Passer au contenu
Début du contenu

AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Il s'agit de la réunion no17 du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude en vertu de l'ordre de renvoi du mardi 10 février 2009 et des deux motions adoptées par le comité le mercredi 28 octobre 2009 voulant que le comité reprenne son étude du transfert des détenus afghans des Forces canadiennes aux autorités afghanes, dans le cadre de son examen de la mission canadienne en Afghanistan.
    Aujourd'hui, chers collègues, nous recevons un témoin, et nous sommes ici jusqu'à 17 heures. Nous recevons M. David Mulroney, ambassadeur du Canada auprès de la République populaire de Chine.
    Monsieur le président, avant que nous commencions, j'aimerais invoquer le Règlement — et je prie notre invité de m'en excuser.
    J'aimerais revenir à la motion adoptée hier et portant sur des documents et des demandes faites par le comité au gouvernement au sujet de ces documents. Tout d'abord, j'aimerais savoir si les documents nous sont parvenus, si nous avons reçu quelque document que ce soit. Avez-vous fait la demande, et les documents vous ont-ils été envoyés à la suite de cette demande?
    Oui, monsieur Dewar, c'est vrai que votre motion — la motion adoptée — indiquait que les demandes de documents devaient être envoyées avant que M. Mulroney ne comparaisse. La demande a été envoyée au ministère hier soir, à 20 heures, selon ce que me dit la greffière; on me dit que les documents demandés ont été envoyés à la traduction aujourd'hui.
    Monsieur le président, étant donné que nous n'avons pas reçu les documents et que le comité avait demandé ces documents avant la comparution de M. Mulroney devant notre comité, j'aimerais proposer la motion suivante. Ce sera très rapide. Elle porte sur les documents, et nous pourrons ensuite passer à notre ordre du jour.
    Monsieur le président, je pense qu'il est important, comme je l'ai mentionné hier devant le comité, d'asseoir l'importance des comités parlementaires afin qu'ils puissent faire leur travail, et pour ce faire, nous devons avoir en main tous les documents disponibles pour les témoins. Nous l'avons vu hier. Ce que je veux dire, c'est qu'il y avait deux membres à la retraite des Forces canadiennes qui avaient accès à des documents auxquels nous n'avions pas accès.
    J'aimerais donc proposer la motion suivante, monsieur le président, et la distribuer:
    
Que le comité signale à la Chambre qu'il estime qu'une atteinte grave au privilège a été commise et viole les droits des députés et que le gouvernement du Canada, en particulier le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères et du commerce international, a intimidé un témoin du comité et fait entrave aux travaux du comité et aux documents demandés par le comité. Par conséquent, le comité signale l'atteinte à la Chambre pour que celle-ci puisse étudier la question.
    Monsieur le président, nous avons une étude importante à réaliser. Il ne s'agit pas d'une tentative d'obstruction. C'est une motion très claire. J'aimerais que notre comité l'examine, la mette aux voix, et passe à autre chose.
    Et si vous me le permettez, j'expliquerai la motion; nous avons demandé les documents à plus d'une reprise. Lorsque M. Colvin était ici, je lui ai demandé ces documents. Il n'a pas pu nous les fournir. On lui avait dit que s'il nous fournissait ces documents, il y aurait des conséquences. Je pense qu'il est malheureux, et c'est le moins qu'on puisse dire, qu'un comité parlementaire ne soit pas en mesure d'obtenir les renseignements dont il a besoin pour faire ses études. Il s'agit selon moi d'une atteinte au privilège.
    Il s'agit d'une motion claire, et je m'interromprai ici.
    Monsieur Hawn.
    Monsieur le président, j'ai plusieurs arguments à formuler.
    Tout d'abord, pour revenir sur ce qui a été dit, M. Colvin n'a pas l'autorité nécessaire pour fournir ces documents au comité, même s'il le voulait. Je pense, monsieur le président, que la motion adoptée hier, la troisième motion, la mienne, devrait avoir priorité sur les autres motions puisque c'est la dernière à avoir été adoptée. Et si on veut couper les cheveux en quatre, selon la motion de M. Dewar, le comité devait demander les documents — je sais qu'il s'agit vraiment de couper un cheveu en quatre, avant que M. Mulroney ne comparaisse, pas que les documents nous soient fournis. Il s'agit d'un point très technique mais littéralement, c'est vrai.
    Ce que je veux dire aussi, monsieur le président, c'est que pour présenter une motion sans consentement unanime, il faut un préavis de 48 heures.
    Oui, si il s'agit d'une motion qui touche un sujet que le comité n'étudie pas. Pour préciser la règle des 48 heures, je vous la lis:
Qu'un préavis de 48 heures soit donné avant que le comité soit saisi d'une motion de fond qui ne porte pas directement sur l'affaire que le comité étudie à ce moment; et que l'avis de motion soit déposé auprès des greffiers du comité qui le distribuent aux membres dans les deux langues officielles.
    Cela porte directement sur le sujet dont nous discutons, de sorte que je pense que c'est recevable.
    Autre chose?
    J'aimerais que vous rendiez une décision sur mon autre argument, selon lequel la troisième motion adoptée hier a priorité sur la motion de M. Dewar.
    Je pense que la motion de M. Dewar n'empêche pas M. Mulroney de comparaître aujourd'hui. Il témoignera aujourd'hui.
    Doit-on en discuter davantage?
    (La motion est adoptée.)
    Monsieur Mulroney, bienvenue. Vous avez la parole. Vous avez comparu devant nous à de nombreuses reprises. Vous savez comment nous procédons. Vous avez le temps de présenter votre exposé, puis nous céderons la parole aux membres du comité pour qu'ils vous posent des questions.
    Allez-y, monsieur Mulroney.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier le comité de me permettre de partager mon expérience et mon opinion sur la mission en Afghanistan ainsi que sur la question importante des détenus transférés par le Canada.
    Des témoignages et des reportages médiatiques récents donnent l'impression que j'ai découragé les rapports honnêtes sur la situation en Afghanistan et que j'ai contribué à une situation dans laquelle les détenus capturés par les Forces canadiennes étaient transférés aux autorités afghanes sans tenir compte du risque de torture. Ce n'est pas vrai.
    Comme tant d'autres, je suis fier de mon travail en Afghanistan et je suis convaincu d'avoir fait de mon mieux pour veiller à ce que tout ce que nous faisions contribuait à l'efficacité de nos opérations, sauvait des vies afghanes et canadiennes, renforcer les institutions afghanes et répondait à nos obligations juridiques ainsi qu'aux attentes élevées des Canadiens.
    Permettez-moi de commencer par vous expliquer ma propre contribution à l'évolution de la mission en Afghanistan.
    Pendant mes études, dans les années 1970, j'ai visité l'Afghanistan à deux reprises; j'y suis retourné beaucoup plus tard, lorsque j'étais sous-ministre adjoint pour l'Asie-Pacifique, tout d'abord avec le vice-premier ministre de l'époque, John Manley, en janvier 2002, soit tout juste après la chute des talibans; j'y suis aussi retourné en septembre 2003, à l'occasion de l'ouverture de notre nouvelle ambassade à Kaboul, avec le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham.
    Plus tard, à titre de conseiller politique en matière de défense et d'affaires étrangères auprès du premier ministre, poste que j'ai occupé d'avril 2006 à février 2007, j'ai participé au Comité des sous-ministres qui surveillaient la mission à titre d'observateurs, lorsque ma présence à Ottawa le permettait. Parmi les enjeux que je surveillais étroitement à l'époque, mentionnons le retour de nos fonctionnaires civils à Kandahar, après le décès de notre collègue Glyn Berry, le 15 janvier 2006.
    Cet été-là, après l'opération Méduse, qui a été décrite hier par le général Hillier comme étant le principal engagement militaire du Canada depuis la Corée, j'ai aidé à l'obtention de l'équipement supplémentaire nécessaire pour appuyer nos gens sur le terrain. J'ai aussi travaillé à la préparation du sommet de l'OTAN à Riga, dans le cadre duquel le premier ministre a lancé l'engagement diplomatique qui, avec le temps, a permis d'envoyer des milliers de troupes additionnelles dans le Sud de l'Afghanistan. J'ai aussi contribué à la planification d'une visite en Afghanistan de l'ancien greffier du Conseil privé — une visite qui a donné lieu à des recommandations sur la façon dont nous gérions la situation en Afghanistan; parmi ces recommandations, on retrouvait mon retour au ministère des Affaires étrangères pour relever ce défi.
    En février 2007, j'ai été nommé sous-ministre délégué aux Affaires étrangères et on m'a donné la responsabilité de coordonner les efforts intergouvernementaux en Afghanistan. À l'exception du temps que j'ai passé comme fonctionnaire principale du G8 en 2007, j'ai presque exclusivement travaillé sur l'Afghanistan au ministère des Affaires étrangères, puis au BCP, jusqu'en mai 2009. Pendant cette période, j'ai visité l'Afghanistan à 11 reprises.
    La mission à laquelle je me suis joint en février 2007 était caractérisée par les trois D, c'est-à-dire les trois piliers. Coordonner: la défense, la diplomatie et le développement. Mais l'effort n'était pas aussi coordonné ni si aussi cohérent qu'il aurait dû l'être. Le nombre de civils déployés sur le terrain était trop peu élevé; ces civils n'avaient pas un rang assez élevé. Les structures de gestion, qui définissaient qui était redevable et responsable, n'étaient pas suffisamment claires.
    Selon moi, le plus grave était le manque de coordination réel entre le quartier général et le terrain, entre Kaboul et Kandahar, et entre les militaires et les civils; Tout cela nous empêchait de déployer des efforts réellement pangouvernementaux.
    J'ai travaillé pour changer la situation avec une équipe de plus en plus grande composée de gens talentueux. Nous avons créer au sein du ministère des Affaires étrangères une nouvelle force opérationnelle pour l'Afghanistan qui réunissait toutes les ressources dont j'étais responsable. Nous nous sommes mis au travail pour construire un seul plan coordonné qui nous permettrait d'harmoniser les gens, les programmes et les ressources pour favoriser l'atteinte d'une série bien définie d'objectifs canadiens. Ce processus n'aurait pas pu être complété sans que nous ayons pu établir une certaine cohérence autour de six priorités et de trois projets originaux, et ce, grâce au groupe de travail Manley.
    Nous avons aussi commencé à accroître les ressources civiles et, plus important encore, à accroître le nombre de ressources civiles de haut niveau en Afghanistan. Tout cela a pris du temps. Il a fallu revoir complètement la façon dont nous identifions, recrutions, formions, déployons et appuyons nos gens.
    Notre présence civile s'est accrue, passant de quelques personnes à Kandahar au début de 2006 à plus de 120 civils en Afghanistan aujourd'hui, y compris plus de 80 à Kandahar. Aucun autre pays n'a autant de civils dans un endroit aussi difficile et dangereux que nous.

