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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 023 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Le comité tient sa 23e séance, qui porte sur les événements concernant Maher Arar.
    Nous aimerions souhaiter la bienvenue à notre témoin d'aujourd'hui, l'honorable Anne McLellan, ancienne ministre de la Sécurité publique. Soyez la bienvenue; nous sommes impatients d'entendre votre témoignage.
    La pratique habituelle, comme vous le savez probablement — les choses n'ont pas beaucoup changé depuis votre dernière présence ici — consiste à vous donner tout le temps dont vous avez besoin — 10 minutes, 15 minutes, peu importe — pour faire une déclaration, puis nous donnerons la parole à l'opposition officielle, qui est actuellement le Parti libéral du Canada.
    Soyez la bienvenue; vous pouvez commencer quand vous serez prête.
    Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir d'être de retour sur la Colline du Parlement.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui. Je vous félicite et vous remercie d'assurer un suivi au rapport O'Connor.

[Traduction]

    J'ai confié au juge O'Connor la tâche importante de faire la lumière sur ce qui est arrivé à Maher Arar et d'expliquer pourquoi ces événements se sont produits. Son enquête approfondie a servi une importante cause publique, mais qui plus est, a établi un fondement sur lequel Maher Arar et sa famille peuvent s'appuyer pour aller de l'avant. Il est clair que ce qui est arrivé à Maher Arar n'aurait pas dû se produire et que des erreurs ont été commises. Malgré le fait qu'il n'était pas approprié pour moi, en tant que ministre, de rencontrer M. Arar en personne, j'aimerais profiter de la présente occasion pour exprimer mes profonds regrets à M. Arar pour tout ce que lui et sa famille ont dû vivre. Il revient maintenant au gouvernement actuel de décider comment il appliquera les recommandations du juge O'Connor et comment il indemnisera M. Arar.
    J'ai commencé à m'occuper de l'affaire Arar lorsque je suis devenue ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile le 13 décembre 2003. M. Arar était revenu de Syrie en septembre 2003. Le premier ministre Martin m'a demandé de faire la lumière sur ce qui était arrivé à M. Arar. Il m'a aussi demandé de voir si une surveillance supplémentaire devait être exercée sur les activités de la GRC touchant la sécurité nationale. En fait, cette demande était formulée dans les documents publics diffusés au moment où M. Martin est devenu premier ministre et où le nouveau gouvernement a été formé le 13 décembre 2003.
    Le premier ministre Martin et le ministre des Affaires étrangères, M. Bill Graham, étaient tous deux très préoccupés par la conduite des États-Unis envers M. Arar, c'est-à-dire le fait qu'un citoyen à double nationalité soit déporté en Syrie au lieu qu'il retourne comme prévu au Canada. Pour éviter que pareille chose ne se reproduise, M. Graham a entrepris des pourparlers avec son homologue, M. Colin Powell, afin de conclure un accord pour garantir qu'aucun Canadien à double nationalité ne soit déporté dans un tiers pays sans qu'il n'y ait des consultations aux plus hauts niveaux entre le MAECI et le Département d'État américain. Cet accord a été adopté par le premier ministre Martin et le président Bush le 13 janvier 2004, à Monterrey, d'où le nom de Protocole de Monterrey. Je crois que l'accord original a été confirmé récemment par le ministre Peter MacKay et son homologue américaine, la secrétaire d'État, Mme Rice.
    Au début de janvier 2004, mon ministère et moi avons examiné la meilleure façon de faire la lumière sur ce qui était arrivé à M. Arar, comme l'avait demandé le premier ministre. Nous avons envisagé la possibilité de faire mener une enquête par la Commission des plaintes du public. Comme la portée de la compétence de cette commission semblait soulever quelques préoccupations, nous avons finalement décidé qu'une enquête publique présidée par un juge ou un ancien juge serait le processus qui assurerait la plus grande transparence et la plus grande indépendance. Le 28 janvier 2004, j'ai annoncé la décision du gouvernement de tenir une enquête publique sur les actions des responsables canadiens concernant la déportation de M. Arar des États-Unis en Syrie. J'ai annoncé également que le juge Dennis O'Connor, de la Cour d'appel de l'Ontario, avait accepté d'agir à titre d'unique commissaire. Un décret a été pris le 5 février 2004 pour nommer officiellement le juge O'Connor et établir le mandat de la commission.
    À partir de ce moment-là, il aurait été peu approprié qu'un représentant du gouvernement commente ou fasse des hypothèses sur ce qui était arrivé ou non à M. Arar ou sur les raisons pouvant justifier les événements. J'ai lu le témoignage de mon ancien collègue, Wayne Easter, celui de Jim Judd, aujourd'hui directeur du SCRS, et celui du commissaire Zaccardelli. J'ai lu également les conclusions de faits et les recommandations du juge O'Connor.
    Le juge O'Connor nous rappelle à tous l'importance d'exercer une surveillance sur les actions des organismes gouvernementaux chargés de la recherche de renseignement et de l'application de la loi. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le premier ministre Martin avait demandé de déterminer si la GRC faisait l'objet d'une surveillance suffisante et appropriée dans l'exercice de son rôle en matière de sécurité nationale. Je sais que nous attendons tous avec impatience le deuxième rapport du juge O'Connor, dans lequel il nous donnera des conseils concernant le renforcement des mécanismes de surveillance.

  (0910)  

    Pour conclure, permettez-moi de dire, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, que non seulement le rapport O'Connor apporte un éclairage sur ce qui peut arriver et sur ce qui est arrivé à un individu mais, si on y donne suite  — et je sais que vous y donnez suite et que le gouvernement a exprimé son intention de donner suite à ses recommandations — il nous aidera aussi à comprendre les difficultés et les défis que présente la recherche du juste équilibre. Le gouvernement a bien sûr la responsabilité première d'assurer la sécurité collective de la population, mais ce faisant, nous devons toujours agir dans le respect et le souci du juste équilibre. Je crois que le rapport du juge O'Connor nous éclaire sur ce que nous devons nous rappeler, sur ce dont nous devons nous informer pour faire en sorte de toujours viser un juste équilibre.
    Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration et j'attends les questions et les commentaires des membres du comité.
    Merci.
    Merci, madame McLellan. Votre déclaration est appréciée.
    Comme le veut la pratique courante, nous allons commencer avec le Parti libéral du Canada. Monsieur Mark Holland, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Madame McLellan, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Merci de votre déclaration et merci d'avoir lancé l'enquête Arar.
    J'aimerais tout d'abord vous poser des questions qui remontent à l'époque où vous êtes devenue ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Il y a sûrement eu, à cette époque, des séances d'information sur l'affaire Arar. Pouvez-vous préciser la nature de ces séances d'information, nous dire si le commissaire Zaccardelli y prenait part et qui d'autre de la GRC a pu participer à ces séances d'information?
    Vous avez tout à fait raison; je suis devenue la nouvelle ministre le 13 décembre, et nous avions créé un nouveau ministère également. Les séances d'information étaient donc détaillées, comme elles le sont lorsqu'un nouveau ministre entre en fonction, et dans mon cas, nous étions en train d'établir un nouveau ministère et d'essayer d'apporter une certaine cohésion entre les différentes parties du ministère dès le début.
    Le commissaire Zaccardelli m'a mise au courant des principaux problèmes et défis que connaissait la police à cette époque. J'ai également reçu un breffage du directeur du SCRS de l'époque, Ward Elcock, concernant les défis et les activités du SCRS. Gardez en tête l'époque dont nous parlons. M. Arar est revenu au Canada en septembre 2004. À son retour, durant les mois d'octobre et de novembre, il a demandé la tenue d'une enquête publique. M. Martin est devenu le chef du Parti libéral du Canada en novembre 2003. Il a reçu des séances d'information et travaillait à la transition menant à son entrée en fonction à titre de premier ministre du Canada. Alors durant les mois d'octobre et de novembre, beaucoup de discussions ont eu lieu à l'extérieur du Parlement concernant M. Arar et sa situation. Par conséquent, lorsque M. Elcock et le commissaire Zaccardelli sont venus me breffer, la situation Arar était l'une des nombreuses affaires dont nous avons discuté.

  (0915)  

    Le commissaire Zaccardelli a déclaré devant le comité que dès qu'il avait appris qu'il y avait de faux renseignements et que M. Arar était innocent, il avait informé le gouvernement, et M. Easter nous a dit qu'il n'avait jamais eu pareille interaction avec M. Zaccardelli. Que ce soit au cours de ces séances de breffage ou par la suite, le commissaire ou tout autre représentant de la GRC vous a-t-il dit qu'ils avaient écarté Maher Arar comme terroriste ou comme extrémiste islamique? Ont-ils admis à un moment quelconque que de faux renseignements avaient été fournis aux États-Unis et avaient peut-être conduit à l'arrestation de Maher Arar?
    J'ai appris que de faux renseignements avaient été fournis aux États-Unis lorsque j'ai lu le rapport du juge O'Connor. À ma connaissance — et j'y ai réfléchi, parce que j'ai lu évidemment le rapport du juge O'Connor ainsi que les commentaires faits devant votre comité par le commissaire Zaccardelli et d'autres — en ma présence, ni le commissaire Zaccardelli ni personne d'autre, que ce soit de la GRC ou du SCRS, n'a jamais qualifié M. Arar d'extrémiste islamique. Cette expression n'a jamais été utilisée relativement à M. Arar, en ma présence — jamais.
    Selon vous, à la lumière de ce qui s'est produit, et ayant maintenant lu le rapport du juge O'Connor, la GRC a-t-elle omis de vous transmettre des renseignements à l'époque, lorsqu'il y avait des fuites et beaucoup d'hypothèses, y compris les questions posées par les partis de l'opposition durant la période de questions pour savoir pourquoi le gouvernement ne faisait pas davantage à l'égard de M. Arar et pourquoi nous agissions si mollement dans ce dossier? En rétrospective, lorsque ces questions ont été posées par l'opposition de l'époque, et lorsqu'il y avait les fuites, avez-vous l'impression que la GRC vous cachait des renseignements qui auraient été utiles à ce moment-là, lorsque vous étiez ministre?
    Je ne peux pas dire que je crois que la GRC me cachait des renseignements. Je crois évidemment, à la lecture du rapport du juge O'Connor, qu'il est clair, comme je l'ai dit dans ma déclaration, que des erreurs ont été commises et que des renseignements inexacts ont été fournis aux États-Unis d'Amérique qui, d'une certaine façon, selon toute probabilité, ont eu un impact sur la façon dont M. Arar a été traité par les États-Unis d'Amérique.
    Je n'ai aucune preuve que la GRC a omis de me fournir des renseignements.
    Du même coup, ils ne vous ont pas donné de renseignements laissant croire que Maher Arar était ou n'était pas un terroriste. Au moment où ces fuites se produisaient, ils ne vous ont pas fourni de renseignements contraires.
    Je crois qu'il est juste de dire que la seule expression qui, selon mon souvenir, a été utilisée relativement à Maher Arar par quiconque, mais plus particulièrement par la Gendarmerie royale du Canada, était qu'il était, du moins à un moment donné, une personne d'intérêt. Je crois qu'il est juste de dire que c'est l'expression utilisée par la police — je ne devrais pas dire la police; je devrais plutôt dire le commissaire Zaccardelli, dans un quelconque breffage qu'il a pu me donner.
    Dans un article paru le 4 octobre 2006 dans le Toronto Star, vous avez dit que Maher Arar était certainement un enjeu très important pour le commissaire. Je présume que vous parliez du commissaire Zaccardelli. Pourriez-vous expliquer ce que vous vouliez dire? De quelle façon était-il un enjeu très important pour le commissaire? Dirigeait-il personnellement ce dossier, selon vous? Que vouliez-vous dire?
    Ce sera votre dernière question.
    Ce que je voulais dire... Rappelez-vous que le premier ministre Martin m'avait donné, le 13 décembre, le mandat très précis de faire la lumière sur l'affaire Maher Arar. Il m'avait aussi demandé de voir si les activités de la GRC touchant la sécurité nationale devaient faire l'objet d'une surveillance plus serrée. Je crois donc qu'il est juste de dire que ces deux éléments réunis occupaient beaucoup les pensées du commissaire Zaccardelli, à savoir quel mécanisme pourrait être mis en place pour faire la lumière sur ce qui s'était produit. Ce mécanisme intéresserait non seulement le commissaire et la GRC, mais aussi le SCRS et d'autres agences du gouvernement.
    À mon avis, il ne fait aucun doute que l'affaire Arar, ce qui était arrivé à M. Arar, pourquoi cela s'était produit et comment nous allions faire la lumière sur cette affaire, tout cela était au coeur des préoccupations du commissaire Zaccardelli. À mon sens, le commissaire était, à juste titre, préoccupé par ce qui s'était produit, comme on peut s'en attendre d'une personne qui occupe un poste comme le sien. Il était préoccupé par les choses que disait M. Arar à son retour, concernant ce qui était arrivé. Il est d'ailleurs à espérer que toute personne responsable et que le chef d'une force policière comme la GRC soit préoccupé et souhaite savoir ce qui s'est produit et fasse en sorte que des correctifs soient pris pour éviter que si des erreurs ont été commises, elles ne se répètent pas.

