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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 février 2008

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Français]

    Bonjour et bienvenue à la 13e séance du Comité permanent des langues officielles. Ce matin, nous poursuivons nos travaux au sujet du bilan du Plan d'action pour les langues officielles.
    Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous les représentants de quatre organismes, à qui je souhaite la plus cordiale des bienvenues. Certains d'entre eux n'en sont pas à leur première visite au comité, mais c'est un plaisir renouvelé pour nous de les recevoir. Sans plus tarder, je vais céder la parole à nos témoins. Dans un premier temps, je demande aux invités de se présenter et de présenter brièvement leur organisme.
    J'invite maintenant MM. Peralta et Chamsi à commencer cette série de présentations.
    Merci beaucoup. Nous représentons l'Association de l'industrie de la langue, le seul organisme national travaillant dans le domaine linguistique sur le plan industriel. Nous aimerions commencer en vous donnant un aperçu de qui nous sommes et de qui sont nos membres. Par la suite, nous pourrons répondre à certaines de vos questions et faire quelques propositions.
    L'industrie englobe trois secteurs. Le Canada est le seul pays au monde qui a regroupé ces trois secteurs pour en faire une industrie. Il y a la traduction, la formation linguistique — les écoles de langue — et, finalement, les entreprises de technologies langagières.
    Ces trois secteurs sont essentiels pour le Canada. Sans traduction, sans formation linguistique et, dans notre monde moderne, sans technologies langagières, le Canada n'existerait pas. Selon nous, il s'agit d'une industrie très importante.
    Nous existons depuis cinq ans. Nous nous sommes regroupés pour la première fois il y a six ans, grâce aux efforts d'Industrie Canada. Ensuite, le gouvernement a reconnu notre importance et nous a accordé un chapitre dans le Plan d'action pour les langues officielles, soit le chapitre 6. À partir de ce moment et avec certains fonds — moins de 3 millions de dollars en cinq ans —, nous avons vraiment travaillé fort et nous avons avancé énormément. En ce moment, le Canada est le seul pays qui regroupe ces trois secteurs qui travaillent en concertation.
    Aujourd'hui, certaines des questions qui nous ont été transmises concernaient le plan d'action : comment ça va de ce côté, etc.? J'aimerais surtout souligner le fait que nous contribuons réellement de façon directe aux objectifs du plan d'action, par exemple dans le secteur de l'éducation. Notre façon de travailler est toujours globale.
    Nos bureaux se trouvent au Centre de recherche en technologies langagières, dans un édifice de l'UQO, l'Université du Québec en Outaouais. Nous sommes vraiment bien situés. Nous travaillons de façon très étroite avec les secteurs de l'éducation et du développement des communautés. Nous sommes en contact direct et constant avec des groupes de tous les pays. Nous travaillons beaucoup avec le gouvernement du Canada; c'est un aspect qui est vraiment essentiel.
    Le gouvernement du Canada est le plus important client en ce qui concerne les produits et services langagiers au pays. En fait, c'est un des clients les plus importants au monde, en termes de services linguistiques. Nous avons décrit certaines de nos contributions dans deux documents. Il y a un document de présentation qui s'intitule « L’industrie canadienne de la langue : Créer un héritage linguistique » et un autre document d'appui qui s'intitule « Canadian Language Industry: Cornerstone of Canadian Identity — Springboard for the Canadian Economy ». Bien sûr les documents sont disponibles dans les deux langues officielles. Vous pouvez les utiliser comme ouvrages de référence.
    Parlons maintenant de nos réussites. Auparavant, il n'y avait aucun endroit où les joueurs de l'industrie pouvaient se rencontrer. Maintenant, c'est fait : il y a finalement un endroit où l'on peut se rencontrer. Pourquoi est-ce important? Parce que sinon, il n'y a vraiment aucune façon pour l'industrie de travailler avec le gouvernement. Le gouvernement donne bien sûr des contrats à des entreprises, mais une entreprise ne peut pas représenter une industrie. Nous sommes là pour le faire.
    En ce moment, pour la première fois dans l'histoire, un groupe industriel s'assoit avec le gouvernement pour participer à des changements de procédures d'approvisionnement.

  (0910)  

    Vous avez fait mention de deux documents. Pouvez-vous nous les montrer?
    Oui. Ce sont deux documents semblables. Il y a celui-ci et il y en a aussi un autre : « L'industrie canadienne de la langue : La pierre angulaire de l'identité canadienne — Un tremplin pour l'économie canadienne ».
    Nous allons demander au greffier de distribuer le deuxième document.
    L'une de nos forces, c'est que nous forgeons des alliances avec de nombreuses associations. Nous regroupons des représentants et des associations. Nous sommes vraiment les seuls à le faire. Par exemple, ce qui est très important pour le Canada, et pour le gouvernement en particulier, c'est la pénurie de services de traduction. On n'en a pas assez. Si on continue sur la route où on se trouve maintenant, d'ici cinq ans, il n'y aura pas assez de traducteurs dans le pays pour nos services.
    Effectivement, la plus importante entreprise de traduction au Canada est en train d'« importer » des traducteurs de l'Europe et de l'Afrique du Nord parce qu'il n'y en a pas assez. L'Association de l'industrie de la langue est la seule qui travaille vraiment pour résoudre ces problèmes. Nous regroupons les intervenants et, après avoir fait des études et amassé des données, nous sommes en train de travailler à un plan stratégique pour éviter ces problèmes.
    On voit cela comme un problème actuellement, mais en réalité, c'est une force énorme. En Europe, la tendance actuelle veut que deux langues ne soient pas suffisantes. Tous les gens éduqués parlent au moins trois langues. Tous les gens qui possèdent n'importe quel privilège parlent au moins trois langues. C'est le monde de l'avenir.
    On a toujours travaillé à notre histoire et à notre patrimoine de façon défensive, mais aujourd'hui, compte tenu de la situation dans le monde, ce pourrait être un atout formidable. Le fait d'avoir deux langues — certains diraient qu'il y a plus de deux langues parce que notre société devient multiculturelle et multilingue — est un atout pour le Canada.
    Nous ne pouvons pas nier la place de l'industrie de la langue. Si nous la nions, il nous sera impossible d'occuper la place qui nous revient dans le monde. Cela ne se passe pas à l'échelle canadienne seulement, mais à l'échelle mondiale. Il faut donc voir l'avenir de façon stratégique. Nos politiques, notre Constitution et le bilinguisme constituent un atout, une force que nous devrions exploiter.
    La liste de nos réussites est si longue qu'il m'arrive parfois de me dire qu'il y en a trop. Nous sommes arrivés à un point où nous commençons à grouper des intervenants et à faire des recherches qui auront un impact fort et direct. Nous sommes les seuls de notre histoire à avoir réussi à le faire jusqu'à présent. Je crois que c'est la réponse.
    Notre contribution au plan d'action a-t-elle été une réussite? Absolument, oui. Le gouvernement a investi 800 millions de dollars au cours des cinq dernières années. Il y a eu d'autres initiatives, très fortes et très positives, mais je peux vous assurer que nous avons connu une réussite formidable. Vous pouvez vérifier auprès de nos partenaires.
    Nous avons directement participé aux consultations menées par M. Bernard Lord. Nous croyons profondément en l'avenir linguistique au Canada. Nous croyons profondément au bilinguisme. Nous croyons profondément que l'industrie de la langue devrait occuper une place privilégiée et que le pays devrait exploiter cette industrie. C'est un avantage pour nous.
    Parfois, on ne se rend pas compte de certaines choses. En Grande-Bretagne, une étude démontre clairement que les entreprises qui exportent...

  (0915)  

    Il vous reste environ une minute, monsieur Peralta.
    ... et qui investissent dans la traduction et dans la formation linguistique de la bonne façon gagnent plus d'argent. Ce n'est pas seulement une question sociale, un droit qu'on possède comme peuple, c'est aussi une question économique.
    J'aimerais terminer en vous demandant de lire à la page 7 la proclamation officielle de l'Année canadienne des langues. On croit fortement que c'est le moment de commencer à travailler de façon stratégique et de célébrer ce qu'on possède ici, au Canada. On propose un projet, qu'on a déjà proposé à Patrimoine Canada, visant à créer l'Année canadienne des langues pour 2010. L'Année canadienne des langues serait une année au cours de laquelle on pourrait célébrer, faire de la recherche et donner de la visibilité à notre réalité linguistique de façon stratégique.
    Cela a été fait aux États-Unis, en Europe, en Grande-Bretagne. L'année 2008 a été proclamée Année internationale des langues. Il serait vraiment triste que le Canada, un des pays reconnus comme une force linguistique au niveau mondial, n'emboîte pas le pas. On croit que ce sont ces groupes de représentants, lesquels possèdent évidemment un intérêt direct envers le bilinguisme et les langues, qui devraient proposer cela aux représentants à la Chambre des communes.
    Merci, monsieur Peralta.
    On va maintenant passer au deuxième groupe de témoins, l'Institut professionnel de la fonction publique.
    Madame Demers.
    Au nom de l'Institut professionnel de la fonction publique, j'aimerais remercier le comité de cette occasion de venir vous parler du défi des langues officielles, plus particulièrement de la perspective de la fonction publique fédérale.
    Tout d'abord, laissez-moi vous réitérer l'engagement inconditionnel de l'institut professionnel envers le principe fondamental des langues officielles au Canada et le bilinguisme dans la fonction publique. Cela dit, vous comprendrez que ce sujet est extrêmement délicat pour les membres qu'on représente. Évidemment, une bonne partie des membres qu'on représente sont bilingues et occupent des postes bilingues. Mais on représente aussi une grande proportion de membres unilingues anglophones et de membres unilingues francophones.
    Les attentes et la mise en oeuvre des politiques sur les langues officielles pour toutes les catégories d'employés prennent des proportions et des dimensions fort différentes. Ces catégories d'employés s'attendent à ce que leur syndicat protège leur droit de postuler et de bénéficier d'un avancement de carrière dans la fonction publique, dans le cadre qui est actuellement imposé quant aux langues officielles.
    Par ailleurs, il faut noter un désengagement apparent de l'appareil gouvernemental à l'égard de la promotion et de la prestation de formation en matière de langues officielles, et du financement des ministères qui se sont vu déléguer la responsabilité de donner la formation linguistique, car l'École de la fonction publique n'offre plus de formation à temps plein aux employés de la fonction publique.
    Je n'ai pas l'intention de lire mon mémoire. Vous l'avez devant vous et je suis certaine que vous allez le lire avec grand intérêt, comme lecture de chevet, avant de vous coucher ce soir. J'aimerais toutefois vous parler de ce qui se passe présentement, de notre point de vue, dans la fonction publique fédérale, et partager avec vous nos recommandations, qui se trouvent dans le mémoire.
    La création d'une fonction publique parfaitement bilingue est particulièrement difficile. À long terme, le plan d'action gouvernemental lancé en 2003 a été très utile au début. Ce plan comprenait trois axes de développement : l'éducation, le développement des langues officielles au sein des communautés et l'appui aux minorités, et le bilinguisme dans la fonction publique fédérale. L'atteinte de ces objectifs incombe en majeure partie au système scolaire public, qui devrait garantir aux Canadiens une bonne maîtrise des deux langues officielles avant de leur donner un diplôme d'études secondaires.
    C'était en 2003. Que s'est-il passé depuis sur le plan scolaire dans le domaine des langues officielles? À ma connaissance, on n'a pas fait de grands pas en avant. C'est la base, c'est la fondation. Si on veut en venir à une fonction publique fédérale complètement bilingue, c'est là que ça commence. On peut continuer à en parler pendant encore 10 ans. La Loi sur les langues officielles a été proclamée en 1973...

