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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (0910)  

[Traduction]

    Conformément à l’ordre de renvoi adopté par la Chambre le 25 octobre et à la motion adoptée par notre comité le 23 novembre, reprenons maintenant notre étude du projet de loi C-257.
    La réunion durera au maximum 75 minutes. Les témoins auront sept minutes pour faire leurs déclarations. Il y aura deux rondes de questions, l’une de sept minutes et la seconde de cinq minutes. Je ferai de mon mieux pour contrôler étroitement l’écoulement du temps imparti, afin de m’assurer que nous respections le programme de la journée. Il me faut également rappeler à tous, même si je ne pense pas que ce soit vraiment nécessaire pour cette ronde en particulier, que toutes les questions doivent être adressées au président.
    Ceci dit, mettons-nous au travail.
    Monsieur Lake, aviez-vous une objection?
    Non, en fait je pense que c’est un point à éclaircir.
    Je voudrais seulement savoir avec précision si nous allons avoir trois réunions différentes aujourd'hui ou, comme le prévoyait la motion originale, une séance de quatre heures. Je pose cette question, parce que cela aura des répercussions sur les rondes de questions au fur et à mesure que nous avançons.
    Pouvons-nous préciser quelles sont les rondes de questions qui sont prévues pour la journée?
    À ce que je sache, la motion précisait que nous aurions deux séances distinctes de quatre heures. Toutefois, nous avons également décidé au même moment que nous allions consulter différents groupes, de sorte que nous pourrions diviser les témoins, de manière à ne pas en avoir 12 qui attendent à la table.
    Je pense à ce stade que nous allons tenir deux rondes distinctes, comme nous l’avons toujours fait, dans l’ordre normal durant chacune. Nous reprendrons les rondes avec chacun des groupes.
    Monsieur Regan.
    Monsieur le président, pour être bien clair, à l’origine, nous avions obtenu que la présentation du ministre se fasse en dehors de ces deux séances de quatre heures. Avons-nous changé d’avis, ou quelle est la situation actuelle?
    Je pense que nous en avons déjà parlé, il se trouve que nous souhaitions des témoins supplémentaires. Le ministre n’était pas en mesure de se rendre à la réunion. Peut-être à la fin de la journée, pourrons-nous clarifier si nous avons besoin de séances supplémentaires. Je sais que le ministre a indiqué que s’il devait revenir pour des éclaircissements, cela serait également possible. Nous le verrons en temps voulu.
    Merci, monsieur Regan.
    Monsieur Lake.
    Voulez-vous clarifier alors? Étant donné que nous allons délibérer durant quatre heures — il est déjà plus de 9 heures, nous allons vraisemblablement nous rendre jusqu’à 13 h 10 — est-ce que les deux premières rondes de questions durant ces quatre heures seront dans l’ordre 1, 2, 3, 4 et 1, 2, 3, 4, et ainsi de suite, en alternant par la suite?
    Non, ce que nous allons faire, parce que nous avons décidé de ne pas réunir les 12 témoins en même temps, c’est commencer chaque séance séparément. Ce sera une réunion distincte, et nous recommencerons la rotation au début.
    Ce n’est pas ce que la motion...
    Pourrions-nous lire ce que dit la motion pour commencer?
    La motion se lit ainsi :
De préférence le mardi 12 décembre, le comité se réunit durant quatre (4) heures pour examiner clause par clause le projet de loi et, s’il est prévu que la Chambre des communes ajourne ses travaux plus tôt, alors, de préférence, le comité se réunira avant l’ajournement de la chambre, pour l’examen clause par clause du projet de loi.
    Désolé, monsieur Lake, juste un instant.
    Où est la première partie de la motion?
    
Il a été convenu — que le comité adopte le plan de travail suivant pour son étude de projet de loi C-257; le mardi 28 novembre, comparution de M. Richard Nadeau, le parrain du projet de loi, et de l’honorable Jean-Pierre Blackburn, ministre du Travail; le mardi 5 décembre, le comité siège durant quatre (4) heures pour entendre les témoins; le jeudi 7 décembre, le comité siège durant quatre (4) heures pour entendre les témoins...
    Donc, il a été convenu que nous siégerons durant quatre heures, mais parce que nous avons besoin de scinder la réunion pour entendre différents groupes de témoins, il y a des réunions distinctes, et c’est pour cette raison que nous allons recommencer à entendre les témoins.
    Parfait. Ce que j’aimerais donc faire, c’est...
    Patientez un instant. Passez par le président, monsieur Lake.
    Je m’occuperai de Mme Lavallée après avoir entendu M. Lake.
    Ce que j’aimerais suggérer, alors, c’est que pour assurer un équilibre... Après avoir rencontré le ministre, nous allons entendre deux témoins, deux en faveur du projet, et deux qui sont contre. Je pense que pour favoriser un équilibre, nous devrions proposer un plan de questions qui tienne compte de ce fait. Je pense que cela serait justifié. Je suis d’avis que d’un point de vue pratique, il nous faut faire des groupes distincts. C’est mon avis.
    Ceci étant, je pense qu’il serait justifié que nous nous contentions d’une seule ronde, et que nous procédions comme d’habitude, à savoir 1, 2, 3, 4, mais qu’au cours de la seconde ronde, pour assurer un équilibre, il serait justifié d’alterner les questions pour chacun des différents groupes. Je ne les appellerai pas des réunions, parce que nous avons dit dans la motion qu’il s’agit d’une seule séance de quatre heures. Selon les règles originales que nous avons fixées pour ce comité, nous devrions procéder en alternant les questions après les deux premières rondes pour le reste de la réunion.
    Merci, monsieur Lake.
    Madame Lavallée.

[Français]

    Monsieur le président, M. le ministre s'est déplacé ce matin, et son temps est précieux. Alors, par respect pour notre invité et sa fonction, il me semble que nous devrions l'accueillir et procéder à la discussion. Ensuite, entre son témoignage et la comparution des prochains témoins, nous pourrions discuter de nos villes. C'est une simple question de logistique.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Cela me semble juste.
    Merci.
    Merci, monsieur le ministre Blackburn. Nous allons commencer par vous, vous avez sept minutes, s’il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Membres du comité, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à me présenter devant vous pour discuter du projet de loi C-257, Loi modifiant le Code canadien du travail (travailleurs de remplacement).
    Comme vous le savez, l'adoption d'un tel projet de loi aurait de graves répercussions sur les relations patronales-syndicales dans le secteur privé relevant de la compétence fédérale. J'estime important que nous prenions le temps de nous pencher sur ces conséquences avant de prendre une décision irrévocable.
    La législation du travail a des répercussions tant auprès du patronat que des syndicats, et toute loi concernant ces relations doit tenir compte des aspirations des deux parties. Mais les répercussions sur les relations patronales-syndicales vont au-delà du domaine des deux parties : elles affectent aussi les résultats économiques et sociaux nationaux, la production, l'emploi, les gains salariaux, les profits, les revenus individuels, la productivité et la compétitivité, pour ne nommer que quelques-uns des principaux éléments d'un système économique et social.
    Monsieur le président, deux principes élémentaires guident les décisions du gouvernement en matière de relations patronales-syndicales : équilibre et preuve.
    Les dispositions actuelles de la partie I du Code canadien du travail sont le fruit d'une étude vaste et approfondie menée notamment par le groupe de travail présidé par M. Andrew Sims, ancien président du Alberta Labour Relations Board. Le groupe de travail a tenté de faire exactement ce qu'indique le titre de son rapport, « Vers l'équilibre », c'est-à-dire de trouver un juste équilibre entre les besoins des employeurs et ceux des employés. Même si le groupe de travail n'était pas unanime sur la question des travailleurs de remplacement, il a recommandé dans un rapport majoritaire la mise en place d'une disposition accordant assez de latitude aux employeurs pour leur permettre de continuer à fonctionner de façon minimale, mais sans se servir des travailleurs de remplacement pour nuire aux objectifs de négociation légitimes des syndicats.
    Je veux répéter ces trois petites lignes, parce qu'elles sont importantes : permettre aux employeurs de continuer à fonctionner de façon minimale avec la possibilité d'avoir des travailleurs de remplacement, mais sans se servir des travailleurs de remplacement pour nuire aux objectifs de négociation légitime des syndicats. C'est ce qu'on appelle l'équilibre.
    Les dispositions actuelles du Code canadien du travail sont fondées sur ce compromis raisonnable, recommandé par M. Sims. La partie I du Code du travail est le fruit d'efforts considérables prenant en considération les intérêts de l'ensemble des intervenants, et non pas uniquement les intérêts d'une partie au détriment de toutes les autres. Le projet de loi C-257 entraînerait la mise en place d'une approche à sens unique qui ruinerait les années de travail investies par le gouvernement fédéral pour faire du code un outil législatif juste et équitable.
    Les entreprises de compétence fédérale oeuvrent dans plusieurs domaines centraux tels que les télécommunications d'un bout à l'autre du pays, pas seulement dans une province; le transport d'un bout à l'autre du pays; la manutention des grains et le débardage. Tout arrêt de travail survenant dans ces secteurs d'activité a pour effet de causer d'importantes perturbations, non seulement pour les employeurs, mais aussi pour les Canadiens qui dépendent du bon fonctionnement de ces secteurs d'activité cruciaux.
    Avant que des modifications ne soient apportées au code en 1999, alors que le gouvernement précédent était en place, de nombreux arrêts de travail dans des secteurs relevant de la compétence fédérale ont forcé le Parlement à légiférer pour imposer un retour au travail, afin d'assurer la continuité de ces services essentiels. Depuis que la loi a été votée en 1999, le Parlement n'a pas eu à intervenir. S'il n'a pas eu à le faire, ce doit être parce que ça marche. Cela prouve, selon moi, qu'un juste équilibre entre les intérêts divergents des travailleurs et des employeurs a été atteint et mérite d'être préservé.
    Le projet de loi C-257 détruirait ce fragile équilibre, en éliminant les mesures de discipline économique qui forcent les syndicats et les employeurs à négocier raisonnablement. L'équilibre dans la loi actuelle est de permettre aux syndicats d'exercer des pressions sur l'employeur et de permettre à celui-ci de maintenir un certain niveau d'activité pendant un conflit de travail, sans trop compromettre la qualité des services offerts.