  (0920)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole au Bloc québécois. Monsieur Ménard, vous avez sept minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la ministre, de la collaboration que vous offrez à notre comité.
    Lorsque vous avez été nommée ministre de la Sécurité publique, donc responsable de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité, M. Arar était déjà revenu au Canada,...

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    ...de sorte que s'il avait subi des traitements indus et injustes, c'était au moins terminé. Vous avez voulu aller au fond des choses et vous avez donc pris les moyens pour y arriver.
    Vous étiez quand même membre du Cabinet avant cela. Je pense que le cas de M. Arar était dans l'actualité bien avant le nouveau gouvernement de M. Martin. Pendant cette période, en tant que membre du Cabinet, aviez-vous l'impression que M. Arar était lié d'une façon ou d'une autre au mouvement terroriste ou si vous étiez convaincue qu'il était vraiment victime d'un traitement totalement injustifié?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit en réponse à la question de M. Holland, je crois qu'il serait juste de dire que, du moins à divers moments au cours de cette année-là, à partir du moment où il a été détenu aux États-Unis jusqu'à son retour en septembre 2004, l'expression que j'utiliserais serait qu'on avait l'impression qu'il s'agissait d'une personne d'intérêt. Personne ne m'a rien dit d'autre, que ce soit avant que je devienne ministre de la Sécurité publique... Par exemple, durant les réunions du Cabinet, personne n'a utilisé l'expression « extrémiste islamique », mais je crois qu'il est juste de dire que l'impression était qu'il s'agissait d'une personne d'intérêt.

[Français]

    Quel éventail de cas l'expression « personne d'intérêt » couvre-t-elle? Cela va-t-il de gens complètement innocents qui auraient pu être en contact avec des terroristes sans savoir qu'ils en étaient jusqu'aux personnes probablement liées au réseau terroriste sans qu'on ait de preuves définitives?

[Traduction]

    C'est possible. Je crois que l'expression « personne d'intérêt » n'est pas un terme scientifique, mais plutôt un terme technique — et vous savez bien ce dont il s'agit. Une personne d'intérêt peut être tout à fait innocente. Je crois que c'est ce qu'a conclu le juge O'Connor à l'égard de M. Arar. Ce pourrait être, comme dans le cas de M. Arar, en association avec les personnes faisant l'objet d'une enquête, que ce soit de la Gendarmerie royale du Canada, de la police locale, peu importe. Comme vous le savez, l'expression « personne d'intérêt » peut comprendre une catégorie plutôt vaste de personnes, mais non... Comme le juge O'Connor l'a indiqué, il faut faire bien attention au langage que nous utilisons, parce que vous pouvez être une personne d'intérêt en raison d'une association et être tout à fait innocent.

[Français]

    Lors de son exposé sur le cas de M. Arar, M. Zaccardelli vous a-t-il dit qu'il pensait que, dans la catégorie des personnes d'intérêt, M. Arar était justement une personne totalement innocente?

  (0925)  

[Traduction]

    Ceci nous ramène aux breffages que j'ai reçus lorsque je suis devenue ministre de la Sécurité publique. Je crois qu'il est juste de dire que l'impression que j'ai eue était que M. Arar avait été une personne d'intérêt. Je ne peux pas dire qu'en décembre 2003, lorsque je suis devenue ministre, le commissaire Zaccardellli a continué de croire qu'il s'agissait d'une personne d'intérêt. Je n'ai aucune raison de penser qu'en décembre 2003 ou janvier 2004, le commissaire a continué de croire que M. Arar était une personne d'intérêt.
    Je crois qu'il est juste de dire que lors des séances d'information que j'ai eues avec lui et avec d'autres, j'avais la nette impression que M. Arar avait été perçu à certains moments comme étant une personne d'intérêt. Le juge O'Connor confirme dans son rapport que c'est exactement ce qu'était M. Arar, pendant une assez longue période de temps.

[Français]

    Une chose semble certaine : M. Zaccardelli ne vous a jamais mentionné que des informations erronées communiquées par la GRC aux autorités américaines pouvaient avoir été la cause de son renvoi en Syrie.

[Traduction]

    Non, jamais. Comme je l'ai dit en réponse à M. Holland, j'ai appris que des renseignements erronés avaient été fournis aux autorités américaines, aux États-Unis, lorsque j'ai lu le rapport du juge O'Connor.

[Français]

    M. Zaccardelli vous a donc donné l'impression que les Américains devaient avoir des raisons qui leur étaient propres, indépendantes de ce que la GRC avait dit, pour renvoyer M. Arar en Syrie.

[Traduction]

    Je ne peux pas dire que nous en avons discuté précisément. Si vous me demandez si je croyais que les autorités américaines avaient des renseignements ou des motifs qui leur étaient propres pour déporter M. Arar en Syrie, oui. Il est juste de dire que, dans mon esprit, je présumais que les preuves les plus persuasives qui ont conduit à la déportation de M. Arar étaient des renseignements que les Américains avaient eux-mêmes, et non des renseignements fournis par des Canadiens.

[Français]

    Vu la nécessité de la collaboration entre plusieurs sociétés démocratiques pour lutter contre le terrorisme, trouvez-vous acceptable que les États-Unis, s'ils ont des motifs qui leur sont propres de soupçonner des relations terroristes d'un citoyen canadien, ne les communiquent pas à la GRC?

[Traduction]

    Ce sera votre dernière question, monsieur Ménard.
    Bien que ce soit quelque peu obscur — et M. Judd et M. Elcock ont tous deux témoigné à cet effet, ou du moins M. Judd — on aimerait penser que si les États-Unis avaient des renseignements en leur possession sur un citoyen canadien, même s'il a la double citoyenneté, et que cette information les amenait à croire que ce citoyen était impliqué dans une activité terroriste quelconque, qu'il était associé à des terroristes connus, etc., les Américains transmettraient cette information à leurs homologues canadiens. À mon avis, ce serait une attente raisonnable, mais je crois comprendre, d'après les témoignages, que cela ne s'est pas produit.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Comartin, du NPD, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame McLellan, d'être ici. Permettez-moi de procéder rapidement, parce que je n'ai pas beaucoup de temps.
    Pendant toute la période où vous étiez ministre responsable de ce dossier, on ne vous a jamais dit que l'une ou l'autre de nos agences de renseignement, y compris la GRC, avait déjà utilisé des termes décrivant M. Arar autrement qu'une personne d'intérêt. Est-ce exact?

  (0930)  

    C'est exact, et jamais des expressions comme « extrémiste islamique » n'ont été utilisées en ma présence.
    Ou « terroriste », ou encore ce qui se dégageait de ces fuites? Il a aussi été question d'« islamiste fanatique » ou de quelque chose de semblable. Ce sont les trois expressions que nous avons entendues, mais vous n'avez jamais entendu ni l'une ni l'autre. Vous n'avez jamais eu de séance d'information indiquant qu'il entrait dans l'une de ces catégories.  
    Non.
    C'est là le problème que j'ai et, je crois, qu'un grand nombre de citoyens canadiens ont également, y compris ceux qui ont peut-être suivi cette affaire de loin depuis la déportation de M. Arar, il y a quatre ou cinq ans.
    Périodiquement, deux choses se produisent. Nous avons entendu des insinuations de la part des Américains — de M. Ashcroft, de M. Cellucci, j'en suis passablement certain, et je crois de M. Ridge. Évidemment, ils ne diraient jamais directement « Voici ce que nous avons obtenu des Canadiens », mais il y a eu des sous-entendus, « vous saviez » — « vous » désignant le Canada, parce que je ne vous vise pas personnellement — « et vos agences savaient pourquoi nous avons utilisé des mesures d'extradition pour l'envoyer en Syrie ». C'est ce qu'ont répété les médias. Je me rappelle tout particulièrement lorsque M. Cellucci a dit cela, parce que j'en ai discuté avec lui. Je suis passablement certain que M. Ashcroft l'a dit également. Alors nous avons entendu cela.
    Puis il y a eu les fuites dans les médias dans lesquelles des expressions comme « extrémiste islamique » et « terroriste » ont été utilisées pour décrire M. Arar. Certaines de ces expressions ont été utilisées avant que vous deveniez ministre et d'autres, après, mais à titre de ministre durant cette période, n'avez-vous pas demandé si cette description de M. Arar, ces allégations et ces accusations portées à l'endroit de M. Arar venaient de nos services de renseignement? Avez-vous demandé à la GRC ou à l'un de nos services de renseignement si ces expressions venaient de nous? Et dans la négative, je dois vous demander, madame McLellan, pourquoi vous ne l'avez pas fait.  
    Votre question comporte beaucoup d'éléments différents, et je pourrais en manquer quelques-uns, alors rappelez-les moi.
    J'étais très préoccupée par les fuites. Un certain nombre d'enquêtes ont été menées pour savoir qui en étaient les auteurs et qui en était les destinataires. Les fuites ont toujours été une source de préoccupation pour moi, comme certains d'entre vous le savez, dans un certain nombre de portefeuilles que j'ai eus, alors on se demandait quels renseignements étaient communiqués et par qui. Mais comme vous le savez, apparemment, nous n'en savons rien, bien qu'une enquête soit peut-être encore menée.
    Est-ce que cela ne vous a pas incité à demander à la GRC si cette information avait déjà été divulguée? Il me semble simplement logique...
    Aux Américains?
    Oui, aux Américains.
    Je savais que la GRC avait échangé des renseignements avec les États-Unis. Nous entretenons en fait des liens permanents en ce sens avec nos homologues américains et le juge O'Connor a d'ailleurs souligné à quel point ces relations étaient importantes pour le bien-être de chacun.
    À mon sens, il n'y avait rien de surprenant à ce que la GRC ou le SCRS échange des informations avec l'un de nos principaux alliés.
    Tout dépend des renseignements qui ont été communiqués, madame McLellan; c'est ça qui est important. On vous a dit qu'on leur avait parlé d'une « personne d'intérêt ».
    C'est effectivement ce qu'on m'a indiqué.
    Lorsque les fuites ont eu lieu, ne vous êtes-vous pas demandé un moment s'il était possible que nous ayons agi ainsi? C'est une question évidente que j'aurais posée au commissaire de la GRC ainsi qu'à M. Judd et à M. Elcock — à tous ces gens-là.
    Comme je l'ai déjà dit, ces fuites me préoccupaient et je voulais effectivement savoir s'ils croyaient qu'elles émanaient de leurs organisations.
    Je pense qu'il est juste de dire, sans doute d'une manière générale, qu'ils m'ont donné l'assurance, autant que faire se peut, que ces fuites ne semblaient pas venir de leurs organisations.
    Qu'en est-il de l'importance de ces fuites? Les avez-vous interrogés à nouveau à ce moment-là pour savoir si les fuites étaient vraiment substantielles? Ou est-ce que le commissaire Zaccardelli a alors cru bon de préciser que ces informations ne venaient pas de la GRC car elles n'étaient pas véridiques?

