuit. Nous avons fourni des véhicules spéciaux pour le transport des prisonniers afin d'éviter que la prison ne continue à se servir de taxis à cette fin. Nous avons fourni des uniformes et des torches. Nous avons donné de la formation aux officiers. Nous avons bâti un atelier de menuiserie pour donner de la formation professionnelle aux prisonniers. Nous avons fait venir des métiers à tisser pour apprendre aux détenus à fabriquer des tapis.
    Nous avons aussi fait appel à d’autres organismes pour mettre en œuvre un programme d’alphabétisation à l’intention des détenus et du personnel. Beaucoup des employés de la prison étaient en effet illettrés. Nous avons examiné la formation de base des officiers ainsi que la formation donnée à Kaboul, et avons essayé de donner la même à Kandahar. Nous avons fait beaucoup de mentorat et avons souvent été présents pour leur permettre de poser des questions et de voir des choses. Nous leurs avons montré des moyens différents de procéder, qui étaient plus conformes aux normes.
    Merci, monsieur Kerr.
    Nous passons maintenant à l’opposition officielle, avant de revenir au côté du gouvernement.
    Je vous remercie.
    Madame Garwood, je voudrais revenir au document 3. Vous verrez en bas: « Rédigé: Garwood-Filbert/Davison » et « Approuvé: Davison ». Vous avez peut-être rédigé ce document sous une forme différente, mais il se présente maintenant sous la forme d’un message électronique. C’est ce que vous avez voulu dire.
    C’est exact. En général, la façon de communiquer pour le MAECI, aux termes de l’entente...
    Je comprends. Je veux simplement savoir si c’est bien ce que vous avez envoyé, peut-être pas dans la forme, mais dans le contenu.
    Ce n’est pas mon rapport, mais ce texte concorde avec mon rapport.
    Absolument.
    L’information concorde...
    J’ai bien entendu.

  (1705)  

    ... et le texte parle bien des allégations.
    Je vous remercie.
    Les deux autres documents, marqués 1 et 2, indiquent que vous avez été consultée. Je peux vous le montrer si vous le souhaitez. Sur le document marqué 2, à la première page, il est dit que vous avez été consultée lors de la rédaction du rapport.
    On voit la même chose sur le document marqué 1. Je peux vous le montrer.
    Vous avez examiné les allégations faites au sujet de trois personnes. On a l’impression que ce sont les mêmes allégations qui ont été faites en votre présence.
    Oui, monsieur.
    Très bien, je vous remercie. Il s’agit de prisonniers transférés par le Canada.
    Dans ce cas, oui, monsieur.
    Je vous remercie.
    À quelle période ces rapports correspondent-ils? Est-ce de février à décembre? Pouvez-vous le dire?
    J’ai commencé à m’occuper de la surveillance des prisonniers après la signature de l’entente. Par conséquent, notre première visite a dû avoir lieu en juin.
    Juin. L’un d’eux porte sur le mois de juin.
    Je vous remercie. Ensuite, qu’est-il arrivé de juin à décembre?
    De juin à décembre, je participais aux entrevues avec les détenus.
    Je vous remercie.
    Vous avez dit, toutes deux, que ces allégations étaient infondées, que vous n’aviez vu aucune trace physique ni rien de ce genre. Vous savez que, lorsque les prisonniers sont transférés, ils vont d’abord à la DNS et que c'est dans les premiers jours et les premières heures qu’ils sont torturés. Ils sont ensuite envoyés à des endroits comme Sarposa. À moins que leurs membres n’aient été amputés ou qu’ils aient été complètement défigurés, vous ne seriez pas en mesure, deux ou trois mois plus tard, de dire qu’ils ont été torturés, n’est-ce pas, madame?
    Dans les faits, je n’ai pas vu des indices sérieux de torture. J’ai simplement eu connaissance d’allégations.
    Absolument, mais vous ne saviez pas à quel moment ils auraient pu être torturés. Leur avez-vous demandé à quel moment ils avaient subi des sévices?
    Je ne parlais pas de torture en particulier, parce que c’est une question tendancieuse. Nous avions établi un cadre sur les questions à poser au sujet du traitement, du respect des droits de la personne et de ce genre de chose. Nous acceptions l'information qui nous était communiquée et signalions à nos supérieurs toute allégation qui était faite.
