Passer au contenu
;

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 30 janvier 2008

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Vous êtes tous les bienvenus à notre séance d'aujourd'hui. Nous allons commencer l'examen du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    J'ai le plaisir d'accueillir un nouveau membre du Bloc Québécois, M. St- Cyr, qui remplace Mme Faille. Bienvenue parmi nous.
    Je pense que nous devrions demander à notre greffier d'envoyer une lettre de remerciements à Mme Faille pour l'excellente contribution qu'elle a apportée au comité au cours des années. Je crois nécessaire de la faire, car elle a joué un rôle très important.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Par conséquent, monsieur St-Cyr, nous attendons beaucoup de vous.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux groupes de témoins d'aujourd'hui.
    Nos premiers témoins sont les représentants du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, M. Les Linklater, directeur général, Direction générale de l'immigration; Maia Welbourne, directrice des Politiques et programmes à l'intention des résidents temporaires, Direction générale de l'immigration et M. Eric Stevens.
    Nous sommes heureux de vous accueillir pour le début de notre examen du projet de loi C-17. Merci d'être venus aujourd'hui.
    Nous avons également une nouvelle analyste à la table. Il s'agit de Laura Barnett, de la Division du droit et du gouvernement qui nous aidera à étudier le projet de loi C-17.
    Nous allons commencer immédiatement.
    Je vais vous céder la parole pour que vous puissiez faire une déclaration préliminaire si vous le désirez.

[Français]

    Je m'appelle Les Linklater et je suis le directeur général de la Direction générale de l'immigration à Citoyenneté et Immigration Canada, ou CIC. Je remercie le comité de m'avoir invité à lui parler aujourd'hui du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR.
    Lorsque la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a témoigné devant le comité en novembre dernier, elle a indiqué que le gouvernement était résolu à améliorer ses programmes relatifs à l'immigration, incluant de nombreuses améliorations au programme concernant les travailleurs étrangers temporaires.
    Toutefois, tout gain d'efficacité de ce genre doit s'accompagner d'une amélioration des mesures de contrôle et de la protection offerte aux travailleurs vulnérables, afin d'accroître le nombre de travailleurs étrangers temporaires qui entrent légalement au Canada.
(1535)

[Traduction]

    La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement d'application permettent aux agents de refuser de délivrer un permis de travail entre autres si le casier judiciaire ou l' état de santé du demandeur soulèvent des préoccupations. Le projet de loi C-17 irait encore plus loin en permettant aux agents d'empêcher l'entrée au pays de travailleurs étrangers temporaires éventuels qui risquent d'être soumis au Canada à de l'exploitation et à des abus.
    II est bien connu que le Canada a toujours protégé les travailleurs étrangers temporaires de la même façon qu'il protège ses propres citoyens. Malheureusement, comme le comité n'est pas sans savoir, puisque certains d'entre eux maîtrisent mal les langues officielles, ils n'ont ni amis ni parents au Canada, ont peu d'argent, et même craignent les forces de l'ordre et le gouvernement, les travailleurs étrangers temporaires ont parfois besoin d'encore plus de protection que les travailleurs canadiens. Comme ils n'ont pas de réseaux de soutien au Canada, ils sont à la merci d'employeurs ou de courtiers en emploi sans scrupules. Le projet de loi C-17 fait partie d'une série de mesures que prend le gouvernement pour réduire ce risque d'exploitation.
    Tout d'abord, le projet de loi C-17 modifie l'objectif défini à l'alinéa 3(1)h) de la LIPR, qui ne serait plus de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité, mais plutôt de protéger la santé et la sécurité publiques, c'est-à-dire dire la santé et la sécurité de toute personne se trouvant légitimement au Canada, y compris à titre temporaire. L'obligation qu'a le gouvernement de protéger la santé et de garantir la sécurité devrait s'appliquer à toute personne qui est légalement en sol canadien, qu'il s'agisse d'un citoyen, d'un résident permanent ou d'un résident temporaire du Canada.
    Le projet de loi C-17 prévoit ensuite qu'en vertu d'instructions publiées par la ministre, les agents d'immigration pourront refuser de délivrer un permis de travail à des étrangers qui y auraient droit, mais qui, selon les agents, risquent, une fois admis au Canada, de subir un traitement dégradant ou attentatoire à la dignité humaine, notamment d'être exploités sexuellement.
    Vous remarquerez, monsieur le président, que je dis bien « les agents », parce qu'aux termes du projet de loi, tout refus par un agent d'immigration, en vertu d'instructions de la ministre, de délivrer un permis de travail devra être confirmé par un autre agent d'immigration. Cette disposition atténue le risque que les instructions de la ministre soient mises en application de façon inappropriée ou incorrecte.
    Il est important de noter que le projet de loi même ne contient aucune instruction; il ne fait que donner à la ministre le pouvoir d'en publier. De telles instructions ne seront publiées qu'en présence de motifs sérieux et bien fondés de craindre pour la sécurité de certains demandeurs de permis de travail. Les personnes visées pourraient aussi bien être des danseurs exotiques que toute autre victime éventuelle de la traite des personnes; on n'a pas encore complété les études et l'analyse nécessaires pour étayer de telles instructions.
    Chaque décision en vertu de toute instruction future serait prise par les agents d'immigration au cas par cas, et chaque demande de permis de travail serait évaluée individuellement.

[Français]

    Les instructions devront être publiées dans la Gazette du Canada pour entrer en vigueur. La Gazette du Canada étant la référence en ce qui concerne le gouvernement fédéral, les médias, les avocats spécialistes de l'immigration et les autres parties intéressées prêtent attention à ce qui y est publié.
    De plus, la ministre devra faire état dans son rapport annuel au Parlement de toute instruction publiée durant l'année. Ce degré de transparence est essentiel, compte tenu de la nature discrétionnaire du pouvoir.

[Traduction]

    Monsieur le président, le comité sait que ce pouvoir discrétionnaire est semblable aux pouvoirs que prévoient les lois de l'Australie et du Royaume-Uni. Il ressemble aussi au pouvoir discrétionnaire positif que confère actuellement la LIPR à la ministre, lui permettant de lever une interdiction de territoire si l'intérêt public le justifie.
    Le projet de loi C-17 est l'une des nombreuses mesures mises de l'avant par CIC, en collaboration avec Ressources humaines et Développement social Canada et Service Canada, afin d'améliorer le programme concernant les travailleurs étrangers temporaires tant pour les employeurs que pour les travailleurs étrangers et canadiens.
    Dans la foulée d'une série de mesures administratives annoncées depuis novembre 2006, y compris l'amélioration des contacts avec les employeurs et la rationalisation des processus, le gouvernement a accordé dans le budget de 2007 de nouveaux fonds à CIC et à RHDSC pour leur permettre de traiter plus efficacement leurs volumes de demandes croissants, de combler les lacunes des programmes actuels, et d'établir un meilleur cadre de surveillance et d'assurance de la conformité pour le Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires.

[Français]

    Nous savons qu'il est nécessaire d'améliorer le programme pour veiller à ce que les employeurs respectent leurs engagements envers les travailleurs, et à ce que les travailleurs connaissent leurs droits et leurs responsabilités.
    Les provinces et les territoires, qui sont responsables en grande partie de la surveillance des normes d'emploi et des questions de santé et de sécurité au travail, participent activement à la gestion de ce dossier.
(1540)

[Traduction]

