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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 février 2008

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues. Nous en sommes à la 15e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, l'ordre du jour prévoit l'étude sur le Règlement conclu avec M. Mulroney relativement à l'affaire Airbus.
    Chers collègues, comme vous le savez, nous avons trois témoins aujourd'hui et, comme il a été entendu à la dernière réunion à huis clos tenue à la fin janvier, nous serons souples sur l'horaire pour garantir la distribution équitable des questions entre tous les partis. Nous dépasserons peut-être un peu les 17 h 30, au besoin, pour rester équitables. Je fais donc appel à votre indulgence au cours des témoignages.
    J'ai une mise à jour très courte à vous faire sur deux ou trois sujets d'importance — peut-être même sur un seul sujet.
    Tout d'abord, le 16 janvier dernier, comme vous le savez, j'ai écrit à MM. Schreiber et Mulroney pour leur rappeler qu'on n'avait toujours pas reçu les renseignements qu'ils ont promis de nous donner lors de leur témoignage. Ensuite, le 16 précisément, j'ai écrit à M. Pratte au sujet de l'engagement de M. Mulroney. Le 28 janvier, nous n'avions toujours pas reçu les renseignements. Je lui ai alors rappelé dans une autre lettre tous les détails dont nous avons besoin sur les voyages internationaux de M. Mulroney en Chine, en Russie, en France et aux États-Unis, à savoir les personnes rencontrées, les dates et heures des rencontres, les personnes qui l'ont accompagné, etc.
    Le 8 février, nous n'avions toujours pas reçu de réponse de M. Pratte. Le greffier lui a envoyé un message l'enjoignant à nouveau de nous fournir les renseignements et, hier, M. Pratte a répondu que M. Mulroney était en voyage et qu'il ne pouvait être joint, et que lui-même, M. Pratte, sera au tribunal pendant presque toute la semaine, mais qu'il ferait de son mieux pour accéder à notre demande.
    Je voulais simplement que le comité sache l'importance vitale de ces renseignements à propos du lien entre le travail de M. Mulroney et les paiements qu'il a reçus, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires afin d'obtenir ces renseignements pour les membres du comité.
    Aujourd'hui, notre premier témoin est l'honorable Marc Lalonde, qui est conseiller privé et qui a été député de 1973 à 1984. Pendant cette période, il a été ministre des Finances, ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources, ministre de la Justice et procureur général du Canada, ministre d'État responsable des Relations fédérales-provinciales, ministre responsable de la Situation de la femme, ministre du Sport amateur et ministre de la Santé et du Bien-être social.
    Bonjour, monsieur Lalonde.
    Nous vous remercions infiniment d'accepter notre invitation à comparaître aujourd'hui.
    Monsieur Lalonde, en votre qualité de conseiller privé, je m'attends à ce que vous connaissiez le Règlement, la procédure et la tradition de la Chambre des communes et que vous vous rappeliez tout particulièrement de nos attentes envers les témoins comparaissant devant le comité, qui doivent livrer un témoignage véridique et exhaustif. Voulez-vous procéder sans plus de formalités ou préférez-vous être assermenté officiellement par un greffier du comité?
    Mon engagement en ma qualité de membre du Conseil privé et d'ancien député...
    Merci. Nous procéderons donc sans plus de formalités.
    Monsieur, avez-vous des questions avant de commencer?
    Non.
    Je sais que vous voulez faire une déclaration préliminaire au comité.
    Oui.
    Très bien. Je vous invite à vous adresser au comité dès maintenant.

[Français]

    Comme le président vous l'a indiqué, j'ai quitté la politique en 1984 pour redevenir simple citoyen. En octobre de la même année, je suis devenu associé d'un grand cabinet d'avocats canadien, Stikeman Elliott, avec spécialisation en droit des affaires et en arbitrage commercial international. En 2003, je suis devenu avocat-conseil senior de ce cabinet. En juillet 2006, je prenais ma retraite de ce bureau. Depuis ce temps, je pratique à mon propre compte et je me consacre exclusivement à l'arbitrage international.
    Il y a quelques semaines, j'ai reçu votre invitation à comparaître devant votre comité et je l'ai volontiers acceptée. J'ajouterai cependant deux bémols. Le premier — afin de vous éviter des questions inutiles — est que je ne connais rien d'autre des relations entre M. Mulroney et M Schreiber que ce qui a déjà été dit devant ce comité et que ce qui est paru occasionnellement dans les médias d'information. Je ne possède donc aucune information qui serait pertinente aux questions dont vous êtes saisis. Le second — ceux d'entre vous qui sont avocats comprendront très bien ce qu'il en est — est que je suis lié par le code de déontologie de ma profession, particulièrement en ce qui a trait à la confidentialité des informations concernant mes clients. Ceux-ci peuvent parler à loisir des mandats qu'ils me confient, mais je ne dispose pas de la même liberté, à moins qu'ils ne m'en donnent expressément l'autorisation.
    Cependant, je ne crois pas que cela doive créer un problème dans le cas présent, du moins quant au dossier sur les véhicules blindés de Thyssen. Je crois en effet que M. Schreiber vous a déjà indiqué avoir retenu mes services vers 1992 à ce sujet. Cela étant dit, il me fera plaisir de répondre à vos questions. Je sais que vous êtes pressés par le temps. Je tâcherai de vous donner des réponses concises et précises.

  (1535)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Lalonde.
    Je comprends votre déclaration. Si une question vous est posée et que vous croyez ne pas pouvoir ou ne pas devoir répondre pour quelque raison que ce soit... J'entendrai certainement votre argumentation et rendrai ma décision à ce moment.
    Je voudrais commencer l'interrogation maintenant.
    Monsieur Thibault, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Lalonde, je vous souhaite la bienvenue au comité et vous remercie d'avoir accepté notre invitation.
    Ma première question porte sur votre relation professionnelle avec M. Schreiber et sur les modalités de paiement. Vous a-t-il payé comptant, par chèque, par transfert bancaire directement à vous, ou par l'entremise de votre cabinet d'avocats?
    M. Schreiber a retenu mes services à la fois comme avocat et comme représentant, lobbyiste. Dans chaque cas, chaque dossier, mes honoraires ont été calculés à mon taux horaire normal. Les comptes ont été envoyés au nom de mon cabinet, Stikeman Elliott, et lui ont été payés par chèque ou transfert bancaire, comme cela se fait habituellement. En 22 ans chez Stikeman Elliott, je ne crois pas avoir vu un seul chèque de client. Cela est acheminé directement au service de la comptabilité. On en entend parler uniquement quand le compte n'est pas payé.
    Si M. Mulroney a indiqué au comité qu'il avait reçu des paiements comptants de M. Schreiber — c'était la façon de faire de M. Schreiber, disait-il —, vous avez quand même pu trouver une autre modalité de paiement, qui était un peu plus normale dans le cadre de vos relations avec ce même client.
    Je n'ai pas de commentaire à faire à ce sujet, si ce n'est que c'est ainsi que ça s'est passé dans mon cas.
    Quand avez-vous rencontré M. Schreiber pour la première fois?
    Vers 1987, il a communiqué avec moi relativement à un mandat de nature privée et commerciale. Subséquemment, il m'a confié d'autres mandats, qui étaient tous de nature commerciale ou privée, sauf celui concernant Thyssen, qui impliquait des relations avec le gouvernement. Dans tous les autres cas, aucun mandat n'impliquait quelque gouvernement que ce soit, fédéral ou provincial.
    Compte tenu de votre relation professionnelle, avez-vous travaillé aux dossiers Airbus ou MBB?
    Je n'ai eu aucun mandat de M. Schreiber ou d'une de ses entreprises pour les représenter en rapport avec l'affaire Airbus, ni de GCI.
    En quelle année votre relation d'avocat ou de lobbyiste avec M. Schreiber sur la question de Thyssen s'est-elle terminée?
    Vers 1985, après que le gouvernement eut décidé de ne pas procéder par appel d'offres public mais d'utiliser plutôt la méthode d'attribution de contrat dirigé à GM. C'était à la fin de 1985. J'ai agi entre 1982 et 1985, peut-être en 1981, mais sûrement de 1982 à 1985.

  (1540)  

    Vous dites « 1985 », mais ne serait-ce pas plutôt 1995?
    Excusez-moi. Je corrige: c'était de 1992 à 1995. Je vous remercie d'avoir attiré mon attention sur cette erreur. De 1982 à 1985, j'étais occupé à autre chose.
    Les journaux ont mentionné à quelques reprises que vous aviez fourni 100 000 $ à M. Schreiber sous forme de cautionnement, dans le cas visant son extradition.
    Voulez-vous répéter la question? J'ai mal compris.
    À quelques reprises, les médias ont dit que vous aviez fourni du financement à M. Schreiber sous forme de cautionnement, dans le cas visant son extradition. Je pense que celui-ci s'élevait à 100 000 $.
    Oui, exactement. Tout d'abord, je vous remercie de souligner que j'ai fourni un cautionnement, et non payé un cautionnement. Dans un grand quotidien de Montréal, j'ai lu que j'avais versé 100 000 $ de caution. J'ai même entendu un député du NPD déclarer à la télévision que j'avais payé 100 000 $. Je n'ai pas payé un sou. Lorsqu'on fournit un cautionnement, on s'engage tout simplement à garantir que la personne en cause respectera les conditions de son cautionnement. L'obligation de payer ne survient que si cette personne ne respecte pas l'engagement en vertu duquel il y a eu un cautionnement.
    Dans le cas de M. Schreiber, je n'ai jamais eu aucune hésitation. Je n'ai pas payé un sou et je suis certain que je n'aurai pas à payer un seul sou, parce que le cautionnement vise à empêcher qu'il se sauve du pays. Or, depuis huit ans, M. Schreiber se bat pour rester au pays, et non pour s'en sauver. Je ne suis pas inquiet quant à la garantie que j'ai donnée, comme d'autres personnes l'ont fait d'ailleurs.
    Vous pouvez vous demander pourquoi je l'ai fait. M. Schreiber et moi avons travaillé ensemble. Il a retenu mes services au cours de plusieurs mandats. Quand le Canada a reçu la demande d'extradition, M. Schreiber a décidé de s'y opposer devant les tribunaux. Les tribunaux lui ont reconnu le droit d'être en liberté durant le débat sur son extradition et ont fixé un cautionnement très élevé, au-delà de 1,3 million de dollars, si ma mémoire est bonne. M. et Mme Schreiber ont déposé tous les actifs dont ils disposaient au Canada, soit environ 850 000 $. Il leur manquait environ 500 000 $. Ils se sont alors tournés vers des connaissances et des amis pour leur demander s'ils accepteraient de compléter la somme qu'ils avaient déjà déposée. C'est ce que j'ai fait sans hésitation.
    Le premier motif qui m'a guidé a été la sympathie, un sentiment qu'on ne voit pas beaucoup en politique, à moins que les choses aient beaucoup changé depuis mon époque. M. Schreiber n'a jamais été accusé ou condamné pour quoi que ce soit au Canada. Je ne voyais pas pourquoi cet homme resterait en prison pour des raisons purement financières ou parce qu'il ne possédait pas les fonds nécessaires pour fournir le cautionnement requis. J'ai renouvelé régulièrement le cautionnement depuis, sans difficulté.
    Merci.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole.
    Bonjour, monsieur Lalonde. Merci d'être venu ici et d'être effectivement clair et succinct.
    Quel était votre rôle dans le contrat avec Bear Head?
    J'ai eu deux rôles. Le premier a été de conseiller l'entreprise, vers 1992, concernant une poursuite que Thyssen Bear Head Industries intentait contre le gouvernement du Canada à la suite du non-respect de la lettre d'intention qui avait été signée par trois ministres du gouvernement conservateur de l'époque et qui était demeurée sans effet.
    J'ai fait l'étude de ce dossier et après cette étude, j'ai recommandé à Bear Head de retenir les services de M. Ian Scott, qui est considéré comme un des meilleurs plaideurs au Canada, je crois, pour poursuivre l'affaire, moi-même n'étant pas un homme de litiges en droit.
    Subséquemment, lorsque le gouvernement a changé, en 1993, on m'a demandé de représenter Thyssen pour faire des représentations auprès du gouvernement du Canada. J'ai dit aux responsables qu'ils n'avaient aucune chance de réussir s'ils espéraient obtenir un contrat dirigé à source unique et que la seule chance qu'ils pouvaient avoir de réussir dans leur projet, c'était par le biais d'un appel d'offres public. Ils ont accepté cette condition, et tous mes efforts ont été dirigés vers les autorités gouvernementales, que ce soit les fonctionnaires ou les ministères concernés ou même le bureau du premier ministre. Il s'agissait d'essayer d'obtenir qu'il y ait un appel d'offres public qui permettrait non seulement à Thyssen mais également à GM et à toute autre compagnie intéressée de soumettre des offres.
    Alors, c'était essentiellement mon mandat, qui, malheureusement, s'est soldé par un échec.

  (1545)  

    On comprend tous qu'il s'agissait effectivement d'un projet de fabrication de blindés légers.
    Étiez-vous appelé à connaître les prévisions de ventes et à savoir où on pouvait vendre ce blindé léger?
    Je vous avouerai que non. Mon seul mandat était d'essayer de convaincre le gouvernement de lancer un appel d'offres public. En autant que je le sache, c'était pour approvisionner le ministère de la Défense du Canada. Je n'ai jamais entendu parler de marchés extérieurs durant cette période.
    On peut présumer que si l'affaire avait marché, peut-être qu'il y aurait eu la possibilité de vendre à l'étranger, mais je n'en ai jamais entendu parler comme tel.
    Avez-vous été mis au courant que les services de M. Mulroney auraient été retenus pour effectivement rechercher des acheteurs potentiels pour ce véhicule?
    Pas avant qu'une poursuite soit intentée par M. Schreiber contre M. Mulroney. C'était l'an dernier, je crois. Mais antérieurement, non, je l'ai appris par les journaux, comme vous.
    Saviez-vous s'il était dans les habitudes de M. Schreiber de payer certaines choses comptant, à part les nécessités habituelles de la vie, évidemment?
    J'allais vous dire que le seul cas dont je me rappelle, c'est lorsque ma femme et moi-même avons dîné avec lui à Montebello et que nous avions amené nos deux petits-fils. M. Schreiber leur avait donné 10 $ pour aller jouer sur les machines à boules au sous-sol de l'hôtel. À part de cela, je n'en ai eu aucune connaissance.
    Je serais curieux de savoir si dans le contrat de votre société, qui doit être un contrat-type, il y a des avocats qui, à cause de leur passé important, peuvent accepter des contrats parallèles dont ils n'ont pas à verser les profits dans la caisse de la société.
    C'est absolument interdit. Je ne sais pas si c'est encore la même chose aujourd'hui, mais à mon époque, la seule exception concernait les directions de compagnies où on pouvait être appelé à siéger: la rémunération en tant qu'administrateur.
    C'est une question difficile, mais vous y répondrez si vous croyez que vous pouvez le faire. Croyez-vous, étant donné ce que vous connaissez des individus, que M. Mulroney a effectivement été retenu pour faire du démarchage auprès de pays comme la Chine, la Russie, la France et les États-Unis?