  (0935)  

    Non. On ne m'a rien dit de tel.
    En rétrospective, ne pensez-vous pas que tout cela est étrange?
    N'oubliez pas que lorsque je suis devenue ministre, je souhaitais d'abord et avant tout tirer cette affaire au clair. Les questions du genre de celles que vous venez de suggérer s'inscriraient dans une telle démarche. Et nous savions, compte tenu de toutes les choses qui s'étaient passées, qu'il ne suffirait pas pour tirer les choses au clair que moi-même, le gouvernement ou le Bureau du Conseil privé posent des questions aux différents organismes. Une enquête indépendante devenait la seule avenue possible.
    Je m'inquiétais donc surtout du fait que nous avions une foule de questions pour lesquelles nous n'avions pas de réponse. Jour après jour, la situation devenait de plus en plus nébuleuse, en partie à cause des fuites. Nous avions absolument besoin de l'intervention d'un mécanisme indépendant si nous voulions finir par y voir clair.
    D'accord, mais M. Cellucci déclarait en public — toujours de façon voilée — que le Canada était au courant, que nous connaissions les raisons pour lesquelles des mesures d'extradition avaient été prises contre M. Arar. N'avez-vous pas songé à ce moment-là à vous adresser à nouveau au commissaire...
    D'après ce que je me souviens d'une manière générale des discussions que nous avons eues au moment où ces déclarations ont été faites, je pense que le ministre des Affaires étrangères alors en poste, et je crois que c'était Bill Graham, a réagi très fortement aux propos de M. Cellucci. J'ai compris que le ministre réfutait complètement les allégations de M. Cellucci si celui-ci voulait faire valoir que nous étions en quelque sorte complices de l'extradition de M. Arar. J'estime que M. Graham s'est toujours efforcé de bien préciser, en son nom et en celui du gouvernement comme pour d'autres personnes, que nous n'avions rien à voir avec l'expulsion de M. Arar.
    Dernière question, monsieur Comartin, très brièvement.
    Il se fondait alors sur les renseignements que lui avait fournis la GRC, des renseignements qui étaient en fait erronés. On avait ainsi communiqué au responsable des douanes aux États-Unis, dans le rapport dont il a été question, des allégations voulant que M. Arar soit davantage qu'une simple personne d'intérêt.
    Je pense qu'il ressort très clairement du rapport du juge O'Connor que la GRC a fourni des renseignements erronés aux autorités américaines. Comme j'ignorais cela à l'époque, je n'avais aucune raison de poser la question. J'étais en droit de m'attendre à ce que la GRC ou tout autre organisme gouvernemental s'en tienne à ses protocoles et à ses méthodes de fonctionnement habituelles. C'est seulement à lecture du rapport du juge O'Connor qu'il est devenu évident que l'on avait pas respecté les procédures d'usage en matière d'échange de renseignements et de mises en garde.
    Je n'avais donc aucune raison de poser la question à ce moment-là. Il y a des règles. Il y a des lignes directrices. On présume simplement...
    Il y avait les fuites dans les médias...
    Le président: Vous n'avez plus de temps, monsieur Comartin.
    M. Joe Comartin: ... il y avait ces déclarations faites par les ministres de l'autre pays. Cela n'aurait-il pas pu vous inciter à poser la question à ce moment-là?
    Monsieur Comartin, il faut maintenant passer au représentant du Parti conservateur. S'il souhaite poursuivre dans le même sens, libre à lui.
    Monsieur Brown, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue, madame McLellan. Il est bon de vous revoir sur la Colline parlementaire.
    La séance d'aujourd'hui ne fait que susciter davantage d'interrogations. Je sens d'ailleurs qu'une véritable frustration s'installe du fait que nous n'obtenons aucune réponse au fil des témoignages que nous entendons. En fait, tout ce qu'on nous dit nous amène simplement à nous poser d'autres questions.
    Vous avez notamment déclaré que vous aviez l'impression que les Américains avaient expulsé M. Arar en Syrie à partir des renseignements dont ils disposaient eux-mêmes. De fait, vous êtes la première personne à nous donner une réponse véritablement claire à ce sujet. Si tel est effectivement le cas, pour quelle raison estimez-vous que le gouvernement du Canada doit des excuses à M. Arar et pourrait être tenu de verser jusqu'à 400 millions de dollars?
    D'abord et avant tout, je crois et j'ai toujours cru que les États-Unis devaient eux-mêmes détenir certaines informations. Il demeure possible que je me trompe à ce sujet. Je ne sais pas. Aucun d'entre nous ne le sait en fait, étant donné que les États-Unis ont décidé de ne pas collaborer à l'enquête du juge O'Connor. Je n'ai pas l'impression qu'on pourrait épingler un citoyen canadien, même s'il a la double citoyenneté, et l'expulser dans un autre pays sans avoir d'excellentes raisons de prendre une telle mesure. J'ai présumé que les États-Unis avaient leurs propres éléments de preuve pour justifier une telle action, mais j'étais peut-être dans l'erreur.

  (0940)  

    Nous savons que vous êtes entrée en fonction comme ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en décembre 2003, soit tout de suite après le retour au Canada de M. Arar et sa conférence de presse où il a indiqué avoir été victime de tortures et soupçonné, à juste titre, le Canada d'avoir été complice de son extradition. Je suppose donc, qu'à titre de membre du Cabinet à l'époque, vous connaissiez ce dossier avant d'accéder à ce ministère, et qu'une fois devenue ministre responsable de la GRC, vous avez procédé aux vérifications requises et constaté qu'on avait peut-être fourni des renseignements erronés aux Américains concernant M. Arar.
    J'en reviens donc à ma question du départ. Étiez-vous donc, par exemple, au fait des efforts déployés par votre gouvernement pour obtenir sa libération et envoyer une lettre conjointe?
    Pardon? Je vous prie de m'excuser, je n'ai pas bien entendu la question.
    Oh, désolé. Saviez-vous, par exemple, que votre gouvernement avait essayé d'obtenir sa libération au moyen d'une lettre conjointe à ce moment-là?
    Je crois que j'étais probablement au courant des activités menées dans ce dossier. Il faut se rappeler que j'étais alors ministre de la Santé, mais je crois me souvenir que lors de différentes réunions du Cabinet, M. Graham nous présentait un survol général d'un éventail de dossiers, et il était bien évident que l'expulsion de M. Arar nous préoccupait beaucoup. De fait, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, M. Graham était préoccupé à ce point par l'expulsion d'un citoyen canadien par les États-Unis vers un autre pays qu'il s'est adressé sur-le-champ à Colin Powell en vue de conclure une entente pour s'assurer qu'une telle situation ne puisse pas se reproduire.
    Je vous réponds donc qu'avant de devenir ministre de la Sécurité publique, j'étais effectivement au courant dans les grandes lignes de nos tentatives pour rassurer les Syriens ou faire en sorte qu'ils comprennent bien que nous souhaitions le retour de M. Arar; nous avons bel et bien eu des discussions à ce sujet.
    Passons maintenant à votre nomination comme ministre. Margaret Bloodworth était votre sous-ministre à ce moment-là, n'est-ce pas?
    Au moment...?
    Elle était votre sous-ministre lorsque vous êtes devenue ministre?
    Le 13 décembre 2003, effectivement.
    Et a-t-elle occupé le poste de sous-ministre tout au long de votre mandat à ce ministère?
    Oui.
    D'accord. Je présume donc que vous conviendrez avec moi que Mme Bloodworth est l'une des fonctionnaires les plus expérimentées à Ottawa et que, dans le cadre de vos fonctions de ministre, vous deviez compter sur ses connaissances et sa capacité de vous fournir rapidement des renseignements exacts et pertinents sur tous les sujets, y compris des dossiers comme le registre des armes à feu et l'affaire Arar. Est-ce exact?
    Eh bien, c'était ma sous-ministre et elle avait par conséquent un rôle à jouer dans tous les dossiers importants du ministère. Par exemple, lorsque nous avons décidé de procéder à une enquête publique, elle a collaboré très étroitement avec Maurice Rosenberg, qui était alors sous-ministre de la Justice, et Rob Wright, qui était conseiller en matière de sécurité nationale, pour établir notamment les paramètres de l'enquête du juge O'Connor.
    D'accord, très bien. Pouvez-vous nous parler de votre dernière conversation avec Mme Bloodworth? Quand lui avez-vous parlé pour la dernière fois?
    À titre officiel? Lorsque j'ai quitté...
    Simplement la dernière fois. Quand lui avez-vous parlé pour la dernière fois?
    Eh bien...
    Lui avez-vous parlé depuis que le rapport O'Connor a été rendu public?
    Je lui ai parlé brièvement. Nous n'avons toutefois pas discuté de ce dossier, mais de quelque chose de totalement différent.
    D'accord. Combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez environ deux minutes.
    Au moment de votre nomination, vous avez sans doute eu droit à une série de séances d'information menées par les fonctionnaires de votre ministère, y compris Mme Bloodworth. Est-ce que je me trompe?
    Il y a effectivement eu des séances d'information. Ma sous-ministre n'a pas participé à toutes ces séances, mais elle était certes présente pour bon nombre d'entre elles.
    Le commissaire Zaccardelli vous a également parlé, n'est-ce pas?
    Oui.
    Et le directeur du SCRS?
    Oui.
    Étant donné l'ampleur de l'affaire Arar et les renseignements erronés qui ont été fournis, d'après ce que nous savons maintenant, au Bureau du Conseil privé à ce sujet, je présume que lors de ces séances d'information il était question non seulement du dossier lui-même mais aussi des renseignements fournis au BCP. Est-ce exact?
    Je n'ai reçu aucune information relativement aux renseignements fournis au BCP.
    D'accord.
    Il n'y avait aucune raison pour qu'on me mette au courant de quoi que ce soit à ce sujet.
    Avez-vous déjà rencontré en privé le commissaire ou le directeur du SCRS?
    Oui. Si on entend par en privé...
    Concernant l'affaire Arar?
    Mon chef de cabinet pouvait être présent, Margaret aussi, Rob Wright également, mais la réponse est oui.
    Est-ce que Mme Bloodworth était toujours présente?
    Non. Je ne crois pas qu'elle était toujours là.
    D'accord.
    J'arrive difficilement à croire qu'en votre qualité de ministre responsable de ce qui était, à ce moment-là, un dossier très important en matière de sécurité publique, il ne vous soit jamais venu à l'esprit de poser ces questions à ces gens-là.