  (0920)  

    Excusez-moi. Ce sont les politiques qui ont été établies dans la fonction publique en 1973. Merci, monsieur Bélanger.
    Cela dit, on est encore loin d'un pays bilingue et d'une fonction publique bilingue. Pour parvenir à une fonction publique pleinement bilingue, il faut une grande volonté politique et il faut des gestes concrets. Quoi que fasse le système scolaire en ce qui a trait à l'enseignement des langues officielles, de toute évidence, ça ne suffit pas. Selon un récent article du Citizen, un sixième seulement de tous les Canadiens sont bilingues. Cette situation, à mon avis, est désastreuse. Il va falloir plusieurs années pour la redresser.
    Vous connaissez probablement déjà l'article 39 de la Loi sur langues officielles. J'aimerais quand même vous en parler parce que, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, je vous parle de la perspective de la fonction publique :
39. (1) Le gouvernement fédéral s’engage à veiller à ce que :

a) les Canadiens d’expression française et d’expression anglaise, sans distinction d’origine ethnique ni égard à la première langue apprise, aient des chances égales d’emploi et d’avancement dans les institutions fédérales;
    C'est un engagement gouvernemental dans la loi. Comme l'a fait remarquer ce comité dans son rapport de 2005, un programme de formation linguistique exhaustif et bien financé constitue la clé pour en arriver à une fonction publique parfaitement bilingue. Malgré quelques gestes de pure forme, le gouvernement fédéral a en fait sérieusement diminué les fonds qu'il met à la disposition de la formation linguistique.
    Le gouvernement a systématiquement réduit le financement de la formation linguistique depuis plusieurs années. Jusqu'au début des années 1990, le gouvernement dépensait 70 millions de dollars par an dans le domaine de la formation linguistique. En 1999, ce montant était inférieur à 50 millions de dollars. Les plus récentes données que nous avons consultées font apparaître un engagement à peine supérieur à 36 millions de dollars pour la période de trois ans de 2003 à 2006. Ce montant ne représente que 12 millions de dollars par an, soit plus de 80 p. 100 de moins que ce que le gouvernement dépensait 15 ans plus tôt. Et ça ne tient pas compte de l'inflation.
    Pire encore, la majorité de la formation linguistique, déjà sérieusement limitée, est consacrée aux membres de la catégorie EX, qui, à une moyenne d'âge de près de 50 ans, ne seront probablement pas assez longtemps dans la fonction publique pour rembourser l'investissement dans leurs compétences linguistiques.

[Traduction]

    Des coupures de cette ampleur sont contraires à l'engagement, enchâssé dans la Loi sur les langues officielles, consistant à donner des chances égales à tous. Cela va également à l'encontre de l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard de la fonction publique — lorsqu'est entrée en vigueur la politique révisée en matière de langues officielles en 2003 — et de la promesse que chaque nouvel employé le souhaitant ait accès à de la formation linguistique pour son perfectionnement professionnel. Si cet engagement est plus qu'un voeu pieux, le gouvernement doit agir immédiatement pour rétablir le financement adéquat destiné à la formation linguistique.
    Cela préoccupe grandement les membres de l'Institut professionnel. Il y a au moins un groupe — génie, architecture et arpentage — qui a déjà demandé des garanties en matière de formation linguistique à la table de négociation. Les syndicats fédéraux ne devraient pas en venir à faire une chose pareille. Le gouvernement devrait accorder les fonds nécessaires pour s'assurer que les Canadiens, partout au pays, ont accès à des niveaux de service adéquats, en plus de donner des chances raisonnables de développement professionnel à ses employés.
    Comme nous l'avons dit plus tôt, le gouvernement doit assurer le financement adéquat de la formation linguistique pour s'acquitter de son engagement visant à donner des chances égales aux communautés linguistiques, en vertu de la Loi sur les langues officielles.
    Enfin, le système tel qu'il est conçu actuellement pose des problèmes particuliers pour les nouveaux Canadiens, pour les membres des minorités visibles, pour les employés âgés du gouvernement qui sont entrés dans la fonction publique avec d'autres conditions, et pour ceux qui vivent dans les régions du pays où l'une des deux langues officielles n'est pas souvent utilisée.
    Ceux dont la première langue n'est ni le français ni l'anglais, et qui doivent impérativement être bilingues pour occuper certains postes, doivent connaître au moins trois langues pour obtenir un emploi au gouvernement fédéral. Cela va à l'encontre de l'intention déclarée du gouvernement d'accroître la représentation des membres des minorités visibles au sein de ses effectifs.

  (0925)  

[Français]

    Cela dit, l'institut professionnel recommande ce qui suit.
    Les ministères devraient examiner tous les critères des postes désignés bilingues dans le but de s'assurer que les exigences qu'ils imposent sont des exigences linguistiques justifiées afin de respecter les exigences de la loi. Les ministères devraient trouver le bon dosage entre les postes bilingues et unilingues dans les régions bilingues afin d'en arriver à un meilleur équilibre entre les droits des Canadiens d'être servis dans la langue de leur choix et le droit des employés de travailler dans la langue de leur choix. Le gouvernement devrait prévoir le financement approprié pour la formation linguistique afin de répondre aux exigences juridiques et politiques qui en résultent. Le gouvernement devrait réinvestir l'École de la fonction publique du Canada de son rôle de formateur linguistique pour tous les employés souhaitant se prévaloir d'un tel apprentissage d'une deuxième langue officielle dans le cadre de leur plan de carrière.
    Il vous reste une minute, madame Demers.
    Merci.
    Il ne fait aucun doute que la plupart d'entre vous auront leur propre idée sur la façon de mieux promouvoir le bilinguisme au sein de la fonction publique, et c'est d'ailleurs tout à fait normal.
    Ce qui importe le plus est que le gouvernement ait les ressources tangibles et la volonté politique de faire du bilinguisme dans la fonction publique une réalité, et qu'il en fasse un atout plutôt qu'un obstacle à l'avancement. Les Canadiens qui font appel aux services publiques et les employés du gouvernement qui donnent ces services ne méritent rien de moins.
    Merci de votre attention.
    Merci, madame Demers.
    Nous allons maintenant céder la parole aux représentants de l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
    Monsieur Cashman.
    Monsieur le président, messieurs les députés, permettez-moi en premier lieu de remercier le comité de nous avoir invités aujourd'hui à comparaître devant vous.
    Notre syndicat soutient fermement les principes et objectifs de la Loi sur les langues officielles. Le respect et la promotion du régime des langues officielles au Canada sont essentiels pour assurer que toutes les Canadiennes et tous les Canadiens ont accès à des services du gouvernement fédéral dans la langue officielle de leur choix. Ils sont aussi essentiels pour que les travailleuses et les travailleurs dans les régions désignées bilingues puissent travailler dans la langue de leur choix.
    Malheureusement, certaines politiques mises en oeuvre par le gouvernement fédéral au cours des dernières années trahissent un manque de volonté d'aider les travailleuses et les travailleurs à acquérir, pratiquer et maintenir des habiletés linguistiques dans l'une ou l'autre langue officielle. À cet égard, l'abolition du financement du Programme de contestation judiciaire, qui a joué un rôle vital dans la défense et la promotion des droits des minorités de langue officielle à travers le Canada, nous indique que le gouvernement ne prend pas à coeur ses obligations juridiques et constitutionnelles en matière de droits linguistiques. Nous ne pouvons que joindre notre voix aux nombreux organismes qui ont exigé le rétablissement du financement de cet important programme fédéral.
    Dans cette présentation, nous aimerions aborder trois questions : le rôle central de la formation, la dotation et l'importance de consulter des agents négociateurs, et le leadership qui est requis afin de transformer la culture linguistique en milieu de travail au sein de la fonction publique.
    Dans une société où la grande majorité de la population n'a pas une bonne connaissance des deux langues officielles, il incombe au gouvernement fédéral d'assumer ses responsabilités pour assurer une formation linguistique adéquate aux personnes qui sont appelées à travailler dans la fonction publique fédérale.
    En tant qu'employeur, le gouvernement fédéral se doit de donner l'exemple en matière de bilinguisme en milieu de travail. Pourtant, depuis quelques années, l'offre de programmes de formation et les enveloppes budgétaires qui s'y rattachent ont été décentralisées, affaiblissant la capacité du gouvernement de développer une approche cohérente face à la formation linguistique. Dorénavant, chaque ministère doit décider de ses priorités, y compris en matière de formation linguistique. Il en résulte une approche inégale et dénuée de planification à long terme, qui est parfois arbitraire.
    De plus, la formation elle-même n'est plus offerte par le gouvernement fédéral, mais elle est confiée à la sous-traitance, avec pour conséquence des approches inégales qui sont mal adaptées aux exigences du milieu de travail.
    Après une étude menée par le gouvernement fédéral en 2002, nous savons que 17 p. 100 des employés anglophones ont signalé que, faute d'accès à la formation linguistique, ils et elles n'ont pas été en mesure de progresser aussi bien que prévu dans leur carrière. Les employés francophones ont le même problème, mais il est plus accentué. En effet, seulement 5 p. 100 de la formation linguistique est donnée aux employés francophones. Par ailleurs, les gestionnaires peuvent généralement profiter des programmes de formation linguistique. En revanche, les travailleuses et travailleurs aux échelons inférieurs, plus souvent qu'autrement des membres des groupes d'équité, n'ont pas les mêmes possibilités. Or, bon nombre de ces employés sont membres de notre syndicat.
    L'accès à la formation linguistique doit faire l'objet de lignes directrices, de sorte que cette formation ne soit pas refusée injustement. Les travailleurs et travailleuses du secteur public fédéral qui se voient refuser une formation adéquate devraient pouvoir avoir recours à un processus d'appel. La formation linguistique doit également être offerte, de telle sorte que les compétences linguistiques, une fois acquises, soient maintenues.
    Finalement, il faut verser une indemnité de bilinguisme progressive et la compter comme un salaire aux fins de la pension, en vue de reconnaître la valeur de la connaissance des deux langues officielles.
    Je vais maintenant dire quelques mots sur la dotation. L'Alliance de la Fonction publique du Canada soutient la politique de bilinguisme et ne remet pas en question la désignation bilingue de certains postes. Toutefois, nous sommes d'avis que la désignation des postes bilingues doit se faire de façon transparente et juste. Le bilinguisme doit être une exigence authentique pour un poste.