  (1550)  

    Je n'ai aucune information valable sur laquelle me baser pour vous répondre positivement ou négativement. Vous me demandez une opinion personnelle, qui ne serait que cela. Je trouve que mon opinion, de ce point de vue, n'a pas de valeur, je vous avouerai. Je peux vous dire que jamais je n'ai entendu parler de telles démarches.
    Vous avez quand même joué un rôle important, à l'époque. Les relations avec la Chine n'étaient pas, à cette époque, ce qu'elles sont aujourd'hui.
    Elles étaient meilleures.
    Vous dites qu'à l'époque, les relations avec la Chine étaient meilleures?
    Enfin, c'était le cas pendant que nous étions au gouvernement, car après avoir reconnu la Chine, nos relations avec elle ont fait un bond considérable.
    C'était quand même cinq ans après les événements de la place Tiananmen. Croyez-vous qu'il était vraisemblable que le Canada laisse produire des blindés légers pour qu'on les vende à la Chine?
    Absolument pas. Si je me rappelle bien, nos engagements envers l'OTAN et l'entente avec les Américains sur le matériel de défense ne nous auraient pas permis d'aller vendre quoi que ce soit en Chine.
    Était-ce la même chose pour la Russie?
    Une voix: Oui.
    Je suis désolé, monsieur.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Mulcair, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Lalonde, bonjour.
    Dans l'édition du 5 décembre 2007 du Chronicle Herald de Halifax, on fait état du fait que vous auriez fait du lobbying directement auprès de votre ancien collègue au Conseil des ministres, M. Jean Chrétien. Est-ce exact?
    Bien sûr, il me fera plaisir de déposer les lettres que j'ai échangées avec M. Chrétien à ce sujet, si vous voulez.
    J'accepte volontiers votre offre.
    Je vous demande maintenant si vous étiez inscrit, conformément à la loi, pour faire du lobbying légalement. En effet, le lobbying peut être une activité légale, mais il faut s'inscrire. Étiez-vous dûment inscrit pour pouvoir faire du lobbying légalement, dans ce cas en 1995?
    Je vous remercie de poser la question; il me fait plaisir d'y répondre. Il ne semble pas que mon nom apparaisse au registre, mais j'ai tout fait ce qui pouvait être raisonnablement attendu de moi...
    ... sauf respecter la loi.
    Laissez-moi répondre, s'il vous plaît.
    Allez-y.
    Je vais respecter vos questions, respectez mes réponses.
    Oui, mais vous avez dit que vous aviez tout fait, mais vous n'avez pas respecté la loi.
    Laissez-moi répondre.
    J'attends avec impatience.
    Si vous voulez que je réponde, il serait mieux de ne pas m'interrompre.
    Notre temps est limité, monsieur Lalonde. Je veux juste savoir si vous étiez inscrit ou pas.

[Traduction]

    Un peu de silence, s'il vous plaît. Silence.

[Français]

    Plus vous passez du temps à...
    Allez-y, monsieur Lalonde.

[Traduction]

    J'y prends plaisir aussi, mais les interprètes ne peuvent pas vous suivre. Vous allez un peu trop vite.
    S'il vous plaît, respectez la formule question-réponse.

[Français]

    Dès que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a été adoptée, j'ai mis un soin extrêmement méticuleux à toujours m'enregistrer. En fait, je m'enregistrais même quand ce n'était pas nécessaire, justement à cause de mon passé politique.
    Mon mandat avec Thyssen et Bear Head n'avait rien de secret. J'ai mentionné plus tôt quel en était l'objet. D'ailleurs, le fait a été rendu public en 1986. Il y a eu un article dans le Globe and Mail à ce sujet. De plus, en 1987, une demande d'accès à l'information a été déposée. On m'a demandé si j'autorisais la divulgation de mes communications, et j'ai donné mon autorisation sans la moindre hésitation.
    La première fois que j'ai entendu dire que mon nom n'apparaissait pas au registre était en décembre 2007. J'ai reçu un appel d'un journaliste du Chronicle Herald de Halifax, et celui-ci m'a dit que mon nom ne semblait pas figurer au registre. À ce moment-là, j'étais à Vancouver pour présider un arbitrage international important et je n'avais pas accès à mes dossiers. Je lui ai dit que je n'étais pas en mesure de lui répondre immédiatement, mais que j'étais convaincu d'être enregistré. Ce n'est qu'une dizaine de jours plus tard que j'ai pu revenir à mon bureau. J'ai fait faire une recherche intensive, et on n'a pas trouvé trace de cet enregistrement, ce qui m'a absolument étonné.
    J'ai alors fait sortir mes vieux dossiers et je me suis rendu compte que pour le 23 novembre 1993, il y avait en fait deux notes dans mon agenda, dont une sous le nom de Bear Head qui indiquait « inscription de lobbyiste, une demi-heure », et une autre qui disait « inscription de lobbyiste, un quart d'heure », sous le nom de Abbott Laboratories, la compagnie pharmaceutique. J'ai aussi retrouvé le relevé de temps de notre bureau — parce que nous notions toujours notre temps —, dans lequel j'ai trouvé, pour le 23 novembre, une note qui disait « inscription de lobbyiste, une demi-heure ».

  (1555)  

    Merci, monsieur Lalonde.
    Le temps dont nous disposons est limité. Je vous ai accordé beaucoup de temps, mais ma question était quand même précise. Vous n'étiez pas inscrit au registre des lobbyistes pour le travail de lobbying que vous avez fait pour M. Schreiber auprès de M. Chrétien, votre ancien collègue au Conseil des ministres. Est-ce exact?
    Mais j'ai fait tout ce qui était nécessaire.
    Sauf vous inscrire.
    Je ne sais pas si c'est ma secrétaire qui a négligé de poster la lettre ou si...
    C'est la faute de votre secrétaire, très bien.
    J'ai quand même d'autres questions, et notre temps est très restreint, monsieur Lalonde. J'apprécie votre expérience et la longueur de vos réponses.
    Le public...
    Le public connaît votre réponse à la première question, et nous allons maintenant en aborder une deuxième, monsieur Lalonde.
    Combien d'argent avez-vous perçu, au total, des entreprises de M. Schreiber ou de M. Schreiber lui-même, pendant toute la période où vous avez représenté ce dernier?
    Quelle est la somme totale que vous a versée M. Schreiber?
    Incluez-vous également les entreprises?
    Exactement, c'est ce que j'ai dit très clairement dans ma question.
    Pendant la période allant de 1987 à 1998, les honoraires ont peut-être totalisé 75 000 $, mais c'est un chiffre approximatif. Je n'en ai jamais fait le relevé.
    On peut toujours faire venir les documents de chez Stikeman Elliott. Ce n'est pas un problème.
     Vous avez dit avoir fait du lobbying auprès de M. Chrétien sans être inscrit comme lobbyiste. Vous avez aussi fait du lobbying auprès de John Manley, Doug Young et Roy McLaren.
    Étiez-vous inscrit au registre chaque fois, pour chacune de ces personnes, ou se pourrait-il qu'il y ait eu d'autres trous pour ce qui est de votre inscription au registre?
    Vous me dites qu'il n'y a pas d'inscription dans le registre, alors, comment puis-je vous répondre?
    Par contre, je peux vous dire que j'ai fait des démarches auprès de tous les ministères impliqués. Si mes souvenirs sont exacts, il s'agit du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l'Industrie, du ministère de la Défense nationale et du ministère du Commerce international.
    Vous êtes-vous inscrit chaque fois? C'est notre question, monsieur Lalonde.
    À l'époque, on ne faisait qu'une seule inscription. On indiquait sur une feuille de papier le nom des ministères auprès desquels on allait faire des démarches.
    À l'époque, la loi prévoyait que si on devait faire des représentations auprès d'un titulaire de charge publique, comme votre ancien collègue Jean Chrétien, dans une tentative d'avoir de l'influence pour l'octroi d'un quelconque contrat, il fallait être inscrit. On vient d'établir que vous ne l'étiez pas dans le cas de M. Chrétien. Donc, vous ne l'étiez pas dans le cas des autres? Est-ce votre témoignage? Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche.
    Sûrement pas. Il n'y avait qu'un seul enregistrement. D'ailleurs, il me fera plaisir, monsieur le président, de déposer une lettre que j'ai écrite au registraire de l'enregistrement des lobbyistes à ce sujet. Vous pourrez prendre connaissance des documents et de l'explication qui est donnée dans cette lettre.

[Traduction]

    Je vous remercie infiniment.
    Nous allons maintenant passer à monsieur Van Kesteren, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci pour votre présence, monsieur Lalonde.
    Vous avez une longue et brillante carrière, monsieur. Votre biographie, telle qu'on l'a lue au comité, n'est pas vraiment complète. J'ai vu qu'en 1959 vous étiez conseiller spécial pour le ministre de la Justice sous le gouvernement de Diefenbaker, qu'en 1967 vous étiez conseiller du premier ministre Pearson, qu'ensuite, vous avez été secrétaire principal du premier ministre Trudeau et la liste continue... Après votre départ à la retraite, monsieur, vous... Comme je l'ai dit, on peut affirmer sans crainte que vous connaissez très bien les rouages du Parlement et le fonctionnement du gouvernement.
    Si je le peux, j'aimerais lire ces questions aux membres du comité. À l'évidence, nous étudions le projet Bear Head, la transaction Airbus et la manière dont cela touche M. Mulroney.
    Avez-vous des preuves à soumettre au comité concernant tout acte répréhensible d'un quelconque fonctionnaire à l'égard du projet Bear Head?
    Non, je n'en ai pas.
    Je sais qu'elles sont répétitives, mais nous voulons que ces questions soient rendues publiques.
    Avez-vous des preuves à nous soumettre concernant tout acte répréhensible d'un quelconque fonctionnaire à l'égard du contrat de consultation entre Brian Mulroney et Karlheinz Schreiber?

  (1600)  

    Non.
    Avez-vous des preuves à nous soumettre concernant tout acte répréhensible par un quelconque fonctionnaire à l'égard de l'achat d'Airbus par Air Canada?
    Non.
    Avez-vous des preuves à nous soumettre concernant tout acte répréhensible d'un fonctionnaire à l'égard de l'échange de correspondance entre le Bureau du Conseil privé et le Cabinet du premier ministre, en particulier sur la correspondance envoyée par Karlheinz Schreiber au premier ministre actuel?
    Absolument pas.
    Je vous remercie, monsieur.
    Vous avez affirmé que votre première rencontre avec M. Schreiber était professionnelle et qu'il vous a embauché pour des services juridiques. Vous l'avez dit dans le Globe and Mail, je crois, le 24 mars. Quand avez-vous commencé à travailler pour lui?
    J'ai déjà répondu à cette question. Je ferais mieux de ne pas me tromper de décennie... Au cours de l'année 1987.
    M. Schreiber affirme qu'il a dit à M. Mulroney, durant leur rencontre au lac Harrington en 1993, vous avoir engagé comme lobbyiste pour le projet Bear Head, et cela est tiré du Toronto Star en date du 19 avril 1996. Quand M. Schreiber vous a-t-il engagé à titre de lobbyiste pour ce projet?
    Comme je l'ai déjà mentionné, il a évidemment dû m'embaucher après le changement de gouvernement en 1993. Je crois que vous devriez vérifier les archives, monsieur le président, pour être certain que je ne me trompe pas de décennie.
    M. Schreiber a dit au comité qu'un compte bancaire en Suisse avec le nom de code MARC a été ouvert à la fin de 1993 et qu'un dépôt de 500 000 $ y a été fait afin de s'assurer vos services pour lui ainsi que pour Thyssen. Cependant, on a dit à M. Schreiber plus tard que les choses avaient changé et qu'il ne devrait plus utiliser ce compte bancaire. Cette citation est tirée du témoignage de M. Schreiber le 4 décembre.
    Monsieur Lalonde, pouvez-vous nous dire la nature de votre travail pour Karlheinz Schreiber?
    Pour ce dossier en particulier? Je l'ai déjà dit en français. Je conseillais M. Schreiber en 1992, quand il pensait poursuivre le gouvernement conservateur pour ne pas avoir réalisé le projet, et après, il m'a engagé pour le représenter auprès de divers fonctionnaires et ministres du gouvernement libéral afin de les convaincre de faire un appel d'offres en vue de l'achat de véhicules blindés légers fabriqués par la société Thyssen.
    Merci, monsieur.
    Avez-vous déjà reçu un paiement tiré du compte bancaire MARC?
    Je n'en ai aucune idée. À dire vrai, nous ne demandons pas à nos clients de quel compte ils font leur paiement. Ma firme a été payée par chèque ou par virement bancaire, et je ne le sais pas dans ce cas-ci.
    Puis-je vous demander combien on vous a payé? Le 4 décembre, M. Schreiber a dit qu'un demi-million de dollars avait été transféré dans le compte MARC. Cependant, le 29 novembre, il a dit au comité n'avoir aucune idée du montant réel qu'il vous a donné, mais que ce n'était pas un demi-million de dollars. Pouvez-vous nous dire...
    Non, assurément non. Le montant n'était probablement pas supérieur à 10 p. 100 de cette somme. Remarquez, si l'appel d'offres avait été accepté et si le projet avait été réalisé, 500 000 $ en frais juridiques pour un projet de cette envergure n'est pas une somme astronomique en considérant tout ce qui devait être effectué. La démarche comprendrait l'achat du terrain, la mise en place d'une structure d'entreprise, le financement, les négociations avec le gouvernement, les négociations avec les syndicats et le traitement des questions environnementales et fiscales. N'importe quel homme d'affaires vous dira qu'un tel montant n'est pas excessif.
    Il préférait payer en espèces. Vous a-t-il déjà payé en argent comptant?
    Non.
    J'ai une autre question pour satisfaire ma curiosité personnelle.
    Dans son témoignage, M. Schreiber a laissé entendre que nous n'avons vraiment aucune idée de ce qui se passe. Avant de poser mes questions, j'ai parlé de votre longue et brillante carrière. Désirez-vous expliquer cette affirmation? Je suppose qu'elle nous a amenés à croire que le gouvernement ne comprend absolument pas ce qui se trame. Voulez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet?

  (1605)  

    Je ne crois pas que je devrais faire de commentaires sur ce sujet.
    Vous avez une longue expérience en la matière.
    Franchement, la réponse risque d'être très longue, et je ne crois pas... Que voulez-vous que je dise?
    Y a-t-il une part de vérité dans une telle affirmation?
    Que les gouvernements ne savent pas ce qu'ils font?
    Que les gouvernements ne savent pas ce qui se trame réellement, qu'il y a d'autres forces en jeu.
    Franchement, je crois que les politiciens savent des choses que les hommes d'affaires ignorent et vice versa. Il existe deux solitudes qui doivent parfois se rencontrer.
    Merci. Je vous remercie infiniment.
    Monsieur Hubbard, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Quand M. Schreiber a comparu devant le comité, monsieur Lalonde, et quand les Canadiens l'ont entendu et ont vu la preuve qu'il a donnée, bon nombre de personnes n'ont pas eu une bonne représentation de ce qu'il est. Est-il crédible? Est-il honnête? Est-il fiable? Est-il professionnel dans son travail? Comme votre nom est associé au sien, pouvez-vous dire brièvement au comité...
    La semaine dernière, nous avons entendu un avocat du groupe de M. Mulroney. Il s'est dissocié de l'autre témoin important que nous avions entendu, et vous aussi êtes un témoin important parce que vous offrez au comité votre opinion de M. Schreiber, de son travail, de son honnêteté et de sa franchise. Ou était-il une véritable anguille, comme l'ont pensé certains Canadiens?
    Quelle est votre opinion de M. Schreiber?
    Je suis certain que tout le monde est l'objet d'un éventail d'opinions, moi y compris. Je peux néanmoins vous dire que, depuis 1987, je le connais donc depuis environ 20 ans, il ne m'a jamais demandé de poser un geste inapproprié, et je n'ai jamais entendu parler d'un geste inapproprié commis pas lui, exception faite de ce que j'ai lu dans la presse.
    Je peux vous parler de mon expérience personnelle. Cet homme a été bien franc avec moi.
    Je suppose que, lorsque vous avez offert de fournir son cautionnement, vous avez cru qu'il y avait injustice et qu'il avait le droit de présenter sa version des faits et peut-être ainsi conserver sa nationalité canadienne ou, à tout le moins, ne pas être extradé très rapidement par notre gouvernement actuel.
    Comme je l'ai dit, chaque Canadien a droit à la liberté si la cour accepte de l'entendre, ce qui était le cas. Je n'ai jamais cru que quiconque pouvait être jeté en prison pour des motifs purement financiers, et j'ai fait la même chose pour d'autres personnes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Monsieur Ménard, vous pouvez poser une question brève. Ensuite, M. Mulcair terminera cet interrogatoire.