  (0915)  

    Autrement dit, imaginons qu'il y ait une grève dans les ports du Canada ou dans les services ferroviaires. Cela aurait un impact partout au pays et des répercussions sur l'économie de l'ensemble du pays. C'est dans ce contexte que nous devons envisager le maintien de l'équilibre actuel, lorsqu'on parle d'utiliser des travailleurs de remplacement. L'employeur ne doit pas miner la représentativité du syndicat. Si le syndicat juge que c'est le cas lors d'une grève, il peut porter plainte contre l'employeur, devant la Commission canadienne des relations industrielles.
    Prenons l'exemple du transport aérien. C'est un service important d'intérêt public qui a un impact majeur sur l'économie canadienne. Tout le monde en convient. Imaginons que les équipes qui mettent les bagages des passagers à bord des avions ou que des agents de bord d'un transporteur aérien décident de déclencher une grève. Si tout à coup ces groupes tombaient en grève, les autorités de l'aéroport tenteraient de continuer à offrir certaines destinations au pays ou à l'étranger, à maintenir un certain niveau de service, tout en étant bien conscientes que cela ne pourrait continuer à fonctionner très longtemps. Les agents de bord et bagagistes n'auraient pas, eux non plus, intérêt à prolonger indûment le conflit. Ils comprendraient les enjeux et sauraient ce qu'ils pourraient perdre, à la table de négociation et dans l'opinion publique, si le conflit se prolongeait. C'est le poids raisonnable des parties qui s'affrontent qui crée l'équilibre que nous connaissons avec la loi actuelle, qui a été votée en 1999.
    L'utilisation des travailleurs de remplacement permet donc de maintenir l'équilibre sans donner trop de poids à l'une ou à l'autre des parties. La preuve que cela fonctionne, c'est que 19 plaintes ont été déposées au Conseil canadien des relations industrielles au cours des sept dernières années, et seulement deux d'entre elles sont encore à l'étude.
    Oui, le système fonctionne. Certains sont d'accord avec moi, mais ajoutent que le transport aérien n'offre pas de services essentiels comme ceux offerts par les hôpitaux et qu'il ne s'agit pas de santé et de sécurité au travail. Néanmoins, personne ne peut nier que c'est un service important et que, s'il n'est pas offert, cela a un impact économique national.
    L'impact économique d'une grève au port de Montréal ou de Vancouver ou celui d'une grève dans le secteur ferroviaire, que ce soit pour le transport des marchandises au pays ou le transport des passagers, serait aussi dévastateur que les exemples donnés auparavant.
    Que ferions-nous au Canada en cas de grève du service 911? Avons-nous un service essentiel? Le projet de loi actuel n'en contient pas. Tout serait paralysé.
    Négliger l'impact économique à l'échelle canadienne de l'interdiction d'utiliser des travailleurs de remplacement reviendrait à négliger la réalité des travailleurs relevant de la compétence fédérale. En ce qui a trait à l'employeur, si on lui interdit d'utiliser des travailleurs de remplacement pendant une grève, on lui retire alors le droit de continuer à fonctionner pour tenter de maintenir en activité son entreprise et ses employés, plutôt que d'être confronté, s'il n'a pas recours à une faillite éventuelle ou au licenciement de ses employés.
    Dans un contexte d'interdiction de recours aux travailleurs de remplacement pendant une grève, comme le suggère le présent projet de loi C-257, l'employé et l'employeur sont tous deux perdants. L'équilibre n'existe plus, le droit de choisir est enlevé aux deux parties. Comment peut-on vouloir imposer l'absence d'un choix aux deux parties et dire que le projet de loi C-257 fait l'unanimité? Ce n'est pas vrai; poser la question, c'est y répondre.
     On doit aussi prendre en considération un deuxième principe, avant de décider s'il faut modifier ou non une loi : celui de la preuve. Avant de modifier une loi, il faut des preuves manifestes que le changement proposé sera avantageux. Monsieur le président, il n'y a tout simplement pas de preuve démontrant que les changements contenus dans le projet de loi C-257 apportent des avantages aux relations patronales-syndicales ou encore à l'économie nationale.
    Contrairement à ce que revendiquent ceux qui sont en faveur de ce projet de loi, rien ne prouve que les lois interdisant le recours aux travailleurs de remplacement permettent de réduire le nombre d'arrêts de travail. Enfin, le nombre d'arrêts de travail par employé est considérablement plus élevé au Québec qu'en Ontario. Le Québec a une loi antibriseurs de grève, mais l'Ontario, une province dont l'économie est comparable à celle du Québec, n'en a pas et n'interdit pas le recours aux travailleurs de remplacement.
    De plus, dans les administrations où le recours aux travailleurs de remplacement est interdit, on ne remarque aucune diminution de la durée moyenne des arrêts de travail. Enfin, un certain nombre d'études universitaires indépendantes ont permis de conclure que le fait d'interdire le recours aux travailleurs de remplacement durant un arrêt de travail mène à des conflits plus fréquents et plus grands.

  (0920)  

    Monsieur le président, le droit pour les deux parties de mesurer périodiquement leur force économique respective est à la base de notre régime de négociation collective, et les résultats qui en découlent démontrent la véritable valeur des services qu'offrent les employés dans les marchés libres. Si on élimine cette mesure de discipline économique, l'une des parties pourrait maintenir une position excessive au point de rendre la situation insoutenable et de mettre l'entreprise en faillite. Est-ce là l'environnement que nous voulons créer pour nos industries clés? Je réponds non, monsieur le président, car il n'y a pas de preuve.
    En terminant, j'insiste pour dire que les dispositions actuelles du Code canadien du travail fournissent un équilibre judicieux. Elles ont bien fonctionné pendant les sept dernières années, et rien ne démontre qu'une loi interdisant l'embauche de travailleurs de remplacement réduira la fréquence ou la durée des arrêts de travail. Nous risquons de mettre en péril l'économie, si nous modifions la loi actuelle selon ce qui est proposé dans le présent projet de loi.
    Aussi, j'incite fortement les membres du comité à mettre de côté leurs politiques partisanes, à chercher l'intérêt de l'ensemble des Canadiens et la protection du système de négociation collective libre, auquel nous croyons tous fermement. J'invite donc les membres du comité à rejeter ce projet de loi.
    Merci, monsieur le président.

  (0925)  

[Traduction]

    Merci, monsieur le ministre Blackburn.
    Nous allons maintenant commencer par M. Regan. Sept minutes, monsieur.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui pour discuter de cette question du bon équilibre des relations industrielles.

[Traduction]

    Je passerais à l’anglais, si vous me le permettez, parce que je maîtrise mieux une partie de la terminologie dans cette langue.
    J’aimerais demander tout d’abord si votre service effectue le suivi des violences dans les lignes de piquetage durant les conflits de travail. Ainsi, combien d’employeurs assujettis au Code canadien du travail durant une grève ou un lock-out entre 2003 et 2005 ont eu recours à des travailleurs de remplacement durant cette période? De plus, quelle proportion de ces conflits de travail a donné lieu à des incidents violents? Pouvez-vous nous répondre là-dessus?