  (0930)  

    Quant à la détermination des exigences linguistiques, le profil linguistique doit être transparent et juste, de sorte que les postes n'exigeant pas que des échanges limités dans la deuxième langue aient un profil différent de ceux pour lesquels une aisance comparable à la langue maternelle est exigée. Bien que la désignation d'un poste comme étant bilingue relève de l'employeur, nous estimons que l'intérêt public serait bien servi si ce dernier consultait les agents négociateurs. Si l'employeur était ouvert à ce genre de discussion, nous estimons que des solutions plus créatives pourraient être développées.
    J'aimerais aussi parler de la culture au travail. La meilleure formation linguistique ne saurait donner des résultats tangibles si on ne peut pratiquer ses habiletés linguistiques en milieu de travail. Les gestionnaires doivent faire preuve de leadership afin d'établir en milieu de travail une culture qui respecte et favorise l'utilisation des deux langues officielles. Cela est aussi important pour les personnes appartenant à une communauté linguistique minoritaire. En général, il s'agit de francophones qui ne peuvent généralement pas travailler dans leur langue maternelle parce qu'un ou deux collègues ne sont pas bilingues.
    L'apprentissage et la rétention des deux langues officielles sont donc, dans le meilleur intérêt de tous, un gage d'avancement professionnel pour les uns, un respect du droit de travailler dans sa langue pour les autres, et dans tous les cas, le gage d'un meilleur service à la population canadienne.
    En conclusion, voici nos recommandations au gouvernement fédéral : assumer ses responsabilités pour assurer une formation linguistique adéquate; assurer que les fonds pour la formation linguistique sont conservés centralement et sont mis à l'abri d'un examen de programme; offrir une formation linguistique aux employés anglophones et francophones dans l'ensemble des catégories et des groupes professionnels tout au long de leur carrière, dans toutes les régions, payée par l'employeur et offerte pendant les heures de travail, en milieu de travail; développer des lignes directrices concernant l'accès à la formation et mettre en place un processus d'appel en cas de refus; la détermination des exigences linguistiques doit être transparente et juste après consultation avec les agents négociateurs; encourager les gestionnaires à faire preuve de leadership afin d'établir, en milieu de travail, une culture qui respecte et favorise l'utilisation des deux langues officielles; enfin, donner un appui financier significatif à l'interprétation et à la traduction afin de favoriser la participation dans les deux langues officielles en milieu de travail et accroître le nombre de documents disponibles dans les deux langues officielles.
    Je vous remercie.

  (0935)  

    Merci beaucoup, monsieur Cashman.
    Nous allons maintenant nous tourner vers notre dernier témoin et non le moindre, M. Jean Vaillancourt, recteur de l'Université du Québec en Outaouais, l'UQO.
    Messieurs les députés, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de m'adresser à vous.
    À titre de recteur de l'université, je souhaiterais discuter du travail accompli dans le cadre du plan d'action qui prendra fin en mars 2008, et surtout de la planification de la nouvelle phase qui s'amorce. Je me ferai surtout porteur de bonnes nouvelles, mais je traiterai également de l'apport considérable des langues officielles à l'évolution et à la croissance du secteur de l'industrie de la langue dans la région de l'Outaouais, de même que dans l'ensemble du Canada et ailleurs dans le monde.
    Je vous parlerai d'abord du bilan de santé de l'industrie de la langue du Canada, pour discuter ensuite du rôle exemplaire que joue l'État canadien dans la création et l'expansion de cette industrie depuis plusieurs années. Je poursuivrai en décrivant les résultats récents et excellents obtenus grâce à l'investissement du dernier Plan d'action pour les langues officielles. Je traiterai aussi de la fonction essentielle de l'industrie de la langue sur les plans régional et national, mais aussi dans notre monde globalisé. Je poursuivrai en décrivant les enjeux internationaux auxquels tant l'État que l'industrie et les universités participent, ainsi que les priorités que nous aurons en partage au cours des prochaines années.
    Je n'ai pas préparé de mémoire, mais j'ai quelques notes en français pour les gens qui aimeraient les suivre. Ces notes comprennent une liste de référence pour les quelques chiffres que je vais donner. Je terminerai finalement en situant les universités par rapport à leurs priorités sociales et économiques et à la question plus vaste du rôle des langues dans la transmission du savoir et la production de la richesse à l'échelle mondiale.
    La semaine dernière, ici même devant le comité permanent, le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, a rappelé que le plan d'action visait trois objectifs principaux : la progression de la dualité linguistique au Canada, l'amélioration de la prestation des services du gouvernement dans les deux langues officielles et l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Si je les rappelle aujourd'hui à mon tour, c'est qu'en travaillant ainsi pour les Canadiens et le maintien de leur richesse linguistique, le plan d'action 2003-2008 a non seulement soutenu la dualité linguistique du pays, mais aussi, pour la première fois dans l'histoire, l'industrie canadienne de la langue. Cette industrie est un levier crucial pour assurer une réalisation efficace des actions du plan. Mais au-delà de son utilité à répondre aux besoins des Canadiens en matière de langues officielles, cette industrie permet au Canada de se positionner comme chef de file dans ce marché international en forte croissance qu'est la gestion de l'information multilingue.
    L'appellation « industrie de la langue » est récente. Au Canada, elle regroupe trois secteurs industriels qui ont fait des efforts considérables au cours des dernières années pour se structurer et profiter pleinement de la croissance mondiale. Je parle de l'enseignement des langues, des technologies langagières et de la traduction.
    À ce titre, nous avons réalisé collectivement des progrès dont il y a lieu de se réjouir. Il ne faut pas oublier que le Canada représente seulement la moitié de 1 p. 100 de la population de la terre. Malgré cela, le Canada produit environ 10 p. 100 de la traduction mondiale et 15 p. 100 de l'enseignement des langues. C'est une réalisation absolument extraordinaire. Toutes proportions gardées, on ne peut que reconnaître la valeur considérable de ces seuls volets de l'industrie langagière, laquelle s'accroît encore quand on lui accole les chiffres liés aux technologies langagières.
    Comme si ces bonnes nouvelles ne suffisaient pas, il faut savoir encore que l'industrie de la langue représente un apport économique de près de 3 milliards de dollars au Canada. À l'échelle mondiale, cette industrie affiche un taux de croissance de 18 p. 100, ce qui veut dire qu'elle double tous les cinq à sept ans. Pour le Canada, on parle d'une occasion économique absolument extraordinaire et d'un avantage concurrentiel qu'il ne faut pas perdre.
    À l'étranger, on reconnaît d'emblée que, notamment grâce au travail accompli pour assurer le respect de la Loi sur les langues officielles, le Canada possède les groupes professionnels les mieux organisés de l'industrie de la traduction, de la terminologie et de l'interprétation. La formation linguistique et en traduction offerte au Canada est citée en exemple partout dans le monde. Nos universités sont sans cesse sollicitées par des employeurs avides de faire travailler des traducteurs, des réviseurs, des terminologues, des professeurs de langue et des informaticiens au fait des questions langagières. La valeur de cette industrie et sa contribution à la réalisation de la mission gouvernementale ont été reconnues dans le dernier Plan d'action pour les langues officielles.

  (0940)  

    En 2003, en effet, le gouvernement fédéral a consacré 20 millions de dollars pour soutenir la progression de l'industrie de la langue. Ces efforts ont porté fruit, comme nous l'a précisé M. Peralta. Soutenus par ces 20 millions de dollars, beaucoup de gens se sont mis à la tâche. Des résultats probants peuvent d'ailleurs être constatés du côté de la structuration de l'industrie, et il faut louer à ce titre le travail considérable accompli par l'Association de l'industrie de la langue. Les sommes consenties par le plan d'action visaient à aider à relever quatre grands défis auxquels l'industrie de la langue se trouvait confrontée, dont deux concernaient les universités au premier chef, soit le renouvellement des ressources humaines et la réponse aux besoins en recherche et développement.
    La réalisation dont nous sommes le plus fiers est sans contredit la mise sur pied du Centre de recherche en technologies langagières, à Gatineau. Celle-ci n'aurait pu se concrétiser aussi rapidement sans la recommandation expresse de sa création dans le cadre du dernier Plan d'action pour les langues officielles. Grâce à ce projet réalisé en collaboration avec le Bureau de la traduction et le Conseil national de recherches du Canada, et avec le soutien des administrations fédérale et provinciales, un centre unique a vu le jour.
    Déjà, des équipes issues de nos organismes partenaires travaillent à des projets de recherche importants. Certains visent à repousser les limites de la technologie et d'autres à générer des connaissances qui aideront à accroître la productivité et la qualité des activités langagières. Nous avons compris que cette recherche, en aidant à franchir les barrières linguistiques, soutiendra l'action canadienne dans toutes les sphères de son activité.
    Travaillant dans cette optique, réunissant sous un même toit chercheurs, universitaires, entrepreneurs et spécialistes du gouvernement, le centre de recherche est appelé à devenir chef de file mondial dans l'établissement des normes de recherche et développement en matière de technologie langagière. Cependant, depuis sa création, le CRTL ne dispose pas des sommes nécessaires afin d'assurer sa pleine émergence. Nous devons stratégiquement agir plus rapidement si nous voulons commercialiser et diffuser les technologies canadiennes qui y sont développées pour un marché mondial maintenant très compétitif. Je vous cite l'exemple d'un institut qui a été créé il y a deux ans en Indiana et qui a quatre fois plus de moyens que le centre de recherche. La compétition est donc féroce.
    Notre manque de ressources limite par conséquent la capacité de l'industrie canadienne à répondre aux besoins des communautés linguistiques présentes au pays comme à l'étranger. Le renouvellement du Plan d'action pour les langues officielles constitue une occasion privilégiée d'insuffler au CRTL une nouvelle dose de dynamisme qui permettra au gouvernement canadien de remplir ses engagements auprès des communautés francophones et anglophones du pays et de contribuer du même souffle à l'essor de la grappe de l'industrie de la langue.
    Pour nous tous, les défis restent nombreux. Il faut sans cesse revoir et améliorer nos programmes d'enseignement, former les langagiers que l'industrie nous réclame, former des informaticiens pour créer les outils de l'avenir, former des gestionnaires capables d'orchestrer la complexité des projets multilingues, former des chercheurs pour l'avancement du savoir, préparer l'avenir, multiplier les projets de recherche avec les partenaires et les agents du milieu, et finalement, assurer rapidement le transfert du savoir à l'industrie.
    L'UQO est une université francophone ouverte sur le monde. Nous avons des ententes de partenariat avec des institutions de plusieurs pays où nous dispensons notamment des cours en français, en espagnol et en anglais. Nous formons des traducteurs depuis plus de 30 ans. Nous pouvons nous vanter d'avoir mis sur pied un des programmes de formation qui intègre le mieux les technologies et les professions langagières. Nous pourrions faire beaucoup plus encore. Disposer de plus de moyens signifierait pour nous et pour la société canadienne plus de réalisations, parce que l'État canadien a compris le rôle des langues dans le maintien et la diffusion du modèle canadien du respect des différences; parce que l'État canadien a compris que soutenir les langues officielles, c'est en même temps soutenir une industrie prometteuse qui n'a pas encore atteint son plein potentiel de développement; parce que l'État canadien est conscient, surtout, que les langues sont autant de véhicules des valeurs et des idéaux qu'il s'attache à défendre et qui sont universels.
    En tant que représentant du monde universitaire, donc de l'enseignement et de la recherche, je ne peux que l'inviter, en concluant, à réitérer et à bonifier le soutien accordé dans le passé dans le cadre du Plan d'action pour les langues officielles.