    Madame, ils disaient qu’ils étaient torturés. Ce sont des allégations de torture.
    Monsieur, je peux vous donner un exemple. Nous avons eu un prisonnier qui a dit: « J’ai été torturé. » Nous lui avons demandé s’il pouvait expliquer ce mot parce que nous communiquions par l’intermédiaire d’un interprète avec ces gens qui parlaient en dari ou en pachtou. Il a répondu: « Quelqu’un m’a giflé et m’a insulté. »
    Mais ces allégations...
    Elles ne signifient pas que ces choses se sont réellement produites. Ce sont les affirmations de quelqu’un au sujet de ce qu’il pensait avoir subi.
    Conviendrez-vous que les allégations que vous avez signalées dans ces trois cas vont au-delà d’une simple gifle et qu’elles témoignent d’un traitement abusif?
    Oui, mais ce ne sont quand même que des allégations, monsieur.
    Oui, madame. Permettez-moi de vous poser une question. Leur avez-vous demandé à quand remontait la torture ou les mauvais traitements?
    Nous posions des questions aux responsables des établissements. Les dates et les heures étaient parfois très difficiles à établir. Nous posions donc des questions. Nous nous efforcions de déterminer les dates, mais dans ce lieu et dans cette culture, il leur était parfois difficile de préciser les dates, les heures et les endroits.
    Je vous remercie.
    Madame Swords, vous avez également dit que vous demandiez à la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan et à d’autres d’enquêter sur ces allégations. Est-il jamais arrivé que les Canadiens en cause poursuivent leur enquête avec la Commission ou soient présents pendant que des agents de la Commission enquêtaient? Ces allégations sont sérieuses. Est-ce que quelqu’un a jamais fait un suivi, a posé des questions sur l’enquête, a demandé qui s’en était occupé, à qui on avait parlé et à quel résultat on avait abouti?
    Je peux vous dire une chose: nous avons expressément demandé à la CIDPA de nous avertir si elle avait des renseignements concernant des prisonniers transférés par le Canada qui avaient été maltraités. La Commission ne l’a jamais fait pendant que je m’occupais du dossier. Nous n’avons jamais reçu d’elle des renseignements de ce genre.
    C’est la période pendant laquelle vous étiez responsable du dossier, parce que ces courriels sont... Certains vous étaient adressés.
    Une réponse brève, s’il vous plaît.
    Eh bien, à peu près jusqu’à la fin mai, date à laquelle j’ai repris mes fonctions liées au G8. Je crois que certains de ces messages ont commencé en juin.
    Je vous remercie. Nous devons poursuivre.
    Monsieur Abbott.
    Je remercie les témoins.
    Je voudrais vous poser des questions sur deux aspects de la situation: d’une part, la crédibilité de votre témoignage et, de l’autre, la crédibilité des allégations d’ingérence politique de l’opposition.
    Pour ce qui est de la crédibilité de votre témoignage, madame Garwood-Filbert, pouvez-vous me rappeler encore une fois le nombre approximatif d’entrevues que vous avez tenues?

  (1710)  

    Avec les prisonniers, j’étais présente à 26 entrevues de surveillance. J’ai fait plus de 33 visites à Sarposa. Je parlais régulièrement aux prisonniers ainsi qu’à ceux qui s’occupaient de défendre leurs droits. L’interaction était donc constante.
    Je vous remercie.
    Pouvez-vous nous rappeler — en 30 secondes, parce que notre temps est compté — les titres de compétence sur la base desquels vous avez été invitée à témoigner? Vous avez abouti à une conclusion. À quel titre l’avez-vous fait?
    J’ai 28 ans d’expérience dans un établissement pénitentiaire fédéral.
    Je vous remercie.
    Il est intéressant de noter que la personne qui a lancé ce débat au départ, M. Colvin, n’a ni les années d’expérience ni la formation et les antécédents que vous avez. De plus, je crois qu’il a au mieux tenu trois entrevues.
    Nous avons donc affaire ici à un groupe de personnes crédibles, comme cela a été le cas avec M. Mulroney et les généraux. Nous avons affaire à des gens hautement qualifiés qui ont une compréhension claire de leur travail. Vous devinerez donc en qui j’ai le plus confiance.