  (1535)  

    Ainsi, après une visite initiale rapide en Afghanistan, ma première priorité a été d'accroître la cohérence de notre travail, de créer une approche exigeant une plus grande collaboration entre le quartier général et le terrain, et de commencer à envoyer davantage de civils et des civils occupant des postes plus élevés sur le terrain.
    Pour ce qui est de la question des détenus, il était évident qu'une meilleure coordination entre les ministères gouvernementaux était nécessaire ici aussi. Comme le général Hillier l'a indiqué dans son exposé, hier, les rapports de différentes sources internationales respectées confirmaient que les défis auxquels faisait face l'Afghanistan étaient énormes et que la politique canadienne sur les détenus devait être située dans ce contexte.
    C'est précisément en raison de ces défis que le gouvernement a conclu l'accord sur le transfert en décembre 2005; cet accord comportait des garanties du gouvernement afghan que les détenus transférés par les Forces canadiennes seraient traités avec humanité et conformément aux obligations juridiques internationales de l'Afghanistan.
    Mais comme le général Hillier l'a également mentionné hier, nous avons appris que face à une insurrection qui évoluait sans cesse et d'autres défis majeurs, nous devions renforcer notre travail ici comme ailleurs, conformément à notre objectif qui visait à renforcer les capacités de l'Afghanistan à mettre en oeuvre ces obligations.
    Lorsque je suis entré en fonction au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en février 2007, le ministère cherchait déjà des façons d'effectuer le suivi et la surveillance des détenus. Au même moment, nous avons échangé des lettres avec la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan, une organisation dont nous sommes le plus important bailleur de fonds; dans ces lettres, la CIDPA a accepté d'aviser le Canada si elle avait vent de tout mauvais traitement à l'égard des détenus transférés par le Canada.
    À la mi-mars, nous avons commencé un travail minutieux en vue de créer un plan de contingence — des instructions permanentes d'opération — au cas où des allégations de mauvais traitements seraient bien fondées. Nous ne l'avons pas fait en raison de cas confirmés de risque de torture substantielle et réelle ou de mauvais traitements des détenus transférés par le Canada, mais parce qu'il était clair que les mécanismes en place à l'époque devaient être renforcés davantage. Il fallait être beaucoup plus impliqué dans la surveillance, la formation ainsi que les infrastructures et les équipements supplémentaires.
    Nous avons travaillé avec rapidité et dans un esprit de collaboration pour créer un système qui nécessiterait la contribution des Forces canadiennes, du ministère de la Défense nationale, du ministère des Affaires étrangères, de Service correctionnel Canada, de la GRC, du ministère de la Justice et de plusieurs de nos postes diplomatiques. J'ai passé des heures à discuter et, dans de nombreux cas, à visiter des gens qui s'occupaient du travail de collecte des renseignements et des opérations sur le terrain. J'ai vu chaque étape du processus d'incarcération au terrain d'aviation de Kandahar. Plus tard, j'ai visité les installations de détention de NDS à Kandahar et j'ai participé à une entrevue avec un détenu transféré par le Canada.
    Nous étions bien au courant des nombreux problèmes auxquels faisait face le système de justice afghan. Dans un pays si durement frappé par la pauvreté, l'analphabétisme et l'insurrection, manquant autant d'institutions publiques et souffrant de décennies de guerre civile, la possibilité des mauvais traitements ne pouvait pas être ignorée. Nous ne l'avons pas ignorée.
    Une équipe interministérielle dévouée et expérimentée a discuté avec les représentants afghans à Kaboul et à Kandahar, avec des alliés et des gens informés des organismes internationaux pertinents — en bref, à tous ceux qui étaient touchés par ce problème — afin d'apprendre ce qu'ils savaient.
    Nous avons examiné tous les rapports et les documents pertinents, nous avons pris le temps de mener des consultations, nous avons acquis un sens commun des objectifs et des buts et nous avions bien compris les rôles et responsabilités; nous avons finalement réuni les ressources nécessaires pour assurer une mise en oeuvre efficace. Nous avons aussi négocié un nouvel arrangement amélioré avec les Afghans.
    Pendant tout le processus, nous étions bien au courant de nos responsabilités en vertu du droit international et nous avons été éclairés par la nécessité de renforcer les capacités des institutions afghanes.
    Nous n'avons jamais sous-estimé les défis, mais nous faisions confiance à nos gens et à la gamme d'outils que nous pouvions fournir pour appuyer les efforts: la formation, la surveillance, les nouvelles infrastructures et les équipements, le fait de faire participer les Afghans à tous les niveaux pour leur rappeler leurs obligations et leurs engagements.
    La question n'était pas théorique. Premièrement, nous savions parfaitement bien que les détenus capturés par les Forces canadiennes posaient une réelle menace aux Afghans et, plus encore, dans certains cas, qu'ils avaient du sang canadien sur les mains. Notre incapacité à traduire devant le système de justice afghan ceux qui étaient capturés sur le champ de bataille ou dans des opérations contre les fabricants de bombes artisanales auraient placé les Afghans et les Canadiens dans une situation encore plus dangereuse.
    Deuxièmement, un système correctionnel fonctionnel et un système de justice en état de marche sont essentiels à la gouvernance, encore plus en Afghanistan qu'ailleurs. Si nous avions abandonné, ç'aurait été un recul terrible pour le peuple afghan. Nous croyons devoir apporter des changements et nous pensions avoir la capacité — et l'obligation — de le faire.

  (1540)  

    Le 3 mai 2007, notre gouvernement a signé une entente supplémentaire améliorant l'entente de décembre 2005 à de nombreux égards, afin d'expliciter les attentes du Canada et les responsabilités de l'Afghanistan. Cet accord supplémentaire nous a fourni un accès sans restriction et en privé à toute personne transférée par les Forces canadiennes aux autorités afghanes; a reconnu à la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan et au Comité international de la Croix-Rouge le même accès sans restriction. Précisé que le gouvernement afghan enquêterait sur toute allégation d'abus et de mauvais traitement et traînerait les contrevenants en justice, conformément au droit international et aux normes juridiques applicables à l'échelle internationale; et a stipulé que les détenus transférés par les Canadiens ne seraient incarcérés que dans un nombre limité d'établissements, ce qui faciliterait l'accès et la surveillance. Il s'agissait d'une réalisation interministérielle remarquable, qui demeure sans aucun doute le meilleur modèle pour tout pays membre de l'OTAN menant des opérations en Afghanistan.
    Permettez-moi maintenant de dire quelques mots au sujet de ma gestion, pas seulement au MAECI ou au BCP, mais également de la vaste équipe interministérielle qu'on m'avait demandé de coordonner. La mission en Afghanistan nous a posé de nombreux problèmes que nous n'avions jamais eu à relever auparavant. Nous en apprenions davantage chaque jour, nous discutions de la façon de nous améliorer, nous adoptions des pratiques exemplaires et nous peaufinions nos politiques et nos processus pour nous adapter aux nouveaux défis. L'un de ceux-ci, en matière de politique, consistant de passer de discussion à de la formulation à la mise en oeuvre.
    En ce qui concerne les détenus, comme dans tous les dossiers dont nous étions saisis, j'ai incité tout un chacun à exprimer ouvertement ses points de vue, ses opinions et des suggestions. Toutefois, lorsque la politique a été adoptée, j'ai indiqué clairement que tous les représentants devaient la mettre en oeuvre rigoureusement, avec engagement et discipline.
    J'ai déjà signalé que je considérais que nous devions effectuer davantage de consultations et resserrer l'esprit d'équipe. J'avais remarqué que les ministères avaient tendance à préparer des rapports distincts, dans certains cas à l'intention de leur personnel uniquement. En outre, même si j'étais de toute évidence considéré comme un initié, à la lecture de certains des rapports de terrain, il n'était pas toujours facile de déterminer si les renseignements fournis provenaient de source directe ou s'il s'agissait d'une opinion; si l'auteur parlait au nom de son ministère d'attache, de l'ambassade ou même du gouvernement du Canada ou s'il s'exprimait à titre personnel.
    Même si les rapports étaient nombreux, les faits indéniables, eux, étaient rares. Je considérais qu'il m'incombait de veiller à ce que nous fournissions les meilleurs conseils possibles basés sur des faits.
    Permettez-moi maintenant de dire quelques mots au sujet d'un membre de notre équipe. Richard Colvin s'est porté volontaire pour se rendre dans un théâtre d'opérations dangereux et entreprendre un travail extrêmement ardu, à une époque où très peu de gens étaient prêts à le faire. Il a fait preuve de bravoure et de dévouement, et je lui en suis reconnaissant.
    Richard, comme beaucoup d'autres, nous a fait part d'idées, de suggestions et de recommandations à étudier. Je n'étais pas toujours d'accord avec lui, mais je l'ai toujours écouté. Le nombre de rapports qu'il a produit montrent à eux seuls qu'il a eu amplement l'occasion de s'exprimer et de faire part de ses opinions. En fait, l'accord de transfert révisé corrige toutes les lacunes dont il a parlé dans son témoignage devant votre comité, et ce grâce à notre collaboration interministérielle. Il l'a reconnu.
    Il est faux de dire que je l'ai bâillonné, lui ou tout autre fonctionnaire. La correspondance à laquelle il a fait référence est, je crois, celle du 24 avril 2007. Nous avions envoyé par écrit à notre ambassade à Kaboul notre plan d'intervention diplomatique, le fruit de vastes consultations interministérielles auxquelles avait participé l'ambassade. Il a répondu d'une façon qui semblait rouvrir le débat, sans nouveau renseignement à l'appui; il nous demandait de prendre des mesures que nous avions déjà adoptées, et il donnait son avis sur la façon dont l'armée devait mener ses opérations. Cela a semé une confusion considérable à Ottawa.
    J'ai soulevé avec lui trois points. Premièrement, j'ai indiqué clairement que l'approche adoptée était le fruit d'un consensus interministériel. Deuxièmement, j'ai signalé que des tâches plus précises et détaillées à l'intention du gouvernement de l'Afghanistan et de la commission suivraient. Troisièmement, j'ai précisé qu'il vaut souvent mieux exprimer ses idées, opinions et points de vue bien arrêtés par téléphone d'abord.
    Il n'a pas été facile d'obtenir un consensus entre les Forces canadiennes et différents ministères et organismes, et encore moins de les convaincre d'adopter la même approche. J'ai insisté pour qu'on prenne le temps de mener de vastes consultations sur tous les dossiers importants. J'ai demandé aux gens d'en parler en long et en large, de consulter leurs collègues, et d'avoir recours davantage au téléphone.
    On ne peut pas effectuer un travail de ce genre, avec des représentants sur trois continents dans différents fuseaux horaires, uniquement par courriel. Nous réunissions tous les acteurs à Ottawa dans une seule pièce, et établissions une connexion avec des contacts clés à Kaboul, Kandahar et, au besoin Bruxelles ou New York. J'ai indiqué clairement que nous étions ouverts à tous les points de vue et que nous voulions être mis au courant de tout nouveau renseignement pertinent.

  (1545)  

    J'ai également précisé que je m'attendais à ce qu'on indique clairement si les renseignements provenaient de source directe et s'ils étaient nouveaux. Nous avons été mieux en mesure de découvrir de nouveaux faits et de comprendre la situation lorsque nous avons procédé au déploiement d'experts civils.
    J'ai demandé à ce que l'ambassadeur soit consulté sur tous les messages importants en matière de politique. C'est une approche nécessaire et automatique dans toutes les missions, et les hauts fonctionnaires au Canada présumaient que l'on fonctionnait déjà ainsi. J'ai demandé à ce que les rapports du terrain soient factuels, objectifs, rédigés en collaboration, et assujettis à une évaluation rigoureuse.
    Finalement, j'ai fait clairement savoir qu'après ces vastes consultations, une fois qu'une orientation stratégique était établie, je ne m'attendais pas à ce que, sans renseignement nouveau ou pertinent à l'appui, on ouvre le débat. Cela ne ferait que semer la confusion, nuire à la mise en oeuvre efficace et démoraliser ceux qui risquaient leurs vies pour visiter les prisons et respecter les engagements des ministères et organismes.
    Loin de museler les opinions de cacher la vérité, nous avons trouvé les ressources nécessaires pour présenter des rapports complets, honnêtes et transparents sur la mission et j'en suis très fier. À cet égard, je vous réfère au rapport Manley et au rapport trimestriel que nous avons publié depuis juin 2008.
    Aucun autre pays n'offre un tel niveau de transparence, mais nous avons été en mesure de le faire parce que nous avons déployé des ressources civiles sur le terrain et que nous sommes passés d'opinions, de preuves circonstancielles et d'allégations à des faits.

  (1550)  

[Français]

    J'ai créé une solide équipe interministérielle profondément dédiée à accomplir la mission et à promouvoir les valeurs canadiennes, à commencer par le respect de la loi.