  (0945)  

    Nous avons besoin de plus de moyens pour former plus de langagiers, de professeurs de langue, de technolinguistes et de chercheurs. Nous avons besoin de moyens pour satisfaire nos ambitions, et le travail accompli au cours des dernières années peut laisser augurer ce que nous pourrions encore réaliser dans l'avenir avec l'appui que nous sollicitons aujourd'hui.
    Merci.
    Merci, monsieur le recteur.
    Nous allons maintenant entamer notre premier tour de table.
    Monsieur Jean-Claude D'Amours.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de comparaître devant nous ce matin.
    Monsieur Peralta, vous avez dit plus tôt avoir discuté avec M. Lord du travail que lui a demandé de faire le gouvernement fédéral. J'aimerais demander aux autres témoins s'ils ont discuté avec M. Lord, si ce dernier leur a demandé de commenter la situation des langues officielles et le travail qu'il a fait pour le gouvernement fédéral.
    J'aimerais commencer par vous, monsieur Vaillancourt.
    Non, je n'ai pas été approché.
     J'ai peut-être tort, mais je vois l'Association de l'industrie de la langue et l'Université du Québec en Outaouais comme des organismes qui soutiennent les langues officielles, alors que l'Institut professionnel de la fonction publique et l'Alliance de la Fonction publique me donnent l'impression de faire affaire beaucoup plus directement avec les citoyens.
    Madame Demers, M. Lord a-t-il approché votre institut en vue de recueillir ses commentaires?
    Pour notre part, nous n'avons même pas vu passer l'ombre de M. Lord dans le cadre de ces discussions.
    Autrement dit, il était loin d'essayer de savoir ce que vous pensiez.
    On était bien loin d'une invitation.
    Ça a été le cas pour bien d'autres également, et c'est déplorable.
     À l'Alliance de la Fonction publique, vous offrez des services directement aux citoyens. Dans cette perspective, la question des langues officielles est très importante, d'après ce que j'ai pu comprendre lors de votre présentation. J'aimerais savoir si M. Lord a sollicité vos commentaires.
    Nous n'avons pas reçu d'invitation. Nous sommes partis à sa recherche, par l'entremise de son secrétariat. Nous voulions avoir l'occasion de lui parler. Or, nous attendons toujours un appel de sa part.
    Donc, vous ne l'avez pas trouvé.

  (0950)  

    Non.
    Il va probablement dire que le pays est grand et long à couvrir.
    Ces situations sont un peu déplorables. J'aimerais poser la question qui suit aux gens de l'Alliance de la Fonction publique et de l'Institut professionnel de la fonction publique.
    Vous auriez peut-être aimé le rencontrer, mais j'aimerais savoir ce qu'aurait apporté de plus le fait de lui faire part de la situation de vos organismes.
    En écoutant mes collègues réunis autour de cette table parler de l'ampleur des problèmes qui touchent les langues officielles, que ce soit sur le plan de l'industrie ou au niveau universitaire, je constate encore une fois que la fonction publique fédérale est le parent pauvre de la société canadienne. Non seulement ne lui accorde-t-on pas d'attention, mais en plus, quand des pensées ou des projets visant à renouveler le programme pancanadien des langues officielles ou le bilinguisme au pays sont élaborés, on ignore complètement les gens qui, comme vous le dites, sont sur le terrain, offrent les services aux Canadiens et sont responsables de développer les programmes. C'est une situation vraiment triste et, en fait, assez fâcheuse.
    Et pour ce qui est de l'Alliance de la Fonction publique?
    Si on comprend bien le mandat que le premier ministre a accordé à M. Lord à l'égard des minorités linguistiques, on comprend mal que nous n'ayons pas été consultés. En effet, le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer en matière de services offerts à tous les Canadiens et Canadiennes, y compris ceux appartenant à des minorités linguistiques.
    Les plaintes des citoyens sont dues au fait que ceux-ci n'ont pas reçu certains services, mais ces manquements en matière de services ne se produisent pas dans un autre monde: ils ont lieu directement sur le terrain. On dit essayer de voir de quelle façon il est possible d'améliorer les langues officielles, mais on oublie de demander à ceux qui offrent des services aux citoyens directement sur le terrain ce qui, selon eux, pourrait faire en sorte d'améliorer ces services. C'est assez contradictoire. En fin de compte, ça permet à ces gens d'avoir l'air d'être en train de faire une belle évaluation, alors qu'ils ne prennent même pas le temps de discuter avec les intervenants qui sont sur la ligne de front.
    Oui, absolument.
    Madame Demers, vous avez dit tantôt que le financement de la formation avait diminué, et qu'il était maintenant d'environ 12 millions de dollars par année. Au cours des années suivant ce que vous avez pu déterminer, ces sommes ont-elles encore diminué? Le gouvernement fédéral semble-t-il avoir de moins en moins d'intérêt à trouver des moyens d'offrir de la formation additionnelle?
    La situation de la formation linguistique dans la fonction publique fédérale recule tellement qu'elle semble être tombée sous le radar. On n'en entend plus parler. On en entendait beaucoup parler en 2003, 2004, 2005 et même en 2006. Dorénavant, on ne constate plus que de la pure frustration de la part des gens, qui disent qu'il n'y a plus de formation linguistique à l'école.
    Les ministères se sont vu déléguer la responsabilité d'offrir de la formation linguistique, mais on ne leur a pas accordé de budget pour s'acquitter de cette fonction. Ils doivent puiser dans leurs budgets de fonctionnement déjà serrés et qui sont réduits d'année en année, et essayer de donner une heure ici et là. Cela ne fait pas des gens bilingues.
    Donc ce sont de belles paroles, mais il n'y a aucun geste concret.
    Absolument.
    Merci.
    Merci, monsieur D'Amours.
    Nous allons maintenant continuer avec M. Nadeau.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à vous tous, mesdames et messieurs.
    Madame Demers, vous avez parlé de la question de l'éducation des enfants dans les deux langues officielles. On sait que cela relève des provinces. J'ai vécu en Saskatchewan dans les années 1990. On commençait à y sentir l'impact de l'abolition des programmes d'immersion dans les écoles anglaises. On a constaté qu'ils n'étaient plus utiles et on les a remplacés par autre chose.
    C'est un peu l'esprit dans lequel on se retrouve souvent dans des milieux majoritairement anglophones loin du Québec. Il y a un manque au chapitre de l'éducation. Je parlerai de la formation plus tard. On dit qu'on se dirige vers la sous-traitance pour former les gens, alors que le Canada se vante tant d'être un pays bilingue. Ce n'est pas normal.
    Monsieur Vaillancourt, vous avez parlé du Centre de recherche en technologies langagières, qui est chapeauté par l'Université du Québec en Outaouais. Ce centre est extrêmement important pour la recherche et le développement. On dit que dans la société civile, il y a des lacunes dans le domaine de l'éducation et qu'on ne démontre pas nécessairement la volonté de faire en sorte que le français soit sur un pied d'égalité avec l'anglais.
    J'ai appris que le Centre de recherche en technologies langagières avait été mis sur pied par un conglomérat et qu'aujourd'hui, ce n'était même pas un centre du gouvernement fédéral. C'est plutôt un organisme sans but lucratif qui, chaque année, doit chercher des fonds pour arriver à survivre dans un domaine de recherche extrêmement important et en expansion.
    Au cours de la deuxième phase du Programme d'action pour les langues officielles, serait-il important de s'assurer qu'un centre comme le vôtre et les universités seront reconnus formellement comme les formateurs des personnes qui oeuvreront dans le domaine langagier? Il y a sûrement d'autres centres. Je sais qu'il y en un au Nouveau-Brunswick.

  (0955)  

    D'accord. Je peux peut-être dresser rapidement un portrait du Centre de recherche en technologies langagières. C'est un organisme sans but lucratif qui compte trois partenaires fondateurs, soit deux organismes fédéraux, dont le CNRC, et l'Université du Québec en Outaouais.
    C'est un organisme dont le budget annuel est actuellement d'environ 0,5 million de dollars par année, toutes dépenses confondues. À cela s'ajoutent des contributions de chacun des trois partenaires, qui totalisent environ 6 millions de dollars par année. La contribution de 2 millions de dollars du CNRC est inscrite dans le plan 2003-2008.
    Pour avoir un plein impact et donner un avantage concurrentiel aux chercheurs canadiens qui y travaillent — on parle de plus d'une trentaine de chercheurs —, le centre de recherche aurait besoin d'un ajout minimal de 6 millions de dollars par année à son budget de 0,5 million de dollars. Donc, il faudrait multiplier le budget au moins par dix.
    Une somme de 6 millions de dollars permettrait au centre de consacrer annuellement environ la moitié de son budget à des efforts de commercialisation des inventions qui y sont faites. Il y a déjà deux projets de recherche, dont un qui a été primé, réalisés en collaboration avec l'industrie. Ces projets ont un potentiel commercial mais évidemment, les efforts de commercialisation sont limités par le budget contraignant du centre de recherche. À mon avis, le montant permettrait de concurrencer adéquatement les grands centres américains qui font actuellement le même type de recherches. Selon moi, une somme de 6 millions de dollars annuellement serait un élément qui permettrait au Canada, en termes de recherche et de développement au CRTL, d'avoir la force de frappe nécessaire. Évidemment, le renouvellement du financement de l'Association de l'industrie de la langue est aussi extrêmement important, parce que ce sont ces industries, actuellement en émergence, qui prennent les réalisations du centre de recherche et les mettent en marché, au profit du Canada.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Cashman, plus tôt, vous avez parlé de sous-traitance. Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que ça veut dire qu'à un certain moment, l'ensemble des services étaient offerts par l'école de formation fédérale et que, tout d'un coup, des économies alliées au peu de vision du gouvernement entraînent une diminution du service? Est-ce que vous pourriez nous expliquer cela?
    Oui. Vous avez peut-être pu constater qu'ici en particulier, dans la région, les écoles de langue privées, qui ne sont pas à notre avis de la même qualité, poussent comme des champignons. On ne peut pas garantir la même qualité que celle offerte auparavant par l'École de la fonction publique.
    Donc, si je comprends bien, les fonds ont été réduits dans ce domaine ou du moins l'orientation a été changée.
    Il fut un temps où un fonctionnaire pouvait rêver d'être inscrit à l'École de la fonction publique pour apprendre notre langue. Maintenant, comme Mme Demers l'a mentionné, on leur offre peut-être quelques heures par semaine en soirée, dans une école du coin. Ce n'est pas la même chose.
    Madame Demers, toujours au sujet de la formation, chez vous, ça se fait davantage auprès des fonctionnaires professionnels.
    Il y a des sous-ministres qui ne parlent pas un mot de français. Le ministère de la Défense nationale tente de nous faire croire qu'il a trouvé une solution à une situation épouvantable: 47 p. 100 des postes désignés bilingues sont occupés par des unilingues anglophones. De quelle façon pourrait-on améliorer la situation au cours d'une prochaine étape du plan d'action?

