Passer au contenu
Début du contenu

INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 12 février 2007

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Nous allons ouvrir la 43e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    À l'ordre du jour nous avons, conformément à l'article 108 du Règlement, la poursuite de notre étude de la déréglementation du secteur des télécommunications. Au cours de la première heure et demie, nous recevrons M. Hank Intven, qui témoignage à titre personnel, mais qui représente le groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications.
    Monsieur Intven, vous êtes le bienvenu. Merci infiniment de venir témoigner aujourd'hui. Votre groupe comptait trois membres, mais c'est vous qui le représentez en entier aujourd'hui. Vous disposerez d'un maximum de 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons directement aux questions des membres du comité.
    Je crois que c'est un sujet qui intéresse beaucoup les membres du comité. Bien entendu, cela fait déjà un certain temps que nous en entendons parler.
    Monsieur Intven, la parole est à vous.
    Je vous remercie de m'avoir invité, avec Gerri Sinclair et André Tremblay, à comparaître devant le comité pour parler du rapport que nous avons préparé en tant que membres du groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications. Malheureusement, M. Sinclair et M. Tremblay avaient déjà pris des engagements et n'ont pas pu se joindre à moi aujourd'hui. Ils m'ont demandé de représenter le groupe et de faire de mon mieux pour assister le comité dans ses délibérations.
    Notre groupe d'étude a été mis sur pied en avril 2005 pour entreprendre la première étude détaillée et complète qui ait été jamais faite, depuis une trentaine d'années, de la politique et de la réglementation canadiennes en matière de télécommunications. Nous avions pour mission de mener une enquête indépendante couvrant trois grands domaines, à savoir le cadre réglementaire des télécommunications, l'accès aux services à large bande et de télécommunications de pointe, et l'adoption par les Canadiens des technologies de l'information et des communications. Nous étions assistés d'un secrétariat incluant certains des principaux experts et consultants en télécommunications du pays. Nous avons reçu des mémoires écrits d'un vaste éventail d'intervenants canadiens du secteur des télécommunications. Nous avons organisé plusieurs tribunes publiques et rencontré des experts canadiens et internationaux du secteur des télécommunications, des représentants des organismes de réglementation, des décideurs politiques et des membres du grand public.
    Nous avons présenté notre rapport final le 22 mars de l'année dernière. Un bon nombre de nos recommandations s'inscrivent dans trois grands thèmes. Le premier est la nécessité de clarifier les objectifs de la politique et de la réglementation canadiennes en matière de télécommunications.

  (1535)  

[Français]

    Nous avons proposé que les objectifs des politiques actuelles contenues dans la Loi sur les télécommunications soient clarifiés afin de mettre l'accent sur trois objectifs principaux: premièrement, promouvoir un accès abordable à des télécommunications de pointe dans toutes les régions du Canada; deuxièmement, atteindre certains objectifs sociaux spécifiques et importants comme l'accès aux télécommunications pour les personnes handicapées, améliorer la sécurité publique, protéger la vie privée et limiter la nuisance publique causée par les réseaux de télécommunication; et troisièmement, améliorer l'efficience des marchés des télécommunications et la productivité de l'économie canadienne.

[Traduction]

    Les deux premiers objectifs ne sont pas radicalement différents de ceux que poursuivent habituellement les organismes de réglementation canadiens. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de fournir aux Canadiens un accès abordable aux télécommunications. Néanmoins, notre rapport suggère également la nécessité d'insister davantage sur une troisième série d'objectifs reliés à l'efficience et à la productivité de l'économie.
    Un deuxième thème qui revient dans notre rapport est que la politique de télécommunications devrait miser au maximum sur les forces du marché pour atteindre les objectifs de la politique de télécommunications du Canada. Il faudrait réduire l'intervention réglementaire dans les domaines où les forces du marché peuvent être aussi ou plus efficaces.
    Un troisième thème du rapport est que, lorsque le marché n'atteint pas les objectifs importants de la politique de télécommunications, il faudrait recourir à des initiatives politiques et à une réglementation mieux ciblées pour atteindre ces objectifs.
    Cela fait maintenant presque un an que notre groupe d'étude a publié son rapport final. Ce rapport a reçu un bon accueil de la part de l'industrie, des cercles politiques et des médias. La plupart des commentateurs ont dit que nos recommandations étaient opportunes et tenaient compte des besoins canadiens de même que des tendances, des politiques et de la réglementation des télécommunications au niveau international.
    Le gouvernement a pris certaines mesures importantes pour commencer à donner suite à nos recommandations. Comme l'article 8 de la Loi sur les télécommunications l'y autorise, il a notamment adressé au CRTC une instruction en matière de politique lui demandant d'interpréter les objectifs assez généraux et parfois contradictoires de cette loi d'une façon plus orientée vers le marché.
    Cette directive se fonde sur celle que le groupe avait recommandée et elle raproche davantage la politique du gouvernement canadien à l'égard de la réglementation du secteur des télécommunications des politiques de nos partenaires commerciaux.
    De plus, les décrets du gouvernement concernant le service VoIP et le cadre d'abstention de la réglementation vont dans le même sens que notre recommandation de miser davantage sur les forces du marché lorsque cela permet d'atteindre les objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunications et de réduire la réglementation lorsqu'elle nuit à la réalisation de ces objectifs.
    Dans le contexte actuel, les marchés d'accès local fixe, y compris le marché des services VoIP, sont très concurrentiels. Un vaste éventail de fournisseurs de services bien équipés et bien financés s'efforcent de fournir aux Canadiens des services qui sont parmi les meilleurs et les moins chers au monde. Les nouveaux arrivants sur les marchés locaux des télécommunications, y compris les câblodiffuseurs canadiens, se sont révélés être d'excellents fournisseurs de services à large bande et maintenant de services VoIP qui peuvent facilement concurrencer les entreprises de télécommunications titulaires comme Bell Canada et Telus.
    Le groupe d'étude a reconnu que le CRTC, Industrie Canada et les autres décideurs politiques du gouvernement avaient travaillé fort pendant 20 ans pour que les marchés des télécommunications canadiens soient parmi les plus concurrentiels et dynamiques au monde. Aujourd'hui, nos fournisseurs de télécommunications de la plupart des segments du marché produisent le genre de services de pointe à faible coût dont nous avons besoin pour maintenir et accroître le bien-être économique et social du Canada.
    Le groupe d'étude a jugé essentiel que le secteur des télécommunications local soit davantage orienté vers le marché et moins réglementé pour que les Canadiens puissent profiter du potentiel qu'offrent les nouvelles technologies de télécommunications. Les marchés d'aujourd'hui sont très dynamiques et les technologies et les tendances sont de plus en plus mondiales. Il serait très risqué pour le Canada d'exiger, ou de permettre que nos organismes de réglementation élaborent des politiques visant à soutenir une technologie ou un modèle commercial particulier, et cela aux dépens des autres afin d'établir une structure prédéterminée. Tel a pourtant été l'effet de certaines politiques de réglementation du CRTC au cours des années passées.
    Certaines des politiques de réglementation intrusives du Conseil visaient à soutenir les entreprises de services locaux concurrents qui comptaient beaucoup sur la revente de services de gros par les compagnies de téléphone titulaires. Entre-temps, l'industrie canadienne de la câblodiffusion est devenue un fournisseur solide et prospère de services de télécommunications concurrentiels sans avoir obtenu un soutien important sur le plan de la réglementation. Ce sont les joueurs du marché et non pas l'organisme de réglementation qui ont réussi à apporter au Canada les avantages de la concurrence.
    Cette expérience, et celle des autres pays que nous avons étudiés, illustrent pourquoi notre groupe d'étude a recommandé que la réglementation des marchés locaux des télécommunications soit davantage axée sur le marché. L'expérience indique également pourquoi nous croyons que le gouvernement a eu raison de mettre en oeuvre certaines de nos recommandations de déréglementer les marchés d'accès local.

  (1540)  

    Nous félicitons le gouvernement d'avoir entamé une réforme de la politique canadienne en matière de télécommunications, néanmoins, mes collègues et moi-même sommes convaincus que le gouvernement et le Parlement devraient terminer le travail commencé.
    Je voudrais aborder certains des principaux domaines dans lesquels nous croyons que le gouvernement canadien et le Parlement devraient agir de toute urgence.
    Premièrement, nous croyons qu'il est grand temps que le Canada modernise sa Loi sur les télécommunications de façon à répondre aux exigences des télécommunications du XXIe siècle. La plupart de nos partenaires commerciaux l'ont fait depuis longtemps. Nous avons adopté une nouvelle Loi sur les télécommunications en 1993 et j'ai eu le privilège d'être le conseiller juridique externe en chef pour cette loi, mais je peux vous dire quelles étaient nos instructions. Nous étions chargés de mettre à jour, mais non pas de modifier le cadre réglementaire de base établi pour les compagnies de téléphone et télégraphe du Canada dans la Loi sur les chemins de fer de 1906. Nous devions seulement ébaucher quelques initiatives nouvelles telles que les restrictions touchant la propriété étrangère et l'annulation d'une décision de la Cour fédérale pour établir le pouvoir d'abstention de la réglementation. Plusieurs modifications ont été apportées à la loi depuis 1993, notamment en ce qui concerne les licences pour les services internationaux et le télémarketing, mais il n'y a pas eu de changements dans l'approche législative fondamentale de la réglementation économique du secteur des télécommunications depuis 1906, depuis un peu plus de 100 ans.
    L'approche législative encore en vigueur conférait à la Commission des chemins de fer et à ses successeurs, y compris le CRTC, de vastes pouvoirs pour prendre les mesures qu'ils jugeaient appropriées pour atteindre deux objectifs très vagues: faire en sorte que les tarifs soient « justes et raisonnables » et que les services de télécommunications soient fournis sans « discrimination injuste ». Le CRTC s'est acharné à appliquer ces deux objectifs généraux pour réglementer le téléphone, et maintenant le secteur des télécommunications. Ils sont à la base d'un ensemble complexe de règlements économiques que les commissaires du CRTC peuvent juger bon de modifier, sans que le gouvernement ou le Parlement n'ait un rôle à jouer. Par exemple, ces deux mêmes objectifs généraux ont servi, au cours des années, à justifier à la fois les monopoles et la concurrence dans le secteur des télécommunications. La loi n'a jamais changé. Voilà pourquoi le groupe d'étude a recommandé d'adopter une nouvelle Loi sur les télécommunications de façon à établir un cadre réglementaire bien clair.
    Je n'ai pas le temps de décrire toutes nos recommandations en détail. Nous le faisons dans notre rapport. J'aimerais simplement en souligner quelques éléments.
    Premièrement, quoi qu'on puisse penser des décrets que le gouvernement a récemment pris pour modifier les décisions du CRTC, personne ne croit, je pense, dans une démocratie industrialisée moderne, que le pouvoir politique devrait s'ingérer régulièrement dans le processus décisionnel d'un organisme de réglementation des télécommunications qui est à la fois indépendant et professionnel. De nombreux observateurs estiment que le gouvernement a eu raison de modifier l'orientation politique du Conseil en ce qui concerne le service VoIP et l'abstention locale. Néanmoins, à plus long terme, le gouvernement et le Parlement devraient élaborer des directives plus claires qui devraient être administrées par un organisme de réglementation indépendant et professionnel, et il faudrait le faire dans une loi.
    Ensuite, notre groupe d'étude a recommandé que les nouvelles mesures de réglementation établies dans la Loi sur les télécommunications s'alignent davantage sur la politique de concurrence que sur les principes de réglementation des entreprises de services publics qui exercent un monopole. Telle est la tendance que l'on constate clairement dans la législation des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Europe et de nos autres partenaires commerciaux.
    Nous avons également remarqué que tous les pays industrialisés reconnaissent l'importance de conserver un organisme de réglementation des télécommunications indépendant et professionnel, en dehors des autorités régissant la concurrence. La Nouvelle-Zélande, qui est le seul pays à faire exception à cette règle, a déclaré que ses tentatives visant à compter uniquement sur la législation régissant la concurrence en général ont été un échec et elle a récemment rétabli un organisme de réglementation des télécommunications spécialisé dans ce domaine.
    Par conséquent, après avoir examiné les pratiques exemplaires au niveau international, nous avons recommandé une formule assez simple pour pouvoir appliquer les politiques à l'égard des télécommunications et de la concurrence au secteur des télécommunications. Nous avons proposé de réunir les compétences du CRTC et du Bureau de la concurrence au sein de ce que nous avons appelé un « Tribunal de la concurrence en télécommunications », ou TCT. Nous pensons que c'est la solution la plus efficace pour élaborer et appliquer des bonnes politiques économiques à la réglementation de l'industrie des télécommunications. Le TCT serait une façon pratique de combiner les compétences du CRTC dans le domaine des télécommunications avec celles du Bureau de la concurrence sur le plan de l'économie de la concurrence.