[Français]

    Monsieur Lalonde, vous répondez très franchement et très directement à nos questions. Toutefois, il en reste une à laquelle la réponse est un peu floue. Vous avez connu M. Schreiber. Vous avez appris depuis que M. Schreiber a reconnu lui-même avoir payé 300 000 $. Celui qui dit avoir reçu cet argent prétend que le montant était moindre, soit 225 000 $. Cet argent a été versé sans reçu, sans mandat écrit, sans rien.
    Cela correspond-il à la personne que vous avez servie de façon absolument légitime et absolument au-dessus de tout soupçon, dans le cadre de transactions absolument normales? J'imagine que vous pensez un peu comme tout le monde: 300 000 $, c'est beaucoup d'argent donné à un homme politique peu de temps après qu'il ait terminé son mandat. Tout le monde pense la même chose au départ, puis attend des explications qui confirmeraient que ce n'est pas ce qu'on doit penser.
    D'après la description que vous nous donnez de M. Schreiber, d'après ce que vous avez connu de lui, il semblait être un homme d'affaires qui disposait de moyens et qui faisait les choses de façon régulière. Êtes-vous en mesure de nous expliquer ce geste, soit le versement de 300 000 $ à un tel homme?

  (1610)  

    Comme je vous l'ai dit, la première fois que j'en ai entendu parler, c'est au moment où M. Schreiber a intenté une poursuite civile en Ontario contre M. Mulroney. MM. Mulroney et Schreiber sont déjà venus témoigner devant ce comité et reviendront le faire. Vous devriez adresser ce genre de question à eux plutôt qu'à moi.
    Vous avez quand même cautionné cette personne. Vous avez quand même souscrit un engagement pour cette personne. Et disons les choses clairement: donner 300 000 $ à un ancien politicien n'est pas un geste honnête, tandis que les autres transactions que vous avez faites avec lui...
    M. Mulroney a dit que cet acte n'avait rien d'illégal. C'est lui-même qui l'a dit. Si vous voulez que je vous donne une opinion juridique, vous pourrez passer à mon bureau et je vous facturerai.
    Je n'en ai pas besoin. Cependant, il me semble que vous n'êtes pas tombé des nues quand vous avez appris qu'il avait... Vous n'avez pas été surpris?
    Bien sûr que j'ai été surpris.
    C'était avant que vous ne souscriviez un engagement de cette importance pour lui, ou après?
    J'ai souscrit au cautionnement de M. Schreiber pour la première fois en 1999, je crois, et le reste a été purement un renouvellement. Écoutez, la présomption d'innocence existe dans notre pays. Je n'ai pas à le dire à vous, avocat et ancien criminaliste. Pour le moment, M. Schreiber n'a jamais été accusé de quoi que ce soit au Canada et il a droit, comme tout citoyen, à la présomption d'innocence.
    Merci.
    Monsieur Mulcair.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lalonde, j'aimerais revenir sur la question du lobbying que vous avez fait. En quoi consistait votre lobbying auprès de John Manley?
    C'était la même chose qu'auprès de M. Chrétien: j'essayais d'obtenir un appel d'offres public.
    Avez-vous rencontré M. Manley avec votre client?
    Probablement, oui.
    Probablement?
    À peu près sûrement, mais je n'ai pas la... Vous me le demandez, alors je vous réponds oui.
    De quoi avez-vous discuté, outre la question de l'appel d'offres?
    Il a été question du fait que Thyssen avait un produit de très haute qualité, de très haut calibre. Certains officiers supérieurs du ministère de la Défense nationale avaient étudié cet appareil et avaient fait des commentaires élogieux à son égard. Compte tenu de la situation, c'est-à-dire que GM et Thyssen avaient chacun un produit, il y avait lieu de procéder de la même façon que lorsque nous étions au gouvernement et que nous avions lancé un appel d'offres pour les avions F-18 et pour la construction de destroyers pour la marine. Dans les deux cas, nous avons procédé par appel d'offres.
    Vous souvenez-vous si M. Manley a exprimé des réserves quant au fait de rencontrer un marchand d'armes comme M. Schreiber ou encore quelqu'un comme vous, qui n'étiez pas inscrit comme lobbyiste à l'époque? Vous a-t-il posé des questions là-dessus?
    À ce moment, j'étais accompagné de M. Jürgen Massmann, qui était président de Thyssen BHI et qui siégeait au comité exécutif de la compagnie mère de Thyssen. Ce monsieur savait de quoi il parlait sur le plan technique, beaucoup plus que moi.
    Donc, on vient de se souvenir qu'on a eu une rencontre. Maintenant, on se souvient même qui était présent.
    C'est sûr. Pendant presque toutes les rencontres que j'ai eues, M. Massmann était avec moi. Si j'ai eu une rencontre, il était présent. D'ailleurs, je vous ai déjà dit que j'avais fait des démarches auprès des ministères que j'ai indiqués.
    Notre temps est limité, monsieur Lalonde.
    Plus tôt, vous avez indiqué que, selon vous, vous n'avez que porté caution de 100 000 $ lorsque vous avez signé. Toutefois, aux yeux de la loi, c'est la même chose que de fournir 100 000 $, le cas échéant.
    Ce n'est pas payer 100 000 $, ce n'est pas...
    On se comprend.
    Ce n'est pas verser 100 000 $.
    On se comprend à ce sujet aussi, mais c'est équivalant aux yeux de la loi.
    J'ai une question à vous poser. Vous est-il déjà arrivé, dans votre carrière, de fournir une caution autre que celle que vous avez fournie pour Karlheinz Schreiber?

  (1615)  

    Non, mais je peux vous dire que j'aurais fait la même chose pour n'importe lequel de mes amis ou de mes clients qui se serait trouvé dans la même situation. Je le referais encore aujourd'hui. C'est la beauté d'être simple citoyen. Une fois que vous avez quitté la politique, vous pouvez faire ce que vous voulez, en autant que vous respectiez la loi et les engagements contractuels et que vous soyez en paix avec votre conscience.
    C'est précisément ce qui nous amène ici aujourd'hui, monsieur Lalonde. Vous et moi avons établi que des dispositions de la loi n'ont pas été respectées. C'est important pour nous de réaliser — nous sommes aussi des élus — que lorsqu'on quitte la politique, même si on redevient citoyen ordinaire, on a un petit avantage par rapport aux autres citoyens ordinaires, quand on est capable d'appeler un ancien collègue du Conseil des ministres, qui est devenu premier ministre. S'entend-on là-dessus aussi?
    Sans problème.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lalonde.
    Nous sommes arrivés à la fin de la séance. Au nom du comité, je vous remercie infiniment d'être venu. Vous avez promis de nous fournir des renseignements. Nous vous le rappellerons par écrit afin qu'il n'y ait aucun malentendu. Vous pouvez disposer, monsieur. Je vous remercie infiniment.
    Chers collègues, je voudrais passer immédiatement à M. Alford. Nous n'allons pas prendre de pause cette fois-ci. Nous avons trois témoins aujourd'hui, et nous devons continuer nos travaux. Nous entendrons notre prochain témoin, M. Greg Alford, par vidéoconférence.
    Monsieur Alford, vous m'entendez?
    Oui, je vous entends.
    Merci infiniment.
    Chers collègues, je veux vous expliquer pourquoi M. Alford témoigne par vidéoconférence. Comme vous le savez, nous avions dix témoins à inscrire au calendrier en trois séances seulement. Nous avons eu beaucoup de changements de dernière minute, et cela m'a obligé à demander à certaines personnes de comparaître malgré un conflit d'horaires. M. Alford était l'une de ces personnes, et il a bien voulu se montrer conciliant. Donc, son témoignage par vidéoconférence dépend de notre calendrier et non de son désir d'utiliser ce mode de communication. Il est important que vous compreniez clairement qu'il le fait pour répondre à nos besoins.
    Je vous remercie, monsieur Alford, d'accepter notre invitation et d'avoir adapté votre horaire au nôtre.
    M. Alford était un assistant de l'ancien premier ministre de Terre-Neuve, Frank Moores. Il a par la suite travaillé à Ottawa chez GCI, Government Consultants International, dont M. Moores était le président. D'après ce que nous savons, M. Alford était le vice-président responsable des dons et des dîners-bénéfice lorsqu'il était à GCI. Il était également responsable du dossier Bear Head.
    Bonjour, monsieur Alford.
    Bonjour.
    Votre nom nous a été soumis le 15 décembre à titre de témoin principal. Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à comparaître volontairement.
    Je vais maintenant demander que vous soyez assermenté. Nous avons pris les dispositions nécessaires. Je crois savoir qu'il y a un représentant là-bas avec la Bible et qu'un greffier ici présent vous fera prêter serment.
    Bonjour, monsieur Alford. Avez-vous la main sur la Bible?
    Oui.
    Répétez après moi. Je jure de dire, dans mon témoignage, la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Ainsi, Dieu me soit en aide.
     Je jure de dire, dans mon témoignage, la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Ainsi, Dieu me soit en aide.
    Merci, monsieur.
    Le dossier dont nous sommes saisis est à l'évidence très sérieux, et nous espérons que vous pouvez éclaircir ou nous aider à comprendre davantage certaines questions qui ont été soumises au comité.
    Comme vous le savez, nous informons tous les témoins que le refus de répondre à une question n'est pas une option. Cependant, si vous croyez qu'il y a une raison valable pour ne pas répondre, j'écouterai vos motifs et je prendrai une décision. Par courtoisie envers les interprètes, mais je ne crois pas que ce soit un problème avec la vidéoconférence, j'espère que vous ne parlerez pas trop rapidement. Je vous donnerai tout le temps voulu pour répondre de la façon la plus complète.
    Avez-vous des questions avant de commencer?
    Non.
    Merci.
    Avez-vous une déclaration préliminaire, monsieur?
    Oui, une très courte déclaration.

  (1620)  

    Je vous invite à vous adresser au comité.
    Le comité m'a invité à comparaître à titre de témoin pour répondre aux questions concernant mon travail au sein de GCI.
    J'ai travaillé dans un cabinet de relations gouvernementales qui appartenait à Frank Moores. Nous faisions de la recherche et surveillions en continu le processus d'élaboration de politiques et de projets de réglementation au fédéral, en particulier dans le secteur industriel et les projets d'acquisition de l'État.
    En 1985, M. Moores a fusionné sa société avec une entreprise semblable dont le propriétaire était Gerald Doucet. Cette nouvelle société avait comme dénomination sociale Government Consultants International ou GCI. En plus des associés fondateurs, il y avait six consultants et recherchistes au sein de l'entreprise. La croissance de la société a fait que l'équipe de consultation et de recherche en est venue à compter environ 12 personnes.
    GCI offrait des services aux clients canadiens et étrangers qui s'intéressaient à la surveillance continue des politiques gouvernementales du Canada, à leur modification par les procédés habituels dans le cadre de différentes tribunes, par exemple les travaux d'un comité de la Chambre des communes, au suivi de l'élaboration des règlements ainsi qu'aux appels d'offres pour les projets d'acquisition de l'État. J'ai travaillé pour GCI, et mes responsabilités comprenaient le soutien aux clients dans leurs préparatifs à ces fins.
    Voilà un résumé de mon travail chez GCI. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Alford.
    Nous passerons maintenant aux questions, en commençant par M. Dhaliwal.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur  Alford.
    En premier lieu, saviez-vous que M. Schreiber avait retenu les services de M. Mulroney comme lobbyiste au nom de Thyssen pour le projet Bear Head?
    Non, je ne le savais pas.
    Le 21 novembre 1994, M. Schreiber a retiré des fonds du compte bancaire ayant pour nom de code Britan. Le même jour, il a écrit dans son agenda « Pierre NY » et « 50 Britan ».
    Le même jour, M. Schreiber, d'après son agenda, avait rendez-vous avec vous dans un hôtel de New York. De quoi avez-vous discuté durant cette rencontre? Pouvez-vous le dire au comité, s'il vous plaît?
    Pouvez-vous me donner plus de renseignements à propos de l'endroit de la rencontre à laquelle vous faites référence?
    L'information est tirée de l'agenda personnel de M. Schreiber. Le 21 novembre, il est écrit qu'il devait vous rencontrer dans un hôtel de New York.
    Autant que je me rappelle, ce pourrait être un événement auquel j'ai assisté au nom de Thyssen pour un groupe appelé Atlantic Bridge. Cet événement réunissait le gouvernement et l'industrie et il y avait des intervenants canadiens, américains et européens. Je pense que j'y suis allé comme représentant et que j'assistais simplement à la conférence et aux allocutions. Je sais que M. Schreiber y a participé activement. J'étais présent au dîner ou au souper, peu importe ce que c'était.
    Vous souvenez-vous si on a mentionné le nom de M. Mulroney pendant la réunion?
    Non.
    Deux semaines plus tard, le 8 décembre 1994, M. Schreiber a rencontré M. Mulroney à l'Hôtel Pierre à New York. C'est là que le paiement final de Schreiber a été versé à M. Mulroney.
    Le lendemain, le 9 décembre 1994, l'agenda de M. Schreiber indique une réunion avec Marc, Fred, Greg et Frank. Les participants à cette réunion étaient-ils vous-même, M. Marc Lalonde, M. Fred Doucet et M. Frank Moores?
    Je suis désolé, l'événement que j'ai mentionné tout à l'heure a peut-être eu lieu en novembre ou décembre 1994. Je me souviens d'avoir participé à un événement à New York au nom de l'entreprise. Je n'arrive pas à me rappeler de la réunion précise que vous êtes en train de décrire.
    Toutefois, vous souvenez-vous d'avoir participé, cette date-là ou aux environs de cette date, à une réunion avec les quatre personnes que j'ai mentionnées?
    J'ai pris part à des rencontres avec les quatre personnes que vous venez de mentionner. Cependant, je ne me rappelle pas avec certitude la rencontre précise que vous décrivez.

  (1625)  

    Avez-vous déjà effectué des versements en espèces au nom de GCI, de Frank Moores, de Gary Ouellet, de Karlheinz Schreiber ou de Bear Head Industries à un parti politique, ou à Fred Doucet ou M. Brian Mulroney?
    Non.
    Que pouvez-vous nous dire à propos du rôle de GCI dans l'achat des Airbus par Air Canada?
    GCI n'a joué aucun rôle là-dedans. Airbus n'était pas un client de GCI.
    Que pouvez-vous nous dire des liens entre GCI et MBB?
    MBB était un client de GCI.
    Que pouvez-vous nous dire de la relation entre Thyssen, Bear Head et GCI?
    Thyssen était un client de GCI.
    Il y avait donc une relation entre Bear Head et GCI, oui ou non?
    Bear Head était une filiale canadienne à part entière de Thyssen.
    Alors, indirectement, si GCI avait comme client Thyssen... Vous êtes en train de dire que Bear Head avait un lien direct ou indirect avec GCI?
    Bear Head est le nom qu'a donné Thyssen à son projet au Canada; la société avait décidé de construire une installation de fabrication au Canada et de soumissionner l'approvisionnement en véhicules blindés au Canada.
    Que savez-vous de la relation entre M. Brian Mulroney et Bear Head Industries?
    Il n'a rien eu à voir avec Bear Head Industries. Celle-ci était une entreprise appartenant à Thyssen qui espérait soumissionner pour fournir des véhicules à l'armée canadienne.
    Que savez-vous du lien de M. Brian Mulroney avec la société de pâtes alimentaires?
    Pourriez-vous m'aider à comprendre votre question? Je suis désolé, je ne comprends pas le sens de la question.
    Que savez-vous du lien entre M. Mulroney et Spaghettismo?
    Je ne me souviens pas de l'année exacte, mais aux environs de 1999, il s'est rendu à une installation d'essai de ce projet et on lui a fait un exposé pour lui montrer la technologie. Il était vivement intéressé par le produit brut, c'est-à-dire les pâtes et un produit à base de blé.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à Mme Lavallée.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup. Il n'est pas facile de témoigner par l'entremise d'une vidéoconférence, et ça l'est encore moins avec la traduction. On va donc essayer, autant que possible, de se faciliter la vie.
    Monsieur Alford, vous avez été l'adjoint de Frank D. Moores, à l'époque où il était premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador. Vous avez été actionnaire de GCI de 1984 à 1988 et vous avez été vice-président de Bear Head Industries à Ottawa de 1988 à 1996. On peut dire que vous avez été au coeur de l'action qui nous concerne aujourd'hui, sans toutefois avoir joué un rôle de premier plan. C'est du moins l'impression qu'ont les gens ici, autour de cette table.
    D'après moi, vous avez été au courant de tout ce qui s'est passé, et vous avez dû lire avec avidité les quatre livres qui ont été écrits au sujet des affaires qui nous concernent. Les avez-vous lus?