    Les accords que le gouvernement du Canada a récemment signés avec l'Alberta et la Nouvelle-Écosse prévoient la négociation d'une annexe sur les travailleurs étrangers temporaires dans les mois à venir, y compris la reconnaissance du besoin de protéger les intérêts des travailleurs.
    Nous nous efforçons également d'aider les travailleurs étrangers temporaires en Ontario en les informant des critères d'admissibilité pour l'assurance santé, les indemnités, les régimes de pension et les autres mesures de protection prévues par la Loi sur la santé et la sécurité au travail, la Loi sur les normes d'emploi et la Loi sur les relations de travail. Conjuguées à l'adoption du projet de loi C-17, ces mesures et d'autres initiatives favoriseront la préservation de l'intégrité du programme d'immigration du Canada.
    Citoyenneté et Immigration Canada continuera à se pencher sur la question de la protection des travailleurs vulnérables qui se trouvent temporairement au Canada, et coordonnera ses efforts avec ceux des nombreux autres ministères fédéraux qui s'intéressent à cette question.
    Merci, monsieur le président.
    Je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Avez-vous une autre déclaration préliminaire à nous faire ou êtes-vous prêts à répondre aux questions?
    Nous sommes prêts à répondre aux questions.
    Très bien.
    M. Karygiannis commencera le premier tour de questions, dont la durée sera de sept minutes.
    Monsieur Linklater, je vous remercie vous et vos collègues d'être venus témoigner.
    C'est un projet de loi qui suscite un certain intérêt. Néanmoins, comme la ministre met parfois de l'avant un de ses atouts particuliers, ce projet de loi est connu comme celui des stripteaseuses. Vous conviendrez toutefois que sa portée ne se limite pas aux stripteaseuses et à la protection des étrangères qui viennent ici pour travailler dans les bars de striptease.
    Êtes-vous d'accord, monsieur?
    Oui. En fait, les dispositions de ce projet de loi s'appliqueraient à tout travailleur étranger qui viendrait au Canada et qui se trouverait dans une situation de vulnérabilité. Cela pourrait inclure un travailleur peu qualifié, une aide familiale résidente ou une danseuse exotique.
    Combien de permis de travail avons-nous accordé à des danseuses exotiques au cours d'une année par le passé? Je sais que depuis quelque temps, nous avons cessé d'accorder ces permis de travail. Combien de permis de travail temporaires avions-nous l'habitude d'accorder pour les danseuses exotiques? Cinq cents? Six cents par année? Mille par année?
    En 2005, il y en a eu 66. L'année dernière, c'était 21.
    Et en 2004?
    Il faudrait que je vérifie le chiffre pour 2004, monsieur.
    Serait-ce deux fois plus qu'en 2005, trois fois plus qu'en 2005?
    C'est sans doute plus de cent.
    Plus de cent.
    Très bien. Combien de permis de travail temporaires accordons-nous chaque année à des travailleurs étrangers? Combien de permis avons-nous délivrés en 2004, 2005, 2006 et 2007?
    En 2006 nous en avons émis un peu moins de 113 000.
    Moins de 113 000.
    En 2005, un peu moins de 100 000.
    Très bien. Vous conviendrez donc avec moi, monsieur, qu'en faisant un calcul rapide, cela donne 1 p. 100 ou 0,01 p. 100?
    Pour le nombre de danseuses exotiques qui reçoivent des permis?
    Oui, par rapport à l'ensemble.
    Le nombre de danseuses exotiques qui ont obtenu un permis de travail représente une très faible proportion du total.
    C'est très minime.
    Par conséquent, le projet de loi que nous avons sous les yeux s'adresse à tous les travailleurs étrangers qui viennent au Canada et non pas uniquement aux stripteaseuses, n'est-ce pas?
    Ces dispositions s'appliquent à tout travailleur étranger qui peut se retrouver dans une situation de vulnérabilité.
    De vulnérabilité?
    Qui risque d'être exploité ou maltraité.
    Désolé, mais ces dispositions ne s'appliquent-elles pas à la totalité des 116 000 travailleurs qui viennent au Canada?
    Elles s'y appliquent, mais comme le précise le projet de loi, les agents d'immigration devront interpréter les instructions émises par le ministre qui relient certaines circonstances…
    Le projet de loi C-17 sera, en fait, une mesure administrative s'appliquant aux 113 000 permis de travail temporaires qui ont été émis l'année dernière. Il s'agit d'une mesure administrative qui s'y appliquera.
    Le projet de loi pourrait viser tout travailleur temporaire étranger qui ferait une demande de permis.
    Très bien. Par conséquent, quand la ministre dit que ce projet de loi vise à protéger les personnes vulnérables, elle parle des 66 ou 100 danseuses exotiques qui sont venues au Canada. Elle ne parle pas des 113 000 personnes qui ont demandé des permis de travail?
(1545)
    Je crois que la ministre parle des travailleurs qui risquent d'être maltraités ou exploités.
    Très bien. Monsieur Linklater, sur les 113 000 travailleurs, combien risquent d'être exploités, selon vous?
    C'est difficile à quantifier. Chaque cas est évalué sur une base individuelle et cela varie d'une année à l'autre et d'une situation…
    L'année dernière, en 2006, combien y en a-t-il eu?
    Combien de permis de travail nous avons émis?
    Non. Combien de permis de travail ont été émis à des personnes qui ont été victimes d'exploitation?
    Je ne peux pas vous citer de chiffre, monsieur. Cela dépend…
    Par conséquent, nous ignorons combien de personnes le projet de loi C-17 touchera, à part les danseuses exotiques.
    Nous savons qu'environ 20 000 travailleurs agricoles viennent chaque année au Canada. Nous savons qu'il y a environ 6 000 aides familiaux résidants qui demandent à venir chaque année.
    Et ils risquent d'être exploités?
    Il se pourrait que des employeurs exploitent ou maltraitent ces travailleurs étrangers temporaires.
    Comment l'agent d'immigration peut-il déterminer qu'un travailleur agricole ne sera pas exploité? Quels renseignements cet agent pourrait-il avoir, par exemple à Kingston en Jamaïque, pour établir que cette personne risque d'être exploitée?
    Les dispositions du projet de loi permettraient à l'agent…
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute trente secondes.
    … de voir, en fonction de la situation particulière de la personne qu'il a devant lui, et en fonction de son expérience professionnelle…
    Encore une fois, monsieur Linklater, j'ai du mal à croire qu'il est question ici de l'exploitation d'un travailleur agricole étant donné que l'agent d'immigration ne disposera d'aucun renseignement lui permettant de prendre une décision.
    Comme l'indique le projet de loi, monsieur, la ministre donnera des instructions reposant sur des preuves objectives et les agents devront en tenir compte pour évaluer la demande.
    Qu'est-ce que la ministre entend exactement par là ou cherche-t-elle à couvrir la centaine de danseuses exotiques qui se sont sans doute évanouies dans la nature au cours des années précédentes en cherchant à se venger sur les 113 000 personnes qui viennent travailler chez nous?
    Je tiens à vous dire clairement, monsieur, que la ministre a enrobé ces dispositions de façon à les imposer aux travailleurs qui demandent à venir au Canada et qu'elle va imposer de lourdes restrictions. Voilà le but de ce projet de loi, à mon avis.
    Comme je l'ai déjà dit, ces dispositions permettront de donner des instructions basées sur des preuves objectives nous permettant de relier… il est entendu que certaines situations présentent un risque d'abus, quel que soit le métier. Cette mesure ne cible pas des métiers particuliers.
    Monsieur, pourriez-vous fournir au comité des exemples de ces instructions afin que nous puissions les examiner avant d'appuyer ce projet de loi?
    Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas encore commencé à rédiger les instructions. Nous avons surtout cherché à élaborer…
    Une dernière question, monsieur le président.
    Monsieur, comment pouvez-vous nous demander d'appuyer cette mesure alors que vous ne savez pas exactement ce que vous allez faire?
    Comme je l'ai dit, les instructions seront établies à partir de preuves objectives. Nous devons faire des recherches minutieuses pour établir quelles sont les preuves disponibles.
    Vous visez au hasard.
    Le projet de loi confère à la ministre le pouvoir de permettre à un agent qui dispose de preuves objectives indiquant qu'une personne qui pourrait venir au Canada va être exploitée d'empêcher cette personne d'entrer dans notre pays. C'est bien cela?
    La loi permettrait au ministre d'élaborer des instructions qui seraient données aux agents dans les cas où des preuves objectives permettraient de croire à un risque d'exploitation ou d'abus. Les agents auraient l'obligation de tenir compte de ces instructions et de ces preuves pour prendre des décisions au cas par cas.
    Monsieur le président, j'ai une chose à vous demander.
    Pourriez-vous demander à la ministre un exemple de ces instructions? Pouvez-vous lui demander d'indiquer par écrit comment cela se passera?
    On nous demande d'étudier un projet de loi, mais les témoins qui comparaissent devant nous, et qui sont des experts, ne nous fournissent certainement pas des réponses suffisantes pour permettre au gouvernement et au Parlement de décider de l'appuyer.
(1550)
    Très bien. Je suis sûr que nous aborderons probablement la question au cours de l'étude article par article, mais en attendant, je pense que le greffier en a pris bonne note.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous tous d'être ici.
    Puisque c'est ma première intervention comme nouveau porte-parole du Bloc québécois, je tiens à dire que je suis très heureux de travailler avec vous. J'espère qu'on aura de bonnes délibérations et qu'on prendra les bonnes décisions pour la population.
    Plus tôt, j'ai entendu un échange sur les chiffres, mais j'en ai manqué quelques-uns. Par rapport à la dernière statistique de l'an dernier, ai-je bien compris que 116 000 permis étaient émis chaque année?
    On en a émis 113 000 l'an passé.
    Il y en a eu 113 000. J'étais proche.
    Je veux dire en 2006, monsieur.
    De ce nombre, combien concernaient des danseuses exotiques?
    En 2006, le nombre de permis de travail émis à des danseuses exotiques s'élevait à 21.
    On s'entend pour dire que c'est un sous-ensemble assez faible. De ce nombre, a-t-on évalué combien d'entre elles ont pu être exploitées au travail et combien n'ont pas eu de problème particulier?
    À moins que les autorités fédérales ou provinciales n'aient reçu des plaintes, on n'a pas de chiffres sur le taux d'abus ou d'exploitation potentiels.
    Ce projet de loi ne porte pas exclusivement sur les danseuses exotiques. Vous nous avez dit qu'il pourrait y avoir d'autres situations où les gens sont exploités. Il reste que, historiquement, l'origine de ce projet de loi est la question des danseuses exotiques.
    Avez-vous analysé la situation actuelle du marché, tant auprès des personnes arrivées de l'étranger qui dansent dans des bars ou des clubs qu'auprès de la population canadienne en général faisant le même travail?
    Non, nous n'avons pas fait une évaluation sur les danseuses au Canada.
    D'après moi, le problème est beaucoup plus large que ces 21 personnes. J'essaie de voir pourquoi le gouvernement, au moyen de ce projet de loi, met l'accent sur la restriction des personnes, dès leur entrée, afin de les protéger contre elles-mêmes, alors qu'il ne semble rien y avoir dans ce projet de loi qui va protéger les personnes qui sont déjà sur place.
    Est-ce que je me trompe? Y a-t-il des mesures dans ce projet de loi pour des personnes, des travailleuses canadiennes, par exemple, qui seraient victimes d'exploitation?
    Pour les Canadiens, non. Ce projet de loi traite seulement des étrangers qui viennent travailler au Canada. C'est notre mandat, et on ne veut pas autoriser l'entrée au Canada de gens qui pourraient être exploités ou dont des employeurs canadiens pourraient abuser.
    La loi parle de personnes qui risquent d'être assujetties à des traitements humiliants ou dégradants et qui pourraient être exploitées sexuellement. Ne s'agit-il pas là de situations qui sont déjà illégales?
    Si on reçoit un plainte de la part de la victime, oui. Néanmoins, ce projet de loi nous donnera le pouvoir de protéger le travailleur potentiel des abus, avant son entrée au Canada.
    Vous me dites qu'on veut protéger la personne du risque d'exploitation, une situation qui est déjà illégale au Canada. On n'a pas le droit d'exploiter quelqu'un, de le placer dans des situations dégradantes ou humiliantes.
    Cela dépend du cadre, mais en général, oui.
    D'accord. Comment l'agent d'immigration s'y prendra-t-il pour déterminer si, à l'endroit où la personne ira travailler, elle sera soumise ou non à de l'exploitation?
(1555)
    Ce projet de loi confère à la ministre le pouvoir d'élaborer et d'émettre des instructions aux agents d'immigration, avec des preuves objectives qui font un lien entre des situations d'exploitation ou d'abus, afin qu'ils puissent utiliser ces instructions pour déterminer l'authenticité de la demande du travailleur ou de la travailleuse.
    J'avais compris cette partie. Ce que je me demande, c'est comment ces agents feront, à partir de ces critères, pour déterminer si une personne sera exploitée à l'endroit où elle prévoit aller travailler après avoir fait une demande de permis d'emploi, puisqu'un permis d'emploi porte sur un lieu en particulier. Est-ce qu'ils le savent?
    Si vous me permettez, je peux vous présenter quelques scénarios qui vous aideront à comprendre les étapes.
    Allez-y.
    Prenons l'exemple d'un agent d'immigration qui reçoit une demande d'un jeune Américain qui veut venir au Canada travailler comme travailleur peu qualifié dans le domaine de la construction. Ce serait quelqu'un qui connaîtrait surtout l'anglais, peut-être le français, mais quelqu'un qui parlerait l'une des deux langues du Canada. Ce serait quelqu'un qui aurait oeuvré au sein d'un marché du travail assez développé, qui aurait une connaissance des normes du travail, qui aurait probablement des ressources suffisantes pour retourner dans son pays sans l'appui de quelqu'un d'autre et qui pourrait se créer un réseau d'appuis ici, au Canada. Au moment de l'évaluation de la demande de ce jeune Américain, même s'il possède des informations indiquant que, dans le domaine de la construction par exemple, il y a un risque que ce travailleur soit exploité, il se peut que l'agent décide malgré tout d'émettre le permis de travail, étant donné que les caractéristiques individuelles de cette personne indiquent qu'il a les ressources nécessaires pour se débrouiller.
    Par contre, on peut imaginer une autre situation. Imaginons le cas de quelqu'un qui provient d'un pays où on ne parle pas anglais, qui n'a pas beaucoup d'instruction, qui n'a pas de réseau d'appuis au Canada, qui n'a pas beaucoup de ressources personnelles, qui veut travailler dans un domaine pour lequel il ne connaît ni les responsabilités des employeurs ni les droits des travailleurs et qui, par conséquent, risque d'être renvoyé par l'employeur. Admettre cette personne serait probablement plus risqué que d'admettre le jeune Américain.

[Traduction]