[Traduction]

    J'ai travaillé pendant plus de deux ans sur le dossier de l'Afghanistan. J'ai travaillé au MAECI. J'ai été secrétaire du groupe d'experts de M. Manley, et j'ai travaillé au BCP, où j'ai supervisé la mise en oeuvre de toutes les recommandations du groupe d'experts.
    J'ai contribué à la création d'une équipe interministérielle solide entièrement consacrée à la mission, mais également aux valeurs canadiennes, en commençant par le respect de la loi. J'ai laissé derrière moi quelques collègues qui, je le savais, se sentaient frustrés, parce que lorsque nous avons exprimé nos points de vue et nos opinions, et lorsque toutes les consultations pertinentes ont été menées, nous sommes passés de manière décisive du débat à la mise en oeuvre. Je suis toutefois convaincu que nous l'avons fait de façon prudente et efficace, en respectant à la lettre les normes exigées de nous par le gouvernement canadien, la communauté internationale et, surtout, les Canadiens.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur.
    Nous allons passer à la première série de questions qui se limite à sept minutes. On commence par l'opposition officielle.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois dire que j'ai travaillé avec M. Mulroney à de nombreuses reprises à une autre époque, et que je suis heureux de le revoir et de pouvoir lui poser quelques questions.
    Je déteste la formalité, ambassadeur...
    S.E.M. David Mulroney: Vous pouvez encore m'appeler David.
    L'hon. Bob Rae: Je pense que vous avez bien situé dans leur contexte les divergences d'opinion entre vous et M. Colvin à l'égard, évidemment, de ce qui se passait réellement dans les prisons, mais également de la rapidité avec laquelle le Canada pouvait adapter sa politique, découlant de l'accord signé en décembre 2005, à celui modifié en 2007.
    Comprenez-vous pourquoi M. Colvin a tenu de tels propos la semaine dernière sur l'expression de ses fortes convictions à l'égard des témoignages qu'il avait entendus concernant ce qui se passait dans les prisons, et sur l'accueil qu'on réservait à ses observations additionnelles une fois la décision prise d'adopter une certaine approche, comme vous l'avez dit?
    Peut-on considérer qu'il s'agit d'une divergence d'opinion entre vous deux sur ce qui s'est passé?
    Il s'agit, monsieur Rae, de l'une des choses qui m'a le plus surpris à propos de cet échange. Richard était convaincu qu'étant donné les problèmes dont tout le monde était au courant dans le système afghan, nous devions soit cesser les transferts, soit construire une prison, soit mettre en place un système de surveillance rigoureux, lequel nécessiterait des ressources supplémentaires. Nous avons opté pour la troisième solution. En fait, environ une semaine après cette correspondance, datée du 24 avril, il a envoyé un message pour me remercier de l'avoir écouté.
    Il a dit au comité qu'il avait participé à des réunions à Ottawa, ce n'était pas le fruit du hasard. Il s'agissait de réunions sérieuses et de haut niveau sur ce dossier.
    À quelle date?
    C'était en mars 2007, alors que nous commencions à réfléchir à la façon de réagir, d'élaborer ce système. Richard a participé à ces réunions, et il a également été consulté par téléphone. Il était un auteur prolifique. Il a écrit d'autres messages après l'échange dont il est question. Ces opinions lui tenaient énormément à coeur. Il voulait que nous procédions extrêmement rapidement. Nous avons fait notre possible, et avons tenu compte de nombre de ses conseils.
    En ce qui concerne le premier point, deux questions se posent, à savoir quelles étaient les conditions dans les prisons afghanes, et si l'on faisait la sourde oreille et qu'on favorisait la culture de l'inertie.
    Sur ce premier point, il semble qu'on dispose d'une foule de renseignements secondaires provenant du département d'État, de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan, de l'ONU et de la Croix-Rouge, qui ont maintenant été repris par les médias, au sujet des conditions dans les prisons. Croyez-vous que ces gens s'inquiétaient à juste titre de l'utilisation généralisée de la torture, des abus, et des mauvais traitements dans les prisons et le système de détention de l'Afghanistan?

  (1555)  

    Je pense que tout le monde savait très bien que de nombreux problèmes se posaient dans l'ordre juridique, et les prisons et la force de police de l'Afghanistan, comme il s'en posait dans l'ensemble du système de ce pays. Or, la question est de savoir comment concilier ces renseignements et le problème que posait la nécessité de transférer les individus constituant une grave menace pour les Afghans et les Canadiens dans le système juridique.
    C'est un défi que devaient relever tous nos alliés, qui s'y sont attaqués de diverses façons. Les Américains ont construit leur propre prison à Bagram, qu'ils géraient en partie sous l'égide de l'OTAN et en partie de façon indépendante. Les Britanniques et les Néerlandais avaient mis en place des systèmes de surveillance. Nous ne l'avions pas fait en 2005, et vers la fin de 2006, il est devenu évident que nous devions adopter une approche semblable.
    Nous ne voulions pas nous contenter d'observer passivement l'évolution de la situation en Afghanistan. Dans notre système de surveillance, nous voulions expliciter nos attentes envers le gouvernement afghan ainsi que le droit de la Croix-Rouge et de la Commission indépendante des droits de la personne de l'Afghanistan de visiter les prisons, et nous l'avons fait. Ce faisant, nous avons renforcé la capacité de la CIDPA.
    Nous avons cerné quatre prisons dans lesquelles seraient envoyés les détenus transférés par les Canadiens. Cela nous tenait à coeur, parce que nous voulions être en mesure de les suivre dans le système, de savoir exactement où ils seraient envoyés. Ensuite nous voulions effectuer une surveillance, et aborder la question de l'équipement. Nous étions persuadés que nous pouvions faire en sorte que les détenus soient transférés sans risque important de torture. Nous nous sommes employés à déterminer comment identifier ces détenus comme étant transférés par des Canadiens, et comment veiller à ce qu'ils comprennent leurs droits, à l'aérodrome de Kandahar.
    L'équipe avait à coeur de faire tout en son possible pour protéger les détenus transférés par des Canadiens et pour améliorer le système carcéral afghan. Je pense que nous avons réussi sur tous les points.
    Mais pouvez-vous comprendre que pendant...? Je veux dire que d'une certaine façon, l'accord était en vigueur quand on a commencé à capturer un grand nombre de détenus, à l'hiver et au printemps 2006, et ce n'est qu'à l'automne de 2007 que le système a été entièrement renforcé, comme vous le dites. Il est donc du moins possible...
    C'était en mai 2007.
    En mai 2007. Pendant ce temps, avant que l'on puisse mettre en place toutes ces mesures, est-il possible qu'un certain nombre de détenus aient été sujets à de mauvais traitements dans les prisons, tout simplement parce que nous n'étions pas en mesure d'en faire le suivi?
    Je pense qu'il faut remettre les choses en contexte. En décembre 2005, les Forces canadiennes n'avaient pas encore été complètement déployées dans le Sud de l'Afghanistan.
    C'est exact.
    Non. Nous ne nous attendions pas à ce que l'insurrection soit aussi féroce.
    La mort de Glyn Berry en janvier a été une tragédie pour nous tous. Mais cela a également nuit à nos efforts pour déployer davantage de civils pendant de nombreux mois, alors qu'on étudiait notre devoir de diligence et la façon de les déployer en toute sécurité.
    À l'été 2006, les Forces canadiennes devaient faire face à des centaines de talibans, et participaient à certains des plus importants combats depuis la Corée. Ce fut donc une année extrêmement chaotique et terrible. À cette époque, le MAECI et le MDN délimitaient les responsabilités à l'égard des détenus. Le MAECI avait pris contact avec les organisations internationales compétentes. Service correctionnel Canada avait commencé à visiter des prisons afghanes pour déterminer l'ampleur de la capacité additionnelle requise.
    Aurions-nous dû procéder encore plus rapidement à cette époque? Aurions-nous dû mettre en place dès 2006 l'accord conclu en 2007? L'Afghanistan était un théâtre de guerre en pleine évolution, et nous nous sommes rendu compte au début de 2007 que nous devions apporter des changements. Je suis arrivé à la fin de février, et dès le début du mois de mai nous avions mis en place une nouvelle entente.
    Désolé, votre temps est écoulé. Nous devons nous en tenir au temps accordé pour que chacun ait la chance de parler. Désolé.
    Monsieur Bachand, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Mulroney.
    Pourriez-vous partager le temps qui vous est alloué?
    Oui, je vais partager le temps dont je dispose avec Mme Lalonde.
    Monsieur Mulroney, j'ai deux documents ici. L'un a été dévoilé par le réseau CBC hier et l'autre est tiré de l'affaire Attaran v. Canada, (Foreign Affairs). Je commence par le document présenté par la CBC. J'aimerais que vous notiez mes deux questions et que vous y répondiez par la suite.
    D'abord, le document dévoilé par la CBC hier est signé par Richard Colvin et Margaret Bloodworth, que vous connaissez certainement. Connaissez-vous ces deux personnes?

[Traduction]

    Je crois qu'il a été signé par Richard Colvin et Catherine Bloodworth.

  (1600)  

    Il s'agit de Mme Bloodworth.
    Non. Margaret Bloodworth est la mère de Catherine Bloodworth. Margaret Bloodworth était la conseillère en sécurité nationale, tandis que Catherine Bloodworth faisait partie du personnel de l'ambassade à Kaboul.
    On parle ici de « Colvin » et de « Bloodworth », et vous dites que c'est Cathy.
    C'est la fille de Margaret. Il s'agit de Catherine Bloodworth.

[Français]

    Mme Bloodworth était-elle sous votre autorité?

[Traduction]

    De quand le document est-il daté?

[Français]

    Il est daté de 2006.

[Traduction]

    À cette époque, je n'étais pas responsable du dossier de l'Afghanistan. J'étais conseiller en matière de politique étrangère et de défense au Bureau du Conseil privé.

[Français]

    Une copie conforme du document est adressée à David Mulroney. Vous étiez au PCO à ce moment-là?
    Exactement.
    Tous les gens et institutions dont les noms apparaissent dans ce document: Mme Swords, M. Laporte, CEFCOM, National Defence Headquarters, Sinclair, vous les connaissez tous.
    Dans ce document, on mentionne à plusieurs reprises des actes de torture. Je vous en citerai des passages que je vais devoir interpréter, parce qu'il y a beaucoup de caviardage. Voici ce qu'on dit:

[Traduction]

Un des... détenus que nous avons interviewés... a dit... avait été fouetté avec des câbles, électrocuté et/ou «  maltraité » d'autres façons pendant que la Direction nationale de la sécurité en avait eu la garde à Kandahar. La période où les sévices allégués ont été commis a duré de...
    On ne le dit pas ici.

[Français]

    Cela continue ainsi tout au long du document qui contient justement des plaintes de détenus, que M. Colvin et Mme Bloodworth vous ont signalées dans une copie conforme.
    Ce n'est pas tout. Je poursuis:

[Traduction]

Il a dit que, pendant qu'il était détenu... Il est venu lui parler une fois. Lui et d'autres personnes ont dit à... qu'on avait « coupé les doigts de trois autres détenus et qu'on les avait brûlés avec un briquet » pendant qu'ils étaient sous la garde de la Direction nationale de la sécurité...

Lorsque nous lui avons posé des questions sur le traitement qu'il avait reçu... il a dit qu'on l'avait frappé sur les pieds avec un câble ou un « gros fil » et qu'on l'avait forcé à se tenir debout pendant deux jours, mais « que c'était tout ».

[Français]

    Avez-vous obtenu copie du document que je vous lis, envoyé en copie conforme, et qui fut approuvé par l'ambassadeur Lalani?

[Traduction]

    Ce document... Je crois que, en 2006, Arif Lalani n'était pas notre ambassadeur; c'était plutôt David Sproule. Il faudrait que je voie qui a approuvé le document.
    Il est indiqué ici, « Approuvé par: Lalani ».
    C'était en 2006?
    Oui.
    Arif est arrivé en 2007.
    Je suis désolé. Même la date est caviardée.
    Nous ne connaissons pas la date.
    Nous ne connaissons pas la date, mais votre nom y apparaît, et vous en aviez une copie.
    Avez-vous vu le rapport?
    Il faudrait me le montrer.
    Quelle est la procédure à suivre? Est-ce que je peux lui donner le rapport?
    Donnez-lui le document que nous ne pouvons pas consulter pour que lui aussi, ne puisse pas le consulter.
    Des voix: Oh, oh!
    J'ai déjà vu ce document.
    Vous l'avez vu?

[Français]

    Si vous avez vu ce document, comment se fait-il que le premier ministre nous dit qu'il n'y a pas eu de torture, qu'il ne se passe absolument rien et qu'il n'y a jamais eu de cas où les allégations ont été prouvées? À présent, vous avez le rapport de deux personnes que vous connaissez bien. Elles ont envoyé ce rapport à tous ceux que j'ai énumérés tout à l'heure, dont vous.
    Alors, expliquez-moi comment vous pouvez maintenir qu'il n'y a pas de torture dans les prisons afghanes actuellement ou qu'il n'y en a pas eu à cette époque?
    Si vous le permettez, je répondrai en anglais. Excusez-moi.

[Traduction]

    Ce rapport concerne une visite que Richard avait faite dans une prison de Kaboul, et non dans l'établissement de la Direction nationale de la sécurité à Kandahar. Il a parlé avec des gens qui ont dit qu'ils avaient subi des sévices, ce que nous avons rapporté aux autorités. Mais il est important de souligner qu'il ne s'agissait pas, à notre connaissance, de détenus transférés par le Canada. Notre priorité consiste à déterminer si les allégations de mauvais traitements subis par des détenus transférés par le Canada sont crédibles. Grâce à l'entente signée en mai, nous sommes bien plus capables de déterminer si c'est le cas. Nos bases de données ont été améliorées, et nous pouvons faire le suivi nécessaire grâce au système.
    Nous savions donc qu'il y avait des allégations de mauvais traitements infligés dans les prisons afghanes. Des revues internationales sur les droits de la personne, par exemple, en ont fait état. Ce que nous voulions, c'était de créer un système qui protégerait suffisamment les détenus transférés par le Canada. Nous voulions que les Afghans s'acquittent de leurs obligations comme nous étions en droit de l'attendre.
    Cela, c'était avant l'entente de mai. Nous avons conclu cette entente pour répondre aux allégations et aux préoccupations du genre.

