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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 032 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 2 juin 2008

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 32e séance du Comité permanent du commerce international. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des négociations canado-colombiennes en matière de libre-échange.
    Au premier tour, nous accueillons des représentants de la Chambre de commerce du Canada et de l'Institut canadien du sucre.
    Monsieur Julian.
    Monsieur le président, juste pour être sûr d'avoir bien compris, est-ce que les discours en espagnol seront diffusés en direct en français et en anglais?
    C'est un bon point de départ.
    Comme nos délibérations se dérouleront en trois langues au second tour, nous n'utiliserons pas la cabine des interprètes. Je demande à tout le monde de prendre le dispositif devant vous. L'interprétation conventionnelle ne fonctionnera pas dans ce cas-ci. Nous allons utiliser ces écouteurs. Nous aurons l'anglais au canal 1, le français au 2 et l'espagnol au 3.
    Merci d'avoir souligné ce point, Peter. J'aurais dû le mentionner dès le départ. Je ne pense pas qu'on ait besoin de l'espagnol pour cette partie, mais nous en aurons besoin à la deuxième moitié de la réunion d'aujourd'hui.
    J'étais sur le point de vous présenter notre premier groupe de témoins qui représentent la Chambre de commerce du Canada et l'Institut canadien du sucre.
    De la Chambre de commerce du Canada, nous accueillons Shirley-Ann George, qui a déjà comparu devant nous. Elle est la vice-présidente des politiques internationales. Elle est accompagnée aujourd'hui de Brian Zeiler-Kligman, lui aussi, de la Chambre de commerce du Canada.
    De l'Institut canadien du sucre, nous recevons Sandra Marsden, présidente, et Daniel Lafrance, premier vice-président des finances et de l'approvisionnement pour Sucre Lantic Limitée et Rogers Sugar Ltd.
    C'est une petite publicité pour vous.
    Nous avons divisé la séance en deux, et il sera un peu difficile de donner la parole à tout le monde. Nous devons donc arriver à une sorte d'entente. Quand on divise une séance de cette façon, on n'a pas tous l'occasion de poser des questions à chaque témoin. Je crois que nous allons commencer par des interventions de cinq minutes à tour de rôle. C'est la seule façon d'assurer l'égalité des chances pour tout le monde. En tout cas, cette façon de faire est un peu plus juste.
    Avant même de commencer, je vais demander à nos témoins de tenir compte de ce point, eux aussi. Cela signifiera que pour chaque intervenant, les questions et les réponses ne doivent pas dépasser cinq minutes.
    Sur ce, je vais commencer en demandant à Shirley-Ann George de faire une brève déclaration.
    Comme l'a indiqué le président, je m'appelle Shirley-Ann George. Je suis la vice-présidente des politiques internationales à la Chambre de commerce du Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui de Brian Zeiler-Kligman. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités à discuter avec vous des négociations canado-colombiennes en matière de libre-échange.
    La Chambre de commerce du Canada appuie l'engagement pris par le gouvernement fédéral pour resserrer nos liens avec les Amériques. De nombreuses entreprises canadiennes sont actives sur ces marchés, qui présentent un potentiel très positif pour les exportateurs et les investisseurs canadiens ainsi que pour les emplois canadiens. À cette fin, nos membres ont été très en faveur des négociations avec le Pérou et la Colombie. Comme l'audience d'aujourd'hui ne porte que sur la Colombie, je vais parler uniquement de cet élément des négociations.
    Nous appuyons la décision du gouvernement de chercher à conclure un accord de libre-échange avec la Colombie. Même s'il s'agit d'un accord distinct, nous appuyons également le traité sur la double imposition avec la Colombie et nous encourageons fortement le gouvernement à y mettre la dernière main. D'importants arguments militent en faveur des deux accords sur le plan de la politique commerciale et de la politique étrangère.
    Prenons d'abord la politique commerciale. La relation économique du Canada avec la Colombie est modeste, même si la plupart des gens soupçonnent qu'elle soit plus importante que ce que laissent entendre les statistiques officielles. Cette relation économique repose surtout sur l'investissement étranger direct canadien en Colombie. Les entreprises canadiennes dans le secteur de l'extraction sont particulièrement actives en Colombie, ainsi que les fournisseurs de services canadiens qui se spécialisent dans les services auxiliaires connexes. Les fabricants canadiens vendent également certains de leurs produits en Colombie, ce qui crée d'importants emplois manufacturiers au Canada.
    En effet, la Colombie est un marché important pour les entreprises canadiennes qui investissent en Amérique du Sud, en Amérique latine et dans les Caraïbes, puisque la Colombie est un pays influent dans la région. Pour de nombreuses entreprises, la Colombie est un gage de réussite pour leur stratégie sud-américaine.
    D'après ce que nous avons compris, l'accord que l'on négocie avec la Colombie ressemble à l'ALENA, c'est-à-dire qu'il couvre des questions comme les services et l'investissement, en plus de l'accès aux marchés traditionnels. Cela signifie que l'accord contiendra des dispositions rigoureuses en matière d'environnement et de main-d'oeuvre.
    La Chambre de commerce du Canada et ses membres préconisent des pratiques commerciales responsables et appuient l'effort du gouvernement pour renforcer les capacités dans ces régions au bénéfice des entreprises et des gouvernements hôtes. Les entreprises canadiennes sont des chefs de file réputés à l'échelle internationale pour ce qui est des pratiques d'affaires socialement responsables, communément appelées la RSE. Elles prêchent par l'exemple, et permettent de relever la norme là où elles se trouvent.
    Grâce à leurs activités, les entreprises canadiennes présentes en Colombie contribuent aux progrès qui y sont réalisés. L'adoption d'un ALE canado-colombien facilitera l'accès des entreprises canadiennes au marché colombien et, grâce à leurs contributions volontaires, améliorera la situation des droits de la personne là-bas.
    Pour nos membres, l'élément essentiel d'un accord avec la Colombie, c'est d'assurer des échanges commerciaux et une relation d'investissement qui soient libres, ouverts et équitables entre nos deux pays.
    Madame George, puis-je vous demander de ralentir juste un peu? Je demande rarement aux gens de le faire, mais dans ce cas-ci, c'est juste pour faciliter la traduction.
    Je suis désolée. Je voulais m'assurer de ne pas dépasser mes dix minutes. Je vais donc ralentir.
    Il est d'une importance cruciale qu'on négocie la protection des accords de stabilité des investissements dans le cadre de l'ALE, y compris la protection des accords existants au même titre que les nouveaux investissements.
    En ce qui concerne les dispositions particulières en matière d'investissement que le Canada négocie dans le cadre des FIPPA — les accords de promotion et de protection de l'investissement étranger — et les chapitres sur l'investissement dans nos ALE bilatéraux, certains de nos membres ont de graves inquiétudes au sujet de la protection que ces accords fournissent. Nos dispositions régulières comprennent plusieurs exclusions destinées à protéger les intérêts défensifs canadiens au pays; ainsi, les entreprises canadiennes qui investissent à l'étranger jouissent de moins de protection que leurs concurrents d'autres pays. Dans certains cas, ces protections plus faibles ont amené des entreprises canadiennes à faire leur investissement à l'étranger par le biais d'entreprises non canadiennes, ce qui signifie que le revenu imposable de ces investissements est à l'extérieur du Canada.
    Nous avons soulevé cette question, et nous continuons de travailler avec nos représentants à Commerce international Canada. Nous exhortons le gouvernement du Canada à agir rapidement sur le plan des changements nécessaires pour qu'on puisse les intégrer aux négociations de l'ALE.
    Outre la protection des investissements, un accord de libre-échange avec la Colombie offre de nombreux avantages aux exportateurs canadiens. Alors que la plupart des produits que nous importons de la Colombie entrent déjà au Canada en franchise de droits, les produits canadiens qui entrent sur les marchés colombiens peuvent être assujettis à des droits élevés. Par exemple, une de nos principales exportations vers la Colombie — les céréales, comme le blé et l'orge, pour la collectivité agricole très importante — est assujettie à des droits d'environ 15 p. 100.
    Parmi les autres principaux produits exportés en Colombie, il y a les produits agricoles, la potasse, le papier, les machines et l'équipement. À mesure que l'économie colombienne croîtra, d'autres débouchés seront créés dans certains domaines où le Canada occupe une véritable position de force, comme les services financiers.
    Il est important de conclure et de ratifier un ALE avec la Colombie afin d'assurer des règles du jeu équitables pour les entreprises canadiennes.
    Comme vous le savez sûrement, les États-Unis ont négocié un ALE avec la Colombie. Même si la loi d'application n'a pas encore été adoptée, elle a été envoyée au Congrès; bien qu'on ignore quand l'accord sera mis aux voix, de nombreux commentateurs et nos personnes-ressources aux États-Unis ont indiqué très clairement qu'ils s'attendent à ce que l'accord soit adopté. De plus, l'UE est en pleine négociation intensive avec la Colombie, avec trois cycles prévus d'ici octobre.
    L'industrie canadienne subit un préjudice chaque fois que d'autres pays signent et mettent en oeuvre des ALE avant nous. Voici donc une occasion pour le Canada, et pour les emplois canadiens, de prendre de l'avance ou de profiter d'un avantage. On peut également considérer l'ALE canado-colombien comme une mesure défensive pour empêcher que le Canada soit exclu de ce marché. C'est conforme à la recommandation faite par le Comité dans son rapport sur la politique commerciale, à la dernière session.
    Une autre raison pour laquelle il est important de conclure et de ratifier un ALE, c'est pour asseoir la crédibilité du Canada en tant que partenaire négociateur des ALE. Nos récents ALE avec l'AELE et le Pérou sont les premiers que nous ayons conclus depuis plus de six ans, et il reste encore à les mettre en oeuvre. À l'opposé, les États-Unis ont achevé et mis en oeuvre dix ALE depuis 2004.
    Maintenant que nous cherchons à négocier et à conclure des ALE d'une manière plus diligente, nous avons beaucoup de mal à amener d'autres pays à nous prendre au sérieux et à les encourager à négocier avec nous. Même certains petits pays sont réticents à s'engager. Nous ne devons donc pas oublier que la façon dont nous abordons l'ALE avec la Colombie peut avoir de réelles conséquences pour notre capacité de négocier des ALE avec d'autres partenaires plus grands, par exemple, la très importante Union européenne.
    J'aimerais parler maintenant brièvement des motifs en matière de politique étrangère qui justifient l'ALE avec la Colombie. Le gouvernement fédéral a pris l'engagement de resserrer ses liens avec les Amériques pour le bénéfice de la sécurité, de la prospérité et de la démocratie. Ce sont là des objectifs nobles et importants. Un ALE avec la Colombie est l'un des éléments qui permettront de les atteindre.
    Il est vrai que la Colombie peut s'avérer un endroit très violent et dangereux, malheureusement, pour un trop grand nombre de ses citoyens; toutefois, le président Uribe et les Colombiens veulent désespérément obtenir la paix, la stabilité et la prospérité. D'importants progrès ont été réalisés. Depuis 2002, les meurtres ont diminué de 40 p. 100, les enlèvements, de 83 p. 100 et les attaques terroristes, de 76 p. 100.
    Comme résultat, le commerce et l'investissement sont à la hausse, l'économie reprend de la vigueur, et le nombre de personnes pauvres a diminué de 20 p. 100. Il s'agit de véritables exploits sur une courte période de cinq ans.