  (1545)  

    Dans notre rapport, nous avons recommandé d'autres approches législatives pour aligner le Canada sur la réglementation adoptée par les pays de l'OCDE en matière de télécommunications ou pour lui permettre de jouer un rôle de chef de file à cet égard.
    Enfin, notre groupe d'étude a recommandé un certain nombre de nouvelles initiatives politiques pour répondre aux besoins du Canada au XXIe siècle. Notre principal conclusion était que le Canada devrait miser au maximum sur les forces du marché pour atteindre les objectifs importants de la politique de télécommunications canadienne, mais nous avons aussi recommandé qu'au cas où le marché n'atteindrait pas ces objectifs, le gouvernement et les organismes de réglementation devraient recourir à des initiatives politiques et réglementaires plus intelligentes et mieux ciblées pour y parvenir.
    Il y a un certain nombre de domaines dans lesquels nous avons jugé ces initiatives nécessaires. Je vais les énumérer très rapidement.
    Premièrement, nous avons recommandé que le CRTC soit clairement autorisé à ordonner la suppression de certains des obstacles qui s'opposent encore à l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché des télécommunications, des obstacles tels que les restrictions existantes touchant l'accès aux poteaux téléphoniques et électriques, aux tours, aux toitures, au câblage des immeubles et aux biens publics afin de favoriser une meilleure concurrence entre les concurrents existants et nouveaux.
    Deuxièmement, nous avons recommandé d'utiliser les politiques à l'égard du spectre radio pour mettre un spectre adéquat à la disposition des entreprises nouvelles et existantes afin de fournir des services de télécommunications de pointe et concurrentiels aux Canadiens de toutes les régions.
    Ensuite, pour protéger les consommateurs vulnérables dans les marchés des télécommunications plus concurrentiels et moins réglementés, nous avons recommandé un certain nombre d'initiatives.
    La première consiste à légiférer pour obliger les compagnies de téléphone à continuer de fournir le service téléphonique de base et à ne pas abandonner leurs clients.
    Deuxièmement, nous avons recommandé d'établir un nouveau type de bureau du protecteur du citoyen, qui serait appelé Agence de protection des usagers des services de télécommunications, pour donner suite aux plaintes déposées par les clients, aussi les particuliers que les petites entreprises, contre tout fournisseur de services de télécommunications et pas seulement ceux qui sont actuellement réglementés. Nous inspirant de modèles bien acceptés qui existent aux États-Unis, en Australie et ailleurs, nous avons recommandé que cette agernce soit autofinancée, indépendante, établie par l'industrie et assujettie aux lignes directrices du CRTC.
    Enfin, en ce qui concerne les consommateurs, nous avons recommandé de confirmer dans la loi le droit des consommateurs canadiens d'accéder aux applications et au contenu publiquement disponibles sur Internet par l'entremise de tous les réseaux de télécommunications publics qui fournissent un accès à Internet.
    Dans la même optique, nous croyons que le marché continuera de fournir aux Canadiens des services à large bande parmi les meilleurs au monde. Il ressort néanmoins de notre étude qu'en ce qui concerne un petit nombre de localités, souvent les communautés des premières nations et des régions isolées, il est peu probable que le marché fournira des services à large bande. Nous avons donc recommandé le programme U-CAN ou « ubiquité Canada » pour assurer l'accès aux services à large bande dans ces régions.
    Enfin, compte tenu de la stagnation de la productivité canadienne et du faible niveau d'adoption des technologies de l'information et des communications, le groupe d'étude a recommandé un certain nombre de politiques gouvernementales pour promouvoir ces technologies, surtout au sein des PME.
    Pour résumer, le groupe d'étude considère que ses diverses recommandations sont équilibrées et constituent les éléments d'un nouveau cadre politique. Ce cadre politique devrait entraîner une déréglementation dans les domaines où ce sont les forces du marché qui permettront le mieux d'atteindre les objectifs politiques à long terme du Canada tout en apportant des politiques et une réglementation intelligentes et ciblées dans des domaines où les forces du marché sont insuffisantes.
    Nous espérons que le gouvernement et les autres intervenants de l'industrie feront preuve de persévérance pour terminer ce que le rapport du groupe d'étude a commencé, pour faire du Canada un chef de file des politiques de télécommunications et en assurant ainsi le succès de notre secteur des télécommunications pendant de nombreuses années à venir.

  (1550)  

[Français]

    Je reste disponible pour fournir autant d'information que possible afin d'aider et d'alimenter les réflexions des membres du comité.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Intven. Nous vous avons laissé dépasser le temps qui vous était imparti, mais j'ai cru important que nous entendions votre déclaration préliminaire étant donné que vous représentez le groupe dont nous parlons le plus au début de cette étude.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Les membres du comité disposent de six minutes pour les questions et réponses.
    Nous allons commencer par M. McTeague.
    Monsieur le président, c'est difficile à croire, mais mes questions seront très brèves et je céderai le reste de mon temps à M. Brison.
    Monsieur Intven, merci beaucoup d'être venu.
    C'est, bien entendu, une des principales raisons de notre inquiétude et pour lesquelles l'opposition estime que la décision du gouvernement ne tient pas compte de toutes les recommandations qu'il aurait fallu suivre pour adopter, comme vous l'avez suggéré, une approche cohérente pour réformer la politique de télécommunications.
    J'aimerais savoir pourquoi, à votre avis, les recommandations 3-4, 3-5, et 3-15, concernant l'importance, la quasi-obligation préalable de mener une étude sur le pouvoir du marché dans l'industrie avant la déréglementation… Je n'en citerai pas le texte, mais la recommandation 3-15 fait allusion à ce qui se passerait si vous ne compreniez pas suffisamment le marché que vous vous apprêtez à déréglementer en vous contentant du simple test de la concurrence qui est le test de la présence que propose le gouvernement. Quelle est votre opinion à ce sujet?
    C'est une question très complexe. Comme vous le savez, monsieur McTeague, les organismes de réglementation de notre pays, des États-Unis et d'ailleurs s'efforcent depuis une dizaine d'années de trouver le critère à appliquer pour la déréglementation des marchés. En fait, cela fait 20 ans que nous cherchons à le faire pour le service interurbain.
    C'est sans doute une des questions qu'il faudrait examiner de plus près. En fait, c'est ce que nous avons recommandé. Cela dit, lorsque le CRTC a rendu sa décision au sujet de l'abstention de réglementation des marchés locaux, nous n'avons pas jugé inapproprié que le gouvernement agisse pour accélérer la déréglementation de ces marchés.
    En réalité, il est très difficile d'établir un critère précis. Le critère du CRTC, qui se fonde surtout sur un seuil de part de marché, le mieux que le CRTC ait réussi à faire, présentait des défauts. La plupart des économistes ne seraient pas d'accord pour que la part de marché soit le seul critère pour la déréglementation. Étant donné que les autorités de réglementation étudient depuis quatre ou cinq ans ou remettent parfois à plus tard l'étude de l'abstention de réglementation des marchés des télécommunications, étant donné le rythme relativement rapide auquel les marchés sont devenus concurrentiels — et ils le sont largement devenus — il n'était pas inapproprié que le gouvernement essaie d'accélérer le niveau…
    Monsieur Intven, cela m'intéresse parce que c'est écrit ici. Bien entendu, il faut considérer ces recommandations dans leur ensemble. Vous laissez entendre que les économistes ne seront peut-être pas d'accord, pas plus que le CRTC, sur la question de la part de marché. En fait, je ne pense même pas que nous sachions vraiment ce qu'est ce marché.
    Connaissez-vous des économistes qui appuieraient le critère de la présence sur le marché, un critère que je crois fragile? Et pourquoi n'en parlez-vous pas dans votre rapport?
    Si notre groupe d'étude n'a pas abordé l'abstention de réglementation directement, c'est parce que le CRTC se penchait sur cette question au moment même où nous l'avons examinée. Nous n'avons donc pas fait de recommandations précises à cet égard.
    Cela dit, comme vous le savez, nous avons recommandé de miser au maximum sur les forces du marché plutôt que sur une réglementation précise. Je pense qu'étant donné la forte concurrence sur les marchés, la décision de déréglementer les marchés locaux des télécommunications est un pas dans la bonne direction.

  (1555)  

    Merci, monsieur le président.
    Vous parlez d'une forte concurrence sur les marchés. Dans les villes canadiennes, c'est effectivement le cas. Les circonscriptions comme celle que je représente dans la vallée de l'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, n'ont pas cette chance. Nous avons entendu un certain nombre de témoins dire qu'en réalité, la décision du gouvernement d'infirmer la décision du CRTC et de modifier son approche de l'abstention de réglementation et de la reconquête risque d'empêcher la concurrence future de se développer dans certains petits marchés.
    Dans la recommandation 8-1b), vous suggérez de lancer immédiatement « un programme destiné à assurer que des services à large bande soient accessibles, à un prix abordable et de façon fiable, dans toutes les régions du Canada, y compris les régions urbaines, rurales et éloignées d'ici 2010 au plus tard ». Comment l'envisagez-vous? Le gouvernement n'en a pas parlé, mais comment envisagez-vous la mise en oeuvre de cette recommandation?
    Monsieur Brison, votre question comporte plusieurs éléments. Le premier concerne la concurrence dans les petits marchés. Je suis entièrement d'accord avec vous. La concurrence ne se développera pas aussi rapidement dans les petits marchés que dans les grands. Telle est la nature…
    Les changements apportés sur le plan de l'abstention de la réglementation et de la reconquête ne vont-ils pas empêcher les entreprises de petite taille d'affronter la concurrence sur ces marchés?
    Je n'en suis pas convaincu. Il faudra sans doute un certain nombre d'initiatives politiques et réglementaires ou une stratégie de soutien pour assurer une concurrence dans ces marchés.
    Dans votre circonscription où ma fille a la chance de résider, puisqu'elle fréquente actuellement l'Université Acadia, EastLink est un concurrent impressionnant dans certains secteurs de ce marché. C'est un premier concurrent très solide et très fort.
    Si vous examinez ce qui s'est passé jusqu'ici sur le plan non seulement de la concurrence, mais des technologies des télécommunications en général, ces dernières ont eu tendance à s'implanter d'abord dans les grands marchés, parce que c'est là que les rendements étaient les plus importants. Mais elles ont également gagné les petits marchés comme c'est le cas pour les technologies à large bande.
    Notre groupe d'étude espérait vivement que les nouvelles technologies sans fil, particulièrement WiMAX, mais aussi les services pré-WiMAX comme le service Inukshuk, pourraient concurrencer les services existants.
    Nous allons assister à une concurrence intense de la part de deux ou trois sources indépendantes dans les grands marchés. Dans les marchés plus petits, nous verrons apparaître un certain nombre d'autres concurrents. Comme vous le savez sans doute, Barrett Explorer commence à fournir des services concurrentiels en alliant le satellite à bande Ka au sans-fil terrestre fixe.
    Désolé, mais vous avez dépassé votre temps d'une minute et demie. Vous pourrez reprendre au deuxième tour, monsieur Brison.
    Nous passons maintenant à M. Crête.

[Français]

    Merci pour votre présentation. L'ensemble du rapport constitue une analyse très en profondeur. Vous êtes-vous amusé à évaluer combien de modifications à la loi vous voulez apporter dans vos recommandations? J'ai commencé à compter celles que vous proposez à la Loi sur les télécommunications, à la Loi sur le ministère de l'industrie et à d'autres lois.
    Combien de modifications importantes à la Loi sur les télécommunications cela va-t-il nécessiter, selon vous? Ma question ne porte pas seulement sur le nombre, mais sur la réforme proposée. Que se passera-t-il si les modifications à ces lois ne sont pas mises en place et qu'on n'a que les directives actuelles du ministre?

[Traduction]

    Nous ne l'avons pas fait. À un moment donné, au début de nos travaux, lorsque nous étions plus ambitieux, nous avons envisagé de préparer un modèle de projet de loi contenant des changements précis. J'avoue que nous avons jugé plus important de soumettre des recommandations de base à un débat public.
    Nous n'avons donc pas fait ce que vous suggérez, monsieur Crête, en énonçant un certain nombre de modifications précises.

  (1600)  

[Français]

    On s'est peut-être mal compris.
    Il est très clair que vous avez fait un travail correct. Cependant, il y a plusieurs recommandations dans le rapport qui débutent par les mots: « Que l’article 7 de la Loi sur les télécommunications soit remplacé par le suivant: »
    Les modifications que vous suggérez demandent un équilibre, dans l'ensemble. Si je comprends bien, si on retire des pièces du casse-tête et qu'on ne met pas toute la réforme en place, l'édifice risque de s'écrouler.
    Êtes-vous d'accord?

[Traduction]

    Je ne pense pas que nous ayons espéré que, malgré tous nos efforts, la totalité de nos 127 recommandations serait appliquée à la lettre. Nous avons eu le sentiment de proposer un ensemble complet de mesures pour effectuer une révision générale de la loi. Néanmoins, si le gouvernement et le Parlement suivaient la plupart de ces recommandations et se dirigeaient dans cette direction, cela suffirait. Je ne pense pas que tout s'écroulerait si l'on retirait un, deux ou trois éléments.

[Français]

    Prenons simplement quelques exemples.
    Vous suggérez de créer un tribunal de la concurrence en matière de télécommunications. À la recommandation 9.1, vous suggérez de modifier le mandat du ministre de l'Industrie en ce qui concerne sa capacité de recherche et d’élaboration des politiques. Enfin, vous proposez la création d'une agence de protection sociale des droits des usagers.
    Ces mesures vous paraissent-elles essentielles à la réforme? Y en a-t-il d'autres, selon vous, qui sont essentielles et sans lesquelles l'opération ne pourrait réussir?

[Traduction]

    Je crois que vous avez mentionné les grandes réformes institutionnelles. Nous nous sommes basés sur les principes premiers. Je crois que, pour s'organiser dans le secteur des télécommunications — et c'est ce que font la plupart des pays de l'OCDE — le gouvernement devrait disposer d'une solide capacité de recherche et d'élaboration de politiques. Il devrait s'adresser au Parlement pour proposer et faire adopter une loi établissant un cadre général et charger ensuite un certain nombre d'organismes de réglementation indépendant d'administrer les politiques établies par le Parlement et par le gouvernement.
    Les trois éléments que vous avez cités, l'Agence de protection des usagers des services de télécommunications, le Tribunal de la concurrence en télécommunications ainsi qu'un CRTC renforcé sont les mécanismes qui nous permettraient de le faire dans notre pays. C'est très similaire à ce qui existe dans la plupart des autres pays de l'OCDE.

[Français]

    Selon vous, est-ce que les modifications annoncées par le ministre jusqu'ici peuvent être mises en place sans que soient mis en place les autres garde-fous du système? Par exemple, la directive au sujet de la téléphonie locale n'est pas en vigueur parce que le ministre attend nos commentaires. Pourrait-elle entrer en vigueur sans qu'il y ait d'autres modifications pour assurer un système équilibré?

[Traduction]

    Je pense que oui.
    Comme vous vous en souviendrez, monsieur Crête, nous avons recommandé dans notre rapport que le gouvernement procède en deux étapes. Nous avons laissé entendre qu'il était urgent et nécessaire d'agir, de commencer très rapidement à miser davantage sur les forces du marché.
    Nous ne critiquons pas ce que le gouvernement a fait jusqu'ici. Nous avons d'ailleurs recommandé qu'au cours de la première phase, le gouvernement se dirige dans une voie politique très semblable à celle qu'il a finalement choisie, car nous savions que les changements législatifs prennent du temps. Le processus d'élaboration des politiques et le processus parlementaire prendront davantage de temps.
    En donnant rapidement suite à quelques recommandations, le gouvernement s'est entièrement conformé à notre rapport et nous l'invitons maintenant à ne pas s'arrêter là et à mettre en oeuvre un cadre de réforme plus large et plus permanent.

