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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er mars 2007

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Français]

     Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent des langues officielles. Je tiens à vous signaler que notre séance de ce matin sera télévisée par Radio-Canada.
    Il s'agit plutôt d'un enregistrement vidéo.
    Les membres du comité acceptent-ils cela?
    Monsieur Malo, vous avez la parole.
    Monsieur le président, pour quelle raison n'a-t-on pas été en mesure d'obtenir que la comparution du commissaire aux langues officielles soit télévisée?
    Il n'y a que deux salles où cela est possible et, malheureusement, les deux salles étaient prises. Mardi, il a été possible de déplacer ceux qui y étaient déjà parce que nous avions priorité étant donné que nous recevions deux ministres. Cependant, la présence d'un commissaire ne nous assure pas la priorité.
    On ne pourrait pas faire cela deux fois au cours de la même semaine.
    Si j'avais su, monsieur le commissaire, je n'aurais pas posé la question.
    Monsieur Godin, vous avez la parole.
    Monsieur le président, j'aimerais que vous vérifiiez cela, parce que je pense que M. le commissaire a la même importance que les ministres. C'est un représentant du Parlement. Je suis convaincu que, selon la procédure qu'on avait adoptée, lorsqu'un représentant du Parlement se présente devant un comité, il devrait y avoir priorité et on devrait avoir une salle. Si la séance n'est pas télévisée, on devrait au moins avoir une salle plus grande que celle-ci. Je trouve que cela démontre comment les langues officielles sont traitées non seulement sur le terrain, mais à la Chambre des communes même.
    La greffière a pris note de vos commentaires et la prochaine fois, on essayera d'avoir une salle plus grande.
    Monsieur le président, à cause de l'importance de cette réunion, de la présence du commissaire et du fait qu'il s'agit du suivi d'une rencontre avec des ministres, j'aurais aimé que cette situation soit présentée au comité. On aurait peut-être décidé de tenir cette réunion une autre semaine, pour être sûrs d'avoir une salle où notre rencontre aurait pu être télévisée.
    Madame Boucher, vous avez la parole.
    Je suis d'accord avec vous.
    Merci.
    Je souhaite la bienvenue au commissaire, M. Graham Fraser. M. Fraser prendra la parole pendant une quinzaine ou une dizaine de minutes et, par la suite, il y aura une période de questions.
    Bienvenue, monsieur Fraser. Voulez-vous nous présenter vos adjoints?

[Traduction]

    Je remercie le Comité permanent des langues officielles de l’invitation à discuter du Programme des langues officielles de la Défense nationale.

[Français]

    J'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent, Gérard Finn, Renald Dussault et Marcel Charlebois. Ils sont ici pour répondre aux questions de détail, car ils connaissent le dossier depuis plus longtemps que moi. Il est tout à fait possible que j'aie besoin de leur aide pour répondre à vos questions.
    Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes ont pour mission de défendre le Canada ainsi que les intérêts et les valeurs des Canadiens et des Canadiennes. Ils contribuent également à la paix et à la sécurité dans le monde.
     Ma comparution s'inscrit dans le contexte d'un long dialogue avec les Forces canadiennes sur la dualité linguistique. Depuis presque un siècle, les Forces canadiennes essaient de faire face à leurs responsabilités envers leurs membres francophones et leurs familles. Depuis le rapport Laurendeau-Dunton, il y a presque quatre décennies, ce dialogue s'est intensifié. Tous mes prédécesseurs se sont inquiétés du lent progrès des Forces canadiennes et ont constaté des problèmes significatifs en matière de respect de la Loi sur les langues officielles. Aujourd'hui, à la suite d'un rapport sur une plainte du regretté député Benoît Sauvageau, nous voyons la dernière version de la réponse des Forces canadiennes et son dernier aveu d'échec.
     À cause de leur mandat particulier, les Forces canadiennes se sont toujours considérées comme différentes des autres institutions gouvernementales en ce qui a trait à l'application de la Loi sur les langues officielles. Je conviens qu'il existe des différences opérationnelles importantes entre les Forces canadiennes et la fonction publique fédérale. Entre autres, contrairement au fonctionnaire qui choisit son lieu de travail, le militaire est affecté, selon ses qualifications, à une mission précise, n'importe où au pays ou dans le monde. Après quelques années, il est réaffecté à une autre mission, toujours selon les besoins opérationnels établis par les Forces canadiennes. On me dit qu'il y a 10 000 transferts par année. La réalité linguistique de l'individu ne joue pas un rôle déterminant dans la décision.
     Il est important de signaler que la Loi sur les langues officielles n'accorde pas de statut unique ou distinct au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes. La Loi sur les langues officielles s'applique de la même façon à toutes les institutions fédérales.

  (0910)  

[Traduction]

    Je demeure donc d’avis que les Forces canadiennes doivent refléter les valeurs canadiennes, y compris la dualité linguistique. Elles doivent en faire la promotion et se conformer pleinement à la Loi sur les langues officielles. Au-delà des exigences législatives, il est particulièrement important que les hommes et les femmes qui choisissent de servir leur pays dans les Forces canadiennes, conscients de tous les risques que cela comporte, puissent le faire dans le respect de la langue officielle de leur choix.
    Au fil des années, le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes ont toujours démontré une volonté de se conformer à la Loi sur les langues officielles. Par contre, je constate que la multitude de procédures et de politiques que ces organisations ont adoptées n’ont jamais donné les résultats escomptés. Maintenant, on nous propose une nouvelle politique, que l'on appelle l'approche fonctionnelle, et nous devrons en évaluer l’application et les résultats atteints. Cette nouvelle directive ne va pas à l’encontre de la Loi, mais l’échéance proposée de cinq ans pour mesurer les résultats est inacceptable.
    Permettez-moi de vous décrire brièvement le contexte historique qui m'a amené à cette conclusion.
    Voilà près de quarante ans, soit en 1969, la Commission Laurendeau-Dunton émettait une série de recommandations au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes, qui visaient l’égalité des deux groupes linguistiques. En 1972, les deux organisations ont adopté un premier plan, d’une durée de quinze ans, pour accroître le bilinguisme et le biculturalisme dans les Forces canadiennes. À l’échéance, les Forces canadiennes reconnaissaient que les objectifs n’avaient pas été atteints.
    En 1988, la Défense adoptait alors une nouvelle politique visant à constituer un bassin d’officiers bilingues. L’objectif de cette approche, que l’on appelait « Corps d’officiers bilingues », voulait que tous les officiers supérieurs (en commençant par les niveaux de colonel et de capitaine de vaisseau) soient bilingues, peu importe leurs fonctions et l’endroit où ils les exerçaient. Cette politique a été modifiée à plusieurs reprises au cours des années et sa portée a finalement été atténuée. Tout dernièrement, on l’a renommée « Approche universelle ». Dix-huit ans plus tard, on arrive encore une fois à un constat d’échec et les Forces canadiennes nous proposent une autre nouvelle approche.

[Français]

    Tous les commissaires aux langues officielles ont exprimé des préoccupations concernant l'application de la Loi sur les langues officielles par le ministère de la Défense nationale. Dans le cadre de plusieurs études et enquêtes, et même d'un rapport au gouverneur en conseil, mes prédécesseurs ont émis une foule de constats et de recommandations. Plusieurs d'entre eux ont déploré le processus d'affectation permettant aux militaires unilingues d'occuper des postes bilingues, et on a souvent dénoncé le manque de résultats probants des politiques linguistiques.
    Dans le cadre d'un rapport d'enquête de 2001, la commissaire émettait des recommandations concernant la politique du corps d'officiers bilingues. Elle préconisait la revue des exigences linguistiques de tous les postes occupés par des officiers afin qu'elles s'imposent objectivement pour l'exercice des fonctions en cause. Elle recommandait également au ministère de relever les exigences linguistiques des postes qui nécessitaient l'utilisation immédiate des deux langues officielles et qui devaient donc être occupés par des officiers satisfaisant aux exigences linguistiques au moment de leur affectation ou de leur promotion.
    Plus récemment, soit en 2005, les résultats d'une enquête effectuée au sein de la Défense nationale portaient sur la façon dont l'ensemble des Forces canadiennes tenaient compte du bilinguisme lorsqu'elles faisaient du recrutement, mutaient le personnel militaire et accordaient des nominations et des promotions. En outre, en 2006, on procédait à une vérification au quartier général de la Défense nationale afin de déterminer si le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes avaient réussi à créer un milieu de travail propice à l'usage du français et de l'anglais au quartier général, et à permettre à leurs employés d'utiliser la langue officielle de leur choix dans leur milieu de travail.
    Sommairement, les principales recommandations qui découlent de ces études enjoignent les Forces canadiennes: à fixer des objectifs plus élevés en ce qui concerne la proportion des officiers et des membres du rang qui satisfont aux exigences linguistiques de leur poste ou de leurs fonctions bilingues; à inclure dans les ententes de gestion des officiers supérieurs la création et le maintien d'objectifs relatifs aux compétences linguistiques et d'un environnement propice à l'utilisation des deux langues officielles; à offrir toutes les occasions et les outils nécessaires aux militaires qui aspirent à des postes de direction d'apprendre la langue seconde en vue de maintenir ou de perfectionner leurs compétences linguistiques; à hausser le niveau de compétences linguistiques et le profil linguistique des postes bilingues de commandant d'unités bilingues à CBC, et à ne muter à ces postes que du personnel qui satisfait à ces exigences dès la mutation ou la nomination.
    Qu'ont fait le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes de toutes ces recommandations? Quel sera l'impact de la nouvelle approche sur la mise en oeuvre de ces recommandations? Les réponses se font encore attendre.

  (0915)  

[Traduction]

    Nous arrivons donc à cette nouvelle approche, l'approche fonctionnelle.
    Conformément à la Loi sur la défense nationale, cette approche reconnaît que les Forces canadiennes gèrent leur personnel par unité et non par poste, comme c’est le cas pour la fonction publique. Selon l’information recueillie, les Forces canadiennes sont d’avis que ce nouveau modèle rend leurs politiques en matière de formation et d’emploi plus directement conformes aux obligations prescrites par la Loi sur les langues officielles. Avec cette nouvelle approche, les Forces canadiennes s’éloignent de leur politique du corps d’officiers bilingues adoptée vers 1988. Devant l’échec de leur politique, les Forces nous proposent maintenant une toute nouvelle formule, mais sans garantie.
    Je ne peux m’empêcher de remettre en question le fondement d’une telle réorientation et les raisons de l’échec de l’approche adoptée en 1988. Est-ce que la fermeture du Collège militaire royal de Saint-Jean est un facteur? Est-ce qu’on recrute suffisamment d’officiers francophones? Quelles sont les chances de travailler dans sa langue pour un soldat francophone en vertu de ce nouveau système? Est-ce que cela signifie que la formation linguistique ne commence que lorsqu’un militaire est promu colonel? Quel en sera l’impact sur le recrutement de francophones?
    En ce qui concerne le Collège militaire royal de Saint-Jean, on se rappelle qu’il avait été créé par la Défense nationale explicitement pour tenter de recruter un plus grand nombre d’officiers francophones. Le Collège a ouvert ses portes en 1952 et, avec les années, il est passé de simple collège à une université complète. De plus, grâce à son emplacement dans une province de langue française, le Collège revêtait un caractère exceptionnel puisqu’il permettait aux officiers anglophones de bénéficier d’un programme d’immersion inégalable en Amérique du Nord
    Durant les années 90, dans la foulée des mesures prises par le gouvernement pour assainir les finances publiques, on procédait à la fermeture de deux des trois collèges militaires existants, dont le Collège militaire Royal Roads et le Collège militaire royal de Saint-Jean.
    À ce moment, le Collège militaire royal de Kingston, déjà bilingue en théorie, devenait un centre de formation des élèves officiers complètement bilingues. Malgré de réels efforts déployés par les dirigeants de Kingston, nous constations, en 1995, une certaine baisse du nombre d’élèves officiers francophones. Il serait d’ailleurs intéressant d’en connaître le nombre actuel.
    Malgré tout, pendant les années 90, la Défense a réalisé certains progrès en ce qui concerne la formation professionnelle en français destinée aux soldats. Tel n’est pas le cas, toutefois, pour la formation ou le perfectionnement des officiers. En effet, on constate que lors de son ascension dans la hiérarchie militaire, un officier peut difficilement poursuivre sa formation en français.