    Il faudra continuer au deuxième tour. Nous en sommes à sept minutes et demie.
    Madame Chow.
    C'est généralement au niveau des intermédiaires, des recruteurs que les choses se passent mal. Est-il possible de légiférer pour interdire aux recruteurs de recevoir de l'argent et, en fait, leur interdire de réaliser un gros bénéfice? Ce sont des recruteurs à l'étranger qui font venir ces travailleurs étrangers dont certains sont des stripteaseuses. Y avez-vous songé ou avez-vous envisagé que le recruteur ait à obtenir l'approbation du pays d'origine? Si ces personnes viennent d'Ukraine, par exemple, les recruteurs devraient être autorisés par le pays où a lieu le recrutement. Ne serait-ce pas un moyen d'empêcher des gens sans scrupules de faire venir des travailleurs qui vont se faire exploiter?
    Nous nous intéressons aux recruteurs sans scrupules. Les provinces de l'Ouest et surtout l'Alberta ont des lois interdisant aux recruteurs de faire payer des honoraires aux travailleurs qu'ils recrutent. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, dans le cadre de notre travail en vue d'une réforme du programme de travailleurs étrangers temporaires, nous cherchons, en collaboration avec RHDSC, Service Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada à travailler avec les provinces pour être certains de travailler avec les recruteurs dignes de confiance.
    Un des problèmes que nous constatons en ce qui concerne les recruteurs c'est que nous apprenons leur présence uniquement si les requérants nous en parlent ou ont à s'en plaindre et, s'ils obtiennent un permis, il est peu probable qu'ils viendront se plaindre d'un recruteur.
    Si le projet de loi C-17 fait partie de notre panoplie, nous estimons pouvoir limiter les risques. Quand nous ferons l'évaluation de la demande, nous pourrons dire à la personne en question qu'étant donné les renseignements que nous possédons, la nature de l'emploi offert et ses caractéristiques personnelles, elle risque d'être victime d'abus.
(1600)
    Ne pourriez-vous pas préciser très clairement dans les directives politiques émises par la ministre que les recruteurs n'ont pas le droit d'accepter de l'argent…? Vos agents à l'étranger pourraient demander aux gens qui demandent à venir au Canada si la personne qui les recrute pour cet emploi reçoit de l'argent. Cela éliminerait ceux qui font la traite des femmes, car pour la plupart ils reçoivent de grosses sommes d'argent. Serait-il possible de l'inscrire dans ce document?
    Il faudrait que nous examinions les preuves permettant de relier cela directement aux abus et à l'exploitation. Nous n'en sommes pas encore arrivés au point…
    De quel genre de preuves auriez-vous besoin? S'il s'agit d'exploitation ou d'esclavage sexuel, en général l'intermédiaire qui fait venir ces femmes au Canada obtient beaucoup d'argent. Il vend ces femmes à d'autres gens au Canada qui en tirent de l'argent à leur tour, mais je suppose que ce sont surtout les intermédiaires à l'étranger qui empochent beaucoup d'argent.
    Je pense que votre question est en partie reliée au problème de la traite des personnes. Le Code criminel prévoit également des sanctions pénales à cet égard.
    Je parle de la politique d'immigration qui est le sujet de notre étude. Je ne parle pas du Code criminel.
    Quand votre agent rencontre le travailleur étranger, ne pourrait-il pas lui poser cette question? Ne pourrait-il pas lui demander si quelqu'un l'a recruté et a exigé de l'argent? Si la réponse est positive, cela devrait être un des motifs de refus.
    Ne serait-ce pas logique?
    Nos agents pourraient poser cette question, mais là encore cela dépend de la réponse que donnera la personne qui désire venir au Canada. Si elle ne fournit pas ce renseignement… Même dans ce cas, il nous serait très difficile de mettre un terme aux activités des recruteurs sans scrupules sans la coopération des autorités locales.
    Qui aurait les pouvoirs voulus pour s'attaquer à ces recruteurs sans scrupules? Est-ce la GRC ou le SCRS? Qui a le pouvoir de s'en prendre à eux?
    Si nous obtenons des preuves d'activités illégales, nous pouvons transmettre le dossier à l'Agence des services frontaliers du Canada pour qu'elle enquête et l'Agence peut collaborer avec la GRC pour intenter des poursuites criminelles si elle réussit à recueillir suffisamment de preuves.
    Pourriez-vous faire en sorte que le permis de travail se rapporte à l'emploi comme tel plutôt qu'à l'employeur, car pour le moment le permis, ou le visa, est accordé à l'employeur? Si le travailleur quitte cet emploi, il doit être expulsé ou obtenir un autre visa.
    Dans le cadre des réformes plus vastes que nous envisageons, si un travailleur se retrouve, malgré lui, dans une situation où il est menacé ou congédié par son employeur, nous cherchons à mettre en place des mécanismes grâce auxquels le travailleur ne sera pas pénalisé et c des sanctions seront prises contre l'employeur.
    Par conséquent, ce projet de loi se rapport aux 17 personnes qui sont venues en 2007 ou un chiffre de cet ordre.
(1605)
    Il y en a eu 21 en 2006.
    Il y en a eu 21 en 2006.
    Pourquoi ne pas examiner cette mesure en discutant à fond de certains des problèmes que j'ai évoqués afin d'avoir un projet de loi qui tienne compte de tous ces aspects au lieu de s'appliquer seulement à 21 personnes?
    Une bonne partie des pouvoirs de surveillance et d'application peuvent effectivement s'exercer dans le cadre de la réglementation. Le projet de loi C-17 cherche à combler une lacune en permettant de refuser d'accorder le permis compte tenu des circonstances. Par conséquent, même si l'employeur a un emploi légitime à offrir au Canada, si nous avons la preuve que, dans sa situation, l'intéressé risque d'être victime d'abus ou d'exploitation, nous pourrions refuser d'accorder le permis de travail pour protéger cette personne.
    Merci, monsieur Linklater et merci, madame Chow.
    Monsieur Komarnicki.
    Je vous remercie pour votre exposé.
    J'ai certainement quelques questions à vous adresser. Notre ancienne porte-parole du Bloc pour l'immigration, Meili Faille, dont nous avons parlé tout à l'heure, a déclaré ceci à propos de ce projet de loi:
Sur l'objectif de fond du projet de loi, nous partageons les mêmes valeurs. Nous trouvons tout à fait inacceptable que des personnes puissent, ici au Canada, subir des traitements dégradants, être atteintes dans leur dignité et être sujettes à de l'exploitation sexuelle. Nous sommes d'accord pour qu'on légifère et qu'on mette en place des mesures pour protéger ces personnes étrangères.
    Richard Murland, un avocat spécialiste de l'immigration, a déclaré ceci à l'émission The Verdict, du réseau CTV Newsnet: « L'objectif visé est d'empêcher tout traitement dégradant, humiliant, y compris l'exploitation sexuelle. »
    Pour résumer, le but n'est-il pas de protéger les travailleurs étrangers temporaires qui sont vulnérables? Si cela permet de protéger un travailleur vulnérable contre tout traitement humiliant ou dégradant, n'est-ce pas le résultat que ce projet de loi permettra d'accomplir?
    Si.
    On a mentionné la possibilité d'intervenir dans le cadre d'autres lois déjà en vigueur. Bien entendu, on peut penser au Code criminel ou peut-être aux dispositions contre le trafic des personnes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, mais il faut qu'une infraction ait été commise. Non seulement le Code criminel exige que l'infraction ait été commise, mais il faudrait intenter des poursuites devant les tribunaux, ce qui est long et coûteux. Il faudrait que l'infraction soit prouvée hors de tout doute raisonnable, etc., ce qui est assez compliqué.
    Il ne s'agit pas tant ici d'appliquer les lois existantes que de mettre en place une mesure préventive pour empêcher que d'autres personnes ne soient victimes d'exploitation ou d'un traitement dégradant, ce qui peut inclure des choses comme l'exploitation sexuelle.
    C'est exact.
    Ce que je retiens également de votre exposé c'est que, pour prévenir un traitement humiliant ou dégradant, y compris l'exploitation sexuelle, nous devons déployer des efforts à divers niveaux et à divers endroits et cela vaut autant pour le gouvernement fédéral que pour le gouvernement provincial, les ministères et agences gouvernementales, la police, la GRC et d'autres organismes. Il faut un ensemble d'outils. Vous avez de nombreuses solutions à votre disposition. Ce n'est qu'un des éléments de la panoplie.
    Êtes-vous d'accord pour dire que ce projet de loi est la réponse partielle à un problème plus vaste auquel nous nous attaquons à divers niveaux? Pensez-vous que c'est une solution qu'il faudrait adopter?
    Étant donné la croissance que le programme de travailleurs étrangers temporaires a connue ces dernières années, nous avons vraiment besoin d'une série de mesures pour permettre à notre économie d'acquérir les compétences dont elle a besoin, tout en prenant les dispositions voulues pour que les travailleurs ne soient pas maltraités ou exploités par des employeurs, des recruteurs ou des intermédiaires sans scrupules.
    Comme je l'ai dit, le projet de loi C-17 est un des outils qui nous permettront d'apporter une protection supplémentaire si l'intéressé possède les compétences requises pour faire le travail en question, mais risque d'être victime d'abus une fois au Canada en raison de sa situation personnelle, que ce soit une mauvaise connaissance de la langue, le manque de soutien ou son expérience personnelle.
    D'après ce que je vous ai entendu dire tout à l'heure, j'ai l'impression qu'en fait, les instructions se fondent sur des critères objectifs, que des recherches doivent être faites et qu'il doit y avoir un lien entre les instructions et l'objectif que vous visez. J'ai l'impression que certains types d'emplois exposent davantage les travailleurs étrangers à ce genre de risques.
    Il ne faut pas oublier non plus que le travailleur étranger risque d'arriver au Canada sans une connaissance suffisante de la langue. Il pourrait avoir du mal à s'intégrer dans notre économie ou notre société. Vous pourriez constater qu'il ne dispose pas de réseau de soutien pour être protégé contre ce genre d'abus. Vous tenez compte d'un ensemble de facteurs — le genre d'emploi, le genre de personne dont il s'agit — et vous pouvez alors décider de ne pas laisser venir cette personne, car vous savez quels sont les risques. Si j'ai bien compris, jusqu'à présent, le ministre n'avait pas le pouvoir discrétionnaire d'opposer un refus si la personne présente les qualités requises alors qu'il peut le faire dans le cas contraire. Cela équilibre les choses.
    Est-ce bien là l'essentiel de ces instructions?
(1610)
    Monsieur le président, j'ai expliqué tout à l'heure ce qui se passerait si le même emploi était offert à deux travailleurs de pays différents ayant des antécédents différents. S'il a la preuve que l'exercice d'un certain métier, dans une situation donnée, présente des risques, un agent pourra, même s'il a reçu des instructions, décider de délivrer un permis à une personne qui possède une bonne connaissance de la langue et les ressources voulues pour se tirer d'affaire tandis qu'il refusera de l'accorder à quelqu'un qui ne posséderait pas les qualités personnelles requises pour éviter de se faire exploiter.
    Toujours en ce qui concerne les différents outils, ces instructions représentent, comme je l'ai dit, une des nombreuses mesures qui sont prises à différents niveaux. Néanmoins, je me souviens que la ministre a récemment mis en place une politique ou des instructions permettant à des gens victimes de la traite des personnes ou exploités pour diverses raisons, y compris dans les cas d'exploitation sexuelle, la possibilité de s'en sortir, d'obtenir des services de counseling ou même de témoigner contre le trafiquant. Cette mesure englobe-t-elle ce genre de choses?
    Monsieur le président, le projet de loi C-17 complète certaines des mesures déjà prises. En juin, la ministre a annoncé la prolongation de 120 à 180 jours du permis de résidence temporaire pour les victimes de la traite des personnes. Cela va leur permettre d'avoir accès à des services, y compris des services de counseling pour les victimes de traumatisme.
    Merci.
    Voilà qui termine nos tours de sept minutes. Nous allons maintenant passer à des tours de cinq minutes.
    Monsieur Telegdi.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord placer les choses dans leur contexte. Nous devons en grande partie ce projet de loi à l'ancienne ministre, Judy Sgro, et à ce qu'on a appelé le « Strippergate », si vous voulez. En réalité, une ancienne stripteaseuse, qui avait épousé un Canadien, avait demandé un permis à la ministre afin de pouvoir rester au Canada pendant l'examen de son dossier. Voilà de quoi il s'agit. C'est arrivé parce que le ministère a refusé d'accorder ce permis. Il a pris des règlements et a fait retomber tout cela sur le dos de la ministre. La ministre a perdu son emploi. Personne au ministère n'a eu à en subir les conséquences.
    D'autre part, je crois que M. Karygiannis a soulevé une question très importante. Je voudrais des chiffres précis et voir comment ils s'appliquent.
    M. Jim Karygiannis: Cela représente 0,0006.
    M. Andrew Telegdi: Je voudrais voir les chiffres. Quand nous parlons des travailleurs qualifiés que le gouvernement va laisser entrer au pays, nous voulons être certains qu'ils ne seront pas exploités. Je sais qu'il y a des problèmes du côté des travailleurs agricoles, par exemple. Mais voyons quelle est la réalité pour ce qui est du projet de loi. Quoi qu'il en soit, je voudrais voir ces statistiques.
    Le secrétaire parlementaire parle d'un ensemble d'outils. En réalité, nos agents à l'étranger disposent de pouvoirs pratiquement illimités pour rejeter les demandes de visas.
    Je voudrais citer un cas qui se rapporte à l'Île-du-Prince-Édouard, votre région, monsieur le président, et dont on a parlé dans les médias. Une des conserveries de poisson a demandé des travailleurs étrangers. Sa demande a été approuvée. Ces travailleurs devaient venir de Russie, mais l'agent d'immigration a refusé de leur accorder un visa. Je ne sais pas si cette usine a dû fermer ses portes ou non.
    M. Jim Karygiannis: Quelle conserverie de poisson? Il n'y a pas de pêche.
    M. Andrew Telegdi: J'aimerais obtenir une réponse à ma question.
    D'autre part, le comité n'ignore pas que l'exploitation touche énormément les travailleurs sans papiers. Ces personnes sont vraiment vulnérables. La solution du gouvernement est d'essayer de les expulser alors qu'il y a des milliers de criminels que nous ne pouvons pas expulser comme nous devrions le faire parce qu'ils peuvent obtenir une audience devant la Section d'appel de l'immigration.
    Je tiens à placer les choses dans leur contexte et à m'assurer que nous obtiendrons des statistiques.
    En ce qui concerne les travailleurs vulnérables, nous avons des lois qui devraient tous les protéger. J'ignore si un agent d'immigration est capable de le faire ou non à partir de son poste à l'étranger. Je tiens à me montrer très prudent en ce qui concerne ce projet de loi. Nous ne pouvons pas régler cette question indépendamment du problème des travailleurs sans papiers. Si nous parlons d'exploitation, les travailleurs sans papiers qui sont des centaines de milliers au Canada, nous aident à bâtir notre économie. Il y a une énorme pénurie de main-d'oeuvre dans votre région du monde. Dans le nord du pays, à Sudbury, si vous voulez faire des travaux de construction, cela prend au moins deux ans. La situation est la même sur la côte ouest. Nous avons donc un énorme problème. Je ne vois pas en quoi cette mesure a la priorité sur cette situation. Quoi qu'il en soit, je voudrais qu'on nous présente des chiffres.
    D'autre part, les agents d'immigration ont plein pouvoir pour refuser l'entrée au pays. Il est incroyablement difficile de faire appel de ces décisions. Je suis donc très inquiet à l'idée d'accorder davantage de pouvoirs arbitraires aux agents de première ligne. Je constate quotidiennement à mon bureau que nous ne pouvons pas faire approuver des demandes de visas légitimes parce qu'un agent à l'étranger a opposé son refus. J'estime que si vous êtes un citoyen canadien né ailleurs, un citoyen canadien naturalisé, on ne devrait pas vous empêcher de recevoir les membres de votre famille dans votre nouveau pays à cause des pouvoirs discrétionnaires que possèdent ces agents.
(1615)
    Je suis vraiment inquiet à l'idée de conférer davantage de pouvoirs pour permettre aux agents de refuser d'accorder des visas.
    Très bien. Monsieur…
    Pouvez-vous assurer au comité que vous allez nous fournir des statistiques concernant la totalité des travailleurs étrangers pour montrer de quelles catégories ils font partie ainsi que les objectifs indiquant dans quelle proportion nous allons accroître ces nombres?
    C'est pour les cinq dernières années.
    Je veux les chiffres des cinq dernières années, mais également vos prévisions, car le gouvernement a parlé d'augmenter le nombre de travailleurs peu qualifiés.
    Je voudrais pouvoir donner…
    Très bien, monsieur Linklater, vous pourriez peut-être répondre à M. Telegdi. La question a duré six minutes, mais quoi qu'il en soit…
    Monsieur Linklater.
    Monsieur le président, nous devrions faire de M. Telegdi notre champion du plus grand nombre de questions.
    En effet.
    Monsieur Linklater, vous avez peut-être une brève réponse à donner qui ne durera pas cinq ou six minutes?
    Monsieur le président, nous nous ferons un plaisir de fournir des chiffres concernant le programme de travailleurs étrangers temporaires.
    Il nous est difficile de fournir des prévisions, car le programme dépend entièrement de la demande des employeurs et de leurs besoins. Nous ne fixons pas d'objectifs quant au nombre de travailleurs étrangers temporaires.
    Pour ce qui est des demandes refusées en vertu des pouvoirs qui sont proposés dans ce projet de loi, monsieur le président, je répète que nous proposons un refus en deux étapes. Tout refus d'un agent de première ligne devra être confirmé par un agent d'immigration principal.
    Merci.
    Monsieur Carrier, vous disposez de cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue.
    Je vais continuer dans la foulée des questions qui ont déjà été posées.
    En termes de statistiques, vous avez dit qu'on comptait 113 000 travailleurs temporaires en 2006 et que 21 de ces travailleurs étaient des danseuses exotiques. On semble se concentrer sur les danseuses exotiques, mais en fin de compte, il n'y a pas beaucoup d'autres données pouvant s'appliquer à d'autres secteurs de l'industrie.
    Pouvez-vous nous donner quelques indices qui justifieraient le fait qu'un projet de loi est présenté? Il faudrait qu'il s'agisse d'un potentiel supérieur à 21 personnes.
(1620)
    C'est une très bonne question, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vous répondrais qu'à notre connaissance, environ la moitié de tous les travailleurs étrangers temporaires qui viennent chaque année au Canada sont ce que nous appelons des travailleurs peu qualifiés qui ont besoin d'un niveau de scolarité ne dépassant pas les études secondaires pour exercer l'emploi qui leur est offert au Canada. Un grand nombre de ces personnes viennent de pays où l'on parle peu l'anglais ou le français. Le projet de loi C-17 permettrait certainement de protéger davantage ce segment de la population de travailleurs étrangers temporaires.
    D'autre part, comme on l'a mentionné, le nombre de travailleurs étrangers temporaires a augmenté ces dernières années, surtout pour ce qui est des travailleurs peu qualifiés, en raison de l'expansion économique. Nous estimons que les pouvoirs que prévoit le projet de loi C-17 aideront à assurer une protection plus vaste.