[Français]

    La recommandation 6.1 dit, et je cite:
Que la Loi sur les télécommunications soit modifiée pour obliger clairement les compagnies de téléphone titulaires à fournir un service téléphonique de base dans les régions où elles disposent d’une infrastructure de réseau. Que l’approbation par le CRTC soit requise avant d’abandonner le service téléphonique de base dans toute région où le fournisseur de services est la compagnie de téléphone titulaire.

  (1605)  

[Traduction]

    Très bien, ce sera la dernière question.

[Français]

    Est-ce qu'on peut prendre une décision sur la téléphonie locale sans cette modification, qui constitue un peu un garde-fou?

[Traduction]

    Je pense que la réponse est affirmative. En réalité, la règle voulant qu'une compagnie de téléphone ne puisse abandonner le service est déjà en place pour Bell Canada en vertu de la loi qui la régit et le CRTC l'applique indirectement. Nous avons simplement jugé important de l'inscrire dans la loi.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Carrie, pour six minutes.
    Merci beaucoup.
    J'ai tellement de questions à poser. Peut-être pourrions-nous commencer par votre mandat. Vous vouliez entreprendre une modernisation de la réglementation en vigueur au Canada. À combien de gens avez-vous parlé, combien de témoins, d'entreprises, etc.?
    Nous avons décidé au départ de ne pas tenir d'audiences publiques comme telles, mais plutôt de faire deux choses, c'est-à-dire publier un document de consultation e le soumettre ensuite au grand public. Nous avons veillé à ce que ce document soit largement publié et nous avons reçu environ 200 soumissions de l'industrie, des groupes de consommateurs, des universitaires et d'un grand nombre de parties prenantes de l'industrie.
    Nous avons veillé à ce que ce processus se déroule de façon transparente afin que tout le monde fasse preuve d'honnêteté et qu'au cours de la deuxième série de commentaires, les intéressés puissent répondre aux opinions exprimées au cours du premier tour.
    Nous avons organisé plusieurs tribunaux politiques qui ont remporté un certain succès. Nous avons invité à notre tribune de Gatineau certains des principaux experts mondiaux en télécommunications dans le domaine de la réglementation, de l'économie, etc. Nous avons eu une autre tribune à Whitehorse où nous avons invité un certain nombre de groupes communautaires et d'autres personnes qui s'intéressaient particulièrement au service dans les petites régions et que nous avons aidés à obtenir une subvention.
    Ensuite, plusieurs d'entre nous sont allés parler aux autorités de réglementation, aux décideurs politiques et autres experts aux États-Unis, dans des pays de l'Union européenne, y compris au Royaume-Uni, à Bruxelles, en France et en Irlande qui est un chef de file de la politique des TCI, au Japon et en Corée. Cela nous a donné une bonne idée de la situation.
    Nous avons ensuite parlé à des gens de l'industrie, à des groupes de consommateurs et à d'autres intéressés pendant presque une année. Nous avons consacré beaucoup de temps à des discussions informelles que nous avons également jugées très productives.
    En fin de compte, nous avons parlé à beaucoup de gens.
    Je crois que vous avez fait un excellent travail, très approfondi.
    Une des choses que l'on nous a récemment reprochées est d'agir trop vite. Vous avez dit que la situation était urgente et nous essayons d'accomplir ce que nous pouvons faire raisonnablement, le plus rapidement possible. Vous avez toutefois mentionné qu'il n'y a pas eu beaucoup de changements depuis 1906, si vous regardez les choses de près. Diriez-vous — je voudrais simplement que vous me donniez votre opinion — que la réglementation canadienne actuelle des télécommunications est désuète?
    Elle est effectivement désuète. Le cadre réglementaire est désuet.
    Il faut reconnaître que, comme nous l'avons dit, le CRTC a fait des efforts acharnés pour appliquer les deux principes très généraux voulant que les droits soient justes et raisonnables et qu'il n'y ait pas de discrimination injuste et il a essayé d'élaborer une réglementation moderne. En fait, il y est assez bien parvenu, mais nous avons constaté, ces dernières années, que les autres pays avaient appliqué un régime moins monopolistique à leurs services publics et favorisé davantage une concurrence réglementée. C'est ce que nous avons recommandé.
    D'autre part, on a reproché au ministre ou au Cabinet de ne pas agir dans le cadre de leurs pouvoirs et de trop se précipiter. Estimez-vous que le ministre a agi dans le cadre de la Loi sur les télécommunications et qu'il agit avec suffisamment de rapidité?
    L'article 8 de la Loi sur les télécommunications — et je me souviens du débat qui a eu lieu lorsqu'il a été rédigé au début des années 90 — confère clairement au gouvernement le pouvoir d'émettre des instructions d'application générale en matière de politique.
    J'ai trouvé étonnant qu'il le fasse pour la première fois en 13 ans, mais le gouvernement a clairement le pouvoir d'émettre des instructions en matière de politique. C'est ce que prévoit l'article 8.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    Je voudrais parler un peu de la règle de reconquête et des restrictions à cet égard. La semaine dernière nous avons tenu des consultations au cours desquelles de nombreux témoins se sont plaints de l'intention du ministre d'éliminer les restrictions visant la reconquête.
    La proposition du ministre semble conforme à votre rapport où vous dites, et je cite: « la présentation d'offres et de contre-offres constitue l'essence même de la concurrence » et en général « les campagnes de reconquête ne devraient pas être restreintes par l'organisme de réglementation ».
    Les restrictions visant la reconquête sont-elles vraiment nécessaires pour protéger les concurrents?
    Les reconquêtes sont sans doute un bon exemple de l'une de nos recommandations fondamentales, à savoir que la réglementation ne devrait pas proscrire certaines activités. Autrement dit, elle ne devrait pas déclarer certaines activités illégales simplement parce qu'elles risquent de nuire à la concurrence.
    Est-il possible que les campagnes de reconquête nuisent à la concurrence et éliminent un concurrent du marché? Oui, cela pourrait se produire. Par exemple, si un nouvel arrivant se présentait dans un marché, il se pourrait qu'une compagnie de téléphone offre un service gratuit à vie à tous ses anciens clients qui se réabonneraient. Est-ce probable? Je l'ignore, mais j'en doute, car je ne pense pas que ce serait une bonne politique commerciale.
    Nous disons qu'au lieu de prononcer des interdictions ex ante contre certains types de comportements, il vaut mieux attendre de voir ce qui se passera en réalité dans le marché. Si un véritable problème se produit, il s'agira bien entendu de le résoudre.
    Voilà pourquoi nous avons recommandé d'établir un tribunal de la concurrence en télécommunications qui sera puissant et pourra agir rapidement pour résoudre les problèmes s'ils se produisent.
    Quant à savoir s'il faudrait interdire à l'avance certains comportements, nous sommes d'avis que non.
    Merci, monsieur Carrie.
    Nous allons maintenant passer à Mme Davies. Bienvenue au comité, madame Davies. Vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup.
    Je ne suis pas membre de ce comité. Notre représentant est absent aujourd'hui et je n'ai pas pris connaissance du rapport du groupe d'étude, mais d'après ce que vous avez déclaré aujourd'hui, il est assez évident que vous jugez souhaitable de laisser s'exercer les forces du marché et que vous appuyez la décision que le ministre a prise récemment.
    Je ne vous ai pas entendu mentionner — sauf peut-être brièvement — la protection des consommateurs. On craint énormément que si l'on s'oriente rapidement dans cette direction ou que si nous misons sur les forces du marché, ce sont les consommateurs qui en feront les frais.
    Je me souviens de la déréglementation des appels interurbains il y a 20 ans. Je siégeais alors au conseil municipal de Vancouver et il y a eu tout un débat quant aux répercussions à long terme que cela aurait. Il est donc intéressant que vous abordiez la question. Vous affirmez que les choses n'ont pas beaucoup changé du point de vue juridique depuis 1906. Vous avez certainement raison, mais il y a eu d'énormes changements dans la façon dont les choses fonctionnent.
    Je m'inquiète donc de vous voir exhorter le comité d'agir rapidement, même pendant que le processus parlementaire est en cours. À mon avis, la façon dont les consommateurs seront protégés soulève d'énormes problèmes.
    Je me considère comme une consommatrice moyenne. La quantité de publicité que vous recevez sur les services téléphoniques et la prétendue concurrence qui règne, surtout dans un marché urbain concentré comme Vancouver, suscitent énormément de confusion.
    Je m'inquiète quand vous dites que nous devrions miser sur les forces du marché, que cela va tout régler et que nous nous retrouverons avec un meilleur système. S'il n'y a pas une supervision efficace dans l'intérêt public, que vous viviez dans un grand centre urbain ou dans une petite localité, compte tenu des énormes différences qui existent à ce niveau-là, nous allons nous orienter dans une direction qui, à long terme, va causer énormément de difficultés aux consommateurs.
    Je me demande ce que vous pouvez répondre à cela. Quelle sera la protection offerte aux consommateurs si nous comptons autant sur les forces du marché?
    Madame Davies, je ne pense pas que nos deux recommandations aillent à l'encontre de ce que vous dites. En ce qui concerne la mise en place de nouveaux services, l'établissement du tarif de ces services et leur commercialisation, nous avons recommandé que l'organisme de réglementation ne s'en mêle pas directement. Il faut laisser le marché décider des technologies qui sont mises en service, de la façon dont elles sont adoptées et de ce genre de choses.
    Pour ce qui est de la protection des consommateurs, nous sommes entièrement d'accord avec vous. Un important chapitre de notre rapport, le chapitre 6 sur la réglementation sociale, reconnaissait la vulnérabilité de certains usagers, surtout dans un marché moins réglementé et plus concurrentiel, et nous avons formulé un certain nombre de recommandations précises pour protéger les consommateurs vulnérables dans ces régions. Nous invitons le gouvernement à les mettre en oeuvre.
    Il s'agit notamment d'établir ce bureau de médiation, que nous avons baptisé l'Agence de protection des usagers des services de télécommunications, pour résoudre le problème. C'est un modèle qui a donné d'assez bons résultats en Australie et au Royaume-Uni où cette agence est financée par l'industrie, mais supervisée par le CRTC, si bien qu'elle est sous le contrôle de l'organisme de réglementation.
    Cela confère à l'industrie la responsabilité qui lui revient de s'autoréglementer. Il y a eu certaines pratiques abusives de télémarketing, des problèmes bien réels en ce qui concerne l'intelligibilité des factures, qui sont devenues très complexes, et l'intelligibilité de certains forfaits qui frisent parfois la tromperie. Voilà pourquoi nous avons pensé que l'Agence de protection des usagers des services de télécommunications pourrait jouer un rôle très utile en protégeant les consommateurs vulnérables.

  (1615)  

    Me reste-t-il un peu de temps?
    Il vous reste deux minutes.
    Je ne pense pas que cela intéresse seulement les consommateurs vulnérables. Il y a des groupes de notre société qui sont plus à risque. Je pense que cela s'applique à l'ensemble des consommateurs.
    Il y a sans doute des gens qui possèdent beaucoup de connaissances, qui disposent de beaucoup de temps pour enquêter sur ces différentes méthodes de marketing et qui peuvent dire si vous y gagnerez à court terme ou à long terme. Je pense qu'il faut y consacrer énormément d'énergie.
    Le fait est que vous pouvez en sortir gagnant si vous connaissez bien le marché, si vous pouvez comparer les offres différentes. Mais je ne pense pas que la plupart des gens, la plupart des consommateurs qui ne sont même pas particulièrement vulnérables, aient les moyens ou les ressources voulues pour ce faire.
    Cela m'inquiète énormément. Avec tous ces forfaits spéciaux et ces offres de lancement, s'il n'y a pas des règles de base pour protéger l'intérêt public à l'égard des services téléphoniques et du service local, je pense qu'en fin de compte, nous y perdrons. D'après ce que vous avez dit aujourd'hui, ou d'après la direction dans laquelle s'engage le gouvernement, je n'ai pas l'impression que cette protection existe. On semble penser que le marché fera lui-même le tri. C'est peut-être vrai pour certaines personnes, mais beaucoup de gens seront laissés pour compte.
    Monsieur Intven.
    Nous estimons qu'en réalité, le marché sert les intérêts du consommateur moyen. Si vous l'avez suivi de près, comme vous l'avez fait certainement, d'après ce que vous avez dit, l'usager des services de télécommunications est beaucoup mieux servi aujourd'hui sur le plan de la qualité, du type et du prix des services qu'il obtient.
    De nos jours, vous pouvez téléphoner très facilement à l'autre bout du pays ou de l'autre côté de l'océan ou de la planète. Vous vous souvenez certainement de l'époque où un appel interurbain était tout un événement pour une famille de la classe moyenne. Il fallait envoyer une lettre à l'avance ou appeler à l'avance pour préparer l'appel. Maintenant, les gens téléphonent quand cela leur chante. La plupart des familles de la classe moyenne, ou même à revenu modeste, ont des téléphones cellulaires, ce qui a largement facilité la vie familiale. Tout le monde se sert d'Internet et les tarifs Internet sont raisonnables.
    Les choses sont-elles devenues un peu plus compliquées? Oui. La technologie les a compliquées un peu et la commercialisation est parfois assez complexe, mais en fin de compte, personne ne contestera, je pense, que le consommateur moyen y a beaucoup gagné.
    Très bien, merci.
    Nous passons à M. Brison pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Intven, vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait une certaine concurrence dans les localités rurales et les petites villes et je voudrais en parler un peu plus avec vous.
    La concurrence qui existe dans certaines des petites villes les plus prospères a été facilitée par les restrictions touchant la reconquête. Elle a été facilitée par l'ancien critère de la part de marché qui prévoyait un seuil de 25 p. 100, par opposition au critère de la simple présence.
    Ne craignez-vous pas qu'avec ces changements, les localités qui ne bénéficient pas autant, actuellement, d'une concurrence vigoureuse ne pourront pas voir cette concurrence se développer? Si le critère de la simple présence déclenche la déréglementation, il suffira qu'un petit concurrent s'établisse dans un des petits marchés, lance une campagne publicitaire et ouvre un bureau pour que la concurrence soit déréglementée. Il suffirait sans doute d'un ou deux cas de ce genre pour dissuader la concurrence dans d'autres marchés de même taille. Cela ne vous inquiète-t-il pas?

