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STER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité sur l'examen de la Loi antiterroriste du Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 002 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 21 juin 2006

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    La deuxième séance du Sous-comité sur l'examen de la Loi antiterroriste du Comité permanent de la sécurité publique et nationale est ouverte.
    Aujourd'hui, nous souhaitons la bienvenue au comité à deux ministres, M. Day et M. Toews.
    Monsieur Day.
    Merci, monsieur le président, et merci, honorables députés, de l'excellent travail que vous accomplissez au sein de votre comité.

[Français]

    Je tiens à remercier les membres du sous-comité de m'avoir offert l'occasion de comparaître devant eux aujourd'hui. Je tiens aussi à les féliciter pour tout le travail qu'ils vont continuer à accomplir dans le cadre de l'examen de la Loi antiterroriste.

[Traduction]

    Comme vous le savez, l'examen que vous menez à bien est dicté par l'article 145 de la loi.

[Français]

La LAT constitue une composante essentielle d'un cadre de sécurité efficace et représente un moyen crucial de protéger les Canadiens et leurs familles.

[Traduction]

    La loi nous fournit des outils pour lutter contre le terrorisme et des mécanismes pour garantir que ces outils sont utilisés à bon escient. Comme vous le savez, la menace n'a pas diminué. Vingt-quatre Canadiens ont perdu la vie le 11 septembre; des milliers d'Américains et d'autres également. Depuis lors, des attentats terroristes ont ébranlé plus d'une trentaine de pays. Je songe notamment à l'explosion d'une bombe dans une discothèque à Bali, aux attentats à l'explosif contre les trains de banlieusards à Madrid, à la tragédie dans une école à Beslan, aux attentats dans le métro et dans un autobus à Londres et, bien entendu, aux arrestations récentes ici au Canada.

[Français]

    Ces événements tragiques nous rappellent que le terrorisme représente une menace internationale constante.

[Traduction]

De par sa nature internationale, le terrorisme exige une réponse internationale. Il faut recueillir et partager l'information pour être en mesure de prévenir des attentats ici, en sol canadien, et d'y réagir.
    La collecte de renseignements est la pierre angulaire de nos efforts pour déceler et juguler cette menace globale des plus pointue. En 2001, les Nations Unies ont reconnu la valeur des services de renseignement et demandé à tous les États d'intensifier et d'accélérer l'échange d'information par le truchement de la Résolution 1373.
    Cette loi nous a aidés à ratifier et à mettre en oeuvre des ententes internationales importantes, notamment des recommandations internationales sur le financement du terrorisme et d'autres résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU contre le terrorisme. La Loi antiterroriste nous a donné les moyens de faire front commun avec nos alliés partout dans le monde dans la lutte contre le terrorisme.
    Nous reconnaissons qu'à eux seuls, les services de renseignements ne pourront empêcher un attentat. Nous avons besoin de la collaboration, de l'appui de tous les Canadiens, quels que soient leurs antécédents. Les organismes d'exécution de la loi du Canada dont le travail est axé sur la sécurité et le renseignement font appel aux diverses communautés pour communiquer de façon plus efficace avec les Canadiens. Ils oeuvrent dans les limites de la loi canadienne et dans le respect des valeurs démocratiques qui sont les nôtres. Dans certaines communautés, il peut arriver que l'on ait de fausses perceptions, mais les organismes que je dirige et moi-même faisons tout en notre pouvoir pour y remédier.

[Français]

    Nous continuerons de travailler ensemble pour établir une relation avec les groupes ethniques et culturels de notre société qui se sentent peut-être isolés ou tenus à l'écart.

[Traduction]

J'ai des entretiens avec les participants à la table ronde interculturelle sur la sécurité; je les ai rencontré lundi, et aussi en février dernier. Ils sont engagés dans un dialogue à long terme sur les questions de sécurité nationale et je suis encouragé par leur engagement indéfectible en faveur d'un dialogue ouvert.
    À Toronto, les autorités ont procédé à une série d'arrestations. Lorsque j'ai participé aux réunions du G-8 avec mes homologues responsables de la sécurité, la semaine dernière, les événements survenus au Canada ont suscité parmi eux beaucoup d'intérêt. En effet, les pays du G-8, comme la plupart des pays dans le monde, sont confrontés à des problèmes analogues.
    La GRC et le SCRS rencontrent régulièrement des représentants des communautés ethnoculturelles pour répondre à leurs préoccupations. La rétroaction que je reçois au sujet de ces rencontres est très positive. Les gens sont très heureux de pouvoir entendre les membres de nos services policiers et de renseignement, de pouvoir leur parler et de réagir à leurs propos à l'occasion de réunions tenues dans leur milieu.
    Dans le discours qu'il a prononcé au Parlement, le premier ministre Howard d'Australie nous a rappelé que ce n'est pas en faisant l'autruche que nous parviendrons à vaincre le terrorisme. Rêver en couleurs n'est pas une politique, et refuser d'agir n'est pas une option. Pour combattre le terrorisme, il faut que nous ayons les outils appropriés pour nous défendre.

  (1545)  

[Français]

    La Loi antiterroriste est justement un de ces outils. Grâce à cette loi, les organisations terroristes ont plus de difficulté à mener leurs opérations ici, au Canada, mais aussi à l'étranger.

[Traduction]

La LAT renferme d'importantes mesures de prévention pour contrer les attentats avant qu'ils ne soient perpétrés et prévoit des mesures de protection, et il convient d'en faire l'examen.
    La LAT nous habilite à porter des accusations et à engager des poursuites relativement à des infractions de terrorisme. Comme vous le savez, les accusations portées contre les 17 individus arrêtés le 2 juin tombent sous le coup de la LAT. Ces derniers sont maintenant devant les tribunaux.
    Le terrorisme est alimenté par l'argent et, en 2004-2005, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) a fourni des renseignements financiers dans 32 cas présumés de financement d'activités terroristes et d'autres menaces à la sécurité du Canada. La divulgation de tels renseignements aux organismes de renseignement et d'exécution de la loi est vitale et constitue un élément stratégique des efforts pour tarir les sources de financement des terroristes. Par le biais de ses dispositions concernant l'établissement d'une liste, le Code criminel, tel que modifié par la LAT, nous fournit un autre moyen permanent de restreindre la capacité des groupes terroristes de recueillir des fonds, et partant, de réduire leur capacité d'opérer au Canada. L'établissement de cette liste est simplement un autre volet d'un effort international lancé à l'instigation des Nations Unies.
    Nous avons récemment inscrit sur cette liste les Tigres de libération de l'Elam tamoul. En privant ce groupe de la possibilité de mener des activités au Canada, nous accroissons la sécurité de nos collectivités. Les TLET utilisent diverses tactiques de terreur pour atteindre leurs objectifs, se livrant à des attaques contre des cibles politiques, économiques, religieuses et culturelles. Ils s'en prennent aussi aux civils. Le gouvernement veut absolument que les nouveaux immigrants sachent qu'en venant ici, ils pourront vivre en toute liberté sans être victimes de campagnes de peur ou d'intimidation.
    Grâce à la LAT, nous protégeons aussi l'intégrité des organismes caritatifs en refusant aux organisations qui appuient les activités terroristes le statut d'organismes de bienfaisance.
    La LAT fonctionne. Elle rehausse la sécurité des Canadiens. Elle adopte une approche modérée qui protège notre sécurité, mais sans pour autant compromettre nos libertés. Les Canadiens comprennent que le terrorisme représente une menace directe à leur mode de vie, et les sondages d'opinion publique montrent qu'ils savent que les valeurs que nous chérissons dépendent de la sécurité dont nous jouissons dans nos foyers, dans nos communautés, et aux frontières. Les Canadiens s'attendent — et avec raison — à ce que leur gouvernement fasse tout en son pouvoir pour les protéger de tout préjudice. Il est vital pour leur bien-être social et économique que les Canadiens puissent vivre leur vie, élever leurs enfants et les voir réaliser leurs rêves dans un monde non contaminé par la peur.
    Certains ont fait remarquer que de nombreuses dispositions de la loi n'ont pas été utilisées, ou l'ont été très rarement. La parcimonie avec laquelle on y a eu recours illustre à quel point nous faisons preuve de prudence à leur égard. Il ne faut pas en conclure qu'elles ne sont pas nécessaires, mais plutôt qu'elles sont utilisées avec doigté et prudence.
    Les libertés civiles n'ont pas été sacrifiées sous le régime de la LAT. Au moment où la loi a été rédigée, de nombreuses voix ont exprimé la crainte qu'on en fasse un usage très fréquent. Cette crainte s'est révélée non fondée. Les autorités policières et les autres organismes d'exécution utilisent les pouvoirs que leur confère la LAT de façon très prudente et responsable. D'ailleurs, des freins et contrepoids s'appliquent au recours à tous les pouvoirs et dispositions de la mesure. La LAT est un instrument nécessaire pour lutter contre le terrorisme.
    Nous avons d'autres instruments à notre disposition, par exemple, les certificats de sécurité. Ce processus, qui est largement compris, a été utilisé très prudemment au fil des ans. Il a été établi en 1978 et on y a rarement recours. Il est enclenché lorsque se présentent à la frontière des personnes qui, selon les services de renseignement et de sécurité, présentent un danger et une menace extrêmes pour la société canadienne. À ce moment-là, on leur offre la possibilité de retourner dans leur pays d'origine. Si elles décident de ne pas y retourner et de se prévaloir de notre très généreux processus d'appel, elles sont autorisées à le faire. C'est un long processus qui s'étend sur de nombreuses années. Étant donné que ces personnes sont réputées être extrêmement dangereuses, on leur offre le choix : soit faire appel de cette désignation tout en demeurant en détention tout au long du processus, soit, encore une fois, rentrer dans leur pays d'origine. À tout moment, elles peuvent quitter le centre de détention et retourner dans leur pays d'origine.

  (1550)  

    Ce processus particulier n'a été utilisé que six fois depuis 2001. Sa validité a été conformée par les tribunaux fédéraux aussi récemment qu'en septembre 2005 et maintenant, comme vous le savez, sa constitutionnalité sera évaluée par la Cour suprême. Six personnes depuis 2001, cela ne traduit pas une utilisation abusive si l'on tient compte du fait que tous les ans, entre 10 000 et 12 000 personnes sont renvoyées du Canada aux termes de diverses mesures d'immigration.
    Le gouvernement a pris des mesures décisives pour protéger les Canadiens et leurs familles.

[Français]

    Notre budget prévoit 1,4 milliard de dollars sur une période de deux ans pour protéger les familles et les collectivités canadiennes, pour assurer la sécurité de nos frontières et pour améliorer notre préparation en vue des menaces en matière de santé publique.

[Traduction]