[Français]

    Les Forces canadiennes conviennent que le bilinguisme est un élément inhérent au leadership. Cependant, selon la nouvelle approche fonctionnelle, seuls les superviseurs dans une unité bilingue ou unilingue française devront maîtriser le français, à l'exception des quelques lieutenants généraux et des vice-amiraux. De fait, il y a encore trop peu de superviseurs militaires bilingues pour créer un milieu de travail propice à l'usage efficace des deux langues officielles dans les unités bilingues.
    Nos enquêtes, nos études et nos vérifications ont révélé que sur une période d'environ 20 ans, le pourcentage de postes militaires bilingues comblés par des militaires bilingues a peu progressé, et se situe à 47 p. 100 seulement. C'est tout simplement inacceptable.
    Enfin, il faut tenir compte du point de vue d'un francophone qui s'enrôle dans les Forces canadiennes. Même si la formation de base dans le métier qu'elle a choisi se donne en français, la recrue francophone devra tôt ou tard apprendre l'anglais. Il est pratiquement impossible de faire une carrière intéressante dans les Forces canadiennes lorsqu'on est unilingue francophone. Le membre francophone prend nécessairement du retard sur ses collègues anglophones unilingues qui, de leur côté, entament tout de suite l'apprentissage de leur carrière. Pour un soldat unilingue francophone, par exemple, une des rares possibilités de carrière consisterait à être fantassin à la base de Valcartier.

[Traduction]

    En conclusion, les années 1990 ont été particulièrement difficiles pour le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes. Des compressions budgétaires les ont obligés à rationaliser leurs ressources opérationnelles et inévitablement, comme pour la plupart des autres ministères, leur programme des langues officielles a été affecté. Le Plan d’action sur les langues officielles de 2003 reconnaît que la dualité linguistique canadienne a été affectée durant ces années difficiles. Des mesures correctives ont d’ailleurs été élaborées.
    En effet, le gouvernement a récemment octroyé des budgets substantiels au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes. Nous tournons désormais la page aux années difficiles. J’ai donc bon espoir que l’ensemble du programme des langues officielles, incluant la formation linguistique des militaires, profitera des bienfaits de ce financement accru.
    L’aspect budgétaire est certes important, mais il ne faut pas oublier que sans le leadership des dirigeants, la situation ne changera pas. Nous avons trop souvent vu, au fil des ans, des changements de procédures et des modifications aux politiques sans pour autant constater de résultats probants. Après plus de vingt-cinq ans de refonte de toutes sortes, les Forces canadiennes ont fait le tour de la question. Il est plus que temps qu’elles établissent des initiatives claires sur les langues officielles avec des objectifs mesurables.
    On ne peut plus se permettre d’accuser un autre échec, tel que l’a été l’approche universelle des Forces canadiennes. Il est inacceptable que le ministère de la Défense nationale se donne cinq ans pour concrétiser les principaux éléments de sa nouvelle politique.
    Je tiens à préciser que, bien que cette nouvelle politique tienne compte de certaines des recommandations émises par ma prédécesseure, ni elle, ni moi n’avons entériné la nouvelle approche. Je vous assure que l’approche fonctionnelle sera analysée cette année, lorsque nous entreprendrons le suivi d’enquête concernant la langue de travail au ministère. Elle sera également revue lors du suivi de notre vérification au quartier général de la Défense nationale prévue l’an prochain

  (0920)  

[Français]

    Je m'attends donc, dès le début de mon mandat, à ce que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes démontrent des résultats concrets. On vise des résultats.
    Merci beaucoup. Je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Fraser, pour votre discours très intéressant.
    Nous allons commencer notre premier tour de table. Chacun des membres du comité disposera de sept minutes. Comme je l'ai déjà mentionné plus tôt à d'autres témoins, je ferai preuve de rigueur en ce qui en trait au respect du temps imparti à chacun.
    Madame Folco, vous pouvez poser la première question.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur le commissaire Fraser.
    C'est pour moi un très grand plaisir de vous voir ici, dans le rôle de commissaire aux langues officielles. Je ne dis pas que vos prédécesseurs étaient moins attelés à la tâche, bien au contraire, mais je suis personnellement extrêmement contente de vous voir ici, d'autant plus qu'en écoutant votre discours, j'ai constaté que vous dressiez un portrait très musclé de ce que moi et plusieurs de mes collègues pensons de la nouvelle situation qui prévaut au sein des Forces canadiennes.
    Mon orientation a toujours été que les Forces canadiennes étaient là pour protéger les Canadiens, que ce soit ici ou ailleurs, à court ou à long terme. Les Forces canadiennes projettent également une image du Canada à l'intérieur du Canada, mais aussi auprès des gens qui sont à l'extérieur du Canada.
    Ce que j'ai entendu de la part de la ministre responsable des langues officielles aussi bien que de la part du ministre de la Défense nationale est que cette image allait devenir de plus en plus — elle l'est déjà — une image où le Canada est presque absolument un pays unilingue anglophone.
    Vous avez dit une chose extrêmement importante. Il est parfois important de reconnaître des choses qui sont réelles, et vous l'avez fait en reconnaissant qu'un francophone unilingue, un fantassin, ne va nulle part dans l'armée canadienne, à cause des règlements en place, à cause de la façon dont les cours ont été organisés. Je suis une ancienne linguiste, monsieur le commissaire. Vous pouvez donc comprendre que j'ai un point de vue à ce sujet.
    J'aurais un commentaire à faire et une question à poser. Mon commentaire, je l'ai fait au ministre de la Défense nationale. Quand on organise des cours de langue, on tient compte de plusieurs critères. On tient compte d'abord des objectifs que l'on se donne et, à la fin du compte, on fait l'évaluation des objectifs que l'on s'est donnés. Or, l'objectif que j'ai vu dans ce nouveau programme des Forces canadiennes est un objectif que je qualifierais de médiocre, pour ne pas dire plus.
    Ensuite, il y a la motivation que l'on donne aux personnes qui suivent le cours. Dans ce sens, étant donné ce que vous venez de nous décrire, je n'exagère pas trop en disant que la motivation n'est pas grande, sinon presque inexistante. Je parle des anglophones qui doivent apprendre le français.
    Ensuite, on tient compte des outils que l'on donne aux personnes qui apprennent et à celles qui enseignent. Encore une fois, le contexte que vous avez décrit par rapport au Collège militaire royal de Saint-Jean, qui était un excellent contexte et qui donnait une espèce de cours d'immersion non seulement au collège lui-même mais également à la ville, démontre que les outils que se sont donnés et que continuent à se donner les Forces canadiennes vont en se détériorant. Évidemment, nous ne savons pas grand-chose de l'évaluation.
    En tant qu'ancienne linguiste, je ne comprends pas pourquoi on a choisi de faire une évaluation cinq ans plus tard. Pourquoi ne pas avoir choisi de la faire après 15 ans, tant qu'à faire?
    Enfin, un mot revient souvent dans votre texte, soit le mot « inacceptable ».
    Ce sont les commentaires que j'avais à faire pour vous dire à quel point je suis contente de vous entendre. Peut-être voudrez-vous commenter ce que je viens de dire, mais j'aimerais aussi que vous commentiez ce qui suit. On nous a dit que dorénavant, si j'ai bien compris, les unités des Forces canadiennes seraient plus ou moins divisées en unités linguistiques: d'une part, les anglophones; d'autre part, les francophones. Cela me rappelle un peu ce qui s'est produit lors de la Deuxième Guerre mondiale, alors que dans plusieurs pays, y compris les États-Unis, on avait des unités noires et des unités blanches. Les deux ne devaient pas se rencontrer. Si on veut que les Forces canadiennes soient le reflet de notre société, il faut absolument que les gens travaillent ensemble. Donc, de prime abord, je suis contre cette idée d'avoir des unités linguistiques séparées. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, s'il vous plaît.

  (0925)  

    D'abord, il faut reconnaître qu'il y a eu une démonstration de bonne volonté de la part des Forces canadiennes, qui allait au-delà des exigences de la loi. Cette approche universelle, qui avait pour objectif idéal de faire en sorte que tout le monde parvienne à maîtriser les deux langues officielles, était admirable, mais d'une certaine façon, ça se faisait en l'absence de cibles précises. Cela faisait en sorte que, souvent, des officiers prenaient leur cours obligatoire et passaient ensuite leur carrière dans une unité où il y avait très peu de francophones et qui se trouvait dans une région anglophone.
    Prenons l'exemple du Princess Patricia's Canadian Light Infantry, qui est basé en Alberta. Ce n'est pas vraiment un milieu où l'apprentissage que des officiers auraient déjà fait pourrait être maintenu. Il y a aussi l'article 91 de la loi qui fait en sorte qu'on ne peut pas imposer une exigence linguistique là où ce n'est pas nécessaire. D'une certaine façon, le fait que les Forces canadiennes conçoivent un plan plus ciblé, qui tente de correspondre aux capacités et aux besoins, n'est pas contre la loi en soi. Ce que je crains, c'est que ce soit un peu un système parallèle au système qui existe déjà dans la fonction publique, où il y a des régions unilingues francophones, des régions bilingues et des régions unilingues anglophones.
    Supposons qu'il y a a un réparateur de chars d'assaut à Valcartier et qu'on en a tout à coup besoin à Edmonton. Ce n'est pas comme dans la fonction publique, où l'on ouvre un concours et où les personnes qui posent leur candidature acceptent de vivre dans un milieu anglophone. Dans les faits, le réparateur doit se rendre à la base d'Edmonton au plus tard dans une semaine. C'est ainsi que les forces fonctionnent. En principe, sur papier, cela pourrait fonctionner, mais je crains pour le sort à long terme des individus et de leurs familles.
    Monsieur Fraser, je dois vous arrêter. Je vous remercie de votre réponse.
    On va demander à Mme Mourani de poser la prochaine question.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre témoignage. Vous pourrez peut-être nous éclairer sur un petit point. Le 27 février, la ministre de la Francophonie et des Langues officielles, l'hon. Josée Verner, disait, et je cite:
Je suis ce dossier de près et je suis heureuse de pouvoir collaborer avec le commissaire aux langues officielles pour promouvoir cette richesse [...] J'ai eu l'occasion de m'entretenir à ce sujet avec M. Fraser il y a quelques semaines et je sais qu'il porte toute son attention à ce dossier.
    Hier, en Chambre, mon collègue Richard Nadeau a posé la question à la ministre en mettant un peu en doute le fait qu'elle vous ait consulté concernant la mise sur pied de cette politique. Avez-vous été consulté?