[Français]

    Si vous voulez, j'aimerais que madame MacPherson...
    Je reconnais que c'est une question assez technique.
    Oui, effectivement.

[Traduction]

    Puis-je demander la permission de laisser Mme MacPherson répondre?
    Bien sûr.
    Je suis Elizabeth MacPherson, directrice générale du Service fédéral de médiation et de conciliation.
    Nous ne tenons pas à jour de statistiques sur la violence dans les lignes de piquetage. Au mieux de mes connaissances, au cours des deux dernières années, des briseurs de grève n’ont pas été utilisés dans un très grand nombre de cas relevant de la compétence fédérale. Nous avons des statistiques sur le nombre de plaintes qui ont été soumises au Conseil canadien des relations industrielles et les résultats de ces plaintes, mais pour ce qui est de la réponse à votre question, c’est aussi loin que nous puissions aller.
    Peut-être pourrais-je demander au ministre que ces statistiques soient déposées ou nous soient communiquées d’ici quelques jours.
    Permettez que je passe à la question du projet de loi actuel et aux difficultés que peuvent éprouver les syndicats à prouver que le recours à des travailleurs de remplacement affaiblit leur pouvoir de négociation. Il me semble que c’est l’une des grandes inquiétudes des syndicats, car cela crée pour eux une responsabilité, qui est parfois très difficile à surmonter. Que pouvez-vous nous en dire?

[Français]

    Je reviens à la question de l'utilisation de travailleurs de remplacement et de l'importance de l'équilibre entre les forces. Si la loi que nous avons actuellement, qui a été adoptée en 1999, permettait l'utilisation de travailleurs de remplacement et qu'en contrepartie, lorsqu'un employé est en grève, il n'était pas assuré de réintégrer son poste, bien sûr, à ce moment-là, il n'y aurait pas d'équilibre. Ce serait un non-sens.
    Mais l'employeur, en cas de grève, peut utiliser des travailleurs de remplacement. Ce n'est pas dans le but de miner la représentativité du syndicat. Et l'employé qui est aux piquets de grève revient à son poste lorsque le conflit prend fin.
    Également, j'aimerais vous parler d'un autre aspect de l'équilibre des forces. Il n'est pas toujours facile de trouver un employé pour remplacer celui qui est normalement en fonction dans une entreprise. Il s'exerce donc une pression sur l'employeur. Il subit la pression de devoir trouver une personne compétente pour accomplir la fonction de celui qui est en grève, qui fait partie du syndicat qui est en grève.
    Alors, une pression s'exerce sur l'employeur afin de régler le conflit et sur les représentants du syndicat, sur les employés en grève également. Disons que, durant le conflit, les affaires de l'entreprise vont moins bien. C'est une pression. Et du côté des travailleurs, il faut qu'ils en viennent à négocier pour retourner au travail pour, bien sûr, maintenir leur gagne-pain et continuer à évoluer au sein de leurs familles et dans la société. C'est pourquoi cette loi a été soupesée, on y a réfléchi.
    Votre comité va recevoir une vingtaine de groupes, peut-être, qui ont demandé à comparaître devant vous. Je me suis informé et je crois qu'on accordera 20 minutes à ces représentants syndicaux ou patronaux ou autres. Seulement 20 minutes! Quelqu'un partira de Vancouver pour comparaître durant seulement 20 minutes devant le comité; il aura sept minutes pour présenter son allocution et 13 minutes pour répondre à des questions. On les bouscule. Il me semble que c'est un manque de respect envers ces représentants qui prennent la peine de venir ici pour vous parler, pour vous expliquer les avantages et les désavantages de ce projet de loi.

  (0930)  

    J'apprécie le commentaire du ministre, mais quand même, j'aimerais qu'on s'en tienne aux questions, s'il vous plaît.
Je veux continuer à discuter de la question de l'équilibre et de la question des travailleurs de remplacement. Dans le cas où les employeurs décident d'interdire l'entrée aux travailleurs dans les lieux de travail, pensez-vous que l'équilibre serait meilleur si on avait, dans cette situation, a ban?

[Traduction]

    Pourquoi ne seriez-vous pas en faveur de ce type de mesure, par exemple?

[Français]

    Pouvez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question, parce que j'en ai manqué une partie.

[Traduction]

    C’est ma faute d’essayer de m’exprimer dans les deux langues et de mal maîtriser ma langue seconde. Je m'excuse.
    Permettez que je réessaye. Pensez-vous qu’il y aurait un meilleur équilibre entre les employeurs et les syndicats aux termes de la loi, si l’article incluait une interdiction des travailleurs de remplacement dans les cas où les employeurs ont mis les travailleurs en lock-out? Et si non, pourquoi?

[Français]

    En cas de lock-out...

[Traduction]

    Vous avez une minute pour répondre.

[Français]

    En cas de lock-out, en principe, l'entreprise cesse ses opérations. C'est la situation dans laquelle on se retrouve. En cas de grève, c'est différent, mais lors d'un lock-out, le travail est suspendu.

[Traduction]

    Je ne suis pas certain. À l’évidence, le point dans ce cas c’est qu’il n’y a aucune interdiction pour les employeurs de recourir à des travailleurs de remplacement en cas de lock-out. Devrait-il y en avoir une? C’est là la question.
    Vous êtes en train de me dire que ce n’est pas vraiment un problème.

[Français]

    Je rappelle de nouveau l'importance de maintenir l'équilibre. Si nous empêchons l'utilisation de travailleurs de remplacement, c'est dire que nous accordons un pouvoir au mouvement syndical. Ainsi, nous rompons l'équilibre, car nous accordons à un des deux groupes en place un pouvoir extraordinaire de pression. Et cette pression est d'autant plus grande si le conflit est d'envergure nationale.
    Si les banques au Canada cessent leurs activités, si la Bourse doit suspendre les siennes, ou encore le transport aérien, avez-vous considéré l'impact de pareille situation sur l'économie canadienne? Tout le pays serait paralysé. Alors, c'est la raison pour laquelle l'utilisation de travailleurs de remplacement est importante en autant que cela ne vienne pas miner la représentativité du syndicat. La preuve, c'est que 19 plaintes ont été déposées auprès du Conseil canadien des relations industrielles. De ces 19 plaintes, 13 ont été jugées non fondées, deux autres ont été retirées, et il en reste deux qui sont toujours pendantes.
    Alors, cela fonctionne. C'est pourquoi vous devez être prudents. Soyez extrêmement prudents.

[Traduction]

    Merci, monsieur Regan.
    Nous allons passer à Mme Lavallée; vous avez sept minutes.

[Français]