  (1630)  

[Traduction]

    J'en ai lu quelques-uns. J'espère que vous ne me demanderez pas des citations...

[Français]

    Non, pas à vous, pas aujourd'hui.
    Vous avez travaillé pour Bear Head Industries en tant que vice-président. À ce titre, vous releviez directement de Thyssen, en Allemagne. C'est bien cela? Le président était en Allemagne.

[Traduction]

    J'aimerais corriger quelque chose que vous avez dit en introduction. J'ai bel et bien travaillé pour GCI, mais je n'étais pas actionnaire.
    Vous voulez savoir de qui relevait mon travail pour la filiale Bear Head Industries de l'entreprise Thyssen. Je relevais directement de l'Allemagne.

[Français]

    Connaissiez-vous M. Marc Lalonde, dont vous venez de voir le témoignage, il y a quelques instants?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    L'aviez-vous déjà rencontré pour avoir travaillé avec lui au projet Bear Head?

[Traduction]

    Il a fourni des conseils juridiques à Bear Head.

[Français]

    L'avez-vous déjà rencontré?

[Traduction]

    Je crois l'avoir rencontré dans le contexte de son travail comme avocat-conseil.

[Français]

    Vous saviez qu'il travaillait pour Thyssen?

[Traduction]

    Je suis désolé. Bear Head Industries appartenait à Thyssen. J'ai rencontré M. Lalonde dans le cadre du projet Bear Head.

[Français]

    Vous le saviez avant aujourd'hui?

[Traduction]

    Je savais que M. Lalonde était l'avocat de Bear Head Industries, qui appartenait à Thyssen. Oui, évidemment.

[Français]

    Savez-vous que M. Brian Mulroney a également travaillé pour Bear Head ou pour Thyssen?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Et pourtant, vous étiez à Bear Head Industries entre 1988 et 1996, au moment où M. Mulroney dit avoir travaillé pour Thyssen.

[Traduction]

    Je crois qu'il est important d'établir une distinction. Mon champ de responsabilité au sein de Bear Head Industries était les projets nationaux, les projets canadiens. Le président de Bear Head Industries, nommé par la société mère en Allemagne, était M. Schreiber. Celui-ci s'occupait davantage de projets internationaux.
    J'ai peut-être été appelé à participer à ces projets de temps à autre — dans le cadre du projet Bear Head, on envisageait de fabriquer et d'exporter des produits vers des marchés accessibles — mais je m'occupais principalement du marché intérieur.

[Français]

    En effet, mais si M. Mulroney avait eu besoin de documents promotionnels, n'est-ce pas à vous, qui étiez vice-président de Bear Head Industries à Ottawa, qu'il aurait dû les demander?

[Traduction]

    M. Schreiber jouait un rôle là-dedans. Si M. Schreiber avait besoin de documents, évidemment, les bureaux de l'entreprise les lui fournissaient. Nous étions heureux de distribuer notre documentation promotionnelle à quiconque.
    Durant notre campagne pour présenter et faire connaître le nom de Thyssen et de Bear Head Industries et les capacités de nos véhicules, je suis certain que, à maintes occasions, nous avons volontiers fait parvenir nos descriptions de pièces d'équipement, nos catalogues et la description de l'entreprise à chaque député, y compris à tous les premiers ministres de l'époque où notre bureau existait.

[Français]

    M. Schreiber a affirmé que Frank D. Moores lui avait dit, au cours des années 1980, que GCI s'occuperait de M. Mulroney et que lorsque ce dernier ne serait plus premier ministre, il travaillerait pour GCI. C'est ce que M. Schreiber nous a dit le 11 décembre 2007. Est-ce vrai?

  (1635)  

[Traduction]

    Pas à ma connaissance.

[Français]

    GCI, ses actionnaires ou ses employés ont-ils offert des bénéfices à M. Mulroney, à votre connaissance?

[Traduction]

    Absolument pas.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je donne maintenant la parole à M. Pat Martin.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bon après-midi, monsieur Alford. Je m'appelle Pat Martin. Je suis député néo-démocrate de Winnipeg.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Mes questions seront axées sur Bear Head, comme celles des autres membres du comité.
    Nous savons que, à un moment donné, quand un protocole d'entente a été signé avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral, une prime de 4 millions de dollars a été versée. Est-ce que cet argent est allé à GCI?
    Non. Et je ne suis pas au courant de ce que vous décrivez.
    On nous a remis des copies du protocole d'entente à cet égard. Je suppose que c'est M. Schreiber qui était le lobbyiste principal pour Bear Head à l'époque. Est-ce cela que vous comprenez?
    Permettez-moi de préciser ma réponse précédente. Je suis au courant du protocole d'entente que vous décrivez. Toutefois, le versement dont vous avez parlé ne me dit rien.
    Je vois.
    Pendant quelle période avez-vous été président de GCI?
    Je l'ai été de 1985 environ jusqu'en 1987.
    Je vois.
    M. Schreiber a déclaré, durant son témoignage, que M. Greg Alford était vice-président principal et que c'est lui qui s'occupait de tous les dons, les dîners-bénéfice et tout le reste... Il a aussi dit: « il avait signé en 1993 le chèque aux libéraux, au montant de 10 000 $, de Thyssen Bear Head Industries ».
    Avez-vous des observations à formuler concernant le témoignage sous serment de M. Schreiber?
    Les dons de Bear Head Industries ont toujours été faits suivant le processus officiel et ils ont été enregistrés au complet. Je crois qu'il est question des campagnes de financement annuelles pour lesquelles on nous a approchés. Il y en avait une du Parti libéral appelée Club Laurier, et une du Parti conservateur. Les partis s'adressaient à tous les segments de l'industrie pour obtenir des contributions à leurs campagnes. Il s'agissait donc de dons officiels enregistrés pour lesquels des reçus ont été délivrés.
    N'avez-vous pas répondu à M. Dhaliwal que GCI n'avait fait aucun don à des partis politiques? Je pense que c'est l'une des questions qu'il vous a posées.
    C'est exactement ce que j'ai demandé.
    Alors c'est exact.
    Non, je n'ai pas répondu à une question...
    Il ne faut pas confondre les deux périodes. Sauf votre respect, il y a deux périodes. J'ai travaillé pour GCI jusqu'en 1988 et le rôle que je peux avoir eu en ce qui concerne les dons était de veiller à ce qu'une entreprise comme GCI soit invitée à participer à chaque activité de financement organisée par une association de circonscription ou un parti national ou provincial. Nous tentions simplement de coordonner notre participation à ces événements de manière à verser ce que nous pouvions pour aider à la noble cause qu'est l'élection de députés.
    En 1993, vous avez fait un don de 10 000 $ au Parti libéral. Est-ce que cela avait été signé par Thyssen ou Bear Head?
    Bear Head Industries. C'était pour la participation à un événement national. Je pense qu'il y avait une série de conférences et d'autres événements similaires. D'ordinaire, je prenais part à ces événements et j'y voyais tous mes concurrents. Ce type d'événements attiraient l'industrie dans son ensemble.
    Après 1993, auprès de quels ministres libéraux auriez-vous effectué du lobbying au nom de Bear Head? André Ouellet?
    M. Ouellet était le ministre qui s'intéressait à Thyssen et à la possibilité d'attirer certaines de nos activités dans le cadre d'initiatives de développement industriel à Montréal.
    Quels autres ministres vous souvenez-vous d'avoir rencontrés au nom de Bear Head durant cette période?
    Les principaux ministres étaient toujours les ministres de l'Industrie et les ministres responsables de l'APECA et de la région du Québec, j'imagine — les initiatives de développement économique du Québec étant dirigées par M. Ouellet.
    Sur le plan de la défense, évidemment, comme quiconque dans l'industrie, nous assistions aux événements où le ministre de la Défense faisait un exposé. C'était probablement là-dessus qu'étaient axés nos efforts.

  (1640)  

    En 1993 et 1994, étiez-vous au courant que Brian Mulroney faisait aussi du lobbying pour Bear Head?
    Je suis désolé, non, certainement pas au Canada.
    La société mère ne vous a jamais avisé qu'il y avait un autre Canadien qui faisait du lobbying pour le projet Bear Head?
    J'étais au courant de tout ce qui se passait concernant Bear Head au Canada. Mon travail était axé sur le Canada.
    M. Schreiber a aussi mentionné que vous et M. Moores aviez pris part à des transactions immobilières à Chaffeys Locks. Est-ce que cela vous dit quelque chose?
    Oui, c'est ma ville. M. Moores a une propriété sur le même lac.
    Je vois. Il semble que vous et M. Moores jouissiez d'un accès extraordinaire au gouvernement conservateur de Mulroney. Étiez-vous au courant du rôle personnel important qu'a joué Frank Moores dans l'élection de Brian Mulroney au congrès de 1983 à Winnipeg?
    Le rôle de M. Moores dans la campagne nationale, dans la course à la direction, était tout à fait public. J'étais donc au courant, comme l'aurait été quiconque avait suivi cette élection.
    C'est tout?
    C'était une personne parmi beaucoup d'autres.
    Monsieur Wallace, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Alford, je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui.
    J'ai beaucoup de questions, alors j'irai relativement vite. Je m'excuse de la vitesse à laquelle j'essaie d'aller.
    Comme vous le savez sûrement, M. Schreiber a allégué que, à un certain moment donné à la fin de 1992 ou en 1993, M. Fred Doucet lui a demandé d'envoyer de l'argent par l'entremise de GCI à un prétendu avocat de M. Mulroney à Genève, en Suisse.
    M. Doucet vous a-t-il fait une telle demande personnellement, pour un versement en espèces...
    Non.
    Non. D'accord, je vous remercie.
    J'aimerais avoir des précisions sur les périodes et sur votre rôle, étant donné que vous êtes passé d'un projet à l'autre. Lorsque vous travailliez pour GCI, quelle proportion de votre temps consacriez-vous à faire du lobbying pour le projet Bear Head? Ou bien cela a-t-il commencé après que vous eussiez quitté GCI?
    J'ai commencé à m'occuper de Bear Head Industries lorsque je travaillais pour GCI, j'imagine. Oui, le projet Bear Head a été créé lorsque je travaillais pour GCI. Je suppose que j'y consacrais de 20 à 25 p. 100 de mon temps.
    Je vous remercie.
    On vous a demandé tout à l'heure de qui vous releviez directement. Je crois que vous avez répondu que vous rendiez des comptes en Europe ou en Allemagne lorsque vous travailliez pour Thyssen ou le projet Bear Head. Toutefois, M. Schreiber était président de la filiale canadienne de Thyssen, avez-vous dit.
    Vous ne releviez donc pas directement de M. Schreiber. Vous passiez par-dessus lui et vous rendiez des comptes en Allemagne. Est-ce exact?
    Mon patron se trouvait en Allemagne, mais M. Schreiber était le président nommé par Thyssen pour le projet Bear Head. C'est l'Allemagne qui administrait officiellement le développement des produits et les structures d'entreprise et M. Schreiber jouait un rôle comme président et représentant officiel du projet.
    Comme vous l'avez déjà mentionné, GCI s'est mis à faire du lobbying pour le projet Bear Head au Cap-Breton. Pouvez-vous me dire quand cela a commencé et quand cela s'est terminé? En avez-vous une idée?
    Le projet Bear Head a vu le jour vers 1985. Thyssen faisait partie des entreprises allemandes que le gouvernement du Canada avait courtisées pour stimuler des investissements étrangers, en faisant la promotion des avantages d'investir au Canada. D'après ce que j'avais compris, Thyssen désirait élargir ses activités de fabrication en Amérique du Nord. Les arguments présentés par le gouvernement du Canada lui avaient semblé très intéressants.
    La division de la défense suivait l'évolution du projet à long terme de l'armée canadienne d'acquérir de nouveaux véhicules. Alors Thyssen a cherché à déterminer si elle pouvait soumissionner à un projet canadien et voir sa soumission retenue, même s'il y avait déjà un fabricant au pays.

  (1645)  

    Je suis désolé de vous interrompre. Vous souvenez-vous si, lorsque vous travailliez sur le projet, la relation entre Thyssen et GCI par rapport au lobbying relatif au projet Bear Head s'est terminée à un certain moment? Savez-vous quand cela est arrivé?
    La relation n'a pas pris fin, mais la société Thyssen s'est dotée de ses propres représentants à Ottawa en créant un bureau permanent. Il y avait des vendeurs professionnels ayant de l'expérience dans le domaine militaire, ainsi que des ingénieurs en environnement qui ont participé aux divers projets. Ma tâche était de me joindre au personnel et d'agrandir ce bureau.
     M. Mulroney, comme l'a corroboré M. Spector — que nous avons vu la semaine dernière — a abandonné le projet Bear Head à la fin de l'année 1990, je pense. En tant que vice-président du projet Bear Head, étiez-vous conscient de cela à l'époque? Quand y avez-vous mis un terme? Aviez-vous compris ce que cela signifiait que le gouvernement progressiste-conservateur de l'époque ait mis fin au projet?
    Le projet a commencé au Cap-Breton, puis il était question d'aller à Montréal. Quand le lobbying a-t-il commencé?
    En ce qui concerne l'événement auquel vous faites référence et qui s'est déroulé en 1990, le gouvernement avait demandé à Thyssen de trouver un moyen de poursuivre le projet sans aucune entente d'approvisionnement officielle avec le Canada. Thyssen devait essentiellement construire au Canada une usine de produits destinés à l'exportation.
    Il n'y aurait donc pas eu de clientèle canadienne.
    En effet. Les dirigeants de Thyssen ont toujours dit que s'ils gagnaient et qu'ils obtenaient une portion des contrats d'approvisionnement du Canada, ils investiraient de façon indépendante dans une usine de production. On leur a demandé de décrire comment ils pourraient y parvenir en l'absence de tels contrats, comment ils assureraient le transfert technologique et construiraient une usine destinée à honorer leurs contrats avec les États-Unis ou l'Europe au Canada, sans aucun client au Canada. Nous avons soumis cette demande mais elle a été rejetée.
    Si ce comité se penche sur cette question, c'est pour déterminer s'il existe des preuves [...] permettant d'examiner les questions liées à l'entente Mulroney-Airbus, qui a été réglée par le gouvernement libéral précédent avec l'ancien premier ministre Mulroney.
    Une des mes principales questions est la suivante: pouvez-vous fournir à ce comité des preuves concernant toute malversation de la part d'un fonctionnaire au sujet du projet Bear Head?
    Non.
    J'ai ici quelques questions de la part de mon ami [...] Nous avons entendu parler de cette entreprise de pâtes que vous avez créée — j'ai de la difficulté à en prononcer le nom — Spaghettismo. Quelle a été la participation du premier ministre Mulroney et de M. Schreiber dans cette entreprise?
    Cette compagnie appartenait à M. Schreiber. Elle s'appuyait sur une technologie qu'il avait mise au point et commercialisée, ou aidé à commercialiser. Il s'agissait d'un appareil de cuisson assez révolutionnaire qui cuisait les pâtes très rapidement et avec succès, ce qui est difficile à réaliser dans le monde culinaire, dans les restaurants. Cet appareil cuisait avec beaucoup de précision et de rapidité. M. Schreiber en a reconnu le potentiel, l'a commercialisé et a commencé à l'importer au Canada.
    Selon lui, cet appareil avait un immense potentiel et permettrait de rendre les pâtes encore plus populaires. Elles étaient déjà populaires, mais difficiles à cuire rapidement. Cet appareil devait être la clé permettant d'ouvrir l'accès des pâtes au secteur de la restauration rapide, le plus important de l'industrie de la restauration.
    Cela devait augmenter la consommation des pâtes, un produit du blé, d'où l'intérêt du produit.
    Merci beaucoup.
    Très rapidement, M. Alford, en tant que vice-président principal et ancien président de GCI, vous deviez très bien connaître les états financiers de cette entreprise, n'est-ce pas?