[Français]

    En ce qui concerne le rejet d'une demande, je me demande, étant donné que des instructions négatives pourraient être émises par la ministre, selon quels critères cette décision pourrait être prise. Est-ce qu'on tiendrait compte simplement de l'employeur impliqué dans la demande de travail temporaire plutôt que des personnes qu'on est prêts à accepter à titre de réfugiés?
    De toute façon, la plupart du temps, ce sont des gens vulnérables, dont on comprend la situation et dont on sait qu'ils peuvent se débrouiller dans notre société. Des lois et des normes sur le travail s'appliquent ici, au pays. Donc, nous ne devrions pas juger la personne qui fait la demande, mais plutôt nos propres employeurs. On est conscient du fait qu'en travaillant pour certains de ces employeurs, ces personnes vont nécessairement se faire exploiter. Étant donné qu'on connaît cet état de chose, je ne comprends pas qu'on bloque l'entrée au pays à des gens et qu'on ne pénalise pas les employeurs qui les exploitent. J'aimerais connaître votre réaction à ce sujet.
    Monsieur le président, comme je l'ai mentionné plus tôt, le projet de loi C-17 est l'un des outils que nous voulions ajouter à notre trousse. Par exemple, nous travaillons avec nos collègues de Ressources humaines et Développement social Canada en vue d'élaborer un cadre de surveillance des employeurs au Canada, et ce, en collaboration avec les provinces. La plupart d'entre elles ont la responsabilité de gérer les normes et le marché du travail. Le projet de loi C-17 va contribuer à ce cadre, qui va permettre d'offrir plus de protection aux travailleurs vulnérables.
    Compte tenu qu'en matière de normes du travail, on parle de lois appliquées par les provinces, j'imagine qu'une décision concernant une demande particulière serait nécessairement fondée sur un rapport émis par la province concernée. Celle-ci, et non un agent d'immigration qui ferait sa propre petite enquête, déterminerait si un employeur donné est à risque.
    Êtes-vous d'accord?
    Monsieur le président, en ce qui a trait aux directives qu'émettrait la ministre, elles devraient être fondées sur une recherche objective. Si, par exemple, on recevait d'une province un rapport indiquant qu'un secteur ou un employeur donné cause problème, ça pourrait faire partie des éléments pris en considération dans le cadre de l'élaboration des directives. Cependant, il faudrait agir prudemment et voir à ce que ça ne se reproduise plus.

[Traduction]

    Trois personnes ont dit qu'elles voulaient poser des questions. Comme il nous reste seulement six minutes environ, je vais accorder deux minutes à M. Komarnicki, deux à Mme Grewal et deux à Mme Beaumier.
    Je vais partager mon temps.
    D'accord. Limitez-vous à deux minutes afin que je puisse satisfaire tout le monde. Je veux donner la parole à tous ceux qui le désirent.
    Nous allons vous la donner, madame Beaumier.
(1625)
    Je sais qu'on a surtout parlé des danseuses exotiques et des statistiques. Ces statistiques ont peut-être une certaine pertinence, mais ce n'est pas cette catégorie de travailleurs le plus important. Quelle que soit la catégorie, l'important, c'est l'objectif de la loi. Ces statistiques ne vont donc pas forcément prouver quoi que ce soit. Ai-je raison?
    Comme je l'ai dit, les travailleurs peu qualifiés représentent environ la moitié des travailleurs temporaires admis chaque année.
    Il faut aussi mettre en place certaines garanties. Non seulement vous exigez que la décision soit prise par deux agents du ministère, mais les instructions doivent être publiées dans la Gazette et leur application doit faire chaque année l'objet d'un rapport au Parlement ou à la Chambre, n'est-ce pas?
    Oui. Il est prévu que les instructions seront publiées dans la Gazette et qu'elles entreront en vigueur à la date de la publication ou à la date stipulée dans la Gazette. Un avis sera également publié en cas d'annulation des instructions. En ce qui concerne les refus, cette décision devra être approuvée par un deuxième agent d'immigration.
    Très bien. Merci.
    Monsieur Batters.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie que les fonctionnaires prennent la peine de comparaître devant le comité.
    J'ai une brève question à vous poser, monsieur Linklater. J'espérais que nous allions l'aborder, mais nous ne l'avons pas encore fait.
    Nous sommes tous d'accord, je pense, avec l'objectif du projet de loi C-17. Cela soulève simplement un bon nombre de questions qui portent sur les détails et ce sont les détails qui comptent. Je crois nécessaire qu'on nous explique beaucoup mieux comment nos agents des visas à l'étranger vont appliquer ces dispositions pour prendre leurs décisions.
    Par exemple, disons que Mme X, de Hongrie, se voit offrir au Canada un emploi par un employeur qu'un grand nombre d'entre nous et la plupart des Canadiens jugerait sans scrupules, c'est-à-dire le propriétaire d'un salon de massage. Son contrat de travail indique qu'elle va travailler comme femme de ménage, serveuse ou massothérapeute, mais ce n'est pas la réalité. Elle sait exactement quel genre de travail elle va faire. Elle sait qu'elle va travailler dans l'industrie du sexe et qu'elle va faire des choses qui sont illégales au Canada.
    N'est-il pas vrai que Citoyenneté et Immigration Canada va collaborer avec des partenaires comme la GRC ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada pour repérer les employeurs sans scrupules et en dresser une liste afin d'aider les agents des visas à l'étranger? D'après ce que j'ai compris en lisant le projet de loi C-17, à moins que nos agents à l'étranger n'aient la liste des employeurs sans scrupules, on peut leur raconter toutes sortes d'histoires. Comment peuvent-ils établir qui va exercer un emploi légitime sans se faire exploiter et qui se fera exploiter au Canada?
    Bonne question.
    Répondez brièvement si vous le désirez, monsieur Linklater.
    Monsieur le président, le projet de loi C-17 permettrait aux agents de CIC de refuser un permis de travail à une personne en raison de ses caractéristiques personnelles. Pour le moment, lorsque ces personnes risquent d'être victimes d'abus ou d'exploitation, si les critères sont remplis, la Loi et les règlements les obligent à délivrer un permis de travail.
    Il s'agit ici d'accorder au ministre le même pouvoir pour opposer un refus que pour lever une interdiction de territoire.
    En fait, il s'agit d'une brève question subsidiaire. Le but visé est-il de créer une liste d'employeurs sans scrupules qui permettra aux agents de visas de dire que la GRC a la preuve que ces employeurs ont été impliqués dans l'exploitation ou la traite des femmes, par exemple. Est-ce le but recherché?
    Je pense que M. Linklater comprend la question, monsieur.
    Monsieur le président, dans le cadre de notre collaboration régulière avec RHDSC, nous cherchons des moyens de mieux surveiller les employeurs qui utilisent le programme et d'imposer des sanctions à ceux qui en font un usage abusif.
(1630)
    Monsieur Batters, avez-vous obtenu votre…? Nous n'obtenons jamais toutes les réponses que nous voulons.
    Madame Beaumier.
    Monsieur le président, je trouve très frustrant de parler aux fonctionnaires de l'Immigration. J'ai toujours l'impression que nous sommes dans deux camps opposés, ce qui ne devrait pas être le cas. Ce n'est pas de ma faute.
    Premièrement, vous n'avez pas la capacité de faire ce que vous proposez, . Nous n'avons pas la capacité de faire des vérifications de sécurité dans les pays étrangers. Nous avons de longues listes d'attente. Nous n'avons pas la main-d'oeuvre voulue pour faire ce que vous suggérez.
    Quand vous parlez de preuves objectives, ce n'en est pas vraiment, surtout dans le cas des pays du tiers monde. Ce sont de simples ragots. Nous constatons que bien des gens se voient refuser l'entrée au Canada parce qu'un voisin ou un parent jaloux a téléphoné à l'ambassade. Il ne s'agit pas de preuves objectives.
    Dans l'ensemble, je considère que ce projet de loi confère seulement davantage de pouvoirs à la bureaucratie. Vous établissez le règlement d'application. Les règlements ne sont pas des lois du Parlement. Ils sont établis par les bureaucrates.
    Désolée de fulminer ainsi. Quand vous dites que deux agents interviennent, souvent, les deux agents refusent d'accorder un visa de visiteur, soit celui qui signe le refus et celui qui l'approuve.
    Nous n'avons pas consacré suffisamment d'argent à l'immigration. Dans les pays du tiers monde, nous faisons faire une bonne partie de notre travail par d'autres. Nous savons qu'ils ne travaillent pas exactement de la même façon que nous. Nous savons qu'en payant quelques roupies, vous pouvez passer devant les autres dans la file d'attente.
    Nous n'avons pas le personnel voulu. C'est comme pour les médecins au Canada. Nous n'avons pas le personnel requis pour examiner toutes ces demandes de façon juste et impartiale.
    Nous ne sommes pas vraiment dans deux camps opposés, même si j'en ai souvent l'impression. Vous n'avez pas les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre cette mesure. Vous n'en avez tout simplement pas les moyens. Quelles ressources seront mises en place pour la mise en oeuvre de cette nouvelle loi? Nous ne nous inquiétons pas non plus de l'exploitation des Canadiens. Les Canadiens se font constamment exploiter.
    Nous sommes à court de temps. Nous avons d'autres choses à faire.
    Monsieur Linklater.
    Le budget de 2007 accordait à RHDSC et CIC 50 millions de dollars pour faire face à l'augmentation du volume de demandes de travailleurs étrangers temporaires. Ces ressources seront déployées pour faire face à l'augmentation du nombre de demandes.
    Quant à savoir ce qui constitue des preuves objectives, les recherches qui ont été publiées et examinées par des pairs seront la principale source des preuves qui serviront à élaborer des instructions.
    Je tiens à vous remercier, au nom du comité, pour votre présence ici aujourd'hui. Vous nous avez énormément éclairés au sujet du projet de loi. Merci. Nous l'apprécions.
    Monsieur le président, je voudrais seulement qu'une chose soit bien claire. Je veux des renseignements au sujet de ce qu'il est advenu des travailleurs qui devaient travailler dans la conserverie de poisson de l'Île-du-Prince-Édouard.
    Je pense que le greffier en a pris note et nous veillerons à obtenir la réponse à votre question.
    Merci.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement avant que les témoins ne partent. Ils ont promis de nous fournir certains renseignements. Par votre entremise, je voudrais demander directement aux témoins quand ils pensent pouvoir nous fournir ces réponses.
    Le secrétaire parlementaire va vouloir nous faire adopter le projet de loi C-17. Je ne veux pas que nous retardions les choses en attendant d'obtenir une réponse. Comme nous ne pouvons pas aller de l'avant à moins de recevoir des réponses, je voudrais savoir quel est le délai que vous jugez acceptable.
    Nous obtiendrons ces renseignements rapidement.
    Absolument, monsieur le président.
    Qu'entendez-vous par « rapidement »?
    Je ne veux pas imposer de délai.
    Nous allons retarder l'adoption du projet de loi C-17 jusqu'à ce que nous obtenions ces renseignements, monsieur le président. C'est-ce que vous proposez?
    Les fonctionnaires savent, je crois, que nous voulons obtenir ces renseignements le plus rapidement possible.
    Je suis certain que ce sera fait.
(1635)
    Je suppose que nous allons laisser le projet de loi C-17 de côté jusqu'à ce que nous obtenions ces renseignements.
    Non, nous allons obtenir ces renseignements Merci.
    Avant de passer aux témoins suivants, je dois vous dire que le comité directeur va se réunir demain. Nous devons avoir un représentant de chaque parti au comité directeur. Nous avons besoin de votre autorisation pour que M. St-Cyr remplace Mme Faille au comité directeur.
    Monsieur le greffier.

[Français]

    Le poste de vice-président est maintenant vacant. Je suis prêt à recevoir des motions à ce sujet.
    Monsieur Carrier.
    Je voulais justement proposer mon collègue Thierry St-Cyr, qui va remplacer Meili. Le poste serait très approprié, dans son cas.