  (1620)  

    Le marché n'est pas parfait et je crois que le critère de la présence sur le marché, que le gouvernement a adopté, n'est pas parfait non plus. C'est néanmoins un effort raisonnable qui vise à établir un critère fiable au lieu d'avoir à faire une évaluation économique plus complexe de la situation.
    Si j'ai bien compris, selon le critère du gouvernement, les communautés pour lesquelles vous vous inquiétez ne seront pas visées par l'abstention de réglementation tant qu'il n'y aura pas trois joueurs indépendants sur le marché. C'est un nombre raisonnable. N'oubliez pas qu'avec les progrès de la technologie, lorsqu'un câblodistributeur lance un service VoIP, ce service a tendance à se répandre. Il est disponible dans toutes les régions où le câblodistributeur est implanté. Quand WiMAX entrera en service, ce sera encore plus vrai.
    J'ai quelques inquiétudes. Nous avons tendance à gérer un peu trop les résultats du marché dans le secteur des télécommunications, et pas seulement au Canada. Les Européens font la même chose, les Américains en faisaient autant, mais ils y ont renoncé. En réalité, lorsque les prix augmentent un peu dans un marché, cela incite quelqu'un d'autre à offrir une nouvelle technologie, par exemple une nouvelle technologie sans fil. Le cas de Barrett Xplore en témoigne et il y en a d'autres concurrents qui essaient de trouver des moyens de pénétrer le marché.
    Par conséquent, ai-je peur que l'abstention de réglementation dissuade la concurrence si elle se produit trop tôt? Pas vraiment. Je ne pense pas que les compagnies de téléphone titulaires commettront l'erreur de cibler les nouveaux arrivants et de les évincer du marché, car ce serait désastreux pour elles sur le plan des relations publiques et elles risqueraient des répercussions juridiques de la part de l'organisme de réglementation ou du Bureau de la concurrence. Je ne suis donc pas très inquiet.
    Vous avez mentionné le Bureau de la concurrence. Vous avez dit qu'une des raisons de l'échec de la Nouvelle-Zélande était l'absence d'organisation ou d'organisme de réglementation possédant le savoir-faire voulu. D'autres témoins nous ont dit que le Bureau de la concurrence n'a pas les compétences qui sont celles actuellement du CRTC. Le Bureau de la concurrence est également connu pour la lenteur de ses réponses. Une longue bataille avec une grande entreprise de télécommunications pourrait avoir des conséquences financières dévastatrices pour un petit concurrent.
    Comme vous l'avez dit, cela n'a pas marché en Nouvelle-Zélande, en partie à cause du manque de compétence de l'organisme de réglementation. Alors pourquoi faites-vous tellement confiance au Bureau de la concurrence s'il est confronté au même défi? Vous avez parlé du Tribunal de la concurrence en télécommunications, mais il n'a pas été établi.
     Merci.
    Monsieur Intven.
    Monsieur Brison, notre rapport est assez clair. Nous ne pensons pas que le Bureau de la concurrence pourrait répondre entièrement à la nécessité d'appliquer la politique de concurrence au secteur des télécommunications. Nous croyons qu'il faudrait pour cela un nouvel organisme comme le Tribunal de la concurrence en télécommunications.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Shipley, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président et merci, monsieur Intven, pour votre présence ici aujourd'hui.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné que le Canada avait un marché vigoureux, non pas à cause des politiques d'accès de gros obligatoires, mais à cause de la concurrence des câblodistributeurs disposant d'installations. Avons-nous besoin d'un régime d'accès obligatoire solide et extensible pour favoriser davantage la concurrence?

  (1625)  

    Si vous parlez aux experts des différents pays et aux économistes des télécommunications, ils seront généralement d'accord pour dire que lorsqu'il y a des installations vraiment essentielles, qu'il n'est pas possible de reproduire à un coût raisonnable du point de vue économique ou technique, il faudrait prévoir un accès de gros obligatoire à ces installations. Néanmoins, au fil des ans, le CRTC a établi une catégorie d'installations qu'il qualifie de « quasi essentielles » pour lesquelles il a également instauré un accès obligatoire à un coût relativement faible.
    Désolé si j'emploie trop de jargon économique.
    Comme nous l'avons constaté, cela a eu l'inconvénient de dissuader les concurrents de construire leurs propres réseaux parce qu'ils pouvaient simplement acheter à bas prix un accès en gros aux compagnies de téléphone titulaires. Ils n'étaient pas incités à construire leur propre réseau pour les concurrencer. Je répondrais donc qu'effectivement, la plupart des économistes vous diront qu'il faut un accès obligatoire aux installations essentielles, mais sans plus,
    Pour la deuxième partie de ma question, je vais me reporter au rapport du groupe d'étude.
    Vous avez mentionné tout à l'heure, en réponse à une question, que vous aviez reçu 200 mémoires, que vous aviez organisé des tribunes publiques et que vous aviez voyagé dans d'autres pays dont vous avez mentionné quelques-uns. Votre rapport reflète-t-il clairement ces consultations et l'orientation vers la déréglementation?
    Oui, nous avons fait de notre mieux pour que le rapport reflète ce que nous avons appris. De ce côté-ci de l'océan en tout cas, on a tendance à se diriger vers une déréglementation importante. Les Américains sont allés beaucoup plus loin que nous dans certains domaines, surtout en abolissant le régime d'accès de gros obligatoire et la tendance est donc à la déréglementation.
    En Europe, la situation n'est pas tout à fait la même, mais les marchés sont très différents. Les Européens n'ont pas une industrie de la câblodistribution aussi dynamique que la nôtre avec une concurrence basée sur des installations et ils ont donc adopté d'autres approches. Par conséquent, lorsque vous examinez le marché européen ou tout autre marché, je vous recommande de tenir compte des différences dans ces marchés.
    Même s'il ont certaines restrictions, ils se sont quand même dirigés vers la déréglementation.
    Ils se sont orientés beaucoup plus vers un régime de concurrence. Le Royaume-Uni, par exemple, s'est nettement dirigé vers la déréglementation dans de nombreux domaines.
    Certaines personnes ont notamment émis la crainte que la déréglementation des services téléphoniques locaux entraîne une nouvelle monopolisation de l'industrie. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet ou êtes-vous d'accord?
    Le retour à un monopole est moins à redouter que l'établissement d'un duopole. Nous craignons de nous retrouver avec deux grands joueurs, les compagnies de téléphone et l'industrie du câble. Nous en avons beaucoup discuté au sein du groupe d'étude et cela suscite des inquiétudes. Nous estimons que c'est à la politique gouvernementale de faire en sorte de l'éviter et nous avons recommandé pour ce faire de supprimer les obstacles empêchant l'arrivée d'un troisième, d'un quatrième ou d'un cinquième concurrent. Il faut pour cela que les nouveaux concurrents aient largement accès au spectre pour pouvoir pénétrer le marché, que le CRTC leur permette d'avoir accès aux poteaux, aux pylones et au reste de l'infrastructure.
    Par conséquent, au lieu que l'organisme de réglementation ne gère les résultats du marché, il suffit de supprimer les obstacles qui s'opposent à l'entrée des concurrents pour ne plus avoir à craindre une nouvelle monopolisation. Comme les marchés des télécommunications sont très dynamiques et qu'ils offrent à l'usager un grand nombre de possibilités différentes, si vous ajoutez à cela les technologies des satellites et du sans-fil, il devrait être possible de maintenir un véritable régime de concurrence très dynamique.
    Très bien, merci beaucoup, monsieur Shipley.
    Nous passons à M. Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Selon vous, pour qu'il y ait une saine concurrence, faut-il que tous les joueurs aient les mêmes outils? Pensez-vous que les joueurs ont tous les mêmes outils pour cette concurrence?

[Traduction]

    Non, bien entendu, certains en ont plus que d'autres, et c'est à cause de ce que les économistes appelleraient les économies d'échelle et aussi de l'envergure et de la densité de l'industrie. Les gros joueurs seront certainement plus avantagés. C'est comme pour la McLaughlin Motor Car Company, qui a trouvé difficile de concurrencer General Motors. Nous nous sommes finalement retrouvés avec un plus petit nombre de fabricants d'automobiles.
    Nous ne pensons pas que la politique gouvernementale ait simplement pour rôle de protéger les petites entreprises parce qu'elles ont davantage de difficulté à concurrencer les grandes. À notre avis, la politique gouvernementale a pour rôle de favoriser la concurrence dans l'intérêt des usagers et non pas des concurrents.

  (1630)  

[Français]

    Mais comment les petites compagnies peuvent-elles être avantagées si les gros joueurs ne les laissent pas pénétrer leur marché? Le transport, autant par câble que par fil, leur appartient. Donc, comment les petits joueurs peuvent-ils acheter quelque chose qui appartient aux gros joueurs, pour leur faire concurrence par la suite? Il me semble qu'il y a quelque chose d'obscur dans cette décision.

[Traduction]

    Les marchés des télécommunications sont très dynamiques. Il y a des petits joueurs qui connaissent un grand succès s'ils trouvent rapidement le bon modèle commercial. On cite toujours l'exemple de Google, mais il y en a bien d'autres qui ont trouvé un moyen d'utiliser les réseaux existants pour soutenir la concurrence très efficacement.
    C'est la même chose pour l'industrie du sans-fil. C'est un domaine dans lequel la politique gouvernementale devrait promouvoir davantage de concurrence. Il y a actuellement un certain nombre de petites entreprises qui s'établissent avec succès dans les marchés ruraux ou de petite taille. Nous pensons qu'ils réussiront grâce à ce qu'ils peuvent offrir aux consommateurs et non pas grâce au soutien que le gouvernement devrait leur apporter sous prétexte qu'il doit y avoir un certain nombre de concurrents dans un marché.

[Français]

    Vous avez parlé également de politiques en matière de concurrence.
    Pouvez-vous nous dire ce que devrait être la concurrence, selon vous?

[Traduction]

    Dans un marché concurrentiel, il faudrait qu'au moins deux joueurs se concurrencent pour fournir aux consommateurs des services de haute qualité et à bas prix. Dans le marché des télécommunications, vous pouvez évaluer la situation en regardant ce qui se passe dans les autres pays. Si les prix canadiens devenaient beaucoup plus élevés que les prix européens ou américains, par exemple, ou si la mise en marché de nouveaux services ou de nouvelles technologies était plus lente, nous aurions de quoi nous inquiéter. Mais si vous prenez les statistiques, le Canada s'en sort très bien. La concurrence fournit aux consommateurs des produits et des services qui se comparent très favorablement à ceux des autres pays. Nous pensons que c'est le critère qui permet de voir si nous avons vraiment des marchés concurrentiels au Canada.
    Il vous reste une minute.

[Français]

    Croyez-vous au libre marché?

[Traduction]

    Cela fait maintenant 30 ans que je surveille les marchés des télécommunications et je crois qu'un marché concurrentiel fonctionne mieux que l'ancien marché de monopole réglementé que nous avions.
    Vous terminez sur une note positive.
    Nous passons maintenant à M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président et merci, monsieur, pour votre présence ici.
    Je peux vous dire que j'ai beaucoup appris. Lorsque nous avons entamé cette discussion, certaines choses m'ont vraiment sidéré, mais j'ai maintenant une idée différente de la situation.
    En deux mots — dites-moi seulement si j'ai tort ou raison — diriez-vous que votre rapport recommande de laisser le libre marché s'installer dans le secteur des télécommunications et que nous n'avons pas à redouter tous ces scénarios alarmistes, que cela entraînera de meilleurs prix pour les consommateurs, ainsi que des meilleurs services? Ai-je raison? Est-ce bien ce que votre rapport…?

  (1635)  

    Monsieur Van Kesteren, je pense que vous avez à moitié raison. Lorsque je leur ai parlé, mes collègues m'ont demandé d'inviter les membres du comité à se souvenir d'une chose. Nos principales recommandations étaient d'abord de laisser le marché fonctionner là où il le fait bien — et ce sera presque toujours le cas étant donné que les marchés des télécommunications fonctionnent mieux dans un environnement moins réglementé. Mais il y aura des exceptions. L'interconnexion en est un exemple classique. Une grande entreprise de télécommunications pourrait, dans certaines régions, refuser l'interconnexion à d'autres compagnies de téléphone ou fournisseurs de services. Dans ce cas, nous ne pensons pas que le libre marché fonctionnera bien. Il faudra alors une réglementation.
    Ce n'est là qu'un exemple. Il y a certains domaines dans lesquels il serait sans doute justifié de protéger également les consommateurs.
    Comme nous l'avons dit, je pense, le Canada doit agir plus rapidement pour déréglementer l'industrie là où le marché fonctionnera bien, mais dans les quelques domaines où il ne le fera pas, il faudra recourir à des méthodes plus intelligentes, mieux ciblées et moins interventionnistes pour atteindre les objectifs politiques restants.
    Mais il y a des garanties dans votre recommandation de protéger ces régions…
    Oui, nous avons essayé de les couvrir.
    … car vous avez absolument raison. Ce sont les régions où il n'y a pas de concurrence.
    C'est exact.
    Je voudrais vous poser une question concernant la propriété étrangère. Pensez-vous que nous devrions préconiser un assouplissement des restrictions à l'égard de la propriété étrangère?
    C'est une question importante et complexe. Nous avons dit, je crois, dans la postface de notre rapport que si le Canada a maintenu ses restrictions à l'égard de la propriété étrangère ces dernières années…
    Comme vous vous en souviendrez peut-être, nous n'avions pas de restrictions à l'égard de la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications avant 1987. La politique annoncée par Flora MacDonald a été la première à établir ces restrictions. Cela visait à donner au Canada une monnaie d'échange pour les négociations canado-américaines sur le libre-échange étant donné que les États-Unis avaient des restrictions touchant l'investissement étranger, mais pas nous. Nous avons donc jugé souhaitable que le Canada en ait également. Voilà d'où viennent ces restrictions. Nous n'en avions aucune avant cela.
    Depuis, leur élimination a été très problématique, surtout parce que les gens craignent les répercussions que cela pourrait avoir sur l'industrie de la radiodiffusion et du câble, qui est le principal moyen de distribution de la radiodiffusion au Canada. Dans notre postface, nous avons donc recommandé de mener une étude supplémentaire. La politique de radiodiffusion ne faisait pas partie de notre mandat, mais cette nouvelle étude viserait à séparer les règles de la propriété étrangère s'appliquant au contenu de celles qui s'appliquent à la transmission pour laquelle les restrictions sont moins justifiables.
    En ce qui concerne les fournisseurs de réseaux de distribution, qu'il s'agisse de tuyaux, de fils, de câbles ou de systèmes sans fil, ce dont nous avons besoin au Canada, c'est des services les plus avancés, les plus efficaces et les moins chers possible et je pense que la nationalité du fournisseur n'a pas grand-chose à y voir. Nous avons donc recommandé une transition graduelle vers un régime qui ne comporterait pas de restrictions de la propriété étrangère au niveau de la transmission, tout en respectant les préoccupations légitimes concernant la propriété canadienne de notre secteur de la radiodiffusion et de nos industries culturelles.
    Une brève question.
    Quand cela devrait-il se produire, avant ou après la déréglementation?
    Je n'en suis pas certain.
    Est-ce une brève réponse?
    Je crois que c'est une question distincte de la déréglementation.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Davies pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Comme j'allais également vous questionner au sujet de la propriété étrangère, je me réjouis que le sujet ait été abordé. Si l'on suit votre raisonnement selon lequel vous favorisez un libre marché… En fait, j'ignore ce qu'est le « libre marché ». C'est une expression qu'on utilise beaucoup. Il y a des règlements, et nous discutons quant à savoir s'il y en a trop ou pas assez. Pour ce qui est du principe du libre marché, nous en avons vu les conséquences dans le cadre des accords commerciaux.
    En ce qui concerne la propriété étrangère, bien des gens craignent sans doute que cela ne nous entraîne sur une mauvaise pente. Vous dites qu'il ne faudrait pas limiter la propriété étrangère sur le réseau de transmission, mais que nous devrions peut-être avoir des restrictions au niveau du contenu. J'ai néanmoins l'impression que si nous laissions les grandes sociétés multinationales s'établir au Canada pratiquement sans restrictions, cela créerait d'énormes pressions. L'environnement serait déréglementé et nous nous placerions entièrement sous la coupe d'énormes conglomérats étrangers tout en disant que nous voulons continuer à préserver le contenu canadien.
    Je pense que cela aurait des conséquences incroyables, mais préconisez-vous vraiment que nous éliminions les restrictions visant la propriété étrangère?