  (1650)  

    Non. Comme il s'agissait d'un partenariat, les partenaires s'occupaient de tous les états financiers. J'étais un employé de GCI.
    Savez-vous si une partie des revenus de GCI provenait de l'Europe?
    Eh bien, nous avons parlé du fait que Thyssen était un client. J'imagine que quelques-uns des clients étaient européens.
    Y a-t-il eu des virements provenant de comptes bancaires du Liechtenstein?
    Je ne suis pas au courant de cela.
    Qui aurait pu être au courant?
    Les partenaires, je suppose. M. Moores est décédé, comme vous le savez j'imagine. C'était une question du ressort des partenaires. M. Ouellet est lui aussi décédé.
    Saviez-vous si M. Moores avait un compte bancaire au Liechtenstein?
    Non.
    Merci.
    La parole est à vous, monsieur Hubbard.
    Merci, monsieur le président.
    Bon après-midi, monsieur Alford.
    J'ai peut-être mal entendu ce que vous avez dit, mais vous avez semblé indiquer — du moins c'est ce que j'ai compris — que GCI n'a pas participé à l'entente avec Airbus. Ai-je bien entendu? Est-ce vrai?
    C'est exact.
    Cette société n'y a pas été associée.
    C'est exact. Selon notre évaluation, le gouvernement fédéral n'a pas participé au processus d'attribution de contrats. Aucune politique n'était liée au contrat d'approvisionnement d'Air Canada. Aucune initiative de politique industrielle n'a fait en sorte qu'un soumissionnaire offre de s'implanter dans une région du pays comme dans le cas d'un projet de la Couronne ou de la défense. Il n'y avait en fait aucun dossier. Nous aurions été heureux de les avoir comme clients, mais ils ne faisaient pas partie des clients de GCI.
    Quand vous écoutiez d'autres témoins ou que vous lisiez les journaux au sujet de leurs témoignages, n'étiez-vous pas préoccupé par le fait que les renseignements qui nous étaient transmis étaient faux?
    Je suis désolé, mais je ne sais pas comment répondre à cela. N'importe qui à GCI aurait pu vous dire en tout temps si Airbus était un de nos clients ou non. Je suppose que cela vous a pris du temps pour poser cette question à un employé de GCI.
    M. Schreiber parle d'une somme pouvant atteindre 20 millions de dollars qui aurait disparu quelque part en cours de route, et il semble que GCI... En fait, quand nous avons posé la question à M. Schreiber, il a répondu quelque chose du genre « Je ne sais pas qui étaient tous les partenaires ».
    Vous avez nommé certains partenaires. Qui étaient les autres partenaires qui ont travaillé avec vous alors que vous étiez à l'emploi de GCI?
    Il y avait trois partenaires, soit deux partenaires fondateurs, MM. Moores et Doucet, ainsi que M. Gary Ouellet, qui s'est joint à eux environ un an plus tard.
    Vous avez aussi parlé de votre travail au sujet de Bear Head. Il semble que vous receviez vos ordres de l'Europe. M. Mulroney semble avoir indiqué qu'il obtenait de l'argent de M. Schreiber pour des tâches semblables aux vôtres.
    Est-ce que vos contacts en Europe vous ont dit que votre groupe de consultants n'était pas le seul à travailler sur ce dossier, que l'ancien premier ministre du Canada avait reçu 300 000 $ de M. Schreiber pour une activité semblable à la vôtre? Étiez-vous en conflit? Saviez-vous que M. Mulroney faisait lui aussi du lobbying au sujet de ce projet?
    À ma connaissance, je ne sais pas si M. Mulroney participait au projet canadien. Je travaillais assidûment au projet canadien. Je n'étais chargé d'aucun projet international. Bien entendu, comme M. Schreiber était notre président, il était libre de procéder comme bon lui semblait au sujet de dossiers internationaux.
    En ce qui concerne le projet Bear Head sur lequel vous travailliez... les M113 représentaient de la concurrence pour vous. Vous espériez surmonter...
    Non. En fait, je dirais que les M113 étaient presque âgés de 40 ans — leur technologie aurait maintenant 50 ans. Ils constituaient un parc de véhicules de transport de troupes vieillissant au sein des Forces canadiennes et de bien d'autres forces armées, aux États-Unis et en Europe notamment et représentaient donc une occasion de renouvellement.

  (1655)  

    Les Forces canadiennes vous ont dit qu'elles étaient satisfaites des activités de modernisation effectuées à Montréal et ailleurs et qu'elles préféraient moderniser les M113 plutôt que d'acheter de nouveaux véhicules, ce qu'elles ont fait. Est-ce exact, monsieur Alford?
    Le ministère canadien de la Défense nationale a pris diverses décisions au sujet de ses véhicules. Je crois que certains ont été modernisés, et il y a encore probablement des M113 en service. À mesure qu'un véhicule vieillit, il devient de plus en plus difficile à maintenir en état de marche. Sa capacité est limitée. Le problème, avec les M113, résidait dans leur capacité à supporter le blindage nécessaire à la protection des soldats.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Madame Lavallée, s'il vous plaît.

[Français]

    Vous avez travaillé étroitement avec M. Schreiber, qui était votre président. On voit dans votre curriculum vitae qu'à plusieurs reprises, vous avez travaillé avec lui, et ce, dans plusieurs entreprises. Vous dites avoir été au courant de toutes les personnes travaillant comme lobbyistes dans le cadre du projet Bear Head. Est-ce exact?

[Traduction]

    Je connaissais tous ceux qui travaillaient au projet canadien. Je n'aurais pas nécessairement connu ceux qui travaillaient à des projets internationaux...

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    ... mais M. Schreiber l'aurait été.

[Français]

     Monsieur Alford, comment expliquez-vous dans ce cas que la semaine dernière, dans une lettre datée du 3 février rendue publique, M. Schreiber nie que M. Mulroney ait travaillé sur la scène internationale et dit qu'il aurait plutôt travaillé sur la scène canadienne comme lobbyiste?
    Je vous ai coupé le souffle ou la voix?

[Traduction]

    Monsieur Alford, avez-vous entendu la question de Mme Lavallée?
    Pouvez-vous m'entendre maintenant?
    J'entends la question. Pouvez-vous m'entendre?
    Madame Lavallée, pourriez-vous répéter votre question?

[Français]

    Vous nous avez dit que vous étiez au courant de toutes les personnes qui travaillaient comme lobbyistes au Canada dans le cadre du projet Bear Head. Comment pouvez-vous m'expliquer, dans ce cas, que M. Schreiber ait dit publiquement la semaine dernière que le mandat qu'il avait confié à M. Mulroney ne concernait pas des représentations au niveau international, mais bien des représentations au niveau canadien?

[Traduction]

    Je ne suis pas au courant de cela. Je suis désolé, mais je ne peux expliquer les déclarations d'une autre personne.

[Français]

    Mais il s'agissait quand même de M. Schreiber, avec qui vous avez travaillé étroitement.

[Traduction]

    Oui, bien entendu. M. Schreiber était également au centre de l'initiative Bear Head.

[Français]

    Vous êtes donc en train de me dire que M. Mulroney n'a pas fait de représentations pour Bear Head au Canada. Vous pouvez me l'affirmer sans l'ombre d'un doute?

[Traduction]

    Pas à ma connaissance.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Martin.
    Merci.
    Monsieur Alford, quels étaient les liens de Fred Doucet avec GCI? Je sais que son frère en était un directeur principal, mais quels liens Fred Doucet entretenait-il avec la compagnie?
    Aucun, à ma connaissance.
    Se rendait-il souvent à GCI?
    Pas vraiment.
    Organisait-il des réunions pour GCI en sa qualité de chef de cabinet ou de conseiller de Brian Mulroney?
    Non, et GCI n'a pas cherché à obtenir son aide.
    Il semble que GCI faisait énormément d'affaires avec l'administration Mulroney. Ces années ont dû être très fructueuses. Vous dites qu'à titre de vice-président ou de président, vous n'avez pas vu les états financiers de la compagnie?
    Les partenaires étaient propriétaires de la compagnie. Il s'agissait de leurs états financiers.
    Vous dites qu'Airbus n'était pas un client de GCI. Est-ce qu'Airbus était client de Frank Moores?

  (1700)  

    Non, pas à ma connaissance.
    Donc, vous ne croyez pas que les importantes commissions par avion versées par Airbus — les commissions illégales — sont allées à Frank Moores ou à GCI?
    Non.
    Quelle était votre principale source de revenus à cette époque? Qui étaient vos bons clients? Quels sont ceux qui rapportaient le plus?
    Je suis persuadé que vous ne vous attendez pas à ce que je vous donne une liste de clients. Je peux toutefois vous dire que dans le cadre de tout projet du gouvernement canadien, nous représentions des entreprises intéressées à présenter une offre ou une proposition à Ottawa. Nous avons approché l'ACDI au nom de firmes d'ingénieurs. Nous avons suivi le développement des politiques énergétiques au nom de sociétés énergétiques. Nous avons étudié de possibles projets de privatisation dans les aéroports au nom de firmes de construction. Nous représentions ce genre de clients, et quatre ou cinq de nos concurrents représentaient les concurrents de nos clients.
    Je gage qu'ils n'avaient pas tous un aussi bon accès au cabinet du premier ministre.
    Je vous répondrai qu'il n'est pas si rentable que cela pour une entreprise d'avoir accès au cabinet du premier ministre.
    Monsieur Alford, cela met fin à nos questions à votre intention. Nous vous remercions d'être venu témoigner à notre comité. Vous pouvez maintenant vous retirer.
    Merci.
    Chers collègues, nous allons passer immédiatement à M. Doucet. Je prévois que nous dépasserons de 15 à 20 minutes l'horaire habituel.
    Notre témoin final est M. Doucet, qui était conseiller principal de l'ancien premier ministre Brian Mulroney et chef du cabinet de M. Mulroney lorsque ce dernier était chef de l'opposition officielle. À titre de conseiller principal du premier ministre, M. Doucet était responsable des initiatives et des sommets internationaux pour le cabinet du premier ministre.
    Depuis son départ du gouvernement, en 1988, M. Doucet exploite une entreprise nommée Fred Doucet Consultants International.
    Bon après-midi, monsieur Doucet.
    Bon après-midi.
    Le 15 décembre, on nous a dit que vous devriez constituer un témoin devant comparaître en priorité. Nous vous remercions de vous présenter de votre propre gré devant nous aujourd'hui.
    Je demanderais maintenant au greffier adjoint de vous faire prêter serment.
    Levez la main droite et répétez après moi: Je jure de dire, dans mon témoignage, la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, ainsi Dieu me soit en aide.
    Je jure de dire, dans mon témoignage, la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, ainsi Dieu me soit en aide.
    Vous avez entendu mes instructions à l'endroit du témoin précédent. Je ne les répéterai donc pas. Nous avons bien entendu hâte d'entendre votre témoignage.
    Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire qui devrait durer une dizaine de minutes. Le temps est précieux, mais je crois qu'il est extrêmement important que nous prenions le temps d'entendre ce que vous avez à dire au comité et aux Canadiens.
    Je vous invite donc à commencer immédiatement.
    Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui.
    Je vais commencer ma présentation par une courte biographie personnelle, qui sera suivie d'un survol des liens d'affaires entre M. Karlheinz Schreiber, le très honorable Brian Mulroney et moi-même. Je concluerai en parlant plus précisément des fausses déclarations faites par M. Schreiber à mon sujet.
    J'ai été le chef de cabinet de M. Mulroney de 1983 à 1984, alors qu'il était chef de l'opposition officielle. J'ai ensuite été conseiller principal du premier ministre Mulroney de septembre 1984 à mai 1987, pour enfin être président du Comité organisateur pour les sommets internationaux de mai 1987 à août 1988.
    J'ai incorporé FDCI Inc. à l'automne 1988. J'étais à ce moment l'unique représentant, directeur et actionnaire de cette société, qui existe toujours sous le même nom aujourd'hui.
    Contrairement aux allégations avancées par ce comité, devant ce comité et dans les journaux, je n'ai jamais, à quelque moment que ce soit, été représentant, directeur, actionnaire ou employé d'une compagnie connue sous le nom de GCI, Government Consultants International Inc.
    Autant que je me souvienne, j'ai rencontré Karlheinz Schreiber pour la première fois à la fin de 1988. J'étais inscrit comme lobbyiste pour Bitucan Holdings Limited et pour Bear Head Industries Limited en octobre 1989. Après cette discussion, je fournirai des copies de ces documents d'inscription au greffier du comité. En tant que lobbyiste, mon entreprise aidait M. Schreiber à faire construire au Canada une usine de fabrication de véhicules militaires.
    M. Schreiber allègue que j'ai organisé certaines rencontres entre M. Mulroney et moi-même en 1993 et 1994. Je ne me souviens pas d'avoir eu un rôle à jouer dans l'organisation des rencontres qui ont eu lieu le 23 juin 1993 et le 18 décembre 1993 entre MM. Mulroney et Schreiber.
    Je me souviens toutefois m'être arrangé pour qu'ils se rencontrent à l'aéroport de Mirabel, à la fin d'août 1993, et à New York, le 8 décembre 1994, à la demande de M. Schreiber. Il avait demandé la tenue de la rencontre d'août 1993 pour discuter de la possibilité d'un contrat de services de consultation avec M. Mulroney au sujet de la promotion des véhicules militaires Thyssen à l'échelle internationale. Je n'étais pas présent à cette rencontre d'août 1993.
    Quant à la rencontre à New York, je faisais partie des invités à une réception en l'honneur d'Elmer MacKay et de sa femme à l'occasion de leur récent mariage. Cette réception a eu lieu à l'Hôtel Pierre, à New York. MM. Mulroney et Schreiber y étaient également.
    À la demande de M. Schreiber, j'ai organisé une rencontre avec M. Mulroney pendant cette réception. J'étais présent à cette rencontre entre les deux hommes, qui s'est déroulée dans la chambre d'hôtel de M. Schreiber et a duré de 60 à 90 minutes. Pendant cette rencontre, M. Schreiber a présenté des documents écrits à M. Mulroney. Ils ont discuté de divers sujets portant sur les travaux de consultant que M. Mulroney avait entrepris sur la scène internationale relativement à la promotion des véhicules militaires Thyssen.