    En conclusion, je vous informe que le gouvernement investira 303 millions de dollars d'ici deux ans pour mettre en oeuvre une stratégie frontalière destinée à favoriser les échanges commerciaux et les déplacements de voyageurs à faible risque en Amérique du Nord, tout en protégeant les Canadiens d'atteintes à leur sécurité. En outre, au cours des deux prochaines années, nous dépenserons 95 millions de dollars pour accroître la sécurité du transport ferroviaire et urbain.
    Au Canada, le 23 juin sera consacré journée nationale du souvenir des victimes de la terreur. Cette date marque l'anniversaire de l'attentat à l'explosif contre le vol Air India en 1985, le pire attentat terroriste de l'histoire du Canada, qui a fait 329 victimes innocentes. Cela nous rappelle que notre mission n'est pas terminée, que la menace est permanente et que la vigilance s'impose.
    Vous avez entendu des témoins experts décrire la menace actuelle, vous en connaissez la nature ainsi que le défi auquel nous sommes confrontés. Vous apportez dans la discussion sur cet enjeu une expertise et une perspective d'une valeur inestimable. La vigueur de notre législation et la compétence des milieux du renseignement et de l'exécution de la loi nous permettront de juguler la menace du terrorisme au Canada.
    Je vous remercie de votre travail, de votre avis et de votre apport.
    Merci, monsieur Day.
    Monsieur Toews.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le sous-comité de m'avoir invité à comparaître pour discuter de cette importante mesure législative. Je vous signale que je suis accompagné de deux de mes collaborateurs du ministère, M. Bill Pentney et M. Doug Breithaupt, qui pourront sans doute répondre mieux que moi à certaines questions de nature technique.
    Je sais que certains d'entre vous ont participé à l'examen de la Loi antiterroriste au cours de la dernière législature, un examen qui a été interrompu par le déclenchement des élections. D'autres parmi vous sont de nouveaux participants à cette étude, mais je ne doute absolument pas que votre expérience et votre expertise vous permettront d'y contribuer tout autant. Le ministre de la Sécurité publique et moi-même sommes impatients de prendre connaissance de vos commentaires et de vos recommandations.
    La Loi antiterroriste est divisée en plusieurs parties qui portent sur le Code criminel, la Loi sur la protection de l'information, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité (blanchiment d'argent) et le financement du terrorisme, apporte des modifications à d'autres lois et prévoit la mise en oeuvre de la Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité). Elle renferme aussi de vastes mesures destinées à prévenir et à éliminer le terrorisme. Elle a permis au Canada de devenir partie aux traités des Nations Unies contre les attentats à l'explosif perpétrés par les terroristes et le financement du terrorisme, ainsi qu'à la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé. Elle a aussi fait en sorte que le Canada puisse se conformer à diverses résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et à d'autres engagements internationaux. La loi revêt donc beaucoup d'importance dans le contexte international.
    Nous devons être sensibles aux préoccupations soulevées par diverses communautés au Canada, et je tiens à dire clairement que c'est le terrorisme, et non un groupe ethnique ou religieux en particulier, qui est visé par cette mesure.
    La Loi antiterroriste englobe des dispositions clés du Code criminel portant sur des actes motivés par la haine et elle précise que la diffusion de messages haineux à l'aide de nouvelles technologies, comme l'Internet, est une pratique discriminatoire aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La mesure constitue un élément fondamental de notre cadre législatif en vue de combattre le terrorisme. Elle représente une réponse efficace, mesurée et proportionnée à la menace terroriste.
    D'aucuns pourraient laisser entendre que la Loi antiterroriste n'est pas nécessaire. Je ne suis pas d'accord du tout. L'accent mis sur la prévention et l'empêchement des attentats terroristes est une caractéristique primordiale de la loi. Cette approche axée sur la prévention est abondamment illustrée par la gamme des infractions, qui visent à démanteler et à mettre hors d'état de nuire le réseau terroriste en soi, ainsi que par des instruments comme l'engagement assorti de conditions et les audiences d'investigation. Comme je l'ai déjà déclaré ailleurs, l'emphase que met la loi sur la prévention continue d'être nécessaire. Par exemple, pour les personnes qui sont prêtes à se suicider pour commettre des crimes terroristes, la perspective d'un châtiment après le fait ne constitue nullement une forme de dissuasion.
    En outre, en ce qui concerne l'importance qu'il convient d'accorder à la prévention du terrorisme et à la manière dont celui-ci diffère du crime organisé, je vous renvoie au témoignage que Lord Carlile, qui a effectué une étude indépendante de la législation antiterroriste au Royaume-Uni, a présenté à votre comité prédécesseur l'an dernier.
    Permettez-moi d'aborder brièvement un aspect de la Loi antiterroriste que j'ai commenté la semaine dernière : l'exigence de la motivation dans la définition de l'expression « activité terroriste ». Comme je l'ai déjà dit dans un autre contexte, l'exigence de la motivation est un élément additionnel que doit prouver la Couronne. Je reconnais que certains témoins que vous avez entendus précédemment ont dit craindre que cette exigence soit perçue comme une porte ouverte à la singularisation de groupes particuliers dans notre société. En fait, j'ai déjà déclaré cela à quelques occasions pendant que j'étais dans l'opposition.
    L'exigence de la motivation restreint la définition de ce qu'est une activité terroriste et empêche les infractions de terrorisme de filtrer dans d'autres domaines du Code criminel. J'aimerais entendre les commentaires du comité au sujet de l'élimination de l'exigence de la motivation ou de la possibilité de redéfinir une activité terroriste sans référence à une motivation politique, religieuse ou idéologique, peut-être en s'inspirant de ce qu'ont fait les Français, les Américains ou les Allemands. Mais l'approche du législateur en la matière — et je parle de cette loi en particulier — procède d'une très grande prudence à l'égard des lois ayant une trop grande portée.

  (1555)  

    Toutefois, je note les commentaires qu'a formulés très récemment le commissaire de la GRC au sujet de l'exigence de la motivation, et je vous recommande son témoignage à cet égard.
    Je vais maintenant aborder deux dispositions de la Loi antiterroriste qui cesseront de s'appliquer au début de 2007 à moins que leur application ne soit prolongée par une résolution adoptée par les deux Chambres du Parlement. Je soumets respectueusement au sous-comité l'opinion que ces deux dispositions devraient être prolongées.
    Premièrement, la loi prévoit l'imposition d'ordonnances d'engagement. On a parfois appelé cela une arrestation préventive, mais en fait, le pouvoir de la police d'arrêter une personne sans mandat et de la faire comparaître devant un juge pour que des conditions lui soient imposées, a une portée plutôt limitée. En règle générale, avant que cette disposition puisse être utilisée, il faut au préalable obtenir le consentement du procureur général compétent. Une fois son consentement obtenu, un agent de la paix soumet alors l'information à un juge d'une cour provinciale.
    L'agent de la paix est autorisé à agir ainsi uniquement si deux conditions sont respectées. Premièrement, il doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera perpétrée. Deuxièmement, il doit être raisonnablement convaincu que l'imposition d'un engagement assorti de conditions, ou l'arrestation de la personne, est nécessaire pour empêcher l'exécution d'une activité terroriste. Le juge ordonne alors que la personne soit traduite devant lui, par exemple au moyen d'une assignation.
    Le recours à cette disposition est possible dans des conditions définies très étroitement et fait l'objet de nombreuses garanties procédurales. L'objectif de cette disposition est d'aider les agents d'exécution de la loi à perturber les plans d'attentats terroristes, et le fardeau de la preuve incombe toujours à l'État, qui doit justifier l'imposition de conditions. Si le tribunal n'est pas convaincu que les conditions sont nécessaires, le sujet est remis en liberté.
    L'imposition de conditions en vue de prévenir les crimes avant leur perpétration n'est pas exceptionnelle dans la législation canadienne. Des conditions sont imposées lorsqu'une personne inculpée d'un crime est mise en liberté sous cautionnement. La disposition relative à l'engagement de la Loi antiterroriste est fondée sur les pouvoirs d'engagement énoncés à l'article 810 du Code criminel, conçu pour s'appliquer à la violence conjugale, au crime organisé et aux agressions sexuelles graves. Ces dispositions ont constamment été jugées conformes à la Charte des droits et libertés.
    L'autre disposition qu'il convient de prolonger avant l'an prochain vise le pouvoir de tenir une audience d'investigation en vertu du Code criminel. Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction de terrorisme a été ou sera commise, un tribunal peut délivrer une ordonnance de recherche de renseignements. Un agent de la paix peut présenter une demande relative à cette ordonnance uniquement après avoir obtenu le consentement du procureur général compétent. Si l'ordonnance est accordée, le juge peut ordonner à une personne d'assister à une audience devant un juge, de répondre à des questions et d'apporter avec elle tous les documents ou les articles pertinents en sa possession.
    Une audience d'investigation n'est pas une poursuite pénale. La personne contrainte à comparaître n'est pas un accusé, mais un témoin. En ce sens, cette audience est très semblable à une comparution devant un grand jury aux États-Unis. Il est énoncé explicitement dans la disposition que le témoin a le droit d'engager un avocat. Cette procédure a pour objet de recueillir des renseignements susceptibles de contribuer à l'investigation et à la prévention d'infractions de terrorisme.
    Pendant une telle audience, la protection garantie par la Charte contre l'auto-incrimination est appliquée intégralement. Le sujet peut être contraint de répondre à des questions, mais aucune réponse donnée ou objet produit — ni toute preuve dérivée tirée de ceux-ci ne peuvent être utilisés contre la personne dans tout procès criminel ultérieur, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires. Il jouit aussi d'une protection contre la divulgation des renseignements privilégiés.
    Comme vous le savez, en juin 2004, la Cour suprême du Canada a confirmé la validité constitutionnelle des dispositions relatives à l'audience d'investigation. Les juges de la cour ont noté que la protection contre l'auto-incrimination dépasse en fait les exigences de la Charte. Il ne s'agit pas d'une procédure sans précédent, et d'autres pays ont des procédures similaires ou plus poussées.
    Certains témoins qui ont comparu devant le comité prédécesseur du vôtre ont fait valoir que ces deux pouvoirs ne devraient pas être renouvelés étant donné qu'ils n'ont pratiquement jamais été utilisés. Toutefois, la fréquence d'utilisation de ces dispositions n'est pas l'aune à laquelle on mesure leur importance. De nombreuses dispositions de notre Code criminel sont peu fréquemment employées. Je songe notamment aux dispositions relatives aux crimes haineux et aux infractions de détournement d'avion ou de trahison. Elles n'en constituent pas moins une composante essentielle du cadre législatif pénal.

  (1600)  

    Comme l'a fait remarquer la Cour suprême du Canada, le défi qui se pose à un État démocratique est de trouver un équilibre, c'est-à-dire prendre les mesures qui constituent une réponse efficace au terrorisme tout en reconnaissant, comme il se doit, la valeur fondamentale de la règle de droit. Une réponse au terrorisme qui s'inscrit dans le respect de la règle de droit maintient et rehausse les libertés essentielles à la démocratie qui nous sont chères.
    La Loi antiterroriste a été rédigée avec soin en vue de protéger les Canadiens contre les atteintes à la sécurité nationale, tout en assurant le respect et la protection continus des valeurs que reflètent les droits et libertés garantis dans la Charte des droits et libertés. C'est un équilibre délicat, mais j'estime qu'il a été atteint dans la Loi antiterroriste. Cette mesure fait partie intégrante d'un ensemble de mesures raffinées conçues avec la volonté expresse de protéger nos libertés fondamentales et de maintenir nos valeurs démocratiques.
    On ne saurait trop insister sur l'importance de cette loi. Nous devons être outillés pour faire face à d'éventuels attentats terroristes. Nous avons pu constater que la possibilité que de tels attentats se produisent est effectivement réelle. Les Canadiens doivent avoir le sentiment que leur gouvernement a fait tout le nécessaire pour les protéger du terrorisme tout en respectant leurs libertés individuelles.
    Nous sommes impatients de prendre connaissance de vos recommandations dans le contexte de nos efforts permanents pour trouver des moyens d'améliorer le fonctionnement de la Loi antiterroriste. Je vous souhaite tout le succès possible dans la réalisation de ce travail important. Je répondrai volontiers à vos commentaires et à vos questions.
    Merci.

  (1605)  

    Merci, monsieur Toews.
    Au cours de la première ronde, les interventions dureront sept minutes. Je demanderais à M. Wappel de commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs les ministres, d'avoir comparu aujourd'hui.
    La précédente incarnation de notre sous-comité au cours de la législature antérieure a commencé ses travaux en entendant vos prédécesseurs et les a terminés en les entendant de nouveau avant d'amorcer la discussion sur son ébauche de rapport. Pour notre part, nous commençons nos audiences en vous accueillant ici comme témoins.
    En écoutant vos exposés, je me suis demandé si je pourrais déceler un changement quelconque entre la position de l'ancien gouvernement libéral et celle du gouvernement conservateur actuel au sujet de cette mesure. D'après le témoignage que vous avez livré tous les deux jusqu'ici, je ne peux déceler l'ombre d'une différence. Êtes-vous d'accord avec cela?
    De façon générale, je serais d'accord. J'ai suivi très attentivement les débats sur cette question et à mon avis, l'ancien gouvernement et l'ancien ministre de la Justice ont reconnu la nécessité d'exécuter un exercice d'équilibre délicat.
    Le seul commentaire que je ferais, c'est que dans le passé, j'ai exprimé certaines préoccupations au sujet de la définition d'une activité terroriste. Je peux uniquement vous recommander de vous pencher sur cette question. Je ne propose pas nécessairement de changements, mais j'estime que c'est une question qui mérite d'être examinée. Je l'ai soulevée il y a de nombreuses années.
    Je note que certains des groupes qui ont comparu devant le comité il y a quelques années ont déclaré que la formulation de l'exigence que la motivation politique, religieuse ou idéologique soit prouvée par la Couronne ouvre la porte au profilage racial ou à des problèmes du genre.
    En même temps, on m'a rapporté — et j'avoue que c'est un témoignage de seconde main — ce qu'a dit le commissaire de la GRC. Dans sa déclaration, il semble laisser entendre qu'il souhaiterait qu'elle soit retirée de la mesure ou plutôt, si la disposition relative à la motivation était retirée, sans avoir précisé si telle est sa préférence ou non, il pourrait alors s'en servir pour s'attaquer au crime organisé.
    Vous voudrez peut-être réfléchir à la question de savoir si une telle disposition aurait une portée trop large ou si elle serait acceptable dans une société libre et démocratique.
    Je n'ai pas constaté de changements majeurs d'attitude du gouvernement actuel par rapport au gouvernement précédent pour ce qui est de sa position, de sa capacité d'équiper et d'encadrer nos services de police et de renseignement.
    Merci.
    Dans un instant, j'aimerais explorer brièvement la définition d'« activité terroriste ».
    Ce que je trouve curieux au sujet d'un projet de loi aussi complexe que celui-ci, c'est qu'aucun des ministres n'a proposé de modifications, comme si la loi était parfaite sous sa forme actuelle. Je sais que le ministre de la Justice a suggéré que nous nous penchions sur la question de la motivation.
    Je vais donc poser spécifiquement la question : y a-t-il des modifications précises à la loi que l'un ou l'autre d'entre vous souhaiterait que notre comité étudie?
    Dans mon optique — et je vais laisser l'aspect juridique au ministre de la Justice —, je considère que le travail de votre comité est utile, valable et nécessaire — et c'est l'évidence puisqu'il est même mandaté par la loi. Lorsque je comparais devant un comité comme le vôtre, je ne voudrais pas présumer quoi que ce soit. Je souhaite entendre vos points de vue, prendre note de vos suggestions et leur accorder une sérieuse considération.
    Il y a aussi d'autres facteurs. Comme vous le savez, l'examen O'Connor est présentement en cours. Nous nous attendons à ce qu'il donne lieu à certaines suggestions... il y en aura peut-être ou peut-être pas, mais je ne voudrais pas non plus faire de suppositions quant à leur nature. J'aimerais recueillir toute l'information concernant les préoccupations et les opinions qui ont été formulées. Si, dans mon optique, il convient de régler certaines choses concernant les services de police et de renseignement, à ce moment-là je communiquerai certainement au comité ces suggestions.