  (1545)  

    De plus, les conditions de travail s'améliorent, et l'Organisation internationale du Travail a reconnu que les droits juridiques en matière de travail en Colombie répondent à ses normes les plus élevées. En effet, les entreprises canadiennes présentes sur le terrain, en Colombie, déclarent constater de réels progrès.
    Lors de ma récente visite en Colombie, en juin 2007, j'ai pu constater de mes propres yeux l'attitude positive des Colombiens à l'égard des mesures prises par leur président pour renverser radicalement la situation. La perception courante au Canada concernant la Colombie est très démodée. Même si nous comprenons pourquoi certains partis profiteraient de l'occasion offerte par ces négociations pour souligner les défis qu'il reste à relever en Colombie, nous voulons attirer votre attention sur les progrès incroyables réalisés ces dernières années et sur le soutien considérable des Colombiens envers leur gouvernement.
    En gros, si nous signons rapidement un ALE avec la Colombie, nous pourrons remplir notre engagement et soutenir les causes de la paix, de la stabilité et de la prospérité tout en assurant nos propres intérêts commerciaux. Cela contribuera à la nouvelle stabilité d'un gouvernement progressiste. Un gouvernement plus fort sera encore mieux placé pour en faire plus pour sa population, y compris renforcer les droits de la personne — au sujet desquels le gouvernement colombien reconnaît volontiers qu'il reste beaucoup à faire, et il est disposé à travailler sur ce dossier. L'autre choix, c'est que nous pouvons tout simplement laisser cet accord traîner pour des raisons qui ne feront que rendre plus forts ceux-là mêmes qui briment les droits de la personne et qui, en retour, portent un coup dur aux progrès réalisés en Colombie.
    La Chambre de commerce du Canada et ses membres croient qu'il est sensé d'appuyer nos amis, nos alliés et nos homologues.
    Je termine là-dessus.
    Merci beaucoup.

  (1550)  

    Merci, madame George.
    Nous passons à l'Institut canadien du sucre.
    Madame Marsden, pourriez-vous nous faire une brève déclaration?
    Merci beaucoup, chers membres du comité. Je parlerai quelques instants, puis je demanderai à mon collègue, Dan Lafrance, de dire quelques mots sur le point de vue de Lantic et Rogers Sugar.
    Je suis la présidente de l'Institut canadien du sucre, qui est l'association commerciale nationale qui représente les producteurs de sucre raffiné du Canada — c'est-à-dire le sucre produit à partir de la betterave à sucre en Alberta et à partir du sucre de canne brut importé de pays en développement, dont la Colombie.
    Nous avons comparu devant le Comité du commerce international à plusieurs reprises au sujet de questions analogues, comme les négociations en matière de libre-échange avec le Costa Rica et les quatre pays de l'Amérique centrale. Malheureusement, notre message d'aujourd'hui est le même: ces accords menacent plus notre industrie qu'elles ne l'avantagent. Notre industrie a vraiment adopté le commerce ouvert parce que nous exploitons sur un marché du sucre ouvert. J'aimerais donc vous expliquer les difficultés que nous posent ces négociations.
    Le sucre est un des secteurs les plus politisés et les plus subventionnés qui soient dans le monde. À quelques exceptions près, presque tous les gouvernements interviennent dans leur secteur du sucre pour maintenir les prix au-dessus des cours internationaux, protéger les producteurs contre la concurrence des importations, et ajouter des subventions et d'autres incitatifs à l'exportation. Au Canada, en revanche, les producteurs de betteraves à sucre et les entreprises de raffinage du sucre de canne évoluent sur le marché mondial sans subventions ni barrières tarifaires prohibitives. Nous avons dû nous ajuster aux distorsions du marché mondial. Nos activités se résument maintenant à trois entreprises de raffinage dans trois provinces et une usine de transformation de la betterave à sucre en Alberta. Nous sommes donc très efficaces et concurrentiels. La rationalisation forcée nous a rendus concurrentiels en Amérique du Nord et à l'échelle mondiale.
    La seule demande que nous avons en prévision des négociations mondiales de l'OMC concernant la libéralisation du commerce du sucre, c'est que le gouvernement canadien protège le petit droit de douane sur le sucre raffiné qui aide à absorber les effets des distorsions mondiales. Aucun droit de douane n'est appliqué sur les importations de sucre brut; le droit de douane appliqué au sucre raffiné est de 30 $ la tonne, soit environ 8 p. 100. Nous ne parlons donc pas de protéger un droit de douane très élevé, et ce n'est certainement pas un droit qui est prohibitif pour les importateurs. Ce droit de douane est extrêmement bas par rapport à celui d'autres marchés auxquels nous voulons accéder sans pouvoir le faire. Le droit de douane des États-Unis, par exemple, se situe à environ 150 p. 100; celui de la Colombie, par exemple, dans ce contexte est d'environ 20 p. 100.
    Nous avons défendu énergiquement la libéralisation du commerce dans le cadre de l'OMC, en collaboration avec plusieurs pays en développement, car nous reconnaissons que cela représente la seule véritable occasion de réformer le commerce du sucre et notre seul véritable potentiel d'exportation, au moins pour nous mettre sur un pied d'égalité avec ceux qui importent vers notre pays.
    Malheureusement, les accords commerciaux bilatéraux ont une portée beaucoup plus limitée. Ils visent à donner aux parties des gains réciproques d'accès au marché sans pour autant régler les distorsions sous-jacentes du marché relativement aux subventions nationales et aux incitatifs à l'exportation. Pour nous, cela risque d'amplifier l'injustice dans notre secteur.
    Notre marché d'exportation logique est les États-Unis, mais nous sommes limités à un quota minimal d'environ 10 000 tonnes, soit à peine 0,1 p. 100 du marché de 10 millions de tonnes de ce pays. Il n'existe pas de possibilité d'accroître ce quota sans un accord de libéralisation commerciale à l'OMC. Même là, le cycle de négociation de Doha vise à protéger les produits sensibles. Il est donc très peu probable que nous ayons l'occasion d'accroître le quota, même en vertu d'un accord pouvant être négocié. Nous sommes donc confinés à notre marché. Voilà pourquoi toute pression supplémentaire exercée sur notre marché nous rend très nerveux.
    Malheureusement, la Colombie n'est pas un marché d'exportation logique pour nous. Certainement, dans le contexte des négociations, il est logique que les négociateurs aimeraient atteindre la réciprocité en matière d'accès au marché — tonne pour tonne. Le hic, c'est que nous ne bénéficions pas de règles du jeu égales. L'accès de la Colombie au Canada est facilité par un crédit subventionné à la production et par des programmes gouvernementaux qui soutiennent les exportations. Les exportateurs colombiens peuvent bénéficier de l'aide d'un fonds de stabilisation des prix.
    La Colombie livre déjà une concurrence active au Canada. Nous ne demandons pas d'ajouter de nouvelles barrières tarifaires ou des barrières supplémentaires. La Colombie n'a pas besoin d'un autre incitatif de 30 $ la tonne pour être concurrentielle au Canada. Elle est un de nos plus grands fournisseurs de sucre brut pour le secteur du raffinage et l'un des principaux concurrents dans le secteur du sucre raffiné au Canada, derrière les États-Unis qui arrivent en première place. La Colombie est un des quatre producteurs de sucre les plus efficaces au monde et un des plus gros producteurs de sucre raffiné dans la région.

  (1555)  

    Cette combinaison de gains d'efficacité, de commercialisation regroupée et d'exportations élevées ainsi que l'aide financière du gouvernement créent un avantage concurrentiel pour les producteurs colombiens au Canada. C'est aussi parce que le marché américain n'est pas ouvert aux importations en provenance de la Colombie. Même l'accord de libre-échange envisagé avec les États-Unis ne permettra pas un volume d'exportation suffisant. Contrairement aux restrictions imposées par les autres pays, la Colombie bénéficie déjà d'un accès illimité au marché canadien.
    Le Canada produit chaque année plus de 1,3 million de tonnes de sucre raffiné. Les importations en provenance de la Colombie et d'autres fournisseurs plus éloignés ont tendance à cibler le petit marché plus lucratif du détail qui, au Canada, ne fait que 150 000 tonnes — sucre emballé et service d'alimentation. Ce marché est plus accessible, et ils n'ont pas à fournir les clients industriels, qui dépendent de l'approvisionnement juste à temps de sucre raffiné.
    L'accord de libre-échange avec le Costa Rica a bien démontré l'impact important sur notre rentabilité globale, et je vais laisser à M. Lafrance le soin d'en parler. Les producteurs canadiens de sucre raffiné n'ont pas réussi à pénétrer le marché costaricain en vertu de cet accord.
    Les études du gouvernement sur les répercussions économiques d'une entente analogue avec les quatre pays de l'Amérique latine confirment aussi la menace pour notre industrie. Des études approfondies ont révélé que les pertes pourraient entraîner la fermeture d'au moins une usine de raffinage au Canada. La Colombie exporte environ 700 000 tonnes de sucre raffiné par année comparativement aux 300 000 provenant des pays de l'Amérique centrale.
    Comme je l'ai déjà indiqué, la Colombie nous livre déjà une vive concurrence. Le droit de douane de 30 dollars la tonne ne l'empêche pas d'accéder au marché canadien du sucre raffiné. Depuis 2003, les exportations colombiennes se chiffrent entre deux et huit millions de dollars, représentant jusqu'à 10 p. 100 du marché de détail du Canada. La Colombie est le deuxième plus sérieux concurrent au Canada après les États-Unis. Elle est plus concurrentielle que le Costa Rica, qui bénéficie d'un quota en franchise de 6 000 tonnes.
    L'industrie sucrière canadienne est efficace et rentable dans le contexte nord-américain et arrive à soutenir la concurrence, en dépit des importations de sucre raffiné. En prévision d'une libéralisation du commerce du sucre en Amérique du Nord, particulièrement aux États-Unis, nous sommes vulnérables dans ces négociations. C'est pourquoi nous exhortons le gouvernement canadien à le reconnaître, dans le cadre de ses négociations avec la Colombie, et à maintenir en place le droit de douane pour permettre à notre industrie d'approvisionner les consommateurs et les usines de transformation au Canada.
    Merci.

[Français]

     Merci, monsieur le président et membres du comité, de donner l'occasion à l'industrie canadienne du sucre d'exprimer ses craintes au sujet de l'entente bilatérale avec la Colombie.

[Traduction]