  (1705)  

    M. Mulroney a parlé de réunions qu'il avait eues avec les présidents de la Russie et de la France ainsi qu'avec les autorités chinoises, et du fait que selon lui ces pays, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, soit la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, pourraient jouer un rôle important dans les initiatives de maintien de la paix de l'ONU, dans le cadre desquelles l'utilisation de véhicules militaires Thyssen pourrait être très appropriée.
    D'après mes souvenirs, M. Schreiber a semblé très satisfait du rapport et des commentaires de M. Mulroney. À la fin de la rencontre, M. Schreiber a remis une enveloppe à M. Mulroney en lui disant qu'elle contenait un paiement pour ses services et ses frais.
    Au cours des cinq années suivantes, soit de 1995 à la fin de 1999, je ne me souviens pas vraiment d'avoir eu des contacts directs avec Karlheinz Schreiber, à l'exception d'un appel téléphonique de sa part, en novembre 1995, m'avertissant qu'il avait appris l'existence d'une lettre envoyée aux autorités suisses par le ministère de la Justice du Canada au sujet d'Airbus.
    M. Schreiber allègue que j'ai arrangé pour lui une rencontre avec M. Mulroney en février 1998 à Zurich. Je ne me souviens pas d'avoir eu un rôle à jouer dans cette réunion.
    À l'automne 1999, j'ai regardé un reportage de l'émission The Fifth Estate portant entre autres sur Karlheinz Schreiber. J'ai été troublé par cette émission en raison des inexactitudes et des sous-entendus qu'elle comportait.
    À la suggestion d'un ami commun, j'ai invité M. Schreiber et son épouse à me rendre visite, ainsi qu'à ma famille, à ma maison d'Ottawa le 26 décembre 1999. J'ai alors discuté avec lui de certaines choses, dont nos préoccupations communes au sujet des inexactitudes rapportées dans l'émission The Fifth Estate. Il m'a aussi dit qu'il prévoyait entamer des poursuites contre The Fifth Estate. Nous avons convenu de nous rencontrer dans un proche avenir pour rediscuter de ces questions.
    Nous nous sommes de nouveau rencontrés en janvier 2000 à Toronto, alors que j'avais des réunions dans cette ville. Nous avons poursuivi nos discussions entreprises le 26 décembre 1999 et avons parlé de son entente avec M. Mulroney.
    J'ai rapporté à M. Mulroney mes discussions avec M. Schreiber, avec le consentement de ce dernier. J'ai proposé à M. Mulroney de rencontrer de nouveau M. Schreiber afin de lui présenter par écrit ce qui avait été le mandat tel que M. Schreiber me l'avait décrit.
    J'ai de nouveau rencontré M. Schreiber à mon bureau d'Ottawa au début de février 2000. Je lui ai alors présenté une description écrite du mandat, conforme à sa propre description et approuvée par M. Mulroney.
    Dans cette ébauche de mandat, j'avais laissé libre, au moyen d'espaces blancs, l'identification des compagnies mandantes ainsi que les honoraires prévus pour les services et les frais. De sa propre main, M. Schreiber a écrit « Bayerische Bitumen-Chemie », « Kaufering » et « Bitucan Calgary ».
    J'ai encerclé les deux noms d'entreprises identifiées par M. Schreiber comme étant les mandantes. Les autres notes manuscrites sur le document sont de moi. J'y ai inscrit le reste des renseignements que M. Schreiber m'avait transmis.
    Je lui ai demandé à combien s'élevaient les honoraires. Il m'a répondu que le montant destiné à couvrir les services et les frais avait été fixé à 250 000 $.
    Je remettrai au comité des copies de ce document à la fin de cette séance.
    Je n'ai aucun souvenir précis de tout autre contact avec M. Schreiber après février 2000.

  (1710)  

    M. Schreiber a fait de fausses déclarations à mon sujet et que j'aimerais corriger.
    M. Schreiber allègue que j'ai discuté avec lui en 1992 ou 1993 au sujet du fait que M. Mulroney avait besoin d'argent et qu'il pourrait peut-être aider M. Mulroney sur le plan financier. C'est faux. Une telle conversation n'a jamais eu lieu.
    Selon le Toronto Star du 14 décembre 2007, M. Schreiber aurait dit que, pendant la rencontre du 8 décembre 1994 à l'Hôtel Pierre, je jetais des coups d'oeil par la fenêtre en parlant dans mon cellulaire. Cela est faux. J'ai passé toute cette rencontre assis directement devant M. Schreiber et à côté de M. Mulroney. De plus, le 8 décembre 1994, soit il y a plus de 13 ans, je ne possédais ni n'utilisais de téléphone cellulaire.
    Le 6 décembre 2007, M. Schreiber a allégué devant ce comité que je lui ai demandé de faire un don à M. Jean Charest dans le cadre de la campagne à la direction de son parti en 1993. C'est faux.
    Dans une déclaration sous serment le 7 novembre 2007 et à l'occasion de son témoignage devant ce comité le 6 décembre 2007, M. Schreiber a allégué que je l'avais rencontré dans les bureaux de GCI à la fin de 1992 ou au début de 1993. Il a allégué que je lui avais demandé de parler à Frank Moores pour que ce dernier envoie un montant indéterminé d'argent de GCI au soi-disant avocat de M. Mulroney en Suisse. M. Schreiber a également cavalièrement allégué devant ce comité que j'aurais tenté d'obtenir de l'argent pour moi-même en utilisant le soi-disant « avocat de Mulroney » à Genève.
    Comme cet hypothétique événement ne s'est jamais produit, ces déclarations de M. Schreiber sont fausses. Je ne connaissais pas d'avocat à Genève ni ailleurs en Suisse. M. Mulroney a déjà témoigné à l'effet qu'il n'avait pas d'avocat à Genève à cette époque. En outre, les dirigeants de GCI à l'époque étaient MM. Frank Moores et Gary Ouellet. Ces deux hommes, maintenant décédés, étaient des amis personnels de longue date. Je n'aurais jamais eu besoin de l'aide de qui que ce soit pour intercéder en ma faveur auprès d'eux.
    Je le répète, aucune rencontre de ce genre n'a eu lieu et aucune demande de ce genre n'a été faite. Ces allégations de la part de M. Schreiber sont complètement fausses.
    Monsieur le président, j'espère avoir fourni au comité des renseignements pertinents à son mandat visant à étudier cette question. J'aimerais maintenant, si je le peux, vous remettre des copies du mandat que j'avais préparées à votre intention.

  (1715)  

    Merci beaucoup.
    J'ai une courte question à vous poser. Avez-vous une idée du montant qui a été remis à M. Mulroney à l'Hôtel Pierre?
    Je n'en ai aucune idée.
    M. Mulroney vous a-t-il parlé, à un moment ou à un autre, des sommes qu'il avait reçues de M. Schreiber à l'occasion de ces trois rencontres?
    Non.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Thibault.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, Fred Doucet.
    Il est regrettable que votre frère n'ait pu se présenter ici. Je crois comprendre qu'il est malade. J'espère qu'il se rétablira rapidement. J'étais présent à la cérémonie au cours de laquelle on lui a remis son doctorat honorifique à l'Université Sainte-Anne.
    Vous avez travaillé comme lobbyiste pour Karlheinz Schreiber après avoir quitté le cabinet du premier ministre et fondé Fred Doucet Consulting. Est-ce exact?
    Quelque temps après, en effet.
    À quelle date environ?
    Je me suis incorporé à l'automne 1989, si je me souviens bien. Les documents vous seront distribués. Je crois que les premiers chèques ont commencé à arriver en février 1990.

  (1720)  

    Et à quel moment cette relation a-t-elle pris fin?
    Elle a pris fin sur le plan des paiements à l'automne 1992. J'ai conservé un intérêt parce que je croyais encore réellement au programme. Mais mes services étaient déjà terminés à la fin de 1992.
    Après 1993, lorsque Brian Mulroney n'a plus été premier ministre, avez-vous continué à vous occuper de ce dossier d'une façon ou d'une autre?
    Non, pas vraiment. Je dis « pas vraiment » parce que M. Schreiber m'appelait de temps en temps ou me posait des questions. Si j'avais les réponses, je les lui fournissait. Mais je n'étais pas sur la liste de paie.
    Quand vous étiez sur la liste de paie, quels étaient vos honoraires? Étiez-vous payé en argent comptant, par virements bancaires à votre entreprise, par chèques?
    Toujours par chèques. J'envoyais une facture et on me retournait des chèques. Comme le témoin précédent l'a dit, je ne voyais pas ces chèques, mais ils étaient envoyés. L'entreprise envoyait des factures, et les paiements arrivaient par chèques.
    Est-ce que c'est à l'Hôtel Pierre, à New York, que vous avez découvert que M. Mulroney était payé en argent comptant?
    Je ne l'ai pas découvert à cette occasion. Je ne le savais pas. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, il a dit à ce moment « Cette enveloppe contient votre paiement ». Il n'a pas précisé la nature de ce paiement.
    Avez-vous accompagné M. Mulroney lorsque vous avez quitté l'Hôtel Pierre?
    Autant que je me souvienne, nous nous sommes dit au revoir à l'hôtel et j'ai quitté pour l'aéroport. Je ne sais pas s'il rentrait au Canada ou s'il se rendait ailleurs aux États-Unis.
    Vous ne l'avez donc pas accompagné à la banque pour déposer...
    Je n'ai aucun souvenir d'une telle chose.
    Vous avez donc vu M. Schreiber remettre l'argent. Vous avez entendu...
    Je m'excuse...
    Non, l'enveloppe.
    L'enveloppe, oui.
    Vous avez entendu M. Mulroney présenter un rapport, ou vous avez dit qu'il avait présenté un rapport.
    Vous étiez étroitement lié au projet Bear Head. En tant que Cap-Bretonnais travaillant au cabinet du premier ministre, vous deviez très bien connaître ce projet.
    Non, je n'étais pas très au courant du projet. J'en connaissais l'existence, mais mon travail au cabinet du premier ministre concernait la scène internationale. Je n'étais pas chargé des affaires nationales.
    Votre frère et vos bons amis, MM. Ouellet et Moores, ont entretenu des liens étroits avec Karlheinz Schreiber pendant toute cette période, mais vous n'étiez pas au courant de leurs négociations ou de leurs discussions?
    Non.
    Étiez-vous au courant des négociations qui auraient pu avoir eu lieu entre GCI et Airbus pendant ces années?
    Pas du tout.
    Quand on regarde le site Web de Radio-Canada et d'autres sites du genre et qu'on voit comment l'argent a été distribué par Karlheinz Schreiber et Giorgio Pelossi, qui géraient le fonds de 20 millions de dollars — je crois qu'il y a eu 22 ou 24 millions de dollars au total —, cet argent transitait par un compte puis par d'autres comptes, dont celui de GCI, ou encore des compagnies suggéraient que des partenaires de GCI leur envoient de l'argent. Êtes-vous au courant de ces faits?
    Non, pas du tout.
    Vous avez dit que vous n'aviez pas organisé la rencontre au lac Harrington?
    Non, je ne me souviens pas d'avoir participé à l'organisation de cette rencontre.
    Mais il y a une différence entre ne pas se souvenir de l'avoir organisée et ne pas l'avoir organisée.
    Eh bien, je ne peux vous dire que je ne l'ai pas organisée. Je ne me souviens simplement pas de l'avoir fait.
    Avez-vous organisé la rencontre à Mirabel?
    Oui.
    Vous avez organisé cette rencontre. Pourquoi? Vous n'étiez plus à l'emploi de M. Schreiber à ce moment.
    Comme je l'ai déjà dit, en tant qu'ancien client, M. Schreiber avait pris l'habitude de me parler. Il savait que je pouvais joindre M. Mulroney au besoin. Il m'a demandé si je pouvais organiser cette rencontre, et je l'ai fait.
    Vous excuserez mon incompréhension dans ce cas-ci, mais j'ai déjà eu une micro-entreprise et quiconque me devait 7 $ n'avait aucun mal à me joindre. Si quelqu'un me devait 7 $, j'étais disponible. Mais si quelqu'un avait l'intention de me remettre 100 000 $ en argent dans une enveloppe, je ne peux imaginer pourquoi il aurait eu besoin d'un intermédiaire pour me trouver. M. Schreiber est un client, M. Mulroney est son employé dans ce cas, il travaille pour lui, et s'il reçoit de l'argent, j'ai beaucoup de peine à croire qu'il avait besoin de quelqu'un...

  (1725)  

    Je ne tiens pas à entrer dans les détails, parce que je ne les connais pas, mais d'après ce que je sais, la rencontre de Mirabel est celle qui devait servir à jeter les bases, ou du moins c'est ce que m'a laissé entendre M. Schreiber quand il m'a demandé d'organiser cette rencontre. Il a dit qu'il souhaitait rencontrer M. Mulroney pour lui proposer de faire de la représentation sur la scène internationale et m'a demandé si je pouvais organiser cette rencontre.
    Avez-vous déjà communiqué avec les bureaux de M. Schreiber pour lui demander de communiquer avec Brian Mulroney? Avez-vous communiqué avec M. Schreiber? Les communications allaient-elles dans l'autre sens?
    Je m'excuse, mais je ne suis pas certain de comprendre votre question. Faites-vous allusion à cette rencontre?
    Ou à d'autres par la suite.
    Et votre question est?
    Vous dites que cette fois M. Schreiber vous a contacté...
    Exact.
    ... et vous a demandé de communiquer avec M. Mulroney.
    Effectivement.
    Avez-vous déjà servi d'intermédiaire dans l'autre sens? Avez-vous déjà communiqué avec M. Schreiber pour organiser une rencontre à la demande de M. Mulroney?
    Non, je ne m'en souviens pas.
    Merci beaucoup.
    Madame Lavallée, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Doucet, de venir témoigner ici.
    Le 14 avril 2007, Karlheinz Schreiber a écrit à Brian Mulroney. Je vais vous lire en anglais ce qu'il lui a écrit :

[Traduction]

    Le 20 mars 2007 votre avocat, Kenneth Prehogan, a envoyé une lettre à mon avocat, Richard Anka, c.r.
    Il a écrit ceci :

M. Mulroney nie devoir quelque somme d'argent que ce soit à M. Schreiber. 
J'ai une autre vision des choses et je vous recommande de demander à votre ami Fred Doucet de vous rafraîchir la mémoire au sujet de cet argent et de ce à quoi il était destiné.

[Français]

    C'était le 14 avril 2007, dans une lettre qu'on n'avait pas prévu rendre publique, à l'époque. Le 8 mai suivant, dans une lettre de menaces — on peut appeler ça une lettre de menaces de M. Schreiber à M. Mulroney —, il se dit prêt à rendre public — « disclose » est le verbe qu'il utilise — le fait que M. Mulroney a reçu des paiements de GCI, Frank Moores, Fred Doucet, Gary Ouellet:

[Traduction]

    « Fred Doucet m'a demandé de virer des fonds à votre avocat à Genève (Airbus). »

[Français]

    Vous comprenez que ce n'était pas des lettres que l'on prévoyait rendre publiques. En fait, c'était des lettres privées.
    Comment expliquez-vous que M. Schreiber ait écrit l'an dernier des lettres dans lesquelles il disait que vous saviez quels montants d'argent Brian Mulroney avait reçus et qu'il allait vous demander de rafraîchir la mémoire de M. Mulroney?
    Par la suite, de votre côté, vous publiez un communiqué de presse, au mois de décembre, qui stipule que non, c'est faux, toutes ces insinuations ou toutes ces déclarations sont fausses.
    Moi, j'aurais émis un communiqué de presse?
    Vous avez fait une déclaration publique. Je ne sais pas si c'était par le biais d'un communiqué de presse ou... C'était une déclaration de Fred Doucet remise aux médias.
    Ah oui, d'accord. J'essaierai de vous répondre en français, en acadien, si vous me le permettez. Si je commets des fautes, je m'en excuse.

[Traduction]

    Je n'en sais rien.

[Français]

    Ça commence bien, monsieur Doucet¸ ça commence bien. C'est ça, l'acadien? Alors, je parle acadien.
    Des voix: Ah, ah!
    L'expression qu'on utilise est: « J'ai backé mon car ».
    Je ne me rappelle pas du tout. Je n'ai aucun souvenir de ces événements et je n'ai rien à vous dire à ce sujet. Je n'ai absolument rien à vous dire à ce sujet.
    Ah, non? Vous n'avez jamais été mis au courant de ces lettres?
    Oui, j'ai vu les lettres récemment.
    Récemment, mais pas l'an passé. M. Mulroney ne vous a pas fait suivre ces lettres.
    Non, pas du tout.
    Vous ne pouviez pas rafraîchir la mémoire de M. Mulroney concernant l'argent et ce à quoi il a servi?
    La première fois que j'ai entendu parler d'argent, c'est lorsque j'ai rencontré M. Schreiber, le 4 février 2000, alors qu'il me disait que les paiements étaient de 250 000 $.