[Français]

    Oui, mais il y a eu des tortures à ce moment-là, c'est évident.
    J'ai une autre preuve ici. Dans l'affaire Attaran v. Canada (Foreign Affairs), il est écrit que dans le rapport de 2006 sur les droits de l'homme en Afghanistan — vous avez lu ce rapport, vous étiez responsable —, il y a une phrase que vous avez tenté d'enlever...

  (1605)  

[Traduction]

    En 2006, j'étais au Bureau du Conseil privé, et non en Afghanistan.

[Français]

     Toutefois, vous avez certainement lu le rapport.
    Oui.
    Il a été écrit par M. Colvin et envoyé à M. Mulroney, c'est-à-dire à vous-même. Il y est écrit:

[Traduction]

« Les exécutions sommaires, les disparitions, la torture et la détention sans jugement sont choses communes. »

[Français]

    Monsieur Mulroney, il n'est plus question de savoir si ce sont des soldats canadiens qui ont remis ces prisonniers; il est question qu'il y en avait partout. À ce moment-là, vous auriez dû le dire au premier ministre.
    Personnellement, je pense que vous le lui avez dit. Lui avez-vous parlé de la conclusion de ces rapports?

[Traduction]

     Personne ne doutait du fait que le système afghan était affligé de nombreux problèmes. C'est un pays en développement dévasté par 30 ans de guerre. Nous le savions.
    Le problème, c'était que les combattants qui avaient été faits prisonniers représentaient une menace pour les Afghans et les Canadiens. Nous avions le choix: les laisser partir ou les mettre aux mains de la justice afghane. Mais cette deuxième option exige d'améliorer le système de justice afghan, et plus précisément les prisons. Divers ministères ont collaboré à la mise en place d'un programme qui devait permettre d'y parvenir avec un certain degré de confiance.
    Merci, monsieur Bachand.
    Nous passons maintenant à un député du parti ministériel pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur l'ambassadeur Mulroney, d'avoir accepté notre invitation.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Bachand. Si le document en question a été approuvé par l'ambassadeur Lalani, il aurait fallu que ce soit après avril 2007, parce que c'est à cette époque que l'ambassadeur Lalani est entré en fonction. Ce serait donc faire erreur que de dire que le rapport concerne des événements survenus en 2006.
    Effectivement, si le nom de l'ambassadeur Lalani figure au document. En fait, M. Lalani est arrivé à la toute fin d'avril, et il avait négocié la nouvelle entente dans la semaine suivant son arrivée.
    Merci.
    Après la mort tragique de Glyn Berry, était-il difficile pour l'EPR — c'est-à-dire, les employés civils — de sortir du périmètre de sécurité, du moins au début?
    Cela a été l'une de nos principales difficultés, de voir comment déployer les civils de l'EPR ou du terrain d'aviation de Kandahar dans les prisons afghanes. C'est l'une des raisons pour lesquelles je me suis rendu à la direction nationale de la sécurité. Je voulais voir moi-même ce qu'il en était. Les visites ne sont pas annoncées; ce qu'on fait normalement à cette occasion, c'est d'entrer sur le terrain de la prison dans un convoi. Il y a des contraintes de temps à respecter, parce que plus les véhicules restent longtemps, plus les insurgés ont le temps de planifier des attaques sur le chemin du retour. Les prisons elles-mêmes sont dangereuses; des membres du personnel s'étaient rendus à Sarposa quelques heures avant que la prison soit la cible d'une attaque.
    Nous avons beaucoup réfléchi à la façon de faire la plus sûre et la plus prudente possible.
    Donc, au début, après la mort de Glyn Berry, il n'y a pas eu beaucoup de visites de civils en dehors du périmètre de sécurité.
    Il n'y a pas eu beaucoup de visites. Il a fallu du temps pour construire...
    Les renseignements à ce sujet seraient donc de seconde main au moins.
    Oui.
    En 2006, le CICR a soulevé certaines préoccupations concernant la communication des renseignements. Ces préoccupations concernaient-elles des cas avérés de torture ou des allégations de torture, ou s'agissait-il plutôt de processus — tenue de dossiers, rapports, etc.?
    Il s'agissait surtout d'avis envoyés au CICR à Genève. On croyait que le système mis en place par les forces ne permettait pas d'acheminer assez rapidement l'information au CICR. Je sais, et je crois que le général Fraser en a aussi parlé, que les préoccupations ont été examinées après la réception du rapport, et que des mesures ont été prises. Nous avons élaboré un système par lequel le ministère des Affaires étrangères, par le biais de l'EPR, de l'ambassade à Kaboul et de l'ambassade à Genève, présente des rapports. Je m'assurais que les avis étaient envoyés. Cela prenait quelques jours seulement. Le problème a donc été corrigé.
    On a donc ramené le délai de un ou deux mois à quelques heures, ou quelques jours.
    C'est bien cela.
    De toute évidence, l'accord supplémentaire a permis de corriger ou d'éclaircir le processus. Ai-je raison?
    L'une des choses sur laquelle je me suis penché à mon arrivée aux Affaires étrangères a été d'améliorer la capacité des civils à jouer ce rôle. Ce que nous avons commencé à constater, et c'était là notre vision, c'était une continuité qui commençait par les forces — c'est-à-dire ceux qui sortaient et qui capturaient les fabricants de dispositifs explosifs artisanaux et qui dirigeaient les troupes sur le champ de bataille — en passant par les observateurs d'Affaires étrangères, de Service correctionnel Canada, de la GRC, les instructeurs et les autres, jusqu'au stade où le détenu était remis au système de justice afghan.
    Pourriez-vous nous parler des rapports que vous aviez avec les ministères engagés en Afghanistan? Vous y avez fait allusion. Était-ce par téléphone, par courriel, par vidéoconférence? À quelle fréquence? Durant tout cela, quelqu'un vous a-t-il informé — quelqu'un du MDN, du MAECI, de la GRC, etc. — avant 2007, qu'il y avait de la torture systématique?

  (1610)  

    Nous en étions tous au courant durant 2006. La raison pour laquelle nous avons modifié l'accord de 2005 était que nous voulions nous assurer que nous évitions, dans la mesure du possible, toute menace de mauvais traitement.
    Notre compréhension de la situation sur le terrain en Afghanistan s'est accrue mois après mois. Il est clair que, durant 2006, on cherchait à savoir si nous pouvions travailler dans les prisons afghanes et comment il fallait procéder pour renforcer les capacités. Nous travaillions ensemble avec la CIDPA et la Croix-Rouge pour voir quelle pouvait être leur contribution. Le MAECI et la Défense nationale s'employaient à déterminer comment partager les responsabilités de ce processus.
    Les travaux ont pris beaucoup de vitesse en 2007. Notre compréhension s'est améliorée. Nous avons élaboré de nouveaux processus. Nous réunissions tout le monde dans une seule et même pièce. Parfois, cela prenait toute la fin de semaine. Nous passions alors en revue toutes les parties du processus. Nous regardions alors les gens droit dans les yeux et nous leur disions « est-ce que vous comprenez? Est-ce que notre compréhension est la bonne? Est-ce ainsi que nous devons procéder? »
    Nous avions Kabul et Kandahar au bout de la ligne. Quand je dis Kandahar, je veux dire les civils que nous avions au sein de l'EPR, puis le commandant ou le commandant adjoint de la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan, et parfois quelques-unes des autres unités ayant participé à la capture des détenus, ainsi que des représentants du Juge-avocat général.
    Nous passions tout cela en revue dans le moindre petit détail, car nous devions tirer les choses au clair. Est-ce acceptable pour la GRC? Est-ce que nous respectons ses normes? Service correctionnel Canada approuve-t-il? Service correctionnel Canada et le MAECI peuvent-ils élaborer un modèle unique qui nous permettrait, visite après visite, de poser les mêmes questions détaillées? Comment faire rapport de cette responsabilité dans le système?
    Nous avons abattu tout ce travail durant une période s'étendant de mars à avril 2007, car nous voulions esquisser un meilleur accord et le mettre en oeuvre.
    Il serait donc prudent de dire, comme le général l'a dit hier, que vous devez composer avec un volume d'information provenant d'une grande variété de sources nationales et internationales, et que M. Colvin n'était qu'une source parmi tant d'autres.
    Pourriez-vous nous parler de vos rapports avec les ambassadeurs Sproule et Lalani? Y avait-il un échange constant d'information entre vous? Vous fournissaient-ils des preuves patentes de torture systématique ou d'abus des détenus transférés par les troupes canadiennes?
    Il n'y avait pas de preuve d'abus des détenus transférés par les Forces canadiennes, mais une des raisons pour lesquelles nous avons négocié le nouvel accord était pour pouvoir élaborer une base de données et un système d'archivage nettement meilleurs, et de pouvoir assurer une surveillance étroite. Il y avait eu des visites dans les prisons, mais ce n'était pas des visites de surveillance précises.
    Avec la nomination d'Arif, nous avons montré de façon très claire, dans le contexte du MAECI, qu'il allait être notre ambassadeur principal, au même titre que notre haut commissaire en Inde ou notre ambassadeur en Allemagne. Sous sa direction, nous avons installé un chef de mission adjoint. Nous avons également nommé un haut fonctionnaire civil dans le Sud.
    Nous n'aurions pas pu faire de rapports si nous n'avions pas les ressources humaines et les systèmes en place. Nous renforcions constamment nos ressources de sorte que le MAECI puisse jouer un rôle de partenaire tel qu'il était exigé de lui auprès des Forces. Or le ministère n'avait pas les ressources nécessaires pour le faire, et c'est en partie en cela que consistait mon travail.
    Compte tenu du volume d'information qui vous parvenait — et je reviens quelque peu à M. Colvin ici —, vous avez fait une distinction entre le volume et les faits. Est-il juste de dire qu'il est très important dans un tel environnement d'avoir des rapports très disciplinés, cohérents et vérifiables?
    C'est ce qu'on attendait de nous. Bien entendu, un accent particulier était mis sur nos responsabilités envers les détenus transférés par nos Forces, mais les rapports sur les droits humains que nous préparions examinaient le dossier élargi des droits humains en Afghanistan.
    Vous, en tant que supérieur de M. Colvin, auriez probablement une meilleure compréhension des aspects élargis relatifs à toutes les sources d'information et tous les éléments d'information recueillis de même que vous auriez eu une meilleure compréhension de la pertinence de ces informations dans tout cet engrenage.
    Une très courte réponse, s'il vous plaît, monsieur.
    Je me suis fait un devoir de parler à toutes les parties prenantes du système. Je ne pensais pas que cela aurait été fait suffisamment auparavant.
    Merci, monsieur Hawn.
    Monsieur Dewar, sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Mulroney.
    Je vais simplement revenir à l'allusion faite par M. Bachand à un document où il est fait mention de quelqu'un qui prétend avoir été fouetté avec un câble, avoir subi des chocs électriques, avoir reçu des coups de pied et avoir été battu, avoir été privé de sommeil, etc. Est-ce que vous diriez que cet amalgame de faits et de descriptions est de la torture, c'est-à-dire quelqu'un fouetté avec des câbles et qui subit des chocs électriques?
    Oui.
    Dans ce rapport, parce que j'ai lu ce que j'ai pu, je ne pense pas que le mot « torture » y figure du tout.
    Désolé, mais quel rapport?
    Dans le rapport que vous avez sous les yeux.
    Dans ce rapport?
    Oui. Est-ce que le mot « torture » y figure?
    Il faudrait que je le lise. Si vous ne le voyez pas...
    Je ne le vois pas, mais je n'ai que la version que vous avez, qui est considérablement caviardée. Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'on pourrait, du point de vue technique, rédiger un rapport comme celui-ci sans utiliser une fois le mot « torture », tout en décrivant des cas de torture, n'est-ce pas?