    Cela étant dit, je voudrais poser une question. Vous êtes ceux et celles qui se trouvaient aux premières lignes dans cette affaire, et cela est très important. Avez-vous eu l’impression, à un moment quelconque, d’avoir reçu du niveau politique des instructions tendant à vous influencer dans l’exercice de vos fonctions?
    Non. Les seules instructions que nous ayons reçues concernaient la politique de mise en œuvre du protocole d’entente de décembre 2005 et le respect des deux principes que j’ai mentionnés au début de ma déclaration.
    Monsieur Proudfoot.
    Comme l’a dit Mme Swords, nous avons reçu des instructions de l’échelon politique nous demandant d’obtenir l’assurance que les prisonniers seraient traités humainement. C’est dans ce contexte que nous avons déployé davantage d’efforts qui ont abouti à la signature de l’entente supplémentaire de 2007.
    Je vous remercie.
    Madame Garwood-Filbert.
    Tous mes rapports ont remonté la voie hiérarchique au fur et à mesure que je les envoyais. Ils étaient directement basés sur les notes que je prenais sur le terrain. Personne ne m’a jamais demandé de changer n’importe quoi dans mes rapports ou de limiter la portée de mes observations.
    Merci beaucoup.
    Il reste encore deux minutes.
    Monsieur le président, je veux juste souligner, à l’intention des témoins, que nous avons un large bassin de gens très qualifiés, très expérimentés et très compétents qui comprennent parfaitement leur travail, les conséquences de ce qu’ils font et l’importance qu’il y a pour le Canada à agir conformément aux normes internationales. Je voudrais demander à Mme Swords, qui a le rang le plus élevé, son évaluation ou son impression quant au sérieux avec lequel les gens qui étaient en Afghanistan assumaient la responsabilité de veiller à ce que le Canada agisse dans le respect des normes, pour toutes les raisons que nous appuyons.
    Pendant toute la période où je me suis occupée de ce dossier, je crois que tous les fonctionnaires canadiens ont fait preuve d’une compréhension claire de leurs obligations. Ils savaient qu’ils devaient tout faire pour essayer de minimiser les risques. Ils savaient que nous devions élaborer un processus — qui a pris forme avec le temps, à mesure que s’intensifiait notre rôle en Afghanistan — permettant de faire tous les efforts possibles pour minimiser les risques et pour faire en sorte que nous laissions l’Afghanistan en meilleure position qu’à notre arrivée.
    Dans le contexte de la mission et de la difficulté évidente qu’il y a à agir dans un pays du tiers monde tel que l’Afghanistan, chacun a dû bien sûr relever d’importants défis, qu’il s’agisse des soldats, des diplomates, des responsables des services correctionnels, etc. Il est difficile pour les Canadiens de saisir ce contexte à 12 000 kilomètres de distance. Êtes-vous d’accord sur cette évaluation?
    Je crois qu’elle est exacte. J’ajouterai que chaque fois que nous avons découvert un problème, nous avons pris des mesures pour y remédier du mieux que nous pouvions.
    D’après ce que vous dites, j’ai l’impression que vous avez pris des mesures... Je ne me souviens pas du cas particulier dont vous avez parlé, mais il me semble que vous avez réglé en l’espace de quelques jours, au plus, les difficultés de notification du CICR et ainsi de suite.
    C’est exact. Nous avons établi un système permettant de faire des notifications informelles, à part les notifications officielles.
    Je tiens à vous remercier au nom de tout le monde, au nom aussi, je crois, de tous les Canadiens pour le travail extraordinaire que chacun a fait dans des conditions d’une incroyable difficulté.

  (1715)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Swords, vous avez mentionné qu’il y a eu des réunions avec la Croix-Rouge en septembre et que le ministre MacKay et le ministre O’Connor étaient présents. Avez-vous assisté à une réunion quelconque avec la Croix-Rouge à Kandahar en juin?
    En juin de quelle année?
    En juin 2006. Excusez-moi.
    Non, en juin 2006, j’étais ambassadrice du Canada aux Pays-Bas.
    D’accord.