    Je vais vous donner un bref aperçu de Sucre Lantic et de Rogers Sugar. Nous avons trois usines au Canada : deux raffineries de cane à sucre, dont une à Montréal — une usine de calibre mondial — et une à Vancouver; et aussi une usine de transformation de la betterave sucrière à Taber, en Alberta. Nous sommes les seuls producteurs de betteraves à sucre au Canada.
    Ces dernières années, au Canada, on a assisté à une contraction du marché. Nous avons connu une croissance au début de l’année 2000, mais depuis 2005, de plus en plus d’entreprises s’établissent ailleurs qu’au Canada, notamment au Mexique et en Amérique centrale, pour produire du sucre raffiné. Nous avons affaire à un marché beaucoup plus restreint. Il devient de plus en plus difficile de maintenir notre volume de production et de soutenir la concurrence.
    En ce qui concerne l’Ouest canadien, au cours des deux dernières années, nous avons été choyés par des récoltes record à Taber, en Alberta. Soit dit en passant, lorsque nous avons une récolte sans précédent, ce ne sont pas que des bonnes nouvelles. Étant donné que c’est un marché limité, nous n’avons d’autre choix que d’entreposer le sucre. Nous entreposons plus de 28 000 tonnes de sucre chaque année pour la saison suivante. Nous nous trouvons donc à réduire la superficie que nous producteurs de betteraves sucrières peuvent cultiver l’année suivante.
    Afin de pallier cette situation, nous avons exporté un peu de sucre au Mexique les deux années passées. Ce n’est pas une solution. Si nous avons fait cela, c’était simplement pour éviter de payer des frais d’entreposage et de vendre nos produits au prix coûtant. Nous n’avons pratiquement pas fait d’argent avec ces ventes. C’était uniquement une occasion de nous départir de certains de nos produits plutôt que de les entreposer.
    Par ailleurs, la capacité de l’usine de Vancouver fluctue. Elle a produit moins de sucre, et l’usine de Taber en a produit plus. Ces deux dernières années, elle a été en activité 28 ou 29 semaines durant l’année. Pour une usine de transformation, comme vous pouvez l’imaginer, c’est horrible.
    Un accord commercial avec la Colombie pourrait nuire considérablement à nos activités, surtout dans l’Ouest canadien. Nos usines seraient sans contredit les plus vulnérables parce que les importations provenant du port de l’ouest de la Colombie toucheraient d’abord notre marché, tout comme ce fut le cas avec le Costa Rica, en 2004-2005.
    Comme je l’ai déjà dit, nous avons deux usines dans l’Ouest du Canada. L’usine de Taber est en activité un peu plus de quatre mois par année, selon l’importance de la récolte. Cette année, comme on aura une petite récolte, vu l’énorme quantité de sucre qui est entreposée, l’usine sera probablement en activité pendant trois mois. À Vancouver, nous estimons encore entre 20 et 30 semaines d’activité cette année.
    Par conséquent, si l’importation du sucre s’accroît dans l’Ouest du Canada, nous nous retrouverons devant une décision difficile à prendre. Nous ne pourrons pas continuer d’exploiter ces usines à demi-régime. C’est la réalité à laquelle nous serons confrontés.
    Au fond, ces dernières années, la Colombie a principalement livré du sucre raffiné au Canada et nous a livré concurrence sur le marché du détail. Comme Mme Marsden l’a indiqué plus tôt, le marché du détail ne représente pas une grande partie de nos ventes. Il correspond peut-être à 20 p. 100 de notre volume total, mais il est essentiel à la rentabilité de nos activités au Canada. Il s’agit d’un produit à valeur ajoutée. Plus nous sommes perdants sur ce plan, plus cela fera mal à l’industrie canadienne.
    La Colombie est un exportateur de sucre brut, mais il devient de plus en plus difficile d’obtenir du sucre brut de ce pays. Au moment où l’on se parle, nous négocions la disponibilité du sucre à Vancouver, et la Colombie nous dit simplement : « Nous produisons de plus en plus d’éthanol et de sucre blanc. Si vous en voulez, tant mieux, mais pour l’instant, nous ne vendons pas de sucre brut. » L’industrie du sucre brut devient peu à peu une industrie de sucre blanc. Il est évident qu’à l’avenir, la Colombie veut se consacrer à la vente de sucre blanc.
    Il est impossible d’accéder au marché colombien, tout comme au marché costaricain. Tout d’abord, cela devrait se faire dans le respect des règles d’origine. Nous devrions vendre le sucre produit à Taber, et il serait extrêmement coûteux de le transporter jusqu’au port de Vancouver puis jusqu’en Colombie. Cela représente plus de 80 ou 90 dollars la tonne, et ce n’est pas encore rendu en Colombie. Nous devons entreposer le sucre dans des conteneurs et les expédier en Colombie.
    Premièrement, les coûts de l’énergie en Colombie sont de loin inférieurs à ceux que nous devons assumer à Taber, en Alberta, étant donné qu’elle utilise sa propre bagasse. Elle n’a pas besoin d’acheter de gaz naturel. Vous savez sans doute que le gaz naturel n’a pas cessé d’augmenter au cours des derniers mois ou semaines. Par conséquent, nos coûts de production sont constamment en hausse.
    Les coûts liés à la main-d’œuvre et aux avantages sociaux sont beaucoup plus élevés ici que ceux que doivent payer les producteurs colombiens. Nous ne sommes tout simplement pas concurrentiels.

  (1600)  

    La Colombie n'est pas un marché d'exportation pour nous, pas plus que le Costa Rica. Lorsque nous avons eu accès au marché costaricain, nous avons essayé d'y exporter certains de nos produits à valeur ajoutée, notamment des cubes de sucre et de la cassonade, mais encore une fois, il nous était impossible d'être concurrentiels.
    Sachez qu'il serait si coûteux d'expédier du sucre raffiné de Taber, en Alberta, jusqu'en Colombie que nous ne serions pas capables de rivaliser sur le marché colombien. Soyez-en assurés.
    Le Canada ne tirera aucun avantage d'un accord de libre-échange avec la Colombie puisque le commerce se fait à sens unique. La Colombie ciblera notre marché avec encore plus de vigueur qu'aujourd'hui.
    La Colombie exporte déjà passablement de sucre raffiné au Canada et un droit de douane de 30 $ ne l'empêche pas d'être compétitive. Ce tarif douanier est important pour nous puisqu'il nous permet de toucher une petite marge de profit sur un volume d'environ 7 000 ou 8 000 tonnes et, ainsi, de soutenir la concurrence. C'est pourquoi nous tenons à le maintenir en place.

[Français]

    Je vous remercie de votre attention.

  (1605)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Lafrance et madame Marsden.
    Nous allons maintenant entreprendre notre première ronde de questions en nous tenant strictement à cinq minutes. Je vais demander à M. Maloney de commencer et je rappelle aux témoins qu'ils doivent répondre aux questions des députés dans les cinq minutes qui leur sont allouées.
    Monsieur Maloney.
    Madame Marsden et monsieur Lafrance, vous avez indiqué qu'une usine de raffinage a dû fermer ses portes après qu'on eut conclu l'accord de libre-échange avec le Costa Rica.
    Non, nous n'avons pas fermé d'usine. Nous avons investi massivement dans nos programmes de commercialisation. D'après les rapports de Rogers Sugar, nous avons essuyé des pertes financières assez considérables, se chiffrant entre 5 et 10 millions de dollars, afin de pouvoir leur livrer concurrence. En 2004, 2005 et 2006, le Costa Rica a vendu du sucre au Canada puis s'est retiré du marché canadien après que l'ouragan Katrina eut frappé les États-Unis. Cela nous a donné un peu de répit.
    Par conséquent, qu'arrivera-t-il à votre industrie si nous adhérons à cet accord sans protéger le statu quo?
    L'industrie sucrière?
    Oui.
    Concernant le statu quo avec la Colombie?
    Si nous ne maintenons pas le statu quo, dans quelle mesure votre industrie sera-t-elle touchée?
    Qu'entendez-vous par « considérables »?
    Le Costa Rica produit environ 20 000 tonnes de sucre blanc, alors que la Colombie en produit 700 000.
    Combien comptez-vous d'employés?
    En plus des employés à temps plein chez Lantic et Rogers, on parle d'environ 800 employés.
    Quelles sont vos recettes brutes?
    Notre chiffre d'affaires l'an dernier s'élevait à 425 millions de dollars.
    Est-ce que cet accord pourrait vous acculer à la faillite?
    Je n'irais pas jusqu'à dire cela, mais nous serions certainement forcés de prendre une décision quant au nombre d'usines que nous garderons dans le futur.
    Comme je l'ai dit plus tôt, à l'heure actuelle, étant donné les débouchés limités sur les marchés d'exportation, particulièrement pour l'Ouest du Canada, qui est probablement plus concurrentiel que l'Est du Canada, compte tenu du transport par le canal de Panama, nous devrions prendre une décision très difficile quant à l'avenir de notre usine de Vancouver ou de Taber.
    Et combien de travailleurs seraient touchés?
    Cela dépend... À Vancouver, il y a environ 160 employés à temps plein. À Taber, en Alberta, on compte près de 100 employés à temps plein, en plus des 200 travailleurs saisonniers durant le découpage des betteraves.
    Et il ne faut pas oublier les 350 producteurs de betteraves. Par conséquent, nos employés ne seront pas les seuls à être touchés; c'est toute l'économie du Sud de l'Alberta qui s'en ressentira.
    Madame George, dans la lettre que M. Beatty nous a transmise, dans la brève introduction d'environ une page, neuf compagnies sont énoncées. Est-ce que ce sont les seules qui souscrivent à votre position?
    Non. Il ne faut pas confondre les neuf entreprises, qui sont des joueurs clés en Colombie et qui sont favorables à cet accord, et la Chambre de commerce du Canada, qui représente tous les membres.
    Souhaitiez-vous ajouter quelque chose, Brian?
    C'est principalement une question de temps, car il fallait communiquer avec nos membres et présenter la lettre à votre comité en temps opportun.
    Comme vous le savez, nous avons visité la Colombie, et il va sans dire que les changements sur la scène politique ont eu une incidence sur la sécurité dans ce pays. N'empêche que le nombre de meurtres a chuté de 40 p. 100 et le nombre d'enlèvements, de 80 p. 100.
    Tout d'abord, où avez-vous obtenu ces chiffres? Ensuite, j'ignore à quoi correspondent ces pourcentages, mais il reste qu'on signale encore un nombre important de meurtres et d'enlèvements.
    Nous avons été très impressionnés par les entreprises canadiennes qui ont comparu devant notre comité, et j'aimerais savoir si vous êtes prêts à défendre les intérêts d'une entreprise canadienne qui s'établira en Colombie, compte tenu de toutes les préoccupations à l'égard de la sécurité, de l'environnement et des droits de la personne.
    Mais il y a déjà des compagnies canadiennes en Colombie.

  (1610)  

    Allez-vous les encourager davantage à mener des activités là-bas?
    Comme dans tous les pays en développement, chaque entreprise doit déterminer si c'est avantageux ou non pour elle. Vous avez raison quand vous dites que la Colombie est un pays marqué par l'hostilité. C'est un endroit qui peut même s'avérer dangereux, et c'est ce que doivent évaluer en partie les entreprises qui veulent faire des affaires là-bas.
    Le Canada est un chef de file dans le secteur de l'exploitation des ressources et, en général, ce sont ces entreprises qui s'engagent les premières dans ces types de marché. L'industrie minière canadienne est la plus grande industrie étrangère dans ce secteur en Colombie.
    En effet, il y a des compagnies qui commercent déjà là-bas et d'autres qui envisagent sérieusement de le faire. Ce sont habituellement des entreprises de pointe qui comprennent les risques et savent comment les limiter. Ce n'est pas un marché pour tout le monde, mais il convient de noter qu'une grande partie de la violence qui règne en Colombie vise des secteurs précis.
    Vous avez entendu les représentants de l'Institut canadien du sucre nous parler des difficultés auxquelles il serait confronté si nous allions de l'avant avec cet accord de libre-échange. Que leur recommanderiez-vous, à l'institut et aux entreprises qu'il représente?
    Dans tout accord de libre-échange, il y en a qui sortent gagnants et d'autres perdants, et il est très important que nos négociateurs puissent limiter les risques potentiels, en éliminant graduellement les tarifs douaniers, si c'est nécessaire dans le secteur. Il faut également que le Canada prenne du recul et s'interroge sur sa stratégie d'adaptation au libre-échange. Comment aide-t-il les entreprises à s'adapter? 
    Parfois, les entreprises ont simplement besoin d'investir dans des équipements modernes pour demeurer concurrentielles dans ces marchés.
    Il y a beaucoup de choses qui doivent être faites, notamment sur le plan de la formation.
    Contrairement aux États-Unis, par exemple, le Canada n'a pas de plan d'aide à l'adaptation. C'est l'un des problèmes auxquels nous devons faire face.
    Merci.
    Monsieur Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'être présents.
    Nous avons une belle représentation, cet après-midi. Nous recevons un groupe qui représente une multitude d'entrepreneurs qui font du commerce ou des investissements à l'étranger, ainsi qu'une entreprise très précise vivant une situation très particulière qui suscite des craintes passablement élevées.
     Mais nous avons décidé d'un accord de libre-échange pour l'ensemble de l'économie canadienne et québécoise, donc pour l'ensemble des intervenants qui veulent commercer ailleurs. D'une part, des commerçants veulent vendre et échanger avec le moins de tarifs et de barrières possible. D'autre part, des investisseurs vont s'installer à l'étranger pour profiter un peu des salaires bas dans une industrie qui peut être très compétitive.
    Vous avez dit que c'était le rôle du gouvernement de faire en sorte que l'accord de libre-échange soit positif dans son ensemble, non seulement pour les commerçants, mais aussi pour le marché de l'emploi au Canada. En effet, bien des gens ont peur de perdre leur emploi. L'entrepreneur craint pour son entreprise, alors que les gens craignent pour leur emploi.
    En Colombie, le contexte est très particulier. Des représentants de l'organisme Avocats sans frontières (ASF) nous en ont parlé. Malgré des améliorations en chiffres absolus et en pourcentages, il demeure qu'il y a passablement de transgressions des droits de la personne et du droit du travail.
    Dans l'ensemble, vous sembliez dire que vous étiez disposés à accepter des aménagements pour assurer le respect, là-bas, des droits de la personne et du Code du travail, mais iriez-vous jusqu'à dire que si les entreprises installées là-bas contrevenaient aux droits de la personne, au Code du travail ou aux droits des travailleurs, le Canada pourrait prendre des mesures contre ces entreprises qui le représentent à l'étranger et qui ne lui font pas honneur?