  (0945)  

    Quelles questions?
    En adoptant cette attitude passive, il ne semble pas que vous ayez posé les questions voulues concernant ce cas problématique dont tout le monde vous parlait. On sait maintenant que ce dossier pourrait coûter jusqu'à 400 millions de dollars aux contribuables canadiens, mais peut-être ne vous attendiez-vous pas à cela à l'époque. Vous êtes devenu ministre; il y avait ces fuites et toutes ces choses qui arrivaient, et vous n'avez tout de même pas posé toutes ces questions?
    Non. Je suis devenue ministre et je voulais m'employer en priorité à tirer cette affaire au clair. Nous savions que les gens s'interrogeaient de plus en plus et le premier ministre m'a confié le mandat de faire toute la lumière sur ce dossier — de là, la commission O'Connor. De fait, je crois plus que jamais que nous avons agi de façon responsable, car tous les Canadiens comprennent maintenant ce qui s'est passé. C'était là mon objectif.
    Nous savons qu'il s'était produit des choses qui avaient soulevé d'importantes interrogations. Ces interrogations étaient soulevées par M. Arar et son avocat, par les médias et d'autres intervenants, et je voulais trouver et mettre en place un mécanisme pouvant nous permettre de connaître tous les faits de manière, nous l'espérions, à mettre fin aux rumeurs, aux insinuations et aux fuites grâce à l'intervention d'un tiers indépendant et crédible qui serait capable de nous dire ce qui s'est produit et pourquoi cela s'était produit. C'était mon but.
    Nous devrons en rester là pour l'instant.
    Nous allons maintenant débuter la prochaine série de questions. Chacun a droit à cinq minutes.
    Monsieur Cotler, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez mentionné que l'on vous avait indiqué que Maher Arar était une « personne d'intérêt ». Ne croyez-vous pas qu'après les attentats du 11 septembre, un ministre de la Sécurité publique, quel qu'il soit, devrait avoir été informé que la GRC considérait que Maher Arar, ou toute autre personne dans la même situation, était un extrémiste islamique associé à al-Qaïda? N'est-ce pas le genre de renseignement qui devrait normalement être transmis au ministre de la Sécurité publique?
    C'est ce qu'on pourrait penser. De fait, si on soupçonne qu'une personne peut être un extrémiste islamique ayant des connexions avec al-Qaïda, c'est effectivement le genre d'information dont un ministre de la Sécurité publique devrait être informé. Comme je l'ai déjà indiqué, je ne peux pas me souvenir que quelqu'un m'ait déjà parlé de Maher Arar en ces termes.
    Permettez-moi de poser la même question dans un autre contexte. N'est-il pas un peu étrange que ces renseignements qui, à mon avis, devraient être transmis à quiconque est ministre de la Sécurité publique du Canada auraient plutôt été communiqués à un responsable américain?
    Je ne sais pas et, en toute franchise, même si j'ai lu le témoignage de M. Easter, je ne me souviens pas si vous lui avez posé la question et quelle était sa réponse quant à savoir s'il a effectivement reçu des informations décrivant Maher Arar en ces termes. Tout ce que je sais, c'est que moi-même je n'ai pas obtenu de tels renseignements. Mais si la GRC ou le SCRS en arrive à croire qu'une personne est un extrémiste islamique ayant des connexions avec al-Qaïda, on pourrait s'attendre à ce que ces renseignements soient communiqués, tout au moins, au ministre de la Sécurité publique.
    À tout le moins, ne fallait-il pas aussi informer la ministre de la Sécurité publique que les renseignements communiqués étaient faux et trompeurs? Autrement dit, pourquoi les autorités des États-Unis auraient-elles corrigé ces renseignements faux et trompeurs? La ministre canadienne de la Sécurité publique ne les a jamais corrigés pendant le mandat de la commission d'enquête ni même avant.
    Je vais vous poser ma question autrement. Ne deviez-vous pas, en tant que ministre de la Sécurité publique, savoir tout cela? Le gouvernement devait être au courant pour déterminer s'il convenait d'établir une commission d'enquête publique ou un autre mécanisme, n'est-ce pas?
    Je suis d'accord avec vous qu'il aurait été utile que la force, quelqu'un, dise qu'on avait fait une erreur et qu'on avait communiqué des renseignements inexacts aux autorités des États-Unis au sujet de Maher Arar. À mon avis, cela soulèverait toute une autre série de questions qui pourraient mener à une enquête publique ou faire partie de l'objet d'une enquête publique sur la façon dont cette erreur a pu être faite, pourquoi elle a été faite, quelles sont les mesures qui auraient dû être prises mais qui ne l'ont pas été et la question de savoir si nous avons besoin de procédures et de mécanismes de surveillance.
    Oui, j'accepte votre argument que si un membre de la GRC croyait qu'on avait fourni de faux renseignements aux Américains, s'il avait conscience qu'on avait fourni de faux renseignements, j'aurais pu m'attendre, en tant que ministre de la Sécurité publique, à être mise au courant.

  (0950)  

    En tant que ministre de la Sécurité publique, n'auriez-vous pas jugé approprié... ou pour présenter les choses autrement, ne jugiez-vous pas inapproprié de ne pas avoir été mise au courant, que personne n'a été mis au courant, pendant le travail de la commission d'enquête, malgré toutes les fuites, que Maher Arar n'était pas ce qu'on avait dit de lui au départ ou qu'on continuait de dire de lui? Autrement dit, pendant toute la période où l'information a été communiquée aux États-Unis, puis corrigée aux États-Unis, jamais la GRC n'a corrigé l'information publique au Canada.
    Ce devra être votre dernière question pour ce tour.
    C'est ma dernière question.
    Voici ce que je vous dirais. Je ne suis pas surprise qu'après l'entrée en fonction du juge O'Connor, les personnes qui devaient témoigner et faire l'objet de son enquête n'ont pas fait d'observations gratuites hors du cadre de l'enquête. Personnellement, je le trouverais inapproprié de toute façon. Le juge O'Connor était là; il faisait enquête sur cette question; il allait entendre le témoignage de membres de la GRC, du SCRS, etc. C'est le rôle qui lui a été confié: tout rassembler au même endroit et tirer les conclusions les plus définitives possibles sur qui savait quoi, quand, qui a dit quoi et quelles en ont été les conséquences.
    Je conviens qu'avant la nomination du juge O'Connor et la décision de mener enquête, si la GRC savait que Maher Arar avait mal été dépeint un moment donné et que de l'avis des membres de la GRC, il était innocent, il aurait été utile et même souhaitable que ces personnes le déclarent publiquement.
    Monsieur Ménard, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie encore, madame la ministre, de votre collaboration. Je crois que vous avez pris les bonnes décisions au moment opportun, lorsque vous avez été saisie du dossier.
    Je crois comprendre de ce que vous dites que vous auriez de beaucoup préféré que les États-Unis acceptent de collaborer avec le juge O'Connor.

[Traduction]

    Absolument, c'est le principal élément manquant.

[Français]

    D'accord. Il y a tout de même une chose que vous saviez tous. Nous avons peut-être aujourd'hui des relations avec la Syrie dans la lutte contre le terrorisme, mais nous sommes parfaitement conscients de ses méthodes d'interrogatoire et du type de prisons qu'elle a, n'est-ce pas?

[Traduction]

    C'est une bonne évaluation, selon les différents renseignements que nous avons, dont le rapport d'enquête préparé à la demande du juge O'Connor par l'actuel président de l'Université de la Colombie-Britannique, Stephen Toope.

[Français]

    Envoyer un citoyen dans les geôles syriennes est un acte grave qui ne peut être raisonnablement justifié que si on le soupçonne très sérieusement d'être lié à des mouvements terroristes.

[Traduction]

    Si j'étais fonctionnaire au gouvernement canadien et que nous essayions d'expulser une personne du pays pour la renvoyer en Syrie, je serais très inquiète, parce que nous avons signé la Convention contre la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. D'après ce que nous savons des activités syriennes, je serais très inquiète de la déportation ou du renvoi de quelqu'un vers la Syrie si cette personne affirmait qu'elle risquait d'être torturée.
    En gros, oui, je pense que dans notre pays, nous devons nous préoccuper de l'endroit vers où nous envoyons des Canadiens ou d'autres personnes si nous avons des raisons de soupçonner qu'ils risquent la torture ou d'autres traitements inhumains.

  (0955)  

[Français]

    On ne sait toujours pas pourquoi les Américains ont envoyé M. Arar en Syrie. Nous sommes donc obligés de spéculer, et il y a deux hypothèses.

[Traduction]

    C'est juste.

[Français]

    Les Américains ont pu envoyer M. Arar en Syrie à la suite des informations erronées qui leur ont été données par la GRC, comme ils ont pu le faire à cause de leurs propres informations. Cela indiquerait que M. Arar était lié à des mouvements terroristes ou qu'ils avaient des raisons sérieuses de le croire. En tout cas, ces raisons étaient suffisamment sérieuses pour l'envoyer en Syrie.
    Même s'ils avaient de telles raisons, il est inadmissible que les Américains ne les aient pas communiquées aux autorités canadiennes. En effet, dans l'échange des informations entre les pays qui luttent contre le terrorisme, si l'on a des informations selon lesquelles un citoyen d'un autre pays est assez étroitement lié à des mouvements terroristes pour l'envoyer en Syrie, il est naturel qu'on laisse ce pays savoir qui sont ces gens. Or, nous ne le savons toujours pas.

[Traduction]

    Je suis d'accord que le partage d'information devrait être un principe de fonctionnement.
    J'irais même plus loin et dirais que je serais inquiète au plus haut point s'ils choisissaient de ne pas partager ces renseignements avec nous. Ce serait un cas que le premier ministre devrait porter à l'attention du président ou que quelqu'un dans ma position devrait porter à l'attention d'un John Ashcroft ou d'un Tom Ridge, selon le cas, si nous pensions qu'ils avaient ces renseignements et qu'ils n'étaient pas disposés à les partager avec leurs homologues du Canada.