    Je voulais vous poser la question parce que M. Colvin envoyait des rapports disant que la Croix-Rouge avait des préoccupations. Il avait dit très précisément que ces préoccupations étaient en fait des avertissements concernant la torture possible de prisonniers transférés. Étiez-vous au courant des préoccupations exprimées par la Croix-Rouge?
    Non. La raison pour laquelle je suis au courant du message de juin, c’est qu’à cause de l’arrivée de M. Kellenberger, j’avais assisté à une séance d’information au cours de laquelle on m’a dit qu’il y avait eu des difficultés en mai 2006, mais que nous avions tenu des réunions pour essayer d’y remédier et que nous avions réussi à le faire.
    Avez-vous été surprise d’apprendre qu’au cours de deux réunions tenues à Kandahar, la Croix-Rouge avait exprimé des préoccupations non seulement au sujet de la torture possible de prisonniers transférés, mais de la torture possible de prisonniers transférés par des soldats des Forces canadiennes?
    Je serais vraiment très surprise que la Croix-Rouge nous parle de prisonniers qui auraient été maltraités d’une façon quelconque...
    C’est apparemment le témoignage de M. Colvin.
    ... parce qu’elle aurait informé le gouvernement afghan. C’est la politique de la Croix-Rouge.
    D’accord. Ainsi, si elle nous avait informés de cela, comme l’a suggéré M. Colvin, les circonstances devaient être particulièrement extraordinaires. En convenez-vous?
    Je crois que ce ne sont que des conjectures. Je connais vraiment bien la Croix-Rouge. Ses responsables sont absolument inflexibles à ce sujet...
    Vous êtes donc sûre à 100 p. 100 qu’ils ne nous auraient pas avertis au sujet de la torture possible de prisonniers transférés ou de préoccupations à ce sujet?
    Je suis sûre à 100 p. 100 qu’ils ne communiqueraient pas de renseignements concernant des prisonniers transférés par le Canada.
    Non, je parle de préoccupations générales au sujet des prisonniers transférés.
    Le genre de renseignements nous concernant dont la Croix-Rouge s’occuperait ordinairement serait lié au processus même de transfert. Les responsables de la Croix-Rouge s’inquiètent de ce processus et veulent être sûrs que...
    Mais ils aboutissent à l’autre extrémité, et c’est justement à ce sujet qu’ils s’inquiètent. Nous avons appris que des réunions avaient eu lieu. M. Colvin avait fait savoir qu’il y avait des préoccupations au sujet de la remise des prisonniers pris par les Forces canadiennes et que les responsables de la Croix-Rouge en avaient parlé. Vous dites de votre côté que vous n’avez jamais eu vent de ces préoccupations concernant d’une façon générale des prisonniers qui étaient torturés et, en particulier, des prisonniers transférés par le Canada?
    Les préoccupations exprimées alors par la Croix-Rouge concernaient le moment où elle était notifiée. Nous transmettions les renseignements officiellement en passant par Ottawa et Genève. Nous avons réglé ce problème.
    Au même moment cependant, la Croix-Rouge s’inquiétait aussi de ce qui arrivait aux détenus après leur remise et leur arrivée dans les prisons. Nous savons par des rapports que la Croix-Rouge et la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan craignaient que des prisonniers ne soient torturés. Nous avons également le rapport du département d’État. Il n’y a pas de doute que les gens devaient être au courant à ce moment. Si tous ces organismes avaient des préoccupations, si la Croix-Rouge se montrait inquiète au cours des réunions que nous avions avec elle, n’aurions-nous pas dû nous inquiéter aussi et nous dire que nous avons besoin de faire quelque chose au sujet de la remise des prisonniers parce que ces organismes — comme vous l’avez mentionné plus tôt dans votre témoignage — pensaient que la torture constituait un problème d’une façon générale?
    Si tel était le cas, n’y avait-il personne d’autre que M. Colvin qui parlait de ces préoccupations?
    Je crois que les préoccupations générales mentionnées dans les rapports sur les droits de la personne étaient connues, mais il s’agissait de considérations générales et non de cas précis.
    Nous n’avons cependant pas réagi.
    Les préoccupations exprimées n’étaient pas précises.
    Vous dites donc que nous n’avons pris aucune mesure à ce sujet.