  (1000)  

    Il faut changer la démarche et la dynamique en ce qui a trait aux langues officielles. Il faut que ça devienne quelque chose dont on est fier. Je suis d'accord avec M. Peralta, qui disait tout à l'heure que parler deux langues, c'est une richesse et une fierté, et qu'en parler trois ou quatre, c'est encore mieux.
    Comment fait-on pour que les gens veuillent devenir bilingues plutôt que de considérer qu'ils ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête? Présentement, on leur dit qu'ils doivent être bilingues, sinon ils doivent renoncer au poste qu'ils désirent. C'est ce qui arrive présentement. Le bilinguisme est perçu comme une menace. Il n'est pas considéré comme un élément positif. On ne donne pas aux ministères et aux employés les outils pour devenir bilingues. On ne leur donne pas de raison d'être fiers de cela.
    L'encouragement que constitue la prime au bilinguisme est d'un ridicule consommé. Au moment où ça a été institué, ça équivalait à 10 p. 100 du salaire d'un individu. À présent, elle est de 800 $ pour un salaire de 50 000 $ ou 60 000 $. Ce n'est pas une « carotte », ce n'est pas un encouragement. Comment peut-on concevoir un mode de pensée et des mécanismes qui feront en sorte que les gens aient envie de devenir bilingues et soient fiers de l'être?
    Merci, madame Demers. Vous faites partie des gens de passion.
    Nous allons passer maintenant à une autre personne de passion, M. Godin. C'est un compliment, monsieur Godin.
    Merci, monsieur le président. Je prends ça comme un compliment, ne vous inquiétez-pas. Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez de moi, c'est correct.
    Merci à nos témoins d'être ici. Je suis heureux de compter parmi les personnes bien éduquées parce que je parle trois langues: l'anglais, le français et le chiac.
    Je sais qu'il ne s'agit peut-être que d'une désignation commerciale, mais j'ai un peu de difficulté à voir la langue présentée comme une industrie. Ça va un peu plus loin, selon moi. Il y a deux peuples fondateurs au Canada, et je ne voudrais pas que la langue représente une industrie parce que le français en arrache. On dirait qu'il nous faut une industrie pour nous apprendre à parler ou pour faire apprendre le français aux anglophones. On n'est pas des machines, mais des humains.
    L'idée de l'industrie m'a chatouillé un petit peu, mais je ne veux pas vous offenser. Je sais que vous êtes là pour faire de l'argent plutôt que pour le vrai motif qui est la réalité humaine et le fait qu'au Canada, il y a plusieurs peuples maintenant. En fait, il y a les peuples anglais, français, québécois, acadien, autochtone. C'est dans le respect des peuples qu'on doit parler. Donc, de présenter la langue comme une industrie me chatouille un peu, ce matin. Ne vous en faites pas, je voulais seulement vider mon sac.
    Madame Demers, ne soyez pas insultée parce que vous n'avez pas vu M. Lord, il n'est qu'une ombre qui se promène. C'est que le premier ministre veut un plan d'action, il le veut à sa manière et pas à la manière que les gens le veulent. Alors, ne soyez pas fâchée. Vous pouvez dormir en paix. Vous êtes ici entre bonnes mains avec un comité parlementaire qui représente les citoyens, et qui va essayer de vous représenter de son mieux.
    Entre l'école de formation linguistique et à présent, les cours du soir que vous avez mentionnés, quelle est la différence, selon vous? Croyez-vous qu'il y a un recul?
    Au chapitre de l'accessibilité, effectivement, il y a un recul. Je lève mon chapeau à certains ministères. Je sais que, par exemple, Ressources naturelles Canada a embauché des professeurs de langue à même son budget global de formation pour offrir deux heures de cours par semaine, je pense, à des personnes qui veulent apprendre la langue seconde. Je trouve ça louable, mais bien sûr, c'est insuffisant.
     Combien d'années faudra-t-il à une personne pour devenir bilingue à raison de deux heures par semaine? Pourquoi la formation linguistique n'est-elle offerte qu'aux gens qui sont dans un poste de catégorie EX? En effet, c'est presque comme ça que ça se passe. Je ne veux pas faire de déclaration fracassante et incorrecte, mais je pense que je ne me tromperais pas beaucoup en disant que de 90 à 95 p. 100 de la formation linguistique à temps plein est offerte à cette catégorie d'employés. Est-ce que les autres employés de la fonction publique fédérale sont des minus, n'ont-ils pas les mêmes droits que les hauts gestionnaires d'apprendre une langue seconde pour aspirer à développer leur carrière et accéder à des postes?
    Il faut une volonté politique et une volonté de la part de la fonction publique. Il faut des fonds également parce que rien n'arrive par magie. Il faut de l'argent pour former les gens. Il faut une volonté pour que de l'argent soit donné.

  (1005)  

    Monsieur le président, on parle de l'argent. Selon les recherches, le plan d'action fonctionne très bien. Mais on disait que le plan d'action créerait des programmes d'enseignement réguliers supplémentaires dans la langue de la minorité. Or on s'aperçoit qu'au bout du compte, il manque 132 millions de dollars. On promettait qu'on donnerait au plan d'action un total de 209 millions de dollars d'ici le mois de mars 2008, mais le gouvernement a donné 256 millions de dollars. Il pouvait se péter les bretelles et dire qu'il avait été gentil parce qu'il avait donné presque 50 millions de dollars de plus pour dispenser l'enseignement dans la langue des minorités.
    Toutefois, il faut étudier le plan d'action. Le gouvernement dit que ce n'est pas vrai. Je le mets au défi de contredire ces chiffres. Pour moi, ces chiffres sont les bons. Ils ont été compilés et vérifiés par la Bibliothèque du Parlement.
     De 2003 à 2007, le programme régulier a subi des coupes à un tel point que, plutôt que de recevoir 724 millions de dollars, il a reçu environ 544 millions de dollars. Il manque donc 132 millions de dollars. Je n'entends pas une province déplorer la perte encourue dans les programmes réguliers, je n'entends pas un mot. Aucune université ne dit un mot. En réalité, on parle de l'enseignement dans la langue de la minorité. Aucune école du Canada ne se lamente.
    Quant à nous, partout où nous allons, les gens nous disent avoir besoin de cet argent. Par exemple, les minorités francophones veulent que les jeunes apprennent l'anglais, elles veulent des garderies dans les écoles pour que les jeunes puissent en bénéficier. Le groupe anglophone Canadian Parents for French est venu nous rencontrer plusieurs fois et nous a dit qu'il n'y avait pas assez d'écoles d'immersion, qu'il manquait de professeurs et que les parents voulaient que leurs enfants apprennent le français.
     Le problème du bilinguisme serait réglé dans 12 ans si on le prenait à la base et si on commençait à donner de l'éducation à la base. J'appuie M. Chong, qui se lamente tout le temps à ce sujet en disant qu'on devrait mettre l'accent sur l'éducation.
     Je suis d'accord avec vous, monsieur Chong.
     Entre-temps, la fonction publique a un travail à faire pour aider ses employés à garder leur emploi et à apprendre les deux langues.
    Je crois que j'en ai assez dit. Je vais vous laisser du temps. Ensuite, je devrai partir, car j'ai une autre réunion importante. Je ne veux pas dire par là que la vôtre n'est pas importante, mais l'autre l'est également.
    Il vous reste environ 30 secondes pour commenter.
    Monsieur le président, est-ce 30 secondes chacun?
    Non, non.
    Monsieur Godin, vous avez parlé de chiffres, mais il est également important de parler des gens, des personnes. À la fonction publique, on constate qu'il existe deux cultures, deux générations affectées. L'argent est consacré aux gestionnaires. Comme l'a indiqué Mme Demers, il s'agit de personnes dans la cinquantaine. Pour ce qui est de la réalité des exigences du bilinguisme, le fardeau incombe maintenant aux jeunes qu'on veut tellement recruter à la fonction publique. Ce sont eux qui sont pénalisés parce qu'ils n'ont pas accès à la formation linguistique. Si on veut construire une fonction publique pour l'avenir, il faut investir dans nos jeunes. C'est ce qui manque en ce moment.
    Merci, monsieur Cashman, d'avoir été concis.
     C'est maintenant le tour de M. Lemieux du parti gouvernemental.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec le député M. Harvey.
    J'aimerais parler du travail de M. Lord. Il a été nommé par le gouvernement pour faire d'importantes consultations sur le plan d'action. Il est très respecté, et sa nomination a été bien reçue et reconnue par nos communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il a voyagé partout au Canada et a rencontré beaucoup d'organisations différentes dans chaque région de notre pays.

[Traduction]

    En outre, il avait mis en place un processus permettant aux groupes de faire des recommandations, à lui et à son comité.
    Madame Demers, vous avez une position ferme sur cette question et un important message à livrer. J'aimerais savoir si vous avez fait une proposition écrite à la commission de M. Lord.

  (1010)  

    Non, je ne l'ai pas fait.
    Monsieur Cashman, en avez-vous soumis une à l'Alliance de la fonction publique?
    Non plus.
    Merci.
    Monsieur Harvey.

[Français]

    Je voulais savoir si vous aviez fait un mémoire ou non.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.

[Français]

    Je vous écoute, monsieur Godin.

[Traduction]

    J'ai invoqué le Règlement parce que je dois partir.
    Je crois que c'est une simple question de respect; ils veulent les rencontrer en personne et ne pas être vus comme des citoyens de seconde zone.

[Français]

    Monsieur Lemieux, souhaitez-vous intervenir?

[Traduction]

    Ce n'est pas un rappel au Règlement.

[Français]

    Je suis d'accord.

[Traduction]

    C'est un abus du rappel au Règlement, monsieur Godin.

[Français]

    Merci, monsieur Godin. Je prends note de votre rappel au Règlement, mais je vais quand même permettre aux parlementaires de continuer à échanger avec nos invités.
    Monsieur Harvey, vous avez la parole.
    Je crois remarquer que vous êtes pas mal tous bilingues. Monsieur Cashman, vous parlez très bien français. Je suppose que votre langue maternelle est l'anglais. Madame Demers, vous parlez très bien français, je le vois à votre nom. Je suppose que vous parlez très bien anglais également. Monsieur Peralta, vous parlez très bien français. Je suppose que vous parlez très bien anglais, et vous parlez peut-être même une troisième langue.
    Je parle quatre langues.
    Monsieur Chamsi, vous parlez très bien français. Combien de langues parlez-vous?
    Cinq.
    Cinq langues. Et vous, monsieur Vaillancourt?
    J'en parle deux assez bien.
    Combien d'entre vous ont pris des cours à l'École de la fonction publique en vue de devenir bilingues? Est-ce l'école qui vous a rendus bilingues, ou si vous étiez déjà bilingues lorsque vous avez commencé à travailler pour la fonction publique?
    J'aimerais clarifier certains points au sujet de l'École de la fonction publique.
    En 1999, l'École de la fonction publique a, pour la première fois de son histoire, mené un projet-pilote avec le secteur privé. Le taux de réussite de ce projet-pilote a augmenté le taux de réussite de l'École de la fonction publique de 20 p. 100. En ce moment, le taux de réussite des contrats qui passent par l'École de la fonction publique est presque le double de ce qu'il était quand la formation était donnée à l'interne. Donc, c'est un travail d'équipe. Ce n'est pas une question de savoir ce qui est mieux pour moi ou pour toi. Ce n'est pas une question de division.
    Je suis sûr que les problèmes de la fonction publique sont aussi les dilemmes de l'industrie. Aujourd'hui, un article sera publié à Halifax à propos d'une école de langue qui a beaucoup investi et qui donne des cours depuis 20 ans aux employés du gouvernement. Pourtant, personne ne fréquente cette école en ce moment. Il y a une photo d'une salle vide.
    Je ne suis pas d'accord avec M. Godin. Ce n'est pas seulement une question d'argent. Les gens qui travaillent dans l'industrie langagière sont des anciens professeurs, des traducteurs, des gens qui croient en ce qu'ils font. C'est pour ça que nous sommes là. C'est vrai qu'il y a des problèmes de bilinguisme dans la fonction publique.
    Monsieur Peralta, je suis marié avec une anglophone et mes enfants sont déjà tous bilingues. J'ai une fille qui arrive d'Espagne, où elle a appris l'espagnol; elle parle trois langues. Ma deuxième fille s'en va en Allemagne pour apprendre l'allemand. Donc, l'idée du « deux plus un », j'y crois sincèrement.
    Ne serait-il pas préférable d'engager un fonctionnaire bilingue dès le début, plutôt que d'essayer de lui enseigner une deuxième langue pendant 10 ans? J'ai vu mes enfants apprendre une deuxième langue dès la naissance; à 4 ans, mes enfants parlaient couramment les deux langues sans accent. Quant à moi, je viens de Chicoutimi et, encore aujourd'hui, je bûche pour essayer d'apprendre l'anglais comme il faut et de bien le parler. C'est un de mes regrets. Même si je suis pratiquement en immersion ici, ce n'est pas facile pour moi. Il me manque souvent le mot qui rendrait vraiment le sens de ce que je veux dire.
    Ne serait-il pas mieux d'y porter une attention particulière dès l'embauche? Un fonctionnaire qui veut avoir une promotion et qui doit avoir réussi ses mathématiques 536, lui donne-t-on des cours de mathématiques? Le gouvernement donne-t-il des cours de mathématiques ou d'histoire aux fonctionnaires? Je ne le crois pas. Par contre, en ce qui a trait aux langues officielles, on sait dès le départ que le poste est bilingue. Si quelqu'un postule un poste bilingue sans être bilingue, je ne vois pas pourquoi le syndicat essaierait de protéger cette personne qui n'a pas la compétence, je ne comprends pas pourquoi ce serait au gouvernement de lui faire acquérir cette compétence.
    Je cherche à comprendre pourquoi c'est la responsabilité du gouvernement de lui enseigner une deuxième langue, alors que l'enseignement de cours d'histoire, de mathématiques, de chimie ou de physique ne l'est pas. J'essaie sincèrement de comprendre pourquoi, lorsqu'on ouvre un poste bilingue et qu'on engage une personne unilingue, le gouvernement est chargé de lui enseigner une deuxième langue.
    M. Vaillancourt a son diplôme universitaire et possède des compétences pour enseigner; c'est sa mission première. Ce n'est pas le rôle du gouvernement d'enseigner les langues. Il fournit de l'argent à des institutions comme celle de M. Vaillancourt pour enseigner l'anglais, le français et toutes les autres langues. J'essaie de voir en quoi c'est la responsabilité du gouvernement d'enseigner cette deuxième langue, puisque nous pouvons tous aller chez M. Vaillancourt pour apprendre une autre langue.
    Quelqu'un peut-il m'éclairer à ce sujet?