[Français]

    À l'époque où vous étiez simplement ministre, si le Cabinet avait su que le directeur de la GRC était convaincu de l'innocence de M. Arar et qu'il n'avait aucun lien avec les terroristes, croyez-vous que l'action du gouvernement pour obtenir sa libération des autorités syriennes aurait été différente?

[Traduction]

    Je pense que le gouvernement de l'époque a fait tous les efforts raisonnables pour faire libérer M. Arar de la Syrie, et le juge O'Connor l'a souligné assez clairement dans son rapport. Il ne critique pas vraiment le gouvernement canadien, le ministre des Affaires étrangères, nos fonctionnaires consulaires et d'autres, pour les mesures qu'ils ont prises pour essayer de faire sortir M. Arar de la Syrie.
    Le juge O'Connor a dit s'inquiéter de la lettre à une voix et de ce qui s'est passé ou ne s'est pas passé. En gros, il avait l'impression que le gouvernement canadien s'était acquitté de ses obligations et de ses responsabilités pour faire sortir M. Arar de la Syrie et pour informer les Syriens que nous voulions qu'ils nous le rendent. En fait, le premier ministre Chrétien a écrit une lettre en ce sens aux Syriens.
    D'une certaine façon, nous n'avions même pas besoin d'une déclaration de la GRC que M. Arar était complètement innocent. Nous voulions faire sortir M. Arar, un citoyen canadien, de la Syrie et le ramener dans ce pays. Nous avons jugé particulièrement inacceptable que les États-Unis déportent un citoyen canadien vers un tiers pays sans même consulter le Canada. Nous voulions donc qu'il nous soit renvoyé.
    Merci.
    Nous allons écouter le dernier intervenant de ce tour, monsieur Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Madame McLellan, je suis content de vous revoir.
    Avant de vous poser quelques questions, j'aimerais faire écho à l'incrédulité qui a été exprimée de part et d'autre quant au manque de curiosité de la ministre de la Sécurité publique et au fait que vous n'avez pas cherché à en savoir davantage, compte tenu de l'information publique à laquelle avaient accès 32 millions de personnes et selon laquelle Maher Arar était plus qu'une personne d'intérêt.
    J'aimerais poursuivre un peu dans la foulée des questions de M. Brown. Les membres de la GRC ou votre sous-ministre vous ont-ils jamais dit que l'information fournie au BCP était inexacte ou incomplète?
    Non.
    N'avez-vous jamais parlé avec des gens du BCP de l'affaire Arar pendant que vous étiez ministre? Dans l'affirmative, en avez-vous parlé avec Rob Wright et Bill Elliott?

  (1000)  

    Je ne suis pas certaine d'en avoir parlé avec Bill Elliott, mais j'en ai certainement parlé avec Rob Wright. Il était conseiller à la sécurité nationale du premier ministre.
    Vous a-t-on informée de la note d'information envoyée au BCP, de son contenu ou du fait que le ministère avait été informé ou non?
    Non. Je n'ai jamais su que le BCP avait reçu une quelconque note d'information. Le BCP reçoit des dizaines de notes d'information tous les jours de différents organismes du gouvernement. Je n'étais pas nécessairement informée d'une note d'information ou d'une autre.
    Compte tenu de vos responsabilités ministérielles, êtes-vous d'accord ou non pour dire que vous auriez dû recevoir cette information de la GRC, du SCRS ou de votre ministère, si leurs membres savaient que l'information donnée par la GRC au BCP était inexacte ou incomplète? Les fonctionnaires n'auraient-ils pas dû parler s'ils le savaient?
    Je suppose qu'un moment donné, lorsque les gens de la GRC se sont rendu compte qu'ils avaient envoyé une note d'information incomplète ou inexacte au BCP, ils auraient dû la corriger au BCP. Quant à déterminer si je le savais ou si j'aurais dû le savoir, ce n'était pas nécessairement pertinent. Comme je l'ai dit, la GRC, tout comme le SCRS et d'autres, a donné des notes d'information au BCP, à sa demande, ce qui est parfaitement normal.
    Compte tenu de la grande visibilité de l'affaire Arar, s'ils savaient qu'il y avait quelque chose qui clochait, ne croyez-vous pas qu'ils avaient la responsabilité de vous le dire? Ne vous seriez-vous pas attendu à ce qu'ils le fassent?
    Ils en ont informé le greffier du Conseil privé et ceux qui ont demandé cette note, absolument. Je pense qu'ils l'ont envoyée au BCP avant que je devienne ministre, si je me fie aux dates, mais je n'en suis pas certaine.
    Le commissaire Zaccardelli a dit à ce comité qu'il avait personnellement appris les erreurs de la GRC en novembre 2002, après quoi il a informé les ministres et les fonctionnaires de ce qu'il avait supposément appris. M. Elcock, M. Easter et vous le niez.
    Je sais que vous n'étiez pas ministre à l'époque, mais je vous demande votre opinion. Pensez-vous que nous devrions demander à Mme Bloodworth de témoigner devant notre comité? Il y a un manque de mémoire collective ou peut-être un phénomène plus délibéré aux niveaux les plus élevés de la bureaucratie canadienne en matière de sécurité, et Dieu merci, le juge O'Connor l'a mis en lumière.
    Il revient aux membres du comité de décider s'ils veulent convoquer Margaret Bloodworth. Elle a été ma sous-ministre à partir du 13 décembre 2003, après le retour de M. Arar au pays. Je pense qu'elle était sous-ministre de la Défense nationale auparavant. Je ne suis pas certaine de savoir quelle information directe elle pourrait avoir concernant le cas de M. Arar. Si vous croyez qu'elle possède des renseignements utiles, je suis certaine que vous pouvez la convoquer.
    Pour déterminer qui savait quoi, nous avons trois ministres d'un côté et un commissaire de l'autre.
    Je crois que vous allez convoquer de nouveau le commissaire Zaccardelli. Il pourrait très bien clarifier certaines de ses affirmations sur ce qu'il savait quand. Je peux seulement témoigner de ce que je savais quand. J'ai appris pour la première fois que la GRC avait fourni des renseignements inexacts aux États-Unis quand j'ai lu le rapport du juge O'Connor.
    Compte tenu de toute l'information publique qui circulait avant, votre curiosité n'a-t-elle jamais été assez piquée pour vous pousser à demander avec plus d'énergie aux personnes des ministères dont votre ministère était responsable...
    Comme je l'ai dit, nous nous préoccupions des fuites. Pourquoi est-ce que je présumerais que la GRC ne respecte pas ses principes de fonctionnement normaux sur la communication de renseignements aux États-Unis? Il existait des protocoles et il y avait de l'opposition. Cela fait partie du fonctionnement normal. Il n'y avait aucune raison de présumer que la GRC n'avait pas suivi ses règles habituelles.
    Quand je suis devenue ministre, il y avait suffisamment d'inquiétudes et de zones obscures sur différentes choses, particulièrement sur les observations faites par M. Arar au sujet de son traitement, pour que le premier ministre d'alors me dise : « Anne, je veux que nous tirions la situation au clair. » Je me suis immédiatement mise à chercher un moyen de tirer la situation au clair. Ainsi, le juge O'Connor a été désigné deux mois plus tard, ce qui, comme vous êtes probablement en train de l'apprendre, correspond à la vitesse de la lumière au gouvernement du Canada.
    Une dernière question.
    Je vous en félicite, d'ailleurs.
    Compte tenu du nombre de questions qui restent sans réponse, je doute franchement que nous soyons jamais pleinement satisfaits dans ce dossier. Que pensez-vous de la perspective qu'un comité de surveillance parlementaire surveille les activités des services de sécurité canadiens?

  (1005)  

    Bien sûr, j'ai déposé un projet de loi en ce sens. M. Ménard, M. Comartin, mon ancien collègue, Irwin Cotler, tous ont travaillé très fort, de même que M. Sorenson et d'autres, pour la création d'un tel comité. J'ai déposé un projet de loi juste avant que notre gouvernement ne soit défait à la Chambre en novembre dernier, un événement bien douloureux. J'ai déposé un projet de loi l'an dernier, et bien qu'il n'ait pas suscité le consentement unanime sur tous les plans — et M. Comartin ou M. Ménard pourrait nous en parler — je pense que tous les partis, la Chambre des communes et le Sénat ont travaillé consciencieusement et en collaboration afin de préparer un projet de loi visant à créer un mécanisme de surveillance parlementaire semblable à celui qui existe au Royaume-Uni, où les parlementaires se réunissent de façon non partisane, parce que la sécurité nationale n'est pas une question partisane. En fait, on créerait un comité composé de représentants de tous les partis qui devraient prêter un serment spécial pour avoir accès à des renseignements sensibles. Ils travailleraient ensemble afin d'assurer un degré de surveillance accrue, que j'estime important, concernant les organismes et les activités de sécurité nationale.
    Je ne peux pas dire que je partage votre douleur.
    Non, je ne m'attendais pas à ce que vous le fassiez.
    Merci. Nous apprécions beaucoup votre attitude à cet égard. De toute façon, merci.
    Monsieur Alghabra, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame McLellan. Je suis content de vous revoir.
    J'aimerais commencer par revenir à un élément qui a été mentionné, surtout par M. Brown. Vous avez soulevé le fait qu'en effet, il est possible que les Américains aient eu d'autres renseignements qui les ont poussés à déporter M. Arar vers la Syrie.
    Je veux préciser très clairement, et voir si vous êtes d'accord avec moi, qu'il ne fait aucun doute que la GRC a fait parvenir des renseignements trompeurs aux autorités américaines. J'estime très difficile de prétendre que cela n'a pas contribué à la déportation de M. Arar vers la Syrie. Est-ce véridique?
    Je suis tout à fait d'accord avec les conclusions du juge O'Connor en ce sens, et je pense que vous venez de les résumer.
    Donc que les Américains aient eu d'autres sources d'information ou non, il pourrait être pertinent d'essayer de comprendre pourquoi ils ont agi de cette façon. Nous avons toujours le mandat, la responsabilité, de vérifier si la GRC a enfreint le protocole et a communiqué des renseignements trompeurs.
    Absolument. C'est ce que le juge O'Connor a conclu.
    Je pense que personne ne le remet en question, particulièrement depuis le dépôt du rapport du juge O'Connor.
    Je trouve intéressant que les trois anciens ministres, dont vous-même, nous aient dit que la GRC n'a communiqué aux ministres aucun de ces renseignements, aucun des renseignements trompeurs qui ont été communiqués aux États-Unis.
    Je ne peux parler qu'en mon nom, mais je n'étais pas au courant que la GRC avait fourni des renseignements inexacts aux Américains. Je savais qu'elle leur avait fourni des renseignements, mais c'est parfaitement normal. Je ne savais pas qu'elle leur avait fourni des renseignements inexacts.
    À l'époque, vous n'auriez probablement pas su si ces renseignements étaient exacts ou inexacts, mais vous a-t-on dit exactement quels renseignements avaient été communiqués aux autorités américaines?
    Je ne me rappelle plus des détails précis, mais je suis certaine que de façon générale, lorsque le commissaire et d'autres personnes m'ont informée à mon entrée en fonction comme ministre de la Sécurité publique, ils m'ont fait part de préoccupations entourant le fait que M. Arar était une personne d'intérêt. Je pense qu'on doit m'avoir dit qu'il y en avait d'autres. Par exemple, comme le juge O'Connor l'a souligné dans son témoignage, il semble que si M. Arar était une personne d'intérêt, c'était en raison de certaines de ses relations. Je pense qu'on m'a informée de ce contexte général.