  (0930)  

    Comme commissaire, je n'ai pas été consulté. Des recommandations ont été faites, et on nous assure qu'elles ont été suivies dans la conception de cette approche. Si, par consultation, on veut dire qu'on a approuvé les étapes une à une, je dois dire que ce n'est pas ainsi que le processus s'est déroulé. Étant donné le système de suivi à nos enquêtes et à nos vérifications, il y a eu un certain processus d'information, mais on n'a pas approuvé les étapes. Dans ce sens-là, on n'a pas été consultés.
    Lorsque vous dites...
    La première fois que j'ai reçu une présentation en long et en large à ce sujet, c'était cette semaine, lorsque le colonel Milot est venu avant sa comparution et a présenté cette approche.
    Lorsque vous dites qu'on vous a assuré que vos recommandations avaient été suivies, est-ce vrai? Quand vous étudiez cette nouvelle politique, constatez-vous que vos recommandations sont suivies ou pas?
    C'est difficile à dire en ce sens qu'une des recommandations très claires était qu'il fallait absolument que les postes bilingues soient occupés par des individus bilingues. On ne peut pas évaluer la réussite d'un plan au préalable et on ne peut pas s'assurer que ce soit déjà accompli, mais on ne veut pas attendre cinq ans non plus pour voir si c'est le cas.
    Renald, avez-vous des commentaires additionnels?
    Je voudrais ajouter qu'on a des procédures en place pour assurer le suivi de nos recommandations, que ce soit des rapports d'enquête ou des rapports de vérification et que dans les cas les plus récents, comme notre vérification ou comme les derniers rapports d'enquête qu'on a soumis, les suivis restent encore à venir.
     Cet automne, on entreprendra un de nos suivis et l'année prochaine, on prévoit faire le suivi de nos recommandations concernant le rapport de vérification. Le suivi est rigoureux. Quand on fait ce genre de suivi, on reprend une à une, avec l'institution concernée, les différentes recommandations qu'on a faites et on voit avec l'institution quel suivi a été donné aux recommandations qu'on a faites. Cela reste à venir.
    Donc, selon ce que je comprends, à l'heure où on se parle, ce que le gouvernement dit, soit qu'il a suivi vos recommandations, n'est pas encore corroboré. Il faudra évaluer si ces recommandations ont vraiment été suivies. En fait, c'est peut-être dans un an que vous pourrez le dire.
    J'espère que oui, en ce sens que le ministre a dit que les choses allaient mieux fonctionner et qu'on était très conscient des failles du système actuel. D'ailleurs, les chiffres sont éloquents à cet égard. Mais on ne peut pas encore dire que le nouveau système va nécessairement réparer ces failles. Il faut vérifier sur le terrain. Si on continue d'avoir un système où des officiers unilingues occupent des postes bilingues, ce réaménagement du système sera encore un échec. On ne peut pas évaluer le succès d'un plan en regardant le plan. Il faut voir si cela fonctionne sur le plan opérationnel.
    C'est un commentaire que je fais. Trouvez-vous que cette nouvelle politique représente une espèce de technique d'assimilation des francophones dans l'armée?
    Pendant des décennies, on a eu la preuve qu'il y a eu une pression d'assimilation avec le transfert de familles francophones dans des bases où les services d'appui à ces familles étaient très faibles. Je ne sais pas si cette nouvelle approche va changer les tendances qui existent déjà.

  (0935)  

    D'accord, je vous remercie.
    Merci, madame Mourani.
     On va demander à M. Godin de poser la troisième question.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à remercier le commissaire d'être parmi nous.
    La première fois que vous avez comparu, je n'étais pas présent, mais il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, vous et les membres de votre équipe. Vous êtes les serviteurs du Parlement et les gardiens de la Loi sur les langues officielles.
    J'ai aimé la manière dont vous avez parlé des langues officielles. Je pense que vous êtes sérieux à ce sujet. Vous l'avez écrit dans votre livre Sorry, I Don't Speak French. Ça dit bien des choses. Les mots «  I don't speak French » font penser aux Forces canadiennes.
    Vous avez dit trouver l'approche universelle intéressante. C'est un peu comme une vision. À partir de cette vision, on recule. C'est du moins la façon dont je perçois les choses. Dans le cas de l'approche fonctionnelle, il s'agit de suivre la loi. Si on n'est pas satisfait, on change la loi. C'est aussi simple que ça.
    Je ne suis pas un expert, mais je crois savoir que les plus hauts gradés de la Défense doivent être bilingues alors que ceux travaillant à un niveau moins élevé n'ont pas à l'être. Ça équivaut pratiquement à dire aux jeunes qu'ils n'ont pas à s'inquiéter, qu'ils peuvent aller à l'école mais n'auront pas à apprendre les deux langues officielles. On sous-entend que le bilinguisme n'est pas important, qu'à la suite de leur enrôlement dans les Forces canadiennes, on n'aura plus le temps de faire quoi que ce soit d'eux et qu'on va donc s'organiser pour leur trouver une petite place ici ou là.
    Monsieur le commissaire, il est regrettable que l'ancien gouvernement libéral ait fermé la base militaire de Saint-Jean. Il ne faut pas l'oublier. Parfois, on ne dit pas les choses telles qu'elles sont. On utilise des mots comme « anciennement », par exemple. Il reste que les libéraux ne nous ont pas aidés.
     Maintenant que j'ai précisé où l'on est rendu, d'où l'on vient et le fait qu'on n'a pas avancé, je vais aborder la liste des 12 recommandations du commissariat, que j'ai en main. Cette semaine, la ministre a témoigné devant le comité et elle a parlé, si j'ai bien compris, des 10 recommandations qui avaient été suivies. Deux des recommandations n'auraient donc pas été suivies? S'agit-il des deux plus importantes?
    Je ne suis pas en mesure de répondre à ça. Renald ou Gérard pourraient peut-être le faire.
     Comme on l'a dit à la fin de l'allocution, l'important pour nous sera d'évaluer les résultats. Nous allons faire un suivi détaillé de notre rapport de vérification. C'est à partir de là qu'on va pouvoir établir...
    Vous parlez de résultats, mais dans le plan de ces gens, y a-t-il 10 recommandations du commissariat? C'est ce qu'ils avancent, n'est-ce pas? En plus, ils prétendent avoir fait des consultations, comme si les deux parties s'étaient assises ensemble et étaient tombées d'accord. Ça reste à savoir. En fait, ça ne s'est pas passé de cette façon. Ils ont pris connaissance des recommandations et ont établi leur plan. Quand on a posé la question à la ministre, elle a répondu que les échanges n'avaient pas eu lieu avec M. Fraser, mais avec Mme Adam. S'il faut faire comparaître Mme Adam à ce sujet, on va le faire.
     Il est important de comprendre le processus que suit un rapport de vérification. Je vais vous en donner les grandes lignes.
     On fait d'abord un rapport préliminaire qui est ensuite soumis à l'institution visée. L'institution émet des commentaires et ceux-ci sont généralement intégrés comme tels dans notre rapport de vérification. À partir de cela, le commissaire émet un rapport de vérification final. Généralement, entre 18 mois et deux ans plus tard — et nous sommes actuellement dans cette phase —, nous rencontrons de nouveau les gens de l'institution avec la liste de nos recommandations et évaluons quel genre de suivi a été donné à ces recommandations. Comme je l'ai dit plus tôt, cette étape n'a pas encore été réalisée. Il nous est très difficile de dire...
    Mais on a dit que 10 des 12 recommandations se trouvant dans ce plan avaient été suivies.
    Comme je l'ai dit, cette partie de notre processus n'a pas encore été réalisée.
     J'aimerais que le commissariat se penche sur la question et revienne nous dire s'il est vrai que 10 des 12 recommandations ont été suivies. J'aimerais aussi savoir quelles sont les deux recommandations qui ne font pas partie du plan.

  (0940)  

    Comme je l'ai dit, c'est exactement en quoi consiste le suivi du rapport de vérification: on étudie une recommandation à la fois.
    Monsieur Fraser, vous avez dit que cinq ans, c'était trop long. Moi, je trouve que cinq ans sur quatre cents, ce n'est pas beaucoup. Supposons que dans cinq ans on ait réglé notre problème. Pour ma part, je suis ici depuis dix ans, et on n'a jamais cessé d'en parler. Je pense que le ministère de la Défense nationale est celui qui a le plus violé la Loi sur les langues officielles.
    Elle a comme mandat de défendre nos droits et de se battre pour les droits et la démocratie des pays avec lesquels elle est impliquée. Pourtant, elle ne respecte pas la Loi sur les langues officielles. Ces gens sont les défenseurs de notre pays, mais ils se disent incapables de respecter la loi.
    J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi une période de cinq ans serait trop longue, à votre avis.
    Je dis que c'est trop en ce sens que je ne veux pas attendre cinq ans après la mise en place de ce programme pour qu'il y ait une vérification, un suivi.
    D'accord.
    Ce n'est donc pas trop long seulement pour l'atteinte de résultats; selon vous, c'est même trop long pour la mise en place du programme.
    Parlons des recommandations. La commissaire a recommandé au ministère de communiquer sa vision, de créer une culture organisationnelle axée sur le respect des droits linguistiques de tous les membres du personnel du quartier général, et d'exiger de ses gestionnaires intermédiaires et des surveillants du quartier général qu'ils suivent des sessions obligatoires de sensibilisation à la dualité linguistique et au respect des droits linguistiques des membres du personnel.
    Je ne veux pas attendre cinq ans pour voir si c'est fait. C'est assez facile à voir.
    Je comprends.
    Ils le font ou ils ne le font pas.
    Je comprends que ce soit trop long.
    Monsieur Godin, je m'excuse, mais les cinq minutes qui vous étaient allouées sont déjà écoulées.
    Ça va. Je reviendrai, monsieur Fraser.
    Absolument.
     Monsieur Lemieux, c'est à vous de poser la prochaine question, la quatrième de ce premier tour.
    Je remercie M. Fraser et les autres témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    Nous avons reçu le ministre de la Défense nationale ici mardi dernier. J'aimerais expliquer ce que je lui ai dit. J'aimerais d'abord dire que j'ai servi au sein des Forces armées canadiennes pendant 20 ans. Je me suis engagé à l'âge de 17 ans au rang d'élève-officier et j'ai pris ma retraite 20 ans plus tard, alors que j'étais lieutenant-colonel. Je suis allé au Collège militaire royal de Saint-Jean et j'ai obtenu mon diplôme à Kingston: deux collèges que vous avez mentionnés dans votre présentation.