[Traduction]

    M. Carrier a proposé que M. St-Cyr soit élu deuxième vice-président du comité.
    J'appuie cette motion.
    Elle est appuyée par M. Karygiannis.
    Le comité a entendu la motion.
    Plaît-il au comité d'adopter la motion?
    (La motion est adoptée.)
    Bien. Merci, monsieur St-Cyr.
    Vous savez, bien entendu, que nous avons une réunion demain matin à 10 heures.
    Je voudrais maintenant demander à notre deuxième groupe de témoins de prendre place.
    Je ne sais pas si tout le monde a eu l'occasion de prendre la documentation concernant le projet de loi. Elle se trouve sur la table. Elle contient d'excellents renseignements. Bien entendu, il y a aussi le travail que Mme Barnett a fait au sujet de cette mesure. Je suppose que vous l'avez.
    Nous allons procéder à l'audition de notre deuxième groupe de témoins. Leslie Ann Jeffrey est professeure agrégée au Département d'histoire et de politique de l'Université du Nouveau-Brunswick, à Saint John. Elle est l'auteure de nombreuses publications sur le lien entre la traite des personnes et l'immigration.
    Le Conseil canadien pour les réfugiés est représenté ici aujourd'hui par Francisco Rico-Martinez, son ancien président.
    Le représentant du Canadian Centre for Abuse Awareness est M. John Muise. Mme Janet Dench est également ici.
    Bienvenue.
    Bien entendu, vous connaissez notre façon de procéder. Vous ferez une déclaration préliminaire, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
    Qui va faire une déclaration? Avez-vous une déclaration à faire au comité? Veuillez procéder dans l'ordre que vous préférez.
    Dans ce cas, nous allons commencer.
    Madame Jeffrey.
    Je suis professeure dans le domaine des relations et de la politique internationale et je m'intéresse particulièrement aux droits de la personne, aux problèmes sexospécifiques et à la traite des femmes.
    Je tiens à vous dire aujourd'hui que ce projet de loi ne règle pas le problème de la traite des personnes. En fait, il va y contribuer. C'est un bon exemple du genre de mesures contre la traite qui font actuellement l'objet de vives critiques de la part de divers groupes un peu partout dans le monde. Il s'agit notamment de la Global Alliance Against Traffic in Women, de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Ce projet de loi limite les droits des femmes au lieu de les renforcer et crée donc des conditions propices à une augmentation de la traite.
    La traite se distingue du trafic d'immigrants en ce sens que ceux qui la pratiquent gardent sous leur coupe les travailleurs migrants de façon à exploiter leur travail dans leur nouveau pays. Pour cette raison, cette forme de traite profite des obstacles à la migration des travailleurs et des mauvaises conditions de travail. Ce projet de loi renforce les obstacles sans s'attaquer aux conditions de travail abusives et il contribue donc au problème plutôt qu'à la solution.
    Ce projet de loi risque d'avoir plusieurs répercussions. L'une d'elles est la discrimination à l'endroit des femmes. Cette loi va cibler directement les migrantes, et surtout celles qui vivent dans la pauvreté, ce qui va réduire leurs possibilités de migrer de façon sûre et légale ainsi que leur droit de migrer et de rechercher du travail à l'étranger. C'est en raison du préjugé à l'endroit des femmes en tant que migrantes indépendantes, des suppositions générales quant à la vulnérabilité des femmes et de l'opinion selon laquelle la danse exotique est une forme d'exploitation. Par conséquent, les agents d'immigration vont probablement viser les femmes avec cette loi.
    Deuxièmement, cela augmente le risque de traite des femmes. En ciblant les femmes « pour leur bien », le projet de loi va forcer les migrantes pauvres qui cherchent à travailler au Canada, y compris comme danseuses exotiques, à chercher d'autres moyens plus précaires et plus dangereux d'entrer dans notre pays. Elles risquent notamment de se tourner vers des intermédiaires qui exigeront des gros paiements et profiteront d'elles dans leur milieu de travail.
    Troisièmement, on ne s'attaque pas aux conditions de travail. Il est très problématique que le Canada décide de s'attaquer à l'exploitation des travailleurs migrants en cherchant à freiner leur migration légale au lieu d'améliorer leurs conditions de travail. La traite vise surtout les emplois précaires qui ne sont pas protégés par la législation du travail, une surveillance gouvernementale et des organisations syndicales. Dans le cas des danseuses exotiques, par exemple, leur exploitation résulte de l'incapacité à faire appliquer les lois qui régissent déjà le travail, la santé et la sécurité, du fait que les danseuses travaillent à contrat et que les employeurs comme les danseuses ne connaissent pas leurs droits et responsabilités en milieu de travail. Les travailleurs migrants connaissent très peu les lois et pratiques en vigueur au Canada dans le secteur de la danse exotique, ce qui les exposent à l'exploitation.
    Quatrièmement, ce projet de loi ne tient peut-être pas compte des autres formes de travail forcé et de traite. Sa raison d'être — et par conséquent, ce sera probablement aussi le cas des instructions du ministre — reflète une préoccupation problématique à l'égard de l'industrie de la danse exotique sans tenir compte des problèmes très similaires existant dans d'autres secteurs qui peuvent et doivent être résolus. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrants, Jorge Bustamante, a reçu de nombreuses plaintes au sujet du traitement des travailleurs migrants au Canada et a même demandé, je crois, à faire une visite officielle au Canada. Ce projet de loi ne tient pas compte du contexte plus large de l'exploitation des travailleurs migrants au Canada et ne fait rien pour y remédier.
    Enfin, il existe des solutions plus efficaces pour lutter contre la traite, des solutions qui ne limitent pas les droits humains des migrants et qui répondent donc à nos obligations internationales telles qu'énoncées par le Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies au sujet des mesures contre la traite des personnes, à savoir qu'elles ne doivent pas nuire aux droits et à la dignité des migrants. D'autre part, le comité des droits de l'homme qui supervise la Convention internationale sur les droits civils et politiques dont notre pays est signataire, dit que ces mesures doivent être proportionnées et le moins intrusives possible.
    Les mesures que le gouvernement pourrait prendre consistent d'abord à permettre aux travailleurs étrangers temporaires de changer d'employeur afin de pouvoir quitter un employeur qui les exploite sans avoir à partir du pays.
    Deuxièmement, il faut exiger que les employeurs respectent certaines normes du travail et ne se contentent pas de démontrer qu'ils ont besoin de main d'oeuvre pour pouvoir engager des travailleurs migrants. Ces employeurs devraient être supervisés et, là encore, comme l'exige le Haut Commissaire aux droits de la personne, il faudrait que leurs contrats soient validés et que les lois du travail soient appliquées.
    Troisièmement, vous devez veiller à soutenir les organisations de travailleurs qui peuvent surveiller si les travailleurs migrants sont exploités dans les lieux de travail, informer les travailleurs migrants de leurs droits et offrir des recours aux travailleurs exploités. Cela comprend, pour les danseuses exotiques, l'appui aux organisations de travailleuses de ce secteur, ce qui est particulièrement important pour les emplois très dépréciés.
    Quatrièmement, il faut faire en sorte que les travailleurs migrants, y compris les danseuses exotiques, soient informés au sujet des lois, des règlements municipaux, des services juridiques et sociaux dans leur propre langue afin qu'ils sachent ce qu'il doivent faire si leurs droits sont violés ou menacés.
(1640)
    Enfin, il faut que le Canada signe la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille qui énonce les mesures à prendre pour protéger les travailleurs migrants contre l'exploitation dans le cadre des droits humains, comme le demande le Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Louise Arbour.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Muise, avez-vous une déclaration à faire?
    Merci pour cette occasion de témoigner devant le Comité de l'immigration.
    Je dirai d'abord que je suis retraité du Service de police de Toronto après 30 années de service. J'ai pris ma retraite l'année dernière et je suis le directeur de la Sécurité publique au Canadian Centre for Abuse Awareness. Cela fait près de deux ans que j'occupe ce poste plus ou moins à plein temps, mais avant cela, je l'ai occupé à titre bénévole pendant plusieurs années.
    Je suis venu à Ottawa un certain nombre de fois pour témoigner au sujet de plusieurs projets de loi touchant la justice pénale, mais c'est la première fois que je comparais devant votre comité. Je vous remercie donc de votre invitation.
    Depuis 1993, le Canadian Centre for Abuse Awareness, un organisme uniquement financé par des dons de charité, sensibilise le public au sujet du coût réel de la négligence en soutenant les victimes de la violence faite aux enfants. Le CCAA, qui a son siège à Newmarket, en Ontario, au nord de Toronto, est dirigé par un groupe dévoué d'employés et de bénévoles qui assurent un appui à 70 organismes partenaires. Nous avons un petit entrepôt et nous leur distribuons divers articles, entre autres activités. Que ce soit en concrétisant les rêves d'un enfant, en aidant les victimes de crime, en élaborant des programmes et en créant des ressources pour la prévention des mauvais traitements ou en revendiquant publiquement des modifications à la loi — c'est là mon rôle —, le CCAA s'est engagé à mettre un terme aux abus envers la personne.
    En 2004, le CCAA a fait le tour de la province de l'Ontario où ses représentants ont parlé à 150 spécialistes de première ligne en justice pénale, à des victimes de crime, à des survivants de mauvais traitements et à d'autres personnes intéressées. Ces démarches ont débouché sur la publication d'un rapport baptisé le rapport Martin's Hope en témoignage à Martin Kruze. Certains d'entre vous connaissent ce nom. Il a été victime des agressions sexuelles commises contre des enfants au Maple Leaf Gardens. Dans une démarche courageuse, Martin a révélé publiquement les sévices dont il avait été victime, mais seulement quatre jours après la condamnation du coupable à deux ans de prison moins un jour — et c'est ce qui a été, je crois, le coup fatal — il s'est jeté du haut du viaduc de Danforth.
    Ce rapport contient 60 recommandations dont 40 proposent au gouvernement fédéral des réformes législatives. Nous avons publié ce rapport en 2004 et nous poursuivons nos efforts en vue d'obtenir la mise en oeuvre de nos recommandations. Un grand nombre d'entre elles se rapportent à l'exploitation des enfants dans le commerce du sexe, le tourisme sexuel et d'autres questions de ce genre.
    En ce qui concerne le projet de loi à l'étude aujourd'hui, il ne fait aucun doute que la traite des personnes constitue un grave problème dans le monde. La traite des femmes et des enfants est un problème mondial qui cause énormément de souffrances à des centaines de milliers de personnes et de familles. Les pays d'où proviennent ces personnes sont le plus souvent des pays du tiers monde ou en développement où règne la pauvreté, où la primauté du droit n'est qu'un rêve inaccessible et où la corruption est endémique. Ce trafic est décrit en détail dans un certain nombre de publications du gouvernement et des ONG qui s'entendent à reconnaître son existence.
    Le Canada n'est pas considéré comme un pays d'origine, mais c'est un pays de destination et de transit pour les femmes et les enfants victimes de la traite des êtres humains. Ces victimes proviennent surtout de pays d'Asie et d'Europe de l'Est ainsi que de plusieurs autres régions du monde. Les victimes asiatiques arrivent souvent à Vancouver et dans l'ouest du Canada tandis que les victimes d'Europe de l'Est aboutissent à Toronto et dans d'autres centres urbains de l'est du pays.
    Le fait que nous soyons un pays de destination ne devrait pas nous étonner. Compte tenu de nos débouchés économiques, de la primauté du droit, de la quasi-inexistence de la corruption au niveau du gouvernement et de l'absence de conflit et de violence au sein de la société — toute une abondance de bienfaits — faut-il s'étonner qu'autant d'immigrants veuillent venir chez nous dans l'espoir de partager la vie merveilleuse que nous avons ici au Canada? Quelles que soient les raisons ou les intentions de la personne qui arrive, elle espère que sa vie va s'améliorer et non pas le contraire.
    Le commerce du sexe, tant légal qu'illégal, se porte bien au Canada, que ce soit dans les clubs de striptease ou de danse exotique, sur les trottoirs, dans les salons de massage, dans les sites Internet de pornographie infantile, dans les agences d'hôtesses, dans les bordels, dans les services de rencontres par téléphone ou par Internet ou dans les centres dits de relaxation, entre autres. Quiconque a feuilleté les dernières pages de n'importe quel quotidien indépendant comme NOW ou Eye Weekly, de Toronto, a vu ces annonces exposées au vu et au sus de tous qui insistent largement sur le groupe ethnique et l'âge. L'âge doit être jeune.
    Ce commerce illégal du sexe n'a rien de bien secret. Page après page, des petites annonces offrent toutes sortes de services sexuels contre paiement et un grand nombre d'entre elles insistent sur le groupe ethnique de la jeune femme. Le commerce du sexe prospère au vu et au sus de tous et ce qui est offert est évident.
(1645)
    Nous ne croyons pas que les gens décident, un beau matin, en se réveillant qu'ils vont faire carrière dans le commerce du sexe. Les choix personnels mettent généralement quelqu'un sur cette voie — à moins qu'on ne se serve de faux prétextes ou de la force — mais c'est presque toujours le résultat de conditions de vie comme la pauvreté, les mauvais traitements et les autres circonstances sociales négatives auxquelles on cherche à échapper dans son propre pays ou à l'étranger. Même si certaines de ces personnes font ce choix volontairement, la majorité d'entre elles finissent par être victimes de violence affective et physique, d'une toxicomanie résultant de la consommation forcée de drogues et d'un vol de leurs revenus. Un bon nombre d'entre elles deviennent ainsi des esclaves sexuelles.
    Telle est la situation dans laquelle se retrouve une Canadienne qui aboutit dans le commerce du sexe. La vulnérabilité d'une étrangère qui vient avec un visa temporaire est encore plus grande.
    Si le CCAA soulève cette question ce n'est pas pour demander au comité d'éliminer le commerce du sexe. Cela n'arrivera jamais. Le commerce du sexe a toujours existé et existera toujours. Nous nous soucions des personnes vulnérables et à risque, des personnes que nous considérons — et nous croyons que la société partage de plus en plus ce point de vue — comme des victimes de crime. Soyez certains que les personnes qui offrent leurs services dans les dernières pages de ces quotidiens sont, comme bien d'autres, les victimes de crimes graves. Certaines sont les victimes de la traite des être humains.
    Nous cherchons surtout à voir comment notre société peut le mieux réduire les risques pour les personnes qui sont vulnérables entre les mains de ces entrepreneurs et prédateurs sexuels. Nous pensons que des solutions sont possibles sur divers fronts, que ce soit la poursuite, la prévention ou l'éducation. Je parlerai brièvement de certaines de ces dimensions avant de conclure.
    J'ai également entendu avec plaisir Mme Chow, M. Komarnicki, M. Carrier et M. Batters parler de certaines des mesures à prendre en même temps que cette loi ou après.
    Comme vous le savez tous, l'amendement proposé dans le projet de loi C-17 et précédemment, dans le projet de loi C-57, vise à protéger contre l'exploitation et les abus les étrangers vulnérables qui viennent travailler au Canada. Pour ce faire, un agent d'immigration ou un agent des visas pourra, avec l'accord d'un deuxième agent qui sera sans doute son supérieur, refuser à un étranger l'autorisation de travailler au Canada si cette personne « risque de subir un traitement dégradant ou attentatoire à la dignité humaine, notamment d'être exploité sexuellement ». C'est ce que dit le projet de loi. Les lignes directrices ou le règlement d'application devront être publiés dans la Gazette du Canada.
    Nous savons que la politique actuelle du gouvernement interdit pratiquement l'entrée au pays à quiconque demande à travailler comme danseuse exotique. Nous saluons les efforts déployés sur ce front pour réduire l'exploitation sexuelle. Nous croyons que le projet de loi concrétise ces bonnes intentions politiques en clarifiant la loi. Autrement dit, ce sera écrit noir sur blanc et les instructions prévues pourront être modifiées, selon les besoins, et publiées dans la Gazette du Canada que tous les citoyens pourront lire chaque semaine. Nous estimons qu'il s'agit là dune approche ouverte et transparente et nous l'appuyons.
    Je sais que certains d'entre vous se sont demandé pourquoi cette mesure est nécessaire si, en pratique, la politique du gouvernement ferme déjà la porte aux personnes qui cherchent à entrer comme danseuses exotiques. Tout comme la porte a récemment été fermée aux danseuses exotiques, les gouvernements futurs pourraient la rouvrir. Grâce à cette loi, si un gouvernement cherchait à le faire, nous en serions informés en voyant la nouvelle politique publiée dans la Gazette du Canada.
    De plus, en raison du libellé de la modification habilitante que prévoit le projet de loi C-17, il serait difficile de le faire de façon radicale. À notre avis, c'est une bonne façon de mener les opérations gouvernementales tout en améliorant la sécurité publique et la prévention de la criminalité.
    Nous appuyons l'amendement proposé, mais nous croyons nécessaire de souligner la nécessité de s'attaquer au problème de la traite des personnes sur un certain nombre de fronts. Certains d'entre vous ont participé aux travaux du Comité de la condition féminine concernant le trafic des personnes ou vous en avez certainement entendu parler. Des circonstances indépendantes de notre volonté nous ont empêchés d'y participer, mais nous avons préparé un certain nombre de recommandations en vue d'une réforme législative et politique visant le commerce du sexe. Nous les avons incluses dans notre rapport intitulé Martin's Hope. Vous les trouverez également dans notre site Web à l'adresse www.ccfaa.com. Je remettrai cela tout à l'heure au greffier.
    Quoi qu'il en soit, si nous voulons protéger les personnes les plus vulnérables, il faut qu'en poursuivant ce travail essentiel, vous accordiez davantage d'attention à ces questions prioritaires, en plus du projet de loi. Les trois choses qui requièrent beaucoup d'attention, selon nous, sont notamment la nécessité de travailler avec toutes les provinces pour favoriser l'adoption de lois provinciales permettant d'intervenir pour sauver les enfants victimes du commerce du sexe et prévoyant de meilleurs mécanismes d'octroi de permis pour permettre d'entrer sans condition dans les établissements et de les fermer, de saisir les biens des prédateurs sexuels et de les poursuivre. Ce sont les établissements où nous trouverons certaines des personnes victimes du commerce sexuel. Certains d'entre eux figurent ici dans ce magazine.
(1650)
    Nous devrions travailler de concert avec les provinces afin de fournir aux autorités policières locales et provinciales les ressources voulues pour créer des unités spécialisées dans la lutte contre le trafic des personnes et des autres formes d'exploitation sexuelle. Nous applaudissons la première étape de la création d'une unité de coordination nationale et le soutien accordé aux victimes de la traite des personnes, y compris la prolongation des visas de travail et la protection des victimes qui dénoncent ces abus.
    En réalité, pour nous attaquer à ce problème de façon systématique et pas seulement par hasard comme c'est le cas actuellement pour la plupart de ces enquêtes, nous avons besoin de policiers sur le terrain aux niveaux local et provincial. Des organismes comme la Police provinciale de l'Ontario et le Service de police de Toronto doivent pouvoir se charger de ces opérations.
    Il s'agit enfin d'assurer la formation des agents d'immigration — je sais que Mme Chow y a fait allusion — pour qu'ils reconnaissent mieux les personnes qui risquent le plus de se retrouver sur le marché de la prostitution et leur refusent l'entrée si le risque est élevé. De plus, nous devrions faire en sorte que le gouvernement dispose de suffisamment de personnel pour faire des enquêtes de suivi au Canada lorsque certains travailleurs temporaires risquent davantage d'être victimes d'exploitation sexuelle. Ce sont là certaines des choses dont M. Carrier, M. Batters et M. Komarnicki ont parlé.
    Le comité songera peut-être à demander au groupe de travail interministériel d'examiner ces trois recommandations et d'y donner suite.
    Enfin, nous tenons à remercier le comité de nous avons donné l'occasion d'intervenir dans ce dossier très important pour la sécurité du public. Si le CCAA peut faire quoi que ce soit à propos du dossier de la traite des personnes ou des questions que je viens de soulever, nous sommes prêts à l'aider.
    Merci beaucoup.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Nous devons partir à 17 h 30. Nous désirons poser des questions, mais je ne voudrais pas vous empêcher de prendre la parole. Pour gagner du temps, si vous avez une autre déclaration à nous faire, vous pourriez peut-être la résumer un peu afin de nous laisser le temps…
    Par souci de justice, si vous invitez trois groupes, je crois normal d'accorder autant de temps à chacun de ces trois groupes.
    Nous allons essayer de le faire.
    Monsieur Karygiannis.
    Si vous le permettez, je voudrais que nous invitions le dernier groupe à revenir. Nous avons des questions à poser aux deux premiers témoins, surtout le deuxième, au sujet de certaines de ses déclarations. Je pense qu'il serait injuste envers les autres de ne pas leur consacrer autant de temps.
    J'accepte d'entendre une intervention de plus, après quoi je vais…
    À quelle heure allons-nous entendre la sonnerie, monsieur le président?
    La sonnerie va retentir à 17 h 30 pour le vote qui aura lieu à 17 h 45.
    Nous avons donc cinq minutes de plus.
    Oui, nous pouvons continuer un peu plus longtemps.
    Madame Dench.