  (1640)  

    Nos recommandations — et il s'agissait non pas de recommandations mais de simples réflexions — sont énoncées dans la postface. Nous n'avons pas recommandé l'élimination des restrictions. Nous avons dit ce que j'ai mentionné tout à l'heure, à savoir que le maintien des restrictions visant la propriété étrangère n'est pas aussi justifiable pour l'activité de transmission que pour le contenu.
    Nous avons de nombreux types d'industries, qui vont de l'industrie pharmaceutique au secteur automobile, pour lesquels la réglementation canadienne s'applique sans tenir compte de la nationalité. En principe, il n'y a aucune raison qui empêche d'appliquer des règles obligatoires à une compagnie de câblodistribution, par exemple, peu importe qu'elle soit canadienne ou qu'elle appartienne à des intérêts étrangers.
    Cela ne vous étonnera sans doute pas, mais les entreprises canadiennes de télécommunications et de câblodistribution sont également des grandes entreprises à la recherche du profit qui ne cherchent pas nécessairement à servir uniquement l'intérêt public. Comme vous l'avez dit, le gouvernement a pour rôle d'assujettir ces entreprises à des règles ou à une réglementation. Pour ce qui est du secteur de la transmission, qu'elles appartiennent à des intérêts canadiens ou étrangers, je ne pense pas que cela change grand-chose.
    Merci, madame Davies.
    Nous allons passer à M. McTeague pour cinq minutes.
    Monsieur Intven, permettez-moi de revenir sur ce que votre rapport préconise et ce que le ministre a proposé.
    J'ai cité quelques exemples qui se trouvent dans le quatrième chapitre, mais j'ai aussi examiné le chapitre 5. Chacune de ces recommandations commence par une observation. Dans la recommandation 5-1, on peut lire:
Que le libellé du paragraphe 43(5) de la Loi sur les télécommunications soit élargi de façon à s'assurer que le CRTC a manifestement le droit de régler les différends…
    Je passe à la recommandation suivante:
Que le CRTC soit habilité à régler les différends concernant les modalités d'accès…
    La recommandation 5-3 commence ainsi:
Qu'avant d'émettre une ordonnance pour régler un différend…
    Je sais qu'il s'agit de règlements de nature technique. Je sais aussi que ce sont des questions auxquelles votre groupe d'étude a attaché suffisamment d'importance pour inclure des garanties nous permettant de faire la transition au libre marché.
    Étant donné que, comme vous l'avez reconnu, le CRTC a été complètement évincé du processus et que le rôle traditionnel du Bureau de la concurrence, qui est d'appliquer la « règle de raison » comme il le fait normalement, a été laissé de côté au profit de la « présence de concurrents », un modèle qui n'a pas fait ses preuves…
    En fait, je me trompe. Ce modèle a été testé aux États-Unis. Le FCC a conclu qu'il avait entraîné une diminution de la concurrence.
    Comment pouvez-vous vous satisfaire de ce que vous avez sous les yeux? J'ai l'impression que le gouvernement a non seulement jeté le CRTC à la corbeille, mais qu'il a seulement retenu les éléments de votre rapport qui lui convenaient.
    Est-il vraiment possible d'obtenir les résultats que vous souhaitez étant donné qu'une importante partie de vos recommandations ont été laissées de côté? Je comprends ce que vous dites au sujet des nouvelles technologies. Néanmoins, je crois aussi que ces nouvelles technologies peuvent entrer sur le marché dans le cadre du régime actuel.
    Si nous laissons ces éléments de côté et si nous éliminons les garanties, comment pouvez-vous accorder le moindre appui à cette directive étant donné qu'elle va tellement à l'encontre de ce que vous avez recommandé?
    Monsieur McTeague, nous espérons que le gouvernement agira dans les autres domaines pour lesquels nous avons fait des recommandations. Nous avons recommandé de commencer par donner une directive politique, car nous savons combien il est compliqué de préparer, d'examiner et de mettre en oeuvre une loi pour couvrir les nombreux autres domaines dans lesquels nous avons formulé des recommandations.

  (1645)  

    Est-ce avant ou après qu'ait eu lieu une analyse de marché, une analyse importante réalisée en suivant les normes internationales?
    C'est une question particulière, celle de l'abstention de réglementation.
    Mais c'est une question importante, monsieur.
    C'est une question importante.
    Il faut étudier le marché avant de prendre des décisions.
    En effet. Est-il extrêmement risqué d'appliquer le critère du seuil de marché, le critère de la présence de la concurrence que le gouvernement a appliqué? Je ne le crois pas.
    Et il vaut parfois la peine d'expérimenter. Nous avons tendance à faire preuve d'un excès de prudence. S'il s'avère que la concurrence à l'extérieur des 20 principaux marchés canadiens pose de sérieux problèmes, nous estimons qu'il ne sera pas trop tard pour…
    Désolé. C'est le commissaire à la concurrence qui téléphone encore.
    Des voix: Oh, oh!
    Excusez-moi, monsieur Intven. Allez-y, s'il vous plaît.
    J'allais dire que si le critère de la présence d'une concurrence est appliqué pendant quelques années, je ne pense pas que cela présente un trop grand risque pour la société ou l'économie canadienne.
    Néanmoins, pour ce qui est du critère de présence, je pourrais demain ouvrir boutique dans une cabane et lui donner le nom de Dan's Telecommunication. Elle n'aurait pas un seul client, mais ce serait une présence. Vous n'en parlez pas dans votre rapport.
    Vous avez raison. Je pense qu'il revient à l'organisme de réglementation d'examiner le niveau de concurrence réel dans un marché, car il est difficile de prescrire un critère vraiment sûr. On a souvent essayé de le faire. Le CRTC s'y est risqué avec sa règle des 25 p. 100 et le gouvernement essaie maintenant avec son critère de la présence d'une concurrence. En fin de compte, cette responsabilité devrait sans doute incomber à un organisme de réglementation et c'est pourquoi nous avons recommandé de créer le Tribunal de la concurrence en télécommunications.
    Quant à savoir si la présence de trois joueurs indépendants dans un marché est un mauvais point de départ, nous ne le pensons pas.
    Enfin, pour ce qui est de la reconquête, estimez-vous que ceux qui abandonnent le service seront les seuls à en profiter? Les usagers ordinaires qui resteront fidèles à l'un des titulaires n'auront certainement rien à y gagner.
    Je n'ai pas vraiment réfléchi à cela.
    Je pense que vous l'avez fait. C'était dans le rapport.
    Merci.
    Très bien, merci, monsieur McTeague.
    Je vais me prévaloir de la prérogative du président et utiliser le prochain droit de parole des Conservateurs.
    Monsieur Intven, merci beaucoup de vous être déplacé. Je tiens à poursuivre dans la même veine que mon ami, M. McTeague, et à vous poser des questions concernant la mise en oeuvre du rapport de votre groupe d'étude.
    Évidemment, votre groupe d'étude a été formé sous l'ancien gouvernement et il a remis son rapport au gouvernement actuel. Et cependant, si on examine la manière dont le ministre se prépare à sa mise en oeuvre, et je vous réfère à la page 14 de la version française du rapport où l'on peut lire ce qui suit:
Le Groupe d'étude suggère que le gouvernement mette en oeuvre ses recommandations en deux phases.
Durant la première phase, le gouvernement devrait émettre des énoncés de politique préconisant la création d'une stratégie nationale d'adoption des TIC ainsi que la mise en oeuvre d'un nouveau cadre de réglementation, et prendre des mesures en vue de la réforme des institutions d'élaboration de politique et de réglementation. De plus, le gouvernement devrait utiliser les pouvoirs conférés par la Loi sur les télécommunications pour émettre une directive de politique au CRTC afin que ce dernier interprète les objectifs de politique de la Loi d'une manière qui soit, en général, conforme aux grandes réformes recommandées dans le présent rapport du Groupe d'étude.
Au cours de la deuxième phase, le gouvernement devrait mettre à exécution les recommandations qui requièrent des modifications aux lois existantes.
    Lorsque je lis l'orientation de la politique ainsi que le projet d'ordonnance du ministre de l'Industrie, il me semble, à la lecture de ce qui précède, qu'il utilise les mêmes termes que ceux qui sont proposés dans le rapport. Ces termes me semblent tout à fait conformes à ceux que vous avez utilisés vous-mêmes. Aussi, à titre d'observateur externe, je trouve que le ministre fait exactement ce que vous lui recommandiez de faire relativement à la mise en oeuvre à la page 14.
    Aussi, puis-je vous demander de nous dire, si le ministre adopte la même ligne de conduite durant la deuxième phase — et à mon avis, c'est bien ce qu'il va faire — si, de façon générale, le ministre suit la voie que vous lui avez tracée dans votre rapport?
    Oui, tout à fait. Si le gouvernement poursuit sur sa lancée en ce qui concerne le reste de nos recommandations, et il est à espérer qu'il le fera, vous avez tout à fait raison.
    Permettez-moi de vous expliquer pourquoi nous avons décidé d'inscrire l'orientation politique dans les recommandations du rapport. Cela s'est fait après réflexion. Comme tous ceux qui consacrent un peu de leur temps personnel à faire avancer une initiative publique comme celle-ci, et qui y investissent beaucoup de temps et d'énergie, nous avions une inquiétude. Et cette inquiétude était que le rapport finisse sur quelque tablette et qu'on n'en entende plus jamais parler.
    Par ailleurs, j'étais très conscient du temps qu'il faut pour faire aboutir une mesure législative. En effet, peu de temps après avoir quitté le CRTC et m'être remis à la pratique du droit, j'ai été recruté en 1987 pour collaborer à la rédaction de la nouvelle loi sur les télécommunications canadienne, et il a fallu attendre jusqu'en 1993 pour que cette mesure voit le jour. Dans l'intervalle, il y avait toujours des questions politiques, et des questions très importantes, comme celles entourant l'unité nationale et d'autres semblables. Mais, il faut se rendre à l'évidence, la politique en matière de télécommunications n'a jamais occupé de place suffisamment élevée sur l'échelle des priorités du programme politique pour qu'il se passe quoi que ce soit durant ces six années.
    Donc, nous craignions que le CRTC se retrouve avec un rapport du gouvernement, un rapport dont il respectait le contenu, mais qui le placerait néanmoins dans l'embarras, étant donné qu'il ne saurait pas s'il devrait agir conformément au rapport en question ou simplement appliquer sa propre orientation aux questions. Aussi, nous avons pensé que le meilleur moyen de faire bouger les choses dans la bonne direction consistait à exiger du gouvernement qu'il mette en oeuvre une orientation politique, et c'est la raison pour laquelle nous avons pensé que cela devait être fait.