[Traduction]

    Il est nécessaire de l'expliquer puisque j'ai vécu tous les échelons de ce système, ayant été subalterne, élève officier et haut gradé, soit lieutenant-colonel. À chaque échelon, j'ai vécu la politique de bilinguisme et je peux vous dire personnellement que cela ne marche pas. Je crois que vous le savez, comme votre prédécesseure. Il est très clair que cette politique ne marchait pas.
    Encore une fois, j'écoute mes collègues et leurs questions. Ils ont de bonnes intentions, mais je pense qu'ils ne comprennent pas bien comment fonctionne le monde militaire, non plus que les raisons de l'échec de la politique de bilinguisme.
    Voici ma première question.

[Français]

    Pour moi, c'est enrichissant d'apprendre une deuxième langue. Cependant, j'aimerais savoir s'il y a quelque chose dans la Loi sur les langues officielles qui stipule que tout le monde au sein des Forces canadiennes doit obligatoirement être bilingue.
    Non. Ce n'est pas le cas pour la fonction publique non plus.
    En effet.
    Il y a des critères établis pour les employés des institutions fédérales, y inclus les Forces canadiennes. En effet, la base même de la politique des langues officielles comporte la protection des personnes unilingues. On ne force pas tout le monde à apprendre les deux langues, mais on vise la protection des populations unilingues, et la protection et l'épanouissement des communautés minoritaires. Ce sont les deux buts fondamentaux de la politique linguistique.

[Traduction]

    Merci d'éliminer une idée fausse répandue. Certains croient en effet que tout le monde doit être bilingue parce que tout le monde doit être bilingue et vous venez de déclarer que ce n'est pas vrai. On se rapproche donc de la nouvelle proposition du ministère de la Défense nationale, qui est de déterminer qui doit être bilingue, à quel poste.
    Dans votre discours, j'ai entendu quelques phrases qui me paraissaient plutôt négatives. Il y en a une qui me préoccupe fort: vous avez déclaré très clairement qu'il est pratiquement impossible d'avoir une carrière intéressante dans les Forces canadiennes pour un francophone unilingue. Ce n'est pas ce que j'ai constaté.
    Ainsi, pour un soldat du Royal 22e, vous avez tout à fait la possibilité de devenir caporal-chef, puis sergent, puis adjudant, et enfin, adjudant-chef, soit le rang de sous-officier le plus élevé qui soit. Vous avez tout à fait cette possibilité d'arriver à ce rang, tout comme un anglophone dans une unité anglophone, ou un soldat bilingue, dans une unité bilingue. Vous n'êtes pas du tout désavantagé.
    C'est la même chose pour les officiers subalternes. Si vous êtes un élève officier, ou mieux encore, sous-lieutenant, puisque vous êtes alors officier, dans une unité d'artillerie francophone, vous avez tout à fait la possibilité de devenir commandant de ce régiment, comme un anglophone dans un régiment anglophone, ou dans un régiment bilingue.
    Pourriez-vous alors m'expliquer d'où vient cette déclaration, d'où vient cette idée, et pourquoi vous pensez que c'est pratiquement impossible. Vos termes sont très forts et je me demande si vous pouvez nous les expliquer.

  (0945)  

    Je m'inquiète surtout des métiers spécialisés. J'ai lu des témoignages et j'ai parlé à des gens qui n'avaient pas pu obtenir la formation qu'il leur fallait pour se perfectionner parce que cette formation n'était disponible qu'en anglais. Ces personnes sont très désavantagées puisqu'elles ne peuvent acquérir les compétences qu'il leur faut pour pratiquer un métier spécialisé ou se perfectionner. Il peut s'agir d'un pompier spécialisé, de personnel médical, de métiers où les manuels d'instruction ou de réparation et de fonctionnement de l'équipement ne sont qu'en anglais.
    À ce sujet, l'un des défauts de l'ancien système était peut-être que les francophones unilingues devant travailler dans un milieu anglophone -- vous avez fait mention du régiment Princess Patricia à Calgary -- pouvaient avoir des manuels dans les deux langues. Quand j'étais sous-gestionnaire principal de projets, nous avons souvent eu à traduire tous les manuels afin qu'ils soient disponibles dans les deux langues officielles. La question ne se posait même pas. Ces outils de base étaient toujours disponibles dans les deux langues pour tous les soldats, peu importe où ils se trouvaient.
    Mais cela m'amène à parler encore une fois de l'approche fonctionnelle. Il est préférable que le francophone unilingue travaille dans un environnement français où il recevra sa formation en français et que l'unilingue anglophone travaille dans un milieu anglais où sa formation se fera dans sa langue maternelle -- et je ne parle pas de la formation dans les métiers, mais bien de la formation générale. À mon sens, la nouvelle approche proposée par le ministère de la Défense nationale présente bien des avantages car elle reconnaît que tout francophone unilingue devrait travailler dans une unité unilingue, ce qui lui permettra de recevoir sa formation dans sa langue et de progresser dans sa langue.
    J'aimerais soulever un autre point, soit celui de l'approche fonctionnelle par opposition à l'approche de l'unité. C'est important pour mesurer le succès de notre programme. Au quartier général de la Défense nationale, là où l'étude a été menée, il y avait eut-être une unité comptant 100 postes militaires. Disons que 45 p. 100 ou 50 p. 100 de ces postes sont bilingues, que je suis un officier bilingue et que je suis affecté à cette unité, mais pas nécessairement à un poste bilingue en particulier. Ce n'est pas aussi important que pour les postes de fonctionnaires. Dans la fonction publique, moi, Pierre Lemieux, je suis affecté à un poste précis et je suis payé en conséquence, alors que dans l'armée, je suis payé comme capitaine, comme major, mon salaire n'étant pas lié à mon poste. Quand on comble les postes d'une unité, on veut savoir si je suis capitaine car on est censé, par exemple, avoir 15 capitaines au sein de cette unité.
    Monsieur Lemieux, je crains que vous ne deviez terminer votre réponse pendant la prochaine série de questions. Je comprends que vous commenciez à peine à entrer dans le vif du sujet, mais je me dois de vous interrompre.
    Merci beaucoup.
    Merci.

[Français]

     Monsieur le président, si ça continue comme ça, M. Milot va avoir peur pour son emploi.
    Nous passons au deuxième tour. Chacun aura droit à cinq minutes
     Monsieur Rodriguez, veuillez poser la première question, s'il vous plaît.
    Merci monsieur le président.
     Monsieur Fraser, je vous souhaite la bienvenue.
    Un peu plus tôt, lorsque Mme Mourani a parlé d'assimilation possible, vous avez hésité à répondre, comme si cela pouvait mener à l'assimilation des francophones au sein des forces armées. Ai-je bien interprété votre hésitation?

  (0950)  

    À mon avis, il y a eu un problème d'assimilation dans le passé à cause de la grande mobilité qui est requise dans les forces armées. Des membres des Forces canadiennes et leur famille ont été transférés d'une base à l'autre, où il y avait très peu d'appui social pour les familles et les individus. Cela a fait en sorte que, souvent, des francophones et leur famille ont fini par être plus à l'aise en anglais qu'en français.
    Toutefois, je ne sais pas si cette nouvelle approche va changer cette tendance. J'hésite à le dire. Je ne prétends pas que l'assimilation des francophones dans les forces armées n'a jamais existé, c'est évident. La nouvelle approche va-t-elle renforcer ou contrer cette tendance? Je ne suis pas en mesure de vous le dire en ce moment.
    N'y a-t-il pas un risque de créer des ghettos?
     Je n'oserais pas dire qu'un membre du 22e Régiment fait partie d'un ghetto, non plus que quelqu'un du Princess Patricia's Canadian Light Infantry.
    Non, mais ailleurs?
    Madame Boucher...
    Excusez-moi.
    C'est parce que j'essaie de comprendre. Allons-y par unités: francophones, anglophones, chacun de son bord, chacun joue dans ses affaires. C'est ça?
    D'une certaine façon, je pense qu'il ne faut pas se leurrer. En partie, ce n'est que la reconnaissance de ce qui existe actuellement. Dans son livre sur l'armée canadienne, Jack Granatstein, l'historien, écrit qu'il existe trois armées au Canada: une armée de l'Ouest, une armée de l'Ontario et une armée du Québec. Je ne confirme pas cela, je constate ce qu'il dit et je le cite. Donc, lui ne parlait pas de l'approche fonctionnelle, de l'approche universelle. Il faisait une constatation d'historien quant à l'évolution de l'armée canadienne.
    Vous parlez de postes bilingues qui devraient être réservés à des personnes bilingues et qui sont comblés de plus en plus par des non bilingues, des unilingues. Si un poste est déclaré bilingue, il doit y avoir une raison spécifique à cela.
    Effectivement. Selon l'article 91 de la loi, c'est très clair.
    Et s'il n'est pas occupé par une personne bilingue, est-ce que cela n'entraîne pas un certain risque au niveau de la sécurité, ou quoi que ce soit? Il n'y a pas de conséquences?
    Je pense que cela représente un risque à tous égards. Bien avant de devenir commissaire, j'ai parlé à un général qui m'a dit qu'un des changements qui s'étaient opérés dans la culture du pays, c'était que les soldats n'étaient plus prêts à mourir dans la langue des officiers. Je pense qu'il y a une attente de la part des soldats: ils veulent être compris par leurs commandants.
    Si un poste bilingue est comblé par quelqu'un qui n'est pas bilingue, si on transforme le système en situation où ce sont des unités, et non pas les titulaires de certains postes en particulier, qui fournissent les services dans les deux langues, il restera toujours ce besoin du soldat d'être compris et d'obtenir de l'information afin de faire son travail.
    Donc, la question de la langue pourrait mettre nos soldats en danger, parce que s'il y a un problème au niveau de la transmission de...
    J'avoue que c'est le genre de questions très spécifiques qui exigent une connaissance de la façon dont cette politique sera appliquée sur le terrain. Je n'ai pas cette connaissance. Je ne sais pas si mes collègues veulent intervenir à ce sujet, mais en ce qui me concerne, je ne veux pas m'avancer sur un terrain alors que je ne sais pas exactement comment cela fonctionne dans telle ou telle base, dans tel ou tel conflit, dans telle ou telle situation, et faire une erreur parce que je ne sais pas exactement comment cela fonctionne.

  (0955)  

    Merci, monsieur Fraser. Pour la prochaine question, le temps sera partagé entre M. Lemieux et Mme Boucher.
    M. Lemieux veut finir son discours.
    C'est encore à moi? C'est parfait.

[Traduction]

    Comme je le disais plus tôt, si au sein d'une unité il vous faut 15 majors et que certains d'entre eux doivent être bilingues, l'armée ne consacrera pas de temps et d'efforts à s'assurer que Pierre Lemieux, qui est bilingue, soit affecté à l'un de ces postes bilingues parce que, d'une certaine façon, cela importe peu. Ce qui compte, c'est que cette unité compte un officier bilingue et offre des services bilingues. Voilà ce qui compte.
    C'est très important, car l'un des éléments essentiels de ce nouveau régime est la façon dont on évalue son succès. Dans l'ancien système, le succès était évalué poste par poste. Il arrivait qu'il y ait 10 postes bilingues et qu'il y ait aussi 10 officiers bilingues dans une unité qui n'étaient toutefois pas nécessairement affectés à ces 10 postes bilingues. On pourrait considérer cela comme un échec, mais ce n'était pas le cas. Les 10 officiers étaient bien présents au sein de cette unité, mais pas affectés aux 10 postes bilingues. Voilà ce que je voulais signaler.
    Vous avez aussi fait une observation sur les corps de métier.