  (1610)  

    Je veux simplement signaler — et cela renforce vos propos — que dès le départ, l'examen de ce projet de loi s'est déroulé dans un contexte remarquablement dénué de tout sectarisme. Oui, il y a eu des divergences d'opinion, mais de façon générale, nous avons toujours reconnu que l'objectif était noble et nous voulions faire de notre mieux.
    Pour ce qui est des modifications possibles, nous ne sommes pas venus ici avec l'intention arrêtée d'obtenir des pouvoirs plus vastes. En fait, nous nous intéressons au plus haut point à la réflexion de votre comité et du comité sénatorial sur cette question.
    À mon avis, s'il y a un point que le comité devrait examiner, c'est la clause de temporarisation relative aux audiences d'investigation et aux ordonnances d'engagement, qui disparaîtront en 2007 à moins que leur application soit prolongée par une résolution des deux Chambres du Parlement. Selon moi, ce sont là des instruments très importants dans la lutte contre le terrorisme. Je ne voudrais pas que ces dispositions arrivent soudainement à terme à la suite du déclenchement des élections ou pendant d'autres périodes où la Chambre ne siège pas. Je souhaiterais que votre comité se penche là-dessus et fasse des recommandations à savoir s'il serait possible de faire la même chose autrement, peut-être au moyen d'un examen régulier des dispositions de la loi au lieu d'en laisser certaines disparaître, ce qui laisse un trou dans notre filet de sécurité, si je puis dire, alors que nous pourrions en avoir besoin.
    Ce n'est pas que je sois réticent à me plier à la surveillance du comité ou du Parlement, mais je me demande si c'est en fait le meilleur mécanisme pour accomplir ce mandat, eu égard à ce que je considère être des outils très importants mais peu fréquemment employés.
    Monsieur Toews, je n'ai pas bien saisi vos commentaires au sujet de la motivation. Je suppose que vous faites référence à l'alinéa 83.01(1)b), qui évoque, à mon sens, trois critères. Il faut qu'une activité terroriste ait été commise en tout ou en partie pour des motifs politiques, religieux ou idéologiques, mais pas seulement pour ces motifs. Il faut qu'elle l'ai été aussi dans le but d'intimider la population, etc. et encore là, il faut qu'elle l'ait été en sus avec l'intention de provoquer certains effets.
    Par conséquent, il ne suffit pas d'adhérer à une idéologie religieuse en particulier, car ce n'est qu'un des trois critères. Il faut en outre se livrer à deux autres activités concrètes pour tomber sous le coup de la définition d'« activité terroriste ». Je suis curieux de savoir pourquoi cela impliquerait, d'une façon ou d'une autre, une intolérance religieuse.
    Je serai bref parce que je sais que le député a peu de temps, mais c'est une question importante.
    Cela signifie que la Couronne doit prouver que la motivation politique, religieuse ou idéologique est un ingrédient essentiel de l'infraction ou de l'activité terroristes. Pensez au cas d'un groupe issu d'une religion en particulier mais qui n'en fait pas nécessairement partie. Ces individus croient exécuter un mandat religieux particulier.
    Certains ont dit craindre qu'en cherchant une preuve de motivation religieuse, on porte atteinte injustement à cette religion alors que les actes en question n'ont rien à voir avec elle. On stigmatise une religion injustement en exigeant cette preuve.
    Cet énoncé semble avoir été privilégié davantage par des pays du Commonwealth qui se sont inspirés du modèle britannique. Pour une raison quelconque, les Britanniques ont adopté une disposition en ce sens, probablement en se fondant sur l'expérience du terrorisme qu'a connu la Grande-Bretagne elle-même. La même exigence a été adoptée par l'Australie et par d'autres pays du Commonwealth. Le Canada l'a aussi adoptée. Mais si l'on examine la législation américaine et d'autres législations en vigueur en Europe, l'élément motivation n'y figure pas.
    Je me demande pourquoi nous courons le risque que la Couronne tombe dans le prétendu profilage racial alors que dans d'autres pays, on n'a pas jugé nécessaire d'inclure cet élément.

  (1615)  

    Merci.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Messieurs les ministres, je vous remercie tous les deux d'avoir bien voulu vous présenter devant nous au début de ces travaux que reprend le sous-comité, ainsi que d'avoir pris connaissance des représentations qui ont été faites antérieurement.
    Vous avez déjà répondu à la première question que je voulais vous poser. C'est celle que M. Wappel vous a posée. Je sais que pour vous, bien que le Parlement ait agi dans l'urgence, de façon précipitée, à cause des circonstances, il a accouché d'une loi pratiquement parfaite qui nécessite peu d'améliorations. Ce n'est pas ce que pensait le Parlement qui l'a adoptée, semble-t-il.
    Puis-je vous suggérer quelques améliorations? Pensez-vous que lors des audiences où le juge reçoit une preuve ex parte, il n'y aurait pas avantage, afin de respecter les principes généraux de notre droit, à ce qu'il y ait ce qu'on appelle un amicus curiae, ou un ami de la cour, c'est-à-dire un avocat dont le niveau de sécurité soit parfait et qui puisse contre-interroger les témoins entendus de façon à mieux éclairer le juge qui doit décider?

[Traduction]

    Comme vous le savez, cette question fait présentement l'objet d'un appel auprès de la Cour suprême du Canada. Au cours des audiences qui ont eu lieu la semaine dernière, plusieurs modèles ont été proposés par l'avocat des appelants et des intervenants. Le gouvernement est d'avis qu'il serait prudent d'attendre le jugement de la Cour suprême avant de prendre une décision de politique à ce sujet. Cependant, si le comité souhaite faire des recommandations, nous suggérons qu'il garde à l'esprit les considérations suivantes.
    Premièrement, on pourrait réfléchir à la question de savoir si le recours à un avocat spécial pourrait présenter un avantage marqué, en termes d'équité, par rapport au modèle actuel, en vertu duquel des juges désignés de la Cour fédérale peuvent poser et posent des questions pointues pour tester l'argumentation du gouvernement.
    Deuxièmement, il serait pertinent de réfléchir à la question des communications entre l'avocat et son client et à la nécessité de garantir la non-divulgation de renseignements privilégiés. Je crois savoir qu'en Grande-Bretagne, où de tels avocats existent, plusieurs conseillers juridiques réputés ont refusé d'agir en cette qualité pour protéger la relation entre l'avocat et son client. Ce serait donc un sujet à étudier.
    Quoique nous fassions, il est évident qu'aucun modèle ne sera une panacée. Aucun système ne peut à la fois protéger des renseignements sensibles et garantir que la personne concernée soit mise au courant de toute la preuve contre lui. En la matière, il est difficile de trouver un équilibre, mais si votre comité veut se pencher sur certains précédents britanniques à l'égard des amicus curiae, nous pourrions vous fournir plus de détails que je ne peux vous en donner maintenant.

[Français]

    On peut examiner ce que les gens nous ont suggéré. La Fédération des professions juridiques du Canada, pour régler ces problèmes, avait suggéré que l'amicus curiae n'ait de contact qu'avec l'avocat de la personne détenue, de sorte que celle-ci puisse se sentir parfaitement en confiance et dire tout ce qui est nécessaire à son avocat, et l'amicus curiae prendrait ensuite ses instructions de cet autre avocat. Je ne sais pas si vous avez examiné cette suggestion, mais je l'ai trouvée vraiment originale. Si elle était mise en oeuvre, la personne détenue pourrait s'ouvrir complètement à son avocat.
    Je vois que vous attendez quand même nos suggestions à cet égard et que ce n'est pas le fait que la cause soit devant la Cour suprême qui va empêcher le Parlement d'améliorer les lois.
    Nous avions déjà discuté du type d'incarcération que doivent subir des gens qui n'ont été trouvés coupables de rien. Lorsque j'ai vu le gouvernement antérieur décider, avant que nous lui fassions part de nos suggestions, d'ouvrir une prison spéciale pour recevoir ces personnes, j'ai cru qu'il avait compris quel genre de suggestions nous allions lui faire. Mais je dois dire que jamais nous ne croyions qu'en ouvrant une prison spéciale, on rendrait l'incarcération de ces personnes qui ne sont accusées de rien et qui sont présumées innocentes plus dure que celle des personnes accusées de crimes de droit commun.
    Avez-vous l'intention de voir à ce que ces prisons soient conformes? Je vous suggère un critère qui apparaît dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à savoir que ces personnes soient traitées conformément à leur statut de personnes présumées innocentes, puisque dans ce cas-là, elles ne sont accusées de rien.

  (1620)  

    Tous les prisonniers au Canada, y compris ceux dont vous parlez, ont tous les pouvoirs et tous les droits des prisonniers ordinaires qui sont détenus dans nos institutions. Nous suivons minutieusement les lois du Canada par rapport aux droits. Il y a aussi des organisations comme la Croix-Rouge qui peuvent inspecter et vérifier les conditions dans lesquelles vivent les détenus. Ils vivent dans des conditions très humaines, et on peut le vérifier. Nous permettons les visites des familles et des avocats.
    Le gouvernement précédent était d'avis qu'il n'était pas correct de détenir ces personnes avec des prisonniers ayant commis des crimes au Canada. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons pour eux un nouvel établissement. Il est très propre, et je peux vous assurer que les conditions de détention y très humaines.
    Monsieur le ministre, je crois en la pureté de vos intentions, mais si vous lisez les mêmes journaux que moi, vous allez vous apercevoir que ce n'est pas ce que l'on constate, bien au contraire.
    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Comartin.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs les ministres Day et Toews, je vous remercie d'être venus.
    Je vais reprendre le fil des questions de M. Ménard. Je me dois de contester ce que vous venez de dire, monsieur Day. À l'heure actuelle, trois des cinq personnes qui font l'objet de certificats de sécurité font une grève de la faim à Kingston. Décrire leurs conditions comme étant humaines...
    L'un d'eux, M. Jaballah, n'a pas été en mesure de prendre ses enfants dans ses bras depuis cinq ans. Il les a uniquement vus à travers d'épais murs de plastique ou de verre. Il ne sait même pas ce qu'on lui reproche parce qu'on prétend qu'une grande partie de l'information relève de la sécurité nationale.
    Indépendamment des normes qu'on applique — surtout si l'on considère qu'il n'a pas été inculpé de quoi que ce soit — comment pouvez-vous dire qu'il est traité humainement? Qu'est-ce qui justifie cela? Je sais — et je veux vous donner un petit argument pour vous défendre —, qu'il y a à peine quelques mois que ces personnes ont été transférés dans le système pénitentiaire fédéral, alors qu'ils étaient auparavant dans une prison provinciale.
    Notre comité a déployé des efforts il y a environ un an pour tenter de convaincre le gouvernement provincial de l'Ontario de modifier le traitement réservé à ces trois personnes et je sais donc pertinemment qu'aucune justification n'a été avancée pour expliquer pourquoi tout contact personnel avec la famille est interdit. Dans le cas de M. Jaballah, il n'a pas le droit de voir ses très jeunes enfants.