  (1615)  

    Je ne vois pas à quoi vous voulez en venir.
    On pourrait rédiger un rapport décrivant ce qui se passe dans une prison en indiquant que quelqu'un a dit, comme nous l'avons entendu en témoignage plus tôt, qu'il y avait des preuves qu'on aurait utilisé des câbles et des fouets... En fait, le gouvernement a admis que c'était un des rapports, non pas celui de M. Colvin mais un de ses associés, qui avait motivé la décision de modifier l'accord. Or, le rapport ne dit pas que la torture avait lieu, qu'il y avait des preuves de mauvais traitements. On peut donc rédiger tout un rapport sans utiliser une fois le mot « torture ». Est-ce que...
    Ce dont vous parlez, si je ne m'abuse, c'est le rapport du 5 novembre 2007.
    Je parle en terme général. Vous pourriez écrire un rapport décrivant des événements qui sont en fait des informations de seconde main ou provenant de la personne qui fait ces allégations ou de quelqu'un qui aurait observé les faits, n'est-ce pas? Nous avons entendu parler d'un cas où il a été prouvé qu'un câble et un tuyau en caoutchouc ont été utilisés sous une chaise...
    C'est ce que notre surveillance a permis de relever et ce cas nous a conduits à interrompre le transfèrement des détenus jusqu'à ce qu'une enquête exhaustive soit menée pendant plusieurs mois.
    Exact.
    Est-ce que le mot « torture » figurait dans ce document?
    Il faudrait que je revoie le document.
    Si vous pouviez nous le remettre, nous vous en saurions gré.
    Monsieur Dewar, cela reposait sur le fait que le document a été élaboré avec l'aide du Service correctionnel du Canada, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi que des Forces canadiennes en tant que document de référence nous permettant de questionner de façon rigoureuse et complète les détenus transférés par l'armée canadienne. Ces personnes recevaient une formation en matière de sensibilisation à la torture. Elles rapportent exactement ce qui...
    Je ne me remets pas cela en question. Ce que je demande, c'est si le mot « torture » figure dans le document. Parce qu'il semble que vous auriez pu facilement utiliser un document qui décrit la torture sans que le mot « torture » y figure.
    Le document avait pour but de rapporter les faits et non pas de rapporter des impressions.
    C'est juste, je suis d'accord avec vous sur ce point.
    Avant 2007, et donc avant la révision de l'accord sur le transfèrement des détenus dont vous avez fait mention, est-ce que vous avez informé le premier ministre — et j'imagine que vous l'avez sans doute fait — au sujet des détenus?
    En 2007, j'étais...
    Avant la modification de l'accord de 2005.
    En 2007, je travaillais pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et j'ai sans doute eu à informer le ministre MacKay.
    Durant la période précédent le nouvel accord sur le transfèrement des détenus de 2005, qui a été signé en 2007...
    Exact.
    ... avez-vous informé le premier ministre de la question des détenus?
    J'ai transmis les renseignements par l'intermédiaire du ministre MacKay. J'étais alors sous-ministre délégué au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
    D'accord.
    Dans l'un des documents auquel j'ai pu accéder grâce à une demande d'accès à l'information, il y est indiqué que le 8 mars 2007, Jill Sinclair du Bureau du Conseil privé vous a demandé ce qui suit:
... dresser une liste des questions et enjeux que nous voulons inclure dans notre note qui sera envoyée au premier ministre aujourd'hui. La liste vous sera ensuite transmise avant votre réunion pour que toutes les questions soient établies à midi. [Traduction]
    Beaucoup de mots sont caviardés. Le courriel a pour objet « Détenus ». Je suis certain que vous avez vu cet échange de courriels.
    J'ai travaillé en étroite collaboration avec le Bureau du Conseil privé à ce moment-là, il faisait partie des ministères avec qui nous collaborions.
    Le 7 mars, la Croix-Rouge a publiquement annoncé que le gouvernement a fait erreur en énonçant son rôle, donc il est probable que vous transmettiez de l'information au Bureau du Conseil privé au sujet de la question des détenus. C'était donc probablement à ce sujet-là?
    Le Bureau du Conseil privé faisait presque toujours partie de nos réunions interministérielles à ce sujet.
    Alors vous avez transmis des renseignements au sujet de la Croix-Rouge et de ce que vous pensiez être le rôle de... Je veux dire qu'à ce moment-là, nous savons que le ministre O'Connor avait été mis sur la sellette au sujet de l'arrangement établi. Il a mal informé la Chambre lorsqu'il a dit que la Croix-Rouge informait le gouvernement du Canada au sujet du sort des détenus. Vous vous en rappelez?
    Je m'en rappelle, mais je ne me rappelle pas précisément le... Nous communiquions de façon quotidienne avec le Bureau du Conseil privé au sujet de tous les aspects concernant les détenus.
    D'accord.
    Est-ce que vous vous rappelez vos préoccupations — j'ai posé la même question à l'un des témoins, hier — au sujet du gouverneur Khalid? Étiez-vous au courant des allégations de participation de M. Khalid à des actes de torture? Il était accusé d'avoir un donjon. D'après certaines allégations, il aurait infligé des sévices, physiques et autres, aux détenus. Étiez-vous au courant de ces allégations?
    J'étais au courant de ces allégations. Ces allégation étaient assez répandues en Afghanistan, et elles étaient transmises par beaucoup de hauts fonctionnaires qui venaient de sortir d'une période de 20 à 30 ans de chaos.
    En ce qui a trait aux allégations, j'aimerais soulever quelques points. Nous avons demandé à l'équipe provinciale de reconstruction et à d'autres intervenants d'enquêter à ce sujet. Des gens se sont rendus à la résidence du gouverneur et en ont inspecté l'intérieur. Malgré ces allégations, nous n'avons eu aucune preuve pouvant être présentée au gouvernement afghan.
    Ce qui était important, malgré cela, c'est que nous travaillions très fort à s'assurer que notre relation avec le gouverneur était fondée sur le fait que nous nous attendions à ce qu'il respecte ses obligations envers le gouvernement de l'Afghanistan, la Constitution et le droit international.

  (1620)  

    Est-ce que vous avez eu accès à son installation?
    Nous avons visité sa résidence et nous n'avons vu aucune installation...
    Alors, il n'y avait aucun soi-disant donjon.
    Nous avons parlé à des gens très haut placés à Kaboul et nous leur avons exprimé nos préoccupations au sujet de ces allégations, mais n'avons jamais été capables de trouver de preuves précises.
    Merci, monsieur Mulroney.
    Cela met fin à la première série de questions de sept minutes. Nous allons rapidement entamer la deuxième série, les questions dureront cinq minutes. Nous allons commencer par le parti ministériel et passerons ensuite à l'opposition officielle.
    Je parlerai rapidement et partagerai mon temps avec M. Obhrai.
    Monsieur Mulroney, en ce qui a trait à la réunion de mars 2007 à laquelle M. Dewar a fait allusion, d'après vous, cette réunion s'est-elle tenue plus ou moins au moment où la Croix-Rouge clarifiait son rôle, entre autres en matière de surveillance?
    C'est exact.
    ... c'est aussi à ce moment-là que l'accord était sur le point d'être modifié? Est-ce exact?
    C'est exact.
    Monsieur Obhrai.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Mulroney. C'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui pour entendre vos explications au sujet de la situation en Afghanistan qui, comme vous l'avez dit, est très complexe.
    Je vais exposer deux aspects et j'aimerais que vous partagiez votre expertise au sujet de la liste de distribution du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
    Le premier aspect en cause, c'est le transfèrement des détenus capturés par les soldats canadiens, la responsabilité des soldats canadiens en ce qui a trait aux détenus qui sont remis aux autorités afghanes et votre responsabilité ainsi que l'entente subséquente conclue avec vous et le ministère pour s'assurer que ces détenus n'étaient pas torturés, mais que si c'était le cas, des mesures seraient prises. Il s'agit là du premier aspect.
    Or, d'après l'opposition, la question est beaucoup plus large. Il semblerait que vous ayez entendu, sur le terrain, des allégations générales de torture dans les prisons et ailleurs, qui, comme vous l'avez bien dit, n'étaient pas adéquates.
    Si la torture était généralisée, il vous incombait en partie d'instaurer des institutions, de promouvoir les droits de la personne et de prendre d'autres mesures de ce type. D'abord, précisons quelles étaient les responsabilités des soldats canadiens à l'égard des détenus. C'est ce dont nous devrions discuter. L'opposition a tort de vouloir intégrer cela dans la question élargie des violations des droits de la personne.
    Beaucoup de questions ont été soulevées aujourd'hui, comme les messages C4 reçus, la liste de distribution impressionnante de destinataires. Vous faisiez partie du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, alors pouvez-vous nous donner des explications? Lorsqu'un message C4 arrive au ministère, quelle est la procédure à suivre? Est-il transmis à tout le monde ou simplement envoyé aux destinataires du haut de la liste? Comment l'information figurant dans un message C4 est-elle diffusée pour répondre aux besoins de votre groupe de travail?
    Merci, monsieur Obhrai.
    Premièrement, notre première préoccupation était de s'assurer que les détenus transférés par les Canadiens ne soient pas exposés à un grand risque de torture. Tout soldat canadien reçoit une formation et des instructions quant à ses responsabilités en application de la Convention de Genève. Nous travaillons en très étroite collaboration avec tous les éléments des Forces canadiennes qui participaient à la capture et au transfert de détenus.
    Le MAECI était chargé de fournir l'autre élément du processus, c'est-à-dire qu'après le transfert du détenu, il fallait organiser avec le Service correctionnel et la GRC le contrôle, l'engagement diplomatique auprès du gouvernement afghan si nous avions des craintes que les besoins ne soient pas comblés, et toute la formation et le renforcement des capacités. C'était donc un partenariat et un continuum.
    Ce n'était pas sans rapport avec la question plus générale des droits de la personne, parce que les fonds que nous engagions par l'entremise de l'ACDI et d'autres mécanismes visaient en grande partie à améliorer le secteur judiciaire, à former des juges et des avocats, améliorer les prisons, etc. Tout cela se faisait donc en même temps.
    Pour ce qui est de la distribution des messages C4, en général, plus le message était important, plus haut il monte dans la hiérarchie et moins il a de destinataires, parce que ce sont souvent des sujets plus sensibles qui s'adressent aux directeurs généraux, aux sous-ministres adjoints, aux sous-ministres, ou même à des personnages encore plus haut placés.
    En général, le message est adressé à une personne ou à un bureau. S'il est adressé à un bureau, il incombe au chef de ce bureau ou à la personne qui est chargée de gérer le compte C4 de déterminer à qui il est acheminé et jusqu'à quel niveau de la hiérarchie supérieure. Dans d'autres cas, un message peut s'adresser à une personne à un niveau donné et être transmis plus haut à cause de l'importance que cette personne y attache.
    Dans le cas de nos messages sur la question des détenus, nous avons constaté, dès les débuts de nos activités, que certains s'adressaient à sept personnes, et parfois le message était envoyé à 75 personnes. Plus il y a de destinataires du message, plus la responsabilité est diffuse et nous avons donc déclaré que chaque organisation doit identifier une personne responsable en premier lieu du dossier des détenus dans l'organisation. Les personnes en question sont ensuite responsables de s'assurer que le message soit transmis à tous ceux qui ont besoin d'en prendre connaissance.
    J'ai toujours suivi de près ces échanges et je me suis assuré de signaler fidèlement tout ce que je constatais en prenant connaissance des rapports. Il nous a donc fallu imposer une certaine discipline et responsabilité dans le réseau de distribution.