  (1015)  

    En fait, il faudrait retourner à la base. Il est important de valoriser le fait que nous avons deux langues dans ce pays, et cela se fait à un très jeune âge. Immigrant francophone, j'ai appris l'anglais dans la rue à 6 ans, quand je suis arrivé au Canada. Les gens parlaient anglais et je voyais un avantage à parler les deux langues en tant que jeune, sinon je ne pouvais pas parler avec les gens avec qui je jouais.
    Il faut trouver une solution à l'apprentissage obligatoire des langues, plutôt que l'apprentissage volontaire. Il faut que le système d'éducation donne une raison aux gens de vouloir parler les deux langues de ce pays et d'en être fiers. C'est ce que nous faisons dans l'industrie, avec le concours des universités. Nous voulons montrer aux gens que le bilinguisme procure une fierté et un avantage financier important dans le monde et au Canada.
    Je ne veux pas vraiment parler de ce point en particulier, mais je voudrais dire surtout qu'il faut retourner en arrière et regarder les jeunes de 3, 4 ou 5 ans. Comment peut-on les intéresser à la langue? Comment peut-on les inciter à vouloir être bilingues?
    Nous travaillons avec les jeunes à des âges assez avancés pour leur montrer les débouchés.
    Merci, monsieur Chamsi.
    M. Harvey a soulevé une question très intéressante, mais je dois malheureusement m'en tenir au temps qui lui a été alloué.
    Monsieur le président, si vous demandez aux membres du comité de laisser une minute ou deux...
    C'est votre tour, monsieur Bélanger.
    Laissez-moi faire valoir mon point de vue, s'il vous plaît.
    Je pense que si vous demandiez aux membres du comité de laisser une minute ou deux de plus aux représentants des syndicats pour répondre à la question de M. Harvey, vous auriez certainement mon assentiment et celui des membres de ce côté-ci.
    Avons-nous le consentement unanime?
    On pourrait poursuivre la question.
    Je ne veux pas avoir de réponses aux questions que vous posez.
    Nous n'avons pas de consentement unanime, alors je vais donner...
    Madame Demers, j'aimerais que vous répondiez à la question de M. Harvey. Je vais sacrifier mon temps de parole, parce que je pense qu'il est important d'avoir votre perspective.
    Merci, monsieur Bélanger.
    Monsieur Harvey, je me considère privilégiée d'avoir appris dans la rue quand j'étais toute petite la deuxième langue officielle de ce pays, comme monsieur ici l'a fait. J'ai eu ce privilège. Beaucoup de gens ailleurs au pays n'ont pas ce privilège. Ils vivent dans un milieu unilingue, soit francophone ou anglophone, et leur système d'éducation ou leur environnement immédiat ne facilitent pas l'apprentissage d'une deuxième langue.
    Tant et aussi longtemps que cela ne sera pas possible grâce au système scolaire, le gouvernement fédéral a la responsabilité, en vertu de sa propre loi, soit l'article 39 que je vous ai lu tout à l'heure, de s'assurer que personne n'est lésé en matière d'emploi et d'avancement au sein d'institutions fédérales. Il en découle une obligation pour le gouvernement de fournir de la formation linguistique.
    Cela dit, notre institut pense que la responsabilité est partagée et que le gouvernement doit faire sa part. L'individu doit également prendre la responsabilité de maintenir et de conserver le profil linguistique qu'il a acquis et dont il a besoin pour travailler dans la fonction publique.
    Cependant, on ne peut pas dire aux gens de s'arranger pour apprendre la langue s'ils veulent travailler, car ce n'est pas possible pour tout le monde. Il est un peu superficiel de se dire tout simplement qu'on va engager des gens bilingues. Ceux qui ne sont pas bilingues sont lésés, selon votre façon de penser.

  (1020)  

    C'est mon tour, monsieur le président.
    Nous allons céder la parole à M. Bélanger.
    Il existe un autre aspect à cela. Lorsque la loi a été promulguée, la fonction publique existait. On ne peut pas instituer un autre cadre législatif sans qu'il y ait une période d'adaptation pour s'assurer que tout le monde a des chances équitables d'avancement.
    Madame Demers, je suis d'accord avec vous sur certains de vos commentaires. Premièrement, tant et aussi longtemps qu'on continuera à donner de la formation linguistique, cela devrait se faire en début de carrière. Je suis absolument d'accord avec vous là-dessus. Deuxièmement, je suis intéressé — je ne dis pas pour autant que je tirerais la même conclusion que vous — à étudier la question de la prime au bilinguisme, et le comité serait un bon outil pour le faire. Y aurait-il une meilleure utilisation à faire de cet argent? Je pense que cela représente environ 50 millions de dollars annuellement. Cela m'intéresserait. Je vais voir si nous avons le temps d'étudier cela, s'il n'y a pas d'élections bientôt.
    Je veux en arriver à votre premier commentaire, votre première suggestion, à savoir qu'il faut commencer à la base, par la formation. Je suis d'accord avec M. Chong à cet égard. En ce qui concerne la formation et les professeurs, il y a quelque chose à faire. Je sais que c'est une priorité pour l'Association de l'industrie de la langue. J'ai eu l'honneur, dernièrement, d'être invité à donner une conférence à leur assemblée. J'ai vraiment mis l'accent là-dessus. Depuis, j'ai rencontré des professeurs et je me suis renseigné. Au fédéral, les professeurs de langue travaillent maintenant dans des conditions absolument ahurissantes. La formation a été privatisée. On leur offre d'aller enseigner à la cafétéria ou dans la bibliothèque. Imaginez, on va donner des cours dans la bibliothèque alors que les autres étudient. On leur offre d'aller dans de petits coquerons. La décision de privatiser toute la formation linguistique était une erreur, tout comme celle de transférer le Secrétariat des langues officielles du Bureau du Conseil privé au ministère du Patrimoine canadien. Ce sont deux pas en arrière. Il faudra vraiment étudier cela, revenir sur ses pas et recommencer la formation.
    Rappelez-vous que lorsque Mme Robillard était présidente du Conseil du Trésor, nous avons adopté une loi. Les gens devaient satisfaire aux exigences et ils avaient deux ans pour le faire. Or cela faisait deux, trois ou quatre fois qu'on reportait l'échéance. Nous avons décidé de ne plus la reporter. Cela a eu un impact absolument ahurissant, et cinq fois plus de gens ont voulu recevoir de la formation. La liste d'attente a augmenté de beaucoup. À ce moment-là, on a ajouté 36 millions de dollars sur deux ans pour désengorger ça. Par la suite, un changement de gouvernement est survenu et c'est là qu'on a tout privatisé. Je pense que c'était une erreur qu'il faudra corriger.
    En ce qui concerne les professeurs hors de la fonction publique, c'est aussi terrible. Ils n'ont pas de salles de classe à leur disposition et le matériel didactique est dépassé.
    Si vous pouviez...
    J'aimerais savoir, tant du côté de l'industrie que du côté de votre association, madame, si vous pourriez étudier cet aspect et faire des recommandations pour qu'on puisse les communiquer aux provinces. C'est là qu'il faut valoriser la profession de professeur de langues.
    Merci, monsieur Bélanger. Je demande aux témoins de prendre note de la question.
     Nous poursuivons, et c'est le tour de M. Chong.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis d'accord avec vous, monsieur Peralta, quant à votre témoignage. Ma mère était européenne et tous mes cousins peuvent parler trois ou quatre langues. Ce n'est pas un hasard: en Europe, le système d'éducation est très différent du nôtre. Après la Seconde Guerre mondiale, personne en Europe ne pouvait parler une deuxième langue. Maintenant, dans des pays comme les Pays-Bas, la Belgique, la France et l'Allemagne, tous les citoyens peuvent parler trois ou quatre langues. À mon avis, on peut faire la même chose dans notre pays. Si notre pays veut faire du commerce international, être diversifié et répondre aux définitions du monde moderne, il lui faut avoir un système d'éducation qui produise des étudiants pouvant parler trois ou quatre langues. C'est bon pour l'économie, l'unité nationale et la diversité, c'est bon pour tout.

  (1025)  

[Traduction]

    Je suis totalement d'accord avec vous. Je trouve que votre exposé était très intéressant, tout comme le travail que vous réalisez. C'est encourageant de voir que votre projet prend forme.
    La dernière remarque que je tenais à faire s'adresse aux représentants des groupes de la fonction publique. Je vous encourage vivement à adopter une autre approche pour promouvoir le bilinguisme dans la fonction publique. Je crois que beaucoup de vos initiatives sont bonnes, mais à certains égards, vous oubliez une partie de l'essentiel.
    Parfois, nous en faisons trop pour défendre les droits linguistiques des francophones et des anglophones dans la fonction publique, sans véritablement agir de manière proactive pour promouvoir le bilinguisme au Canada. Je pense en particulier à la nécessité, pour les universités, de diplômer des étudiants bilingues. Nous devons développer davantage d'interactions avec les milieux universitaires pour les inciter à former les étudiants dont nous avons besoin dans la fonction publique.
     Certains se plaignent que ceux qui sont anglophones ou unilingues ont davantage de difficulté à accéder à des postes de direction. D'une certaine manière, je le comprends, mais à d'autres égards, non. Si vous travaillez pour une banque d'investissement, il vous faut un MBA pour gravir les échelons et devenir vice-président. Il est rare, aujourd'hui, si on travaille pour l'une de ces banques et qu'on ne possède pas de MBA, d'espérer être promu à un tel niveau. C'est la même chose pour les ingénieurs. Et si vous travaillez chez Microsoft, il vous sera difficile de gravir les échelons sans formation en informatique.
    D'une certaine manière, je pense que nous devrions sensibiliser les milieux universitaires en leur disant que si leurs étudiants veulent travailler au gouvernement du Canada et accéder à des postes de gestion, il leur faudra être bilingues. Ce n'est pas quelque chose de secondaire. Cela doit faire partie de la formation de ceux qui se destinent à entrer dans la fonction publique.