  (1625)  

    Je vais commenter un certain nombre de vos observations, et j'inclurai aussi la dernière déclaration de M. Ménard.
    Sans vouloir manquer de respect à la liberté d'expression des médias, que je respecte assurément et que je défendrai toujours, il va de soi, monsieur, que l'on n'accepte pas que tout ce qu'on lit soit toujours la vérité ou la réalité, sans vérifier. Je ne veux pas laisser entendre que l'on tente de présenter autre chose, mais il est toujours bon de vérifier — comme je sais que vous le faites — les deux, trois ou quatre angles différents d'une histoire. Il se peut fort bien que les médias présentent une version de l'affaire, ou l'opinion d'une personne, mais ils ne présentent pas toujours l'autre version.
    Pour ce qui est de la grève de la faim, des médecins vérifient régulièrement l'état de santé des détenus. Il n'est pas rare dans le système pénitentiaire de voir des prisonniers décider de se priver de nourriture pendant un certain temps. Certains d'entre eux peuvent sauter un repas ou deux par jour, d'autres peuvent s'abstenir de s'alimenter pendant la journée, mais ils se sustentent en soirée. Des médecins les examinent aussi régulièrement. Ils ont droit à des visites de leur famille.
    Encore une fois, ils sont libres de quitter ces établissements en tout temps, s'ils décident de rentrer dans leur pays d'origine. Je sais que certains rétorqueraient que, selon le pays dont il s'agit, ils risquent de subir des conséquences. Je respecte cela. C'est pourquoi nous avons un processus d'appel.
    À mon avis, la grande question est la suivante — et je vous la pose. Pensez-vous qu'il ne devrait y avoir aucune disposition? Alors que nous vivons à une époque où des terroristes ont tué des milliers de personnes et devant cette intensification de l'activité terroriste, je serais curieux de connaître votre opinion. Pensez-vous qu'il ne devrait pas y avoir de dispositions de sécurité additionnelles pour protéger la population canadienne, particulièrement une disposition que la Cour fédérale a jugé conforme à la Constitution il n'y a pas tellement longtemps, soit en septembre 2005?
    Je sais qu'elle est de nouveau contestée et qu'elle a été contestée plusieurs fois. Ces démarches s'inscrivent dans le processus constitutionnel. Diverses personnes visitent régulièrement les établissements. Les détenus sont autorisés à avoir des contacts avec leurs familles; ils ont le droit de téléphoner, de lire et d'écrire; ils peuvent sortir à l'extérieur tous les jours pour faire de l'exercice et ils ont accès à des services dentaires et médicaux essentiels.
    Affirmez-vous qu'il ne devrait pas y avoir de mesures de sécurité additionnelles à une époque où les préoccupations sont plus vives quant à la possibilité d'attentats contre des Canadiens? Je serais curieux de le savoir. Ce n'est pas une question théorique. Je vous la pose sincèrement.
    Devrions-nous répondre à cette question?
    Oui, si vous voulez.
    Bien sûr que non. Vous connaissez la réponse. Vous avez posé la question de telle façon que ce n'est pas véritablement une question; c'est un argument.
    Nous sommes ici pour essayer de trouver un équilibre entre les mesures de lutte contre la menace du terrorisme et les droits fondamentaux dans un pays civilisé. Lorsque je vous ai demandé de vérifier la situation concrète de détenus qui devraient être traités mieux que les autres, pourquoi nous poser une question comme si nous étions contre... Vous savez pertinemment que nous convenons qu'il devrait y avoir des mesures. Nous pensons qu'il devrait y avoir des mesures sur ces mesures. C'est d'ailleurs une chose que j'allais proposer, et je le ferai à l'occasion du deuxième tour de table.
    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir permis de répondre.
    Oui, merci.
    Nous allons maintenant accorder une minute ou deux supplémentaires à M. Comartin.
    Nous posons la question à M. Comartin au sujet de cet enjeu plus large car ses propos ne concernaient pas uniquement les établissements. Ils concernaient l'aspect plus large des dispositions. Voilà pourquoi je lui pose la question.
    J'adopterai les questions de M. Ménard. Plus précisément, si vous me demandez si l'on devait interdire aux détenus d'avoir des contacts physiques avec leurs enfants, je vous répondrai que c'est une disposition spéciale que l'État ne devrait pas imposer.
    Sans vouloir vous manquer de respect, Joe, je pose cette grande question parce que votre réponse m'intéresse. Je ne la pose pas théoriquement, mais sincèrement, parce que nous sommes ici pour recueillir votre avis.
    Pensez-vous que le gouvernement du Canada, qui s'est doté d'une disposition comme le certificat de sécurité...? Et c'est pourquoi j'ai spécifiquement mentionné que récemment, en septembre 2005, la Cour fédérale avait confirmé la légitimité de cette disposition qui ne semble guère vous plaire. Pensez-vous que le gouvernement n'aurait pas dû se doter de cette disposition? Voilà ce que je veux savoir.

  (1630)  

    La réponse fondamentale, c'est qu'il faut aussi s'attacher aux autres décisions, dans les affaires Charkaoui et Harkat. Après examen, les cours ont dit qu'à ce stade-ci, les personnes en question ne présentent plus un risque tel qu'ils justifient qu'ils soient en détention. Et j'ai le sentiment que c'est sans doute la même chose dans les trois autres cas. On devrait envisager un assouplissement des dispositions de sécurité qui leur permettrait d'être libérés dans la communauté parce qu'ils ne représentent plus une menace. C'est là-dessus que nous devrions travailler.
    Monsieur Toews, je tiens à vous dire une chose. En vous fiant aux tribunaux, vous tombez dans le même piège que votre prédécesseur. Vous avez accusé vos vis-à-vis de trop dépendre des tribunaux dans de nombreux autres domaines et vous avez dit qu'en tant que parlementaires, en tant que gouvernement, nous n'assumions pas nos responsabilités. Étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps, j'aimerais entrer dans le vif du sujet.
    Ce qui nous a paru être un véritable obstacle dans ces cas, c'est que, dans une grande mesure, vous acceptez des preuves non pas de nos propres sources d'information fiables, que ce soit le SCRS ou d'autres organismes de renseignements, mais de sources internationales. Et dans un certain nombre de cas, comme celui de Maher Arar et d'autres, ces renseignements étaient très suspects et peuvent en fait être la raison pour laquelle on a torturé certaines personnes.
    Nous prendrons bientôt connaissance du point de vue du juge O'Connor, et j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. S'il recommandait instamment que désormais, ce ne soit pas nos services de sécurité ni nos services de renseignement, mais un juge ou un panel de juges indépendants et compétents — ce qui est essentiel — qui détermine quels éléments de la preuve sont classifiés, dans quelle mesure et qui peut avoir accès à cette information, seriez-vous intéressé à adopter cette approche? Mon opinion, monsieur le ministre, est que le rapport du juge O'Connor ira dans ce sens.
    Je ne veux pas présumer des conclusions du rapport du juge O'Connor, mais je serais très inquiet si l'on demandait à quelqu'un d'analyser la preuve sans comprendre le contexte général dans lequel s'inscrit cette preuve. À mes yeux, c'est un problème très sérieux. Et si cette analyse doit se faire en fonction de principes strictement juridiques — et par là j'entends selon les mécanismes d'interprétation de la common law britannique —, si c'est ainsi que l'on entend procéder, dans le respect des règles du ouï-dire, de la preuve sous forme d'opinion et de la conformité aux règles formelles strictes de la preuve, et si l'on tente d'appliquer ces normes à la preuve recueillie par des services de sécurité partout dans le monde, je pense que l'on aura énormément de difficulté à accepter la majeure partie de la preuve considérée. Par conséquent, je vous mets simplement en garde contre l'idée d'appliquer les normes des tribunaux pour ce qui est d'évaluer la preuve, par opposition aux normes que les forces de sécurité doivent respecter dans leur évaluation.
    Il faut également garder à l'esprit le contexte. Les certificats de sécurité ne s'inscrivent pas dans un processus pénal. C'est un processus administratif civil en vertu duquel une personne est mise sous garde et détenue mais a aussi le droit de partir. Cette situation n'est peut-être pas toujours idéale mais quelle serait la solution de remplacement pour les forces de sécurité? Faut-il remettre l'individu en liberté ici?
    Pour conclure, est-ce que les commentaires du juge O'Connor m'intéressent? Absolument. Sommes-nous disposés à prendre en compte ces commentaires? Absolument. Cela dit, je pense qu'il faut se garder d'essayer simplement de transformer ce processus en un autre processus légal aux termes duquel les mêmes normes que l'on applique pour prouver qu'une infraction criminelle a été commise s'appliqueraient, car c'est un processus très différent.
    Je voudrais simplement ajouter, monsieur le président, que notre présence et nos commentaires ici montrent évidemment que nous appuyons en général une utilisation prudente des certificats de sécurité et de cette disposition de la loi.
    Joe, j'attends encore que vous me disiez si vous appuyez cette mesure en général.

  (1635)  

    Suis-je en faveur de l'utilisation de certificats de sécurité? Non, je suis contre l'utilisation de certificats de sécurité.
    Nous devons trouver un mécanisme de rechange. Un seul avocat spécial, ce n'est pas suffisant. À mon avis, nous devons accorder davantage de pouvoirs à des juges spéciaux ayant reçu une formation particulière qui comprennent, comme vient de le dire M. Toews, qu'un équilibre s'impose. D'une part, ce ne peut être l'équilibre appliqué dans le système pénal; je comprends cela. D'autre part, la norme actuelle, qui laisse aux services de renseignement le soin de décider ce qui peut être et ne pas être produit en preuve, est beaucoup trop basse dans une société démocratique.
    Merci, monsieur Comartin.
    Monsieur le président, je pense que vous avez utilisé une partie de mon temps.
    Oui, mais vous en avez utilisé beaucoup plus que cela.
    J'ai une brève question que je veux poser à M. Toews et peut-être aussi à M. Day.
    Monsieur Comartin, nous allons vous revenir. Je suis désolé, vous avez eu beaucoup plus de temps que le veut la règle.
    Nous allons maintenant passer au côté ministériel. Monsieur Norlock.
    Ma question peut sembler quelque peu utilitaire mais c'est parce que je suis issu de ce volet du système juridique. Elle s'adresse essentiellement à M. Day, mais sentez-vous bien libre d'intervenir, monsieur Toews, si vous avez des commentaires pertinents du point de vue de la justice.
    Je m'inquiète beaucoup non seulement des douaniers qui surveillent notre frontière, mais aussi des personnes que nous formons pour appréhender ceux qui oseraient commettre des actes terroristes contre les Canadiens. Je vais vous poser une question très générale. Vous pouvez nous dire ce que vous faites maintenant et ce que vous vous proposez de faire.
    Estimez-vous que les douaniers, les agents d'exécution de la loi et les procureurs ont la formation et l'équipement suffisants pour s'acquitter de leurs fonctions? De quelle façon, avec quels outils, déterminez-vous cela? Comment entrevoyez-vous l'avenir rapproché et lointain? Je parle du personnel du SCRS ainsi que de la GRC et de nos douaniers.
    Premièrement, pour ce qui est des douaniers eux-mêmes, ils reçoivent une formation très exhaustive. Entre autres, ils reçoivent le même niveau de formation que les agents de police pour pouvoir procéder à des arrestations dans certaines conditions, comme les saisies de drogue, par exemple. L'année dernière, il y a eu quelque 6 700 saisies de drogue à la frontière. Il y a aussi eu un certain nombre de saisies d'armes à feu illégales et d'autres objets de contrebande. Ils doivent aussi connaître à fond le processus juridique. Vous qui avez une longue expérience de policier, vous savez pertinemment qu'il faut suivre une formation même dans le domaine de l'arrestation et même en ce qui concerne les droits juridiques des gens, etc. Nos effectifs sont très bien formés en la matière.
    Un nouveau volet s'ajoutera à la formation des douaniers puisqu'ils seront désormais autorisés à porter un revolver. Ils devront évidemment acquérir une formation poussée dans le maniement d'armes. Voilà pour les douaniers eux-mêmes.
    S'agissant de la question des certificats de sécurité — parce que nous parlons toujours de protéger nos frontières en l'occurrence —, depuis l'an 2000, six personnes en ont fait l'objet, comme nous l'avons dit. Pour ce qui est des renseignements qui sont recueillis et des rapports qui sont rédigés sur les personnes concernées, ce sont différents organismes de renseignement et de sécurité qui s'en chargent. Ce sont les services de renseignement relevant de la GRC. Par conséquent, leur personnel est assujetti à un niveau de formation et d'évaluation très différent.
    Lorsqu'une évaluation est faite, aussi rare que cela ait pu être, la collecte de renseignements et l'information recueillie sont aussi assujetties à un examen judiciaire. En fait, ce sont les services de sécurité, et non les douaniers eux-mêmes, qui vont faire la suggestion... Les douaniers vont le signaler s'ils ont des doutes lorsqu'ils font les vérifications d'usage, mais lorsque la recherche montre qu'un individu représente un danger considérable pour les Canadiens — et cette évaluation est faite par les agents du renseignement —, cette information est quand même soumise à un juge. C'est le juge qui détermine s'il est d'accord ou non avec l'information qui a été recueillie.
    Par conséquent, le douanier intervient au premier palier, ensuite nos services de renseignement et enfin, l'information est soumise à un magistrat avant qu'une décision finale soit prise. Lorsqu'on additionne tous ces paliers, on a un niveau de formation très poussé. Cela ne signifie pas qu'une erreur ne peut être faite, mais c'est un réseau assez exhaustif.
    Monsieur Toews, croyez-vous que le Canada dispose des outils législatifs nécessaires pour être en mesure d'appréhender et de traduire en justice les personnes qui voudraient commettre des actes de terrorisme contre le Canada?
    En guise de bref commentaire, je dirai qu'il semble que certaines personnes estiment que nous sommes trop durs. Pour ma part, je rencontre plus de gens qui pensent que nous devons faire plus à cet égard et que nous devrions remplir notre coffre d'outils au lieu de le vider. Avez-vous un commentaire sur cette observation?