  (1730)  

    Le paiement total était de 250 000 $?
    Pour les trois années du mandat.
    Alors, vous nous soumettez un autre chiffre. On avait le chiffre de 300 000 $. On ne savait pas si c'était 300 000 $ ou 225 000 $, et maintenant vous nous dites que c'est 250 000 $.
    Je vous dis ce que M. Schreiber m'a dit. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est lui qui me l'a dit.
    Quand vous étiez à l'hôtel, à New York, vous avez vu une enveloppe changer de mains. Premièrement, vous n'étiez pas au téléphone cellulaire, vous ne regardiez pas par la fenêtre, vous étiez assis en face de M. Schreiber. Vous avez vu et entendu tout ce qui s'est passé.
    M. Fred Doucet: Exactement.
    Mme Carole Lavallée: Quand M. Schreiber a donné une enveloppe à M. Mulroney, il me semble que ça devait paraître que ce n'était pas un chèque mais bien de l'argent comptant.
    Je vais répondre en anglais pour m'assurer que je ne fais pas de fautes de français.

[Traduction]

    Je ne me souviens de rien au sujet de cette enveloppe, sauf qu'elle était de format juridique. Elle lui a été remise alors qu'ils se levaient pour partir. Je n'y ai pas porté d'attention particulière. Je n'ai pas remarqué si elle était épaisse, si c'est ce que vous me demandez. Je n'en ai pas de souvenir précis. C'était il y a plusieurs années, après tout.

[Français]

    M. Mulroney a t-il fait un geste voulant dire: « Non, non, non » ou « Ah, encore de l'argent comptant »? Est-ce qu'il a pris l'enveloppe d'un geste naturel qui aurait pu vouloir dire: « Merci beaucoup, je le mérite »?
    Selon ce que je me rappelle, M. Mulroney avait une sacoche, et je crois qu'il l'a prise et l'y a déposée. On était debout à ce moment-là, et moi...
    Vous étiez prêt à partir.
    Exactement.
    Dans le rapport que M. Mulroney a fait à M. Schreiber, il lui a dit, par exemple, qu'il avait rencontré des représentants officiels en Chine.

[Traduction]

    Oui, des hauts dirigeants chinois.

[Français]

    Quel genre de réponse a-t-il obtenu des leaders chinois?
    Je vous ai dit à peu près tout ce dont je me rappelle dans ma déclaration. Je ne me rappelle pas précisément des discussions. Je sais qu'il y a eu du back and forth entre lui et M. Schreiber. Ils se sont partagé des documents, mais je ne pourrais vous dire exactement ce qui a été discuté dans le cas du Chinese leadership ou des réunions avec M. Eltsine ou avec M. Mitterrand. Je ne pourrais pas vous en dire davantage.
    Vous n'avez pas été impressionné pour autant. En ce qui me concerne, par exemple, si j'entendais une personne raconter qu'elle a rencontré Mitterrand il y a deux mois, lors de sa dernière visite en France, et qu'elle me rapportait les paroles de leur conversation, il me semble que j'enregistrerais tout.
    Je comprends.
    J'ai voyagé sur la scène internationale et j'ai organisé beaucoup de sommets, comme le Sommet économique, le Sommet de la Francophonie, le Sommet du Commonwealth, et j'ai assisté à tous les sommets bilatéraux et multilatéraux durant mes années avec M. Mulroney. Le fait de le voir transiger avec de grands personnages n'était pas une nouveauté pour moi.
    J'ai une dernière question, mais j'imagine qu'il ne me reste plus beaucoup de temps.
    Non, madame Lavallée, je suis désolé.
    Monsieur Mulcair.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Doucet, bonjour et merci d'être ici.
    Je vais revenir sur la question évoquée par ma collègue du Bloc à l'instant. Elle a mentionné le Chinese leadership, Eltsine, Mitterrand. Durant tout votre témoignage, vous avez fait très attention de toujours faire la distinction entre ce que vous saviez, vous, premièrement, et ce dont vous n'aviez pas de souvenir exact, précis, etc.
    Je vais vous poser une question — c'est mon tour d'utiliser un qualificatif — précise. Quelle connaissance personnelle avez-vous d'une quelconque réunion entre Brian Mulroney et le soi-disant Chinese leadership, l'ancien président russe Boris Eltsine ou l'ancien président français François Mitterrand? Quelle connaissance personnelle avez-vous d'une réunion de cette nature?
    En ce qui concerne ces réunions, aucune.
    Merci.
    Aujourd'hui, plusieurs personnes ont une connaissance personnelle du travail de lobbying qui a été fait autour de Bear Head, et cela vient contredire cette version. Donc, c'est important pour nous de bien situer les faits.
    Dans d'autres témoignages que nous avons entendus devant ce comité, des gens ont évoqué des enveloppes, un peu comme vous quand vous avez décrit les événements à l'hôtel Pierre à New York, des enveloppes qui auraient émané de votre bureau, du bureau du premier ministre, à votre époque, ou encore qui auraient circulé entre votre bureau, le bureau du premier ministre et l'une ou l'autre des personnes qui habitaient ou qui travaillaient au 24, promenade Sussex.
    Avez-vous déjà, à quelque moment que ce soit pendant toute la période où vous faisiez partie de l'entourage de M. Mulroney ou à quelque autre occasion que ce soit, vu de l'argent dans une enveloppe ou de l'argent comptant transiter par des personnes alors que vous étiez là?

  (1735)  

    Oui.
    Dans quelles circonstances?
    Lorsque le Parti progressiste-conservateur, à ce moment-là, remboursait M. Mulroney pour les dépenses qui étaient rattachées au parti. Je pense que vous avez déjà reçu des témoignages à cet égard. On recevait, si je ne m'abuse, deux fois par mois — mais je ne suis pas certain que c'était deux fois par mois —, des remboursements. Lorsque j'étais présent, les chèques étaient faits à l'intention de Fred Doucet in trust. Dans ces cas-là, j'encaissais les chèques et je mettais l'argent dans les enveloppes. Une personne du 24, promenade Sussex était appelée et venait chercher l'enveloppe. Ce sont les seuls cas où j'ai vu des transferts d'argent comme ceux que vous décrivez au 24, promenade Sussex.
    Merci pour le qualificatif, encore une fois. C'est la seule fois que vous avez vu de l'argent liquide transiter au 24, promenade Sussex.
    Je vous pose une question précise, encore une fois. Est-ce que, à quelque autre moment que ce soit, dans vos bureaux, dans le bureau du premier ministre ou à un autre endroit où vous vous trouviez vous-même, vous avez vu un transfert d'argent, ou un transfert de ce que vous soupçonniez être de l'argent se trouvant dans une enveloppe comme à l'Hôtel Pierre, ou cru qu'il pouvait y avoir un transfert d'argent?
    Absolument pas, à aucun moment.
    À aucun moment. C'est votre témoignage sous serment?
    C'est mon témoignage sous serment.
    Merci, monsieur Doucet.
    C'est bon, monsieur le président. Merci.

[Traduction]

    Monsieur Tilson, c'est à vous.
    Monsieur le président, j'avais environ cinq pages de questions à poser à M. Doucet, mais elles ont déjà presque toutes été posées. Il m'en reste toutefois quelques-unes.
    Vous avez parlé des rencontres à l'aéroport de Mirabel et à l'Hôtel Pierre à New York. Pendant nos séances, il a aussi été question d'une rencontre à l'Hôtel Le Reine Élizabeth. Savez-vous quelque chose à ce sujet?
    J'ai déjà dit qu'il s'agit d'une des rencontres que je ne me souviens pas avoir organisée.
    C'est ce que vous avez dit.
    Si j'ai bien compris votre témoignage, M. Schreiber vous a demandé d'organiser les rencontres. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    Dans le cas de ces deux rencontres, oui.
    Agissiez-vous à ces deux rencontres à titre de représentant de M. Mulroney ou de M. Schreiber, ou des deux?
    Bonne question. Je suppose qu'il existe un lien, car M. Schreiber était un ancien client, et M. Mulroney un ancien employeur, en ce sens qu'il était premier ministre et que j'étais un conseiller. Je constituais donc un lien, en quelque sorte.
    Oui. Vous en avez parlé, et je sais que vous avez déjà fourni certaines réponses, mais j'aimerais revenir sur le sujet. Il semble que MM. Schreiber et Mulroney aient chacun une interprétation différente de cette entente de consultation. Connaissez-vous certains détails de cette entente?
    Voici ce que je sais. Ma réponse comporte deux parties.
    Premièrement, lorsque M. Schreiber m'a demandé d'organiser la rencontre à Mirabel, il m'a dit quel serait le sujet abordé. Évidemment, il m'a expliqué quel était l'objectif de la rencontre — sans toutefois entrer dans tous les détails — puisque je devais ensuite demander à M. Mulroney s'il était prêt à le rencontrer à ce sujet.
    Puis-je vous interrompre? Je sais que cela remonte à bien longtemps, mais vous souvenez-vous quel en était l'objectif?
    Oui, et je l'ai précisé...
    Vous l'avez fait, mais pourriez-vous en dire un peu plus?
    Eh bien, pas beaucoup, parce que je ne me souviens de rien de plus que ce que j'ai dit ici, à savoir qu'il voulait proposer à M. Mulroney d'engager ses services pour faire la promotion de véhicules militaires sur la scène internationale.

  (1740)  

    Oui, et vous avez parlé d'un deuxième point.
    Oh oui. Le deuxième point, c'est... Pardon, j'ai perdu le fil de ma pensée.
    Je vous ai interrompu.
    Voilà donc pour ce qui est de la rencontre à Mirabel. La seule autre fois que j'ai été présent, c'était à l'Hôtel Pierre, où l'objectif était de faire le compte rendu des travaux en cours.
    M. Schreiber était-il satisfait de ce compte rendu?
    Oui, il n'a manifesté que de la reconnaissance.
    Monsieur Tilson, vous avez le document sous les yeux. J'essaie d'y reconstituer ce que M. Mulroney et M. Schreiber m'ont donné comme description du mandat. J'ai essayé de le faire le plus fidèlement possible, laissant en blanc le nom des entreprises mandataires ainsi que le montant qui a été versé à titre d'avance sur les honoraires.
    On y trouve des annotations manuscrites ici. C'est un vrai chef-d'oeuvre.
    Oui. Pourrais-je essayer de...
    Vous en avez déjà un peu parlé.
    J'aimerais savoir ce que M. Schreiber a écrit.
    D'accord. Si vous avez le document devant vous, « Bayerische Bitumen Chemie » a été écrit par M. Schreiber. Ensuite, vous avez « Chemie » écrit en plus grosses lettres à la droite.
    Oui, je le vois.
    À la droite. Ensuite, plus bas, il y a le mot « Kaufering ». Et plus bas encore, il y a « Bitucan Calgary ».
    Ces trois phrases ont été écrites par M. Schreiber. Le reste, c'est moi qui l'ai écrit.
    Les montants font l'objet d'un débat. Je sais que vous avez écouté le témoignage de M. Schreiber ainsi que ses déclarations sous serment. Vous avez lu les textes juridiques de son dossier.
    J'aimerais que vous apportiez des précisions sur le montant de 250 000 $ qui est écrit ici. Qu'est-ce que cela représente?
     M. Schreiber m'a dit que c'était le montant convenu pour couvrir les services rendus et les dépenses liées à l'affectation.
    Bon. Je sais que vous avez déjà répondu à cette question, mais je veux m'assurer que tout est clair. Vous avez dit que l'argent, qui était dans une enveloppe — et c'est tout ce que vous savez, et en fait vous ne savez peut-être même pas ce qu'il y avait dans l'enveloppe. Pour autant que vous sachiez, il aurait pu s'agir d'une lettre.
     Non, ce n'est pas tout à fait exact parce que c'est ce qu'il a lui-même déclaré. M. Schreiber a dit que cela couvrait les dépenses et les services rendus.
    Alors cela couvrait les services rendus et les services.
    Les services rendus et les dépenses.
    Les services rendus et les dépenses.
    Je sais que je vous pose des questions auxquelles vous avez déjà répondu, mais je voudrais que vous précisiez encore une fois quels étaient les services que M. Mulroney devait rendre.
    Eh bien, cette lettre de mandat contient la liste de ces services.
    Je tiens à attirer votre attention sur le fait que, le 4 février 2000, lorsque j'ai présenté cette lettre à M. Schreiber, essentiellement, je lui ai demandé de remplir les espaces blancs, ce qu'il a fait. Il n'a pas dit « C'est faux ». Il n'a rien corrigé. Il a pris part aux discussions, comme ses annotations manuscrites l'indiquent. En bas, à droite, j'ai résumé ce dont nous avons parlé, à savoir remplir les espaces blancs. À la fin, j'ai dit à M. Schreiber: « Voici ce dont j'ai pris note. Êtes-vous d'accord avec cela? » « Bien sûr, bien sûr. »
    Voilà comment la rencontre s'est terminée. M. Schreiber a emporté un exemplaire du document, où ne figuraient toutefois ni mes annotations ni les siennes. Mais, puisqu'il était l'auteur de ce qui s'y trouve, je présume qu'il était à l'aise avec ce dont il avait connaissance.
    D'accord. Je pense que vous avez dit que vous vous êtes rencontrés pour la première fois en 1988?
    Oui, autant que je me souvienne.
    Bien sûr, il y a de cela bien longtemps. Et tout se passait relativement bien.
    À un moment donné, votre relation s'est détériorée. Pourriez-vous nous dire quand cela s'est produit et pourquoi?
    Pour être parfaitement honnête, notre relation s'est vraiment détériorée quand j'ai entendu son témoignage...