    Bienvenue, monsieur le ministre. Merci beaucoup d'être venu ce matin nous parler de votre vision du projet de loi antibriseurs de grève.
    Le 5 novembre 1990, vous étiez député conservateur du même comté et vous avez voté, à la Chambre, en faveur du projet de loi d'un de vos collègues de l'époque, le député de la circonscription de Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, M. Louis Plamondon.
    Votre décision de voter en faveur de ce projet de loi n'était certainement pas basée sur les statistiques, car les statistiques du Québec démontrent qu'en 1989, 6,9 p. 100 des jours-personnes perdus l'ont été par des employés relevant de la compétence fédérale. Lorsqu'on établit des statistiques, on ne peut pas calculer la durée des conflits en nombre de jours et mettre dans le même panier les employés relevant de la compétence fédérale et ceux relevant de la compétence provinciale. Il faut faire des différenciations.
    On ne peut pas non plus calculer la fréquence, car la durée des conflits de travail peut être d'une journée, d'une demi-journée ou de trois quarts de travail. La véritable statistique, c'est le nombre de jours-personnes perdus. Il faut faire la comparaison dans la même province entre les employés relevant de la compétence fédérale et ceux relevant de la compétence provinciale.
    Lorsqu'on regarde les statistiques du gouvernement du Québec, on s'aperçoit que celles de certaines années ne sont pas très reluisantes. Je vais prendre l'exemple de l'année 2002. Au Québec, la main-d'oeuvre relevant de la compétence fédérale correspondant à environ 6 à 8 p. 100 de la main-d'oeuvre globale. En 2002, 47,8 p. 100 des jours-personnes perdus l'ont été par des employés relevant de la compétence fédérale. Ce chiffre est très loin de leur 6 ou 7 p. 100.
    Il y a eu de meilleures années, c'est vrai : 14,2 p. 100, 8 p. 100 et même 1,6 p. 100, une certaine année. Cependant, la moyenne qui figure dans les deux tableaux qu'on peut trouver sur le site du gouvernement du Québec est de 12,2 p. 100 et de 18 p. 100, de 1995 à 2004, mais il y a également des années affichant des moyennes de 47 p. 100.
    Monsieur le ministre, ce sont là les vraies statistiques que l'on doit considérer.
    Je vais faire deux commentaires et je vous laisserai réagir ensuite.
    L'équilibre dont vous parlez, c'est l'équilibre des employeurs. Le rapport Sims que vous avez cité a effectivement donné lieu à la modification du Code canadien du travail visant à autoriser le recours à des travailleurs de remplacement. M. Rodrigue Blouin a d'ailleurs produit un rapport minoritaire sur les travailleurs de remplacement. Cet homme n'est pas n'importe qui : c'est un grand intellectuel québécois et un professeur de l'Université Laval. L'ensemble de son étude repose sur le fait que les travailleurs de remplacement déséquilibrent les rapports entre l'employeur et l'employé.
    Les travailleurs de remplacement sont des intrus dans un conflit qui concernent deux parties : la partie patronale et la partie syndicale. Ces intrus viennent toujours modifier le rapport de force au profit de l'employeur, et jamais, au grand jamais, au profit de l'employé.
    Pourtant, la loi antibriseurs de grève en vigueur au Québec depuis 30 ans, depuis 1977, démontre avec force à quel point on peut atteindre une paix syndicale et respecter cet équilibre. Tant et si bien qu'au Québec, ces dernières années, on s'est aperçu que les grèves longues, pénibles et difficiles mettaient en cause des entreprises relevant de la compétence fédérale. Il y a eu la grève des employés de Vidéotron; celle de Radio Nord Communications, qui a duré 22 mois; ou encore celle de Cargill, qui a duré 36 mois. Il y a même eu une grève, celle de CHNC, une station radio de Bonaventure, qui a duré trois ans. Qu'ont fait les 12 travailleurs de remplacement, après deux ans? Ils ont demandé leur accréditation syndicale.
    Cela démontre bien que non seulement les travailleurs de remplacement sont des intrus pour ce qui est de l'équilibre dans les négociations patronales-syndicales, mais qu'ils ne sont pas des travailleurs comme les autres, puisque l'accréditation syndicale leur a été refusée.

  (0935)  

    Madame la députée, je vais faire quelques commentaires sur ces études.
    Chacun d'entre nous peut citer des études, mais je ne pense pas que nous ayons intérêt à induire les parlementaires en erreur en citant des études uniquement à des fins partisanes. L'enjeu est trop important. On parle de fonctionnement de l'économie, d'employés qui peuvent vivre une grève, qui n'ont pas de salaire...
    On parle de la qualité de vie des travailleurs
    Voilà, mais il faut également que les entreprises fonctionnent. Je veux revenir sur l'importance de l'équilibre. Voici quelques-unes des études.
    L'étude Landeo, Nikitin, en 2005, disait que la disponibilité des travailleurs de remplacement réduit la probabilité d'une grève.
     Celle de Singh, Zinni Jain, en 2005, disait que l'effet que peuvent avoir les travailleurs de remplacement dépend, entre autres, du type d'industrie dans lequel opère l'employeur, mais peuvent causer aussi des relations patronales-syndicales antagonistes.
     Une autre étude, celle de Cramton, Gunderson et Tracy, en 1999, disait que la durée moyenne d'une grève est plus longue de 32 jours dans les juridictions où on trouve des dispositions antibriseurs de grève, et que la probabilité de grève est de 12 p. 100 plus élevée.
    Lorsqu'il y a une loi antibriseurs de grève, il semble que ce soit plus long que lorsqu'il n'y en a pas, selon cette étude publiée en 1999, justement au moment où le Parlement a adopté la loi. Il y en a d'autres semblables. Vous constatez que cela contredit certaines perceptions.
    D'autre part, en ce qui concerne la durée moyenne des arrêts de travail, de 1975 à 1977, avant que les lois ne soient promulguées au Québec et en Colombie-Britannique, elle était de 28 jours, en Ontario, et de 37 jours, au Québec.
    Entre 2003...

  (0940)  

    Je vous arrête, monsieur le ministre. Plus tôt, je vous ai dit que cela n'avait pas de bon sens de comparer l'Ontario au Québec. Comparons l'Ontario à l'Ontario et le Québec au Québec.
     Au Québec, ce qu'il faut comparer, ce sont les jours-personnes perdus par des employés relevant de la compétence fédérale et les jours-personnes perdus des employés relevant de la compétence provinciale. C'est ainsi qu'il faut faire de la statistique. C'est cette statistique qui a du sens; les autres n'en n'ont aucun.
    Par exemple, au Québec, en 2002, 48 p. 100 des jours-personnes perdus l'ont été par des employés relevant de la compétence fédérale. Or, vous les incluez dans les statistiques de l'Ontario. C'est ce qui ne tombe pas sous le sens.
    Comment se fait-il que vous ne voulez pas qu'on se compare à l'Ontario, alors que c'est notre province voisine? Nos deux économies sont bien souvent interreliées. Au contraire...
     De plus, à un moment donné, la province d'Ontario a également adopté une loi antibriseurs de grève. Quelques années plus tard, elle a changé d'idée et l'a annulée. Si cela avait été bon, après l'avoir approuvée, elle ne l'aurait pas abolie. Comment se fait-il qu'on l'ait adoptée, puis qu'on l'ait abolie?
    Monsieur le ministre, vous avez invoqué cet argument à plusieurs reprises, et il est un peu bizarre.

[Traduction]

    C’est tout. Nous avons dépassé le temps imparti, soit les sept minutes.
    Je voudrais remercier Mme Lavallée.
    Je dois « chercher un équilibre » et nous parlons de M. Blouin. Il s’exprime en ces termes et je cite : « Dans cette mesure, l’objectif d’interdire le recours à des travailleurs de remplacement ne peut être d’empêcher l’entreprise de réaliser ses activités ». Il ajoute « l’employeur ne peut être empêché de sous-traiter du travail... Cette option que la sous-traitance confère à l’employeur devient donc cruciale, tout comme la capacité de trouver du travail ailleurs durant le conflit devient cruciale pour l’employé ».
    C’était une citation de M. Blouin, extraite de ce qu’il a dit dans son rapport minoritaire.
    Nous allons passer à Mme Davies, s’il vous plaît, durant sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci au ministre pour sa comparution aujourd’hui sur ce projet de loi très important.
    Vous avez fait un commentaire sur la durée du temps alloué aux témoins. Je dirais que j’ignore si c’est différent des commissions d’étude ou du temps accordé aux témoins sur d’autres sujets ou projets de loi. Je pense que nous suivons les procédures normales pour examiner ce projet de loi et entendre les témoins.
    Toutefois, compte tenu de vos commentaires et après avoir entendu ce que vous avez dit aujourd’hui, il me semble que le point essentiel c’est que vous souhaitez maintenir l’équilibre actuel. Vous avez beaucoup parlé de « maintenir l’équilibre ». Je pense que c’est une question très cruciale du point de vue de ce projet de loi, parce que de la façon dont je le vois tel qu’il est à l’heure actuelle, l’absence de loi antibriseurs de grève signifie qu’il n’y a pas d’équilibre adéquat. Lorsque les travailleurs se mettent légalement en grève et qu’ils constatent que des travailleurs de remplacement peuvent être utilisés, il me semble que cela crée un déséquilibre. C’est un élément qui fournit un outil essentiel en faveur d’un employeur, qui lui permet de briser la grève qui a été organisée et décidée légalement. Je pense qu’un grand nombre d’entre nous considèrent la législation antibriseurs de grève comme un élément qui maintient concrètement l’équilibre. Le projet égalise les règles du jeu.
    Je suis passablement surprise de constater que le gouvernement fédéral, votre ministère, ainsi que le ministre, utiliseraient ce climat de peur qui, selon moi, est créé par certains employeurs, sous prétexte que cette loi va créer le chaos. C’est ce que sous-entendent les messages que nous voyons dans les annonces et je suis convaincue que nous allons en entendre parler aujourd’hui. Il semble que vous ajoutez au message qu’il y aura un climat de confusion et de chaos. Il est évident que les gens seront craintifs.
    Ce que vous n’avez pas dit, c’est que lorsqu’il y a une législation antibriseurs de grève, il existe un processus. Par exemple, en Colombie-Britannique, d’où je viens, il existe un processus pour examiner ce qui est considéré comme des services essentiels. Concernant votre exemple d’examen des services aéroportuaires, par exemple, sous compétence fédérale, si ce projet de loi entrait en vigueur — il nous faut à l’évidence examiner les modifications, etc. — d’après ce que nous savons des autres lois, il y aurait à l’évidence un mécanisme pour traiter les composantes essentielles. Je veux dire que nous l’avons déjà dans d’autres administrations. Une fois de plus, c’est un élément qui fait partie de l’égalisation des règles du jeu et d’une approche équilibrée. Je suis réellement surprise de votre position ici, lorsque vous dites que vous maintenez un équilibre, mais que concrètement, vous êtes contre un projet qui assurerait concrètement l’égalisation des règles du jeu.
    En second lieu, d’après vos commentaires, je déduirai que vous appuyez le principe des travailleurs de remplacement. Vous estimez qu’ils devraient être en mesure d’intervenir et, dans les faits, de perturber une grève légale. D’après ce que j’ai entendu de vous aujourd’hui, c’est vraiment ce que vous dites lorsque vous vous exprimez contre cette loi. Devons-nous supposer que vous appuyez les travailleurs de remplacement et que l’employeur devrait avoir le droit d’y recourir?