  (1640)  

    Je comprends. Je rencontre moi-même des gens inquiets au sujet de la sécurité qui font le même genre de commentaires. Chaque fois qu'une nation fait l'objet d'une menace réelle ou appréhendée, les gens posent ces questions constamment, et c'est bien.
    À ce stade, si l'on considère notre loi en soi, la Loi antiterroriste, et qu'on la compare aux lois adoptées dans d'autres sociétés libres et démocratiques — les pays d'Europe surtout, les États-Unis, l'Australie —, je peux vous dire que la loi canadienne n'est pas la plus sévère. Certaines lois de ces autres pays prévoient des procédures et des processus beaucoup plus stricts qui ont été reconnus comme étant des mesures appropriées dans des sociétés libres et démocratiques.
    Peut-être devrais-je parler simplement en mon propre nom. Je suis ici pour être à l'écoute du comité. Je veux savoir s'il a des sujets d'inquiétude particuliers, s'il aimerait que l'on ajoute d'autres pouvoirs et s'il souhaite peut-être étudier d'autres mesures législatives en vigueur ailleurs. En ce moment, ma préoccupation première concerne un problème qu'a évoqué le ministre Day, et je pense que nous sommes en train de le régler grâce à notre budget. En effet, nous avons réservé des sommes supplémentaires pour embaucher davantage d'agents de première ligne, de douaniers, de procureurs fédéraux et autres intervenants qui seront nos outils sur le terrain et qui nous permettront d'utiliser les outils juridiques à notre disposition.
    Pour assurer la sécurité à la frontière, il ne suffit pas simplement d'adopter une mesure législative. Il faut être prêts à l'appliquer. Nous devons nous pencher sur la question des ports, que notre gouvernement examine en ce moment, et certains engagements ont été pris à cet égard.
    Même si ma responsabilité première demeure l'examen de la législation, je pense qu'il faut reconnaître le bien-fondé de certaines mesures qu'a prises le ministre Day pour renforcer la sécurité sur le terrain, et je suis très heureux que notre gouvernement s'oriente dans cette direction.
    Je vais revenir sur les commentaires de M. Wappel. Je pense que nous sommes tous en accord avec le projet de loi tel qu'il a été adopté.
    Est-il parfait? Je ne pense pas que nous devrions nous autocongratuler trop vite. Il y a bien des situations que nous ne pouvons anticiper, mais compte tenu de notre réponse après les attentats du 11 septembre, je pense que le comité et la Chambre, qui ont mis de côté tout sectarisme, ont fait un travail remarquable.
    Pourrait-on peaufiner certaines questions? Nous avons entendu des suggestions concernant les recommandations du juge O'Connor. Allons-nous les examiner? Absolument. Allons-nous tenir compte de l'opinion de la Cour suprême du Canada? Oui. Y a-t-il d'autres questions sur lesquelles nous devrions nous pencher, comme celles récemment mentionnées par le commissaire de la GRC? Je pense que oui, et à mon avis, votre comité a toute la marge de manoeuvre voulue pour le faire.
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous allons passer au second tour de table, avec des interventions de cinq minutes.
    Monsieur Cullen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci au ministre Day, au ministre Toews et aux hauts fonctionnaires.
    Au cours des derniers mois, d'aucuns ont fait valoir que les choses avaient changé au Canada. Je pense que c'est dans le contexte des arrestations à Toronto. Même si je n'en suis pas absolument sûr, j'estime que les choses n'ont pas vraiment changé, que nous savions que certains individus se livraient à des activités suspectes au Canada. À l'occasion de nos séances d'information, le SCRS y avait fait référence.
    Ce qui a changé, c'est que nous avons un nouveau gouvernement. Simplement pour revenir sur ce que mon collègue Tom Wappel a dit, le message du nouveau gouvernement, c'est que généralement... Monsieur Toews, vous avez parlé de la définition de terrorisme, mais globalement, elle ne suscite chez vous aucun malaise. Comme vous l'avez dit, vous êtes impatient d'entendre le point de vue du comité, mais l'orientation générale est largement la même.
    J'avais une ou deux questions au sujet des arrestations à Toronto.
    Premièrement, j'ai un peu de mal à m'y retrouver. J'ai lu dans un document quelconque que l'on ne s'était pas servi des outils prévu dans le projet de loi C-36, les audiences d'investigation et l'arrestation préventive, pour effectuer ces arrestations. Pourriez-vous clarifier cela?
    Deuxièmement, il semble qu'il y ait eu une collaboration étroite entre le SCRS, la GRC, l'ASFC, la police provinciale et d'autres forces de maintien de l'ordre. Pourriez-vous confirmer qu'il y a effectivement eu une étroite collaboration, et que le niveau de collaboration s'est sensiblement amélioré au cours des dernières années?

  (1645)  

    Comme cela a été rapporté dans les journaux, c'est du domaine public et d'ailleurs les organismes eux-mêmes ont vanté très clairement le haut niveau de collaboration. À mon avis, Roy, cela reflète un changement de culture au sein des organisations de police et de sécurité elles-mêmes.
    On pourrait dire... si l'on revenait 15 ou 20 ans en arrière — et le phénomène ne s'applique pas uniquement au Canada, mais aussi aux États-Unis et ailleurs — les organismes, qui sont fiers de ce qu'ils font et soucieux de protéger leur champ d'action, avaient développé dans le passé une approche cloisonnée et c'est sans doute ce qui explique qu'il y avait peu de partage d'information. La nouvelle culture d'entreprise, et la prise de conscience que la menace terroriste est réelle ont vraiment poussé les organismes d'exécution à collaborer ensemble et à partager l'information.
    Je crois savoir où mène votre question. Je conviens que ce genre d'opération reflète ce changement dans la culture organisationnelle. Lorsque je parle à des intervenants dans différents organismes, non seulement au sein de la GRC et du SCRS, mais même dans des services policiers municipaux ou provinciaux différents, tous font le même constat. Ils sont convaincus de la nécessité de collaborer. Certes, ils ont chacun leur champ de compétence particulier, mais le partage d'information essentielle pour assurer la sécurité des Canadiens se fait avec beaucoup de bonne volonté et de compétence, selon moi.
    Pour ce qui est de vos autres commentaires au sujet de l'enquête elle-même, comme elle se poursuit toujours dans une certaine mesure et que les tribunaux ont été saisis de certains éléments de preuve, je préfère m'abstenir de tout commentaire pour le moment.
    Mais pouvez-vous nous dire si on a eu recours aux dispositions du projet de loi C-36 relatives aux audiences d'investigation ou aux arrestations préventives, ou n'avez-vous pas le droit de commenter cela? Ne pouvez-vous pas commenter cela? Cela m'apparaît pertinent à l'examen du projet de loi C-36, mais si vous ne pouvez commenter... J'ai lu des articles dans les journaux, et je voudrais bien savoir si ces dispositions ont été utilisées ou non, c'est tout.
    À ma connaissance, comme cela été rapporté publiquement, la LAT et certaines dispositions du Code criminel ont été appliquées, et nous verrons comment cette preuve sera accueillie par le tribunal et si elle découle directement de la LAT ou non. D'autres éléments de preuve seront révélés.
    Je devrais peut-être intervenir. Je ne pense pas qu'il soit approprié de commenter cela. Je pense qu'il serait déplacé de faire quelque commentaire spécifique que ce soit au sujet de cette enquête particulière. La plupart d'entre nous — et moi le premier — en serions réduits à faire des conjectures à ce sujet. Je vous suggère d'inviter directement les responsables des services policiers, si tant est qu'ils soient libres de divulguer cette information, puisque ce sont eux qui sont chargés au premier chef de l'enquête. Mais si vous décidez de faire cela, je vous invite instamment à tenir votre audience à huis clos avant de décider de révéler quoi que ce soit.
    Je ne pense pas qu'il soit approprié de discuter de cette question, mais ce dont je voudrais parler, c'est de ce phénomène naissant...
    Comme mon temps est limité, je vous invite à aller directement au coeur du sujet.
    Et je serai très rapide. C'est à vous que revient tout le crédit d'avoir soulevé la question, mais de façon indirecte.
    Toute cette question du partage de l'information entre les divers organismes est très importante. À propos de collaboration, il y a une chose qui commence à inquiéter de plus en plus les services de sécurité et de police, soit la collaboration qui existe maintenant entre les groupes terroristes et le crime organisé. Au plan législatif, notre législation antiterroriste est-elle un pendant adéquat à la législation anticrime organisé? Y a-t-il un manque de cohésion entre les deux alors que l'on fait enquête sur la même activité commune s'il existe une interaction entre un groupe terroriste et le crime organisé?
    À mon avis, le moment est venu d'explorer cette question et peut-être de se livrer à une analyse législative. Convient-il ou non de le faire dans le contexte de l'examen de la présente loi, c'est une décision que je laisse au comité.
    Vous avez soulevé un point intéressant. Chose certaine, le crime organisé représente un enjeu et un défi d'envergure au Canada. Je ne suis pas certain que l'on pourrait faire le lien que vous suggérez au plan législatif sans compromettre l'équilibre des libertés civiles, mais je pense assurément que cela mérite considération.
    Peut-être faudrait-il inviter le commissaire Zaccardelli au comité pour lui demander son avis à ce sujet et nous parler de l'ampleur de la collaboration et de la coordination qui ont cours aujourd'hui. Je songe aussi à l'enquête sur Air India. Bien entendu, j'estime que c'était redondant, mais vous avez pris une décision politique. Nous allons maintenant comparer les niveaux d'intégration ou de collaboration ou de coordination d'il y a 20 ans pour déterminer s'il y en avait ou non. Aujourd'hui, nous vivons dans un nouveau monde où la collaboration et la coordination sont évidentes.
    Je sais que les responsables de l'enquête sur Air India vont aussi examiner d'autres choses, mais cet aspect particulier...
    J'appuie le projet de loi C-36. Il y a quand même un ou deux éléments que je souhaiterais examiner, comme le processus des certificats de sécurité. En fait, ce processus existe depuis de nombreuses années. C'est une disposition qui relève de l'immigration et de la citoyenneté, et je pense que beaucoup de faussetés circulent quant à l'information à laquelle les gens ont droit. En ce qui a trait à la nomination d'un avocat indépendant, vous avez soulevé une question intéressante concernant le secret professionnel qui lie l'avocat à son client. Je pense qu'il faut réfléchir aussi au tiraillement que l'on pourrait provoquer si l'on voulait adopter l'approche de l'avocat indépendant.
    Merci, monsieur Cullen.