  (1745)  

    Vous voulez dire ici.
    Oui, celui dans lequel il a fait de fausses déclarations à mon sujet.
    Toutefois, pour tout dire ici, il est vrai que, après 2000, quand j'ai découvert à quelles manigances il se livrait chez lui, en Allemagne — même s'il ne s'agit là que de soupçons —, j'étais plutôt content de garder mes distances par rapport à lui. Mais, mis à part ce qui a été révélé publiquement, je n'avais pas particulièrement de raisons de le faire. Il ne m'a jamais causé de préjudice ou autre chose de la sorte, si ce n'est ce qu'il a dit au cours de son témoignage ici, qui m'a causé d'énormes préjudices.
    D'accord. Monsieur Doucet, vous trouviez-vous à l'Hôtel Pierre en décembre 1994, en compagnie de M. Mulroney et de M. Schreiber?
    Oui, c'était le 8 décembre.
    Vous n'utilisiez pas votre cellulaire puisque vous n'en aviez pas. Vous ne regardiez pas par la fenêtre. Vous étiez dans un fauteuil en face de M. Schreiber. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Selon ce que vous avez dit au comité, le compte rendu de M. Mulroney a duré d'une heure à une heure et demie. Est-ce exact?
    J'ai dit d'une heure à une heure et demie. Je sais que nous sommes entrés vers 11 heures, parce que c'est l'heure à laquelle la rencontre avait été fixée.
    M. Mulroney faisait un compte rendu des voyages à destination de l'étranger. Vous étiez là. Compte tenu de la situation, vous preniez part à la conversation...
    Non.
    ... vous étiez au moins assez proche pour entendre tout ce qui se disait.
    Absolument.
    M. Mulroney a-t-il jamais mentionné le nom d'une personne qui l'a accompagné pendant tous ces voyages?
    Je ne me souviens pas qu'il l'ait fait.
    Monsieur, vous devez vous en souvenir. Qui a accompagné M. Mulroney pendant ces voyages? Le savez-vous?
    Je n'en ai aucune idée.
    Savez-vous qui il a rencontré aux États-Unis pendant qu'il faisait ce travail?
    Je ne me souviens pas qu'il ait fait mention des États-Unis lors de cette rencontre.
    Savez-vous quels ont été les résultats des discussions qu'il a eues avec la Chine?
    Non.
    Il n'a fait le compte rendu que de la France, de la Chine et de la Russie — rien du tout, si j'ai bien compris, des États-Unis. M. Mulroney a témoigné qu'il avait parcouru les États-Unis...
    Je n'en ai aucun souvenir...
    De quoi ont-ils parlé pendant une heure ou une heure et demie?
    Eh bien, il se passait beaucoup de choses. Ils se sont échangé des documents. M. Schreiber a passé une bonne partie de la rencontre à parler des détails de certains des véhicules. Je me souviens, en particulier, que la protection armée le passionnait beaucoup...
    Mais monsieur, avec tout le respect que je vous dois...
    Monsieur le président, vous lui avez posé une question. Laissez-le répondre.
    Oui, je le sais.
    Eh bien, je sais que vous le savez. Laissez-le répondre.
    Merci.
    Avez-vous autre chose à dire à ce sujet? Je sais que M. Schreiber dit... mais ici, il s'agit du compte rendu que M. Mulroney fait à M. Schreiber. Ce que M. Mulroney a dit à M. Schreiber, son compte rendu d'une heure et demie, m'intéresse davantage. Il est important que nous sachions.
    Vous avez dit que le travail était encore en cours au moment où il a été question de faire le dernier paiement. C'était pour le travail en cours. Je pensais que tout était terminé. Selon les témoignages, il s'agissait de 300 000 $ ou de 225 000 $, et c'était tout. Mais vous avez dit que le travail était en cours. Pourquoi avez-vous dit cela?
    Non. Je vous demande pardon si c'est ce que vous avez compris; je pense que je vous ai induit en erreur. Lors de cette réunion, il faisait le compte rendu du travail en cours.
    C'était le compte rendu final.
    Je n'ai aucune idée si ce devait être final...
    Vous ne savez pas s'il s'agissait du compte rendu final.
    Je ne le sais pas.
    Savez-vous si M. Mulroney a donné le nom de personnes impliquées de quelque façon que ce soit dans cette affaire?
    Je ne le sais pas.
    Vous ne savez absolument pas qui l'accompagnait pendant ces voyages?
    Je ne le sais pas. Je n'en ai aucune idée.
    Vous ne savez absolument pas qui il a rencontré en Chine, ni quel était le titre de cette personne.
    Combien de fois allez-vous poser la question? J'ai compté environ six fois.
    Silence.
    Avez-vous déjà remis de l'argent à M. François Martin?
    Oui, en réponse...
    Combien de fois? Plus d'une fois?
    Honnêtement, je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas combien de fois. Je me souviens d'une fois, mais je ne me souviens pas si cela s'est produit à d'autres occasions.
    De quoi vous souvenez-vous cette fois-là?
    Je pense que c'était la première fois.
    Et de quoi vous souvenez-vous? D'où est venu l'argent? Est-ce que c'était de l'argent comptant?
    Non, c'était sous la forme d'un chèque à l'ordre de Fred Doucet en fiducie, que j'ai encaissé. Par la suite, j'ai mis l'argent dans une enveloppe et j'ai remis cette dernière à ma secrétaire. Je lui ai demandé d'appeler quiconque du 24 Sussex serait disponible pour venir et...

  (1750)  

    Et le chèque provenait-il des Fonds PC du Canada?
    Oui, c'est bien ça.
    Vous rappelez-vous du montant du chèque?
    Je pense que c'était 5 000 $, mais je ne peux pas le garantir. Je pense que c'était 5 000 $.
    Merci.
    Monsieur Murphy, c'est à vous.
    Je me tenais prêt, me demandant si j'aurais la possibilité de participer. Merci, monsieur le président.
    Monsieur Doucet, j'aimerais revenir brièvement sur le compte rendu de 1994. Je comprends que vous ne vous en souveniez pas complètement. M. le président vous contre-interrogeait à ce sujet. Mais vous souvenez-vous si, au cours de la rencontre d'une heure à une heure et demie, le nom Eltsine a été mentionné?
    Oui, je m'en souviens.
    Vous souvenez-vous si le nom Mitterrand a été mentionné?
    Oui, je m'en souviens.
    D'accord. Et c'est pas mal tout ce dont vous vous souvenez en ce qui concerne les détails relatifs à M. Mulroney.
    Oui, en ce qui concerne les personnes en cause.
    D'accord. Pour dire qu'il s'agit d'une rencontre importante, vous n'en avez pas gardé un souvenir très précis.
    Le document du 4 février 2000 que vous avez fait circuler fait l'objet de débats. Si j'ai bien compris, le document tente de résumer ce qui s'est produit il y a bon nombre d'années, de 1993 à 1996. Il présente la version des faits de M. Schreiber après que ce dernier eût été aux prises avec des problèmes d'extradition. Il constitue également la codification, d'une certaine manière, de ce que M. Mulroney pourrait avoir fait au cours de l'année — il a témoigné avoir produit la déclaration de tout son revenu.
    Voilà donc l'arrière-plan de ce document en février 2002. Est-ce exact?
    Je pense que oui.
    Remontons au moment où vous avez commencé à travailler pour M. Schreiber. Selon les preuves que vous avez présentées, vous avez travaillé pour lui de février 1990 jusque vers la fin 1992.
    Oui, c'est exact.
    Ces questions ne sont pas encore censées être des questions pièges. Je vous laisserai savoir quand je vous poserai une question piège.
    L'agenda de M. Schreiber indique beaucoup d'activités, dont des rencontres avec des ministres en 1991. Je vais les passer en revue, mais d'abord... Vous étiez un lobbyiste chevronné. Teniez-vous un agenda ou un calendrier de vos activités?
    Oui, je tenais des agendas.
    Pourriez-vous nous présenter ceux qui couvrent la période allant d'avril 1991 à la fin février 1992, à la condition que votre avocat puisse les parcourir et noircir tous les rendez-vous susceptibles de révéler l'identité de personnes autres que M. Schreiber et, disons, le gouvernement du Canada? Feriez-vous cela pour nous?
    Volontiers.
    Les entrées de M. Schreiber montrent qu'en avril 1991, il a rencontré M. Tellier et qu'en mai 1991, vous avez rencontré M. Tellier. Savez-vous de qui je parle, quand je dis Paul Tellier?
    Absolument.
    En mai 1991, il y a eu une rencontre avec Marcel Masse, Michael Wilson et John Crosbie, qui vous impliquait...
    M'impliquait?
    Vous y avez participé.
    Je ne m'en souviens pas.
    D'accord.
    Le 21 mai 1991, vous avez rencontré M. Mulroney et vous avez fait le compte rendu de cette rencontre à M. Schreiber. Vous en souvenez-vous?
    Donnez-moi la date.
    Le 21 mai 1991.
    Il faudrait que je vérifie mon agenda.
    D'accord.
    Selon M. Schreiber, le matin du 1er octobre 1991, vous avez appelé et vous avez rencontré M. Mulroney dans l'édifice parlementaire ici. Vous ne vous souvenez pas de cela?
    Il faudrait que je vérifie mon...
    En octobre et en décembre, période pendant laquelle vous travailliez pour M. Schreiber, d'autres rencontres ont eu lieu, cette fois avec le premier ministre fédéral et des représentants du gouvernement du Canada. Voilà nos preuves. Vos preuves proviendront de vos agendas.
    De quelle date s'agit-il?
    Les deux dernières dates étaient le 2 octobre et le 1er décembre 1991.
    Bien sûr.
    Disons qu'il y a eu de l'activité. Vous étiez un lobbyiste enregistré. Vous faisiez du lobbyisme en faveur du projet Bear Head de M. Schreiber. Exact?
    Oui, c'est exact.
    Et vous vous attendiez-vous à ce que ces efforts portent fruit?
    C'est ce que j'avais espéré.
    Vous saviez que Brian Mulroney, votre bon ami, avait dit à M. Spector, son chef de cabinet, le 16 décembre 1990, qu'on allait enterrer le projet Bear Head à cause du coût de celui-ci. M. Mulroney a dit: « Il faudrait l'enterrer, il sera enterré, c'est fait ». Saviez-vous cela à l'époque?

  (1755)  

    Non.
    Votre bon ami M. Mulroney ne vous a pas dit, en décembre 1990, que le projet Bear Head était terminé, qu'il avait été enterré. Vous avez continué d'engager des dépenses et de promettre, sans doute pour vos clients, qu'il continuerait. Cela me paraît étrange qu'au bout du compte, en 1993 et 1994, M. Mulroney a reçu beaucoup d'argent.
    Ne trouvez-vous pas cela étrange?
    Non.
    Qu'avez-vous fait pour votre client en 1991, dans toutes ces réunions, si le projet avait été enterré?
    Le client ne m'a jamais dit que le projet avait été enterré, personne ne me l'a dit.
    Votre client ne vous l'a pas dit, mais est-ce que M. Mulroney vous l'a dit?
    Non.
    Il ne vous l'a pas dit.
    Non.

[Français]

    Monsieur Ménard, vous avez la parole.
    Monsieur Doucet, comment se fait-il que le mandat que vous aviez préparé n'ait pas été signé par M. Schreiber?
    Ce n'était pas le but du mandat. Le but du mandat n'était pas qu'on ait à mettre des signatures. Comme vous le voyez, il n'y avait aucune indication ni d'espace en blanc de prévu pour une signature.

[Traduction]

    Son seul but était de commémorer ce qui avait été fait. Il n'a jamais été question qu'il soit signé par qui que ce soit; du moins, ce n'était pas mon intention.

[Français]

    Mais c'est vraiment écrit comme un mandat, et non comme un aide-mémoire, n'est-ce pas? C'est ainsi que vous l'avez écrit.
    Exactement.
    Donc, vous l'avez écrit avec l'intention de demander à M. Schreiber de le compléter et de le signer.
    Non, pas de le signer, mais de le compléter.
    Alors, pourquoi lui avoir donné cette forme?
    Pas plus que le fait de...

[Traduction]

    de commémorer ce qui avait été précisé dans le mandat, une fois les espaces en blanc remplis. C'est tout.

[Français]

    Vous avez fait divers mandats pour M. Schreiber, vous avez envoyé des comptes et vous avez été payé normalement, soit par chèque, soit par transfert bancaire.
    Vous encaissiez des chèques tirés du PC Canada Fund à votre nom pour ensuite envoyer l'argent comptant à M. Mulroney. Pourquoi les chèques du PC Canada Fund, qui devaient servir à rembourser M. Mulroney les dépenses qu'il avait encourues pour le parti, ne lui étaient-ils pas envoyés?
    Je ne peux vous répondre autrement qu'en vous disant que les arrangements avaient été faits par le président du PC Canada Fund et le bureau de M. Mulroney. Je n'étais que l'intermédiaire qui recevait le chèque, lorsqu'il était fait à mon nom. Je l'encaissais et j'envoyais l'argent au 24, promenade Sussex. Ce n'est pas moi qui ai pris les arrangements.
    Plutôt que d'envoyer un chèque à M. Mulroney, qui l'aurait déposé à la banque, vous preniez le risque d'envoyer 5 000 $ par messager.
    Ce n'est pas exactement cela. Les demandes de paiement passaient par le chef du cabinet, le chief of staff, et étaient envoyées au PC Canada Fund, qui envoyait un chèque au chef du cabinet qui, dans mon cas, l'encaissait et l'envoyait au 24, promenade Sussex.
    Dans un article du Maclean's du 13 janvier 1997, les conseillers de Brian Mulroney, dans une note de service, lui ont conseillé de nommer David Johnston au poste de greffier du Bureau du Conseil privé.
    Étiez-vous au courant de cela avant que l'article du Maclean's n'en parle?
    Je m'excuse, je n'ai pas compris votre question.
    Dans un article du Maclean's du 13 janvier 1997, les conseillers de Brian Mulroney, dans une note de service, ont suggéré au premier ministre de nommer David Johnston au poste de greffier du Bureau du Conseil privé.
    Étiez-vous au courant de cela?
    Non.
    Étiez-vous président du PC Canada Fund? Vous n'étiez pas...

[Traduction]

    Jamais.

[Français]

    Arrangiez-vous des rencontres de lobbyistes ou d'hommes d'affaires avec le premier ministre?

[Traduction]

    Je n'ai aucun souvenir précis d'avoir arrangé une rencontre entre un de mes clients et le premier ministre lui-même, sauf dans le cas du projet Bear Head.
    Merci, monsieur Ménard.
    Les dernières questions vont à M. Russ Hiebert, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Doucet, nous posons sensiblement les mêmes questions à tous les témoins parce que nous voulons être méthodiques et leur donner toutes les occasions possibles d'indiquer, à l'intention du comité, qu'il y a eu des irrégularités.
    Avez-vous la moindre preuve qu'un fonctionnaire a commis quelque irrégularité relativement au projet Bear Head, à l'achat d'appareils Airbus ou à l'accord d'experts-conseils entre Brian Mulroney et M. Schreiber?

  (1800)  

    Je tiens à signaler que je ne sais rien du tout à propos de l'affaire Airbus.
    D'accord. J'ai une dernière question.
    M. Schreiber a dit, devant le comité — après avoir été assermenté par un juge — que vous lui aviez demandé de verser de l'argent à un avocat à Genève. Vous avez catégoriquement nié ces allégations, j'aimerais donc vous demander non pas si cela s'est passé ou non, mais bien pourquoi, d'après vous, ce monsieur, un ancien ami à vous, aurait même fait ces allégations?
    Je n'ai aucune idée. J'espère l'apprendre un jour. Je l'ignore.
    Monsieur Doucet, nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Merci de vos efforts. Vous pouvez disposer.
    Comme il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour...
    Désolé, Madame Lavallée, vous avez une question à poser au comité?

[Français]

    Je ne veux pas qu'on retienne le témoin inutilement, mais j'ai une question de nature logistique à poser. Puis-je la poser maintenant? Elle ne s'adresse pas à vous, monsieur Doucet, elle s'adresse au président. Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur le président, serait-il possible, sur le plan logistique et politique, que nous vous transmettions des questions à poser à certaines personnes concernées par l'affaire à l'étude et auxquelles on n'a qu'une question à poser? Vous pourriez faire parvenir ces questions par écrit, au lieu de convoquer d'autres témoins simplement pour leur poser une ou deux questions à des fins de clarification ou de vérification.

[Traduction]

    Chers collègues, je pense que Mme Lavallée fait référence aux témoins que nous n'avons pas invités à comparaître, et fait remarquer qu'on aurait une question à leur poser. Je propose, si les membres sont d'accord, que nous profitions de la courte réunion à huis clos prévue jeudi, après la comparution des témoins, pour demander aux membres du comité s'il y a des questions précises à poser à ces témoins, ou encore une question d'ordre général leur demandant s'ils ont quelque chose à ajouter.
    Je propose que nous répondions à cette question pendant la réunion de jeudi. Est-ce convenable?
    Une voix: Oui.
    Le président: Merci bien.

[Français]

    Monsieur le président, auriez-vous la gentillesse de faire la même chose et de demander à l'associé principal chez Stikeman Elliott de produire l'ensemble des factures? Il peut biffer le sujet, mais j'aimerais qu'il produise toutes les factures échangées entre M. Lalonde et Bear Head Industries.
    Il y a deux choses. D'une part, on est en train de demander à Stikeman Elliott de produire toutes les factures qui concernent M. Lalonde et M. Schreiber et, d'autre part, M. Ménard demande à Ogilvy Renault le contrat d'associé de Brian Mulroney.

[Traduction]

    Nous confirmerons par écrit la demande à M. Doucet.
    Merci.
    La séance est levée.