  (0945)  

[Français]

    Madame la députée, vous pensez que lorsqu'on utilise des travailleurs de remplacement, on rompt l'équilibre. Ce n'est pas vrai, surtout lorsqu'il s'agit d'un conflit d'envergure nationale.
    Tout d'abord, le projet de loi C-257 ne couvre pas les services essentiels. Comment va-t-on faire, à l'échelle canadienne, pour maintenir des services essentiels? Il faudra qu'on en instaure dans tous les sous-groupes de travailleurs? Comment cela va-t-il fonctionner? N'importe quel petit groupe d'employés a le pouvoir de paralyser l'économie. Un petit groupe est en grève dans un aéroport, celui-ci doit fermer, et le transport aérien est suspendu au pays. L'exemple vaut pour un autre petit groupe qui s'occupe des services aux passagers à bord des trains. Cela s'applique à la plus petite composante de n'importe quel service qu'on trouve au pays. On suspend le service Internet, et l'économie du pays est paralysée.
    Ce n'est pas une question d'importance mineure, c'est majeur. Il faut pouvoir conserver cet équilibre en permettant l'utilisation de travailleurs de remplacement. Je le répète, l'employé qui est en grève, quand la grève est terminée, retourne à son poste. Il n'est pas congédié, il est obligé de reprendre ses fonctions. Un employé qui refuse de travailler durant une grève ne peut pas être pénalisé par l'employeur. L'employé est protégé par la loi actuelle.
     Je rappelle l'importance de considérer les choses sous un angle national. Que ferons-nous si, à un moment donné, les bagagistes sont en grève et qu'il n'y a plus de transport au pays? Combien de temps peut-on endurer cela? Combien de temps peut-on faire fonctionner le pays? Combien de temps peut-on fonctionner, si on ne peut plus aller à la banque? Une journée, deux jours, trois jours, trois mois, trois ans? Combien de temps?
    C'est à cela que vous, les députés, serez confrontés si vous adoptez votre projet de loi. C'est ce qui nous arrivera. C'est pour cette raison qu'il est important de maintenir cet équilibre. La loi actuelle est équilibrée. Il y a eu consensus entre les partis, et à l'époque, le gouvernement libéral et les conservateurs étaient d'accord. Tout le monde trouvait que cela, effectivement, avait du sens. Tout à coup, les libéraux ont pu... Je ne sais pas quel est la position de nouveau chef, mais je fais appel à son leadership pour ramener les gens à l'ordre. La récréation est terminée; c'est un débat sérieux.

[Traduction]

    J’espère que le nouveau leader du Parti libéral sera en faveur de ce projet, parce qu’il est très juste et équitable.
    Il me semble que la réponse que vous avez fournie soulève la question du fait que lorsqu’il y a un conflit, il existe des dispositions et des mécanismes dans toutes les administrations pour traiter les services essentiels. C’est une chose que l’on fait au cas par cas. Je ne vois pas que la situation soit différente dans ce cas.
    Une fois de plus, j’ai vraiment l’impression que vous créez un climat de peur, alors que cela n’est pas nécessaire. En termes de détermination, généralement avec un tiers, il existe des dispositions pour traiter les services essentiels, et à la fois l’employeur et le syndicat peuvent participer. Cela existe déjà. Êtes-vous d'accord? C’est un mécanisme qui existe à l’échelle du pays et qui pourrait être utilisé sous compétence fédérale.
    Monsieur le ministre, il vous reste de 10 à 15 secondes. Une réponse rapide, s’il vous plaît.

[Français]

    Avant de nous dire que nous voulons provoquer un climat de crainte, il faut regarder la réalité en face. Je le répète, tout cela est national. Vous devez le constater. L'économie du pays doit continuer de fonctionner, et la loi en place...
    Croyez-vous que, lorsque le gouvernement précédent a analysé cette loi en 1999, cela s'est fait à la va-comme-je-te-pousse et rapidement? Elle a été longuement étudiée et examinée. Voilà pourquoi nous avons décidé de permettre l'utilisation des travailleurs de remplacement. Par contre, après la grève, l'employé revient à son poste, et la représentativité du syndicat ne peut pas miner cela. Il y a une espèce d'équilibre.
     Si nous avions dit à l'employeur qu'il pouvait utiliser les travailleurs de remplacement et que, lorsque les gens entrent dans l'entreprise, ceux qui sont dehors doivent y rester, on aurait alors pu dire qu'il n'y avait pas d'équilibre et qu'on avait favorisé l'employeur au détriment du syndicat et des employés.
    Toutefois, ce n'est pas ce que les parlementaires ont décidé : ils ont eu la bonne idée de tabler sur l'équilibre afin que ça fonctionne, et ça fonctionne depuis 1999. Je le répète, il y a eu 19 plaintes : 14 ont été retirées, 2 ont été rejetées et 2 sont en instance devant le Conseil canadien des relations industrielles.

  (0950)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Blackburn.
    Nous allons passer maintenant à la dernière ronde de sept minutes.
    Monsieur Lake, s’il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, pour votre présence aujourd'hui.
    J’aimerais tout d’abord faire un commentaire sur un élément dont on a parlé Mme Davies. Elle a utilisé à plusieurs reprises la phrase « climat de peur de la part des employeurs ». Je trouve cela intéressant, étant donné que pratiquement tous les lobbyistes qui ont communiqué avec mon bureau m’ont parlé de l’incidence de la violence accrue dans les lignes de piquetage et d’incidents similaires, dans l’éventualité où ce projet de loi ne serait pas adopté. Je trouve cela intéressant d’entendre la terminologie « de la part des employeurs » utilisée dans ce cas par Mme Davies.
    J’aimerais parler rapidement des personnes de ma circonscription à ce sujet. J’ai de nombreux membres de syndicats dans ma circonscription et cela inclut de nombreux amis. Je peux vous affirmer que je ne vois rien de tout cela. Ce ne sont pas des gens violents. Ce sont des gens qui travaillent fort. Ils veulent une justesse, et ils veulent être traités équitablement. Pour l’essentiel, la plupart d’entre eux estiment être traités équitablement par les employeurs, qui travaillent également très fort. Sur cette question, l’équilibre est le mot clé, et nous avons cet équilibre actuellement.
    Mais avant tout, j’aimerais poser au ministre une question de base. Je voudrais qu’il répète pour quelle raison il estime si inadéquat à ce stade de faire passer ce projet de loi visant à interdire les travailleurs de remplacement.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le député. Je pense qu'on peut considérer une autre donnée. Comparons l'augmentation de salaire dont les employés relevant de la compétence fédérale ont bénéficié au cours des dernières années à celle dont on a bénéficié là où une loi antibriseurs de grève est en vigueur. Je pense qu'il s'agit d'une donnée intéressante.
    Au fédéral, en 2005, l'augmentation salariale a été de 2,5 p. 100. En Ontario, elle a été de 2,3 p. 100, et au Québec, de 2,4 p. 100. Quelqu'un peut-il prétendre que les employés relevant de la compétence fédérale sont les plus bas salariés, si on compare leur situation à celle qui prévaut dans les provinces, et que leurs salaires ne sont pas comparables? Je crois que non. Je pense que tout le monde peut convenir qu'il existe une espèce d'équilibre à cet égard, que vous soyez un employé du fédéral ou du provincial. Peu importe de quelle compétence les travailleurs relèvent, ça fonctionne bien. C'est une autre donnée importante.
    On pourrait dire qu'il y a un problème si des travailleurs de remplacement n'avaient pas de bons salaires comparativement aux autres et qu'ils ne bénéficiaient pas des mêmes augmentations de salaire. Toutefois, le problème n'existe pas. Je vous répète les chiffres. Les pourcentages étaient de 2,5 p. 100 au fédéral, de 2,3 p. 100 en Ontario, de 2,4 p. 100 au Québec et de 2,3 p. 100 en Colombie-Britannique, en 2005. En fait, vous voyez que celui du fédéral est un peu plus élevé.
    Monsieur le député, je voudrais vous faire part d'un autre élément. Après que le projet de loi ait franchi l'étape de la deuxième lecture, les gens d'affaires ont commencé à s'apercevoir de ce qui était en train de se passer. La présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada, Mme Nancy Hughes Anthony, a déclaré ceci :
Il s’agit d’un soi-disant remède sans problème. Et c’est un remède qui causera en fait de plus grands problèmes parce qu’il pourrait donner lieu à la fermeture de services de transport, de télécommunications et financiers essentiels qui sont à la base de notre économie et sur lesquels les Canadiens comptent.
    La semaine dernière, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui représente 90 p. 100 des PME, a émis une opinion semblable en disant qu'il fallait arrêter ça, car ça n'avait pas de sens. De plus, le projet de loi C-257 ne parle pas de services essentiels.
    C'est pourquoi vous ne devriez même pas étudier ce projet de loi article par article, vous devriez le rejeter. Cela n'a pas de sens.