  (1615)  

[Traduction]

    Nous avons déjà des normes en place pour les entreprises canadiennes qui enfreignent les lois. Nous sommes certainement d'avis que toutes les compagnies qui violent la loi doivent être jugées et en subir les conséquences.
    Comme nous l'avons déjà dit, les entreprises canadiennes figurent parmi les chefs de file à l'échelle mondiale en ce qui concerne les pratiques environnementales et syndicales et la responsabilité sociale. Leur présence sur le marché colombien a déjà eu une incidence positive sur les droits des travailleurs et les droits de la personne dans ce pays. Chose certaine, le fait de conclure un accord de libre-échange Canada-Colombie amènera davantage d'entreprises canadiennes à s'établir en Colombie et permettra d'améliorer encore plus la situation.

[Français]

    Je cède la parole à M. André.
    Bienvenue au comité à chacun de vous.
    Madame George, vous avez indiqué que le libre-échange va améliorer les droits humains et les droits des travailleurs dans un pays. Vous avez beaucoup parlé de l'amélioration de la situation en Colombie depuis quelques années. D'après les statistiques que j'ai lues, il y a eu une certaine amélioration, mais en 2008, 28 syndiqués ont été assassinés.
    Le Monde diplomatique est un journal français de renommée internationale. On peut lire dans le numéro du mois de mai que « [...] le gouvernement colombien a créé une (relative) surprise en extradant quatorze anciens chefs des groupes paramilitaires aux Etats-Unis ». Ces gens ont été emprisonnés et appelés à témoigner sur différentes opérations qu'ils ont menées dans le pays. Leurs dernières déclarations ont fait monter un peu la pression au pays. C'est pour cette raison qu'on les a extradés aux États-Unis, avec la complicité des Américains. On mettait en lien le paramilitaire avec Juan Manuel Santos, ministre de la Défense, Francisco Santos Calderón, vice-président de la république, qu'on a reçu au comité, et le président de la république, Alvaro Uribe.
    Le Monde diplomatique n'est pas un quotidien ni un hebdo local; c'est un journal international. Ce sont des faits et je peux vous montrer l'article en question, monsieur.
    Une voix: C'est un journal de gauche.
    M. Guy André: Non, ces propos sont très scientifiques. En lisant cet article, je me demande comment un accord de libre-échange peut contribuer réellement à améliorer la situation des travailleurs et des syndiqués, quand le but d'un tel accord est souvent purement économique. On parle d'investir, de supprimer les barrières tarifaires et de permettre à des entreprises de travailler davantage dans d'autres pays, mais comment peut-on vraiment améliorer la situation? On se questionne encore beaucoup sur les droits humains et les droits des travailleurs en Colombie.

[Traduction]

    Vos six minutes sont écoulées, monsieur André.
    Je suis désolé, mais vous devrez limiter votre réponse à une minute.
    Vous soulevez un point très important. L'accord de libre-échange se veut une entente économique; ce n'est pas la panacée à tous les problèmes et ce ne le sera jamais. C'est pourquoi nous devons voir au-delà de l'accord de libre-échange. Comment pouvons-nous aider la Colombie à se donner les moyens de nommer de meilleurs juges et d'intenter des poursuites?
    Bien entendu, il faudrait prendre beaucoup d'autres mesures, et si la Colombie devient notre partenaire, nous serons plus crédibles et mieux en mesure d'intervenir à ce chapitre.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Julian.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais adresser une question à chacun d'entre vous. Je vais vous les poser en espérant que vous puissiez y répondre.
    M. Zeiler-Kligman, vous avez indiqué qu'on devrait intenter des poursuites contre les entreprises qui enfreignent la loi. On nous a dit que des sociétés comme Coca-Cola, Chiquita et Nestlé entretenaient des liens avec les paramilitaires colombiens, impliqués dans l'assassinat de nombreux syndicalistes. Le gouvernement colombien a refusé d'enquêter sur ces entreprises. N'êtes-vous pas d'avis que c'est la responsabilité du gouvernement colombien d'intervenir? Ne devrait-il pas se pencher sur ces graves allégations?
    Madame George, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de l'accord de libre-échange. Vous avez indiqué que les États-Unis avaient signé une dizaine d'accords, mais comme vous le savez, le Congrès américain a refusé d'aller de l'avant avec celui-ci. En fait, pour la première fois, le Congrès américain n'a pas autorisé l'exécutif à prendre la voie rapide en ce qui concerne l'accord de libre-échange avec la Colombie, compte tenu de toutes les préoccupations entourant les droits de la personne et les droits des travailleurs. Au fond, comme M. André l'a indiqué, on a noté un accroissement du nombre de syndicalistes assassinés cette année, tout comme du nombre d'exécutions sommaires commises par les militaires colombiens. On accuse sérieusement le gouvernement colombien de trafiquer les données telles que le taux de chômage — simplement pour montrer que la situation s'est améliorée sur les plans de la pauvreté et de l'emploi.
    Ma question est simple: si les États-Unis renoncent à cet accord, pourquoi le Canada voudrait-il s'associer à la Colombie, puisqu'on a exprimé les mêmes préoccupations?
    Madame Marsden, vous avez soulevé des questions en ce qui concerne la protection et le soutien de l'industrie sucrière canadienne. J'aimerais savoir si on a tenu des consultations auprès des gens de l'industrie au sujet d'un accord Canada-Colombie. Considérez-vous que les protections énoncées dans l'accord sont suffisantes? Je suppose que non, mais j'aimerais vous l'entendre dire clairement.
    Monsieur Lafrance, j'aimerais en savoir davantage concernant les pertes d'emploi potentielles. Vous avez parlé de la structure actuelle de l'industrie sucrière canadienne. À combien pourrait s'élever le nombre de pertes d'emploi si nous venions à conclure cet accord?

  (1620)  

    Je vais commencer.
    Chose certaine, nous sommes d'avis que ces violations de la loi devraient faire l'objet d'une enquête. En revanche, il convient de noter que le gouvernement colombien a déjà mis en place un train de mesures particulières destinées à examiner ces allégations de violence à l'endroit de syndiqués, et ces mesures sont prioritaires au sein du système de justice colombien. Nous devons également garder à l'esprit qu'il s'agit d'un système qui émerge de nombreuses années de conflits. Évidemment, cela ne se fera pas du jour au lendemain; comme on l'a déjà indiqué, il y a plusieurs cas qui devront faire l'objet d'une enquête, mais ce qui est important, c'est qu'on a déjà commencé...
    Je suis désolé, mais pas dans ce cas. Le gouvernement refuse de mener une enquête sur les liens qu'entretiennent les paramilitaires avec ces entreprises. La question que je vous pose est très simple: êtes-vous d'avis que le gouvernement colombien devrait enquêter sur ces allégations?
    Je ne suis pas très au courant des allégations dont vous parlez, alors je préfère ne pas me prononcer là-dessus. Chose certaine, nous savons que le gouvernement colombien prend des mesures en vue de faire enquête sur les allégations qui ont été faites et de s'assurer que de sévères sanctions seront imposées.
    Je tiens aussi à préciser qu'aucune des entreprises que vous avez mentionnées n'est canadienne, et que même l'ambassadeur au Panama a indiqué au comité que les compagnies canadiennes étaient perçues comme des leaders mondiaux en ce qui a trait aux pratiques commerciales responsables.
    Je crains de ne pas être d'accord avec vous lorsque vous dites que les États-Unis ont renoncé à un accord commercial avec la Colombie. Tout indique que des négociations sont en cours et que les États-Unis envisagent de s'associer avec la Colombie et la Corée. Les négociations progressent et je dirais même qu'elles aboutiront probablement au cours de l'année.
    L'approbation accélérée a été refusée. C'est manifestement la première fois que le Congrès américain ne veut pas recourir à une procédure accélérée. Nous avons le droit de ne pas être d'accord là-dessus. N'empêche que cela a suscité des préoccupations à l'égard des violations des droits des travailleurs.
    Le gouvernement canadien nous a consultés. Malheureusement, nous n'avons pas l'impression que ses décisions reflètent nos opinions. Nous tenons à ne pas répéter l'expérience vécue avec le Costa Rica; on nous avait dit de ne pas nous inquiéter car l'accord était censé ne pas faire de tort à l'industrie, mais nous en faisons encore les frais aujourd'hui.
    Merci.
    En ce qui concerne les pertes d'emplois, cela peut varier. Si on prend Vancouver, par exemple, on parle d'environ 160 employés, mais ce qui est également important, c'est le type d'emploi. Ces emplois de cols bleus disparaissent rapidement, et il y en a de moins en moins qui sont disponibles. C'est très important. Si on prend Taber, en Alberta, il y a près de 100 employés à temps plein et 200 employés saisonniers, sans compter tous les producteurs de betteraves à sucre.
    En outre, il ne faut pas oublier que si nous gardons deux usines, c'est pour que nos clients puissent demeurer concurrentiels autant dans l'Ouest que dans l'Est du Canada. S'ils doivent transporter du sucre de l'Est à l'Ouest, ou de Taber à Vancouver ou vice-versa — de Vancouver au marché des Prairies —, ils devront absorber plus de frais de transport. Le cas échéant, ils seront moins concurrentiels, et qu'arrivera-t-il? Ils feront comme les autres et s'établiront au Mexique, au Costa Rica et dans les autres pays de l'Amérique centrale pour mener leurs activités. Cela est également important.

  (1625)  

    Vos six minutes sont écoulées. Très bien.
    Allez-y, monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Casson.
    Je n'ai pas de questions, mais seulement une observation.
    Vous pouvez consulter le compte rendu des délibérations du comité pendant son séjour en Colombie, et vous constaterez qu'aucun témoin colombien n'a dit quoi que ce soit au sujet de syndicalistes assassinés par des compagnies canadiennes ou d'autres compagnies étrangères. Par conséquent, vous vous trouvez à induire le comité et les témoins en erreur. C'est aussi simple que ça.
    Merci, et merci beaucoup au comité de m'avoir permis de poser quelques questions. Étant originaire du Sud de l'Alberta, je vais évidemment m'attarder sur la culture de betteraves sucrières, le sucre et le raffinage.
    Sandra, j'aimerais revenir sur votre affirmation selon laquelle le Canada donne déjà l'exemple d'un marché ouvert en n'appliquant aucun droit de douane sur les importations de sucre brut provenant des économies en développement comme la Colombie, et un droit de douane de 30 $ la tonne, soit environ 8 p. 100, sur le sucre raffiné. Ce droit de douane est extrêmement bas comparativement aux autres droits de douane de la région — ceux des États-Unis et du Mexique se situant à environ 150 p. 100.
    Monsieur Lafrance, pourriez-vous nous donner un aperçu de la portée de cette industrie dans le Sud de l'Alberta? Si j'ai bien compris, c'est le seul endroit au Canada où on cultive la betterave à sucre et où on raffine le sucre. Est-ce exact?
    Absolument. Sur le marché américain, nous sommes limités à un quota de 10 000 tonnes. Comme vous le savez sans doute, vu sa petite taille, cette usine est probablement la plus vulnérable à l'heure actuelle.
    Si une année, nous avons une mauvaise récolte — la capacité de Vancouver fluctue habituellement —, pourrons-nous nous permettre de n'avoir qu'une seule usine dans l'Ouest du Canada, c'est-à-dire l'usine de production de betteraves sucrières de Taber? Qu'arrivera-t-il en cas de mauvaise récolte?
    En effet. Je crois savoir qu'une entreprise s'est installée à Taber pour vos produits.
    Tout à fait, et il s'agit de Flexible Solutions, qui vient tout juste d'investir des millions de dollars dans la production, qui débutera tôt l'an prochain, si je ne me trompe pas.
    C'est un produit écologique contenant du sucre.
    En effet. C'est l'une des nouvelles industries établies dans le sud de l'Alberta et qui sont essentielles pour nous et pour l'usine de transformation de la betterave à sucre à Taber, en Alberta. La perte de la matière première serait désastreuse là-bas, après tous les investissements qui ont été faits.
    En moyenne... Je sais que cette année, on cultive moins d'acres à cause de l'excédent de sucre, mais pourriez-vous m'indiquer la moyenne d'acres produits, le nombre de producteurs, et combien cela leur rapporte?
    Dans une année normale, nous avons environ 35 000 à 37 000 acres de betteraves sucrières. Cela signifie environ 30 à 35 millions de dollars en revenus pour les producteurs de Taber; c'est donc une culture très importante.
    Ce que les producteurs de betterave aiment de cette culture, c'est qu'elle est résistante. C'est une culture de rotation, et il faut que ce soit ainsi. Les producteurs peuvent récolter les fèves et tous leurs autres produits avant les betteraves, car même si le sol gèle un peu, celles-ci ne sont pas endommagées; c'est donc très important pour eux.
    Très bien.
    Je ne sais pas si vous avez fourni au comité les chiffres relatifs à ce qui s'est passé depuis la signature de l'accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica. L'avez-vous fait? Sinon, je crois que le comité...
    À titre d'exemple, comme nous l'avons dit, en 2004-2005, le Canada a importé environ 4 000 à 5 000 tonnes de sucre du Costa Rica. De plus, ce pays aurait vendu 150 000 tonnes dans l'ouest du Canada; nous avons donc dû, à plusieurs reprises, ajuster nos prix afin de conserver notre part du marché et de protéger le marché canadien.
    Le problème, souvent, ce n'est pas la quantité vendue, mais ce sont les prix qu'ils offrent à nos clients, car nous devons les égaler. C'est pourquoi cela nous coûte des millions de dollars pour protéger notre marché.
    Très bien.
    Me reste-t-il du temps?