    Les rapports sur les droits de la personne que nous recevions de notre ambassade se terminaient par des recommandations. À l’époque, toutes ces recommandations portaient sur le renforcement des capacités et l’établissement d’un dialogue plus efficace avec le gouvernement afghan.
    Attendez donc un instant. Nous recevions toutes ces recommandations, mais quelles mesures avons-nous prises? Ce que j’entends tout le monde dire ici, c’est que nous ne savions pas où les prisonniers étaient emmenés et que nous ne pouvions pas les localiser. J’ai quand même des préoccupations à ce sujet. Quand j’ai demandé au ministre Day, au comité, où allaient les prisonniers à leur libération et si nous le savions, conformément à notre nouvelle entente, il ne m’a pas répondu. En fait, il ne l’a pas encore fait jusqu’ici.
    C’est tout un phénomène: nous envoyons des gens, nous surveillons, mais nous ne faisons pas d’enquêtes. Nous apprenons de la Croix-Rouge, des Nations Unies et de la CIDPA que toutes ces organisations s’inquiètent de la torture. De notre côté, nous faisons des recommandations? Qui est-ce qui agit? Qui a la responsabilité d’agir? Voilà ma question.

  (1720)  

    Je crois que le principe, c’est que le gouvernement afghan est responsable du respect des droits de la personne dans son pays.
    Mais il se rend complice de tortures.
    Monsieur Dewar, veuillez laisser le témoin répondre.
    Je vous présente mes excuses.
    Vous pouvez poursuivre.
    Je trouve difficile de répondre parce que je ne suis pas tout à fait sûre d’avoir entendu une question.
    Qui est responsable? C’est tout.
    Le gouvernement afghan est responsable du respect des droits de la personne dans son propre pays. Nous sommes responsables de faire tout en notre pouvoir pour minimiser le risque pour les prisonniers transférés par le Canada.
    Mais en vertu du droit international, nous sommes responsables...
    Monsieur Dewar.
    ... de ce qui arrive à ceux que nous remettons aux autorités afghanes, n’est-ce pas?
    Monsieur Dewar, c’est tout. Votre temps de parole est écoulé. Nous devons avancer.
    Il nous reste assez de temps pour deux autres personnes au troisième tour. Je vais donc donner la parole d’abord au côté du gouvernement, puis à celui de l’opposition officielle.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais poursuivre dans la même veine, mais sur un ton un peu plus modéré.
    En ce qui concerne les responsabilités du Canada et de l’Afghanistan entre décembre 2005 et la conclusion de l’entente améliorée, est-il raisonnable de dire que nous agissions — de toute évidence, le gouvernement afghan était responsable des droits de la personne aux termes de la première entente — en croyant honnêtement que le Comité international de la Croix-Rouge et la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan nous signaleraient toute lacune que le Canada aurait la responsabilité de corriger?
    Comme j’ai essayé de l’expliquer dans ma déclaration, nous étions en quelque sorte en train d’évoluer avec le temps, d’intensifier nos efforts et d’en faire de plus en plus. Au cours de l’automne 2006, les principaux problèmes portés à mon attention concernaient l’infrastructure et le manque de formation dans les prisons afghanes. Il s’agissait de problèmes relativement simples.
    Il était vraiment important d’agir dans ce domaine parce que nous ne pouvions pas être présents dans une prison 24 heures sur 24. En améliorant les installations et en donnant plus de formation, nous avons contribué à un traitement un peu plus humain des prisonniers.
    J’ai vu aujourd’hui un article de Murray Brewster parlant de réunions qui auraient eu lieu entre le Comité international de la Croix-Rouge et des gens comme M. Colvin. Un représentant du CICR, Bernard Barrett, qui est le porte-parole du Comité à Washington, a dit que le CICR « n’aurait jamais communiqué des renseignements confidentiels » et que la note de M. Colvin et les commentaires de M. Mendes — je crois que c’est un professeur — ne sont qu’« une interprétation de ce qui s’est passé à la réunion ».
    Cela confirme-t-il ce que vous avez dit tout à l’heure du fonctionnement de la Croix-Rouge, à savoir que si elle avait eu de sérieuses préoccupations, elle ne les aurait pas communiquées à une personne du niveau de M. Colvin?