[Traduction]

    Il existe une disposition traitant les travailleurs de remplacement actuellement dans le Code canadien du travail. Selon les dispositions, des plaintes peuvent être soumises au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). Pouvez-vous nous dire combien de fois le conseil a déclaré un employeur coupable de recourir à des travailleurs de remplacement depuis l’entrée en vigueur de ce nouveau document législatif en 1999?

  (0955)  

[Français]

    Depuis 1999, des représentants de différents syndicats ont porté plainte au Conseil canadien des relations industrielles à 19 reprises sous prétexte que l'employeur avait utilisé des travailleurs de remplacement dans le but de miner leur représentativité syndicale. Le Conseil canadien des relations industrielles a pour mission immédiate de se pencher sur de telles questions. De ces 19 plaintes, 14 ont été retirées : la partie concernée a décidé qu'elle la retirait. Par la suite, deux ont été rejetées et deux autres sont toujours analysées par le Conseil canadien des relations industrielles. Si vous faites le calcul, 19 plaintes en sept ans représentent en moyenne deux ou trois plaintes par année. Vous voyez que cette loi fonctionne bien.

[Traduction]

    Je voudrais juste parler rapidement des services essentiels. On en a parlé à quelques reprises. Pensez-vous que les dispositions proposées concernant les services essentiels sont adéquates?

[Français]

    Il n'y en n'a pas. Aucun service essentiel n'est prévu dans le projet de loi. Les services essentiels existent dans les provinces, pour les domaines de la santé et de l'éducation, qui sont de compétence provinciale. Par contre, dans le présent projet de loi, aucun service essentiel n'est prévu. Si ce projet de loi est approuvé, le 911 pourrait cesser de fonctionner, car il n'existe pas de services essentiels, rien n'est prévu.
    Comme je l'ai déjà dit, pour instaurer des services essentiels, il faudrait prévoir chaque petite catégorie, par exemple dans le domaine du transport aérien, dans le domaine du transport ferroviaire et des télécommunications. Il faudrait prévoir des services essentiels pour chaque petite section, pour que le système fonctionne. C'est compliqué.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lake.
    Un dernier commentaire, monsieur Sheikh.
    Le CCRI n’a pas une seule fois déclaré un employeur coupable, en réponse à la question que vous avez posée. Le débat dans ce cas a porté sur la différence entre les services essentiels et non essentiels. Je pense qu’il existe une catégorie intermédiaire, à savoir, selon les propres mots du ministre, les services vraiment importants. La question dans ce cas c’est faut-il ou non déclarer ces services vraiment importants essentiels ou laisser les parties s’en occuper, de sorte qu’ils ne fonctionnent pas sur une base normale, mais sur la base de services quelque peu réduits. C’est l’objet de la législation existante, qui se contente d'affirmer ce qui n’est pas essentiel, mais cela n'est pas non plus sans importance; laissons donc les deux parties s’entendre sur ce point. L’entreprise peut réduire sensiblement ses niveaux d’activité et les travailleurs peuvent faire grève.
    Nous allons passer à notre seconde ronde, qui sera de cinq minutes.
    Nous commencerons par M. D'Amours.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, et merci aux gens qui vous accompagnent de comparaître devant ce comité au sujet du projet de loi C-257.
    Monsieur le ministre, je vais plutôt émettre un commentaire, auquel vous pourrez répondre si vous le voulez.
    On dirait que pour vous, il n'y a absolument rien de bien dans le fait de vouloir se pencher sur un projet de loi portant sur les travailleurs de remplacement. Depuis votre arrivée, on dirait presque une campagne de peur. C'est comme si vous vouliez transmettre comme message à la population que c'est terrible et que ça n'a aucun sens.
    Il doit tout de même y avoir des aspects de ce projet de loi qui méritent d'être considérés. Je ne suis pas convaincu qu'une campagne de peur soit la meilleure façon de faire part des faits et d'aviser adéquatement la population. Comme on l'a déjà dit avant, il faut vous rappeler que vous avez déjà été député et que vous avez voté en faveur d'un projet de loi semblable. Je ne pense pas qu'à cette époque, vous ayez fait une campagne de peur et ayez dit d'un projet de loi de ce genre qu'il n'avait aucun sens.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de tout cela.
    Monsieur le député, je veux rappeler la chose suivante. Un député à qui ce genre de question est soumise et qui, par la suite, doit assumer les responsabilités de ministre du Travail doit alors considérer les choses sous un angle national, et j'insiste vraiment sur la question de l'angle national. Les secteurs qui sont de notre ressort, par exemple les transports, les banques et les télécommunications, sont des services dits nationaux.
    C'est comme si, tout à coup, le fonctionnement de l'économie n'était plus un service essentiel. C'est comme si on avait oublié cette dimension extrêmement importante pour le bon fonctionnement du Canada. Lorsque, en tant que parlementaires, vous allez analyser le présent projet de loi, vous allez devoir considérer la façon dont cette loi sera appliquée sur le terrain, une fois qu'elle aura été votée. Il vous faudra voir ce qu'il en est et vous demander si l'économie canadienne ou la santé de celle-ci est un facteur très important, d'intérêt national. C'est dans cette optique qu'on doit analyser les choses.
    Dix fois en quinze ans, si mes souvenirs sont exacts, les gens du Bloc québécois sont revenus à la charge avec cette question. Or, même si ce projet de loi est adopté, ils n'auront jamais à le faire appliquer. C'est vous, les parlementaires, et ceux qui vous succéderont, qui auront cette responsabilité. Pour cette raison, vous devez faire preuve de prudence et tenir compte du principe d'équilibre.
    Je pourrais vous dire que la loi actuelle n'est pas bonne et qu'il faut la changer: ce n'est pas notre gouvernement qui l'a adoptée. Mais au contraire, je ne le ferai pas. Nous étions d'accord avec vous.