  (1630)  

    Vous avez une minute, si vous voulez.
    Monsieur Keddy, avez-vous autre chose à ajouter?
    Oui. Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez une minute.
    Lorsque nous avons reçu les représentants de l'industrie sucrière, ils nous ont dit qu'ils voulaient simplement la réciprocité: nous nous attendons à ce que tout ce qui est avantageux pour les Colombiens le soit aussi pour nous. D'après ce que j'entends aujourd'hui, la réciprocité n'est pas exactement le but recherché.
    Je crois que cela a été précisé par...
    En général, c'est ce qu'on recherche dans une entente commerciale; nous avons collaboré avec les producteurs dans notre dossier sur le commerce international et manifestement, ils ont compris que leur secteur était menacé, tout comme nous avons pris conscience du risque pour notre industrie; la réciprocité est donc théorique...
    Permettez-moi d'être plus direct: cela ne fonctionnera pas. Nous avons essayé au Costa Rica, et ça ne marche pas.
    Nous commercialisons notre sucre. Ces pays produisent beaucoup de betteraves à sucre; nous commercialisons le sucre et nous payons un prix fixe à nos producteurs. Que devrions-nous vendre à la Colombie... Nous ne pouvons pas perdre d'argent sur notre produit, car cela ne servirait à rien d'en faire la culture.
    C'est ce que je pensais avant. Et s'il y avait un marché alternatif? Vous dites que nous entreposons 20 000 tonnes de sucre chaque année. Qu'en est-il du marché de l'éthanol? Y a-t-il un autre marché sur lequel écouler notre sucre?
    Nous menons actuellement une étude sur la possibilité de produire de l'éthanol à partir de nos betteraves sucrières, ou voir s'il y a une solution alternative qui nous permettrait d'exploiter notre usine durant toute l'année, car la production des betteraves à sucre ne représente que quatre ou cinq mois d'activité par année. Nous effectuons une étude là-dessus.
    Cela coûte très cher d'utiliser des betteraves à sucre comme matière première pour l'éthanol, comme vous le savez sans doute, mais nous nous penchons sur cette question.
    Je vous remercie, monsieur Keddy.
    Je crois que nous allons devoir conclure; nous avons un peu débordé.
    Je vous remercie de votre témoignage. Peut-être aurons-nous des questions supplémentaires, étant donné le peu de temps dont nous disposions aujourd'hui; alors si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vous demanderais de répondre directement à nos membres, si possible.
    Je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Nous vous en savons gré.
    Nous allons devoir faire une pause maintenant, avant de passer à la téléconférence. Cela veut dire que les témoins devront s'asseoir de l'autre côté, et nous placerons l'écran de télévision là où ils sont présentement. Nous allons faire une interruption d'environ trois minutes pour nous préparer.
    Merci.

  (1630)  


  (1640)  

    Nous allons reprendre la séance d'ici une ou deux minutes, le temps d'installer le matériel.
    Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à ceux qui viennent de se joindre à nous par vidéoconférence, cette fois-ci.
    Monsieur le président, je crois qu'il y a eu un changement. Nous avons la version espagnole sur le canal 1.
    Bon.
    Je suppose que nous allons continuer à utiliser les écouteurs, pour ceux que ça intéresse.
    Je ne sais pas si nos invités par vidéoconférence ont accès à l'espagnol en plus de l'anglais et du français, mais je l'espère. Nous verrons cela dans un moment.
    Pour l'instant, j'imagine que nous allons continuer avec l'anglais sur le canal 1, le français sur le canal 2 et l'espagnol sur le canal 3.
    Est-ce que la personne à l'écran peut m'entendre? Je ne sais pas où vous êtes. Êtes-vous à Boston?
    Merci. La communication est établie.
    Vous êtes recherchiste principale pour Human Rights Watch.
    Nous avons aussi Jeffrey Schott, agrégé supérieur de recherches au Peterson Institute for International Economics. Est-ce que vous m'entendez?

  (1645)  

    Excellent. Merci.
    Il y a un léger décalage, je crois, mais ça va.
    D'où nous parlez-vous?
    Je suis au Peterson Institute, dans notre salle de réunions.
    Je suis désolé, mais j'ignore où est situé le Peterson Institute. C'était ma question.
    Le Peterson Institute était auparavant connu sous le nom de Institute for International Economics. Nous avons ajouté le nom de notre président, Peter Peterson, pour souligner ses 25 ans de service. On nous connaît aujourd'hui sous le nom de Peterson Institute for International Economics, ou sous l'acronyme IIE, probablement mieux connu au Canada.
    Puis-je savoir où est situé l'institut?
    À Washington, D.C., juste à côté de l'ancienne ambassade canadienne, sur l'avenue Massachusetts.
    Très bien. Maintenant, je sais exactement où vous êtes. Merci.
    M. Bains a hâte de commencer. Allons-y.
    Nous avons aussi avec nous Luis Hernán Correa Miranda, vice-président de la Confédération unifiée des travailleurs de Colombie. M. Correa était en visite à Toronto pour une réunion du Congrès du travail du Canada, je crois. Nous avons la chance de le recevoir à Ottawa aujourd'hui.
    Nous allons commencer par de brèves déclarations préliminaires. Elles devront être très courtes, car notre réunion est un peu condensée, aujourd'hui. Je vais demander à M. Correa de commencer. Nous entendrons les trois exposés de nos témoins, puis nous passerons à la période de questions, de la manière habituelle.
    Je cède donc la parole à Louis Hernán Correa Miranda, vice-président de la Confédération unifiée des travailleurs de Colombie.
    Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant un comité du Parlement. C'est un honneur pour moi d'être ici.
    Je suis le vice-président de la Unified Workers Confederation, ou la Centrale unitaire des travailleurs. J'ai fondé le syndicat des travailleurs miniers de la Colombie dans les années 1970. Je suis membre de la CUT, centrale syndicale de Colombie. J'ai 20 ans d'expérience dans le milieu syndical. J'ai aussi été le président du syndicat des travailleurs bananiers. J'en fait partie depuis l'âge de 15 ans.
    En raison de ma carrière politique, de mon travail comme syndicaliste, j'ai perdu cinq membres de ma famille. C'est beaucoup, comme vous pouvez le constater.
    Je vais essayer de répondre à certaines des questions qui sont posées à l'échelle internationale. D'abord, pourquoi assassine-t-on les travailleurs syndiqués en Colombie? Les dirigeants syndicaux sont supprimés en raison du lien qui s'est développé entre le gouvernement et les employeurs. Les syndicats sont tenus responsables de toutes les fermetures d'usines en Colombie. Pour la plupart des employeurs et pour le gouvernement, les syndicalistes et les travailleurs syndiqués ont trop de pouvoir. C'est à cause d'eux que les entreprises font faillite. C'est pour cette raison que l'on doit les assassiner, les supprimer.
    On assassine les travailleurs syndiqués dans les entreprises où il n'y a aucun syndicat. On les assassine pour avoir réclamé le respect des conventions collectives, négocié une entente collective, fait la grève, ou entamé ou lancé un processus de négociation. On les assassine aussi parce que les employeurs et le gouvernement les considèrent comme des guérilleros qui appuient les Forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC. En deux mots, ceux qui ne sont pas du côté du gouvernement sont contre le gouvernement. Ceux qui ne sont pas des alliés du gouvernement sont des ennemis du gouvernement. Ceux qui ne soutiennent pas le gouvernement appuient le terrorisme. Voilà, malheureusement, comment les travailleurs syndiqués sont perçus en Colombie.
    L'administration Uribe déteste les syndicats. Uribe, à l'époque où il était sénateur, a présenté un projet de loi qui compromettait la sécurité des travailleurs. C'est un fait. Autre point: en Colombie, le travailleur syndiqué est assimilé aux FARC, les Forces armées révolutionnaires de la Colombie, et considéré comme un terroriste.
    Je tiens à vous dire que nous n'appuyons pas les FARC. Nous ne sommes pas d'accord avec les FARC. Nous dénonçons les enlèvements auxquels ils se livrent, les attaques terroristes qu'ils mènent dans le pays. Pour nous, le mouvement de guérilla est devenu un véritable fléau — une menace, un obstacle, une barrière à l'épanouissement social du pays —, parce que ceux qui ne partagent pas les vues du gouvernement sont associés aux FARC.
    Il faut ouvrir la voie à la négociation politique. Tant que nous serons identifiés comme étant... nous ne pourrons mener de luttes sociales. Nous nous occupons de problèmes sociaux, nous défendons les intérêts politiques des travailleurs, les intérêts de la population du pays.

  (1650)  

    Si je mentionne ce fait, c'est parce nous sommes actuellement confrontés à un problème très grave. Le mouvement syndical colombien est en train d'être décimé. Au même moment, le gouvernement affirme que le nombre de membres de l'OIT victimes d'assassinat est à la baisse. C'est vrai, dans une certaine mesure, mais il est important de signaler que le syndicalisme a disparu. Le droit de négocier et de conclure une entente collective n'existe plus. L'an dernier, seulement 3 p. 100 des travailleurs faisaient partie de syndicats et avaient le droit de conclure des ententes collectives, de négocier.
    L'heure est à l'externalisation. Ils sont en train de créer ce qu'ils appellent des « coopératives de travail ». Pour l'OIT, ce sont plutôt des pseudo-coopératives, car ces entreprises finissent par appartenir à deux ou trois personnes. C'est la situation que nous vivons présentement en Colombie, pour ce qui est des conventions collectives.
    Le concept de la convention collective — un contrat conclu entre les travailleurs et les employeurs — a disparu. Plus de 66 p. 100 des travailleurs vivent de l'économie informelle. Ils sont exploités: le travail est confié à l'extérieur, les travailleurs n'ont pas de sécurité sociale, n'ont pas droit à un emploi et sont obligés de travailler dans des conditions difficiles. Souvent, leur revenu est inférieur au salaire minimum.
    La situation des travailleurs en Colombie est désastreuse. Nous sommes convaincus que l'accord de libre-échange n'améliorera pas les conditions, car les ALE... de manière plus précise, l'accord de libre-échange qui a été négocié avec les États-Unis n'a pas fait l'objet de consultations en Colombie. Les Colombiens n'ont pas été invités à dire s'ils étaient d'accord ou non avec cet accord. Les seuls qui vont en profiter, ce sont les multinationales, notamment les entreprises américaines.
    Je tiens à préciser aussi que les sociétés comme Chiquita ont versé des fonds aux paramilitaires et aux guérillas. Elles ont contribué à la violence qui règne dans le pays. Drummond, une compagnie charbonnière située sur la côte Nord, a fait la même chose. Les entreprises vont sortir plus fortes de ce processus; elles vont avoir plus d'influence. Les petites et moyennes entreprises vont en souffrir, car elles ne seront pas en mesure de livrer concurrence aux multinationales. Or, ce sont elles qui créent le plus d'emplois en Colombie. L'accord de libre-échange va indubitablement avoir un impact négatif sur les Colombiens, et surtout les travailleurs.
    Je tiens également à dire qu'il existe une sorte de partenariat entre l'administration Uribe et les groupes paramilitaires. Ces groupes sont responsables de 24 décès. Or, une nouvelle tendance se dessine: les dirigeants syndicaux sont assassinés à coups de machette et de couteau et non au moyen d'armes à feu, ce qui donne l'impression que la personne a été tuée par des criminels — pour une vendetta personnelle, sans motif politique apparent.
    Le CTC, le CUT et plusieurs ONG ont reçu des menaces de la part de groupes illégaux appelés les Aigles noirs. Ce sont des groupes de paramilitaires qui ne veulent rien savoir des syndicats ou du syndicalisme. On les associe habituellement aux entreprises.
    J'ai moi-même été la cible de sept tentatives de meurtre en Colombie, soit à San Alberto, dans le département de Cesar. Nous avons tenu des négociations à cet endroit. Les Aigles noirs ont tué le frère du président du conseil d'administration, Juan de Jesús Gómez, le président du syndicat chargé de négocier une convention collective. Si j'ai été épargné, c'est parce que le Seigneur ne me voulait pas à ses côtés ce jour-là.