  (1010)  

    Pourtant, nous savons maintenant qu'une partie de l'information fournie par la GRC aux autorités américaines disait qu'elle, c'est-à-dire la GRC, considérait M. Arar comme étant un extrémiste islamiste.
    L'expression n'a jamais été utilisée en ma présence.
    Donc, de toute évidence, l'information fournie par la GRC aux autorités américaines ne correspond pas à celle qui a été fournie aux ministres, particulièrement à vous.
    Tout ce que je puis dire, c'est que je ne me souviens pas m'être fait dire que M. Arar était un extrémiste islamiste.
    Maintenant que vous le savez, quelle est votre opinion de cette différence dans l'information? Comment caractériseriez-vous ou comment jugeriez-vous ce comportement? Était-ce de l'incompétence? A-t-on délibérément cherché à induire les ministres en erreur?
    Tout comme en a décidé le juge O'Connor, je ne crois pas qu'il y ait eu d'acte délibéré en vue de tromper. Les fonctionnaires canadiens ne se sont pas faits les complices de l'expulsion de M. Arar vers la Syrie. Le juge O'Connor a été très clair à ce sujet. Selon moi, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, des erreurs ont été commises.
    Il existait des processus habituels que quiconque, y compris un ministre, comme tout autre Canadien, serait en droit de s'attendre que la GRC suivrait. Il y a une question grave que le juge O'Connor traite comme se situant vraiment au coeur du problème à certains égards. Les processus étaient en place. C'est ce qu'il conclut. Pourquoi n'ont-ils pas été suivis? Il nous livre certaines de ses pensées à ce sujet.
    Brièvement.
    Croyez-vous qu'il faudrait trouver le responsable? Dans l'affirmative, qui devrait être tenu de rendre des comptes?
    Manifestement, la transparence et la reddition de comptes sont très importantes au sein d'un gouvernement. C'est pourquoi nous avons demandé au juge O'Connor de mener son enquête. Si des erreurs sont commises, il faut en répondre. Par contre, il ne faudrait pas s'attendre que, chaque fois qu'une erreur est commise, quelqu'un est mis à la porte. En fait, cette façon de concevoir la reddition de comptes manque beaucoup de maturité. Il pourrait arriver que quelqu'un soit mis à la porte, soit, mais la suite donnée pourrait être tout autre. On pourrait changer la procédure en place qui a mené à la commission de l'erreur, pour éviter que cela se reproduise.
    Si j'ai bien compris, c'est en fait ce que la GRC a fait. Le commissaire Zaccardelli a témoigné en ce sens, soit qu'il a donné suite aux recommandations du juge O'Connor pour ce qui est de centraliser le partage de l'information, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, et ainsi de suite.
    La reddition de comptes est un ingrédient-clé. Cependant, elle peut prendre de nombreuses formes. Il n'est pas nécessaire de faire tomber des têtes pour avoir une reddition de comptes. Parfois on n'a pas le choix, quelquefois aussi, les mesures prises seront tout autres parce que c'est peut-être plus important, en termes de culture de l'organisme.
    Je vous remercie beaucoup.
    C'est maintenant le tour du parti ministériel. La parole va à M. MacKenzie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame McLellan, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
    Je suis très préoccupé par le fait qu'on semble se concentrer uniquement sur le blâme des fonctionnaires. Selon moi — et vous serez probablement d'accord —, votre rôle et celui du Cabinet au sein du gouvernement consiste à assurer la gouvernance des organismes qui relèvent de lui, n'est-ce pas?
    Pendant que tout cela se déroulait, il en était beaucoup question dans la presse, de sorte qu'il en a certainement été question au sein du Cabinet. Mon savant collègue, M. Cotler, de l'autre côté de la table a été ministre de la Justice. Beaucoup de personnes assises à la table aujourd'hui auraient pu poser des questions et vous suggérer des questions à poser aux fonctionnaires que nous critiquons maintenant. Fût-ce le cas?
    Les discussions au Cabinet étaient d'ordre général. Comme je l'ai dit, le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, tenait ses collègues au courant de toute une gamme de dossiers. Manifestement, on cherchait à savoir comment M. Arar avait abouti en Syrie et on déployait des efforts en vue de le faire revenir au Canada.
    N'oubliez pas que, lorsque j'ai accédé à ce portefeuille, j'ai reçu un mandat très clair du premier ministre Martin : savoir ce qui s'est vraiment passé. Nous avons immédiatement pris des mesures pour décider de la meilleure façon d'aller au fond des choses. Je suis très fière de pouvoir vous dire que nous avons nommé le juge O'Connor et je crois que nous avons vraiment élucidé l'affaire, autant que faire se peut.

  (1015)  

    Je ne tiens pas à en débattre, mais il me semble qu'étant donné la position dans laquelle vous vous trouviez, les reportages de la presse, qu'ils aient été exacts, factuels ou non, les questions entourant les fuites, étant donné toutes les préoccupations dont nous entendons maintenant parler et étant donné l'indignation suscitée par la GRC, le SCRS et d'autres —, quelqu'un aurait dû vous dire de demander au commissaire et à ces autres personnes d'où venaient les fuites, s'il y avait un fond de vérité dans ce qu'on entendait et ce qu'il fallait faire pour aller de l'avant. Sans creuser les points que le juge O'Connor a en fin de compte analysés, durant tout ce temps, il fallait bien qu'on réponde à ces questions.
    De sérieuses questions ont été posées au sujet des fuites. En fait, c'est la raison pour laquelle des enquêtes ont été amorcées. Je crois que le BCP en a commencé une, la GRC, une autre et le SCRS a entamé une enquête sur les fuites. En fait, comme je l'ai dit, c'était une de mes préoccupations, soit la source de ces fuites, parce qu'en fait, elles auraient pu causer beaucoup de tort à M. Arar et miné la crédibilité de nos organismes de renseignement et d'exécution de la loi. C'est la raison pour laquelle ces enquêtes ont été lancées.
    En fin de compte, cependant, lorsque M. Martin a pris le pouvoir et que je suis devenue ministre de la Sécurité publique, nous avons jugé que la situation était suffisamment trouble, d'après ce qui était publié dans les journaux, qu'on n'arrivait pas à trouver la source des fuites...
    Toutefois, nous avons bel et bien demandé à ces fonctionnaires quelle information avait été transmise aux Américains? Voilà la question qui semble cruciale. Si nul n'a jamais demandé à savoir quelle information avait été transmise, comment aurions-nous pu décider si les Américains ont agi en fonction de l'information que nous leur avons communiquée ou s'ils ont agi en fonction d'information qu'ils possédaient déjà?
    Que je me souvienne, dans les séances d'information que j'ai eues, on m'a clairement dit que l'information avait été partagée et qu'elle concernait M. Arar. Comme je l'ai dit, toutefois, que je sache, il ne m'a jamais été décrit comme un islamiste extrémiste.
    Mais nous parlons là d'une séance de breffage. Avez-vous posé la question. Avons-nous fourni...
    Pourquoi demanderais-je à savoir si M. Arar a été qualifié d'extrémiste islamiste? Ce n'est pas le genre de chose que je ferais.
    Quel renseignement avons-nous transmis aux Américains? La question est simple.
    Il a en fait été question des renseignements qui ont été fournis aux États-Unis. Le problème, naturellement, c'est que ce n'est que plus tard, dans le rapport du juge O'Connor, que j'ai appris que l'information fournie était inexacte. Quand j'ai été nommée ministre, personne ne décrivait M. Arar — le juge O'Connor l'a documenté — comme un extrémiste islamiste. D'après les faits réunis par le juge O'Connor, à ce moment-là, l'information avait été corrigée, de sorte que nul ne me le décrivait comme étant un extrémiste.
    Je crois cependant que ce que mon collègue laisse entendre, c'est que la GRC le considérait comme étant un extrémiste islamiste.
    À un certain stade, mais comme l'a souligné le juge O'Connor, cette information a par la suite été corrigée.
    Savons-nous si ces renseignements ont été transmis par les Canadiens aux Américains? Nos fonctionnaires l'ont-ils décrit aux Américains...
    Ce que j'en sais, c'est ce que le juge O'Connor a dit. Il a eu l'occasion de réunir tous ceux qui avaient été mêlés à ce dossier, d'entendre la version de chacun, dans le cadre tant d'audiences publiques que de huis clos. Par conséquent, j'estime que c'est le juge O'Connor qui fournit les meilleurs renseignements concernant ce qui a été transmis aux États-Unis.
    Votre temps est épuisé. Je vous remercie.
    La parole retourne maintenant au Parti libéral. Monsieur Holland.
    Merci, monsieur le président.
    En toute équité, je ne crois pas qu'on puisse répondre à cette question. C'est là en partie le problème, et je crois que nous insistons trop là-dessus. Le problème, c'est qu'il existe de vives préoccupations concernant le fait que la GRC aurait transmis de l'information aux États-Unis selon laquelle Maher Arar était un extrémiste islamiste, peut-être même un terroriste, et le fait qu'elle n'en aurait pas informé ni M. Easter, ni vous, ni d'autres hauts fonctionnaires. Voilà ce qui est préoccupant.
    Vous nous dites qu'ils ne l'ont pas fait et...