  (1000)  

    Monsieur le ministre, vous dites que le Bloc québécois est revenu 10 fois à la charge. Même s'il s'agissait de 25 fois, il reste qu'à l'époque, en tant que député, vous avez quand même dû trouver que cette question avait un peu de sens. Si je me rappelle bien, vous étiez au gouvernement, et c'était un de vos collègues qui présentait ce projet de loi privé. C'est un commentaire personnel auquel je n'attends pas de réponse.
    Cela étant dit, mon inquiétude concerne les situations de bris majeur. Prenons l'exemple des lignes téléphoniques. Selon vous, dans l'éventualité d'un bris majeur, peu importe les raisons, le projet de loi actuel ou des amendements à ce dernier permettraient-ils de rectifier la situation sans avoir recours aux cadres? On sait en effet que les cadres demeurent disponibles pour travailler.
       Croyez-vous que si une telle disposition n'est pas incluse, elle pourrait l'être? Il faudrait essayer d'éliminer toute possibilité que des situations comme celles que vous avez décrites se produisent, en l'occurrence le 911 qui ne fonctionnerait pas, et ainsi de suite. D'une façon ou d'une autre, on doit pouvoir s'arranger pour que quelque chose fonctionne.
    Monsieur le député, j'aimerais revenir sur certains points. La loi a été changée entre le moment où nous étions au pouvoir, soit de 1984 à 1993, et l'année 1999. En 1999, c'est votre gouvernement qui l'a amendée, précisément dans le but de pouvoir recourir à des travailleurs de remplacement. Il était clair, cependant, que ça ne devait jamais se faire dans le but de miner la représentativité du syndicat. Les correctifs ont été apportés entre la période où nous étions au pouvoir et l'année 1999. Je vous rappelle encore qu'en 1995, en Ontario, le gouvernement a retiré la loi antibriseurs de grève et qu'en 2004, l'autre gouvernement, qui était libéral, a revu la loi et a décidé d'en maintenir le retrait. Il n'y a donc pas de loi antibriseurs de grève en Ontario.
    D'autre part, je veux souligner que toutes les parties du Code canadien du travail sont reliées entre elles. Or, vous en isolez une petite partie et vous la modifiez sans prendre en considération les conséquences que ça peut avoir. En effet, le projet de la loi C-257 ne tient pas compte de ces répercussions. Il brise l'équilibre.

[Traduction]

    Merci, monsieur D'Amours.
    Nous allons passer à M. Lessard, cinq minutes, s’il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence, ce matin.
    Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement et j'essaie de faire la part des choses. C'est la deuxième fois que vous venez témoigner devant nous. J'ai vraiment de la difficulté à saisir les raisons pour lesquelles vous défendez ce point de vue. Je pense que, tout comme moi, vous avez grandi au Québec. Vous êtes probablement plus jeune que moi, mais vous avez sûrement eu connaissance du conflit à la compagnie Robin Hood, qui a duré plusieurs mois. Il y avait des briseurs de grève et des fiers-à-bras du côté de l'employeur. Il y a même eu des coups de feu.
    Vous avez sûrement été témoin aussi du conflit à la Commonwealth Plywood Ltée — où des gens ont été gazés —, chez Robin Hood, à la Presse, chez Pratt & Whitney, où la police est entrée à l'intérieur avec une brigade anti-émeute pour bardasser les ouvriers et les sortir, alors que des gens avaient volé leurs emplois. Cela s'est passé dans les années 1970-1976. Vous avez eu connaissance de cela probablement par les médias, tout comme nous. J'étais un négociateur dans le domaine des relations de travail. Je peux vous dire que depuis qu'il y a une loi antibriseurs de grève au Québec, on n'a pas eu l'occasion de revoir des choses semblables.
    En ce qui a trait aux services essentiels, il y a eu des grèves, y compris dans les hôpitaux, dans l'enseignement, à la Société des alcools du Québec. Ce furent de longs conflits. Il ne faut pas penser que les ouvriers sont des sauvages. Lorsque les ouvriers s'aperçoivent que leur entreprise pourrait être en péril ou encore que la sécurité de la population n'est pas assurée, ils négocient des services essentiels avec leur employeur. Avant même que les services essentiels existent, ces négociations étaient faites, ce qui a amené le gouvernement du Québec à adopter une loi sur les services essentiels et à créer le Conseil des services essentiels, sur la base de l'expérience des deux parties.
    Monsieur le ministre, vous dites que le projet de loi ne contient pas de mesures pour les services essentiels. Ces mesures incombent au gouvernement. Si vous croyez que le projet de loi, qui est devant nous, nécessite des balises supplémentaires et des mesures relatives aux services essentiels, il me semble que c'est au gouvernement d'en faire la proposition, comme le gouvernement du Québec l'a fait, à un moment donné. Ce ne sont pas les syndicats ni les ouvriers qui ont présenté la loi sur les services essentiels, c'est le gouvernement. Le débat s'est fait démocratiquement, et on a atteint un équilibre relativement à la nouvelle loi.
    Avez-vous l'intention de présenter une loi sur les services essentiels? Attendez-vous plutôt que les syndicats vous fassent signe en ce sens?

  (1005)  

    Monsieur le député, vous parlez de conflits de travail, de coups de feu, etc. Je pense qu'il est tout à fait faux de penser que, parce qu'il y a une loi antibriseurs de grève, de tels gestes — tout aussi inacceptables soient-ils — ne pourraient pas se produire.
    L'argumentaire est aussi valide dans un sens que dans l'autre. Ce sont des gestes répréhensibles.
    Je vous ferai respectueusement remarquer, monsieur le ministre, que le fait que des gens prennent votre place et votre gagne-pain est provocateur.
    Reconnaissez-vous que depuis 1977, des conflits avec violence — comme vous l'indiquez — ne se sont pas répétés dans les entreprises relevant de la compétence provinciale? Par contre, lorsque cela s'est produit, c'était à très petite échelle, non pas à grande échelle comme on le voit.
    En ce qui a trait aux conflits relevant de la compétence fédérale, notamment chez Cargill, on a vu aussi des rapports de force assez brutaux. On pourrait donner d'autres exemples. Je ne veux pas faire de l'enflure verbale, mais qu'on s'en tienne à des choses concrètes.
    Êtes-vous conscient du fait que ce phénomène s'est produit après l'adoption de la loi?
    À cet égard, avez-vous discuté avec vos vis-à-vis des provinces où il y a une loi antibriseurs de grève? Avez-vous parlé avec vos vis-à-vis, par exemple du Québec, de l'expérience de leur loi antibriseurs de grève? Eux, au Québec, ne la remettent pas en question. Pourtant, leur expérience est beaucoup plus concrète que celle de l'Ontario. Avez-vous jasé avec ces gens-là?

  (1010)  

[Traduction]

    Pourriez-vous nous donner une réponse rapide, monsieur le ministre. Nous avons presque épuisé le temps imparti.

[Français]

    Avez-vous pensé que si le projet de loi C-257 était adopté par la Chambre des communes, les gens pourraient poser des gestes excessifs parce que l'économie du pays s'en trouverait complètement paralysée?
    Monsieur le ministre, est-ce arrivé au Québec?
    On ne peut pas argumenter là-dessus, monsieur le député, il s'agit là d'un faux débat.
    C'est vous qui l'avez amené, monsieur le ministre.
    C'est vous qui l'avez amené.

[Traduction]

    Un instant, nous sommes en plein débat.

[Français]

    C'est vous qui dites, monsieur le ministre, que cela va déséquilibrer l'économie. Ce n'est pas arrivé au Québec.

[Traduction]

    C’est tout le temps dont nous disposons, monsieur Lessard.
    Nous allons passer à la prochaine ronde. C’est du temps supplémentaire.
    Nous allons passer à Mme Davies. Allez-y, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci infiniment.
    Le dernier commentaire, c’est que si ce projet de loi était adopté, nous allons finir par paralyser l’économie. Je pense que c’est une déclaration très irresponsable. Je ne pense pas qu’il existe de preuves que cela arrive si le projet de loi est adopté. Nous avons une loi antibriseurs de grève en Colombie-Britannique. Nous n’avons vu aucune preuve que cette loi ait eu des conséquences nocives quelconques. En fait, c’est tout à fait le contraire. Elle a contribué à la création d’un environnement de stabilité, de compréhension et de paix sociale. Les seules difficultés que nous ayons eues correspondent aux conflits qui relèvent de la compétence fédérale. Étant donné que nous n’avions pas ce type de législation, nous avons eu des difficultés. Je voulais juste faire ce commentaire.
    Nous aimerions également rappeler que le projet de loi sur lequel nous avons voté était un projet de principe, et donc, nous parlons des principes de ce projet. Nous sommes maintenant réunis en comité pour examiner le projet de loi en détail et examiner quels sont les changements ou modifications à effectuer. Aussi, c’est ce que j’aimerais vous demander. Il me semble qu’en tant que ministre, vous avez la responsabilité d'examiner ce projet de loi et quelles sont les améliorations, selon vous, qui peuvent être effectuées.
    Le fait est que maintenant, aux termes du Code canadien du travail, à l’article 87.4, il existe une disposition selon laquelle un employeur ou un syndicat peut s’adresser au CCRI, lorsqu’ils ne sont pas parvenus à un accord concernant ce qui est considéré comme un service essentiel. Il existe donc une disposition à l’heure actuelle. J’aimerais savoir si vous estimez cela adéquat ou si vous estimez que nous ayons besoin de dispositions supplémentaires.
    Je pense qu’il serait beaucoup plus constructif si, en tant que ministre, vous fournissiez de l’information utile à ce comité concernant ce que vous aimeriez voir, en termes de projet de loi, pour l’améliorer, à votre point de vue. Il est possible que nous soyons en accord ou en désaccord avec vous, mais au moins, nous aurions le bénéfice de votre analyse constructive, plutôt que de déclarations bizarres concernant le fait que ce projet de loi paralysera l’économie. Je suis abasourdie qu’on fasse une telle affirmation.