  (1650)  

    Merci beaucoup de vos précisions.
    La deuxième question que j'aimerais vous poser tourne autour des discussions qui semblent se tenir au sujet du test du gouvernement relatif à la présence sur le marché, au sujet duquel deux visions semblent s'opposer. La première veut que, en ce qui concerne les questions telles que l'abstention, le CRTC et le gouvernement se fondent sur un certain pourcentage, par exemple, 25 p. 100 de la part de marché, afin de permettre aux nouveaux venus de se ménager un certain accès à ce marché. La deuxième qui, je pense, a été défendue avec éloquence par le commissaire de la concurrence, est qu'il faut tenir compte des services concurrents offerts, plutôt que d'un pourcentage précis.
    Vous avez mentionné que vous n'endosseriez peut-être pas complètement le test du gouvernement relatif à la présence sur le marché. L'une des inquiétudes soulevées par certains témoins tournait autour du fait que le Tribunal de la concurrence et le commissaire de la concurrence ne réagissaient pas aussi rapidement que le CRTC, aussi préféraient-ils le CRTC.
    Mais si, en réalité, vous adoptiez ce qui correspond au chapitre 4 de votre rapport, à l'endroit où vous préconisez l'adoption du tribunal de la concurrence en matière de télécommunications, cela s'ajusterait en fait très bien avec le nouveau test relatif au marché ventilé par le ministre, et qui jouit, très certainement, de l'appui du commissaire de la concurrence. Donc, si vous décidiez d'opter pour ce type de tribunal ou de groupe d'experts, cela règlerait la question de la réponse en temps opportun par le nouveau groupe d'étude sur la concurrence du CRTC.
    Vous avez tout à fait raison. Il est toujours difficile de procéder à la déréglementation dans un secteur et de prévoir ce qui va se passer si on laisse le marché s'emballer et causer des problèmes. Mais la réalité c'est que, dans les marchés très réglementés dans lesquels nous évoluons dans le domaine des télécommunications depuis les dix dernières années, on a assisté à la fermeture de dizaines et probablement plutôt de centaines de sociétés — ESLC et autres — et ce, malgré une surveillance étroite de la part des autorités de réglementation.
    Laisser les règles du marché jouer librement durant un certain temps et voir ce qui en ressort du point de vue de la concurrence n'est certainement pas pire que la situation que nous avons connue au cours des dix dernières années.
    Merci beaucoup de vos commentaires.
    Il reste deux autres questionneurs, M. McTeague et ensuite, M. Arthur.
    Afin de ne pas vous perdre complètement, monsieur Intven, et de ne pas contredire le président, votre passage sur la mise en oeuvre se lit comme suit, à la page 14 de la version française de votre rapport:
Durant la première phase, le gouvernement devrait émettre des énoncés de politique préconisant la création d'une stratégie nationale d'adoption des TIC ainsi que la mise en oeuvre d'un nouveau cadre de réglementation, et prendre des mesures en vue de la réforme des institutions d'élaboration de politique et de réglementation.
    Selon vous, monsieur, est-ce que cela inclut le CRTC, ou le TCT, comme vous l'avez suggéré?
    Oui. Je pense que nous avions espéré que le gouvernement, en plus de l'orientation politique, approuve certaines des recommandations que nous avons faites dans notre rapport concernant le nouveau cadre réglementaire.
    Je tiens à remercier le président d'avoir adopté la position que les Libéraux ont prise, une position qui n'est pas défendue ici.
    Monsieur Intven, je ne veux pas vous ennuyer avec ça, mais concernant le dernier point, au sujet des reconquêtes, si nous nous retrouvons dans une situation semblable à celle qui existait dans l'Ouest sauvage, où seuls les plus forts survivent — ou devrais-je plutôt dire, dans l'Est anarchique — est-il possible dans ce genre de circonstances que seulement ceux qui... ?
    Je reconnais que vous avez abondamment décrit les programmes de reconquête et que les autorités de réglementation devraient exercer une certaine surveillance, encore une fois, soit sous la gouverne du CRTC ou du TCT, mais cette mesure ne figure pas dans l'ordonnance du ministre. Vous avez dit:
L'une des raisons justifiant les restrictions de reconquête veut que le client devrait avoir l'occasion d'essayer le service concurrentiel et de juger de sa qualité et fiabilité avant d'être le sujet des efforts de reconquête du fournisseur précédent. Dans les faits, les règles accordent une protection temporaire au nouveau venu contre les efforts de marketing ciblé de l'ESLT.
    Sachant que nous souhaitons tous nous retrouver dans la situation où le consommateur est gagnant, ne pensez-vous pas que cette condition devrait aussi faire partie de l'ordonnance du ministre, ne serait-ce que pour faire en sorte que tous les consommateurs puissent bénéficier de ce nouveau marché libre qui vient d'être créé, plutôt que seulement ceux qui décident de s'éloigner de l'ESLT.

  (1655)  

    Je ne crois pas pouvoir ajouter grand-chose à ce que nous avons déjà dit dans le rapport au sujet des campagnes de reconquête.
    Le seul commentaire que je puisse faire est que l'on s'inquiète beaucoup — le commentaire que vous venez de faire, monsieur McTeague, je l'ai entendu des centaines de fois — à l'idée que l'entreprise la mieux nantie est celle qui a les meilleures chances de survivre.
    À cet égard, vous avez peut-être remarqué qu'il s'est produit une chose très importante, il y a deux semaines. Rogers Communications Inc. est devenue la plus importante société de télécommunications au Canada, au chapitre de la capitalisation boursière, plus importante que BCE et Bell Canada.
    Ce qui s'est passé ici, c'est que les concurrents — et je dis cela malgré tout le respect que je dois à Ted Rogers et à ses collègues, qui sont à l'origine de la réussite incroyable de cette société... Mais il reste que l'inquiétude constante comme quoi une petite société ne peut tirer son épingle du jeu, parce qu'elle sera la cible de quelque conduite anticoncurrentielle destructive si on n'exerce pas une surveillance constante, donne une ampleur démesurée aux inquiétudes réelles. Dans les conditions réelles du marché, les choses ne devraient pas...
    Monsieur Intven, ne comptez pas sur moi pour défendre Rogers, moi qui fus à l'origine de la révolte contre le câble, en 1994.
    En revanche, permettez-moi de vous demander ceci: entre le moment où vous avez écrit votre rapport et celui où vous nous l'avez remis, c'est-à-dire aujourd'hui, est-ce que les autres entreprises, que ce soit Rogers ou Bell Canada ou même Telus, ne vous ont pas demandé de les aider à rédiger une ébauche de mise en oeuvre ou quelque chose du genre? Ou bien avez-vous seulement pu vous préoccuper de vous-même en établissant la liste de ce qui est respecté et de ce qui ne l'est pas?
    J'ai passé les trois derniers mois à essayer d'acheter une société de communications par satellite. Je pense que ça répond à votre question.
    Merci.
    Et nous allons enfin passer à M. Arthur.

[Français]

    Vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Il est évident qu'il a fallu beaucoup de courage à l'ancien gouvernement libéral pour vous confier son autorité de réglementation et pour vous demander d'en faire quelque chose. Il y avait des acteurs importants en jeu, des vaches sacrées, et la réglementation était vue au Canada, et elle l'est toujours d'ailleurs, comme la seule chose qui nous différencie des États-Unis, du moins en ce qui concerne la radiodiffusion.
    Je pense qu'il a aussi fallu beaucoup de courage au gouvernement actuel pour accepter votre rapport et essayer de le mettre en oeuvre.
    Si le CRTC n'était pas la société protectrice des vaches sacrées, des gros chats et des faux groupes de défense des consommateurs, est-ce que l'organisation n'aurait pas pu amorcer la déréglementation elle-même, si seulement elle avait eu assez de vision pour le faire?
    Sans me faire l'écho de tous les sous-entendus contenus dans votre question, je répondrais oui, il aurait arriver sans doute que le conseil opte pour la déréglementation plus rapidement, parce que, comme je l'ai déjà mentionné, la loi est tellement vaste et tellement vague, qu'elle confère à l'autorité de réglementation une très grande marge de manoeuvre dans l'application des politiques. Mais le fait est que le conseil a bougé.
    Il ne faut pas sous-estimer la détermination avec laquelle le CRTC, depuis plus de vingt ans, a favorisé la concurrence et a amorcé la déréglementation du secteur. Nous en sommes arrivés à la conclusion tout simplement que le moment était maintenant venu d'accélérer le processus.
    Si le CRTC avait pris les devants en matière de déréglementation, il ne serait peut-être pas nécessaire de recommander, comme vous l'avez fait dans votre rapport, la création de trois autres autorités de réglementation pour faire le travail à sa place.
    À la défense de notre rapport, nous n'avons pas recommandé la création de trois nouvelles autorités de réglementation. Nous avons plutôt fait valoir...

  (1700)  

    Vous voulez dire un tribunal, une agence...
    Je me rends compte que certains pensent que la création de tout nouvel organisme gouvernemental est en soi une mauvaise chose. Ce que nous avons recommandé — et je déplore que l'on n'ait pas examiné cette recommandation de plus près jusqu'ici, aussi je vous remercie de m'avoir posé la question — donc, ce que nous avons recommandé, c'est que l'agence de protection des usagers des services de télécommunications soit un groupe d'autosurveillance, financé et administré par le secteur sous la supervision du CRTC. C'est un modèle qui a fait ses preuves dans d'autres pays. Je ne vois pas pourquoi il ne fonctionnerait pas ici et ne suffirait pas à protéger les consommateurs.
    Deuxièmement, il y a aussi le TCT, le tribunal de la concurrence en télécommunications. Quelqu'un m'a demandé combien de personnes il fallait pour faire fonctionner ce tribunal, et selon moi, il n'en faut pas plus de quatre. Il faut un président indépendant, et un peu de personnel de secrétariat, et pour le reste, les ressources proviendront à la fois du CRTC et du Bureau de la concurrence. Il suffirait de faire appel à ces deux organismes qui possèdent une expertise considérable dans leur domaine respectif et de les réunir pour qu'ils puissent travailler de concert afin d'obtenir les résultats escomptés. Par conséquent, nous ne considérons pas le résultat comme la création d'une toute nouvelle autorité de réglementation.
    Veuillez éclairer ma lanterne. Qu'est-ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande? Pourquoi a-t-on échoué?
    Le cas de la Nouvelle-Zélande est très intéressant. À l'époque, un aréopage d'économistes très libertaires était venu prodiguer ses conseils au gouverment... Vous vous rappelez peut-être qu'au début des années 1980, la Nouvelle-Zélande a pratiquement fait faillite techniquement. Le Fonds monétaire international est venu à la rescousse, et des mesures ont été prises en vue de la privatisation de l'industrie et pour remettre le pays sur ses rails du point de vue fiscal.
    Dans le cadre de ce processus, on a expérimenté une chose qui n'avait jamais été faite dans aucun autre pays, et on a en outre décidé de le faire sans l'intervention d'une autorité de réglementation des télécommunications. De plus, des économistes avaient affirmé que la loi de la concurrence à l'échelle de l'économie était suffisante et que leur bureau de la concurrence ferait très bien l'affaire. Durant dix ans, des sociétés comme une certaine entreprise appelée Clear Communications, qui à l'époque appartenait en partie à Bell Canada et à MCI, tentèrent d'obtenir des interconnexions avec Telecom New Zealand. Après dix ans de lutte devant les tribunaux, et de plaintes auprès de l'autorité de réglementation de la concurrence, ces sociétés n'ont jamais réussi à obtenir l'interconnexion.
    Finalement, le gouvernement a décidé que la situation avait assez duré et qu'une concurrence véritable devait s'installer dans le pays. Aussi, il a créé un nouveau bureau de commissaire aux télécommunications au sein du ministère des Finances. Le gouvernement a désigné un homme très capable en la personne de Doug Webb, qui est devenu le premier commissaire. Il est en réalité devenu le commissaire aux télécommunications, et depuis lors la concurrence a commencé à se déveloper.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Intven, de vous être déplacé aujourd'hui, et merci aussi de vos réponses, de votre exposé et merci beaucoup également, au nom du comité, pour votre rapport. Nous apprécions votre travail.
    Mesdames et messieurs, nous allons suspendre nos travaux durant deux ou trois minutes et nous appellerons ensuite les prochains témoins. Merci.

    


    

  (1705)  

    Mesdames et messieurs, veuillez prendre place.
    Nous allons entreprendre la deuxième partie de notre réunion. Il s'agit d'une séance de 30 minutes avec les fournisseurs Internet/Sans fil.
    Nous accueillons deux témoins. Premièrement, Mme Kirsten Embree, de l'Association canadienne des fournisseurs Internet; et deuxièmement, de la Canadian Cable Systems Alliance, M. John Piercy. Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.
    Je sais que c'est une courte séance. Nous venons d'avoir une séance assez longue avec M. Intven, aussi je vous fais toutes mes excuses.
    Vous disposez chacun de trois minutes au maximum pour présenter votre exposé, et nous passerons ensuite immédiatement à la période de questions de la part des membres du comité.
    Madame Embree, voulez-vous commencer?
    Merci beaucoup de nous avoir invités à venir nous exprimer aujourd'hui devant le comité.
    Je m'appelle Kirsten Embree. La Canadian Association of Internet Providers m'a demandé de me présenter aujourd'hui devant vous pour vous entretenir de la question de la déréglementation des télécommunications.
    La Canadian Association of Internet Providers ou CAIP, comme nous l'appelons, est l'une des plus importantes associations de fournisseurs Internet de toute l'industrie. Elle représente à la fois les grands et les petits fournisseurs de services Internet commerciaux, de même que des sociétés et d'autres organisations qui oeuvrent dans le secteur de la fourniture de services Internet.
    La presque totalité des membres de la CAIP sont des fournisseurs de services Internet indépendants, ce qui signifie qu'ils ne sont affiliés, en raison de leur propriété, avec aucune compagnie de téléphone titulaire ou entreprise de câblodistribution. Par conséquent, le point de vue de la CAIP sur la question de la déréglementation des télécommunications lui est propre. En effet, ce point de vue est très orienté vers l'expérience des nouveaux venus dans le marché, qui doivent concurrencer des exploitants titulaires de très grande envergure et jouissant de moyens financiers considérables.
    Avant de vous faire part de notre point de vue sur le sujet de la déréglementation des télécommunications, nous avons pensé qu'il serait utile de vous donner un bref aperçu du marché canadien des services Internet.
    En 2005, les revenus produits par la prestation de services Internet au Canada ont atteint 4,5 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de 8,8 p. 100 par rapport au chiffre de 4,2 milliards atteint en 2004. En 2005, le nombre de ménages bénéficiant d'un abonnement donnant accès à Internet a atteint huit millions, ce qui représente 64 p. 100 de tous les ménages canadiens. Quant au nombre de ménages bénéficiant d'un accès Internet haute vitesse, il a atteint le chiffre de 6,4 millions de ménages, soit 51 p. 100 de tous les ménages canadiens, une amélioration par rapport à 43 p. 100 atteint l'année précédente.
    À première vue, ces statistiques semblent dépeindre une situation très enviable pour le secteur des services Internet, mais la réalité pour ceux qui exercent la concurrence dans ce marché est tout autre, et nous en arrivons rapidement au point où nous commençons à nous demander si le Canada a pris les bonnes décisions pour favoriser la concurrence et le choix des consommateurs dans ce segment de marché.
    Le rapport de surveillance des télécommunications 2005 du CRTC présente un tableau qui montre les abonnements résidentiels aux services Internet selon le type de fournisseur d'accès. Nous avons pris ce tableau et l'avons transformé en diagramme à secteurs afin de montrer encore plus clairement ce qui se passe dans ce segment du marché.
    Pour le compte rendu, notre analyse montre que 54 p. 100 de tous les abonnés à Internet en 2004 avaient pris un abonnement avec le service de modem haute vitesse des sociétés de câblodistribution, 42 p. 100 avaient pris un abonnement avec les services de modem DSL haute vitesse des compagnies de téléphone, et seulement 4 p. 100 des abonnés avaient fait appel à un fournisseur indépendant de services Internet haute vitesse.
    Durant le peu de temps qui me reste, j'aimerais vous faire part de ce qui, selon la CAIP, n'a pas fonctionné dans la déréglementation du marché des services Internet, et vous expliquer pourquoi nos membres ne détiennent que cette misérable part de marché de 4 p. 100.
    Comme vous le savez peut-être, le CRTC a décidé de s'abstenir de réglementer les services Internet au détail des compagnies de téléphone titulaires et des entreprises de câblodistribution vers la fin des années 1990. Malheureusement, il n'existait aucun régime complet en place, à l'époque, pour permettre aux fournisseurs de services Internet d'avoir accès à tous les services et installations sous-jacents qui sont nécessaires pour fournir des services Internet haute vitesse à leurs propres clients utilisateurs finals.
    Les entreprises de câblodistribution qui offrent des services de gros de modem câble n'ont déposé leurs tarifs que depuis deux ou trois ans, et ce, malgré le fait que ces sociétés avaient mis sur le marché leurs propres services haute vitesse il y a plus de dix ans de cela. Quant aux compagnies de téléphone, elles ont soit évité de déposer leurs tarifs pour leurs services ADSL de gros ou encore elles ont fixé des prix tellement élevés que les fournisseurs de service Internet indépendants se sont retrouvés dans une situation classique de compression de marge.
    Les concurrents doivent avoir accès aux installations et aux services sous-jacents essentiels à des prix établis en fonction des coûts et sans avoir à absorber les majorations de prix exorbitantes que les entreprises titulaires vont toujours choisir d'imposer, sans la surveillance réglementaire du CRTC. Nous vous prions instamment de prendre ces facteurs en considération lors de vos délibérations, et aussi, d'adopter une approche plus globale de la question de la déréglementation des télécommunications, à l'instar du groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, afin d'éviter d'avoir à imposer des mesures correctives à la pièce qui ne créeront que des problèmes en bout de ligne.