  (1655)  

    Ce sont des faits concrets, des preuves qui montrent que ces groupes sont contre les syndicats.
    Les employeurs en profitent parce que le mouvement syndical est en train de disparaître. Il est vrai que l'économie colombienne connaît une croissance de plus de 6 p. 100 par année, mais il est vrai aussi que la pauvreté et la misère parmi la population et les travailleurs augmentent. Les employeurs sortent gagnants de la réforme des lois sur le travail instituée par le gouvernement. Ce dernier a gardé plus de 6 milliards de pesos, a supprimé les garanties, a réduit les salaires, a annulé bon nombre des revendications des travailleurs pour encourager les employeurs à créer des emplois — mais cela reste à voir. Il n'y a pas de travail et ils gardent l'argent. Voilà le résultat.
    Il n'y a pas d'équité. Il n'y a pas de conditions dites favorables pour les travailleurs et les habitants. Ce gouvernement appuie manifestement les employeurs. Par ailleurs, si de nombreux dirigeants paramilitaires ont été extradés aux États-Unis, c'est pour éviter qu'ils ne parlent. Comme le gouvernement voulait se faire réélire, il s'est débarrassé du problème. Il ne voulait pas que ces gens se fassent entendre en Colombie.
    Plus de 50 membres du Congrès de la Colombie qui appuient Uribe font l'objet d'une enquête par la Cour suprême en Colombie. Il est évident qu'ils sont très proches du président. Ces parlementaires qui font l'objet d'une enquête sont des membres du parti ou des partisans d'Uribe.
    Il n'y a pas ici de zone grise.

  (1700)  

    Je m'excuse, mais je dois vous interrompre. Je vous ai laissé parler pendant deux minutes et demie de plus. Nous avons deux autres témoins à entendre.
    Merci de votre exposé.
    Je n'ai peut-être pas été assez clair au début. Nous devons limiter les déclarations à 10 minutes, parce qu'il y a plusieurs membres du comité qui souhaitent poser des questions.
    Nous allons maintenant aller à Washington et entendre Jeffrey Schott, agrégé supérieur de recherche auprès du Peterson Institute for International Economics.
    Monsieur Schott.
    Bonjour.
    Je suis très heureux de comparaître de nouveau devant le comité permanent, comme je l'ai fait quand il a été question de l'ALENA. Je vous remercie d'avoir organisé cette vidéoconférence. Je préférerais me retrouver à Ottawa, mais en tant qu'économiste qui se préoccupe de l'environnement, je suis content de voir que j'ai contribué à réduire les émissions de carbone en ne prenant pas l'avion.
    Je vais vous parler brièvement aujourd'hui des questions commerciales qui ont été au coeur des négociations entre les États-Unis et la Colombie. À bien des égards, ces questions s'apparentent à celles qui font l'objet de pourparlers entre le Canada et la Colombie. J'en discute dans un ouvrage que j'ai rédigé il y a deux ans à l'Institut et qui porte sur les négociations américano-colombiennes. À la demande du comité, je vais surtout mettre l'accent sur le volet environnement.
    Comme c'est le cas dans toutes les initiatives commerciales qu'ils entreprennent, les représentants commerciaux des États-Unis avaient en tête des objectifs de politique à la fois économique et étrangère quand ils ont lancé les négociations de libre-échange avec la Colombie, il y a quatre ans. Toutefois, ce qui les intéressaient avant tout, et ce qui les intéressent toujours, c'était le développement économique de la Colombie, ce développement étant essentiel au succès des efforts visant à lutter contre le trafic de drogue et à mettre fin au conflit armé prolongé qui existe dans le pays. Ces objectifs de politique étrangère constituent la principale raison pour laquelle la Colombie s'est retrouvée en tête de liste des pays avec lesquels les États-Unis souhaitaient conclure un ALE.
    En gros, l'ALE accorderait en permanence la préférence commerciale à la plupart des produits importés colombiens, ce qui devrait inciter les entreprises à investir et à créer des emplois en Colombie. L'ALE devrait également encourager les réformes économiques en Colombie — certaines ont déjà été instaurées — et, partant, créer de nouvelles possibilités de production et d'emploi, surtout dans les zones rurales marquées par le commerce de la drogue et le conflit armé. Bien entendu, il viendrait également compléter et appuyer le plan Colombie, sur lequel travaillent les États-Unis et la Colombie depuis huit ans.
    Les négociations ont duré jusqu'à la fin de février 2006, mais il y avait des différends au sujet des dispositions liées au secteur agricole, de sorte que le pacte n'a été signé qu'en novembre 2006. Il n'a pas encore été entériné par le Congrès américain.
    Les modalités de l'entente ont été révisées en juin 2007 en vue d'y incorporer de nouvelles dispositions concernant le travail et l'environnement, suite à un accord bipartisan conclu entre les dirigeants démocrates au Congrès et l'administration Bush. En février de cette année, le Congrès a accepté de prolonger la durée de l'accord de préférence commercial s'appliquant aux produits de la Colombie jusqu'à la fin de l'année. Le 7 avril de cette année, l'administration Bush a déposé un projet de loi en vertu de la procédure accélérée, dite fast-track. Peu de temps après, la Chambre a décidé de modifier les règles visant à limiter le débat sur la législation touchant le plan Colombie, qui est maintenant plongé dans l'incertitude. Il y a peu de chances qu'un vote ait lieu cette année. Voilà où en sont les choses.
    Je vais maintenant vous parler brièvement des dispositions environnementales des accords commerciaux.
    En tant qu'ancien négociateur américain, je sais que les négociateurs commerciaux apprennent par l'expérience. Chaque nouvelle version d'un accord commercial consolide et, je l'espère, améliore, sur le fond, la structure légale des droits et obligations. Cela vaut pour l'ensemble des questions visées par les accords commerciaux, et surtout celles que nous examinons d'aujourd'hui, soit le travail et l'environnement.
    Il y a 15 ans, l'ALENA constituait un accord unique qui comportait des ententes parallèles sur le travail et l'environnement, malgré l'existence de lacunes importantes. Il devait être actualisé, et donc a été amélioré. Les accords de libre-échange conclus récemment comportent des obligations plus détaillées, tandis que les dispositions commerciales sont assorties d'engagements visant à mettre sur pied des programmes qui s'attaquent aux problèmes environnementaux du pays partenaire. Ces nouvelles dispositions ont un impact modeste, mais positif: elles mettent l'accent sur les domaines ou les questions qui nécessitent l'adoption de mesures d'urgence.

  (1705)  

    Dans ce contexte, les ententes conclues récemment avec le Pérou et la Colombie renferment une série d'obligations des plus pointues, y compris celles imposées par les dirigeants démocrates du Congrès quand ils se sont entendus avec l'administration Bush, en mai dernier.
    Parmi les principales dispositions que l'on retrouve dans le chapitre consacré à l'environnement, mentionnons le fait que l'ALE exige que les signataires mettent en oeuvre et en application sept ententes multilatérales en matière d'environnement, y compris la CITES et le Protocole de Montréal, de même que les lois et règlements nationaux. Toutes ces obligations sont assujetties aux procédures générales de règlement des différends que prévoient les accords, chose que ne fait pas l'ALENA. Autre fait innovateur: l'adoption de nouvelles obligations concernant la participation du public au processus d'élaboration des règlements. Ces dispositions ont été rédigées de concert avec les ONG et les conseillers du secteur privé des deux pays.
    En raison de l'importance capitale qu'elles revêtent pour le Pérou et la Colombie, les deux ententes insistent sur la protection de la biodiversité. L'accord conclu entre le Pérou et les États-Unis comprend également une annexe sur le secteur forestier, et oblige les gouvernements à s'attaquer au problème de l'exploitation illégale des forêts. En plus de l'ALE, les deux pays ont signé un accord de coopération environnementale qui encourage la création de capacités dans le domaine de l'environnement en Colombie.
    Toutefois, ni l'un ni l'autre de ces accords ne consacre des fonds aux programmes environnementaux. Advenant que le gouvernement du Canada emprunte la même voie, je vous encourage fortement à faire en sorte qu'un financement adéquat soit prévu pour assurer la mise oeuvre de programmes de coopération, là où de tels programmes peuvent s'avérer bénéfiques. Cela vaut aussi bien pour les programmes environnementaux que pour les programmes de travail qui font l'objet d'un accord supplémentaire de coopération, comme celui qu'ont signé le Canada et le Pérou la semaine dernière.
    Permettez-moi, pour terminer, de vous expliquer brièvement comment un ALE peut contribuer à faire avancer la cause environnementale, étant donné l'intérêt que nous portons tous les deux à l'élaboration d'un accord post-Kyoto sur les changements climatiques.
    Les accords de libre-échange créent entre les pays partenaires des liens particuliers qui peuvent faciliter la discussion sur un grand nombre de sujets économiques bilatéraux, et favoriser l'adoption d'approches axées sur la collaboration au niveau régional et multilatéral. Par exemple, l'existence de tels liens a permis de forger des coalitions en faveur du lancement de négociations sur la libéralisation du commerce international dans le Round de Doha, à la fin de 2001. Les accords de libre-échange ont également servi de plate-forme de négociation pour les nouveaux domaines qui n'avaient pas été approuvés lors des nombreux forums multilatéraux qui avaient eu lieu dans le passé. Si vous vous souvenez bien, l'Accord de libre-échange canado-américain a établi d'importants précédents pour l'Accord général sur les services douaniers et le commerce.
    Par ailleurs, la coopération régionale peut servir de modèle pour la recherche de solutions planétaires visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous devrions utiliser le partenariat environnemental que prévoient les ALE pour arriver à un consensus plus large sur la façon de concilier les intérêts des pays développés et en voie de développement et de résoudre les problèmes liés au réchauffement climatique.
    Ces efforts nous permettraient de créer des précédents utiles qui pourraient ensuite être appliqués lors des négociations qui auront lieu à Copenhague, en 2009, négociations qui vont aboutir, nous l'espérons, à un nouveau régime sur les changements climatiques. Nous devons collaborer avec nos partenaires, tant sur le plan bilatéral que régional, en vue d'atteindre les objectifs que nous jugeons importants. Toutefois, pour y arriver, nous devons avoir l'appui des pays développés et en voie de développement de par le monde. J'encourage le gouvernement du Canada à se pencher là-dessus et à établir des précédents utiles qui pourraient nous servir de guide, ici à Washington.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Schott. Et merci d'avoir respecté le temps de parole alloué.
    Nous allons maintenant entendre Maria McFarland, recherchiste principale pour le groupe Human Rights Watch.
    Allez-y, madame McFarland.