[Français]

Dans le service de génie électronique et mécanique, j'étais responsable des techniciens, des chars blindés, des armes à feu, etc.

[Traduction]

    Vous avez dit qu'il était possible pour un soldat d'être affecté immédiatement à un poste en particulier et vous avez dit que c'est ainsi que ça marche, mais il y a en fait beaucoup plus de stabilité que cela.
    Exceptionnellement, quand les circonstances le permettent, en effet, on peut devoir muter quelqu'un sans délai, mais la planification de carrière se fait chaque année. Tout cela suit un cycle; les affectations se font selon un cycle.

[Français]

    Si quelqu'un veut aller au Québec, il faut qu'il le demande, il faut considérer les besoins des Forces canadiennes. Si ça convient à la personne, si ça convient aux Forces canadiennes, ça peut se faire.
    Pose ta question.

[Traduction]

    Oui, et j'y viens. Je voulais simplement souligner que cette façon de faire ne mène pas à la stabilité.
    J'en arrive à ma question. Ma question est la suivante: Dans les forces armées, on nous enseigne que, si le plan A ne fonctionne pas, si vous injectez beaucoup de ressources, de temps, d'efforts et d'énergie dans le plan A et qu'il ne marche pas, il faut abandonner le plan A. Il faut trouver un plan B. Il faut élaborer un plan B, mettre en oeuvre le plan B et l'évaluer.
    L'opposition nous dit que ce n'est pas ce qu'il faut faire, qu'il faut continuer d'appliquer le plan A. Même s'il échoue, il faut continuer à y investir des ressources et de l'argent. Le plan A ne marche pas, mais l'opposition n'a pas de plan B à nous proposer.
    Nous avons ici un plan B. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce concept selon lequel, si l'ancien système ne fonctionnait pas, il faudrait hésiter à s'en défaire et à le remplacer. J'aimerais savoir pourquoi on hésite à adopter cette nouvelle approche qui pourrait nous permettre d'offrir un meilleur service aux soldats?
     Qu'en pensez-vous? C'est là ma question.
    J'ai fait l'impossible pour ne pas condamner ou approuver la nouvelle approche. Il ne m'incombe pas que de dire que ce nouveau régime est bon ou non. Nous avons formulé des recommandations qui comportent les critères que les Forces canadiennes devront satisfaire pour remplir leurs obligations aux termes de la Loi sur les langues officielles.
    Les Forces canadiennes ont répondu en dressant ce plan et ma réaction est de voir ce que ça donnera. Si, avec cette nouvelle approche, il y a encore 47 p. 100 des officiers qui sont censés être bilingues et offrir des services bilingues qui le font, cette nouvelle approche sera aussi un échec. En revanche, s'il y davantage d'officiers bilingues qui sont affectés à des fonctions bilingues, je suis prêt à adopter le point de vue selon lequel...
    Quoi qu'il en soit, je n'impute aucune mauvaise foi aux forces armées.
    Puis-je me dire d'accord avec vous? Vous avez raison. Vous n'avez pas en fait rendu de jugement, pas un jugement officiel. Vous n'avez pas dit qu'on courait aussi à l'échec. Mais en écoutant votre allocution, personnellement, j'ai entendu beaucoup de choses qui avaient une connotation négative et qui se rapportaient à un tout nouveau programme.
    Je pense comme vous que vous n'avez pas rendu une opinion définitive, mais j'estime que vos commentaires étaient plus négatifs que positifs. Cela manquait de positif. Vous avez présenté vos préoccupations par rapport à la nouvelle démarche, et vous avez certes le droit d'avoir des préoccupations à ce sujet mais vous auriez pu parler des aspects positifs de cette nouvelle démarche et des changements que cela pourrait apporter. Vous ne pouvez pas dire « des changements qui seront apportés » mais vous pouvez certainement dire « des changements qui pourraient être apportés ».
    Ce qui me donne du souci, c'est que votre appréciation de la nouvelle démarche proposée par le MDN était plutôt négative, assortie de nombreuses questions et de doutes quant à son efficacité. Il n'y avait pas d'équilibre avec les aspects positifs.

  (1000)  

    Merci beaucoup, monsieur Lemieux. Je suis convaincu que Mme Boucher apprécie votre façon de partager son temps avec vous.
    Nous nous entendons très bien.
    Je pense que vous lui devrez deux minutes et demie.
    Permettez-moi de répondre en disant que je prends bonne note de ces préoccupations.
    Merci, je vous en suis reconnaissant.

[Français]

    Monsieur Malo, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le commissaire, vous avez clairement indiqué tout à l'heure que la raison pour laquelle les unilingues francophones ont de la difficulté à accéder à une carrière intéressante dans les Forces armées canadiennes, ce n'est pas parce que les possibilités n'existent pas, mais bien parce qu'il n'y a pas moyen d'obtenir une formation adéquate et correspondante en français.
    Par exemple, pour commander un navire, il faut suivre une certaine formation et avoir une expérience pratique sur la passerelle. À ma connaissance, il existe un seul endroit au Canada pour obtenir cette formation: dans l'Ouest, sur le NCSM Regina, un navire de statut unilingue anglophone. En ce sens, il devient difficile pour un unilingue francophone de pouvoir accéder à une carrière de commandant ou de sous-commandant sur un navire.
    On met beaucoup d'argent dans les Forces canadiennes en ce moment. À cet égard, vous disiez plus tôt qu'il serait important de mettre davantage l'accent sur l'éducation en français et d'investir plus d'argent.
    À votre avis, devrait-on privilégier la réouverture du Collège militaire royal de Saint-Jean et l'utilisation d'autres navires, d'autres installations dans l'est du Canada et dans des unités francophones?
    J'aimerais qu'on explore les moyens de renforcer la formation, de manière à tenir compte de tous les éléments dont est constitué un milieu francophone et de la meilleure façon d'apprendre à travailler dans une ou l'autre langue du pays.
    Après avoir dit que je n'allais pas commenter les détails d'un plan pour atteindre cet objectif dans les Forces canadiennes, je n'irai pas imposer une autre voie afin d'améliorer la formation non plus, certainement pas à ce stade de mon mandat.
    La fermeture du Collège militaire de Saint-Jean a-t-elle entraîné des problèmes sérieux en ce qui a trait au recrutement des officiers francophones? J'attends des réponses.
    Vous posiez également une autre question très intéressante quant à savoir quelles sont les chances d'un soldat francophone de travailler dans sa langue, en vertu du nouveau système
     Lundi dernier, je posais une question au ministre de la Défense nationale qui disait que les francophones, proportionnellement, occupent une part assez importante de l'effectif des Forces canadiennes. Je lui disais que ce ne sont pas ces statistiques qu'il serait important d'avoir, mais qu'il serait plutôt important de savoir, effectivement, combien de francophones peuvent travailler dans la langue française dans les Forces canadiennes. Or, à ce sujet, il a été incapable de me donner un chiffre.
    Ne pensez-vous qu'il serait important d'obtenir ces statistiques, justement pour dresser un portrait plus juste de la situation du français dans les Forces armées canadiennes?
    En effet, il y a une chose parmi tant d'autres que j'aimerais faire: comprendre sur le terrain, à la base, dans les régiments, quelle est la situation exactement.
    Renald, avez-vous un commentaire?
    Vous savez qu'on fait chaque année une espèce d'évaluation, un bulletin de rendement des différentes institutions. La langue de travail est évidemment un des aspects que l'on étudie.
     D'après une étude de Statistique Canada, on considère que 39 p. 100 de l'ensemble des répondants francophones des unités bilingues, là où elles se trouvent au Canada, sont entièrement favorables, ou plutôt favorables, au régime de langue de travail dans les Forces canadiennes. C'est un indicateur parmi tant d'autres.
    Donc, c'est décevant, 39 p. 100?
    Tout à fait.
    Justement, je demandais au ministre de la Défense nationale et à la ministre de la Francophonie et des Langues officielles s'ils avaient consulté quelqu'un des communautés avant de mettre cela en place. Apparemment, ils se sont appuyés uniquement sur des plaintes.
    Pensez-vous que certains groupes auraient dû être consultés, avant d'établir cette nouvelle politique?

  (1005)  

    J'ai consulté nos avocats sur la portée de la partie VII, cette partie de la loi qui exige une consultation avec les communautés minoritaires, et on m'a dit qu'effectivement, les articles 41 et 42 de la loi ne s'appliquent pas dans ce cas.
    Excusez-moi, monsieur Fraser, je dois vous arrêter.
    Pas déjà? J'ai l'impression que mes cinq minutes sont plus courtes que...
    Cinq minutes ici, c'est long.
    Monsieur Godin.
    Je suis d'accord avec M. Malo: je pense que ses cinq minutes ont été plus courtes que celles de M. Lemieux.
    J'ai très bien écouté M. Lemieux, et si je ne me trompe pas, son père a fait partie de la Défense nationale, lui aussi.
    Oui, exactement. Il a fait partie des forces aériennes.
    Cela explique pourquoi M. Lemieux est plus à l'aise en anglais qu'en français. Malgré tout le respect que j'ai pour lui, je maintiens que c'est parce que son père a été affecté à plusieurs bases partout au Canada que le fils parle mieux l'anglais que le français. Je respecte cela, mais c'est le résultat.
    M. Lemieux nous parle des unités et affirme que 7 personnes sur 15 devraient être bilingues, et que nous ne comprenons rien à cela.
    Il y aurait donc 7 personnes sur 15 qui seraient bilingues, parmi lesquelles il y aurait le concierge ou celui qui fait de la mécanique. Ils feraient partie d'une unité et des 7 personnes qui respecteraient la loi. Est-ce bien le principe qui sous-tend la Loi sur les langues officielles?
    Monsieur Fraser, il est clair qu'on ne veut pas que tous les anglophones aient l'obligation de parler français, ni que les francophones aient l'obligation d'apprendre l'anglais. On veut que les services soient offerts dans les deux langues et qu'on puisse à la fois travailler et apprendre dans sa langue maternelle.
    J'ai rencontré des soldats qui contredisaient M. Lemieux. J'ai rencontré des soldats à Montréal qui m'ont dit que s'ils voulaient obtenir des promotions, ils devaient apprendre l'anglais, parce que les manuels étaient en anglais. Quatre-vingt pour cent des livres de formation de la Défense nationale sont en anglais. Un francophone peut-il franchir toutes les étapes?
    D'autre part, vous avez dit un peu plus tôt que le commissaire n'avait pas le mandat de dire si la fermeture du Collège militaire royal de Saint-Jean était une bonne chose. En revanche, je pense que le commissaire a le mandat de nous dire si cela a fait mal à la communauté francophone.
    Était-ce plus facile d'apprendre à Saint-Jean qu'à Kingston? On sait que Kingston n'est pas une ville francophone.
    Soyons clairs. J'ai parlé de la contribution du Collège militaire royal de Saint-Jean aux Forces canadiennes et du rôle que cette institution a joué sur le plan du renforcement de la présence d'un corps d'officiers francophones. Dans ma déclaration, j'en ai parlé comme l'une des meilleures expériences d'immersion en Amérique du Nord.
     Le collège a été créé en 1952, un peu pour répondre aux problèmes que les Forces canadiennes ont vécus pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il y avait alors eu des problèmes majeurs de discipline parce qu'il n'y avait pas d'officiers qui pouvaient comprendre les soldats francophones. Il y a presque eu des mutineries sur certains bateaux à cause des tensions linguistiques au sein des forces navales et du problème systémique de manque d'officiers capables de donner des ordres ou de comprendre les soldats.
    C'est pour répondre à ce besoin que le Collège militaire royal de Saint-Jean a été créé. Il a fonctionné pendant 42 ans et a apporté énormément aux Forces canadiennes. Par la suite, cette histoire s'est terminée.
    Présentement, je pose des questions sur les effets de cette fermeture. Peut-on en évaluer les effets 13 ans plus tard? Cela représente presque une génération, en termes de formation de nouveaux officiers. Quel est l'effet sur le recrutement? Quel est l'effet sur la capacité linguistique des officiers qui ont fait leurs études à Kingston?
    Je suis commissaire depuis quatre mois. Je n'en suis pas à l'étape d'annoncer un plan pour l'avenir de la formation des officiers dans les Forces canadiennes. Je ne vois pas mon rôle de cette façon présentement.