    C’est exact. En fait, les responsables du CICR nous ont clairement dit qu’ils ne nous communiqueraient pas des renseignements concernant des prisonniers que nous aurions transférés à moins que les renseignements ne portent sur la période qui a précédé le transfert.
    D’accord.
    Ils traitent seulement avec la puissance qui détient les prisonniers.
    J’aimerais avoir la confirmation qu’après la signature de l’entente améliorée en 2007, nous avons très rapidement fait un suivi chaque fois qu’on nous a parlé de préoccupations quelconques.
    Chaque fois qu’il y avait des allégations de torture, de mauvais traitements ou d’abus, nous avons immédiatement pris contact avec la CIDPA, le Comité international de la Croix-Rouge et les autorités afghanes de différents niveaux pour les informer et leur demander instamment d’enquêter.
    Compte tenu du fait que l’Afghanistan ne sera jamais comparable au Canada au chapitre de la démocratie ou du système carcéral, dans quelle mesure croyez-vous que nous continuerons à faire des progrès, c’est-à-dire à renforcer les capacités des Afghans et à les amener à mieux comprendre ces domaines?
    Je crois que nous avons déjà fait des progrès. Surtout à la prison de Sarposa, où nos collègues du Service correctionnel du Canada ont passé beaucoup de temps, on se rend facilement compte de la différence.
    Compte tenu de ce qui se passait à l’époque et des considérations légitimes qu’avait le Canada — aussi bien le gouvernement précédent que l’actuel — au sujet de la façon de procéder en Afghanistan et des responsabilités du gouvernement afghan, de la Croix-Rouge et de la CIDPA, peut-on dire que les Canadiens faisaient leur travail du mieux qu’ils pouvaient, eu égard au contexte, à l’information disponible et à la situation qui régnait?

  (1725)  

    Oui, j’en suis convaincue. J’ajouterai que la plupart de nos alliés de l’OTAN faisaient la même chose ou peut-être moins que nous.
    C’est un très bon point. Aviez-vous beaucoup de contacts avec des gens de votre niveau parmi nos alliés?
    J’ai eu de multiples contacts au printemps pendant que nous nous efforcions de mettre au point l’entente de mai 2007. Nous voulions comprendre leur façon exacte de procéder ainsi que les difficultés qu’ils avaient eues et les solutions qu’ils avaient trouvées. Par exemple, nous avons suivi l’exemple d’un pays qui s’assurait, au moment de transférer un prisonnier, que celui-ci connaissait ses droits et qu’il savait que des représentants du pays lui rendraient visite. Lorsque nous transférons des prisonniers, nous leur lisons... C’est traduit en pachtou et en dari pour que chaque prisonnier transféré par le Canada sache qu’il est en quelque sorte un peu spécial.
    Les prisonniers de n’importe quel pays n’hésitent jamais à parler de la façon dont ils sont traités.
    Une réponse brève, s’il vous plaît, madame Swords.
    Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
    Je vous remercie.
    Monsieur Rae.
    Madame Swords, je voudrais préciser, pour être clair, que, d’après la Convention contre la torture, vous n’avez pas le droit de transférer une personne à un pays « où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ». De plus, pour déterminer s’il y a de tels motifs, « les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l’existence, dans l’État intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ».
    Nous savons qu’il y a eu depuis 2005 un nombre assez considérable de rapports, provenant notamment du secrétaire général des Nations Unies, de la CIDPA et du département d’État — qui a fait un examen général de la situation des droits de la personne en Afghanistan —, qui établissaient l’existence de préoccupations généralisées au sujet d’abus et de mauvais traitements systématiques s’inscrivant dans la définition légale de la torture.
    Je ne cherche à embarrasser ni à blâmer personne. J’essaie simplement d’établir les deux principes que vous avez mentionnés: premièrement, reconnaître la souveraineté de l’Afghanistan et, deuxièmement, reconnaître nos obligations internationales. Peut-on dire que ces deux principes s’opposent s’il est vrai qu’il y a des motifs sérieux de croire que les prisons afghanes sont le théâtre de violations massives des droits de la personne?
    Comme je l’ai expliqué, nous essayons de maintenir l’équilibre entre ces deux principes. C’est justement pour cela que ce dossier est tellement difficile. Je ne crois pas être en mesure de donner un avis juridique sur la Convention contre la torture. Ce n’est pas pour cela que je suis ici.