  (1710)  

    Je vous remercie.
    Monsieur le président et messieurs et dames du comité, c'est pour moi un honneur de témoigner devant vous. Je vous remercie d'ailleurs de m'avoir invitée à vous parler de la violence dont font l'objet les syndicalistes en Colombie et de l'accord canado-colombien de libre-échange.
    Avant de commencer, j'aimerais demander que le texte de ma déclaration, que j'ai déjà envoyé, soit intégré au compte rendu des délibérations d'aujourd'hui.
    Je suis la recherchiste principale sur les Amériques dont relève la Colombie pour Human Rights Watch, plus important organisme international de défense des droits de la personne dont le siège se trouve aux États-Unis. Human Rights Watch est un organisme non gouvernemental indépendant soutenu par les contributions de particuliers et de fondations du monde entier. Nous n'acceptons aucune aide gouvernementale, directe ou indirecte. Nous avons des bureaux dans plusieurs villes du monde, y compris à Toronto, et celui-ci a été très actif dans la sensibilisation accrue des Canadiens aux droits de la personne.
    Human Rights Watch suit la situation des droits de la personne en Colombie depuis deux décennies presque. Il s'est consacré aux actes de violence commis par les forces gouvernementales, de même que par les FARC de gauche et les guérilleros de l'ELN, c'est-à-dire de l'Armée de libération nationale, qui violent systématiquement et atrocement le droit international humanitaire, notamment en faisant des enlèvements et en ayant recours à des enfants-soldats.
    Il a également signalé les actes de violence des paramilitaires qui font le trafic de la drogue, qui commettent des atrocités, des massacres et des tueries et qui pratiquent l'extorsion à l'échelle de tout le pays, souvent avec la tolérance et, parfois, la collaboration des groupes militaires.
    Human Rights Watch n'a pas de position à l'égard des accords de libre-échange comme tel, à une exception près. Il croit que tout accord de libre-échange devrait supposer au départ que les droits fondamentaux de la personne sont respectés, y compris et surtout le droit des travailleurs qui produisent les biens qui vont faire l'objet du commerce.
    Si vous souscrivez à ce point fondamental, vous devez aussi vous rallier au principe qu'actuellement, le Canada ne devrait pas signer d'accord de libre-échange avec la Colombie.
    J'ai parfois entendu certains, y compris le premier ministre Harper, déclarer que l'accord de libre-échange ne devrait pas servir à régler tous les problèmes de respect des droits de la personne de la Colombie. Toutefois, ce genre de déclaration est tout simplement bidon. Il est irréfutable par contre que, dans la région, c'est la Colombie qui a la pire situation humanitaire, qui respecte le moins les droits de la personne et qui est aux prises avec de nombreux problèmes graves. Toutefois, le point central qui nous préoccupe dans l'accord du libre-échange est un problème très précis, soit le taux extrêmement élevé d'actes de violence commis contre les syndicalistes colombiens et le fait que le gouvernement de la Colombie ne traduit pas en justice les responsables de ces actes et qu'il ne démantèle pas les groupes paramilitaires auxquels appartiennent bon nombre de ces tueurs.
    C'est là une question qui est directement liée au libre-échange. Le Canada ne devrait pas consentir un accès permanent en franchise de droits à des biens qui souvent sont produits par des travailleurs incapables d'exercer leurs droits sans crainte d'être tués.
    Pendant des années, la Colombie a eu le plus fort taux mondial de meurtre de syndicalistes. Plus de 2 500 syndicalistes ont été assassinés en Colombie de 1986 à aujourd'hui. Qui plus est, selon l'École syndicale nationale, principal organisme non gouvernemental de la Colombie qui documente cette violence, plus de 400 d'entre eux ont été tués sous le seul régime du président Alvaro Uribe.
    Le nombre de personnes tuées a reculé de son sommet dans les années 1990, mais il demeure extrêmement élevé. L'an dernier, 39 syndicalistes sont morts, et les meurtres sont en nette croissance cette année. En effet, toujours d'après l'École syndicale nationale, 24 meurtres et quatre disparitions ont été signalés durant la période allant du début de l'année à la mi-avril.
    D'après les données statistiques gouvernementales, qui sont légèrement différentes, 22 syndicalistes avaient été tués à la fin d'avril dernier, ce qui représente une augmentation de 50 p. 100 des meurtres d'enseignants syndiqués et une progression de 400 p. 100 des meurtres de syndicalistes d'autres secteurs.
    Un des principaux facteurs qui contribuent à la violence soutenue dont sont victimes les syndicalistes a été le refus persistant du gouvernement de la Colombie de traduire les tueurs en justice. En dépit des milliers de meurtres signalés, il y a eu des condamnations dans seulement 78 cas. Le tiers presque de ceux qui ont été condamnés n'ont pas fait de prison, et la principale raison pour laquelle il y a eu autant de condamnations est le fait que le Congrès des États-Unis a retardé la ratification de l'accord de libre-échange avec la Colombie. En fait, tout au long presque du régime Uribe, le taux de condamnation pour le meurtre de syndicalistes a été constamment faible, jusqu'à la fin de 2006. Il y a eu neuf condamnations en 2003, onze en 2004, neuf à nouveau en 2005 et onze à nouveau en 2006.
    Ce n'est qu'en 2007 que le nombre a bondi à 43, une augmentation subite qui est directement attribuable aux pressions exercées par le Congrès des États-Unis dans le cadre des négociations de l'accord de libre-échange. Elles ont mené à l'établissement au bureau du procureur de la Colombie d'un groupe spécialisé de procureurs dont la mission centrale est d'enquêter sur ces meurtres. L'augmentation du nombre de condamnations est un indice que, lorsque le gouvernement tient à obtenir des résultats, il en est capable. Toutefois, dès que cesseront les pressions, le régime Uribe perdra sa principale raison d'appuyer les enquêtes.

  (1715)  

    En fait, ce que le gouvernement de la Colombie ne mentionne souvent pas lorsqu'il est question des actes de violence commis contre les syndicalistes est que de nombreux meurtres sont commis par des escadrons de la mort paramilitaires de droite qui avouent ouvertement cibler délibérément les syndicalistes, qu'ils stigmatisent en tant que collaborateurs des guérilleros de gauche. Le New York Times décrivait récemment la façon dont un syndicaliste, vers le début de l'année, avait « disparu » de force, avant d'être brûlé avec de l'acide et tué pour avoir participé à des protestations contre la violence paramilitaire.
    Les paramilitaires travaillent habituellement de près avec d'importants secteurs des services de l'armée et du renseignement et ils ont lourdement infiltré l'appareil politique. Plus de 60 membres du congrès de la Colombie, qui font presque tous partie de la coalition du président Uribe, font actuellement l'objet d'enquêtes criminelles pour avoir collaboré avec des paramilitaires. Plus de 30 d'entre eux sont en détention, y compris le sénateur Mario Uribe, cousin du président et son allié politique le plus proche durant les deux dernières décennies.
    Une affaire d'une importance particulière concerne Jorge Noguera, ex-directeur du service national du renseignement de sécurité du président Uribe de 2002 à 2005. Noguera fait l'objet d'une enquête pour avoir censément fourni à des paramilitaires le nom de syndicalistes qui ont été tués par la suite. La preuve contre M. Noguera est si grave que les États-Unis lui ont retiré son visa.
    Il importe de se rappeler que presque toutes ces enquêtes sont le résultat d'une initiative prise par la Cour suprême de la Colombie qui, il y a quelques années, a décidé de s'organiser pour étudier plus particulièrement l'infiltration du Congrès par les paramilitaires. Ces enquêtes ne sont pas le fruit d'une initiative du régime Uribe. Ce n'est qu'une fois les enquêtes amorcées que le président Uribe a décidé de débloquer des fonds pour soutenir financièrement l'initiative, mais il a simultanément pris des mesures qui pourraient miner les enquêtes. Il s'est livré à plusieurs reprises à des attaques personnelles contre les juges de la Cour suprême et il a même, à un moment donné, fait circuler une proposition qui permettrait aux membres de la classe politique d'éviter carrément la prison. Il a par la suite relégué cette proposition aux oubliettes lorsqu'il est devenu évident qu'elle pourrait faire obstacle à la ratification de l'Accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie.
    Autre coup porté aux enquêtes en Colombie, le président Uribe a récemment ordonné l'extradition vers les États-Unis de presque tous les principaux dirigeants des forces paramilitaires pour répondre à des accusations de narcotrafic. Le fait que ces caïds du crime feront enfin face à une véritable justice pour au moins certains de leurs crimes — le narcotrafic — est positif. L'extradition signifie également qu'ils ne pourront plus ordonner la commission de crimes de leur prison, comme ils le faisaient en Colombie.
    Cependant, le moment choisi pour les extrader nous inquiète énormément. La décision de les extrader n'est venue qu'après que certains de ces commandants aient en réalité commencé à coopérer, et d'autres ont annoncé qu'ils projetaient de le faire en commençant à parler aux enquêteurs colombiens de leurs liens avec les militaires et les officiels du gouvernement colombien, y compris des généraux et des politiques proches du président. Maintenant qu'ils se trouvent aux États-Unis, ils ne seront pas très ouverts à l'idée de coopérer avec les procureurs colombiens et leurs avocats leur conseilleront presque sûrement de ne pas parler. Plusieurs institutions qui suivent l'évolution des démobilisations de militaires et les enquêtes, y compris le Bureau de l'inspecteur général de la Colombie et la Commission interaméricaine des droits de l'homme, ont exprimé des réserves, affirmant que les enquêtes pourraient en souffrir énormément.
    Entre temps, les groupes paramilitaires continuent de lancer des opérations et de commettre des actes de violence sous la nouvelle direction. Le gouvernement de la Colombie prétend que la plupart de ces forces ont été démobilisées et n'existent plus; toutefois, les 30 000 personnes presque qui sont censées avoir été démobilisées sont en liberté et n'ont jamais fait l'objet d'enquêtes. Une douzaine de nouveaux groupes étroitement liés aux paramilitaires, par exemple les Black Eagles, sont actifs dans tous les coins du pays, pratiquant l'extorsion, le meurtre, les déplacements forcés et le narcotrafic.
    Huit ambassades étrangères à Bogota, l'Organisation des États d'Amérique qui a pour mission de vérifier la démobilisation et une foule de défenseurs des droits de la personne et de syndicalistes ont signalé qu'ils avaient reçu des menaces de ces nouveaux groupes au cours des derniers mois. Je me suis personnellement entretenue avec plusieurs victimes de ces nouveaux groupes qui ont vu leurs fils et leurs soeurs soumis à d'horribles tortures et tués. Pour eux, l'affirmation du gouvernement selon laquelle les paramilitaires n'existent plus est une plaisanterie plutôt cruelle.
    En guise de conclusion, je répète que nous sommes d'avis que tout accord de libre-échange devrait s'appuyer sur le respect des droits fondamentaux de la personne, particulièrement ceux des travailleurs qui produisent les biens devant faire l'objet du commerce. La Colombie ne satisfait pas à la norme actuellement. En retardant l'examen de l'accord de libre-échange, le Canada se doterait d'un précieux moyen de pression qui pourrait servir à obtenir, enfin, du gouvernement de la Colombie qu'il prenne des mesures sérieuses pour mettre fin de manière durable à la violence menée contre les syndicalistes et à l'impunité des auteurs de ces actes.