  (1010)  

    Merci, monsieur Fraser.
    Monsieur D'amours, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Fraser, d'être ici ce matin.
    Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'écouter ou de lire mes commentaires ou mes questions, surtout celles adressées au ministre de la Défense nationale mardi dernier.
    Oui. J'en ai vu la transcription.
    Si vous aviez vu la vidéo, vous auriez pu constater la difficulté du ministre à me répondre en français. En réalité, ç'aurait été ainsi s'il avait eu à me donner un ordre et si j'avais été un unilingue francophone. Je respecte néanmoins le fait que des gens parlent seulement l'anglais et que d'autres parlent seulement le français.
    Par contre, lorsqu'on occupe un poste à un niveau supérieur et qu'on se doit de donner des instructions, des ordres, on ne peut pas, en tant que Canadiens, risquer de ne pas comprendre ce qui se passe. Il ne peut donc exister des unités francophones, des unités anglophones et des unités bilingues.
    Vous avez bien décrit la situation, plus tôt. En effet, vous avez dit qu'une personne peut être envoyée dans une autre région parce que là est le besoin. Par ailleurs, cela ne veut pas nécessairement dire que cela sied à la situation particulière de cet individu.
    À mon avis, il ne s'agit pas de déclarer que l'ensemble des soldats-élèves ou des soldats doit être bilingue. Je parle spécifiquement de ceux qui donnent les instructions et les ordres aux subalternes. Les commentaires que j'ai adressés au ministre mardi ont trait à une question de santé et de sécurité.
    Monsieur le commissaire, en réponse à une question de mon collègue Pablo Rodriguez, vous avez dit plus tôt qu'il y avait un risque.
    Reconnaîtrez-vous comme moi que si on a l'impression... Je comprends que vous disiez qu'on va voir les résultats, mais je pense sérieusement qu'il y a un risque. Or, s'il y en a un, cela veut dire dès le départ qu'il y a un problème. En effet, si l'on détermine qu'il y a une possibilité de risque, on est en situation problématique.
    Si l'on reconnaît ce fait, pourquoi n'agit-on pas? Pourquoi laisse-t-on aller les choses et déclare-t-on que ce n'est pas nécessaire? Pourquoi faut-il prendre le risque en ce moment même, alors que des gens peuvent peut-être ne pas bien comprendre?
    Je reviens à ce que j'ai dit au ministre mardi. Je comprends l'anglais, c'est une chance. Bien qu'il existe un service d'interprétation simultanée, je n'en ai pas eu pas besoin. Cependant, je suis convaincu que le simple soldat ne bénéficie pas d'un service d'interprétation simultanée qui le suit et qui lui souffle à l'oreille la traduction des propos d'un autre.
    Imaginez-vous les relations étroites que ces individus doivent entretenir quotidiennement parce qu'on ne les respecte pas complètement en ce qui concerne leur langue maternelle?
    Il y a deux choses. J'ai l'impression qu'en constatant l'échec actuel du respect des obligations linguistiques, les Forces canadiennes ont décidé de redessiner l'approche.
    Je ne suis pas prêt à dire que le risque a augmenté à cause de ce changement. Il y a eu reconnaissance d'un problème. Je présume la bonne foi des Forces canadiennes à cet égard: elles pensent que ce plan va mieux réussir à corriger les failles qui existent actuellement.
     Or, il est tout à fait possible que ces failles existantes, ces failles actuelles, représentent un risque. Moi, je ne le sais pas. Je ne suis pas allé sur le terrain pour faire une évaluation des liens pouvant exister entre la santé et la sécurité des soldats et la langue de travail.
    Il y a un deuxième point. Depuis mon arrivée comme commissaire, j'ai eu la chance d'examiner de plus près les exigences linguistiques quant au niveau C.

  (1015)  

    Monsieur Fraser, c'est bien dommage, mais les cinq minutes qui vous étaient accordées sont maintenant écoulées. Peut-être pourrez-vous y revenir lorsque vous répondrez à une autre question.
    Comme M. Lemieux, je vais y revenir.
    Oui, s'il vous plaît.
    Monsieur Malo, c'est à votre tour de poser une question.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur le commissaire, je peux comprendre qu'à 10 h 15 ce matin, vous n'ayez pas envie de dire que la réouverture du Collège militaire royal de Saint-Jean serait une bonne chose pour les Forces canadiennes. Cependant, j'aimerais simplement rappeler que, dans votre témoignage, vous avez dit qu'à l'époque où il était en activité, ce collège permettait aux officiers anglophones de profiter d'un programme d'immersion inégalable en Amérique du Nord.
    Le militaire n'est pas un fonctionnaire fédéral attaché à un poste, à un endroit précis. Il a une mobilité inhérente au travail de militaire. Il est clair que les militaires francophones qui ont des connaissances, des capacités et une expertise particulières sont appelés à être mobiles et à se déplacer entre différentes unités. Il est un peu utopique de croire qu'il y a... On peut faire de la ségrégation entre des corps francophones bilingues et des corps anglophones, alors qu'il y a une mobilité assez généralisée.
    Dans un tel contexte, je crois profondément qu'un militaire unilingue francophone peut difficilement se sentir inclus et travailler dans sa langue, si l'officier qui est son supérieur ne peut pas s'exprimer en français, et ce, peu importe l'étiquette qu'on peut apposer à l'unité.
    Ne pensez-vous pas que c'est un peu une étrange façon de penser que de vouloir affubler les francophones bilingues et les anglophones d'étiquettes, et de s'en tenir à cela au sein des Forces armées canadiennes?
    Pas nécessairement. Dans les faits, c'est de cette façon que fonctionne la fonction publique. Il y a des régions qui sont unilingues françaises; dans d'autres régions, les anglophones et les francophones ont le droit de travailler dans leur langue respective. Puis, il y a d'autres régions où les anglophones n'ont pas l'obligation de parler ou de comprendre le français.
    D'une certaine façon, cette approche est parallèle à celle adoptée par la fonction publique. Toutefois, je partage vos inquiétudes quant à ce que cela peut vouloir dire pour un mécanicien, ou un autre spécialiste de métier francophone, qui se retrouve dans l'obligation d'être transféré au sein d'une autre unité.
    Si je comprends bien, l'intention est d'éviter la situation que vous avez décrite, soit celle d'un soldat francophone qui a un superviseur qui ne comprend pas le français.

  (1020)  

    Donc, vous croyez que dorénavant les militaires francophones ne seront pas dépêchés dans des sections de l'armée où une étiquette anglophone ou bilingue est apposée.
    Ça, je ne le sais pas, car il faudrait entrer dans le détail de l'affectation. C'est le genre de chose qu'on observera au cours des suivis, soit de voir exactement comment le plan rejoint la réalité quotidienne. Moi, je ne suis pas en position de vous dire si c'est le cas ou non.
    Monsieur Dussault, pouvez-vous nous donner des chiffres sur cette mobilité. Vous-même, monsieur le commissaire, avez mentionné plus tôt que le militaire n'est pas un fonctionnaire comme les autres, et qu'il est difficile d'apposer le même cadre d'identification des classifications linguistiques aux postes.
    Actuellement, on ne dispose pas de ce genre de chiffres. Comme l'a dit le commissaire, c'est très clairement... Surtout que cette nouvelle approche va dans cette direction. C'est évident que c'est quelque chose qu'on étudiera de très près au moment des deux types de suivis que nous ferons à compter de cet automne. Toutefois, ce ne sont pas des chiffres dont je dispose présentement.
    Merci, messieurs Malo et Dussault. Je dois encore une fois vous interrompre.
    Je donne la parole à Mme Boucher.
    Monsieur le président, je veux prendre 30 secondes. Ce n'est pas pour m'adresser à M. Fraser, c'est au sujet de M. Godin.
    J'aimerais dire qu'on n'est pas ici pour faire des attaques personnelles, ni contre moi ni contre mon père; on est ici pour discuter d'une politique. Alors, soyez professionnel, s'il vous plaît.
    Vous invoquez le Règlement. Il ne s'agissait pas d'une attaque personnelle. Je m'excuse, si vous l'avez interprété ainsi.
     On était en train de parler d'assimilation, et vous disiez à quel point les choses allaient bien dans les forces et que tout le monde avait eu ses chances. Je me suis servi de cela comme exemple. Si cela vous a offensé, je m'en excuse du plus profond de mon coeur.
    Merci.
    On va continuer avec Mme Boucher.
    Bonjour, monsieur Fraser. Je suis contente de vous voir ici ce matin, ainsi que votre équipe. J'écoute les propos avec intérêt depuis tout à l'heure. Plusieurs questions me viennent à l'esprit.
    Comme vous le savez, mardi, on a rencontré M. le ministre O'Connor ainsi que la ministre de la Francophonie et des Langues officielles. Le ministre O'Connor nous a expliqué, en gros, qu'il avait essayé le mieux possible de conserver le bilinguisme, en mettant en oeuvre 10 de vos 13 recommandations, à son avis très importantes, qui faisaient d'ailleurs suite à une enquête du Commissariat aux langues officielles. Ce dernier déplorait le fait que, sous le précédent gouvernement, le programme universel n'avait pas fonctionné.
    Dans l'édition du 13 février dernier du journal Le Droit, vous avez dit: « De toute évidence, l'approche universelle n'a pas donné les résultats espérés. » Dans le plus récent numéro de L'actualité, vous dites même: « C'est surtout un constat d'échec de l'approche précédente. »
    Selon votre évaluation, l'approche universelle, c'est clair, se résume à un échec. Néanmoins, j'aimerais que vous m'expliquiez quels sont les éléments qui vous ont amené à faire le constat d'échec de l'approche universelle.
    Je pense que les chiffres sont assez éloquents quant au pourcentage du personnel qui occupe un poste désigné bilingue et qui n'est pas bilingue. Seulement 47 p. 100 des gens qui occupent des postes désignés bilingues sont bilingues. Pour moi, c'est un échec.
     Je ne connais pas de système d'évaluation où 47 p. 100 représente une réussite. À mon école, en tout cas, quand j'obtenais 47 p. 100, je n'avais pas réussi.
    M. Godin a fait référence, tout à l'heure, à des documents unilingues anglais. Y a-t-il une politique sur la documentation dans les deux langues officielles dans les Forces armées canadiennes?