  (1710)  

    Merci beaucoup, madame Embree.
    Nous allons immédiatement céder la parole à M. Piercy.
    Bonjour. Je m'appelle John Piercy et je représente aujourd'hui la Canadian Cable Systems Alliance (la CCSA). Je suis membre du conseil d'administration de la CCSA et président de son Comité sur la réglementation des télécommunications. Je suis également président de Mountain Cablevision, d'Hamilton, en Ontario, un membre corporatif de la CCSA.
    La CCSA représente plus de 90 petites compagnies indépendantes de câblodistribution qui exercent leurs activités dans toutes les régions du Canada. Plusieurs d'entre elles sont des entreprises familiales qui desservent de petits centre ruraux.
    Les membres corporatifs de la CCSA sont les seuls compétiteurs potentiels dotés d'installations dans pratiquement tous les marchés qu'ils desservent. Ce projet d'ordonnance les inquiète grandement.
    Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Le projet d'ordonnance, tel qu'il est actuellement rédigé, permet à la compagnie de téléphone titulaire de demander l'abstention dès qu'un deuxième compétiteur doté d'installations pénètre le marché. Cette condition sera donc remplie dès qu'un câblodistributeur offrira le service téléphonique, et la compagnie de téléphone titulaire se qualifiera pour l'abstention. À ce moment-là, le câblodistributeur local aura peu ou pas de clients pour ses services téléphoniques. La comopagnie de téléphone titulaire sera toutefois dès lors autorisée à présenter des offres alléchantes à ses clients qui lui feront part de leur intention de changer de fournisseur pour s'abonner au service du compétiteur câblodistributeur.
    Par ailleurs, le projet d'ordonnance propose aussi d'éliminer les règles de reconquète dès que l'ordonnance entrera en vigueur. Une fois ces règles de reconquète éliminées, le titulaire pourra décider de ne présenter des offres intéressantes qu'aux clients qui l'informent de leur intention de s'abonner auprès d'un compétiteur. La majorité des clients de ces compagnies de téléphone ne recevraient donc pas de telles offres et seuls quelques rares clients obtiendraient des réductions de prix ou de nouveaux services.
    Aucun autre secteur commercial n'impose à un compétiteur d'informer le joueur dominant dans son marché que l'un de ses clients souhaite mettre fin à son service. Or, dans l'industrie de la téléphonie, le compétiteur doit toujours demander au joueur dominant de transférer le numéro de téléphone du client avant de pouvoir le servir.
    Pendant le processus de transfert du numéro, la compagnie de téléphone titulaire peut cibler le client qui a demandé le transfert et lui faire une meilleure offre avant même qu'il ait l'occasion d'essayer le service du compétiteur. Bien qu'une telle pratique enfreigne actuellement les normes reconnues par l'industrie, nous savons qu'elle est tout de même assez courante. Sans les règles de reconquête, il y a peu de chance qu'un compétiteur puisse démontrer à quel moment l'offre de reconquête a réellement été présentée.
    Si ce projet d'ordonnance est adopté dans sa forme actuelle, plusieurs de nos membres ne pénétreront pas le marché. Les perspectives commerciales seront tout simplement trop sombres.
    Notre recommandation au Ministre est relativement simple. Conserver le test de la puissance commerciale pour tous les marchés qui ne font pas partie des 10 principaux marchés identifiés dans le projet d'ordonnance. Lorsque les titulaires pourront démontrer, à l'aide du test actuel du Bureau de la concurrence, qu'ils n'ont plus de position dominante sur le marché, ils pourront être soustraits à la réglementation. Les restrictions de reconquête doivent demeurer en place jusqu'à ce qu'un marché donné ait été soustrait à l'application de la réglementation.
    Une telle approche assurerait une compétition durable des entreprises dotées d'installations dans les petits marchés du Canada. Si le projet d'ordonnance n'est pas révisé, les clients résidentiels et les petites et moyennes entreprises de ces collectivités n'auront pas accès à des offres concurrentielles. Ils continueront à payer les prix plus élevés qu'ils ont toujours payés et leur situation risquera même d'empirer. Sans une base viable de clients résidentiels, nos membres ne pourront jamais lancer un service téléphonique durable et concurrentiel pouvant être offert aux entreprises locales.
    Les changements que nous proposons auraient pour effet de maintenir en place le processus réglementaire rationalisé et la dépendance accrue envers les forces du marché, tout en favorisant la compétition viable dans des marchés où il n'y aurait autrement aucune compétition.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'exprimer le point de vue de la CCSA et suis disponible pour répondre à vos questions.
     

  (1715)  

    Merci beaucoup, monsieur Piercy.
    La parole est à M. McTeague, pour six minutes.
    Monsieur Piercy, merci beaucoup de votre exposé. Vous avez exprimé — tout comme Mme Embree — les mêmes inquiétudes que les représentants de mon parti.
    Je comprends très bien que les propositions que vous faites ne visent pas à protéger seulement votre industrie, mais aussi à favoriser la concurrence. Vous avez peut-être entendu les commentaires du précédent témoin qui faisait partie du groupe ayant rédigé le rapport d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications. Une part importante des recommandations de ce groupe sont absentes du projet d'ordonnance, des recommandations qui représentaient, à notre avis, certaines mesures de protection. Étant donné que vous avez pris connaissance du rapport et que vous avez eu le temps d'en discuter, est-ce que ce rapport vous satisfait? Est-ce que, à tout le moins, vous êtes un peu préoccupé du fait que le Ministre ait jugé bon de s'orienter dans une tout autre direction?
    Sincèrement, je trouve que c'est un excellent rapport, et j'aimerais bien que toutes ses recommandations soient mises en oeuvre. À mon avis, ces recommandations auraient pour effet de créer un marché véritablement concurrentiel qui permettrait à beaucoup de parties prenantes de réussir et ainsi, bon nombre de petites entreprises pourraient tirer leur épingle du jeu.
    Mais certaines parties du rapport ne pourront être mises en oeuvre, et c'est là que le bât blesse. J'ai entendu Hank déclarer qu'il fallait attendre deux ou trois ans pour voir ce qui allait se passer; mais d'ici deux ou trois ans, les petites entreprises qui sont membres de mon association auront disparu de la carte. Nous éprouvons la même difficulté avec le Bureau de la concurrence. Je les ai entendus dire qu'ils pourraient procéder à une étude vraiment rapide et monter un dossier en l'espace de cinq mois. Cinq mois, voyez-vous, pour un petit câblodistributeur peuvent faire toute la différence entre la vie et la mort.
    Il faut rétablir un certain équilibre. Il faut instaurer des mesures permettant aux petits joueurs de pénétrer le marché et d'investir l'argent qu'ils ont à investir dans ce marché. Il faut absolument faire en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, parce qu'actuellement, ces règles ne favorisent pas du tout les nouveaux venus, et ils vont avoir du mal à se frayer un passage dans le marché.
    Monsieur Brison.
    Je suppose que tout dépend du marché, mais dans une petite ville disons de 5 000 habitants, quelle devrait être l'ampleur de l'investissement requis dans ce type de marché par un câblodistributeur pour être en mesure de se lancer dans le marché des services téléphoniques? Je sais que c'est difficile de répondre, mais vous pourriez peut-être nous donner seulement une idée des risques sur le plan financier.
    Au contraire, c'est facile pour moi de vous répondre, parce que nous venons de lancer notre service téléphonique à Hamilton. Nous avons une base de 40 000 abonnés, donc on peut aisément faire la projection à la hausse ou à la baisse. Nous avons investi plus de 10 millions de dollars dans cette affaire. Il a fallu effectuer passablement de modernisation des installations; il a fallu aussi procéder à beaucoup de développement de systèmes; nous avons dû trouver un partenaire, parce que nous ne pouvions pas nous occuper nous-mêmes de la commutation — nous n'en avions pas les moyens. En utilisant cet exemple comme mesure, on peut déduire qu'avec une base de 10 000 abonnés, l'investissement requis se situe quelque part entre 2,5 et 3 millions de dollars.
    Auriez-vous consenti cet investissement si les règles du jeu avaient été différentes, c'est-à-dire s'il n'y avait eu aucune restriction de reconquête et si, à toutes fins pratiques, on n'avait prévu aucun test relativement à l'abstention?
    Ce n'aurait pas été à moi d'en décider. Cette décision aurait appartenu aux propriétaires de notre entreprise. Malheureusement, je n'en fais pas partie. Mais je ne pense pas qu'ils auraient été partants dans le contexte de ces règles. Ils éprouvaient déjà de fortes réticences à investir dans le contexte des règles du 25 p. 100. Nous trouvions que ce chiffre était trop limité.
    Par ailleurs, l'affirmation comme quoi, en raison des progrès technologiques, l'investissement supplémentaire pour se lancer dans les services téléphoniques dans un marché local n'est pas si important que cela n'est pas tout à fait exacte: en réalité, il faut réaliser d'énormes investissements en capitaux pour réussir cette transition.
    Oui, en effet, et je pense que l'aspect « pas très important » de cet investissement est fonction de la taille de l'entreprise: pour une entreprise comme Bell Canada, 2,5 millions de dollars ne représente pas un investissement important, mais pour un type qui doit emprunter cette somme à la banque et qui doit se convaincre que les règles du jeu lui seront favorables et que la concurrence ne va pas le clouer au tapis dès le départ, à mon sens, l'investissement devient assez important.
    Je voulais vous poser une question au sujet des services à large bande. De grandes régions de notre pays ne sont pas encore desservies par ces services, notamment les communautés rurales, les petites villes et les régions éloignées. Le rapport du groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications recommande notamment que le gouvernement fédéral: « lance immédiatement un programme destiné à assurer que des services à large bande soient accessibles, à un prix abordable et de façon fiable, dans toutes les régions du Canada, y compris les régions urbaines, rurales et éloignées, d'ici 2010 au plus tard. » Quelles devraient être les mesures prises par le gouvernement pour faciliter la mise en oeuvre de cette recommandation? Il n'y a eu aucune discussion au sein du gouvernement à ce sujet, mais quel devrait être son rôle afin de faire avancer le dossier?

  (1720)  

    Il y a bien quelques programmes en place actuellement visant à garantir les coûts de l'implantation des services à large bande. Mais, vous avez raison, il y a un certain nombre de régions qui ne disposent pas encore de services d'accès Internet à large bande, et elles en ont désespérément besoin.
    Je ne suis pas la mieux placée pour vous parler de ce que l'on devrait faire pour régler ce problème, mais en revanche je peux vous donner une idée des tribulations que doit affronter le secteur des fournisseurs de services Internet indépendants. Ils souhaiteraient vraiment s'attaquer à ce marché, et ils le font d'ailleurs, à l'aide de nouvelles technologies novatrices comme le service point à point sans fil, le service fixe sans fil et même le service de téléphonie mobile. Mais ils ont également besoin d'un lien d'accès aux installations sous-jacentes à des conditions économiques fondées sur les coûts...
    Je suis désolé, monsieur Brison, mais le temps file, et je dois vous interrompre.
    Monsieur Crête.
    Puis-je seulement...
    Non, je suis désolé, monsieur Brison.
    Monsieur Crête.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Piercy, vous en avez parlé dans votre présentation, mais pouvez-vous, ou M. Embree, me dire s'il est possible de faire entrer en vigueur ce qui concerne la téléphonie locale, ou l'ordre que vous suggérez, sans que l'ensemble de la réforme ait lieu? Ou faut-il plutôt absolument que l'ensemble du cadre soit mis en place avant que des corrections soient faites?
    Je sais que le ministre a jusqu'au 6 avril pour décider d'agir ou non. Il pourrait faire quelque chose à l'égard de la téléphonie locale seulement. Il pourrait peut-être accepter que l'on fasse la démarche globalement dans l'Est.
    J'aimerais connaître chacun de vos points de vue sur ce sujet.