[Français]

    Merci.
    Je vais partager le temps qui nous est alloué avec mon collègue M. Rico-Martinez.
    Le Conseil canadien pour les réfugiés est un organisme de regroupement qui compte à peu près 170 organismes membres dans tout le Canada. Cette année, nous fêtons 30 années de travail au service des réfugiés et des immigrants. Notre mission est axée sur la protection des réfugiés au Canada et dans le monde, et sur l'établissement des réfugiés et des immigrants au Canada. Nous avons des activités dans de nombreux domaines et nous avons eu le privilège, par le passé, de témoigner devant ce comité au sujet de plusieurs de ces enjeux.
     En ce qui concerne notre intérêt pour la question de la traite des personnes, ce sujet a préoccupé nos membres depuis plusieurs années. Avec l'appui du gouvernement fédéral, nous avons organisé une série de consultations aux plans local et national en 2003, dans le but de promouvoir la sensibilisation et d'élaborer des recommandations. Ces consultations nous ont permis d'identifier deux priorités: d'abord, une sensibilisation accrue à la réalité de la traite au Canada et, deuxièmement, le besoin de mesures de protection pour ses victimes.
    Depuis ce temps, nous poursuivons notre travail sur les questions relatives à la traite, sous la coordination d'un sous-comité du CCR qui regroupe des représentants de plusieurs villes au Canada, afin de promouvoir le réseautage des militants anti-traite partout au pays.

[Traduction]