  (1650)  

    Je ne sais pas si vous voulez réagir...
    Merci, monsieur Cullen.
    Monsieur Toews, allez-y, je vous en prie.
    Très brièvement, je pense que la suggestion de M. Comartin soit d'avoir des juges spécialement formés pour s'acquitter de cette mission, un peu comme les juges enquêteurs en France, est une idée qu'il vaut la peine d'explorer. Encore là, je laisse au comité le soin de se pencher là-dessus.
    Merci.
    Monsieur MacKenzie, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président et merci à vous, messieurs les ministres, d'être venus ici.
    De par sa nature, le terrorisme est quelque peu différent de l'activité criminelle tout en y étant rattaché. La véritable intention des terroristes est de semer la peur dans l'esprit de gens qui ne sont pas nécessairement les victimes directes. Ils veulent causer une certaine anarchie. Il arrive parfois qu'une certaine confusion règne dans notre esprit, et nous voyons ces problèmes dans une optique criminelle par opposition à une optique terroriste. Il y a une différence entre les deux, et je pense que M. Cullen a eu raison de rappeler que les certificats de sécurité n'ont pas de lien direct avec ces enjeux; ce sont en fait des questions d'immigration.
    Cela dit, nos frontières sont un grand sujet de préoccupations, tant pour ce qui est des produits qui entrent ici que des produits qui sortent du pays et dont on peut se servir pour recueillir des fonds afin de financer des activités terroristes ici.
    Monsieur Day, très récemment — voire cette semaine —, le directeur de l'ASFC a déclaré aux membres de l'autre Chambre qu'il faudra attendre trois ans avant que les douaniers soient armés et que soient protégés les postes frontaliers où un seul agent de douane est affecté. Cela vous semble-t-il un délai raisonnable compte tenu de la situation qui règne dans le monde?
    Trois ans, c'est le délai pour la formation du premier gros contingent, mais il y aura des douaniers armés dès juillet ou septembre prochain, si ma mémoire est bonne. Les premiers douaniers armés auront été formés. Ils auront suivi le processus. Il faudra trois ans pour terminer le premier volet. En tout, il faudra peut-être compter de huit à dix ans avant que tous les douaniers soient formés et autorisés à porter un revolver. Cela se compare au rythme auquel les États-Unis ont mis en oeuvre leur programme il y a 25 ans. Pour ce qui est des douaniers qui travaillent seuls, la formation est déjà commencée. Grâce au budget, nous avons obtenu les ressources nécessaires pour financer le recrutement et la formation des douaniers qui travaillent en solo. Cela se fera plus vite que vous ne croyez.
    M. Norlock et moi-même sommes ici d'un autre volet du maintien de l'ordre, et nous nous demandons pourquoi il faut tant de temps pour former au maniement d'armes les douaniers affectés à la frontière. Y a-t-il d'autres aspects, outre la formation au maniement des armes, qui exigent autant de temps?

  (1655)  

    Il y a deux choses. Premièrement, comme vous le savez pertinemment en tant qu'ancien policier, il ne suffit de leur dire : « Voici comment tenir une arme à feu. Visez et tirez. » Ils doivent être mis au courant de toutes les ramifications juridiques liées au port d'une arme. Nous espérons qu'ils n'auront jamais à s'en servir, mais utiliser une arme dans un endroit aussi achalandé qu'un poste frontalier exige une formation exhaustive. On procède donc avec soin.
    Il y a aussi tout l'aspect des contrats des entraîneurs. L'ASFC veut éventuellement former des entraîneurs pour réduire ses coûts. En fait, elle veut pouvoir certifier ses propres entraîneurs et assurer elle-même la formation. Ce n'est pas quelque chose qui peut se faire du jour au lendemain, tout simplement parce qu'on ne prend pas cela à la légère.
    Cela explique en partie le délai. Encore une fois, pour ce qui est des postes dotés d'un seul douanier, on envisage de recruter des candidats. Il faut suivre tout le processus de recrutement et ensuite assurer la formation. L'agence essaie d'agir le plus rapidement possible, mais cela prendra un certain temps.
    On parle d'armer les douaniers qui sont déjà en poste; il ne s'agit pas vraiment de recruter.
    Comme vous le savez, on prévoit un programme de formation de trois semaines. Par conséquent, il faut trouver des remplaçants et arranger leurs horaires de travail pour que tout fonctionne. Cela semble un processus assez simple, mais c'est un peu plus compliqué que ce que l'on croit à première vue.
    Je pense que l'on comprend qu'il ne s'agit pas simplement de leur donner des revolvers et de les envoyer sur le terrain.
    J'ajouterai qu'à cet égard, les syndicats sont très positifs, très coopératifs. Vous savez, ils réclamaient depuis de nombreuses années que les douaniers soient armés pour qu'ils ne soient plus obligés, comme cela arrive parfois, de verrouiller et de quitter leur poste parce qu'un danger approche de la frontière.
    En conclusion, tout se passera bien, mais il faudra du temps.
    Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président.
    Merci, monsieur MacKenzie.
    Nous allons passer à la troisième ronde. Monsieur Wappel.
    Tout comme M. Cullen, messieurs les ministres, j'appuie cette mesure. Je trouve simplement inconcevable qu'une loi du Parlement d'une telle complexité ait pu être adoptée sous une forme tellement parfaite qu'aucun ministère, qu'aucun sous-ministre adjoint, qu'aucun ministre suppléant n'y ait proposé quelque modification constructive que ce soit. Je pense que la seule personne qui trouve quoi que ce soit à redire à la formulation de certaines parties est le commissaire à l'information — je ne crois pas me tromper, et possiblement aussi le commissaire à la protection de la vie privée.
    Permettez-moi de soulever deux points spécifiques qui piquent ma curiosité.
    Ne trouvez-vous pas curieux, messieurs les ministres, que la loi stipule qu'il est illégal — peut-être pouvez-vous consulter vos fonctionnaires à ce sujet — de faciliter la perpétration d'une activité terroriste ou de financer une activité terroriste, mais qu'elle ne rend pas illégale l'exécution d'une activité terroriste?
    Je vais laisser le ministre de la Justice discuter de cela avec vous, mais je vous dirai ceci : je ne voudrais pas laisser persister plus longtemps l'idée que les libéraux ont créé une loi parfaite.
    Des voix : Oh, oh!
    L'hon. Stockwell Day : Ce serait difficile.
    Cela a été fait avec l'aide des conservateurs.
    C'est juste.
    À mon avis, cela illustre la prudence dont nous avons tous fait preuve dans l'élaboration de cette loi. Et elle n'est pas parfaite. Elle a rarement été contestée, particulièrement en ce qui concerne les certificats de sécurité. Le processus des certificats de sécurité risque de ne pas résister.
    À mon sens, la mesure reflète les deux choses suivantes : la considération appropriée qu'ont les parlementaires pour les libertés individuelles et les droits de la personne au chapitre de la confidentialité et de la protection de la vie privée; et le danger accru. C'est ce que reflète la mesure, même si elle n'est pas parfaite, en sus du fait qu'elle a rarement été contestée.
    Je ne veux pas parler des pouvoirs liés au processus d'investigation. Pour préciser ma réponse à la question qu'a posée tout à l'heure M. Cullen au sujet des accusations, elles ont été portées en vertu de la LAT. Mais pour ce qui est des audiences d'investigation, pour ce qui est de savoir si l'on y a eu recours, je ne ferai aucun commentaire là-dessus à partir de maintenant.
    Monsieur Toews, avez-vous un commentaire au sujet du fait qu'il n'est pas illégal, en vertu de la LAT, d'entreprendre ou d'exécuter une activité terroriste?

  (1700)  

    Je crois que c'est illégal à la fois d'entreprendre et d'exécuter...
    Selon quel article?
    Encore là, ce n'est pas mon champ d'expertise...
    Vous avez deux hauts fonctionnaires ici.
    ...mais on peut lire, par exemple, au paragraphe 83.18(1) :
    Est coupable d'un acte criminel...quiconque, sciemment, participe à une activité d'un groupe terroriste, ou y contribue
...je dirais que c'est très près d'« entreprendre »...
directement ou non, dans le but d'accroître la capacité de tout groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter
    Pour ce qui est des infractions spécifiques, comme l'attentat à l'explosif, ou même l'aspect complot, je dirais...
    Je m'excuse, monsieur le ministre, mais ne serait-il pas très simple de dire qu'il est illégal de se livrer à une activité terroriste?
    Je crois que c'est ce que l'on dit.
    Où? On ne dit pas cela. On énonce spécifiquement la définition d'une infraction de terrorisme, et dans certains articles précis, il est fait mention d'infractions précises. Je trouve simplement curieux qu'on ne puisse trouver nulle part dans la mesure un énoncé clair et très simple érigeant à un crime toute activité terroriste.
    On dit « faciliter » ceci, mais « move » cela et « vérifier » ceci et « veiller à » cela, mais...
    Permettez-moi de me répéter. Je sais que les rubriques n'ont pas force de loi ou d'effet juridique, mais sous la rubrique intitulée « Participer, faciliter, donner des instructions et héberger », on peut lire : « ...quiconque, sciemment, participe à une activité d'un groupe terroriste, ou y contribue, directement ou non... » On parle de contribuer, directement ou non à une activité d'un groupe terroriste dans le but d'accroître sa capacité de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter. Il s'agit là d'un énoncé aussi large que possible. Nous ratissons large sans que le propos soit incertain.
    Je formule souvent la même plainte au sujet de la législation — pourquoi les lois ne peuvent-elles pas être un peu plus claires? Le problème, c'est qu'après bien des années d'interprétation des articles par les tribunaux, en écrivant simplement « entreprendre » on risque davantage de compliquer les choses que de les simplifier. Même si c'est difficile à comprendre pour la plupart d'entre nous, plus on tente de simplifier les choses, souvent plus on les rend nébuleuses. C'est ainsi que l'on se retrouve avec des articles comme celui-ci.
    Permettez-moi de vous donner un autre exemple, monsieur le ministre, l'article 83.23 « héberger ou cacher ». D'après cet article plutôt verbeux, quiconque héberge une personne dont il sait qu'elle s'est livrée à une activité terroriste n'est coupable d'aucune infraction à moins de l'avoir fait pour permettre à cette personne de perpétrer une seconde activité terroriste ou de la faciliter.
    Pour moi, c'est très simple. Pourquoi le fait d'héberger quelqu'un dont on sait qu'il a perpétré une activité terroriste n'est-il pas en soi une infraction?
    Rapidement, monsieur le ministre.
    Je serais surpris que cette mesure spécifique ne s'applique pas à une activité particulière que les Canadiens considéreraient odieuse.
    Encore là, vous avez peut-être touché du doigt la seule imperfection dans toute la loi, pour reprendre vos propos. Je n'affirme pas que cette loi est parfaite. Souvent, une voiture peut sembler parfaite jusqu'à ce qu'on démarre le moteur. Je me demande si en l'occurrence, nous avons vraiment démarré le moteur. Avons-nous considéré tous les aspects? Nous essayons de faire de notre mieux, mais il faut attendre de voir comment les choses iront une fois qu'on aura mis de l'essence dans le réservoir et démarré.
    Ce qui me ramène à mon inquiétude au sujet des critiques concernant les certificats de sécurité. C'est une mesure législative très équilibrée, un instrument très équilibré. J'hésiterais énormément à modifier quoi que ce soit tant que nous n'aurons pas vu davantage de preuves que nous n'en avons vues jusqu'à maintenant.
    Pour ce qui est de votre réflexion en tant que comité, allez-y et présentez-nous vos recommandations. Je demanderai à nos avocats d'examiner vos suggestions. Je ne les écarte pas.

  (1705)  

    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    En ce qui a trait aux certificats de sécurité, je comprends très bien quelle était la nature administrative du processus lorsqu'ils ont été adoptés pour la première fois. Si je me souviens bien, à ce moment-là, ils devaient s'appliquer presque dès l'arrivée de la personne au Canada. Ensuite, on a prolongé la période, et elle est maintenant si longue qu'on peut s'en servir 10 et même 15 ans après l'arrivée de la personne au Canada. Elle a élevé une famille, ses enfants sont nés ici, elle est entrée et sortie, on l'a laissé revenir, on a lui donné tous les avantages dont bénéficie un citoyen canadien, sauf le droit de vote. Puisqu'on n'applique pas ces certificats à des citoyens canadiens, ne croyez-vous pas qu'on ne devrait pas les appliquer non plus à ceux qui ne sont pas devenus citoyens canadiens, mais qui ont passé une certaine période de temps au Canada? Selon vous, de combien de temps les agences de sécurité auraient-elles besoin pour les appliquer?
    Vous avez soulevé un point important. Si vous avez des idées pour améliorer le projet de loi, vous devez nous en faire part. Jusqu'à maintenant, les officiers et les juges ont utilisé les certificats de sécurité presque tout de suite après l'arrivée des personnes, mais c'est simplement en raison du fait que la loi est encore nouvelle. Si vous craignez qu'on puisse les utiliser 10 ou 15 ans après l'arrivée des personnes, c'est signe qu'il y a une faiblesse dans le système, et j'apprécierais que vous proposiez un amendement.
    Je parle des certificats de sécurité, et je crois savoir qu'il y a des cas où on les a utilisés alors que la personne était au Canada depuis au moins 10 ans.
    C'est peut-être parce que le système existe depuis 1978. Vous avez peut-être raison.
    Nous pourrions faire des suggestions à ce sujet.
    Je voudrais faire une autre suggestion et je veux savoir si vous y êtes ouvert. Il s'agirait de créer un poste équivalent à celui de Lord Carlile, poste dont j'oublie le nom. Vous en avez parlé, monsieur Toews, et vous sembliez le connaître. Vous avez donné le nom de son poste en anglais et je ne l'ai pas retenu. Je crois que c'est un genre d'ombudsman.