[Français]

    Il reste environ une minute.
    Puisque les universités sont interpellées, me permettez-vous d'intervenir, monsieur le président?
     Lorsque j'ai quitté ma ville natale, Québec, à 21 ans, j'étais un francophone unilingue. J'ai choisi de faire mes études dans une université anglophone unilingue. J'ai donc dû dès le début relever le défi que constituait, pour un adulte, l'apprentissage de l'anglais dans un environnement unilingue, mais ça a aussi été un avantage.
    L'immersion dans un milieu unilingue sur une période prolongée est la situation idéale pour maîtriser une langue seconde sans perdre la maîtrise de sa langue maternelle. On devrait favoriser l'utilisation d'un tel type de milieu comme terre d'accueil pour parfaire une langue seconde au Canada. C'est vrai pour la formation de base, ce l'est également pour le développement professionnel tant des fonctionnaires de l'État que des employés d'autres entreprises. Il faut repenser le modèle de formation selon lequel on visite chaque jour une personne dans un environnement où l'on parle sa langue maternelle et on lui enseigne la langue seconde pendant une heure, alors qu'elle ne s'en servira pas pendant le reste de la journée. Il faut vraiment réfléchir là-dessus. Les universités, qu'elles soient francophones en milieu bilingue ou anglophone, ou anglophones en milieu francophone, peuvent offrir ce genre d'environnement, ce qui favoriserait une formation plus intense et plus rapide, et permettant de maîtriser la langue. C'est un peu comme apprendre...

  (1030)  

    Merci beaucoup, monsieur Vaillancourt.
    Nous passons à l'opposition. Pour le Bloc québécois, ce sera M. Nadeau.
    Merci, monsieur le président.
    Nous venons d'entendre une discussion et des propos très intéressants. Je suis franco-ontarien d'origine et je me souviens d'une phrase de Jeannine Séguin, qui n'est plus des nôtres aujourd'hui, mais qui a été présidente de l'Association canadienne-française de l'Ontario. J'ai collaboré étroitement avec elle à l'époque où elle était présidente de la Fédération des francophones hors Québec. Elle disait que nous, les francophones, apprenions le français mais attrapions l'anglais.
    Dans une société qui se veut bilingue, du moins selon la Constitution du Canada, on vit encore cette réalité. Mes enfants, lorsqu'ils étaient à la Coopérative d'habitation Villa Bonheur à Saskatoon, ont très rapidement attrapé l'anglais. Ils avaient 5 et 8 ans lorsqu'ils sont arrivés là-bas et ils l'ont appris. C'est une réalité parce que l'anglais est majoritaire là-bas. Je ne blâme personne, c'est une réalité. Les enfants anglophones n'attrapaient pas ou n'apprenaient pas le français. Il y a ces circonstances.
    Nous avons peut-être attrapé l'anglais, mais il a fallu le parfaire et améliorer notre français du mieux que nous le pouvions. Il est frustrant de voir des collègues du gouvernement fédéral qui ne maîtrisent pas du tout chacune des deux langues, alors qu'ils devraient le faire puisqu'ils occupent des postes soi-disant bilingues. J'utilise le mot « collègues » comme si j'étais fonctionnaire.
    Il y a aussi la lettre que nous a fait parvenir Mme Kenny hier ou mardi. C'est une dame qui travaille auprès de la francophonie minoritaire et qui racontait une anecdote importante. Le supérieur ne parle pas français, ou le comprend peu. Les francophones peuvent être nombreux ou moins nombreux, peu importe, ils vont toujours parler en anglais parce que si on parle au supérieur en français, le message ne se rend pas ou se rend peu. On risque d'être mal compris et on ne veut pas non plus nuire au travail qui doit être fait.
    Dans la fonction publique, plus on s'éloigne des milieux où il y a une majorité de francophones, et plus les francophones eux-mêmes travaillent dans l'autre langue.
    La fonction publique vit un problème sur ce plan. Je sais que ce n'est pas la faute des fonctionnaires. C'est une question de volonté du gouvernement. Va-t-il mettre ses culottes ou non? Va-t-il donner les outils ou non?
    Il faut donner une orientation au Plan d'action pour les langues officielles. Voyons à ce que les francophones... Le français est la langue qui se perd et qui est en difficulté dans l'ensemble du territoire canadien, et même dans certaines régions du Québec. Assurons-nous que le travail puisse se faire, c'est-à-dire que la compréhension et l'apprentissage puissent se faire.
    Je demanderais à M. Cashman et à Mme Demers de répondre à cette question. Y a-t-il des choses que le gouvernement fédéral a faites de bien dans le passé, qui ont été abolies et qui devraient être remises sur pied?
    Le Plan d'action pour les langues officielles constitue une belle occasion, quitte à faire des partenariats ou à restaurer des éléments qui ont été abolis et qui n'auraient pas dû l'être, parce qu'ils apportaient des solutions.
    Je pense à certains exemples. L'an dernier, le gouvernement a aboli le programme Emplois d'été Canada destiné aux jeunes et l'a remis sur pied cette année, parce qu'il avait complètement manqué le bateau. On a ici une situation difficile. J'aimerais obtenir votre éclairage sur cet aspect, parce que vous êtes à l'intérieur de la fonction publique.
    Une chose a été enlevée, et je ne pensais jamais m'entendre dire qu'on devrait peut-être reconsidérer la question. Je constate néanmoins que dans le cadre du système mis en place en 2003 dans la fonction publique, pour donner aux gens le temps d'acquérir la deuxième langue, il faut établir un bon équilibre entre les postes unilingues et bilingues. Pour en arriver là, il faudrait revoir le niveau des postes bilingues impératifs qui sont dotés à la fonction publique.
    Monsieur Chong, vous avez mentionné qu'il faudrait en principe être bilingue pour accéder à la catégorie EX, et que ça avait du sens. Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais il reste que le bilinguisme est exigé à des niveaux bien inférieurs. Dès qu'il est question d'interaction directe avec le public dans des régions désignées bilingues, le candidat doit répondre aux exigences linguistiques dans les deux langues. Ne pourrait-on pas établir un meilleur équilibre entre les postes bilingues et unilingues pour permettre aux gens d'acquérir la deuxième langue officielle?
     Venant de nous, qui représentons les employés de la fonction publique fédérale, cette initiative serait interprétée comme un geste de bonne volonté. Ça ouvrirait une porte. Cependant, ça devrait être accompagné d'un programme de formation et de financement. Je répète ce que j'ai dit plus tôt: la responsabilité est partagée entre l'employé et le gouvernement, mais elle existe pour les deux.

  (1035)  

    Merci, madame Demers.
    On va maintenant passer à M. Brent St. Denis.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie beaucoup ce qui a été dit, d'abord par Luc, puis par Mauril. Je suis un bon exemple de ce qui est à la base de cet enjeu. J'ai un nom français, mais je suis anglophone. Pendant ma jeunesse, on n'avait aucunement l'occasion d'apprendre l'autre langue officielle du Canada par immersion.
    Il y a quatre ans, la frontière de mon comté a changé. On a un peu agrandi celui-ci pour y inclure le corridor de la route 11, dans le Nord de l'Ontario, soit Smooth Rock Falls, Moonbeam, Kapuskasing, Hearst, Val Rita, Mattice, etc. Il s'agit d'une région très francophone mais aussi très bilingue. Quelqu'un m'a expliqué un jour qu'une personne pouvant passer d'une langue à l'autre sans accent, comme le font un bon nombre de députés ici, était un bijou au Canada, un phénomène très spécial. C'est un défi pour moi de le devenir. Je pense que c'est impossible.
    Ça s'en vient, ça s'en vient.
     Tout le monde comprend ce que je dis? Oui?
    Revenons au sujet du débat. Le gouvernement du Canada a comme objectif de rendre la fonction publique très bilingue, mais il faut accepter le fait que pour l'avenir du Canada, le gouvernement a maintenant besoin d'une nouvelle génération de fonctionnaires. Fait-on un effort pour trouver des candidats de cette prochaine génération de fonctionnaires dans des endroits très bilingues comme le corridor de la route 11, en Ontario, Mattawa, la ville de naissance de mon ami Mauril, ou le Nouveau-Brunswick? Il y a dans ces petits et grands bassins beaucoup de jeunes bilingues.

  (1040)  

     M. Cashman peut peut-être répondre.

[Traduction]

    J'aimerais répondre en anglais.
    J'ai du mal à accepter que nous limiterions l'entrée dans la fonction publique aux candidats bilingues. Ce faisant, nous exclurions une grande partie de la population de ce pays, et ce ne serait pas juste.
    Au cours des prochaines années, nous devrions viser à attirer dans la fonction publique les meilleurs candidats et les plus brillants. Dire simplement que les régions bilingues seront les seules dans lesquelles nous irons chercher des recrues n'est pas une façon intelligente de construire le pays dont nous rêvons.

[Français]

    Je suis d'accord, mais essaie-t-on de créer un équilibre en essayant de trouver aussi bien des jeunes provenant de régions bilingues que des jeunes voulant apprendre l'autre langue, peu importe qu'ils viennent du Québec ou de l'extérieur de cette province?

[Traduction]

    Je crois qu'il faut également établir un équilibre entre la carotte et le bâton. Actuellement, si le gouvernement disait... et Mme Adam, la commissaire aux Langues officielles, l'a bien fait remarquer. Elle considère qu'il y a actuellement suffisamment de gens bilingues dans la fonction publique et qu'il n'est pas nécessaire de consacrer autant d'argent à l'apprentissage des langues.
    C'est dangereux, parce que nous n'avons pas atteint cette masse critique au sein de la fonction publique, pas plus que parmi les jeunes Canadiens qui veulent devenir fonctionnaires.

[Français]

    Monsieur Peralta.

[Traduction]

    Nous avons participé à de nombreuses consultations, partout au pays, dans lesquelles nous avons entendu beaucoup des questions et préoccupations soulevées aujourd'hui.
    D'une certaine manière, plusieurs d'entre nous disent la même chose. La proposition du député Bélanger, voulant que nous nous réunissions pour proposer quelque chose, me séduit beaucoup. Il est évident pour nous, qui représentons l'industrie, qu'aucun groupe détient seul toute la vérité. C'est manifeste.

[Français]

    Il vous reste très peu de temps, monsieur Peralta.