    Pour ce qui est de notre opinion à l'égard du projet de loi C-17, quand sa version précédente, le projet de loi C-57, a été déposée, nous avons émis un communiqué que vous avez dû recevoir.
    Nous nous opposons au projet de loi C-17. Non seulement il ne protège pas les droits des victimes de la traite des personnes qui sont déjà au Canada, mais son approche est condescendante et moraliste. Il donne aux agents des visas le pouvoir de décider quelles sont les femmes qui doivent être tenues à l'écart de notre pays dans leur propre intérêt.
    Nous jugeons le projet de loi C-17 problématique à plusieurs égards. Premièrement, le projet de loi n'aborde pas Ie problème fondamental de I'existence au Canada d'emplois qui exposent les travailleurs à « un traitement dégradant ou attentatoire à la dignité humaine ». Les permis de travail ne peuvent être émis par les agents des visas qu'après la validation de I'offre d'emploi par Ressources humaines et Développement social Canada. Pourquoi de tels postes sont-ils offerts au Canada s'ils sont dégradants pour les employés?
    Deuxièmement, seuls quelques permis de travail ont été délivrés à des danseuses exotiques ces dernières années. Le temps parlementaire serait plus profitable s'il était consacré à s'attaquer au problème plus large de I'exploitation des non-citoyens au Canada.
    Troisièmement, le projet de loi propose d'aborder Ie problème de I'exploitation en excluant les gens, pour la plupart des femmes, du Canada. II est humiliant pour les femmes qu'un agent des visas décide si elles devraient être exclues du Canada pour leur propre protection.
    Le projet de loi n'aborde pas non plus la situation des non-citoyens les plus vulnérables : ceux qui n'ont aucun permis de travail valide. En fait, en refusant des permis de travail, on risque d'exposer des femmes à une plus grande vulnérabilité en les confinant à la clandestinité.
    L'accent mis par Ie gouvernement sur les stripteaseuses trahit une approche moralisatrice. Plutôt que de porter un jugement moral, Ie gouvernement devrait s'efforcer de s'assurer que les droits des non-citoyens sont protégés et qu'ils peuvent faire en toute liberté des choix éclairés pour leur propre bien.
    Nous disons également que si l'on soupçonne un cas de traite de personne, on ne peut pas simplement refuser un permis de travail à une femme sans la référer aux institutions ou aux autorités locales compétentes pour qu'elles assurent sa protection et poursuivent les criminels impliqués. Cela va clairement à l'encontre des obligations internationales que nous confère le protocole des Nations Unies.
(1700)
    Merci.
    C'est au tour de M. Rico-Martinez.
    Étant donné que nous nous opposons à ce projet de loi, nous avons formulé une proposition dont vous avez le texte.
    Comme nous l'avons déjà mentionné, une de nos priorités est d'assurer la protection des victimes de ce trafic qui sont au Canada. C'est ce que nous préconisons depuis de très nombreuses années. En 2006, les directives mises en place par le ministre, M. Solberg, pour les permis de résidence temporaire nous ont semblé être un pas dans la bonne direction. Néanmoins, après avoir surveillé leur application de ces lignes directrices, nous sommes convaincus que ces directives ne suffisent pas à protéger les victimes de la traite des personnes.
    Nous jugeons nécessaire de modifier la loi afin de mettre en place une politique claire et permanente pour protéger les victimes de la traite des personnes. Étant donné que la loi prévoit des mesures pour poursuivre les trafiquants, il est normal qu'elle comporte également des mesures pour protéger les victimes. Les directives n'ont qu'une portée limitée. Nous le savons. Elles n'ont pas force de loi et peuvent être modifiées aussi facilement qu'elles sont adoptées, comme nous le savons également.
    Nous avons jugé utile d'élaborer une proposition complète énonçant les dispositions que nous croyons nécessaires. Nous vous la présentons et nous allons en lire les principaux éléments.
    Le principal objectif de la Loi contre la traite des personnes doit être de protéger les droits des victimes de la traite. Ce projet de loi ne le fait pas.
    Le Canada devrait adopter la définition de la traite des personnes qui figure dans le protocole des Nations Unies. Ce projet de loi ne le fait pas.
    Une protection doit être offerte sans condition aux victimes de la traite. Ce projet de loi ne le fait pas.
    Il faut offrir une protection temporaire immédiate si l'on a des raisons de croire qu'une personne est victime de la traite. Ce projet de loi ne le fait pas.
    La résidence permanente peut être accordée dans certains cas une fois que la victime a eu le temps de prendre une décision dans son propre intérêt. Ce projet de loi ne le permet pas.
    Nous devons supprimer du règlement d'application la disposition qui fait du risque de traite un facteur de détention, y compris pour les enfants. Les victimes de la traite des personnes devraient être considérées comme les victimes d'un crime et non pas comme des criminels.
    Je vais conclure sur quelques observations supplémentaires. Ce projet de loi requiert une analyse sexospécifique. Les trafiquants exploitent la vulnérabilité des gens et, en général, les femmes et les enfants ont tendance à être plus vulnérables que les hommes dans ce domaine. La traite des personnes enlève à ses victimes tout contrôle sur leur vie. Il est donc extrêmement important d'aborder le problème de façon à redonner à ces personnes le plein contrôle sur leur vie. Le projet de loi C-17 fait exactement le contraire en éliminant des options au lieu de conférer davantage de pouvoir.
    En Europe de l'Est, il y a quelques années, pour faire face au problème du trafic des femmes, les autorités frontalières ont refusé l'admission des femmes qui essayaient de traverser la frontière. Cela a peut-être rendu ce trafic plus difficile, mais en entraînant une discrimination à l'endroit des femmes qui essayaient simplement de traverser la frontière pour vaquer à leurs occupations.
    Pour ce qui est des enfants, ce projet de loi les a entièrement laissés tomber. Les enfants comptent parmi les victimes de la traite de personnes. Le projet de loi C-17 ne les protège pas, car il mentionne seulement les travailleurs temporaires, ce qui signifie les personnes âgées de plus de 18 ans et non pas les enfants.
    Les personnes qui sont illégalement au Canada sont également parmi les victimes d'exploitation. Le projet de loi C-17 ne les protège pas, car elles sont déjà au Canada.
    Nous vous invitons à étudier notre proposition et à faire le nécessaire pour que les principes qui y sont énoncés soient adoptés. Merci beaucoup.
(1705)
    Comme il y a sept personnes qui désirent poser des questions, compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je crois souhaitable de faire des tours de cinq minutes, après quoi nous verrons où nous en sommes.
    Madame Beaumier, vous êtes la première.
    Je regrette que vous n'ayez pas comparu en premier. Nous aurions pu nous passer des autres témoins, car vous avez abordé des sujets très intéressants.
    M. Muise a parlé de l'exploitation sexuelle des enfants. Je ne vois pas quel est le rapport avec l'immigration ou même ce projet de loi.
    Janet, j'ai été extrêmement impressionnée par ce que vous avez dit. Ce projet de loi ne s'attaque pas à l'exploitation. Il impose des restrictions de plus en plus importantes, selon le bon vouloir de la bureaucratie. Nous parlons des gens qui se font exploiter au Canada, mais que faisons-nous? Nous les récompensons en les expulsant ou en leur enlevant leur permis de travail.
    Il y a actuellement au Canada un certain nombre de gens qui sont exploités parce qu'ils doivent travailler dans la clandestinité. Non seulement ils sont exploités, mais ils exploitent le système. Ils ne paient pas d'impôts, mais ils n'ont pas droit aux mêmes avantages que les Canadiens. Je trouve que c'est regrettable.
    Quand vous parlez de la traite des personnes, je ne sais exactement ce que vous entendez par là. Cette traite ne se fait pas par des moyens légaux, n'est-ce pas? Les trafiquants font entrer les gens clandestinement. Je ne vois pas comment vous pouvez obtenir un permis de travail à la frontière.
    Monsieur Muise, je ne comprends pas le rapport entre l'immigration et l'exploitation sexuelle ou la traite des enfants. Je ne comprends tout simplement pas.
    J'aimerais donc que nous disposions de plus de temps.
    Peut-être que quelqu'un pourra répondre à certaines de ces questions.
    Merci, madame Beaumier.
    Oui, je voudrais répondre à votre question quant à la façon dont se pratique la traite des personnes au Canada. D'après ce que nous avons constaté, divers moyens sont utilisés et c'est une des raisons pour lesquelles nous disons que ce projet de loi ne va pas améliorer la situation, car il met seulement l'accent sur une des façons d'entrer au Canada.
    Il est vrai qu'une personne pourrait arriver au Canada avec un permis de travail temporaire et se retrouver sous la coupe de trafiquants qui l'exploitent. Mais ce n'est pas la seule façon. Des gens peuvent entrer sans aucun visa.
    Il y a des enfants qui entrent au Canada et que l'on emploie à des tâches domestiques, sans les envoyer à l'école. Il y a toutes sortes de circonstances différentes. À certains égards, une personne qui détient un permis de travail temporaire se trouve dans une meilleure situation que celle qui n'en a pas et c'est une des raisons pour lesquelles l'élimination des options légales ne nous paraît pas très positive.
    J'ajouterais simplement qu'ils utilisent aussi d'autres moyens. Nous avons au moins deux exemples, à mon bureau, de personnes qui ont été exploitées. Elles sont venues avec un visa d'étudiant. Ce n'était pas leur intention initiale. D'autres personnes arrivent avec un visa de visiteur et sont exploitées après leur entrée au Canada.
    Par conséquent, il y a un lien très étroit entre les moyens légaux d'entrer au Canada et la traite des personnes, et c'est ce que nous avons constaté en pratique.
    J'ajouterai deux choses. Je considère qu'un enfant est une personne âgée de moins de 18 ans. Quelqu'un d'autre pensera peut-être que c'est une personne âgée de moins de 15 ans. La possibilité est donc bien là et je pense que Mme Dench en a parlé.
    Néanmoins, j'ai mentionné une des trois autres solutions dont l'une — et c'est pourquoi je parle des enfants — consiste à agir au niveau des permis et à légiférer pour sauver les enfants, ce qui doit être fait dans chaque province étant donné que le sauvetage des enfants est une responsabilité provinciale. Il faut donc agir au niveau des permis pour les établissements où la traite se pratique. Les enfants et les victimes de la traite se retrouvent dans ces endroits. Les exploitants disent que c'est réservé aux plus de 18 ans, parce que cela leur permet d'éviter des ennuis avec la police.
    Par conséquent, il y a un lien important. Je ne dis pas que la traite se limite à l'exploitation sexuelle, mais il ne fait aucun doute que cela constitue un élément important de ce trafic dans le monde, y compris au Canada.
(1710)
    Je ne vois pas comment vous pensez que ce projet de loi va améliorer les choses. Il se contente de conférer aux bureaucrates un pouvoir discrétionnaire plus important pour refuser un visa. Vous pouvez être absolument certain que les bureaucrates ont déjà le pouvoir d'empêcher l'entrée des gens qui, à leur avis, vont se faire exploiter.
    Nous tâcherons d'y revenir dans la question suivante.
    Merci, madame Beaumier. Désolé, mais je dois imposer des limites assez rigoureuses.
    Nous passons à M. St-Cyr.

[Français]

    Merci à tous d'être ici. Vos présentations étaient très intéressantes.
    Il y a eu des commentaires concernant le projet de loi qui nous est soumis. Mme Dench et M. Rico-Martinez nous ont dit qu'ils étaient clairement contre ce projet de loi. Vous avez fait des propositions d'amendement ou de modification. Vous comprendrez qu'en raison des procédures parlementaires, on ne peut pas soulever ces nouveaux aspects, mais il m'apparaît que vous pensez que le projet de loi, dans sa forme actuelle, entraîne plus de problèmes que de solutions. J'en conclus que vous me recommandez de voter contre.
    Le propos de Mme Jeffrey était également assez clair.
    Vous avez fait l'énumération, il me semble, de quatre autres mesures qu'on devrait plutôt favoriser pour venir à bout de ce problème. L'une d'elles m'a échappé. J'ai pris en note le droit de changer d'employeur en cas de difficulté, d'effectuer une vérification de l'employeur au préalable pour s'assurer qu'il respecte véritablement ses employés. J'ai inscrit en quatrième lieu, je pense, l'information sur les droits de ces gens, c'est-à-dire de s'assurer que les employeurs sont au courant des droits à respecter.
    Y en avait-il une troisième? M'en manque-t-il une et si oui, laquelle?

[Traduction]

    Le dernier élément était la Convention des Nations Unies sur les droits des travailleurs migrants, dont le Canada n'est pas signataire. Aucun des grands pays industrialisés ne l'est. Néanmoins, un grand nombre de pays en développement l'ont ratifiée. Cette convention, qui est l'une des meilleures que j'aie jamais vues, établit quels sont les droits fondamentaux à protéger pour tous les travailleurs migrants dans tous les pays, qu'ils soient en situation légale ou illégale. Elle favorise la migration légale et ordonnée en accordant davantage de droits à ceux qui régularisent leur situation. C'est ce que prévoit cette convention.
    Le 18 décembre, la Journée internationale des migrants, le Haut Commissariat a déclaré que les pays devraient signer et ratifier cette convention.

[Français]

    Je vais poursuivre avec M. Muise parce que vous avez également énuméré toute une série d'autres recommandations quant à ce qu'on pourrait faire pour diminuer les abus. Mais en ce qui concerne ce projet de loi, comme parlementaires, on va avoir à jauger s'il comporte plus d'effets positifs que négatifs. Personnellement, nous recommandez-vous de voter en faveur ou contre ce projet de loi?

[Traduction]

    Premièrement, je vous recommande de voter pour.
    Si vous ne faites pas certaines des choses que j'ai suggérées, ou qui ont été suggérées par d'autres personnes ici… Je ne pense pas que le projet de loi fera plus de mal que de bien, mais il n'aura pas beaucoup d'effets positifs. Si vous n'ajoutez pas… C'est un premier pas. Je crois que M. Komarnicki l'a désigné comme tel. C'est un premier pas. Je considère que c'est une loi très importante. Nous nous soucions des droits des gens qui viennent ici. Si vous ne prenez pas les autres mesures qui sont préconisées, cela ne voudra pas dire grand-chose.
(1715)

[Français]

    Je vais vous arrêter parce que j'aimerais soulever une dernière question. J'aimerais savoir si c'est pour vous tous un sujet de préoccupation. Nous sommes préoccupés, de notre côté, par la marge de manoeuvre importante donnée à la ministre ou au ministre de l'Immigration dans l'émission de directives aux agents d'immigration, directives dont les parlementaires, finalement, ne pourront contrôler l'étendue. Est-ce quelque chose qui vous préoccupe? Je pense particulièrement à ceux qui travaillent avec les réfugiés et peut-être aussi à Mme Jeffrey.
    Oui, effectivement, c'est une question qui nous préoccupe parce qu'il revient aux parlementaires de tracer le cadre législatif et ensuite de pouvoir s'assurer que les fonctionnaires travaillent à l'intérieur de ce cadre. Quand vous donnez énormément de pouvoir, sans encadrement, qui sait ce qui peut arriver sous un futur gouvernement, par exemple.

[Traduction]

    Également, si vous vous souvenez de l'exemple que le fonctionnaire du ministère a donné, il est évident que si la personne en question parle très bien l'anglais, qu'elle a déjà vécu dans un pays occidental ou qu'elle parle le français… Il semble clair que nous exerçons une discrimination à l'endroit des personnes qui ne parlent pas bien l'anglais ou le français ou qui n'ont pas une expérience de l'Occident, ce qui n'est pas l'objectif du projet de loi. Cet exemple montre très bien quels seront les effets de cette mesure.

[Français]

    Madame Jeffrey.