    Je comprends.
    Il est entendu qu’il y a de nombreux problèmes en Afghanistan. Autrement, nous n’aurions pas été là. C’est pour cette raison que nous avions signé le protocole d’entente de décembre 2005. Si nous avions pensé qu’il n’y avait pas de problèmes, nous ne l’aurions pas fait. Nous avons constamment intensifié notre action en vue de minimiser le risque et de faire en sorte qu’il n’y ait pas de motifs sérieux de croire que des personnes seraient torturées.
    Quand nous parlons de problèmes et de risques — je n’essaie pas de vous attribuer des paroles —, s’agissait-il en réalité de torture et d’abus?
    J’ai vu beaucoup de documents qui cherchaient à définir la torture. Pour être honnête, ils sont tous tortueux. Je crois que la différence entre la torture et le traitement inhumain est une chose dont les avocats se délectent, mais je préfère parler simplement de mauvais traitements.
    Il est très clair que cela couvre un domaine assez vaste.
    Je suis bien de cet avis.
    Il suffit de constater des abus pour en arriver là. Conviendrez-vous cependant que les préoccupations, dans ce cas, portent sur les mauvais traitements? Est-ce le risque qui existait à votre avis?
    Aucun responsable canadien ne veut voir des gens subir de mauvais traitements et, à plus forte raison, être torturés.
    Bien sûr que non. Toutefois, pour revenir à notre sujet — je pense vraiment qu’il est injuste de mettre quelqu’un dans l’embarras à ce sujet —, quels renseignements aviez-vous au sujet de mauvais traitements systématiques? Quelles autres possibilités ont été envisagées, à part le simple transfert des prisonniers aux autorités afghanes? Est-ce qu’on a essayé de recourir à d’autres possibilités?
    Supposons ceci. Vous avez une discussion au cours d’une réunion, et quelqu’un dit: « Vous savez, le risque est vraiment trop grand. Pourquoi n’établissons-nous pas notre propre prison, une prison de l’ISAF, pour garder les prisonniers ailleurs? » A-t-on essayé d’autres moyens qui auraient donné des résultats différents?
    Les responsables ont discuté de presque toutes les options imaginables. La solution choisie est celle qui donnait au Canada la possibilité la plus réaliste de continuer à aider le gouvernement et le peuple afghans tout en faisant de son mieux pour minimiser le risque de mauvais traitements pour les personnes transférées.

  (1730)  

    Ainsi, la décision a été prise de les garder dans les établissements afghans, de moderniser ces établissements, de renforcer la surveillance et d’améliorer l’accès. Pourtant, vous entendiez régulièrement des allégations et vous receviez des renseignements, non seulement sur des cas particuliers, mais d’une façon générale. Les autorités néerlandaises et d’autres ont parlé de problèmes.
    Est-il raisonnable de dire que beaucoup de renseignements continuaient à circuler après la signature de l’entente en 2007?
    Des renseignements généraux de ce genre? Mais nous devons transposer cela en mesures concrètes dans le contexte de la mission en Afghanistan.
    En vertu de la loi, on peut soutenir que si vous avez connaissance de violations systématiques, vous devez en tenir compte pour déterminer s’il convient ou non de transférer des gens. Vous ne pouvez pas simplement demander si Pierre ou Paul sera torturé. Vous devez vous demander: De quels facteurs dois-je tenir compte si Pierre peut être torturé? Vous devez penser à tous les Pierre et Paul qui ont été torturés dans les cinq ou six derniers mois. S’il y en a beaucoup, vous devez aboutir à la conclusion qu’on ne doit plus les transférer.
    Veuillez donner une brève réponse, si vous le souhaitez.
    Je ne suis pas sûre de savoir comment répondre. Encore une fois, cela revient à donner un avis juridique.
    C’est ce que vous devez faire.
    Je voudrais remercier les témoins d’avoir pris le temps de venir au comité.
    J’aimerais demander un instant d’attention aux membres du comité. Je vais lever la séance, mais je voudrais avoir votre attention pendant quelques instants après que je l’aurai fait.
    La séance est levée.
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