[Traduction]

    Un examen indépendant.

[Français]

    C'est cela. Êtes-vous ouvert à une pareille suggestion?

[Traduction]

    Je n'ai certainement aucune objection. Acquérir une expertise particulière dans ce domaine et commenter la façon dont la législation fonctionne ne sont pas des idées étrangères à notre système parlementaire. Encore là, c'est quelque chose que le comité doit examiner dans le contexte de l'ensemble des mesures déjà en place.

[Français]

    Il y a une autre chose que vous avez soulevée et qui me préoccupe, monsieur le ministre de la Sécurité publique: il s'agit des accusations portées contre les 17 personnes qui ont été arrêtées récemment à Toronto. Je ne peux imaginer un droit criminel qui permettrait que les personnes ayant ourdi un pareil complot ne soient pas passibles des punitions les plus sévères en vertu du droit commun. Ces personnes se sont réunies dans le but de préparer une explosion qui aurait pu être de l'ampleur de celle qu'on a vue dans le sud des États-Unis. Je ne peux pas imaginer de système de droit criminel qui ne considère pas cela comme un acte très grave. Vous avez ajouté qu'on avait utilisé dans ce cas la Loi antiterroriste et que cela avait été bien utile.
    Qu'est-ce que la Loi antiterroriste donne de plus aux procureurs qui les accusent et aux juges qui les jugeront une fois qu'ils auront été trouvés coupables? Comment les aidera-t-elle à leur donner une peine adéquate pour ce qui est véritablement une conspiration pour commettre des meurtres? Qu'est-ce que la Loi antiterroriste donne de plus au juge? Qu'est-ce qu'elle de plus aux procureurs? Il s'agit clairement d'un cas où il y a eu infiltration. Soit dit en passant, j'imagine que quand il y a une infiltration comme celle-là, elle est assez bien contrôlée pour que le public ne coure aucun risque. J'aimerais que vous le confirmiez aussi, mais ce n'est pas vraiment la question que je vous pose. Je vous demande ce que la Loi antiterroriste ajoute.

  (1710)  

    C'est une bonne question, mais je ne peux pas vous répondre parce que l'enquête se poursuit. Avec le passage du temps, on verra si la Loi antiterroriste donne à ces personnes beaucoup plus de pouvoirs. Il me serait difficile de vous répondre maintenant parce que l'enquête est en cours.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Comartin.
    À ce sujet, je pense que l'une des choses sur laquelle on ne peut trop insister, c'est que cette loi permet au Canada de devenir partie aux traités de l'ONU contre les attentats à l'explosif et le financement d'activités terroristes. Elle nous permet d'entrer sur cette scène internationale et de faire en sorte que le Canada se conforme aux diverses résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.
    Vous vouliez savoir s'il y a énormément de chevauchement. Effectivement, il y en a. Si vous complotez pour faire sauter un édifice, il existe des lois contre cela. Mais je pense que ces lois s'inscrivent dans le contexte d'une lutte internationale. Si j'ai bien compris, d'après ce que m'a dit l'ancien ministre, nous devions au préalable adopter cette mesure pour pouvoir être partie prenante à ces traités de l'ONU.
    L'autre aspect important qu'on ne saurait trop souligner lorsqu'on adopte une mesure législative spécifique relativement à une question spécifique, c'est que l'on entend dénoncer certains comportements jugés inacceptables dans la société canadienne. On prend un problème et on en fait une infraction spécifique parce qu'on veut le dénoncer. Nous défendons certaines valeurs en tant que nation. Les lois ne sont pas simplement punitives.
    Je reviens toujours à l'exemple des crimes haineux. Combien de fois engageons-nous des poursuites en vertu des lois sur les crimes haineux? Compte tenu de ce qui s'est passé au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'ONU a suggéré que nous ayons des mesures législatives relatives aux crimes haineux dans des catégories spécifiques afférentes.
    La plupart de ces infractions sont-elles traitées dans d'autres domaines du droit pénal? Je dirais qu'effectivement, elles le sont. Mais on dénonce spécifiquement cette activité et c'est important en soi.
    Merci.
    Monsieur Comartin.
    Je peux répondre à votre question, monsieur Toews. J'ai participé à l'un des six cas dans l'histoire de notre pays où l'on a utilisé l'article sur la propagande haineuse, et cela remonte à près de 40 ans maintenant.
    Dans ce cas, vous êtes d'accord.
    Je tiens à faire valoir un argument, et ensuite je m'adresserai au ministre Day.
    Pour ce qui est du facteur dénonciation, il a aussi pour effet de sanctionner certaines choses. Il autorise le profilage racial et il autorise, je dirais, certains éléments renégats de nos services de renseignements à dépasser les bornes.
    J'ai un cas à vous soumettre, monsieur Day. J'ai toujours abordé ce sujet avec vos prédécesseurs et je vais faire la même chose avec vous.
    Je travaille sur ce dossier depuis trois ans. L'homme en question vit ici depuis 13 ans et sa femme est venue le rejoindre à partir de leur pays d'origine par la suite. Votre bureau est au courant de ce cas, si vous voulez vérifier. Je vous donnerai le nom de la personne après.
    Sa femme a la citoyenneté, leurs deux enfants nés dans leur pays d'origine ont leur citoyenneté, les trois enfants qui sont nés ici sont évidemment Canadiens, mais pour ce qui est de l'homme, il attend toujours. Je ne peux pas obtenir de réponse à ce sujet.
    À vrai dire, il pense — et c'est sans doute justifié — que la seule raison pour laquelle il n'a pas obtenu sa citoyenneté, ce qui lui permettrait de mener une vie normale au Canada, c'est qu'à deux reprises, on a tenté de le recruter pour devenir un agent et qu'il a refusé. Il a exprimé haut et fort son opposition à la guerre en Afghanistan ainsi que son appui au peuple palestinien. D'après ce que j'ai pu voir, rien ne laisse croire qu'il est violent.
    À mon avis, c'est le genre de permissivité à laquelle nous a amenés la LAT, cette position officielle qui sanctionne des réactions extrêmes. Nous devrions faire très attention à la façon dont nous utilisons cette loi. Elle autorise et permet cela.
    D'un côté, il y a le facteur dénonciation, comme nous l'avons vu dans le cas de la propagande haineuse, et je conviens que c'est important. Mais d'autre part, il y a un autre volet, et nous devons faire preuve d'une grande prudence. En tant que législateurs, en tant que ministres et en tant que hauts fonctionnaires, nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas d'abus.
    Dans ce cas particulier et dans plusieurs autres dossiers que j'ai dans mon bureau à l'heure actuelle, je pense qu'il y a de l'abus.

  (1715)  

    Si je peux me permettre une brève intervention, vos propos nous ramènent à l'argument que j'ai présenté. La définition d'« activité terroriste » peut fort bien mener au profilage de caractéristiques qui sont inutiles pour déterminer comment on devrait définir le terrorisme. Je pense que vous apportez de l'eau à mon moulin.
    Encore une fois, c'est au comité qu'il appartient de se prononcer.
    Monsieur Day, je vous demanderais d'examiner ce dossier. Vos fonctionnaires refusent de me dire quoi que ce soit à ce sujet, et ils sont tout aussi muets au sujet des autres dossiers. Ils ne laissent même pas les députés du Parlement s'enquérir de quoi que ce soit. Ils ne sont même pas prêts à admettre qu'ils ont le dossier en main, même si je sais pertinemment que c'est le cas.
    Monsieur Toews, votre position, c'est que vous ne voyez pas...
    Je dois réagir, Joe. En ce moment, je ne peux pas vous dire où le dossier en est dans le processus, mais il fait l'objet d'un examen.
    L'information est partagée avec les députés du Parlement. Vous savez que de temps à autre un accord peut être conclu, en vertu duquel l'individu concerné doit d'abord accepter que l'information soit communiquée.
    J'ai cette autorisation dans mon dossier et vous l'avez dans le vôtre.
    Je ne voulais tout simplement pas que les gens pensent qu'on ne dit jamais rien aux députés. Si c'est une question de classification de sécurité, il pourrait y avoir une restriction. Mais les députés sont régulièrement autorisés à prendre connaissance de certains renseignements.
    En ce qui a trait aux décisions relatives à la citoyenneté, cependant, mon ministère sera consulté si une question de sécurité intervient. Au bout du compte, ces décisions sont laissées entre les mains du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
    En outre, quiconque a des préoccupations sur la façon dont un dossier est traité par le SCRS peut se prévaloir du processus d'appel qui permet le recours au CSARS, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui est un organisme indépendant. La GRC a aussi un comité d'examen indépendant. En fait, tant à la GRC qu'au SCRS, il existe des processus indépendants, en marge de ces organisations, qui permettent aux citoyens de loger une plainte. D'ailleurs, il n'est pas rare que ce processus indépendant tranche en faveur du plaignant.
    Monsieur le ministre, le Canada est le seul pays qui n'a pas de comité de surveillance parlementaire, contrairement à ses alliés traditionnels, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Je vous ai harcelé — tout comme j'ai harcelé votre prédécesseur — pour qu'une mesure législative pertinente soit présentée car, pour être franc, je n'ai pas suffisamment confiance, que ce soit dans le CSARS ou... La commissaire des plaintes du public contre la GRC a exprimé des doléances. Selon elle, le système n'est tout simplement pas assez rigoureux. Il nous faut un encadrement plus strict pour être certain qu'advenant des abus, nous pourrions y remédier.
    Je partage vos préoccupations à cet égard et je vous félicite de l'excellent travail que vous-même et d'autres aussi avez fait. Je veux faire avancer la réflexion sur la nature d'une telle mesure et déterminer si elle recueillerait des appuis. Je veux voir quelles seront les conclusions de la commission O'Connor. Je partage les mêmes préoccupations que vous. Ces préoccupations étaient les miennes lorsque j'étais dans l'opposition, et cela n'a pas changé.
    Monsieur Toews. lors du dernier exercice d'examen de la LAT, des organismes de charité au-dessus de tout soupçon, comme la Croix-Rouge, l'UNICEF, ont exprimé de très vives préoccupations. Ils s'inquiètent énormément au sujet de leur statut d'organisme de charité car ils sont appelés à intervenir dans des situations d'urgence.
    Permettez-moi de citer l'exemple le plus récent, le tremblement de terre au Pakistan. Dans le cadre de leur intervention, il est possible qu'ils entrent en contact avec certains membres d'al-Qaïda. C'est fort possible dans la région où le séisme a frappé, à la frontière du Pakistan. Et ils ont été très clairs à ce sujets.
    Aucun des hauts fonctionnaires qui ont comparu devant nous n'a soufflé mot de ce problème. En fait, si les élections n'avaient pas été déclenchées, nous aurions demandé à ces hauts fonctionnaires de revenir car ils ne nous ont pas parlé du problème. Mais un grand nombre d'organismes de charité très réputés ont formulé des inquiétudes.
    Je vous invite, monsieur le ministre, à étudier cette question. Il serait peut-être bon que vous preniez connaissance des témoignages que nous avons entendus à ce moment-là. Leurs représentants étaient très inquiets au sujet de leur statut. À l'occasion, ils ont pris des décisions, il leur est arrivé de décider de s'abstenir d'offrir une aide humanitaire de crainte d'être accusés et de perdre leur statut d'organisme de charité.
    Je me souviens de ces témoignages. Je crois qu'en 2002, au moment de ces audiences, certains organismes de charité, y compris le Comité central mennonite, si je ne m'abuse, avaient fait des commentaires en ce sens.
    Peut-être mon collaborateur peut-il répondre.