  (1020)  

    Non, ils ne l'ont pas fait.
    ... toute la preuve appuie cette thèse. Voilà ce qui préoccupe les membres du comité, et je ne crois pas que vous puissiez nous en dire beaucoup plus, autre que de nous dire que cela laisse en suspens des questions très troublantes quant à la raison pour laquelle cela s'est produit.
    Je me demande si nous pouvons revenir sur la question de la surveillance pour quelques instants. Dans la foulée de cet imbroglio, deux mesures ont été prises. La première a été de créer la commission d'enquête chargée d'examiner cette question et de présenter des rapports en deux phases, comme l'a fait le juge O'Connor. La seconde concernait la surveillance, de faire en sorte que le Parlement joue un plus grand rôle.
    C'est juste.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous dire quelles autres mesures ont été prises concernant la surveillance des services de sécurité et de renseignement, plus particulièrement de la GRC?
    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, quand je suis devenue ministre, j'ai reçu comme mandat précis de voir si une surveillance additionnelle du rôle de la GRC s'imposait en matière de sécurité nationale. J'ai relevé le défi et, à mesure que nous nous sommes efforcés de voir comment nous pourrions décider qu'il fallait une surveillance additionnelle, il est devenu évident que la meilleure personne pour nous conseiller, selon toutes probabilités, était le juge O'Connor, puisqu'il aurait peut-être analysé un cas particulier où la surveillance avait fait défaut. Nous estimions qu'il était très logique non seulement de confier au juge O'Connor l'enquête factuelle, mais aussi, après cette enquête, de puiser dans ses connaissances d'expert pour savoir s'il fallait prévoir une surveillance additionnelle.
    Bien que nous n'ayons pas son second rapport, il est très clair qu'il recommandera un mécanisme indépendant de surveillance. Nous avons examiné... Par exemple, la Commission des plaintes du public existe, mais selon moi, étant donné sa composition actuelle, son mandat actuel, elle n'a ni le mandat vraiment, ni les ressources pour faire ce qui est exigé sur le plan d'une surveillance additionnelle des activités de la GRC en matière de sécurité nationale. Donc, savoir s'il faut élargir son mandat, lui donner plus de ressources ou créer un organe indépendant... Il est plutôt clair que le juge O'Connor parle d'un mécanisme indépendant d'examen. Je suppose qu'il n'envisage pas de confier ce rôle à la Commission des plaintes du public, mais bien à un autre organe.
    Prenons l'exemple du CSARS. Il s'est avéré efficace pour surveiller le SCRS. C'est un groupe dynamique qui prend au sérieux son mandat, qui a les ressources voulues pour faire ce qu'il y a à faire, et je crois qu'il s'est acquis une crédibilité importante, non seulement ici mais à l'étranger, en ce qui concerne la surveillance des activités du SCRS. Selon moi, d'après ce que j'ai lu du rapport O'Connor —, il parle d'un mécanisme indépendant d'examen —, c'est probablement l'option qu'il va recommander, bien qu'il faille attendre qu'il présente son rapport.
    J'aurais tendance à être favorable à une pareille recommandation. Dans le domaine de la sécurité nationale, comme il le dit, en dépit de tous les efforts déployés pour l'éviter, les lignes de démarcation sont un peu floues. Ainsi, la différence entre la collecte de renseignements de sécurité et ce qui a toujours constitué une enquête criminelle et l'exécution de la loi s'estompe parfois.
    Par conséquent, la mise en place d'un mécanisme de surveillance des activités de la GRC en matière de sécurité nationale me semble logique. Laissons la commission des plaintes du public se charger de la surveillance et de l'examen des enquêtes criminelles classiques et de l'exécution de la loi. Par contre, créons un autre organe, selon toute probabilité, pour assurer la surveillance en matière de sécurité nationale.
    Ce sera votre dernière question.
    L'autre problème que je vois dans tout ceci, c'est que nous avons eu trois organes distincts possédant des renseignements différents qui ont choisi de partager cette information de différentes manières, tant au sein même du gouvernement qu'avec d'autres organismes. Dans l'exemple de la GRC, elle semble avoir partagé certains renseignements avec le gouvernement, certains renseignements avec le SCRS, certains autres renseignements avec des gouvernements étrangers, comme celui des États-Unis — l'information qu'ils ont obtenue du SCRS ou du gouvernement.
    Comment concilier tout cela? De toute évidence, il existe un véritable problème. Nous avons trois organes distincts, aux points de vue tout à fait différents en matière de renseignement de sécurité. Ils utilisent tous différemment ces renseignements. Estimez-vous que cela justifie le besoin d'avoir un seul organe qui réunit et analyse le renseignement de sécurité?
    Ensuite, qu'en est-il des règles concernant l'information venue d'États qui sont connus pour se livrer à la torture et du fait que la GRC et le SCRS, quand ils ont exminé cette information — particulièrement le SCRS — ont jugé que les renseignements n'avaient pas été obtenus sous la torture. Pourtant, la personne qui a posé ce jugement n'avait aucune expérience dans ce domaine. Comment surmonter ces problèmes? Avez-vous des suggestions à nous faire?

  (1025)  

    Tout d'abord, en ce qui concerne l'information venue de pays pour lesquels nous avons des motifs raisonnables de croire qu'ils recourent à des pratiques comme la torture, comme en a témoigné M. Judd, il faut être très prudent dans l'analyse de cette information, comme il se doit. Je ne dis pas qu'il ne faut jamais l'utiliser, mais selon moi, il ne faudrait pas l'inclure à moins qu'elle ne soit corroborée par d'autres sources jugées fiables, par une corroboration venue d'information qui n'a pas été obtenue — ou du moins que vous soupçonnez raisonnablement de ne pas avoir été obtenue — par la torture. La corroboration est donc l'élément clé, si vous soupçonnez que l'information a été obtenue par la torture.
    Pour ce qui est du renseignement de sécurité, je ne crois pas que vous puissiez confier toute cette tâche à un seul organisme. Dans le monde contemporain, le renseignement de sécurité est réuni par des organismes de renseignement comme le SCRS, la GRC, le ministère des Transports, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le ministère de l'Immigration et ainsi de suite. Ils réunissent tous de l'information ou du renseignement de sécurité d'un genre ou d'un autre. Ce qu'il faut faire, c'est ce que nous avons fait, ce qu'ont fait les Britanniques et ce que cherchent maintenant à faire les États-Unis, soit d'avoir un organe d'évaluation intégrée où aboutit tout le renseignement de sécurité et où se trouvent les principaux analystes de tous les ministères, des hauts fonctionnaires qui travaillent ensemble. Toute l'information est mise sur la table. Elle est partagée et elle est analysée, puis elle retourne sur la ligne de front de manière, je l'espère, à éviter que des personnes présentant un risque élevé, par exemple, entrent au pays ou puissent causer des torts ou quoi que ce soit. Nous avons donc créé un centre d'évaluation intégrée de la menace où sont réunis tous ces renseignements.
     Il faut assurer la surveillance des principaux organismes de renseignement. Le SCRS a le CSARS. Nous verrons ce qu'a à dire le juge O'Connor au sujet de la GRC. En fin de compte, il faudrait en un certain sens qu'il y ait un comité de surveillance composé de parlementaires pour voir à tout cela. Si vous êtes préoccupés par la façon dont la Défense nationale réunit du renseignement de sécurité et l'utilise du fait qu'elle ne la partage pas avec le centre d'évaluation intégrée de la menace...
    C'est l'élément clé, tout à fait.
    ... c'est vous, en tant que parlementaires, qui devriez faire comparaître les personnes et aller au fond des choses pour savoir ce qui se passe, qui fait quoi. Certaines personnes refusent-elles de coopérer pleinement? Y a-t-il des querelles de clochers? Dans l'affirmative, le bien-être des Canadiens pourrait s'en trouver compromis et, en tant que parlementaires, il faut que vous le sachiez. C'est un des rôles que pourrait jouer un comité de surveillance, un comité de surveillance formé de parlementaires.
    Madame McLellan, je vous remercie. On voit bien que vous êtes le genre d'enseignante qui aime que la réponse soit complète, qu'elle ne laisse pas de points d'interrogation. Je vous remercie.
    Je suis désolée.
    Toujours dans le même ordre d'idées, a-t-on demandé au juge O'Connor de dire si le Parlement devrait avoir un rôle de surveillance à jouer? Vous venez de parler du Parlement. Lui a-t-on demandé de se pencher sur la question?
    Non. Cela ne faisait pas partie de son mandat.
    Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?
    Parce que nous lui avons demandé de déterminer s'il fallait prévoir un autre mécanisme d'examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale. Le juge O'Connor va peut-être — je ne sais pas, je n'ai pas vu son rapport — insister sur la nécessité de confier un rôle de surveillance au Parlement. Nous lui avons posé une question très générale: quel genre de mécanisme d'examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale devrait-on créer? Il a déjà dévoilé son jeu, dans un sens, dans la première partie du rapport : il a dit qu'un mécanisme d'examen indépendant s'impose dans le cas de la GRC. Il se peut qu'il aille plus loin — je ne le sais pas, monsieur le président — et qu'il insiste sur l'importance du contrôle parlementaire, en plus du mécanisme indépendant. En fait, rien ne l'empêche d'aborder la question du contrôle parlementaire dans son deuxième rapport.
    Merci.
    Tout le monde a eu l'occasion de poser des questions au cours du premier tour. Avez-vous d'autres questions? Vous avez tous eu l'occasion d'intervenir une fois.
    C'est maintenant au tour des libéraux. Monsieur Alghabra, allez-vous...? Ou M. Cotler. Qui veut parler en premier?

  (1030)  

    Ce n'est pas une question, mais M. MacKenzie s'est demandé si l'affaire Arar avait fait l'objet de discussions autour de la table du Cabinet. Je tiens à dire que je me suis retiré de toute discussion concernant Maher Arar parce que j'ai agi comme avocat-conseil auprès de la famille avant d'être nommé au Cabinet. À la suite de la mise sur pied de la commission, mesure que j'ai recommandé, je me suis immédiatement désisté. Je n'étais pas dans la pièce quand on discutait... J'ai quitté la salle de réunion chaque fois que l'on a abordé, de façon directe ou indirecte, l'affaire Arar.
    Merci.
    Monsieur Alghabra, avez-vous de brèves questions à poser?
    Oui, monsieur le président. Merci.
    Je voudrais revenir à la question de la reddition de comptes. Je suis d'accord avec vous. Cet outil ne doit pas forcément servir, quoique certaines personnes le pensent peut-être, à trouver des coupables. Il existe de nombreuses façons de procéder. Par ailleurs, je pense qu'il serait bon d'examiner les protocoles, de voir s'il n'y a pas lieu de les améliorer. Le fait est que les protocoles en vigueur n'ont pas été respectés. Des protocoles ont été enfreints. Par conséquent, bien qu'il soit nécessaire de trouver des moyens de rendre les protocoles infaillibles, qu'allons-nous faire maintenant que nous savons que les règles ont été violées?
    Nous devons exiger des comptes des personnes qui ont violé les règles. Comme je l'ai mentionné, il y a différentes façons de procéder. Il reviendra au gouvernement en place de décider si, dans ce contexte, au nom du principe de responsabilité, certaines personnes doivent être démises de leurs fonctions.
    Toutefois, nous devons, pour nous assurer que ce genre de situation ne se produise plus, revoir les protocoles, les règles qui régissent l'échange d'informations, les pays avec lesquels nous avons conclu des ententes, les modalités de ces ententes, surtout si nous avons des motifs raisonnables de croire ou de soupçonner que certains pays pratiquent la torture. Nous devons vérifier la fiabilité des informations. Si nous avons des doutes à ce sujet, nous devons faire part de nos préoccupations à la personne à qui nous transmettons ces renseignements, que ce soit au Canada où à l'étranger, surtout si ces renseignements sont communiqués à des organismes étrangers. Si nous avons des doutes quant à la fiabilité des informations, nous devons le dire ouvertement. Nous imposons bien des conditions qui ont pour effet de restreindre l'utilisation des renseignements. Lorsque nous fournissons des renseignements au FBI, est-ce que nous exigeons que l'information serve uniquement à telle ou telle fin?
    Nous ne pouvons fournir la garantie que ces conditions vont être respectées, mais nous nous attendons à ce qu'elles le soient. Or, nous devrions indiquer clairement, si nous apprenons qu'elles ne l'ont pas été, que nous sommes en profond désaccord avec cette approche, et dénoncer, aux plus hauts niveaux, le fait qu'il y a eu violation des règles régissant l'échange d'informations.
    Donc, nous devons revoir toutes ces procédures. Nous devons également promouvoir, mettre en valeur l'importance des protocoles, des conditions qui les régissent, faire en sorte que celles-ci sont toujours appliquées, veiller à ce que, peu importe les circonstances, elles ne sont pas laissées de coté. Car nous avons vu, dans le cas de M. Arar, les conséquences que le non-respect de ces règles peuvent entraîner.
    Je tiens à préciser qu'avant de devenir député, je m'occupais de la défense des droits de la personne.
    C'est bien.
    Je tiens à souligner les efforts de sensibilisation qu'a déployés, à l'époque, votre ministère auprès de la GRC, des Canadiens, de même que le travail qu'il effectué au chapitre de la formation et de l'éducation. J'ai trouvé que ces initiatives avaient beaucoup apporté aux Canadiens et aux organismes d'application de la loi.
    Je voudrais vous poser une autre question. Elle a trait à ce que M. Holland vient de dire. Savez-vous si la GRC se livre de nouveau à la collecte de renseignements à des fins de sécurité nationale, et si ces activités recoupent celles du SCRS? À votre avis, quel genre de rapport les deux organismes devraient-ils entretenir?