[Traduction]

    Je ne saurais trop insister sur le problème que posent les déclarations des fonctionnaires quant au fait que cela se basera sur des preuves. Ce ne sera pas le cas. Nous n'avons pas de preuves tangibles de la traite des personnes dans le monde. C'est un problème énorme. Aux États-Unis, le Government Accountability Office a reproché à la CIA et au Département d'État de n'avoir pas pu fournir des statistiques acceptables. Le gouvernement américain a reconnu que ses chiffres étaient totalement inexacts, ce qui est un énorme aveu. Il a déclaré qu'il y avait chaque année aux États-Unis 17 000 victimes de la traite des personnes. On n'en a trouvé que 150 par année. Quelque chose ne va pas. Le procureur général a déclaré au Congrès, en 2006, que les chiffres du Département d'État étaient peut-être entièrement inexacts.
    Nous nous servons des chiffres fournis par le Département d'État dans son rapport sur le Canada pour estimer la gravité de la situation au Canada. Il n'y a pas de preuves concrètes, et même les études évaluées par les pairs sont loin d'être d'accord au sujet des méthodologies utilisées. Ce projet de loi ne prévoit pas que les victimes de la traite des personnes pourront aider à recueillir des preuves. Il n'y a pas de mécanisme pour surveiller les effets de ces dispositions sur les femmes ou pour vérifier si ces mesures sont efficaces et il n'y a pas de procédure d'appel en cas de refus.
    Tous ces aspects sont problématiques.
    Merci beaucoup.
    Madame Chow.
    Monsieur le président, pourrais-je poser une question?
    Pouvons-nous apporter un nombre considérable d'amendements à ce projet de loi pour tenir compte de tout ce qui a été proposé? Si c'est le cas, il me semble logique de poser toutes ces questions.
    Oui, nous pourrions très bien renvoyer ce projet de loi à la ministre en proposant des amendements, mais nous devons d'abord entendre les différents témoins qui comparaissent devant le comité. Nous nous réunirons ensuite pour voir s'il y a lieu d'apporter des amendements. Les membres du comité auront cette possibilité, bien entendu.
    Merci.
    Je me demande si vous travaillez avec des homologues à l'étranger. La question que j'ai posée tout à l'heure portait sur les consultants, les intermédiaires. À mon avis, ces intermédiaires posent un énorme problème.
    Je crois que le manuel d'exploitation baptisé IP 9 ou d'un nom de ce genre est en préparation depuis deux ans. Il n'est toujours pas prêt, ce qui veut dire que les agents sur le terrain qui rencontrent ces travailleurs migrants — ou quel que soit leur nom, les gens qui sont exploités lorsqu'ils viennent au Canada — n'ont pas vraiment le pouvoir ou la responsabilité de s'occuper des intermédiaires. À l'heure actuelle, au Canada, le Secrétariat de CIC, le ministère de l'Immigration est censé s'en charger, mais le Secrétariat est au sein du ministère de l'Immigration alors que c'est l'ASFC qui est chargée l'application de la loi. La main droite ne semble pas s'occuper de ce que fait la main gauche, ce qui veut dire que ceux qu'il faut punir, ce sont les intermédiaires, les consultants, les proxénètes, ceux qui font la traite de ces personnes.
    Existe-t-il un moyen, grâce à ce projet de loi ou une loi ou un manuel quelconque, de s'attaquer à la source du problème en empêchant les consultants d'agir, qu'ils fassent venir des travailleurs agricoles, des aides familiaux, des danseuses exotiques ou qui que ce soit d'autre au Canada?
(1720)
    Je ne sais pas exactement ce que font les consultants.
    D'autre part, du point de vue de la police, la traite des personnes est quelque chose de très nouveau au Canada. Je peux vous dire que mes ex-collègues, avec qui je communique régulièrement, connaissent tous le projet de loi C-49, de 2005, et sont au courant de la modification concernant la prolongation du visa de travail. Ils reconnaissent qu'ils ont une unité spéciale pour les victimes et que ces personnes sont des victimes. Ils doivent changer leur façon de procéder et ils l'ont fait sur un certain nombre de plans.
    Vous pouvez adopter cet amendement, que j'appuie, mais vous n'atteindrez pas votre but, madame Chow, sans un échange permettant, par exemple, à des unités spéciales de la police de collaborer avec l'agent des visas, l'ASFC ou les homologues des agents des visas ici au Canada pour échanger des renseignements. Par exemple, les policiers peuvent dire à l'agent des visas à l'étranger qu'ils ont maintenant la preuve, et non pas de simples ouï-dire, qu'un consultant ou un employeur ici au Canada fait des choses répréhensibles, se livre à la traite des personnes et fait travailler des esclaves sexuels.
    Voilà comment les choses se passent. Je dois dire que pour le moment, en ce qui concerne l'exploitation, les services de police qui ont des unités spécialisées s'intéressent surtout à la pornographie infantile sur Internet. Ils ont besoin des ressources nécessaires.
    Combien de travailleuses du sexe qui ont été expulsées avant de témoigner dans une poursuite connaissez-vous? J'en entends constamment parler. On devait y mettre un terme.
    En fait, un seul trafiquant a été poursuivi en vertu de la LIPR et il a été déclaré non coupable. Ce que les travailleuses du sexe me disent, à moi et aux autres, c'est qu'elles savent qu'elles viennent faire ce genre de travail, ce qui les rend aussitôt coupables d'avoir communiqué ou d'avoir été trouvées dans une maison de débauche en vertu du Code criminel. Cela ne répond pas à la définition de la « traite » aux termes de la LIPR.
    Très bien. Désolé, madame Chow. Je voudrais pouvoir vous accorder plus de temps.
    Monsieur Komarnicki, s'il vous plaît.
    Je vais être bref et je vais partager mon temps avec Mme Grewal.
    Je voudrais féliciter John Muise d'avoir souligné qu'il n'est pas seulement question ici de la traite comme telle, mais de la différence entre un étranger et un Canadien, et le fait que l'étranger est peut-être plus vulnérable pour les diverses raisons dont nous avons parlé. Si j'ai bien compris ce qu'il a dit, même si toutes sortes d'autres choses sont absentes de ce projet de loi, c'est un pas dans la bonne direction.
    J'ai également remarqué que la coalition Stop The Traffik a dit appuyer les changements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés visant à protéger les travailleurs vulnérables. Également, le groupe The Future a dit que la ministre de l'Immigration, et je cite « … a pris une mesure importante pour protéger les femmes contre l'exploitation sexuelle et mettre un terme à un programme par lequel le Canada était complice de la traite de personnes ».
    C'est un pas dans la bonne voie. Bien entendu, le but visé est d'empêcher que des personnes ne soient soumises à un traitement dégradant et attentatoire à la dignité humaine. Je trouve intéressant que le Conseil canadien pour les réfugiés préfère, si j'ai bien compris, qu'aucune mesure ne soit prise à moins qu'elle ne soit vraiment complète. Personne ne contestera, je pense, que d'autres mesures pourraient être prises, mais je trouve curieux que cet organisme s'oppose à ce qu'un premier pas soit fait.
    Je vais céder la parole à Mme Grewal.
    Allez-y, madame Grewal. Nous entendrons ensuite M. Rico-Martinez.
    Monsieur Muise, le 16 mai 2007, lors d'une interview sur le réseau CTV Newsnet, vous avez dit que ce projet de loi fait partie des mesures à prendre pour protéger les femmes et les enfants dans notre pays. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez déclaré à l'appui de cette mesure?
(1725)
    Certainement. Au risque de me répéter, je pense qu'il s'agit d'une loi de portée générale. Les gens disent que le ministre est libre de faire ce qu'il veut. La seule différence est que cela sera publié dans la Gazette du Canada que nous pourrons tous lire. Si les députés ne sont pas satisfaits de ce qui est publié dans la Gazette du Canada, je suppose qu'ils vont s'empresser d'en parler à la période des questions. Je pense que c'est une excellente chose.
    Cette loi énonce une politique et si elle était associée à certains autres éléments permettant aux forces policières de surveiller certains de ces établissements… Mme Beaumier n'est pas là et c'est pourquoi je parle des enfants, car il y a également des enfants dans ces établissements en plus des femmes victimes de cette traite. Si la police pouvait intervenir dans ces établissements et communiquer avec les agents d'immigration à l'étranger et leurs homologues qui sont ici, sur tous les fronts, nous pourrions utiliser la loi…
    Ne pensez-vous pas que c'est déjà le cas?
    Très peu, monsieur Karygiannis. En ce qui concerne l'application de la loi au niveau local, nous n'en sommes qu'à nos premiers balbutiements. Lorsqu'il y a une intervention, que ce soit en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le projet de loi C-49 ou le Code criminel, c'est généralement par accident parce qu'une unité examine l'ensemble de la situation. Il nous reste beaucoup de chemin à faire.
    Merci, monsieur Muise.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste environ cinq à dix secondes. Je voudrais donner la parole à une dernière personne avant de passer à une question que nous devons régler.
    Monsieur Telegdi.
    Merci beaucoup.
    Je crois que le Conseil canadien pour les réfugiés voulait répondre à ce qu'a dit le secrétaire parlementaire, mais qu'il n'en a jamais eu l'occasion.
    Madame Jeffrey, j'ai beaucoup apprécié votre contribution et celle aussi du Conseil canadien.
    Ces dernières semaines, on a pu lire un article à ce sujet dans les journaux et peut-être pourriez-vous nous éclairer. Je me suis demandé où le retrouver, car j'aimerais beaucoup suivre cette affaire. Il s'agissait d'un cas de personnes d'origine russe qui ont été victimes de ce trafic à Toronto, qui se sont plaintes à la police, ce qui a permis un coup de filet.
    Je pense que si l'on veut mettre un terme aux activités de ces trafiquants, il faut faire savoir aux gens que s'ils les dénoncent, ils bénéficieront d'une amnistie.
    Je vais citer très rapidement l'exemple d'une personne qui travaillait illégalement et qui a été victime d'une agression sexuelle. Elle a téléphoné à la police. Elle avait l'air très jeune et la police a arrêté le pédophile. Les services d'immigration ont ensuite voulu expulser la victime parce qu'elle était en situation irrégulière au Canada.
    J'ai quelque chose de gentil à dire à propos de M. MacKay et de M. Jason Kenney, car je leur ai demandé d'intervenir. Nous avons fait arrêter la procédure d'expulsion de cette femme en moins de 24 heures. Depuis elle a obtenu la résidence permanente.
    Comme je le leur ai dit, ils faut se demander si l'on veut vraiment faire savoir à tous ces immigrants illégaux que s'ils parlent et s'ils envoient quelqu'un derrière les barreaux, nous allons les expulser parce qu'ils n'ont pas de visa. Ces deux collègues ont réussi à obtenir un permis pour cette femme qui a pu rester au Canada. Voilà le genre de messages que nous devrions envoyer.
    John, je pense que vous seriez également d'accord. Ce sont des mesures très réalistes à prendre si nous voulons mettre un terme à cette situation.
    Ce qui m'ennuie vraiment à propos de ce projet de loi, c'est qu'il confère aux bureaucrates davantage de pouvoir pour opposer un refus et qu'ils vont obtenir davantage d'argent pour le faire. Du point de vue politique — et je m'attends à ce que ce soit abordé aux prochaines élections — nous aurons adopté une loi pour empêcher les stripteaseuses de venir au Canada.
    Ces deux dimensions, l'une politique et l'autre bureaucratique, s'accordent pour donner une mauvaise loi. Nous n'allons pas pouvoir résoudre ce problème. Nous n'adopterons jamais ce genre de loi.
    En attendant, des Canadiens de deuxième génération nés à l'étranger perdent leur citoyenneté pendant que nous tardons à adopter une nouvelle loi. Le gouvernement a dit que c'était une priorité, mais rien ne bouge. Nous nous lançons sur une fausse piste avec une loi qui ne nous mènera absolument nulle part, si ce n'est que le gouvernement adorerait pouvoir dire qu'il a éliminé le problème. Cela n'aidera personne.
    John, étant donné que vous semblez approuver cette mesure, cette dépense de 50 millions de dollars, ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux dépenser cet argent pour éduquer les gens, enquêter sur ce trafic, étant donné que les Canadiens en sont également victimes?
    Je vais vous demander de répondre très rapidement tous les trois.
(1730)
    Monsieur Muise.
    J'aime ce projet de loi. Je suis optimiste. J'espère qu'on y ajoutera ce genre de choses.
    J'estime qu'il faut s'opposer à ce projet de loi. Il aura un effet diamétralement opposé à celui que vous recherchez.
    Si je comprends bien, à moins que vous ne donniez votre consentement unanime pour continuer quelques minutes, nous devons nous arrêter là.
    Deux réponses ont été données. Il manque la troisième.
    Ai-je votre consentement unanime pour qu'une autre réponse soit donnée?
    Des voix: D'accord.
    Je précise que nous sommes contre ce projet de loi, mais que nous ne nous opposons pas à ce que des mesures soient prises. Nous avons préparé une proposition que nous vous exhortons à examiner séparément. En attendant, nous vous demandons instamment de rejeter ce projet de loi, car nous estimons qu'il va dans la mauvaise direction. Il y a bien d'autres choses que nous demandons de faire au gouvernement, mais nous vous demandons de vous opposer à ce projet de loi.
    Merci d'être venus ici aujourd'hui. J'aimerais que nous ayons plus de temps. Merci infiniment. Si nous avons encore besoin de vous, nous vous appellerons, bien entendu.
    Pourrais-je demander aux membres du comité de rester quelques instants?
    Avons-nous votre consentement unanime pour entendre le rappel au Règlement de M. Karygiannis?
    Des voix: D'accord.
    Le président: La parole est à M. Karygiannis pour un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, l'année dernière, avant que le comité ne s'ajourne pour l'été, nous avons remis une liste de témoins pour nos divers sujets d'étude. Pourquoi le greffier nous a-t-il demandé de soumettre de nouveau cette liste?
    J'ai déjà porté cette question à votre attention et vous m'avez dit que cela ne devrait pas être nécessaire.
    Je voudrais savoir si nous soumettons…
    C'est une liste de témoins à propos de quoi?
    C'est pour les réfugiés, pour les travailleurs illégaux…
    Vous parlez de sujets d'étude.
    Vous voulez parler de sujets d'étude.
    Nous avions soumis une liste. Pourquoi revient-on sur cette question? Nous avons demandé…
    Nous pourrions peut-être poser la question au greffier.
    Avez-vous demandé une nouvelle liste de témoins?
    Oui.
    Est-ce parce que nous n'avions pas une liste complète?
    Non, c'est parce que…
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    … il y a eu des changements dans la composition du comité. Le comité actuel n'est pas lié parce ce dont le comité précédent avait convenu lors de la session précédente. Il est donc normal que les nouveaux membres aient la possibilité d'apporter leur contribution.
    Très bien.
    Vous avez obtenu une explication. Nous pourrons en parler de nouveau une autre fois, si vous le désirez.
    La séance est levée.