  (1720)  

    Des représentants de notre ministère et d'autres ministères ont rencontré les porte-parole des organismes de charité qui ont exprimé ces craintes. De part et d'autre, la difficulté de trouver un équilibre se pose. Il n'est pas facile de trouver l'approche qui convient. En effet, à la suite du processus d'établissement de la liste, un certain nombre d'organismes de charité oeuvrant au Canada y ont été inscrits en raison de leurs liens avec des entités terroristes. C'est un...
    Mais ce n'est pas de celles-là dont je parle.
    Je le sais. Cela dit, c'est un processus qui fait l'objet d'une réflexion au sein de l'appareil gouvernemental à l'heure actuelle. L'octroi du statut d'organisme de charité et l'établissement de la liste relèvent de différents ministères. Par conséquent, c'est une chose qui...
    Mais les hauts fonctionnaires nous ont donné les mêmes assurances. Ensuite, lorsque plus tard au cours du processus les organismes de charité ont comparu, leurs représentants nous ont dit : « Oui, nous avons effectivement eu certaines discussions initiales. Nous n'avons jamais eu de nouvelles des fonctionnaires par la suite. Ils refusent de nous parler. » C'était il y a un an environ, et je ne sais pas ce qui s'est passé depuis.
    Merci, monsieur Comartin.
    Monsieur Norlock.
    Encore une fois, j'ai une question plutôt terre-à-terre, mais pas vraiment. Elle concerne la prévention, ce que nous faisons pour empêcher qu'une terrible tragédie se produise.
    Hormis les préjudices émotifs et physiques incalculables que pareille tragédie pourrait causer, je me demande si votre ministère, monsieur Day, a comparé les coûts de prévention du terrorisme, pour empêcher la tragédie, aux coûts qu'engendrerait la tragédie si elle devait se produire.
    Certains exemples peuvent nous aider à faire ces calculs. Bien des gens diront que ces mesures coûtent beaucoup trop cher et que nous devrions vraiment investir cet argent ailleurs. Je m'intéresse principalement à la terrible expérience du 11 septembre et à ses coûts faramineux. Le monde entier paie la note, qu'il s'agisse de la hausse des coûts d'assurance ou de la nécessité pour les pays de rehausser la sécurité et de tirer des leçons des erreurs commises.
    Avez-vous effectué une analyse de coût relativement à la prévention? Autrement dit, avez-vous chiffré les mesures que nous prenons et leurs coûts prolongés sur plusieurs années? En outre, en cas d'attentat, vous auriez un scénario car nous savons maintenant quelles auraient été certaines cibles; dans ce cas, combien en coûterait-il pour fournir une aide sociale aux gens qui se retrouveraient sans toit, et tout le reste?
    La préoccupation que vous soulevez avec de bonnes intentions... J'ignore si mes collaborateurs ont établi le coût du travail des services policiers et de sécurité, ainsi que du travail de l'agence des services frontaliers.
    On peut faire valoir que toutes ces mesures sont prises dans une optique de prévention. Empêcher une catastrophe de se produire est la raison d'être des services policiers et de renseignement. En fait, on souhaite essentiellement dissuader les gens de même penser à perpétrer un attentat parce que le risque de se faire prendre est considérable. C'est l'un des fondements du travail des services de police et de sécurité. Nous n'avons pas calculé combien il en coûterait pour remplacer les édifices du Parlement ou une structure importante, mais tout ce que l'on fait s'inscrit dans cette optique de prévention.
    Voilà pourquoi nous avons investi 1,4 milliard de dollars de plus pour rehausser les services de police et de renseignement dans pratiquement tous les domaines imaginables. En outre, 161 millions de dollars ont été débloqués pour accroître le nombre d'agents de la GRC dans les rues, une entente de partage de coûts avec les municipalités qui permettra l'embauche de 2 500 effectifs supplémentaires au niveau municipal, et 300 millions de dollars de plus pour les services frontaliers.
    Tout ce que nous faisons constitue un effort de prévention car nous savons que toute analyse de coût montrera que si ces événements horribles avaient lieu, ils engendreraient des coûts encore plus considérables pour tout réparer. Et quel est le prix d'une vie humaine? Toute notre action repose sur le principe qu'il vaut mieux décourager et empêcher les attentats.
    Pour ce qui est d'anticiper les événements, vous vous souviendrez sans doute — je suis sûr que vous avez lu cela — que l'ancien président Clinton lui-même admet que son service de sécurité lui avait communiqué des renseignements concernant Oussama ben Laden, y compris l'endroit où il se trouvait et les mesures qui pouvaient être prises pour l'empêcher de poursuivre ses activités. Ces renseignements n'ont pas été assujettis à l'application régulière de la loi; ils n'ont pas été présentés à un tribunal. Le président lui-même affirme qu'il aurait dû agir sur la foi de ces renseignements. Nous entrons indéniablement dans le domaine de la présomption, mais certains diraient que s'il avait agi, les coûts engendrés par les attentats du 11 septembre qui s'élèvent à plusieurs milliards de dollars, auraient pu être évités. Et cela vaut uniquement pour l'infrastructure. On ne calcule même pas le coût des pertes humaines, qui est inestimable.
    Cela montre à quel point il est nécessaire d'avoir de bons services de police et de renseignement. Tout ce que l'on fait s'inscrit dans une logique de prévention, car il coûtera toujours beaucoup plus cher de ne rien faire.

  (1725)  

    Si nous considérons seulement les coûts associés aux victimes de crime au Canada... Et pour vous en donner une idée, lorsque j'ai participé avec le ministre Day à l'annonce de la Semaine nationale des victimes de crime, il y a quelques mois, on m'a fourni certains chiffres à cet égard. On calcule que les coûts associés aux victimes de crime au Canada s'élèvent à 70 milliards de dollars par année environ. Cela comprend tous les types de coûts.
    Je sais que les gens poseront la question suivante : n'est-il pas trop onéreux de garder des gens en prison? Le ministre Day vous dira probablement qu'il en coûte en moyenne 100 000 $ par année, mais comment calculer le coût économique direct lié à un toxicomane accroc au crack qui vole pour 1 000 $ de marchandises par jour, ce qui représente 365 000 $ par année pour un seul individu, d'après les témoignages que j'ai entendus à Vancouver? S'agissant du terrorisme, nous sommes confrontés à d'autres chiffres colossaux. Comment chiffrer ces coûts? Il faudrait probablement considérer cela comme un élément des coûts annuels associés aux victimes dans notre pays.
    Je tiens à réitérer les propos du ministre Day en ce qui concerne la prévention. Au Canada, on utilise tout le temps des mécanismes de prévention pour protéger les citoyens. À mon avis, de telles mesures de prévention sont absolument essentielles pour protéger nos droits dans une société libre et démocratique.
    Prenons toute la question du cautionnement, par exemple. Lorsqu'un individu est placé en détention et ensuite remis en liberté à certaines conditions, il n'a pas encore été inculpé de quelque infraction que ce soit. La détention avant le procès n'est qu'une des nombreuses mesures de prévention possibles. Il arrive souvent que certains passent deux ans en détention préventive avant leur procès.
    L'article 810, dont j'ai parlé tout à l'heure, est invoqué principalement dans des cas de violence conjugale où un conjoint — dans la plupart des cas, une femme —, a des raisons de croire que sa vie et sa sécurité sont menacées, et pourtant, les tribunaux imposent régulièrement des mesures destinées à empêcher que cette violence conjugale se produise.
    Quant aux lois sur la littérature haineuse, je les considère à bien des égards comme des mesures de prévention pour freiner certains comportements répréhensibles, même si un grand nombre de gens peuvent y voir une atteinte à notre liberté d'expression. Et pourtant, nous utilisons ce type de mécanismes.
    J'estime que dans le contexte actuel, les mesures de prévention s'imposent comme une nécessité absolue. Rien de moins. À mon avis, ce serait de la folie que de priver le gouvernement et la population du Canada de ce type de mesures.
    Évidemment, c'est votre comité qui est chargé d'examiner cela. Pouvons-nous améliorer les choses? J'attends de voir ce que le comité dira.
    Merci, monsieur le ministre.
    Il nous reste une minute ou deux pour conclure.
    Monsieur Cullen.
    Merci, monsieur le président. Je serai bref parce que vous avez été très généreux de votre temps.
    J'ai deux questions.
    Qu'allez-vous faire si la Cour suprême abroge les certificats de sécurité? C'est ma première question.
    Je vais répondre dans l'optique de la sécurité et ensuite, nous pourrons réfléchir.
    Nous respectons le processus en vigueur au Canada. Évidemment, nous avons présenté nos arguments et maintenant, nous attendons le verdict. Je peux prendre l'engagement absolu de toujours accorder la priorité à la sécurité des Canadiens. Je respecte le processus de la Cour suprême, et je ne veux pas préjuger de ses conclusions en posant des questions hypothétiques.

  (1730)  

    Vous n'êtes pas prêt à nous dire quel est votre plan B aujourd'hui, n'est-ce pas?
    Vous avez déduit cela de ma réponse?
    J'espère que vous avez un plan B. Je suis sûr que vous en avez un.
    Vous présumez que la loi est suspecte, d'une façon ou d'une autre. Je pense que c'est...
    Non, je ne présume pas cela. Je dis simplement qu'il n'est pas inconcevable que la Cour suprême l'abroge.
    Il n'est pas toujours facile de prédire ce que fera la Cour suprême.
    Non.
    L'Agence des douanes et du revenu du Canada a introduit ce que l'on a appelé une charte des droits des contribuables. Depuis, la responsabilité de la composante douanes a été confiée à l'Agence des services frontaliers du Canada. J'utilise cette expression au sens large. Je ne sais pas exactement comment s'appelait ce document, mais il avait été rédigé par l'Agence du revenu du Canada pour que les contribuables sachent ce qu'ils étaient en droit d'attendre en termes d'équité, de courtoisie, etc. La composante douanes a-t-elle apporté cela avec elle lorsqu'elle est devenue partie intégrante de l'Agence des services frontaliers du Canada? Je me demandais si vous aviez envisagé d'y intégrer certains principes directeurs en matière d'équité pour que les personnes qui traversent la frontière sachent à quoi s'attendre — notamment si elles sont en droit d'être traitées avec courtoisie, ou encore, ce qu'elles peuvent faire si elles estiment avoir été traitées injustement à la frontière.
    Mon propos a un certain lien avec la question du présumé profilage racial, mais à mon avis, cela va plus loin. Il s'agit de préciser quels sont les droits des personnes qui franchissent la frontière, et leurs obligations.
    Avez-vous déjà étudié les droits et les responsabilités qui s'appliquent lorsqu'on franchit une frontière et les recours possibles si l'on estime avoir été traité injustement? Avez-vous examiné cela, monsieur Day?
    Quant à savoir si la charte des droits des contribuables comme telle a été intégrée dans le giron de... Je n'en suis pas sûr. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Bill Elliott, ancien conseiller à la sécurité nationale qui vient tout récemment de se joindre à l'équipe de mon ministère à titre de sous-ministre associé. Je vais donc obtenir une réponse pour vous à ce sujet.
    Pour tout ce qui se passe à la frontière, qu'il s'agisse de l'évaluation des coûts pour un produit qu'apporte un voyageur ou pour toute autre chose, il existe un processus d'appel exhaustif si quelqu'un a le sentiment d'avoir été traité injustement. J'assure un suivi si je reçois personnellement des lettres. Parfois, j'en reçois de gens qui estiment qu'on ne les a pas traités avec toute la politesse voulue à la frontière. Toutes les plaintes reçoivent un suivi. L'ASFC les examine et nous recevons un rapport complet. Il faut se rappeler qu'il y a entre 70 et 90 millions de passages frontaliers par année. Et ce, uniquement pour les postes frontaliers terrestres, ce qui représente de 260 000 à 300 000 personnes par jour. En un mois, je reçois peut-être quatre ou cinq plaintes de voyageurs. Il y a peut-être d'autres plaintes qui sont envoyées ailleurs, mais dans chaque cas, l'ASFC fait une vérification, communique avec l'agent concerné et dans les cas où l'on juge que cela peut être bon, on offre au personnel des séances de sensibilisation et de formation au service à la clientèle.
    Je suppose que nous devons être plus précis. Sous l'ancien gouvernement, on avait annoncé le lancement d'une initiative en vue de consulter les intervenants afin d'établir un régime analogue à celui de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, qui portait sur les questions d'imposition, d'impôt sur le revenu, de TPS, autrement dit, d'instaurer une charte des droits semblable, si vous voulez l'appeler ainsi, pour les voyageurs et le personnel des services frontaliers de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Je ne sais pas si vous avez été informé de cela ou si vous dites que ce n'est pas une initiative que vous entendez poursuivre, ou quoi.
    M. Elliott vient de me passer une note spécifique. Permettez-moi de vous la lire directement. Elle dit ceci :
Même s'il relevait de la responsabilité d'un autre ministère, l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, continue d'administrer le processus d'appel qui était en place à ce moment-là. Des discussions récentes avec des fonctionnaires de l'Agence ont confirmé que bien qu'elle soit en train de rédiger son propre guide d'équité envers la clientèle — le processus est en cours maintenant —, elle continue de respecter le principe d'équité énoncé dans la publication intitulé « VOS DROITS ».
    En conclusion, on continue d'appliquer cette charte, et on envisage de l'améliorer.
    Merci.
    Merci, monsieur Cullen.
    Je remercie les ministres et les membres du comité d'être venus. Nous nous réunirons demain pour décider de ce que nous allons faire. Mon opinion personnelle... Il appartiendra au comité de décider ce qu'il entend faire, mais une fois qu'il aura terminé ses travaux, il peut s'avérer utile pour nous de vous demander de revenir, messieurs les ministres.
    Encore une fois, merci beaucoup.
    Nous reviendrons volontiers. Nous sommes impatients de prendre connaissance de vos conclusions et de vos recommandations. Merci.
    La séance est levée.