  (1035)  

    Le juge O'Connor en fait mention dans son rapport. En fait, sa première recommandation porte directement là-dessus.
    Il arrive parfois que les rôles, par la force des choses, s'embrouillent. Mais je suis d'accord avec le juge O'Connor : il faut que les rôles demeurent aussi distincts que possible. Le SCRS a pour mandat de recueillir des renseignements. Cet organisme n'est pas chargé d'appliquer la loi. Il ne mène pas d'enquêtes au criminel. En fait, comme l'a constaté le juge O'Connor, du moins en ce qui concerne cette affaire, le SCRS s'est conformé aux règles en ce sens qu'il a communiqué les renseignements qu'il avait sur M. Arar, entre autres, à la GRC. Il a communiqué l'information et il revenait à la GRC d'utiliser ces renseignements dans le cadre de l'enquête qu'elle menait.
    Le SCRS et la GRC doivent se parler. Il faut que le SCRS dise, « Nous avons recueillis les renseignements suivants », et que la GRC et le SCRS décident, ensemble, si ces renseignements sont fiables ou valables, si la GRC peut les utiliser dans le cadre d'une enquête pénale.
    Il faut que les deux entités demeurent distinctes, séparées. Le SCRS recueille des renseignements. Certains renseignements peuvent être transmis à la GRC dans le cadre d'enquêtes au criminel qui peuvent, ou non, donner lieu à des accusations. La grande majorité des renseignements recueillis par le SCRS ou un autre service de renseignement ne sont jamais communiqués à un organisme d'application de la loi aux fins d'une enquête. Ce ne sont pas les renseignements de ce genre qui sont recueillis.
    Merci.
    Monsieur Ménard, vous vouliez poser une autre question. Allez-y.

[Français]

    Si je comprends bien la situation dans laquelle vous étiez placée, en tant que membre du Cabinet, vous saviez évidemment que d'envoyer quelqu'un en Syrie était une décision grave, qui devait avoir une certaine justification. Vous ne connaissiez pas les raisons des Américains, mais vous saviez également que si les Américains avaient de bonnes raisons de le faire, ils auraient dû normalement les communiquer à la GRC, puisque M. Arar était citoyen canadien.

[Traduction]

    C'est ce que je pense.

[Français]

     Vous saviez que la GRC avait communiqué des informations aux autorités américaines avant qu'elles ne prennent cette décision. Ce que vous ne saviez pas, c'est que ces informations étaient erronées.

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Vous avez accordé votre confiance à M. Zaccardelli quand il était commissaire à la GRC. Je sais ce que sont les relations entre un chef de police et un ministre. Il y a des choses que le ministre ne doit pas savoir, il y a des choses qu'il peut savoir ou ne pas savoir, et il y a des choses qu'il doit savoir. S'il y avait eu des informations, auraient-elles fait partie, selon vous, de la catégorie de celles qu'un ministre doit savoir?
    Je parle du fait d'avoir communiqué une erreur qui a peut-être eu une influence sur la décision des autorités américaines.

[Traduction]

    À mon avis, si le commissaire savait que des renseignements erronés avaient été transmis aux États-Unis, j'aurais dû en être informée quand je suis devenue ministre de la sécurité publique.

[Français]

    Cela aurait-il affecté la confiance que vous accordiez au commissaire Zaccardelli?

[Traduction]

    Il faudrait que j'en sache davantage sur ce que le commissaire a appris, et à quel moment Il va recomparaître devant le comité. Je vais écouter attentivement ce qu'il va dire concernant le moment où il a appris que des renseignements erronés avaient été transmis aux Américains. Encore une fois, s'il savait — ou si d'autres savaient — que des renseignements inexacts avaient été transmis aux États-Unis, il aurait dû m'en informer.

  (1040)  

[Français]

    Si vous l'aviez su, en tant que membre du Cabinet, cela aurait pu être utilisé dans vos échanges avec la Syrie pour la convaincre que M. Arar devait être libéré. Vous auriez alors pu dire que M. Arar était peut-être là à cause d'informations erronées communiquées aux autorités américaines. Vous auriez pu demander qu'on le relâche.

[Traduction]

    Si l'on savait que des renseignements inexacts avaient été communiqués et que ces derniers auraient pu, d'une façon ou d'une autre, influencer la décision des États-Unis ou de la Syrie de garder M. Arar en détention, il aurait fallu indiquer très clairement à la Syrie que des informations erronées avaient été transmise dans un premier temps aux États-Unis.
    Pour ce qui est de savoir si la Syrie, une fois informée de ce fait, aurait agit différemment, c'est une tout autre question et nous le savons tous les deux. Mais il est clair que si nous avions su que des renseignements inexacts avaient été transmis, nous serions intervenus auprès de la Syrie, nous lui aurions dit, écoutez, nous espérons que vous comprenez le fait que les renseignements concernant M. Arar qui ont été transmis aux autorités américaines sont faux. Cela aurait donné du poids, je présume, à la demande du ministre des Affaires étrangères et du premier ministre, à savoir que M. Arar soit autorisé à rentrer au Canada.

[Français]

    Vous et moi savons également que si les Syriens agissent parfois comme nous n'agirions pas, c'est moins par méchanceté que parce qu'ils espèrent...

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    ...tenir quelqu'un qui peut leur donner des informations pour faire avancer leur enquête. S'ils sont convaincus que cette personne ne peut pas leur donner ces informations, ils vont la libérer plus rapidement.

[Traduction]

    Merci.
    Souhaitez-vous répondre?
    Non, je suis du même du avis.
    Monsieur Comartin, vous vouliez poser une question supplémentaire.
    Je voudrais, madame McLellan, poursuivre dans la même veine. Si le commissaire Zaccardelli n'a pas été informé — et le juge O'Connor, dans son rapport, indique que les officiers supérieurs de la Division A ne savaient pas que des informations erronées avaient été transmises aux Américains... Il a été question, plus tôt, de mesures disciplinaires, de responsabilité. Nous avons appris que tous les membres de la Division A ont été promus, que plusieurs agents relevant des officiers supérieurs ont également été promus. Aucun d'entre eux n'a fait l'objet de mesures disciplinaires.
    Compte tenu de ce que j'ai dit plus tôt — au sujet des fuites dans les médias, des commentaires formulés par les Américains concernant les renseignements fournis par le Canada —, ne croyez-vous pas, si nous voulons qu'il y ait un changement de culture, que des mesures disciplinaires s'imposent, que quelqu'un doit répondre de ces actes?
    Je pense que la responsabilité est un élément clé, comme je l'ai déjà mentionné. Elle peut prendre diverses formes. Pour ce qui est de la culture, on peut la changer de diverses façons, par exemple, en transférant des personnes ailleurs et en les remplaçant par d'autres, en donnant de la formation, ainsi de suite. La formation continue est importante. Il; faut faire en sorte que les protocoles sont bien compris et respectés, que les conditions et la vérification de la fiabilité des renseignements font partie de tout programme de partage d'informations. Pour ce qui est de l'idée d'imposer, ou non, des sanctions disciplinaires à certaines personnes au sein de l'unité ou de la force, cela reste une question complexe.
    Je voudrais revenir au fait que le juge O'Connor a conclu que la GRC n'avait pas l'intention de nuire délibérément à M. Arar, que des informations erronées avaient été fournies parce que certains processus n'avaient pas été suivis. Toutefois, M. Arar n'était l'objet d'aucune intention malveillante. Enfin, le juge O'Connor a conclu qu'aucun agent canadien n'avait participé à sa déportation.
    Donc, on ne peut pas imposer des sanctions disciplinaires à une personne ou à un groupe de personnes sans tenir compte du contexte. Toutefois, s'il existe des preuves que quelqu'un a délibérément transmis de faux renseignements dans le but de nuire à M. Arar, alors oui, absolument, il s'agit là d'une infraction grave.

  (1045)  

    Il est question, ici, d'omission.
    Oui.
    Comme l'a laissé entendre M. Ménard, si cette information vous avait été transmise, avait été communiquée à M. Graham, les choses auraient été bien différentes. Le fait d'avoir ces renseignements en main vous aurait permis de rétablir les faits, et non pas d'entacher davantage la réputation de M. Arar.
    C'est vrai. Si nous avions su...
    Je ne pense pas que l'on exige beaucoup des fonctionnaires à ce niveau-là — dans ce contexte.
    Je suis d'accord. Si une erreur a été commise et que la réputation ou le bien-être physique d'une personne est en jeu, il est indispensable que les ministres, les premiers ministres, les parlementaires, peu importe, le reconnaissent et corrigent la situation le plus rapidement possible.
    Et si ces renseignements ne sont pas transmis au ministre, il va...
    On ne peut rien faire.
    Merci, monsieur le président.
    C'est tout? Merci beaucoup.
    Il n'y a pas d'autres questions?
    Je voudrais, avant de mettre fin à la réunion, vous remercier, madame McLellan, d'être venue nous rencontrer. Votre témoignage a été utile. Nous n'avons pas d'autres questions à vous poser.
    On m'a demandé de faire l'annonce suivante. Mercredi dernier, vous avez reçu, à vos bureaux, une copie de la lettre que le comité a reçue de Jack Kincler, un représentant de la Chambre de commerce Israël-Canada. Il est de passage à Ottawa jusqu'à demain. Il est accompagné de M. Rafi Sela, associé principal du groupe AR Challenges qui, d'après M. Kincler, se spécialise dans les questions de sécurité intérieure et publique. Il va présenter un exposé aujourd'hui à la conférence intitulée « Global Approaches to Security and Technology Strategies ». Il est disposé à rencontrer les membres du comité. J'ai pensé vous transmettre ce message. Il souhaite profiter de cette occasion pour rencontrer le comité. Il vous invite à communiquer avec lui. Si vous ne pouvez le rencontrer cette fois-ci, il peut revenir un autre moment.
    Nous n'avons plus rien à l'ordre du jour.
    La séance est levée.