[Traduction]

    La réponse est très simple. Il faut d'abord et avant tout régler la question du régime de services de gros. Il faut mettre en oeuvre l'ensemble des recommandations du groupe d'étude avant de commencer à adopter une approche de déréglementation à la pièce sur les marchés de détail, comme celui du marché des services des centraux urbains.
    Je suis d'accord avec Kirsten. Je pense qu'il faut rétablir un certain équilibre dans le marché. On ne peut pas décider de mettre en oeuvre le tiers ou la moitié d'un rapport en affirmant que c'est suffisant, et que le reste des recommandations seront appliquées d'ici deux ou trois ans. À mon avis, il faut prévoir des mécanismes régulateurs dans ce système. Il y a encore des problèmes à régler dans le domaine des services de gros, ainsi qu'en ce qui concerne les paramètres de qualité des services relatifs à ces accès. Il reste encore beaucoup de problèmes à régler.

[Français]

    Si le ministre met en vigueur la directive telle qu'énoncée ou s'il tient compte de vos remarques, comment voyez-vous vos deux associations dans deux ans? À votre avis, qu'arrivera-t-il aux membres de vos associations?

[Traduction]

    Comme je l'ai expliqué durant mon exposé, nos membres ne détiennent actuellement que 4 p. 100 du marché des services Internet haute vitesse de type résidentiel. Auparavant, ils en détenaient jusqu'à 64 p. 100; cependant, comme je l'ai déjà mentionné, le problème tient à ce que depuis la date où les services haute vitesse ont été lancés par les compagnies de téléphone et les entreprises de câblodistribution, nous ne pouvons pas compter sur un régime sous-jacent complet relativement à l'accès aux services et aux installations de gros par les concurrents. Nous nous battons depuis les huit dernières années pour obtenir l'accès à ce marché. Et nous continuons de le faire. Durant l'intervalle, notre part de marché a chuté à 4 p. 100, ce qu'elle est en ce moment.
    Je pense qu'il est juste d'affirmer qu'il convient de s'attaquer à certains autres problèmes avant de commencer à déréglementer encore davantage le marché de détail.
    En ce qui concerne les petits câblodistributeurs, je pense que ce qui risque de se passer, c'est qu'un grand nombre d'entre eux qui sont sur le point de se lancer et qui vont probablement le faire, pourraient bien se faire bouter en-dehors du marché des services téléphoniques. Cette conséquence leur nuirait du point de vue économique; elle pourrait bien les forcer à vendre leurs entreprises, parce qu'ils pourraient n'avoir aucun autre moyen de régler les dettes qu'ils viennent de contracter pour pénétrer le marché.
    Parmi les plus petits câblodistributeurs, beaucoup continueront d'exercer leurs activités et d'offrir l'ensemble actuel de leurs services, mais avec le passage des concurrents, ils finiront par s'affaiblir parce qu'ils ne parviendront pas à réaliser les investissements requis pour pénétrer le marché.
    Selon moi, le plus gros problème c'est ce qui risque d'arriver aux habitants des petites villes qui ne pourront bénéficier d'un service concurrentiel.

  (1725)  

[Français]

    Est-il possible de voir une situation — un peu absurde, dirais-je — où le géant dans une région s'accaparerait presque tout le marché tandis que le petit serait au bord de la tombe, ce qui ferait en sorte qu'on reviendrait à un service réglementé? Il en découlerait donc un jeu où la concurrence serait très artificielle parce que la grande compagnie serait presque obligée de maintenir la petite en vie, du moins artificiellement. Est-ce une réalité qui peut se produire, ou pensez-vous tout simplement qu'il y aura une hécatombe de petites entreprises, finalement?

[Traduction]

    À l'heure actuelle, du moins dans le secteur des services Internet, la tendance est au duopole. M. Intven qui était ici tout à l'heure, a déclaré que ce n'était pas dans l'intérêt du Canada ni dans celui des consommateurs. Je ne vois pas très bien ce que je pourrais ajouter à cela. Nous nous retrouverons avec deux joueurs, d'ici un an ou deux peut-être qui n'auront aucune raison d'innover ou d'offrir des prix concurrentiels. Ce sera un arrangement confortable et douillet.
    Je pense qu'au bout du compte on se retrouvera avec une sorte de service à deux vitesses. Dans les grandes villes, on pourrait bien se retrouver avec un duopole ou des services déréglementés mettant aux prises un grand nombre de joueurs. Dans petites villes, en revanche, on pourrait bien se retrouver avec un monopole et les habituels prix élevés et un service qui laisse à désirer. Je pense que c'est la direction dans laquelle nous nous en allons.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Carrie.
    Merci, monsieur le président. Et merci à nos invités de s'être déplacés.
    Monsieur Piercy, votre association représente les entreprises de câblodistribution indépendantes qui oeuvrent dans de petits marchés. Est-ce que, pour la plupart, elles n'exercent pas un monopole dans leurs propres marchés?
    Elles sont pour la plupart des monopoles dans le sens qu'elles sont les seuls câblodistributeurs dans leurs marchés. Elles ont pour concurrents les entreprises de radiodiffusion directe à domicile et de réception directe. Mais en ce qui concerne les services Internet, nous sommes loin d'exercer un monopole. Il y a des fournisseurs de service Internet sans fil dans les petites collectivités, et d'autres aussi. Jusqu'ici, aucun d'entre nous, sauf les entreprises les plus importantes, n'a pu pénétrer le marché des services téléphoniques.
    Vos membres ne sont pas assujettis aux restrictions de reconquête des consommateurs qui décident de se tourner vers les fournisseurs de radiodiffusion par satellite, n'est-ce pas?
    Habituellement non. Les règles relatives à la reconquête sont satisfaites depuis longtemps. Elles étaient en place lorsque ces entreprises ont procédé au lancement de leurs services — lorsque la concurrence directe est arrivée, les règles de reconquête étaient en place, mais cette étape a été franchie depuis.
    Mais vous soutenez que vos membres ont encore besoin de la protection réglementaire en ce qui concerne le marché des services téléphoniques?
    Il faut bénéficier d'une certaine capacité de pénétrer le marché, et de faire en sorte que des consommateurs fassent l'essai de votre service avant d'être ciblés par une campagne de reconquête. Si on autorise les grandes entreprises à intervenir immédiatement auprès des nouveaux clients de ces petites entreprises et à les récupérer, on se retrouvera avec un marché où les petites sociétés vont tout simplement renoncer à pénétrer ce marché.
    Diverses entreprises sont venues nous faire part de leurs commentaires. Nous constatons qu'il est évident que les câblodistributeurs qui offrent des services téléphoniques sont passablement avantagées. Par exemple, ces entreprises peuvent regrouper leurs srevices et, nous avons vu, comme quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, que c'est ainsi que Rogers est devenue l'entreprise numéro un au Canada pour la valeur financière de la société.
    Il me semble que les câblodistributeurs qui offrent les services téléphoniques disposent d'un énorme avantage. Ceci dit, ne pensez-vous pas que les entreprises de votre secteur vont s'en aller dans cette direction de toute façon?
    Je serais ravi de pouvoir regrouper autant de services que Rogers peut le faire dans ma propre entreprise. Mais, entre autres choses, je ne dispose pas du service sans fil, et c'est donc l'un des quatre services que je ne peux offrir dans un forfait.
    Dans mon territoire, Bell Canada peut regrouper tous les services, sauf le service local. De ce point de vue, nous sommes à égalité des chances: l'entreprise peut regrouper trois services dans un forfait, et je peux faire la même chose. Seulement, il ne s'agit pas des mêmes services, c'est tout.
    Vous avez mentionné que votre entreprise avait réalisé cet investissement et qu'elle avait pris cette décision parce qu'elle envisageait l'avenir. Il est clair que votre entreprise a l'intention de se lancer tôt ou tart dans les services de téléphonie classique.
    Quels investissements en capitaux vos membres ont-ils consentis en vue d'offrir la téléphonie classique? Pouvez-vous nous transmettre les chiffres des montants que vos membres ont investis?

  (1730)  

    Non, je ne les ai pas. La CCSA ne recueille pas ce genre de statistiques auprès de ses membres. Je pourrais essayer de vous donner des chiffres approximatifs pour les entreprises qui ont lancé ce type de services. Nous avons probablement investi jusqu'à maintenant aux alentours de 50 à 60 millions de dollars, mais seulement cinq ou six entreprises se sont lancées dans ce marché jusqu'à maintenant.
    Merci.
    J'aimerais poser deux ou trois questions à Mme Embree. Je pense que les câblodistributeurs détiennent une plus grande part du marché des services Internet haute vitesse ou du marché à large bande que les compagnies de téléphone titulaires. Est-ce exact?
    En effet, mais les compagnies de téléphone titulaires nous rattrapent rapidement.
    Qui est aujourd'hui le principal fournisseur de services Internet haute vitesse de gros de vos membres?
    Sans l'ombre d'un doute, ce sont les compagnies de téléphone. Les câblodistributeurs offrent aussi un service de gros, mais jusqu'à maintenant, il nous a été impossible de l'utiliser du point de vue technique, c'est ce qui explique que ce n'est pas intéressant économiquement parlant.
    Voulez-vous dire qu'il en coûte c'est plus cher d'utiliser la câblodistribution? Est-ce bien ce que vous voulez dire?
    Tant le service de gros offert par les câblodistributeurs que les services offerts par les compagnies de téléphone se situent à un prix qui dépasse largement les coûts réels. Ces prix renferment des majorations de prix excessives qui entrennent une compression de la marge pour un fournisseur de service Internet désireux de faire l'acquisition ou l'achat de ces services.
    Je vais vous donner un exemple. Vers la fin des années 1990, les fournisseurs de service Internet se sont plaints au Bureau de la concurrence au sujet des prix exigés par les compagnies sur le marché de détail pour les services Internet. Ils ont fait valoir au Bureau de la concurrence dans le cadre d'une plainte en bonne et due forme présentée par six citoyens que les compagnies de téléphone fixaient le prix de leurs services Internet au détail en bas de celui des services Internet de gros qu'elles offraient aux fournisseurs Internet.
    Le Bureau de la concurrence a finalement conclu que les compagnies de téléphone facturaient en dessous du prix coûtant, mais il a néanmoins autorisé les compagnies de téléphone à continuer leurs pratiques sur le marché de détail.
    Mais vos membres continuent d'avoir recours au téléphone, ou plutôt à l'ESLT, plutôt qu'aux entreprises de câblodistribution, n'est-ce pas?
    Nous utilisons les services DSL de gros des compagnies de téléphone parce que, jusqu'à il y a deux ou trois ans, les câblodistributeurs ne disposaient pas d'un service de modem câble de gros.
    Mais maintenant qu'elles l'ont...
    Ce sera la dernière question.
    Est-ce que vos membres continuent de faire affaire avec les compagnies de téléphone? C'est cela que je veux savoir.
    Non; certains utilisent désormais les services de câblodistributeurs, mais je le répète, les deux services sont offerts à des prix qui sont injustes du point de vue économique.
    Merci.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Davies.
    Merci à vous deux de vous être déplacés, parce qu'à mon avis vous nous donnez un autre son de cloche concernant les répercussions de la déréglementation et de son incidence dans le futur.
    Je suis curieuse. Vous dites que votre part de marché à titre de fournisseurs indépendants était de 64 p. 100 et qu'elle est maintenant de 4 p. 100. Avez-vous dit que cette diminution s'est opérée sur une période de dix ans?
    En 1997, nous détenions 64 p. 100 du marché. Cette part de marché vise la totalité des services, haute vitesse, basse vitesse. Aujourd'hui, nous détenons une part de 4 p. 100 du marché de la haute vitesse, et une part de 10 p. 100 du marché de l'accès par ligne commutée, donc dans l'ensemble, une part de 14 p. 100. Mais nous n'avons pas vraiment tenté de percer le marché de la haute vitesse.
    Lorsque vous dites que vous souhaiteriez que l'on adopte une approche globale — c'est l'expression que vous avez utilisée — qu'est-ce que vous voulez dire au juste, en ce qui concerne le groupe d'étude et ses travaux? On dirait que le Ministre se contente de choisir les recommandations qui font son affaire. Et on semble vouloir aller de l'avant très rapidement. Je pense que le grand public n'a pas la moindre idée de ce qui se passe ici, et des répercussions de ce projet d'ordonnance; la situation risque de devenir épouvantable.
    Qu'entendez-vous exactement par une approche globale?
    Je ne voudrais pas m'acharner inutilement, mais il faut d'abord régler la question des services de gros. Il n'y aura jamais de véritable concurrence, et il n'y aura jamais de concurrence permanente et durable à long terme si on ne règle pas d'abord la question des services de gros.
    Comment arrivez-vous à leur faire concurrence en ce moment, si les entreprises titulaires vendent leurs services en bas du prix de gros? C'est scandaleux.
    Tout à fait.
    Il faut laisser le CRTC poursuivre les démarches qu'il a déjà amorcées en ce qui concerne les services de gros. Il faut aussi examiner les autres réformes ayant été recommandées par le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications.
    Le groupe d'étude lui-même a préconisé l'adoption d'une approche très globale. Il ne visait pas seulement les marchés locaux, mais tous les marchés, et aussi l'ensemble des services. Et il ne ciblait pas seulement la réglementation du CRTC, par exemple, mais aussi la neutralité du Net, l'expansion du service à large bande dans tout le pays, et la recherche de moyens pour promouvoir l'accès aux services à large bande.
    On dirait que l'on se retrouve dans un endroit très étrange, où l'on se concentrerait très fortement sur un aspect en particulier du secteur des télécommunications, et selon moi, ce n'est pas la bonne approche.

  (1735)  

    Merci.
    Merci beaucoup, madame Davies.
    Nous vous remercions chaleureusement tous les deux de vos être déplacés. Je m'excuse du peu de temps qui a été mis à notre disposition. Si vous souhaitez ajouter quoi que ce soit à notre étude de la déréglementation du secteur des télécommunications, n'hésitez pas à communiquer avec le greffier. Nous ferons en sorte que tous les membres du comité en bénéficient. Pour le moment, soyez remerciés.
    Nous allons suspendre la séance durant deux ou trois minutes.
    Mesdames et messieurs, je sais que la réunion est terminée, mais nous allons suspendre durant deux ou trois minutes et poursuivre à huis clos la discussion autour d'un sujet que nous avions abordé mercredi dernier.
    [La séance se poursuit à huis clos.]