  (1625)  

    Donc, si quelqu'un sur le terrain envoyait un C4 assorti d'une liste de distribution de 70 ou 80 personnes, une fois que le message arrivait au ministère, les destinataires étaient limités à quelques personnes clés — c'est ce que vous venez d'expliquer — ce qui veut dire que ceux qui figuraient sur la liste C4 n'obtenaient pas nécessairement...
    Non, le message est envoyé au compte C4 individuel, de sorte que s'il s'adresse à 78 personnes, 78 personnes en prennent connaissance.
    En prennent connaissance.
    Oui.
    Nous passons maintenant à l'opposition officielle et la parole est à M. Dosanjh.
    Monsieur Mulroney, je vous remercie pour votre présence.
    Je vais poser ma série de questions, et mon collègue en aura ensuite une à poser, après quoi vous pourrez y répondre.
    Monsieur Mulroney, je trouve votre témoignage plutôt intéressant en ce sens que M. Colvin nous a dit que les personnes qu'il avait interrogées à Kaboul avaient été transférées depuis Kandahar après avoir été détenues pendant un certain temps à la DNS à Kandahar, et vous avez dit qu'ils ne pouvaient pas s'agir de nos détenus.
    Vous ne pouvez pas en être certain, monsieur. Je veux que vous répondiez à cela: comment pouvez-vous en être tellement certain?
    Selon le rapport de 2008 de la Commission indépendante afghane des droits de la personne, des quelque 400 détenus interrogés, 98,5 p. 100 ont été torturés ou maltraités d'une manière ou d'une autre. Comment pouvez-vous être certain que nos détenus font partie des 1,5 p. 100 qui n'ont jamais été torturés? Je veux que vous répondiez à cette question d'une manière que nous jugerons satisfaisante.
    Par ailleurs, monsieur, vous avez dit, et je veux que vous répondiez à cela, que la situation était tellement mauvaise... Vous avez dit que vous saviez qu'il y avait de la torture: nous avions entre nos mains des gens très mauvais et nous devions nous en débarrasser, alors quand nous avons apporté des changements, nous les avons simplement intégrés au système parce que nous ne pouvions pas les garder aux alentours; c'était des gens dangereux.
    Cela équivaut presque, monsieur, à invoquer le moyen de défense fondé sur la nécessité quand vous exposez des gens au risque de torture.
     Si c'était ce que j'avais dit.
    Non, c'est ce que vous avez dit.
    Ce que j'ai dit, et c'est important, c'est qu'il y avait des problèmes dans le système afghan...
    Qu'il réponde à la question.
    Très bien, mais c'est une affirmation importante et je dois la réfuter tout de suite.
    Faites donc.
    Nous n'avons jamais procédé à de transfèrement quand nous pensions qu'il y avait un risque élevé de torture. Nous savions qu'il y avait des problèmes dans le système afghan, mais nous avons établi un solide système de surveillance. Nous avons participé à la formation. Nous avions tous les outils voulus pour vérifier le système depuis le sommet, le président — et nous sommes intervenu auprès du président — jusqu'aux ministres, le directeur de la DNS et jusqu'au bas de la pyramide.
    Nous savions donc qu'il y avait des problèmes en Afghanistan; c'est établi. Nous étions très confiants de pouvoir intervenir dans le système et de créer les conditions voulues pour le transfert de détenus par les Canadiens dans le respect de nos obligations tout en ayant confiance que les Afghans respecteraient leurs engagements, et les faits montrent qu'en tout, nous avons fait 175 visites. S'il est vrai qu'au début des mauvais traitements ont été signalés, et beaucoup dataient probablement d'avant notre arrangement, nous sommes allés mois après mois, nous avons fait une visite tous les cinq jours et nous pouvions nous prononcer en toute confiance, ce que nous ne pouvions pas faire auparavant, sur le traitement des détenus transférés par les Canadiens.
    Sinon, nous n'aurions pas été en mesure de faire cela. C'est donc une affirmation très importante. Nous n'aurions jamais fait une chose pareille.
    Vous pouvez répondre aux autres questions, mais en voici une autre. Je veux qu'on réponde aux autres également.
    Je vais le faire.
    Monsieur Mulroney, si je vous ai bien entendu, vous avez dit que vous aviez quotidiennement des entretiens avec le BPC sur tous les aspects du dossier des détenus. La question se pose alors: et le cabinet du premier ministre? Avez-vous communiqué avec le CPM, avec qui exactement, et quelle était la nature de vos échanges?
    Par ailleurs, très rapidement, puisque votre gouvernement a jugé que ces rapports n'étaient apparemment pas crédibles, qui a décidé en les recevant qu'ils n'étaient pas crédibles et comment cette décision a-t-elle été prise? En dernière analyse, qui avait le dernier mot pour établir la crédibilité d'un rapport?
    Bon, puis-je revenir en arrière et essayer de répondre à toutes ces questions?

  (1630)  

    Vous avez deux minutes, monsieur Mulroney.
    D'accord.
    Premièrement, il est très important d'établir si une personne était ou n'était pas un détenu transféré par les Canadiens. Nous n'étions pas en mesure d'établir cela. Nous n'avions aucun moyen de savoir que ces personnes que Richard a vues à Kaboul étaient des détenus transférés par les Canadiens; en conséquence, nous avons travaillé à partir d'une base de données où était consignée l'arrestation d'un détenu et toutes les étapes suivantes jusqu'à ce qu'il soit remis à la justice afghane. Nous avons mis au point une base de données qui nous permettait de nous prononcer avec confiance.
    Le rapport de la CIDPA dont vous parlez est un rapport sur les causes de la torture, dans lequel on identifie environ 300 personnes. Vous constaterez en lisant le rapport que ces personnes se déclarent elles-mêmes victimes de torture, ou du moins c'est le cas d'un pourcentage élevé de ces personnes. Nous avions des objections à la méthodologie de ce rapport, mais nous n'avons jamais contesté qu'il y avait de graves problèmes dans le système afghan.
    Au BPC, le Secrétariat de la politique étrangère et de défense comprend un agent chargé de l'Afghanistan. Il y en avait un quand j'y travaillais et il y en avait encore un par la suite. Nous consultions une importante communauté interministérielle dans ce dossier, mais je faisais personnellement affaire avec le BPC.
    Merci.
    Sur la question de savoir ce qui est crédible et ce qui ne l'est pas, qui décidait...
    C'est la raison pour laquelle il était important de fonder notre travail sur des faits. Il nous fallait nous rendre dans les prisons avec une grille normalisée, poser les mêmes questions, disposer d'une base de données nous permettant de déterminer si nous avions affaire à la même personne — en effet, bien des personnes ont le même nom en Afghanistan — pour l'ensemble du processus, faire mener les entrevues par des personnes sensibilisées à la torture. C'est ainsi que nous pouvions parler avec autorité des événements.
    Avant, nous ne pouvions pas le faire. Le fait d'établir un système nous a permis de respecter nos obligations. Ce système est solide et il a fait ses preuves.
    Merci.
    Nous passons maintenant aux ministériels, puis au Bloc.
    Merci, monsieur le président.
    Lors du témoignage de M. Colvin, je lui ai fait savoir directement que je ne contestais pas ses observations. Ses observations étaient les siennes et je suis convaincu qu'il a fait état des faits et qu'il est une personne honorable.
    Malheureusement, je crois qu'il a abouti à des conclusions erronées. Cela dit, compte tenu du fait que des 5 000 personnes impliquées jusqu'ici dans cette affaire, nous n'ayons reçu que son témoignage, celui de trois généraux auxquels je fais tout à fait confiance et le vôtre, je considère que nous en sommes à une phase particulièrement intéressante du processus. Tout ce que l'on peut dire à l'heure actuelle gravite autour de l'opinion erronée, selon moi, de M. Colvin.
    Lorsqu'il a parlé hier des notes de service ou des rapports de M. Colvin, qu'il a pu voir ou ne pas voir, le général Hillier a déclaré hier que rien dans ces rapports ne justifiait qu'ils soient soumis à son attention. Seriez-vous d'accord à ce sujet?
    Oui, dans la mesure où il n'a jamais fourni un rapport — et j'estime que Richard serait d'accord là-dessus — contenant des allégations de mauvais traitements à l'égard d'un détenu transféré par le Canada.
    Permettez-moi une observation concernant les rapports de Richard. Je n'étais pas en désaccord concernant les aspects fondamentaux, à savoir qu'il nous fallait développer un système plus solide et meilleur. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait. Ses conseils étaient importants. Nous en avons tenu compte. Nous avons amélioré le système. Je n'étais pas d'accord avec son affirmation selon laquelle tous ceux qui fréquentaient le centre de détention de la Direction de la sécurité nationale étaient torturés, et que tous les détenus étaient des agriculteurs ou étaient vraisemblablement tous innocents. C'est à cet égard, selon moi, qu'il est passé de l'observation à des hypothèses. Mais il était certainement convaincu de la nécessité d'établir un système de surveillance solide, et c'est ce que nous avons fait.
    Monsieur Mulroney, vous avez une expérience considérable au Bureau du Conseil privé et bien des Canadiens ne savent probablement pas que sa raison d'être est de protéger le gouvernement non pas de la population du Canada, mais des autres pays du monde, de préserver l'intégrité de notre information afin de protéger nos forces armées et l'ensemble des intérêts du Canada. Vous êtes donc très bien placé et compétent pour nous dire quel tort pourrait causer la publication de documents non expurgés concernant cette affaire. Pouvez-vous nous donner une idée des répercussions éventuelles? J'ai l'impression qu'elles pourraient être assez graves.
    D'une façon générale, cet aspect suscite des inquiétudes. Vous dites vrai, et je ne parle pas des documents dont vous avez parlé plus tôt.
    Les rapports provenant du terrain et de l'Afghanistan contiennent souvent des renseignements fournis par nos alliés militaires ou par le gouvernement de l'Afghanistan, et ce à titre confidentiel.
    Nos rapports contiennent également, de temps à autre, des informations qui proviennent d'organisations internationales de défense des droits de la personne, pour lesquelles la confidentialité de l'information est essentielle. L'accès à de telles organisations nous est précieux et elles ne nous l'accordent que si elles peuvent nous faire confiance. En trahissant leur confiance, nous risquons de compromettre l'accès à ces institutions perçues comme honnêtes et désintéressées.
    Voilà où la divulgation d'information risque de nous empêcher d'accéder des renseignements importants, ou de nuire au travail de grandes organisations de défense des droits de la personne.

  (1635)  

    D'accord. Merci.
    Monsieur Kerr, vous avez la parole.
    Merci, monsieur Mulroney. Nous savons à quel point cette question est difficile et compliquée.
    J'aimerais revenir en arrière sur un aspect ayant trait à Richard Colvin. Nous savons que vous receviez copie d'un bon nombre de ses messages C4. Pouvez-vous nous dire si lui ou un autre agent du MAECI travaillant en Afghanistan vous a déjà laissé entendre qu'il vous fallait faire cesser le transfert de prisonniers vers les prisons afghanes? Si tel est le cas, pourquoi avez-vous suivi ou n'avez-vous pas suivi son conseil? Autrement dit, avez-vous déjà conseillé directement la cessation des transferts et, si tel est le cas, comment a-t-on réagi?
    Ce conseil aurait été donné, et il était intégré à notre stratégie, après notre signature de l'entente. Lorsque, en novembre 2007, nous avons eu en main des preuves crédibles de mauvais traitements, nous sommes arrivés à la conclusion, par la voie de notre ambassadeur, que nous avions perdu confiance dans la capacité et la volonté de l'Afghanistan de respecter les ententes établies, et nous avons alors mis un terme aux transferts. Cependant, avant cela, en l'absence de preuve crédible, aucune décision à cet égard n'avait été prise.
    Mme Lalonde a maintenant la parole, et ensuite ce seront les ministériels.

[Français]

    Merci.
    Bonjour, monsieur Mulroney.
    Cela me préoccupe de savoir comment l'entente de 2005 a pu être négociée avec la faiblesse qu'on lui connaît, alors que vous, qui étiez là-bas, avez dit qu'on connaissait les problèmes dans le système carcéral afghan. Moi, je comprends. On savait que la façon dont les Afghans détenaient les prisonniers ne correspondait certainement pas aux exigences de la Convention de Genève.
    Dans ces circonstances, sur la base de toute la connaissance, de l'information et des contacts, qui a négocié cette entente en juin 2005? Les Affaires étrangères? Je n'en sais rien. J'aimerais le savoir. Vous me répondrez plus tard.
    Savez-vous pourquoi, alors, les conditions exigées dans l'entente n'étaient pas celles mises en avant par les Hollandais et les Britanniques dans leur entente? Cela leur permet, avec un libre accès, avec l'avis avant le transfèrement... Il y a plusieurs conditions, que vous connaissez sans doute, qui font que les Britanniques et les Hollandais ne pouvaient pas se retrouver face aux mêmes surprises que le Canada.
    Je répète que les négociateurs devaient savoir qu'ils avaient à satisfaire aux exigences de la Convention de Genève et qu'ils ne pouvaient d'aucune espèce de façon prendre le risque que soient torturés les prisonniers qu'ils transféraient.
    Vous avez dit, lorsque vous êtes arrivé, avoir pris connaissance de ces troubles, et qu'une autre entente a été négociée. Cela veut dire que vous avez certainement mis au courant le premier ministre. Quand l'avez-vous mis au courant de vos observations?
    En même temps, je suis tout de même intriguée. J'ai ici plusieurs des questions que j'ai posées à répétition à la Chambre des communes. Mon collègue pourrait dire la même chose. Jusqu'en mai, on s'est fait dire qu'on était très satisfait du système, qu'il n'y avait pas de problèmes et que c'était nous qui voyions des problèmes partout.
    C'est beaucoup de questions, mais j'attends beaucoup de réponses.

[Traduction]

    Je n'ai pas négocié l'entente de 2005 et je n'étais pas affecté à ce dossier à l'époque.

[Français]

    Je le sais.