[Français]

    Madame la députée, on peut prévoir certaines situations d'urgence, mais de façon limitée. En vertu de l'article 87.4 du Code canadien du travail, l'employeur, le syndicat et les employés de l'unité de négociation sont tenus de maintenir certaines activités pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public.
    Si une grève nationale est déclenchée, si les banques sont paralysées, cela ne menace pas la santé ni la sécurité d'une personne, mais toute l'économie s'en trouve paralysée.
    En tant que ministre du Travail, ma responsabilité consiste à tenter de faire en sorte que les parties à un conflit de travail puissent discuter adéquatement. À cette fin, nous avons mis en place des mécanismes de conciliation, d'arbitrage et autres.
     Le projet de loi C-257 vient changer la donne. Certains secteurs d'activité, qui sont de compétence fédérale, sont cruciaux pour l'économie canadienne — notamment les transports, les communications, les aéroports et les ports — et touchent toutes les régions du pays. Si une partie ou une unité de ces grands services déclenche une grève et que l'employeur ne peut pas utiliser certains travailleurs de remplacement, c'est tout le pays qui peut s'en trouver paralysé.
    Il ne faut pas donner à l'une ou l'autre des parties un pouvoir trop grand. Si vous donnez à une partie le pouvoir de tout paralyser, cela peut avoir des conséquences énormes. C'est pourquoi il est important d'essayer de garder cet équilibre.

  (1015)  

[Traduction]

    Merci. C’est tout le temps dont nous disposions.
    Nous allons passer à la dernière personne de cette ronde de questions et de cette séance de la première réunion.
    Monsieur Anders, vous avez cinq minutes.
    Monsieur le ministre, à ce que je sache, un petit syndicat comme un syndicat de manutentionnaires de bagages dans un aéroport pourrait fort bien paralyser l’aéroport. Je vais donc devoir prendre pour hypothèse que toutes ces unités ne seront pas considérées comme essentielles, selon les déclarations des autres membres.
    Dans ce cas, cela soulève des scénarios intéressants. En ce qui concerne nos aéroports, si vous fermez Halifax et Montréal, par exemple, cela signifierait que pour certains produits qui peuvent être expédiés à partir de ces villes, comme les fruits de mer ou le homard, il serait préférable de passer par Boston ou New York. Des entreprises comme FedEx ou Emery ou DHL ne verraient pas l’utilité d’utiliser ces villes comme aéroports pivots. Il leur serait beaucoup plus profitable d'utiliser Boston ou New York.
    De plus, lorsqu’on parle de certains produits, comme les textiles, par exemple, il semble justifié qu’un plus grand nombre d’emplois soient transférés en Chine, plutôt que de fabriquer les textiles ici, si l’approvisionnement est interrompu ou pose problème. Les produits agricoles pourraient également être obtenus dans d'autres pays. Et même pour certaines industries spécialisées, comme Bombardier, franchement, leurs machines et leurs outils et ce genre de produits seraient plus faciles à obtenir d’autres pays.
    Même certaines industries, par exemple l’hydroélectricité, si elles étaient touchées par ces problèmes et si le Canada, et plus précisément le Québec, devenait un fournisseur non fiable d’hydroélectricité au nord-est des États-Unis, ces industries seraient contraintes de trouver d’autres sources et cela aurait vraisemblablement une incidence sur les prix et autres choses.
    Je me demandais si vous pourriez nous faire des commentaires sur une partie de ces points.

[Français]

    Monsieur le député, je pense que nous sommes tous en mesure de concevoir l'impact d'une grève dans n'importe quel secteur de l'activité économique et plus particulièrement lorsqu'il y a une dimension nationale, comme c'est le cas des secteurs névralgiques que nous couvrons, qui relèvent de la compétence fédérale. Un million quatre cent mille travailleurs relèvent de notre compétence, dont 600 000 dans le secteur public et 800 000 dans le secteur privé.
     C'est pour cela que, lorsque les parlementaires ont analysé la loi en 1999, ils ont décidé, à la suite des recommandations du rapport Sims, d'introduire ce nouveau concept qui permettait l'utilisation de travailleurs de remplacement — ce qui ne devait pas se faire dans le but de miner la représentativité du syndicat — et accordait au Conseil canadien des relations industrielles le droit d'intervenir immédiatement lorsque cela se produisait. Je pense que c'était le modèle par excellence pour l'équilibre des relations patronales-syndicales.
    On veut briser cet équilibre alors que les services essentiels ne sont pas prévus. Or, la façon d'établir ces services essentiels est très complexe. On a toujours vu la santé du public et la sécurité comme des services essentiels. Notre propre vie et notre santé ne doivent pas être en danger.
     Mais là, il va falloir décider tout à coup que les services essentiels incluent aussi l'économie canadienne. Je ne crois pas qu'autour de la table, en trois ou quatre jours, on puisse imaginer et prévoir tous les changements nécessaires à apporter à une loi afin de couvrir tout cela. C'est un travail immense, colossal auquel il faudra s'attaquer. C'est pour cela que j'estime que le présent projet de loi doit être retiré. L'équilibre est maintenu, depuis que la loi a été votée, en 1999.
     Je veux vous rappeler, monsieur le député, qu'en 1995, quand l'Ontario a décidé de reculer, ce n'était pas pour rien. Elle avait une loi antibriseurs de grève. Elle a changé d'idée et l'a retirée. En 2004, le gouvernement libéral de McGuinty l'a révisée et il a décidé de ne pas restaurer la loi antibriseurs de grève.
     De plus, on constate que là où il y a des lois antibriseurs de grève, les conflits sont plus longs que là où il n'y en a pas. Il faut bien penser qu'ailleurs aussi, certains conflits ont duré longtemps. Il ne faut pas que les députés pensent qu'il n'y a pas de longs conflits quand il y a une loi antibriseurs de grève. Des exemples existent, et j'aurai l'occasion d'en reparler un peu tout à l'heure. Vous verrez que certains conflits durent aussi très longtemps même s'il y a une loi antibriseurs de grève. Aucune preuve n'existe à l'effet que tout cela change lorsqu'il n'y a pas de loi antibriseurs de grève. Les preuves ne sont pas évidentes. On ne peut pas changer une loi en fonction d'une supposée preuve.

  (1020)  

[Traduction]

    Les cinq minutes passent vite.
    J’aimerais prendre ces quelques instants, maintenant que nous récapitulons, pour remercier le ministre de sa présence aujourd'hui. À ce que je sache, votre personnel a déclaré que dans l’éventualité où nous aimerions vous entendre à nouveau sur cette question, vous seriez prêt à revenir jeudi, ou l’an prochain, si nous décidons d’entendre d’autres témoins lorsque nous nous réunirons à nouveau en février, si c’est là le désir du comité.
    Je sais que certains témoins n’ont pu se présenter en raison des courtes échéances. Même aujourd'hui, certains n’ont pu se présenter en raison de conflits.
    Est-ce exact que vous êtes prêt, monsieur Blackburn, si le comité le souhaite, à revenir nous parler du projet de loi C-257, si nécessaire?

[Français]

    Monsieur le président, devant l'importance de l'enjeu et du maintien de l'équilibre dans le domaine des relations patronales-syndicales, on a tous intérêt à prendre des décisions qui soient dans le meilleur intérêt du Canada, des entreprises, des entrepreneurs, des syndicats et des employés non syndiqués, car si l'économie était paralysée, eux aussi en subiraient les conséquences. Tout le monde écoperait.
    Monsieur le président, j'aimerais rappeler en terminant que malgré l'existence d'une loi antibriseurs de grève, la grève du Syndicat des travailleurs de la Mine Noranda a duré 11 mois; celle de la Société des alcools du Québec, trois mois; et celle des employés de Lallemand, cinq mois. Plus récemment, la grève des employés de l'entreprise Les Moulins Maple Leaf Ltée a duré plus d'un an.
    Qu'il y ait ou non une loi antibriseurs de grève, on ne peut empêcher les longs conflits. C'est malheureux; tout le monde souhaite arriver à une entente, mais cela fait partie de la libre négociation des conventions collectives.
    Merci à vous tous.

[Traduction]

    Merci une fois de plus d’avoir pris le temps de venir aujourd'hui.
    La séance est levée.