  (1025)  

    Les membres des Forces canadiennes, comme tous les fonctionnaires et tous les membres de toute institution fédérale, ont le droit de recevoir la documentation dans leur langue, dans les deux langues officielles. Il existe une obligation de fournir la documentation bilingue...
    Comment on...?
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Mais pourquoi? Je pose une question.
    ...et de la formation aussi.
    D'accord, c'est bon.
    Seulement pour que les choses soient bien claires, ce n'était pas au sujet de la documentation au sein des Forces armées canadiennes, c'était au sujet de livres qui servent à la formation. Je veux juste préciser ça.
    D'accord.
     J'aurais une autre question. Comment désigne-t-on les unités francophones, anglophones ou bilingues dans les Forces armées canadiennes?
    C'est la responsabilité des Forces armées canadiennes; cela ne relève pas de mon mandat comme commissaire. Vous devrez plutôt poser la question à un représentant des Forces armées canadiennes. C'est une question que je vais poser, par exemple, mais je n'ai pas de réponse.
    En ce qui concerne la Loi sur les langues officielles, c'est la même chose. Comment désigne-t-on des régions bilingues?
    Dans la réglementation, la région de la capitale nationale, une partie du Québec, le nord et l'est de l'Ontario ainsi que le Nouveau-Brunswick sont des régions bilingues pour ce qui est de la langue de travail dans la fonction publique.
    La plus grande métropole francophone est considérée comme bilingue, n'est-ce pas?
    Oui.
    Est-ce exigé par la Loi sur les langues officielles?
    Oui.
    Je vous remercie beaucoup.
    Avez-vous fini, madame Boucher? Je vous remercie.
    Je demande à M. Godin de parler à son tour, encore une fois.
    Pardon?
    J'ai dit: « encore une fois ».
    Non, c'est mon tour! C'est comme pour tous les autres.
    Je m'excuse, monsieur Godin.
    J'accepte vos excuses, monsieur le président.
    Je m'excuse du fond du coeur.
    J'accepte vos excuses, monsieur le président.
    Je cite un extrait de votre rapport:
À ce moment, le Collège militaire royal de Kingston, déjà bilingue en théorie, devenait un centre de formation des élèves officiers complètement bilingues. Malgré de réels efforts déployés par les dirigeants de Kingston, nous constations, en 1995, une certaine baisse du nombre d'élèves officiers francophones. Il serait d'ailleurs intéressant d'en connaître le nombre actuel.
    Peut-on demander au commissariat de faire une étude là-dessus?
    Il y a un certain de nombre de...
    Si vous voulez, je peux faire une demande officielle.
    On va certainement y réfléchir et voir quelles sont les priorités, quelles sont les études en cours. En effet, la formation est une de nos priorités, comme le suivi.
    Je vais faire une demande officielle demain.
    C'est parfait.
    Un peu plus tôt, on a parlé des 7 personnes sur 15 qui devaient être bilingues, selon M. Lemieux. Je ne vous vise pas personnellement, monsieur Lemieux.
    Si on parle d'unité bilingue, cela veut-il dire que des 15 personnes formant l'unité, seule une personne doit parler les deux langues? Si, dans une unité bilingue de 15 personnes, celles-ci parlent toutes français et que 7 d'entre elles soient bilingues, cela veut-il dire que les personnes bilingues seraient anglophones? Peut-il y avoir une étude là-dessus? Qu'en est-il des unités bilingues où les 15 membres parlent anglais et dont 7 sont bilingues? Quelle est la proportion en ce qui concerne les deux langues de notre pays? Avez-vous des réponses à ces questions? Si vous n'en n'avez pas, je vous demanderais d'essayer d'en obtenir.
    Je n'en ai pas. Je ne sais pas si mes collègues ont une opinion sur la grille dont vous parlez, celle des 15 et des 7.
    Me dites-vous que vous ne savez pas s'ils comprennent ce que je dis?
    Non.
    Vous comprenez ce que je dis, c'est bien.

  (1030)  

    Je ne le sais pas, peut-être que mes collègues...
    Qu'est-ce qu'une unité bilingue? Où y en a-t-il? Parle-t-on de l'Ontario, du Québec? Je sais que la personne qui a écrit un livre parlait des trois défenses nationales du Canada: celle du Québec, celle de l'Ontario et celle de l'Ouest. Je regrette qu'il n'y en ait pas en Atlantique.
    Il s'agit des forces terrestres.
    Le commissariat, qui est le protecteur des langues officielles, pourrait-il nous fournir ces données?
    Cela va faire partie de nos suivis. Nous allons nous pencher sur l'application de cette politique, pour mieux comprendre comment cela fonctionne en pratique.
    Tout à l'heure, vous avez parlé d'attendre cinq ans. Parliez-vous de la mise en oeuvre, ou de l'atteinte des résultats?
    J'ai parlé de la mise en oeuvre, mais je n'ai pas parlé de 35 ans.
    Non, j'ai parlé de cinq ans.
    Ah, j'avais compris « 35 ans ».
    Quelque chose est-il contraire à la loi?
    Non, il n'y a pas de violation de la loi. La loi est stable. Une partie du processus a entraîné cette révision. Il s'agissait d'une plainte déposée par M. Sauvageau. Il se plaignait du fait que la loi n'avait pas été respectée. On a fait enquête et on a fait des recommandations en se basant sur les obligations contenues dans la loi.
    Tout à l'heure, j'ai été mal compris par Mme Boucher. Elle pensait que je parlais des documents qu'on se passe à l'interne, alors que je parlais des livres de formation.
    Dans le cadre de votre étude, continuez-vous de vérifier si on peut aussi avoir les livres pour la formation? Quel est le pourcentage des livres pour la formation destinés aux anglophones et le pourcentage de ceux destinés aux francophones? M. Lemieux disait qu'un francophone peut recevoir toute sa formation en français. Je veux savoir si c'est la réalité.
    Moi aussi.
    Merci bien, monsieur le président.
    Merci. Il vous reste 30 secondes, vous êtes très efficace.
    Monsieur le président, j'aimerais prendre ces 30 secondes pour remercier M. Fraser de ce qu'il fait pour le bilinguisme au Canada. Merci.
    Merci, monsieur Godin.
    On a le temps de faire un quatrième tour de table de cinq minutes chacun, si tous les membres du comité sont d'accord.
     Je demanderai à M. Rodriguez de poser la première question.
    Mme Boucher a fait référence au numéro le plus récent de L'actualité. Le titre de la page couverture est: « Le retour des séducteurs », et on voit votre photo à l'intérieur. Alors, le titre est bien choisi, monsieur le commissaire.
    Je veux faire une parenthèse parce que vous dites que, depuis trois mois que vous êtes en poste, vous avez reçu plus de 100 plaintes concernant le Programme de contestation judiciaire. À titre d'information, à combien de plaintes en êtes-vous aujourd'hui?
    Je pense que c'est 110, mais disons au-delà de 100, et l'enquête est en cours. On espère que ce sera fini...
    Ça n'a rien à voir avec...
    Bien non, le lien direct...
    ... on parle de l'armée.
    Tu as fait référence à L'actualité, alors je regardais L'actualité et...
    Oui, mais maintenant, on parle de l'armée.
    Monsieur Rodriguez, peut-être qu'on ne doit pas poser de questions sur des...
    Je pense qu'il y a un lien.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je pense qu'en tant que parlementaires, on peut poser la question qu'on veut. Ce n'est pas à l'opposition d'assumer votre responsabilité de président.
    Peut-être qu'on doit s'en tenir au sujet des Forces canadiennes.
    Non, les contestations judiciaires font partie du sujet, selon moi. Si un soldat veut recourir à la contestation judiciaire, ou une municipalité ou un groupe, cela fait partie du sujet, et je ne vois pas en quoi ce serait contraire au Règlement.
    Merci, monsieur Godin.
    Monsieur Rodriguez, si vous voulez bien continuer.
    Bien sûr.
    M. Godin a fait référence à un pourcentage. Vous avez parlé un peu plus tôt de 80 p. 100 des manuels. Je pense que c'est ce que vous avez demandé de vérifier, pour savoir si ce chiffre était le bon. Parce que s'il s'agit vraiment de 80 p. 100, c'est pratiquement impossible pour un francophone unilingue d'avancer. Il ne reste que des miettes.
    J'ai l'impression — et c'est tout à fait subjectif — que tout dépend du métier, qu'il y a certains métiers où l'on peut obtenir une formation en français, et d'autres pour lesquels c'est plus difficile. Mais je n'ai pas de données particulières à partager avec vous aujourd'hui à cet égard.
    Cela m'amène à penser... Les manuels d'instruction, par exemple lorsqu'on achète un hélicoptère ou quoi que ce soit, doivent-ils être traduits aussi?

  (1035)  

    C'est une obligation en vertu de la loi.
    Donc, tout livre qui traite du maniement ou du fonctionnement de l'équipement qu'on achète doit être traduit?
    C'est certes une obligation en matière de formation. Au sujet de manuels traitant d'équipements qui ont été achetés, je sais qu'il y a eu une certaine controverse en ce qui touche certains équipements.
    Sauf si, évidemment, ledit matériel, accompagné des manuels en question, s'adresse vraiment à une unité unilingue anglaise. À ce moment-là, évidemment, le problème ne se pose pas.
    Ce qui est important, c'est que les manuels en français soient disponibles dans les régions bilingues surtout, évidemment. Et si jamais le manuel est publié dans une langue, il doit évidemment être traduit pour la région unilingue de l'autre langue.
    Lorsqu'on transfère, par exemple, un soldat du Québec soi-disant bilingue dans un poste bilingue ailleurs, par exemple en Alberta, y a-t-il une structure d'accueil en place pour sa famille? Par exemple, s'il déménage avec sa femme et deux enfants, y a-t-il des structures qui permettent à cette personne d'envoyer ses enfants à l'école française?
    Tout dépend de la région. On a eu, dans le passé, des cas de soldats qui ont été transférés dans certaines bases, croyant qu'il y avait des ressources sur place alors qu'en réalité, elles étaient non existantes. Il y a un certain temps, il y a eu un témoignage au sujet d'un soldat qui avait été transféré du Québec à Moose Jaw, et effectivement, il n'y avait pas les ressources en place. L'école disponible était une école d'immersion pour anglophones. Cela a donc provoqué des problèmes assez sérieux pour sa famille.
    Lorsqu'un soldat francophone obtient un poste bilingue, il déménage à un certain endroit, et ses enfants n'ont aucun service en français: ils sont donc obligés d'aller à l'école anglaise.
    Ce fut le cas dans le passé. Je ne sais pas à quel point cette situation s'est améliorée depuis.
    Monsieur Fraser, c'est dommage, mais les cinq minutes sont déjà écoulées.
    Vous êtes sûr que j'ai seulement cinq minutes?
    Oui.
    Monsieur Chong.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais savoir quels sont vos commentaires au sujet de trois choses.
    Je note qu'à la page 2 de votre exposé, vous précisez qu'en 1972, un plan d'une durée de 15 ans avait été adopté pour accroître le bilinguisme et le biculturalisme au sein des Forces canadiennes. À l'issue de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, on avait adopté le bilinguisme officiel et une politique en matière de multiculturalisme. J'aimerais savoir d'où vient l'idée du biculturalisme, pour ce plan d'une durée de 15 ans. Je n'étais pas au courant.
    Il faudrait que j'étudie de plus près la question du biculturalisme dans les forces, mais je présume que le biculturalisme tient en partie au fait que dans les Forces canadiennes il y a des unités francophones, comme le Royal 22e, le NCSM Ville de Québec et la Marine. Il y a quelques unités francophones qui ont une histoire de fierté assez longue.
    Le Royal 22e a été créé en 1914 et bon nombre de généraux et de chefs d'état-major sont issus de ses rangs, et même, des gouverneurs généraux. Pour ce qui est de l'aspect culturel du Royal 22e, il n'y a qu'à visiter la Citadelle à Québec pour bien en comprendre les éléments. Chaque régiment a sa culture, mais pour le Royal 22e, cela reflète non seulement le bilinguisme, mais aussi le biculturalisme du pays.