[Traduction]

    Cependant, il importe de se rappeler le contexte. En 2005, les Forces canadiennes n'avaient pas encore été déployées à Kandahar. Lorsqu'elles l'ont été, c'était avec des uniformes verts et des véhicules Iltis qui manquaient de blindage. Nous n'avions pas idée de la férocité de l'insurrection que nous aurions à affronter.
    Ainsi, l'accord de 2005 impose une responsabilité au gouvernement de l'Afghanistan. Cet aspect est important puisque, en fin de compte, nous devons habiliter l'Afghanistan. Ce sont les Afghans qui doivent assumer la responsabilité de leurs institutions et de l'administration de la justice.
    Durant l'année 2006, une année terrible, comme je l'ai souligné, nous avons acquis plus d'expérience et il est devenu clair qu'il nous fallait une entente beaucoup plus solide. C'est l'entente que nous avons obtenue...

  (1640)  

[Français]

    Mais il y a la Convention de Genève: le Canada avait des responsabilités internationales en 2005 aussi.

[Traduction]

    L'entente de 2005 correspond tout à fait à la Convention de Genève, mais nous estimions pouvoir en faire davantage., la rendre plus solide, l'améliorer.
    En 2007, lorsque je me suis joint au MAECI, je travaillais pour le ministre MacKay et c'est par son intermédiaire que mes rapports étaient transmis.
    Monsieur Bachand, il ne vous reste que peu de temps, moins d'une minute.

[Français]

    Je n'ai besoin que de 30 secondes.
    Monsieur Mulroney, vous affirmez que c'est très important, quand les soldats canadiens renvoient des détenus vers les prisons afghanes. Pour votre part, vous accordez de l'importance au fait que ces détenus, eux, n'aient pas été torturés.
    Toutefois, ce n'est pas ce que dit la Convention de Genève. Lorsqu'il y a un risque élevé de torture, vous n'avez pas le droit de confier ces soldats aux autorités afghanes. Vous avez assez d'expérience pour savoir qu'il y en avait, car vous me l'avez dit plus tôt.
    Pourquoi, pendant un certain temps — longtemps —, avez-vous continué de les remettre aux autorités afghanes?

[Traduction]

    Veuillez vous en tenir à une réponse brève, s'il vous plaît, monsieur.
    Nous avons constaté dès le début de 2007 qu'il nous fallait un accord plus solide. Nous avons établi un accord qui nous ménageait un accès illimité en tout temps et qui accordait ce même accès illimité à la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan et à la Croix-Rouge. Nous avons établi un programme de formation et de renforcement des capacités, ainsi qu'une stratégie diplomatique, de sorte que nous avons oeuvré à tous les paliers du gouvernement afghan dans la mesure où nous avions des préoccupations concernant nos détenus.
    Voilà ce qui constitue, selon quelque norme de l'OTAN que ce soit, ce qu'il y a de plus solide et de meilleur. La fréquence de nos visites est supérieure à celle de tout autre pays présent en Afghanistan.
    Merci.
    La parole est maintenant au parti ministériel, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    S'il me reste du temps, j'aimerais le partager avec M. Hawn.
    Monsieur Mulroney, nous avons entendu les témoignages des généraux Hillier, Gauthier et Fraser, qui ont tous confirmé que rien dans les notes de service de M. Colvin datant d'avant le printemps 2007 ne faisait état d'un risque substantiel et crédible de torture.
    Selon M. Colvin, vous receviez ces messages électroniques. Êtes-vous de l'opinion des généraux?
    Oui.
    Merci.
    Monsieur Mulroney, les généraux nous ont dit hier qu'ils avaient tenu compte, pour prendre des décisions au sujet des transferts de détenus talibans et de la politique en la matière, d'un ensemble de preuves provenant de diverses sources. Le MAECI et la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan ont-ils un processus similaire à l'oeuvre?
    C'est ce que nous avons mis en place au printemps 2007. La Force opérationnelle interarmées en Afghanistan était le fer de lance, l'entité qui capturait les prisonniers, mais il nous fallait, pour vraiment mettre en oeuvre le processus, beaucoup plus de participation des organismes civils, à commencer par le MAECI, mais en incluant également le Service correctionnel et la GRC.
    Nous avons dû mettre en place l'ensemble des éléments et c'est ce que nous avons fait. Nous sommes passés d'une situation où il y avait une poignée de gens à Kandahar, en 2006, à la situation actuelle, où on compte plus de 80 personnes. Ce faisant, nous avons mis en place le meilleur système de suivi des prisonniers de tout pays opérant dans l'Afghanistan du Sud.
    Hier, le général Gauthier a indiqué avoir entendu parler d'allégations de torture pour la première fois en lisant le Globe and Mail lors de la publication des rapports d'avril 2007. Le premier rapport émanant du terrain citant des allégations de torture crédibles remonterait à juin. Selon vos souvenirs, en était-il effectivement ainsi?
    C'était les premières allégations de torture à l'encontre de détenus transférés par les Forces canadiennes.
    Entendu.
    On a beaucoup parlé du grand nombre de rapports en circulation quant à la torture potentielle dans les prisons afghanes. Aviez-vous vu ces rapports et, si oui, quelles étaient selon vous les obligations du Canada quant à l'amélioration des prisons — au-delà de ce que vous avez déjà pu nous dire aujourd'hui?
    Eh bien, la situation était celle que nous avons décrite: selon nous, avec les ressources que nous pouvions mettre en jeu, les efforts conjoints des Forces canadiennes, du MAECI, du Service correctionnel, de la GRC, les contacts avec notre ambassade à Kaboul et de fortes sommes consacrées à la formation, nous pourrions créer — ce que nous avons fait — de meilleures conditions pour les détenus de toutes sortes, mais plus particulièrement les détenus transférés par des Canadiens, dans le centre de détention de la Direction nationale de la sécurité, ainsi que dans d'autres prisons en Afghanistan.

  (1645)  

    Si des fonctionnaires du Canada viennent à avoir eux-mêmes des preuves de torture, quelle hiérarchie devraient-ils respecter pour veiller à ce que les personnes appropriées soient informées?
    C'est quelque chose qui a été clarifiée davantage, dans la mesure où il y a un processus les amenant à avertir la Croix-Rouge, la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan et le gouvernement de l'Afghanistan. Les rapports retournent ensuite au Canada, où ils sont envoyés aux ministères clés. Quand j'étais aux Affaires étrangères, j'envoyais également un exemplaire de tout rapport de ce type au ministre.
    L'entente de transfert de 2005 n'inclut pas de disposition spécifique pour un accès complet sans restriction à des fins de suivi. Doit-on en conclure qu'aucun suivi d'aucune sorte n'ait été effectué entre décembre 2005 et mai 2007?
    Il y a eu des visites de prisons afghanes et des entrevues avec des prisonniers, mais pas de suivi particulier des prisonniers transférés par les Forces canadiennes. C'est une lacune à laquelle nous avons remédié.
    Merci.
    Monsieur Hawn.
    Merci.
    Je voudrais clarifier un point qui a été soulevé plus tôt et que j'ai oublié de traiter. Quand nous parlons de l'opération Meduse, qui a déclenché la capture de nombreux prisonniers, il ne s'agit pas de l'hiver et de l'été 2006...
    Non, c'était à la fin de l'été...
    ... c'était durant le deuxième semestre de 2006, c'est-à-dire bien après le début de la mission.
    J'aimerais aborder la question de la première entente de transfert conclue en 2005. Je sais que vous n'étiez pas là, mais cet accord a été conclu au nom du...
    Du gouvernement du Canada.
    ... du gouvernement du Canada par les ministres libéraux Pettigrew et Graham et par le premier ministre Martin. C'était le gouvernement du Canada à cette époque.
    S.E.M. David Mulroney: C'était le gouvernement du Canada à cette époque.
    M. Laurie Hawn: Merci.
    L'accord supplémentaire, dont nous avons déjà parlé, a grandement amélioré la situation. Selon la disposition 10 de l'accord, les enquêtes, les poursuites et les services de correction sont la responsabilité du gouvernement de l'Afghanistan. Que pouvez-vous dire sur votre relation de travail avec le gouvernement de l'Afghanistan en ce qui concerne cette entente?
    Encore une fois, une réponse brève, s'il vous plaît.
    Faire en sorte que le gouvernement de l'Afghanistan respectait ses engagements constituait pour nous une part très importante de nos activités. Il fallait, pour cela, bénéficier d'un accès régulier à tous les niveaux de la Direction nationale de la sécurité, y compris le chef. Nous devions offrir de la formation à la direction et à d'autres responsables de l'administration pénitentiaire afghane, tout en assurant la liaison régulière avec le directeur et les principaux dirigeants de la prison.
    Après avoir reçu la première allégation crédible de mauvais traitements, en novembre, nous avons visité la prison 22 fois en deux mois. Nous connaissions donc pratiquement tous les gardes, et tout le monde qui avait participé à des entrevues dans la prison. Nous avons offert de la formation. Nous avons fait le suivi nécessaire. Le personnel savait que le Canada allait être présent sur une base régulière à la suite du transfert des détenus, et je suis très fier du système qui a été mis en place.
    Merci.
    Nous donnons maintenant la parole à l'opposition officielle, et nous reviendrons ensuite au gouvernement.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Mulroney, vous avez dit que vous avez informé M. MacKay. Lorsque vous étiez au Bureau du Conseil privé, avez-vous exposé la situation au premier ministre lui-même?
    Nous avons tenu des séances d'information sur l'Afghanistan, mais, à ma connaissance, aucune sur la question des détenus en 2006.
    Mais vous avez fait plus tard partie du BCP, à titre de responsable du dossier de l'Afghanistan. Au cours de cette période, avez-vous parlé de la question des détenus au premier ministre?
    Nous avons présenté régulièrement au premier ministre des mises à jour sur l'ensemble de la situation en Afghanistan, y compris sur le nombre de visites que nous avons faites...
    Y compris sur la question des détenus?
    Y compris sur la question des détenus.
    Vous diriez donc que le ministre MacKay, lorsque nous travailliez avec lui, était régulièrement mis au courant de la situation.
    Oui.
    Par conséquent, vous informiez aussi le premier ministre. Pouvez-vous nous donner les dates des séances d'information, s'il vous plaît? Il ne s'agit sûrement pas d'une question de sécurité nationale. Si vous ne pouvez pas répondre aujourd'hui, j'aimerais que vous donniez les dates plus tard au comité.
    Merci beaucoup.
    J'ai une autre question. J'aimerais que vous jetiez un regard à ce document, si on veut bien vous le transmettre. Il a été approuvé par Lalani. Je n'en connais pas la date, mais allez à la page 3 du document... Vous venez de dire que la Direction nationale de la sécurité savait que vos visites seraient plus fréquentes et qu'elle devrait donc faire attention. La note de service dit ce qui suit:
La Direction nationale de la sécurité semble avoir fait de son mieux pour identifier « nos » détenus, mais le résultat est que nous ne pouvons que raisonnablement être confiants que... des... détenus que nous avons interviewés étaient bel et bien ceux détenus par les Forces canadiennes.
    Vous avez donc eu les meilleures preuves possible. La Direction nationale de la sécurité, sur qui on faisait pression, savait que les Canadiens arrivaient, et elle leur donnerait des renseignements fiables.
    À la page 5, à partir de la cinquième ou sixième ligne, on lit ce qui suit:
Il a dit aussi qu'il avait été électrocuté. Il nous a montré des cicatrices sur ses jambes, lesquelles ont été causées, selon lui, par les coups qu'il a reçus.
    Il a aussi dit que c'était « un endroit très dangereux », qu'il avait toujours mal aux mains et aux doigts, et qu'on lui avait bandé les yeux.
    Pouvez-vous m'assurer, avec un degré réel de certitude, qu'il ne s'agit pas d'un détenu canadien torturé en 2007? Lalani était en poste en 2007, après le printemps de 2007.