  (1720)  

    Le Canada perdrait une belle occasion s'il approuvait prématurément l'accord de libre-échange, alors que l'engagement du gouvernement de la Colombie à abolir le pouvoir des paramilitaires et à protéger les droits des travailleurs demeure ambigu. Une fois l'accord approuvé, le gouvernement Uribe perdra sa principale motivation de passer à l'action.
    Dans ce contexte, si le Canada signait un accord de libre-échange avec la Colombie, de nombreux Colombiens et observateurs internationaux croiraient, ce qui est tout à fait compréhensible, qu'il n'est pas sérieux lorsque des questions de droits de la personne entrent en jeu puisqu'il serait disposé à fermer les yeux sur le sort des travailleurs colombiens et sur l'influence de ces groupes paramilitaires meurtriers.
    Le Canada a toujours été réputé comme l'un des plus importants leaders internationaux de la promotion des droits de la personne en Colombie. Je vous prie instamment de préserver cette réputation en offrant de l'aide à la Colombie, à ses institutions judiciaires et à la promotion de la démocratie, des droits de la personne et de la règle du droit et en refusant d'envisager pour l'instant la signature d'un accord de libre-échange.
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame McFarland, je vous remercie.
    Comme il ne reste que neuf minutes, nous allons devoir sévèrement limiter la période des questions. Pour que chacun ait son mot à dire, je vais limiter à deux minutes les interventions — vous poserez une seule brève question à chaque groupe —, et je demande aux témoins d'y répondre le plus brièvement possible. C'est tout ce que nous pouvons faire.
    Monsieur Bains.
    Monsieur le président, merci beaucoup.
    Je vous sais vivement gré des observations que vous avez faites.
    J'ai des questions précises qui concernent les meurtres. Lorsque nous étions en Colombie, on nous a fourni diverses données concernant les meurtres en provenance des organismes de défense des droits de la personne, de la société civile et du gouvernement. J'aimerais simplement avoir un éclaircissement au sujet des meurtres.
    Madame McFarland, pourriez-vous nous parler du problème soulevé par M. Miranda concernant les meurtres et ceux qui sont attribués à des activités criminelles plutôt qu'à des activités syndicales? La rétroaction que nous avons eue laissait croire que les données représentaient le nombre total de meurtres et qu'elles incluaient les activités criminelles également. Avez-vous des données qui établissent la distinction entre les deux?
    L'autre question que j'estime importante concerne l'économie parallèle. C'est une question qui a été abordée. Beaucoup de personnes... Vous avez parlé, je crois, des deux tiers. Existe-t-il, monsieur Miranda, un nombre absolu ou des données confirmant que l'économie parallèle répond des deux tiers de travailleurs qui n'ont ni avantages sociaux, ni salaire, qui travaillent dans la rue, dans ces petites échoppes? Avez-vous aussi ces données?
    Ce sont là mes deux questions, soit de savoir si vos données font la différence entre l'activité criminelle et l'activité syndicale comme raison du meurtre de syndicalistes et de connaître le nombre de personnes qui participent à l'économie parallèle.
    Je vais commencer par répondre à la première question, soit la ventilation des données sur les meurtres et des personnes auxquelles ils sont attribués. Comme je l'ai déjà dit, dans la majorité écrasante des cas, il n'y a pas eu de condamnation. Les affaires n'ont jamais fait l'objet d'enquêtes. Toutefois, le plus souvent, lorsqu'il y a eu des condamnations, que l'auteur du crime a été identifié, celui-ci appartenait à un groupe paramilitaire. Voilà qui représente une tendance. Une faible proportion de meurtres a été attribuée à des guérilleros, une autre, à une autre branche des militaires, et une troisième, à des crimes de droit commun.
    Donc, quand il est question du nombre total, des 2 500 meurtres commis depuis 1986, ils incluent les meurtres commis par tous les auteurs, mais la majorité des meurtres sont en règle générale attribuables à des groupes paramilitaires qui ont délibérément ciblé et persécuté des syndicalistes.
    D'accord.
    Monsieur Miranda, en ce qui concerne l'économie parallèle...
M. Luis Hernán Correa Miranda (Interprétation):
    Trois millions de travailleurs font partie de l'économie parallèle, par rapport à une population active de 8 millions. Quelque 2,8 millions de travailleurs sont protégés par une convention collective. Ce sont les données dont nous disposons.
    Trois millions de travailleurs environ font partie de ce qu'on appelle l'économie parallèle. Ce sont des travailleurs qui ont été congédiés. Il faudrait ajouter également qu'on dénombre presque 3 millions de personnes expulsées de leurs fermes, de leurs terres, qui sont allé s'établir en ville. Donc, la situation économique de notre peuple est vraiment désastreuse. Les travailleurs qui ont un contrat de travail sont une minorité. Nous évaluons à deux tiers presque la main-d'oeuvre faisant actuellement partie de l'économie parallèle.

  (1725)  

    La parole va maintenant à M. Cardin.
    Je vais devoir couper court aux réponses. Nous ne pouvons pas nous permettre des réponses aussi longues. Désolé.
    Allez-y. Vous disposez de deux minutes, quel que soit l'usage que vous en faites. Si vous souhaitez me parler, allez-y.

[Français]

    Monsieur le président, je fais un rappel au Règlement. Serait-il possible, une fois que les témoins auront fait leur présentation, qu'on ait au moins cinq petites minutes pour poser des questions? Ce serait intéressant, compte tenu du volume d'information qu'on a reçu. Je ne vois pas pourquoi nous sommes obligés d'arrêter à 17 h 30. Si tout le monde est d'accord, on peut prendre au moins cinq minutes par groupe et faire un tour.

[Traduction]

    Désolé, mais nous allons devoir discuter de cette question à la prochaine réunion. Aujourd'hui, c'est ainsi que va se dérouler la réunion, et il vous reste une minute.

[Français]

    J'en conclus que vous êtes d'accord, monsieur le président.
     Il semble y avoir une culture antisyndicale, tant au gouvernement que dans les entreprises. Il semblerait aussi qu'à la suite des tentatives d'assassinat contre vous, le gouvernement et les entreprises ne veulent plus des syndicats. Cela explique aussi le fait qu'il est impossible de mettre des gens en accusation et de les condamner.
    Est-ce la situation qui existe sur le terrain?

[Traduction]

M. Luis Hernán Correa Miranda (Interprétation):
    Il est incontestable que les entreprises soutiennent le gouvernement, et vice versa. C'est un duo parfait. En d'autres mots, les principaux partisans du régime Uribe et de sa politique sont les entreprises, par l'intermédiaire des différents mécanismes dont ils disposent. Ce sont eux les principaux partisans de la réélection de M. Uribe.
    Je tiens à conclure en disant que je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit Mme McFarland. Il importe que le Canada préserve son image, sa feuille de route dans le domaine des droits de la personne, et la valeur qu'il accorde aux droits fondamentaux des travailleurs. Au nom des Colombiens, plus particulièrement des travailleurs colombiens, j'affirme que la signature d'un accord avec la Colombie serait immorale dans les conditions actuelles. Il n'y a pas de respect des droits en Colombie.
    Monsieur Julian, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser au sénor Correa et à Mme McFarland la question que voici. Un des aspects les plus controversés dont on nous a informés au sujet de l'accord projeté entre le Canada et la Colombie est l'idée que, si les meurtres des activistes syndicaux, des activistes des droits de la personne, se poursuivent, à cause d'un processus très alambiqué, le gouvernement colombien verserait une amende dans un fonds de solidarité. Un rédacteur en chef bien connu a affirmé que l'idée qu'un montant soit versé pour chaque exécution sommaire, comme si on pouvait acheter le meurtre, est répugnante.
    La question que je vous pose à tous deux, c'est de savoir si ce genre d'amende, cette façon de traiter le meurtre comme s'il s'agissait seulement d'une contravention pour excès de vitesse, va encourager le gouvernement de la Colombie à vraiment intensifier le respect des droits de la personne en Colombie et faire baisser le nombre de meurtres observés?
M. Luis Hernán Correa Miranda (Interprétation):
    Je ne crois pas que la formule soit efficace. Je conviens qu'on ne peut pas attribuer un prix à la vie. Quand il est question d'un fonds de solidarité, je ne comprends pas. Une fois les torts commis, il n'y a pas de réparation, puisque le fonds de solidarité en question a fait l'objet d'une entente entre les parties à l'accord. C'est un fonds destiné à la formation qui n'a rien à voir avec l'amélioration des conditions de travail de tous les travailleurs.
    Ce qu'il faut, c'est aller plus loin. Il faut aller au-delà de l'évaluation du tort causé aux travailleurs. Le préjudice est beaucoup plus grand qu'une simple perte d'emploi. Tout ce dont nous avons besoin, c'est qu'on empêche que tout ceci se produise au départ. Il faut prévenir plutôt que guérir. Avoir comme seule mesure un fonds est insensé. Il faut prévenir la commission de pareilles violations. Nous estimons que, dans les conditions actuelles en Colombie et sous le régime Uribe, ce genre d'accord ne devrait pas être signé parce qu'il n'y a pas d'éthique, qu'on n'y respecte pas de valeurs. On ne tient pas compte du fait que les droits des travailleurs font partie des droits de la personne. Ce sera un désastre si un accord était signé dans de pareilles conditions.

  (1730)  

    Je vous remercie beaucoup. Et vous avez respecté la limite de temps.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Madame McFarlane, vous avez énormément parlé des différents problèmes liés à la violence qui existe en Colombie. On sait très bien qu'un accord de libre-échange a pour effet, à long terme, d'aider les gens à se rapprocher. Le Canada étant un pays pacifique, il est possible que le fait de fréquenter des Canadiens rende les Colombiens un peu plus pacifiques à la longue, parce qu'il y aura de plus en plus d'échanges commerciaux.
    M. Miranda a parlé de quelque chose de très spécial. Il a dit littéralement qu'il y avait une chasse aux syndicalistes en Colombie. Si j'ai bien compris l'histoire de ce pays, au début les syndicats étaient avec les FARC. Ils ne le sont plus maintenant, pour différentes raisons. Y a-t-il un double langage? On constate que le gouvernement est antisyndical, mais le syndicat a soutenu les FARC pendant très longtemps.
    La conclusion d'un accord de libre-échange ne serait-elle pas une bonne occasion d'apaiser les tensions? On améliorerait ainsi l'économie de ce pays. Si on ne conclut pas d'accord avec la Colombie, comme vous nous le demandez, on risque de pénaliser les syndicats et les travailleurs. On risque même de mettre en faillite certaines familles et usines.
    J'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

    D'une part, je crois qu'il existe différentes formes possibles de participation avec la Colombie. Il n'est pas nécessaire de passer par le commerce. Vous pouvez le faire par l'intermédiaire d'une aide ou de nombreux autres moyens qui pourraient être plus productifs et qui ne soulèveraient pas la question de savoir s'il faut faire du commerce avec un pays qui ne respecte pas les droits de ses travailleurs.
    Quant à savoir si vous pénaliseriez les syndicats ou nuiriez à la population de la Colombie, je crois que le meilleur moyen actuellement d'aider la Colombie et d'aider ses syndicats est de retarder l'examen d'un accord de libre-échange. C'est là une occasion unique, une occasion qui ne se représentera pas. Il ne faut pas oublier non plus l'accord accessoire dont a parlé M. Julian. Vous ne pouvez pas, dans le cadre d'une entente accessoire, créer le même incitatif que vous avez actuellement, qui est de peut-être retarder la signature d'un accord de libre-échange et de ne pas le signer tant que certaines mesures n'auront pas été prises. Une fois que vous concluez l'accord accessoire, c'est vrai qu'il devra verser des fonds dans cette caisse, qu'il aura à payer des amendes. Ce sont des questions de très peu d'importance par rapport au fait de retarder la signature d'un accord de libre-échange.
    Il est extrêmement difficile d'obtenir du gouvernement de la Colombie qu'il fasse certaines réformes. Cela s'est avéré extrêmement difficile, et il n'y en a eu que parce que le Congrès des États-Unis a retardé l'Accord de libre-échange jusqu'à ce qu'il y ait un certain changement.
    J'estime qu'il faut continuer d'exercer les pressions, et c'est là un moyen qui aidera les travailleurs colombiens plus que tout autre.
    Je vous remercie.
    Monsieur Petit, je vous remercie également.
    À nouveau, je suis désolé que nous ayons eu si peu de temps. Nous allons devoir revoir notre organisation du temps. Vous avez été d'excellents témoins, et je vous suis très reconnaissant du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Monsieur Miranda, je vous remercie particulièrement d'être venu au Canada pour faire ce témoignage, de même que vos frères et soeurs du Congrès du travail du Canada qui ont facilité votre visite. Nous avons été vraiment heureux de vous accueillir.
    De plus, j'apprécie à sa juste valeur le temps que Mme McFarland, de Human Rights Watch, et Jeffrey Schott, du Peterson Institute for International Economics, nous ont consacré par vidéoconférence — et d'avoir ainsi évité toutes ces émissions de gaz à effet de serre.
    Je vous remercie d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Je suis navré que nous ayons eu si peu de temps. Je sais que nos membres auraient beaucoup plus de questions à vous poser si nous en avions le temps. Toutefois, ce n'est pas le cas, et il va falloir se laisser sur cette note.
    Merci à tous à nouveau. La séance est levée.