[Traduction]

    J'aimerais ajouter que lorsque je suis allé à l'université, ici, j'ai dû passer un examen de bilinguisme pour obtenir mon diplôme. Plus aucune université canadienne n'exige cela aujourd'hui. C'est honteux.
    Merci, monsieur Peralta. Je pense que vous avez soulevé une question intéressante sur notre système éducatif, sur l'apprentissage des langues et les exigences en la matière.
    Nous allons maintenant entendre M. Nadeau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Vaillancourt, M. Peralta et vous-même avez parlé de l'industrie de la langue et de son développement. D'après les documents que j'ai lus avant la réunion, l'industrie de la langue connaîtrait un taux de croissance d'environ 18 p. 100. Ça veut donc dire qu'à ce rythme, si mes calculs sont bons, cette industrie aura doublé en importance d'ici environ six ou sept ans. Le programme est d'une durée de cinq ans; c'était du moins le cas de celui qui vient de se terminer. Or, j'aimerais que vous me parliez des besoins auxquels vont faire face vos organismes pour ce qui est de l'aide provenant du gouvernement fédéral, dont relève le programme. Messieurs Vaillancourt et Peralta, j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Effectivement, ce marché de 3 milliards de dollars pour le Canada seulement double tous les cinq à sept ans. Le marché mondial est encore plus important. Donc, on parle d'une croissance économique potentielle extrêmement importante pour le Canada afin de se positionner.
    Il est clair qu'actuellement, le Canada manque cruellement de traducteurs et de terminologues pour répondre à ses besoins. On sait que l'Irlande et l'Australie ont pris une part importante du marché canadien de la traduction.
     Potentiellement, le premier intérêt doit être de former davantage de traducteurs au Canada. Il est très important d'appuyer le développement des activités de formation, que ce soit dans le secteur privé ou dans les universités. Il est extrêmement important de former davantage de gens pour que les Canadiens puissent, collectivement, tirer profit de la croissance extraordinaire de ce marché.
    En deuxième lieu, il est essentiel de former les traducteurs afin qu'ils travaillent efficacement et produisent plus. Le seul moyen d'augmenter la productivité d'un traducteur est de mettre des outils à sa disposition, que ce soit des logiciels, des progiciels ou des instruments carrément physiques qui facilitent et accélèrent la traduction. On ne pourra développer ces produits au Canada que si l'on investit dans la recherche et le développement.
    Le Centre de recherche en technologies langagières est le premier et actuellement le seul centre de recherche spécialisé dans les technologies langagières au Canada. J'ai mentionné tout à l'heure que pour que nous soyons concurrentiels, il nous faudrait 6 millions de dollars par année de plus que le financement actuellement partagé par les partenaires du CRTL. Au-delà de cela, il serait extrêmement important d'armer l'industrie canadienne afin qu'elle puisse mettre ces inventions sur le marché pour pouvoir en tirer pleinement parti, que ce soit sur le marché du marketing d'entreprise ou sur celui de la traduction lui-même.

  (1045)  

    Rappelons que l'industrie est là pour répondre aux besoins du pays, qu'il s'agisse des impératifs du gouvernement ou des besoins d'un pays bilingue. Quand on parle de traduction, on parle de terminologues et de formation linguistique. On est là pour ça, mais on est aussi là pour aider à faire rayonner le Canada un peu partout. D'autres pays nous demandent souvent de partager avec eux notre expérience linguistique. Des pays comme le Chili, la Serbie et d'autres pays qui ont le même genre de gens viennent nous voir pour nous demander comment on fait, car le Canada est vu comme un phare à cet égard. Nous rayonnons donc de façon importante dans le monde et il faut continuer à le faire.
     Cependant, comme vous l'avez dit, on a besoin de gens. On n'a pas les effectifs ni les ressources nécessaires. Il faut les former. Une façon de surmonter un tel problème est de développer des technologies. On est un leader mondial. On m'a déjà demandé pourquoi le secteur canadien des technologies langagières était tellement développé. Il y a beaucoup d'entreprises, même dans la région d'Ottawa-Gatineau, qui oeuvrent dans le secteur des technologies langagières. On en a besoin. C'est une façon de faciliter le développement de la traduction, de la terminologie et de la formation linguistique à des prix plus bas, car on n'a pas les ressources financières et humaines essentielles pour répondre aux besoins du pays, sans même regarder à l'externe.
    Merci.
    Puis-je partager certains chiffres?
    Oui.
    Vous pourrez tirer vos conclusions. Le taux de croissance annuel est de 18 p. 100 par année pour tout le monde. Le redoublement de l'industrie prend de quatre à sept ans. Le taux de croissance canadien des diplômés en traduction est de 6 p. 100 par an au maximum. Bientôt, nos traductions seront peut-être faites au Maroc.
    Merci, monsieur Peralta.
    D'ailleurs, on dit grand bien de la traduction simultanée qui se fait sur la Colline.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Petit.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, c'était très intéressant et très instructif. Je suis un nouveau député conservateur, en fonction depuis deux ans. Effectivement, des choses ont été accomplies avant mon arrivée ici et j'apprends, parce qu'il y a un nouveau programme à faire. Comme le disait M. Godin, on possède l'anglais et le français. Personnellement, je suis immigrant et je possède une autre langue que personne ici ne pourrait parler, et c'est le wallon. Alors, je représente un problème pour vous, parce que ma langue maternelle est le wallon.
    Quand je suis arrivé à Québec — je suis originaire de Québec et j'habite la basse-ville, comme tous les immigrants —, j'ai appris le joual. C'était spécial. Ayant fait mes études classiques, j'ai appris le bon français chez les Pères Eudistes. J'ai appris le latin, qui était la base du français. J'ai appris le grec également.
    En arrivant ici, j'ai été confronté à deux langues seulement, et on essaie de tirer la couverture de tous les côtés. Je n'en reviens pas, mais on tire beaucoup sur le couverture ici, sur la Colline. Chacun veut son petit royaume.
    J'essaie de savoir une seule chose. Ce dossier doit progresser, et ma question est terre à terre. J'ai entendu Mme Demers dire plus tôt — mais je ne veux pas mettre des paroles dans sa bouche — qu'elle faisait partie du système privé. Mais en fait, le gouvernement du Canada donne un contrat de sous-traitance à l'Université du Québec. M. Vaillancourt, le recteur, semblait parler au nom d'une entité québécoise.
     Il y aurait donc une école dans votre université, monsieur Vaillancourt, mais je ne sais pas comment cela fonctionne.

  (1050)  

    Je vais vous expliquer cela simplement.
    L'université est propriétaire d'un bâtiment qui a été financé conjointement par le fédéral et le provincial. Ce bâtiment héberge un centre de recherche qui est un organisme à but non lucratif et qui bénéficie de financement en nature et en espèces du fédéral, du provincial et de la Ville de Gatineau, en plus d'avoir du cofinancement de l'université.
    Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Le fédéral a conclu une entente avec l'Université du Québec en Outaouais. Est-ce exact?
    En fait, le Conseil national de recherches du Canada, une entité fédérale qui est l'un des partenaires, a une équipe qui est hébergée dans l'édifice de l'université. Les chercheurs du CNRC collaborent avec ceux de l'université. Ils y effectuent, d'une part, un travail de développement de nouvelles technologies pour accélérer et améliorer la traduction et, d'autre part, le développement de techniques pour la formation langagière et pour la formation en langue seconde.
    Je vais vous poser rapidement une question, mais je ne sais pas qui pourra y répondre.
    Cette semaine, au comité, on a rencontré les représentants de l'École de la fonction publique du Canada et de l'Agence de la fonction publique du Canada. Il semble qu'il y ait beaucoup de titres au fédéral. Je n'en reviens pas.
    Il a été question de formation linguistique pour les fonctionnaires. Je parle vraiment de la fonction publique. Je ne parle pas des députés qui bénéficient d'un autre régime.
    J'ai cru comprendre qu'actuellement, un transfert s'effectuait vers vous. On sait qu'il y a un manque de fonds, mais que vous soyez syndiqués ou sous-traitants, il manque toujours de l'argent quelque part et c'est nous qui allons payer au bout de compte. Ce n'est donc pas là-dessus que je veux vous entendre.
    Pourriez-vous me dire de quelle façon vous travaillez avec la fonction publique? Mme Demers semble un peu réticente. Il semblerait qu'il y ait un conflit entre vous parce que vous n'offririez pas les services voulus. Par contre, eux, ils se disent que s'ils offraient ces services, ils seraient meilleurs que les vôtres.
    J'aimerais savoir de quoi on parle.
    Nous travaillons avec l'École de la fonction publique du Canada. Les fonctions de cette école ont changé. Dans le temps, c'était elle qui donnait la formation, mais maintenant c'est en sous-traitance avec l'industrie, les écoles de langues privées que nous représentons ici.
    Nous nous asseyons à la table ensemble pour trouver une méthode d'approvisionnement qui fonctionnerait pour la fonction publique, laquelle est représentée par l'école, et qui fonctionnerait aussi pour les écoles privées, afin de leur permettre de participer et de répondre à ce besoin, et aussi de pouvoir valider la qualité des services offerts par les écoles.
    En ce moment, nous travaillons avec l'École de la fonction publique du Canada et l'industrie pour définir des normes de qualité sur lesquelles les fonctionnaires pourront compter. La sous-traitance ne se fait donc pas avec n'importe quelle école qui a pignon sur rue en prétendant faire de la formation linguistique. Ce n'est pas le but. Le but, c'est d'avoir des écoles qui font de la formation linguistique approuvée, dont on peut valider la qualité. C'est ce que nous faisons dans l'industrie. On essaie de faire le mariage avec l'École de la fonction publique du Canada.
    Merci beaucoup, monsieur Petit.
    Cela complète nos trois tours de table.
    Monsieur le président, il nous reste quelques minutes.
    Monsieur Bélanger, si vous pouviez me laissez terminer.
    Il va être difficile d'entamer une autre série de questions puisqu'il y a déjà des témoins qui arrivent pour la prochaine rencontre de 11 heures.
    Monsieur le président, il nous reste cinq minutes. On pourrait certainement l'utiliser à bon escient.
    Je voulais justement faire un commentaire.
    Je voudrais d'abord remercier nos témoins qui ont fait part des points de vue respectifs de leurs organisations.
    Monsieur le président?
    Oui, je vous écoute.
    Merci. Pourriez-vous vérifier si une majorité des membres voudraient utiliser les cinq prochaines minutes ou non?

  (1055)  

    Monsieur le président n'a pas le droit de faire un commentaire à la fin?
    Je pose la question.
    Monsieur Bélanger, j'ai justement une question à poser aux témoins.
    Allez-y.
    Laissez-moi compléter mes remarques, sinon on va manquer de temps et je ne pourrai pas poser ma question.
    Je voulais aussi dire que le témoignage de M. Harvey m'a paru intéressant. J'ai aussi été fonctionnaire, ingénieur à l'institut. Madame Demers, peut-être même ai-je voté pour vous dans une ancienne vie.
    Je l'espère.
    Toujours est-il que je devais être ingénieur et répondre aux exigences linguistiques.
    Je pense qu'il y a eu des échanges constructifs ce matin. La fonction publique fédérale est le plus grand employeur canadien. Comment se fait-il qu'il ne soit pas en mesure d'indiquer aux institutions de formation ses besoins en matière de formation scientifique, technique et langagière? Je pense que c'est une piste que la comité va sûrement devoir suivre.
    Dans l'optique de promotion de la diversité linguistique, monsieur Peralta, vous avez parlé d'une Année internationale des langues en 2010, mais à la page 15 de votre document, vous parlez de 2009. Toujours est-il que j'aimerais peut-être entendre M. Cashman ou Mme Demers à ce sujet. Pensez-vous que ce soit une bonne idée que le Canada ait son Année de... Vous l'appelez l'Année internationale des langues, n'est-ce pas?
    L'Année des langues.
    L'Année des langues. Pensez-vous que ce soit une bonne idée?
    C'est une excellente initiative. On doit promouvoir l'utilisation des deux langues officielles.
    Monsieur Cashman, vous le croyez.
    Madame Demers?
    C'est un début, mais il faut accompagner cette initiative de gestes beaucoup plus concrets en matière de promotion de la langue, plutôt que de seulement proclamer une année. C'est bien, mais ce n'est pas suffisant.
    Il faut que les bottines suivent les babines.
    Voilà.
    Merci beaucoup à nos témoins. Je voudrais également profiter de ce moment pour apporter quelques informations.
    Je voudrais rappeler aux membres du comité que la prochaine réunion se tiendra comme prévu mardi matin, à 9 heures, et que la commissaire à la fonction publique sera avec nous durant la première partie de la séance. Par la suite, on pourra aborder l'étude de l'ébauche de rapport.
    Merci beaucoup.
    Vous voulez dire la présidente.
    Oui: la présidente de la commission. Excusez-moi.
    La séance est levée.