  (1040)  

    Je connaissais le patrimoine historique des forces et de ses régiments, mais je n'étais pas au courant d'une politique ou d'un plan officiel en matière de biculturalisme. J'apprécierais beaucoup que vous nous fournissiez des renseignements à ce sujet. Je connaissais la politique de bilinguisme officiel, mais pas celle en matière de biculturalisme officiel.
    Deuxièmement, j'aimerais avoir vos observations relativement aux critiques exprimées au sujet de l'échéance de cinq ans. Vous laissez entendre qu'il n'y avait pas d'échéance ou d'objectif pour ce plan quinquennal. Vous dites: « les Forces nous proposent maintenant une toute nouvelle formule, mais sans garantie » et « il est plus que temps qu'elles établissent des initiatives claires sur les langues officielles avec des objectifs mesurables ».
     Pourtant, quand je regarde le plan du ministère de la Défense nationale, je vois à l'annexe D beaucoup d'objectifs, dont nombre d'objectifs mesurables. Je vois, par exemple, l'échéance pour la première étape du programme de sensibilisation: juin 2007. Ailleurs, je vois que les principaux intervenants doivent avoir réglé une question avant le 31 mars 2008 et que la date cible pour la fin d'un programme, c'est juin 2007 et que le plan de mise en oeuvre doit être en vigueur au 31 décembre 2007, etc.
    Au sujet du cadre quinquennal, depuis longtemps la planification gouvernementale pour divers programmes recourt à des plans sur cinq ans. Le plan stratégique sur les langues officielles lancé par le gouvernement précédent, comme celui qu'on met en oeuvre actuellement, est un plan quinquennal. Partout dans les ministères, il y a des plans quinquennaux pour mettre sur pied, mettre en oeuvre et évaluer des programmes.
    Je ne vois donc pas pourquoi vous critiquez cette durée de cinq ans. Je ne comprends pas non plus que vous laissiez entendre qu'il n'y a pas d'objectifs précis alors qu'ils sont fixés à l'annexe D du rapport.
    Je vous demande de répondre en 30 secondes, monsieur Fraser.
    Ce que je voulais dire, c'est que je n'attendrai pas cinq ans pour voir quelle est l'efficacité de ce plan stratégique. Nous allons faire un suivi à chaque étape du processus.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Malo, vous pouvez poser une question.
    Monsieur le président, un peu plus tôt ce matin, vous disiez que de ne pas avoir tenu de consultations avant de pondre cette nouvelle cette politique n'était pas contraire à la partie VII. Cependant, avant de se demander si c'était légal ou non, il faut se demander s'il s'agissait de la bonne chose à faire.
    Vous-même disiez que le respect des langues officielles au sein des Forces canadiennes était un échec lamentable. On a appris, sans aucun préavis, le dépôt de cette nouvelle politique.
     Compte tenu de ce constat d'échec lamentable, n'aurait-il pas mieux valu mener une vaste étude, rencontrer des militaires, rencontrer des gens de la famille qui sont touchés au premier chef et rencontrer des communautés qui sont en quelque sorte partenaires des Forces canadiennes, dans chacune des régions du Canada? N'aurait-il pas mieux valu rencontrer des gens?
    Puisque vous donnez une place de premier choix à la rédaction de cette nouvelle politique, n'aurait-il pas mieux valu pousser plus loin la démarche de consultation, avant d'en arriver à cette politique?
    Je ne suis pas en mesure de dire qu'il n'y a pas eu de consultation auprès des militaires ou des familles. Les responsables des langues officielles au sein des Forces armées canadiennes sont très conscients des besoins et des problèmes dans ce domaine.
    En ce qui concerne la question des consultations, je serai très clair quant à mon rôle de commissaire: je ne suis l'administrateur ni des programmes ni des plans. D'une certaine façon, il faut que le commissariat garde une certaine indépendance et ne soit pas trop impliqué dans l'établissement des plans. En revanche, on fait des recommandations et on évalue les effets des efforts des ministères ou des institutions militaires au regard de leur réponse à nos consultations.
    Si l'on voulait que nous soyons impliqués dans l'application d'un programme au sein des Forces canadiennes ou d'un ministère, par exemple, je me poserais certaines questions. Nous voulons établir un bon rapport sur le plan de la communication et pouvoir partager les informations, mais il faut en même temps garder une certaine distance.

  (1045)  

    C'est très bien en ce qui concerne cette partie.
     Cependant, ne pensez-vous pas que le Comité permanent des langues officielles, qui, de façon générale et régulière, donne des avis au gouvernement sur la façon de procéder ou la mise en place de nouveaux règlements, politiques ou lois, aurait au moins dû être consulté et chargé de rencontrer des témoins et d'avoir une discussion franche à ce sujet?
    Ainsi, par la suite, il aurait pu soumettre un avis au gouvernement, qui aurait alors pu prendre une décision un peu plus éclairée et peut-être un peu moins précipitée.
    Ce n'est pas à moi de vous dire comment le comité doit procéder. Ce comité est maître de son destin.
    Mais cela n'aurait-il pas été une bonne idée? Telle est ma question.
    Je ne présume pas qu'un comité aurait dû faire ceci ou qu'il devrait cela dans l'avenir. Je suis un agent du Parlement, mais c'est aux parlementaires de décider du programme d'un comité. Je n'aimerais pas présumer ou critiquer ce que vous avez fait ou ce que vous n'avez pas fait.
    Selon moi, le Comité permanent des langues officielles a fait du très bon travail dans le passé. En tant qu'agent du Parlement, j'anticipe un rapport de collaboration avec tous les parlementaires.
    Il revient au comité de décider d'intervenir plus tôt, ou non, dans le processus de décision. Ce n'est pas à moi de vous faire la leçon sur la façon dont votre comité doit procéder.
    Merci, monsieur Fraser.
    C'est dommage, monsieur Malo, mais votre temps est écoulé.
    Je veux simplement remercier M. Fraser.
    Sur ces bons mots et pour souligner cette belle neutralité, monsieur Fraser, je vous remercie d'avoir comparu devant nous ce matin.
    Merci encore.
    Voilà une intervention politically correct, comme on dirait en anglais.
    Monsieur Godin.
    J'ai déjà fait mes remerciements; je vais donc passer directement à ma question.
    La partie VII a-t-elle véritablement été étudiée? En fait, avant d'aborder cette question, j'aimerais savoir si, selon vous, la Défense nationale fait partie de la société canadienne. 
    Je pense bien que oui.
    D'accord, merci.
    Le paragraphe 43(1) dit ceci:
    43. (1) Le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures qu’il estime indiquées pour favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure :
    Il y a ensuite les alinéas a) à h), puis le paragraphe (2), dans lequel on dit ce qui suit:  
    43. (2) Il prend les mesures qu’il juge aptes à assurer la consultation publique sur l’élaboration des principes d’application et la révision des programmes favorisant la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.
    C'est la loi.
    Oui. Comme vous le voyez, la portée de la loi est très large, en ce qui concerne la dualité linguistique au pays.
    Mais en vertu de la partie VII, des consultations auraient pu avoir lieu. C'est écrit dans la loi.
    Mon interprétation est que la partie VII, de même que l'amendement apporté, surtout grâce aux travaux de ce comité, visent en particulier les communautés minoritaires. Certains articles donnent à cela un sens beaucoup plus large. Pour ce qui est de la consultation chez les militaires, le défi est de définir exactement quelle sorte de consultation il faut mener et auprès de qui il faut le faire. S'agit-il de la communauté entourant la base?

  (1050)  

    On peut faire des consultations auprès des anciens militaires. En effet, ils peuvent maintenant parler. C'est drôle de constater à quel point il est difficile de tirer quoi que ce soit des militaires encore en fonction. Ils sont très polis, très gentils et font ce qu'on leur demande.
    En revanche, ceux qui ne sont plus en fonction ne se gênent pas pour venir à nos bureaux nous raconter toutes leurs petites histoires et nous dire comme les choses vont mal. On nous a conté, par exemple, qu'à bord du gros Airbus de la Défense nationale, le film présenté n'était qu'en anglais. Ce n'est pas la fin du monde, mais c'est le genre de chose qui m'agace un peu.
    Ça indique clairement qu'il faut prendre des mesures aptes à assurer la consultation publique. Ces gens font partie de la société canadienne. Pourquoi la Défense nationale en serait-elle exclue? On a adopté le projet de loi S-3, qui a fait que ces dispositions sont non déclaratoires, mais exécutoires. N'a-t-on pas un nouvel outil qui nous permet de faire respecter la loi?
    Je pense qu'on peut ajouter ce qui suit au compte rendu. Aucune question n'a été posée au commissaire sur le problème concernant les anglophones à la Défense nationale. Il faut s'employer à atteindre l'égalité entre ces deux langues au travail. On ne peut pas transformer les francophones en anglophones et les anglophones en francophones, mais ces gens devraient pouvoir être servis dans leur langue. Pour le moment, ils ne le sont pas.
    Je vais prendre en considération vos observations sur la partie VII. Je vais retourner au bureau et voir si en effet...
    Vous allez consulter une armée d'avocats pour nous dire si la Défense nationale fait partie de la société canadienne et si les gens de ce ministère auraient dû tenir des consultations plutôt que de prétendre avoir consulté la commissaire aux langues officielles. Ils ne l'ont pas fait. Ils ont fouillé dans les 12 recommandations et ils essaient de nous faire croire qu'ils ont consulté la commissaire. J'ai été insulté en constatant ça.
    Sur ce, je tiens à vous remercier encore une fois.
    Merci.
    Je remercie tous les députés et nos invités, particulièrement M. Fraser. Je pense que votre présence améliore la situation des langues officielles.
    Notre prochaine réunion aura lieu le 20 mars.
    La séance est levée.