  (1650)  

    Je dois signaler d'entrée de jeu que cela vise une période qui précède la signature de l'entente. Ainsi, lorsque nous avons entendu ces allégations...
    Je ne connais pas la date, monsieur. La connaissez-vous?
    Je me souviens de la visite à la prison Sederat à Kaboul, et je crois qu'elle a eu lieu avant la signature de l'entente. Je me souviens des visites que nous avons faites.
    De toute façon, nous aurions fait rapport de ces allégations aux autorités afghanes appropriées pour qu'elles assurent un suivi. À la suite de la signature de l'entente au mois de mai, nous avons commencé à mettre sur pied une base de données qui nous permettrait de suivre... Le problème avec les détenus, c'est que beaucoup de personnes en Afghanistan ont le même nom. La tenue des dossiers n'était pas adéquate et nous avons amélioré les choses.
    D'accord, monsieur, je comprends, mais pouvez-vous nous dire avec certitude qu'il ne s'agissait pas d'un détenu canadien?
    Nous n'avons pas pu identifier ce détenu, mais nous avons fait rapport des allégations aux autorités afghanes.
    Monsieur, vous n'avez pas répondu à la question. Je vous ai demandé si vous pouviez dire en toute certitude qu'il ne s'agissait pas d'un détenu canadien?
    Je ne peux pas vous dire s'il l'était ou pas.
    Merci.
    Monsieur Mulroney, Linda Garwood-Filbert de SCC, a accompagné Eric Laporte de votre ministère à plusieurs reprises lors de visites de prisons afghanes et a également présenté des rapports sur les détenus. Est-ce exact?
    C'est exact.
    J'aimerais vous lire des extraits d'une entrevue qu'elle a accordée en avril 2007: « On a très peu changé les choses dans les prisons. » Elle a ajouté qu'il est trop facile pour les autorités afghanes et canadiennes d'oublier les prisonniers une fois qu'ils sont envoyés dans les pénitenciers. « Si on ne les voit plus, oubliez tout simplement qu'ils existent. Nous sommes très heureux qu'ils soient envoyés en prison. » Elle a dit qu'elle ne serait pas étonnée d'apprendre des allégations de torture dans les prisons afghanes. Elle a dit cela au réseau CTV, et l'article a été publié dans le Globe and Mail du 27 avril 2007.
    Monsieur Mulroney, pouvez-vous nous expliquer pourquoi, contrairement à Mme Garwood-Filbert et à d'autres représentants qui rédigeaient et envoyaient ces rapports, Ottawa — pour reprendre son expression — a décidé « d'oublier » les allégations de torture et demeuré naïf jusqu'au 5 novembre 2007?
    J'aimerais signaler qu'à l'époque nous en étions aux dernières étapes de la préparation de notre entente du 3 mai avec les Afghans. Ce n'était pas qu'on avait oublié ces détenus. Environ une semaine après la présentation de ce rapport nous mettions sur pied un programme de surveillance permanent qui prévoit des rapports détaillés sur nos activités. Je ne peux pas expliquer pourquoi elle a dit ça, mais je sais qu'elle est un agent fort compétent.
    J'ai visité une prison afghane avec elle. Je connaissais son opinion, elle était convaincue que le processus que nous avions mis sur pied serait efficace. J'en suis convaincu.
    Merci, monsieur.
    Mais ce qui me frappe c'est qu'elle a dit qu'il y avait de la « naïveté » jusqu'au 5 novembre.
    Merci.
    Nous passons maintenant à des députés ministériels puis nous reviendrons pour terminer à M. Dewar.
    Merci, monsieur le président. J'essaierai d'être bref.
    Tout d'abord, je désire féliciter M. Dosanjh. Il sait quand même toujours comment être le Perry Mason des tribunaux!
    Les personnes dont nous parlons sont évidemment des personnes qui se disent victimes de torture. Est-ce exact?
    Dans l'étude de la CIDPA qu'il a mentionnée? Je crois que oui.
    Merci.
    Nous savons que le taliban se sert de cette tactique pour obtenir des renseignements, dès qu'un d'entre eux est capturé il dit avoir été torturé que cela soit vrai ou pas. C'est leur façon de faire les choses.
    C'est une tactique des insurgés.
    J'aimerais revenir sur un commentaire que M. Dosanjh a formulé en passant, selon lequel vous donniez des séances d'information au ministre MacKay et également au premier ministre. Il n'a pas poursuivi dans la même veine.
    Est-ce le cas? Avez-vous présenté au premier ministre une séance d'information chaque fois que vous en avez présenté une au ministre MacKay?
    Non.
    Monsieur le président, je constate que l'opposition va à la pêche et essaie de trouver quelque chose dont il pourrait se servir pour nous accuser. C'est très clair d'après la question. Revenons donc aux faits.
    Vous étiez en contact avec tous les autres membres de l'OTAN dans ce dossier. Pouvez-vous comparer les mesures que nous prenions pour garder un oeil sur le sort des détenus comparativement à ce que faisaient les autres membres de l'OTAN?
    Lorsque nous avons présenté une séance d'information à l'OTAN sur les nouvelles mesures que nous avions prises, certains ont dit qu'on avait établi de nouvelles normes qu'il serait difficile de respecter pour les autres pays. Nous étions au courant du nombre de visites qu'ils faisaient. Nous savions que même ceux qui avaient des plans de surveillance des détenus dans le Sud ne faisaient que des visites à toutes les six ou huit semaines.
    Quand je pense au nombre de visites, on les faisait à peu près à tous les cinq jours. Nous visitions très souvent ces prisons. Nous procédions également à des activités de formation, de renforcement des capacités et cela s'ajoutait à la stratégie diplomatique dont je vous ai parlé, l'amélioration des infrastructures physiques, y compris les améliorations qui ont été apportées à la prison Sarposa.
    Je crois que notre façon de faire les choses représentait une pratique exemplaire pour l'OTAN en Afghanistan.

  (1655)  

    Merci, monsieur Mulroney. J'espère que les députés de l'opposition tiendront compte de ce commentaire.
    Je vais céder le reste de la période dont je dispose à mon collègue.
    Merci.
    Monsieur Mulroney, j'aimerais qu'on parle d'abord des conditions générales qui existent dans cet endroit — c'est la chose la plus inusitée qui s'est produite depuis la guerre de Corée et j'en passe. Personne ne nous a vraiment parlé de ce que cela représente pour ceux qui ne font pas partie des forces, pour ceux d'entre vous qui deviez travailler dans ces conditions. Pouvez-vous nous expliquer quel impact cela a pu avoir sur votre processus décisionnel et sur vos activités, s'il vous plaît.
    C'était une chose qui me préoccupait vivement, parce que les visites des prisons étaient et demeurent une chose très dangereuse. Il faut une formation très poussée, et des risques importants sont associés au déploiement de personnes dans les rues de Kandahar ou dans les prisons parce qu'après tout, ce sont toujours des endroits dangereux, mais, en Afghanistan, c'est beaucoup plus dangereux, comme on l'a vu avec l'incident de Sarposa.
    Nous avons consacré beaucoup de temps à la formation. Nous avons établi minutieusement nos protocoles de visite avec les Forces canadiennes pour que nous puissions les faire en toute sécurité, et je parle ici aussi de la sécurité des Forces canadiennes, parce qu'ils doivent rester dans la cour de la prison lors de ces visites. Nous avons élaboré toute une série de protocoles qui nous permettaient de mettre à l'aise tous les services et de visiter les prisons à intervalles réguliers.
    Il a fallu beaucoup de travail pour y parvenir, mais je dois avouer que j'ai beaucoup d'admiration pour ceux qui font ce travail. Nous avons des gens extraordinaires qui sont responsables de cette force.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Mulroney, parlons du transfert de détenus au cours de la période pendant laquelle M. Colvin faisait des rapports, il a envoyé environ six rapports. Il a dit au comité qu'il mentionnait déjà dans ses documents que des problèmes existaient.
    Vous dites maintenant qu'il y avait des problèmes. Il a dit qu'il y avait des problèmes. Lorsque nous examinons les problèmes en question — et vous avez employé le terme problème à plusieurs reprises — ne pouvons-nous pas dire qu'une partie du problème tenait au fait qu'il y avait des mauvais traitements infligés de façon générale dans nombre de prisons d'Afghanistan, y compris celles de Kandahar. Est-ce que ce n'était pas là un des problèmes?
    Le problème, c'est qu'il y a eu des rapports sur des mauvais traitements dans diverses institutions ou établissements en Afghanistan. C'était donc une possibilité
    Y compris les prisons.
    C'est exact.
    Nous savons et nous le reconnaissons. M. Colvin est d'accord lui aussi. Vous aussi.
    Je crois que vous avez bien décrit les problèmes associés à la façon de faire les choses. Nous transférions des détenus et nous ne pouvions pas surveiller ce qui leur arrivait tant que la nouvelle entente n'avait pas été signée. Est-ce exact?
    Nous avions visité des prisons, mais il n'existait pas alors un régime de surveillance.
    Justement. Nous ne savions pas où ils s'en allaient.
    Nous avions reçu des engagements du gouvernement de l'Afghanistan et des représentants et, à certaines occasions, des représentants de la CIDHA et du CICR ont visité les prisons.
    Très bien. Mais ils nous ont dit que les façons de faire n'étaient pas adéquates et que c'était pourquoi nous devions les changer.
    Je ne sais pas pourquoi on semble dire que tout allait très bien alors que tout le monde reconnaît qu'il y avait des problèmes. Nous disons qu'il y avait des cas de torture. Nous disons que lorsque vous frappez des gens avec des câbles ou que vous leur infligez des chocs électriques, il s'agit de torture. Lorsqu'il y a des problèmes du genre, il faut agir.
    Je suis préoccupé du fait que lorsque vous transférez des détenus, vous ne savez pas où ils iront. Comment pouvez-vous dire dans ces circonstances qu'ils n'ont pas été torturés? Comment pouvons-nous nous réunir ici et dire qu'à l'époque où M. Colvin présentait des rapports et où ils ont été transférés... Comment pouvez-vous être absolument certain qu'aucun d'entre eux n'a été torturé? Comment pouvez-vous dire de telles choses?
    Nous avons conclu une nouvelle entente de sorte que nous pouvions être certains qu'ils n'étaient pas torturés.
    Mais nous ne pouvons pas garantir que c'était le cas avant cette entente.
    Nous avons conclu cette entente et il y avait des dispositions assorties...
    Je vous pose une question différente. Vous ne pouvez pas garantir que ces détenus qui ont été transférés pendant cette période n'ont pas été torturés.
    Je peux dire que nous n'avons aucune preuve qu'un détenu transféré par les Forces canadiennes a été victime de mauvais traitements.
    Mais vous ne pouvez pas le dire parce qu'ils n'étaient pas surveillés, n'est-ce pas la raison?
    Nous n'avions aucune preuve que des détenus étaient maltraités.
    Mais vous n'aviez pas de processus pour le savoir non plus.
    Il y avait les rapports provenant de...
    Je crois que ça suffit.
    Non, je demande simplement à M. Mulroney s'ils avaient un processus de transfert des détenus...
    C'est justement pourquoi nous avons conclu cette nouvelle entente...

  (1700)  

    Si vous ne pouviez pas surveiller la situation, comment pouvez-vous savoir s'ils étaient torturés ou pas?
    Ce n'est pas votre faute. Vous êtes arrivé là pour régler les problèmes.
    Je veux simplement démontrer que M. Colvin...
    Vous devez quand même lui donner une chance de vous répondre!
    Je m'excuse, monsieur le président, je suis plutôt frustré.
    Oui, je m'en rends compte.
    Pouvez-vous nous garantir en toute certitude qu'avant que l'entente de transfert soit changée, aucun détenu transféré par les Forces canadiennes n'a été torturé?
    Je peux vous dire que nous avons mis en oeuvre l'entente de décembre 2005. À l'époque, avec les renseignements dont nous disposions, les intervenants ont travaillé pendant toute l'année 2006 pour améliorer la situation. Ainsi, lorsque nous avons entendu des préoccupations additionnelles en 2007, nous sommes intervenus rapidement pour modifier l'entente.
    Puis-je vous poser une autre question?
    Le 29 juin 2007... J'ai en main un document qui porte sur la surveillance. En fait, on y parle du transfert de détenus à la DSN. Il s'agit d'une liste de 12 prisonniers récemment transférés par le Canada à la DSN. Certains des détenus étaient âgés de 16, 75, 16 et 16 ans.
    Auriez-vous tenu compte de l'âge de certains de ces détenus — si vous aviez été responsable de leur transfert? Est-ce que cela aurait été un facteur important? Auriez-vous estimé que certains d'entre eux étaient des enfants soldats?
    Nous avions des protocoles qui avaient été mis sur pied en collaboration avec les Afghans pour un traitement différent dans le cas de toute personne mineure arrêtée ou présente sur le champ de bataille. Ces détenus devaient être amenés à des installations séparées. Ils n'étaient pas emprisonnés avec tous les autres détenus, et c'était le ministère de la Justice afghan qui s'en occupait.
    Et puis, où allaient-ils par la suite?
    Ils entraient dans le système de justice afghan et étaient envoyés à des maisons de transition et à des centres correctionnels pour mineurs.
    Monsieur Dewar, je m'excuse, vous n'avez plus de temps.
    Monsieur Mulroney, votre Excellence — je suppose que c'est ainsi qu'il faut vous appeler de nos jours —
    Non, appelez-moi David.
    Je tiens à vous remercier sincèrement d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
    Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de comparaître devant le comité.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU