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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 6 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Il s'agit de la 28e réunion du Comité permanent de la condition féminine .
    La réunion est filmée par la chaîne CPAC pour diffusion ultérieure. Nous soulignons aujourd'hui la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes, qui a été reconnue par tous les députés présents à la Chambre.
    Avant d'entamer nos travaux, je tiens à rappeler à nos membres qu'ils devraient avoir reçu une enveloppe brune à leur bureau; il s'agit d'un exemplaire de l'ébauche du rapport. Pour ma part, j'ai reçu le mien il y a à peu près deux heures, et je crois que tous les autres ont été envoyés en même temps. Les attachés de recherche et la greffière me l'ont d'ailleurs confirmé. Tout le monde devrait donc l'avoir en main. Par conséquent, je vous serais reconnaissante de bien vouloir le lire attentivement avant la réunion de demain, malgré votre emploi du temps assez chargé. Nous nous réunissons pendant trois heures demain, et j'espère que nous aurons le temps d'aborder le rapport à la fin de la journée.
    Nous allons maintenant passer à la tribune ouverte. Aujourd'hui, nous accueillons des témoins assez nombreux. Nous entendrons donc le Conseil national des femmes du Canada, qui sera représenté par Catharine Laidlaw-Sly, puis l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, dont le porte-parole est Mme Leilani Farha; vient ensuite l'Association nationale de la femme et du droit, représentée par Mme Andrée Côté, et l'Association des femmes autochtones du Canada, dont la porte-parole est Mme Sherrey Lewis, directrice exécutive. Nous devions aussi accueillir l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada, mais l'organisme a malheureusement dû annuler sa participation.
    Nous allons maintenant commencer l'audition des témoins. Chacun d'entre vous aura cinq minutes après quoi nous passerons aux questions.
    Nous entendrons d'abord Mme Laidlaw-Sly, du Conseil national des femmes du Canada.
    Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez donnée de participer à vos consultations au nom de l'aînée de toutes les fédérations de femmes du Canada, car elle a été fondée il y a près de 114 ans par des femmes soucieuses d'améliorer les droits de leurs semblables, y compris de leur obtenir le droit de vote.
    Très préoccupés par la situation, nous avons fait parvenir un mémoire à votre comité au sujet des compressions dont Condition féminine Canada fait l'objet. Le Canada a signé et ratifié la Convention de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la CEDAW, et, pendant la dernière campagne électorale, Stephen Harper s'est engagé par écrit à respecter la CEDAW comme l'ont fait tous les autres chefs de parti.
    Par la suite, toutefois, le gouvernement a réduit le budget de fonctionnement de Condition féminine Canada et a fait savoir aux groupes de femmes qu'ils ne bénéficieraient plus du financement de Condition féminine Canada pour leurs activités de revendication, de lobbying et de recherche. Par conséquent, nous sommes très préoccupés. Nous nous demandons comment le gouvernement pourra honorer l'engagement qu'il a pris de respecter la CEDAW s'il réduit le financement de l'organisme qui contribue à son application.
    Nous sommes inquiets parce qu'à notre avis, le gouvernement se trouve ainsi à renier la signature du Canada au bas de la CEDAW et à mettre en doute la possibilité qu'il prépare un rapport sérieux sur la même CEDAW, document qui est censé être prêt en 2007, donc pour bientôt. Or, comment un ministère amputé de ses moyens peut-il faire du travail crédible?
    Nous sommes également préoccupés par rapport à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit l'égalité des femmes devant la loi. En effet, si les femmes ont des droits égaux en théorie, dans les faits, il reste de grandes inégalités.
    À titre d'exemple, à tous les niveaux d'instruction, le salaire moyen des femmes est moindre que celui des hommes. En fait, dans son rapport de 2003 sur l'application de la CEDAW, l'ONU a recommandé au Canada d'intensifier ses efforts pour assurer l'équité salariale à l'échelon fédéral, cela au paragraphe 376. Le Canada s'est engagé à présenter à l'ONU un rapport quadriennal sur la CEDAW et il devra répondre à cette recommandation. Nous nous demandons dans quelle mesure il pourra faire du travail sérieux à cet égard.
    En outre, nous constatons qu'il n'y aura pas d'incitatif ou de ressources pour étudier la réelle disparité de revenus entre les hommes et les femmes. L'écart statistique relevé, à savoir qu'une femme gagne 72 cents de chaque dollar gagné par un homme, ne tient pas compte du fait que dans certains emplois ou dans certaines professions, les femmes peuvent gagner et gagnent effectivement autant que leurs collègues masculins. En fait, elles gagnent parfois plus qu'eux. Par conséquent, l'écart pourrait être encore plus grand, si l'on ne mesure que les revenus obtenus dans des emplois qui ne sont pas régis par une législation sur la parité salariale ou par des barèmes de rémunération professionnels. Comment un ministère privé de ses crédits peut-il entreprendre ce genre de recherche? Est-ce que la nouvelle version de ses objectifs, dont on a rayé le terme « égalité », autoriserait ce genre d'étude?
    Condition féminine Canada a été mise sur pied pour aider les femmes à participer au processus des politiques publiques et à faire connaître les questions touchant l'égalité entre les sexes. La réduction du budget de fonctionnement de Condition féminine Canada aura une incidence marquée sur la capacité de mener des analyses différenciées selon les sexes ou de faire adopter des lois favorables aux femmes. La capacité de consulter les intervenants s'en trouve également réduite, et l'égalité ne fait plus partie du mandat.
    En outre, un ministère amputé ne sera pas en mesure de faire enquête lorsqu'il y aura des rapports établissant qu'il y a discrimination systémique à l'encontre des femmes, car ainsi affaibli, il ne pourrait plus être entendu lorsqu'on adoptera des lois ou prendra des règlements.
    Comment les Canadiennes feront-elles en sorte de continuer à progresser vers la pleine égalité des sexes? La réduction de 40 p. 100 du budget de fonctionnement de Condition féminine Canada aura une incidence marquée sur la capacité d'effectuer des recherches sur des questions importantes pour l'égalité des femmes. Comment le gouvernement pourra-t-il surveiller les questions qui touchent les femmes afin de s'assurer que des mesures justes et efficaces sont prises pour les régler?
    Il sera plus difficile pour les femmes autochtones, immigrantes et membres des minorités visibles de faire entendre leurs voix et d'obtenir que des mesures soient prises pour résoudre leurs problèmes.

  (1545)  

    Après la présentation du dernier rapport sur la CEDAW, le Canada a été réprimandé pour ne pas avoir réussi à améliorer les conditions de vie et la santé des femmes autochtones, notamment. Or, de l'avis du Conseil national des femmes du Canada, dorénavant, Condition féminine Canada sera inaccessible pour la plupart d'entre elles en raison de sa présence affaiblie en région.
    De plus, en accordant son appui à des groupes à but lucratif, Condition féminine Canada se trouvera à forcer les organismes sans but lucratif à leur faire difficilement concurrence pour obtenir ces maigres fonds. Or, et ici je cite les documents énonçant le nouveau mandat de l'organisme, cela ne facilitera pas « la participation des femmes à la société canadienne en améliorant leur situation économique, sociale et culturelle par l'intermédiaire des organismes canadiens ». Au contraire, cela désavantagera encore plus les groupes de femmes représentant les plus marginalisées de notre société, puisque ces organisations se maintiennent surtout grâce au soutien de leurs membres et d'autres femmes, qui y consacrent leur temps, leur énergie et leur argent.
    Il ne fait aucun doute qu'en fermant des antennes régionales, en réduisant le budget du ministère et en lui donnant un mandat modifié, on cherche à en faire le représentant d'une conception sélective et très étriquée de la CEDAW. Pourtant, si l'on garde à l'esprit que le contenu de ce document, comme c'est d'ailleurs le cas de tous ceux de l'ONU, est la résultante d'un long et ardu cheminement vers un consensus et qu'il est donc l'expression de positions modérées, les changements apportés ne sont rien de moins qu'un reniement de la signature du Canada au bas de ce traité. Ça n'est pas ainsi qu'on devrait célébrer 25 ans d'efforts.
    En conclusion, le Conseil national des femmes du Canada a maintes fois demandé au gouvernement du Canada d'en faire plus, et non moins, afin de mettre en oeuvre les dispositions de ce que l'on considère être le traité de l'ONU en faveur des femmes. À long terme, les compressions envisagées finiront par détruire le ministère et par rendre inopérantes les dispositions de la Convention, tout cela par manque de moyens et faute de volonté politique de la part du gouvernement.
    Pour résumer, ces compressions pourraient compromettre toutes les autres avancées sur la route menant vers l'égalité des femmes. au Canada. Par conséquent, le Conseil national des femmes du Canada recommande que l'on rétablisse les crédits auparavant accordés à Condition féminine Canada et qu'on les augmente de 25 p. 100, ainsi que le demandait d'ailleurs le rapport de votre propre comité, l'hiver dernier, à la suite d'audiences tenues en décembre 2005.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (1550)  

    Je vous remercie beaucoup, madame Laidlaw-Sly.
    Le prochain témoin sera Mme Leilani Farha. Je lèverai la main lorsqu'il ne vous restera plus qu'une minute. Cela nous encouragera peut-être à rester brèves.
    J'espère ne pas avoir dépassé le temps qui m'était accordé.
    C'est bien, ne vous en faites pas, nous vous avons accordé quelques instants de grâce.
    Madame Farha, la parole est à vous.
    Je m'appelle Leilani Farha. Je me réjouis de pouvoir prendre la parole devant votre comité au nom de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, dont je fais partie en tant que membre du conseil d'administration et coprésidente du Comité des droits de la personne.
    L'AFAI est un regroupement canadien de 70 organismes de femmes et de défense des droits de la personne qui oeuvrent dans notre pays. Parmi nos membres, nous comptons des centres locaux de femmes, des associations de centres d'hébergement et de maisons de transition ainsi que des groupes tant du Québec que régionaux et nationaux.
    L'AFAI a pour mandat de suivre la mise en oeuvre dans notre pays des dispositions figurant dans les traités de l'ONU dont le Canada est signataire, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
    Cela fait 10 ans que mon travail d'avocate porte sur les droits de la personne à l'échelle internationale, dans la plupart des cas sur les droits économiques et sociaux des femmes. J'ai acquis ainsi beaucoup d'expérience dans ce domaine, autant sur le plan national qu'international. Je suis donc au courant des obligations du Canada par rapport aux droits de la personne, et c'est à la lumière de ces connaissances que j'aimerais aborder la question des conséquences qu'entraîneront les compressions subies par Condition féminine Canada et son changement de mandat.
    J'axerai mes propos sur un point essentiel : les compressions budgétaires et le mandat modifié de Condition féminine Canada sont contraires aux obligations internationales du gouvernement du Canada en ce qui a trait à la promotion de l'égalité des femmes. Vous n'ignorez certainement pas que cette obligation est inscrite dans nombre de traités ratifiés par notre pays : la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international sur les droits civils et politiques, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, etc. Le gouvernement s'est aussi engagé sur le plan politique à atteindre cet objectif dans le Programme d'action de Beijing.
    Au cas où vous seriez tentés de faire peu de cas de notre obligation de mettre en oeuvre les dispositions internationales relatives aux droits de la personne, je tiens à vous rappeler deux choses. D'abord, sur le plan juridique, nous sommes obligés d'honorer les traités que nous avons signés. Il ne s'agit pas ici d'objectifs administratifs mais bien de droits humains, et nous ne pouvons pas les balayer du revers de la main au nom de considérations pratiques.
    En second lieu, ainsi que le disait ma collègue, le premier ministre Harper lui-même s'est personnellement engagé à favoriser l'égalité des femmes, dans une lettre signée par lui et envoyée à notre organisme plus tôt cette année, et je cite :
Oui, je suis d'accord pour appuyer les droits des femmes et je conviens que le Canada doit faire davantage pour s'acquitter de ses obligations par rapport à l'égalité des femmes. Si je suis élu, je prendrai des mesures immédiates et concrètes, comme le recommande l'ONU afin que le Canada respecte pleinement les engagements qu'il a pris envers les femmes qui y habitent.
    Pourquoi les compressions et les changements à Condition féminine Canada sont-ils contraires à l'obligation qu'a le gouvernement fédéral de faire avancer l'égalité des femmes? Au Canada, cela fait longtemps qu'on se rend compte qu'à lui seul, le gouvernement ne peut tout faire pour favoriser efficacement l'égalité des femmes. Le programme de promotion de la femme de Condition féminine Canada reconnaît que le gouvernement a besoin des conseils et de la compétence des femmes, et c'est d'ailleurs en fait le signe d'une saine démocratie.
    Grâce à l'appui que le gouvernement accorde aux ONG féminines, par l'entremise de Condition féminine Canada, le Canada peut en quelque sorte atténuer la flagrante sous-représentation des femmes dans les organes politiques. Ces fonds permettaient aux organisations qui les recevaient de revendiquer et d'exercer des pressions afin que les femmes participent à l'élaboration de politiques par d'autres moyens. Par conséquent, les nouvelles réductions budgétaires frappant les activités de revendication et de lobbying et l'élimination de projets qui encouragent la participation des femmes à la vie publique affaibliront considérablement la participation démocratique des femmes canadiennes.
    Si les compressions demeurent, des organismes tels que l'AFAI ne seront plus en mesure de témoigner devant votre comité, malgré les subventions de Condition féminine Canada. À notre avis, les mesures prises par le gouvernement par rapport à Condition féminine Canada contreviennent aux obligations du Canada en tant que signataire de conventions relatives aux droits de la personne, obligations figurant par exemple à l'article 7 de la CEDAW, qui oblige les gouvernements à donner la possibilité aux femmes de participer à l'élaboration de ces orientations. Cela est aussi déjà inscrit à maintes reprises dans le Programme d'action de Beijing.

  (1555)  

    En fait, nous attirons l'attention du comité sur les conséquences qu'entraînera l'élimination des services de recherche de Condition féminine Canada. Pourtant, l'organisme est peut-être le seul au Canada à produire en permanence de solides travaux de recherche sur les questions relatives à l'égalité des femmes. Or, de tels travaux soutiennent de façon non négligeable la marche vers l'égalité des femmes. Aussi, grâce à leurs qualités et à leur avant-gardisme, ils ont assuré le rayonnement international de Condition féminine Canada. En effet, bon nombre d'intervenants à l'échelle internationale s'en servent.
    En conclusion, l'AFAI estime que les compressions et les changements dont Condition féminine Canada fait l'objet sèment le doute sur l'engagement du gouvernement à travailler en faveur de l'égalité des femmes et contreviennent à ses obligations internationales par rapport aux droits de la personne. À notre avis, le gouvernement du Canada a troqué l'égalité des femmes contre ce qu'il appelle l'économie.
    En fin de compte, qui sera le plus touché par cela? Les femmes les plus défavorisées du Canada, les marginalisées qui n'ont que peu d'accès aux organes de décision et aucun moyen d'y parvenir.
    L'AFAI demande au gouvernement d'annuler les compressions et les modifications apportées au mandat de Condition féminine Canada.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie beaucoup, madame Farha.
    Nous donnons maintenant la parole à Mme Andrée Côté de l'Association nationale Femmes et Droit. Soyez la bienvenue parmi nous, madame Côté.

[Français]

    Bonjour, madame la présidente. Je vous remercie beaucoup, vous et vos collègues, de cette occasion que vous nous donnez de nous adresser à votre comité.
     C'est avec beaucoup d'émotion que je viens témoigner aujourd'hui, le 6 décembre, devant cet important comité. Toute ma vie, je me souviendrai qu'à la suite du massacre de l'École Polytechnique, le 6 décembre 1989, un silence froid s'est installé sur Montréal, un silence glacé qui pesait lourd sur le chemin à pic menant aux cercueils blancs des 14 femmes assassinées. C'était un silence à ciel ouvert, celui de milliers de femmes et d'hommes terrassés par l'indicible douleur de cette attaque meurtrière commise par un homme fou de haine contre celles qu'il identifiait, à tort ou à raison, comme des féministes. C'est paradoxalement dans la décennie qui a suivi le massacre de l'École Polytechnique que des voix sexistes, misogynes et patriarcales, qui se taisaient depuis près d'un quart de siècle, ont recommencé à prendre droit de cité.
     Depuis ce temps, on aura tant et si bien discrédité le féminisme dans certains milieux de droite que la ministre de la Condition féminine actuelle, Mme Bev Oda, se permettait de dire, lors d'une réunion avec des représentantes de groupes de femmes au mois d'octobre dernier, que celles qui dénoncent l'inégalité des femmes exagèrent, qu'elles victimisent les femmes et que, somme toute, elles sont toutes un peu hystériques. La ministre se trompe sérieusement dans sa caractérisation de la condition des femmes vivant au Canada et elle aurait intérêt à consulter les recherches financées par le Fonds de recherche en matière de politiques qu'elle vient tout juste de saborder.
    En réalité, les décisions annoncées par le gouvernement conservateur vont désavantager les femmes et faire reculer la cause de l'égalité comme, par exemple, la décision de mettre fin au financement d'un réseau national de garderies et celle de ne pas adopter une loi sur l'équité salariale.
     Par ailleurs, le changement dans le mandat et les critères de financement du Programme de promotion de la femme, PPF, représente un effort sans précédent de la part d'un gouvernement fédéral pour taire la voix des féministes, notamment celle des groupes qui interviennent auprès des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéraux pour défendre les droits des femmes. Le PPF se propose maintenant de financer des services directs à des groupes de femmes particulièrement vulnérables, une initiative qui est sans doute nécessaire, mais certainement pas suffisante.
     Le PPF ne soutiendra plus les groupes qui, comme l'Association nationale Femmes et Droit, ANFD, analysent des politiques gouvernementales, consultent les femmes de différentes communautés et régions, proposent des mesures susceptibles d'assurer le plein respect des droits à l'égalité des femmes et font la défense des droits et le démarchage politique à Ottawa, comme dans différentes juridictions dans tout le Canada et au Québec. En d'autres termes, il ne financera plus le travail qui est nécessaire pour obtenir un changement systémique, pour s'assurer que l'équité, l'égalité et la justice sociale guident réellement l'élaboration de toutes nos politiques et pratiques gouvernementales. Certains groupes seront durement touchés par cette décision. D'autres, comme l'Association nationale Femmes et Droit, risquent carrément de devoir cesser leurs opérations.
    La perte de l'ANFD serait la perte d'une voix unique qui se fait entendre depuis 30 ans sur la scène fédérale, une des rares voix à défendre les droits des femmes sur des enjeux névralgiques dans les domaines du droit de la famille, de la lutte contre la violence faite aux femmes, de la pauvreté, de l'équité salariale, de la protection des droits humains, de la réforme du droit de l'immigration et de la défense des droits constitutionnels et internationaux des femmes.
     Il s'agirait d'une perte pour les groupes de base et les organisations provinciales et nationales au Québec et au Canada qui se réfèrent à nos analyses, qui participent à nos consultations et qui, par la suite, ont la capacité de participer au processus démocratique qui nous a menés, au fil des années, à réformer progressivement notre société en un espace plus respectueux de l'égalité des femmes. Il s'agirait aussi d'une perte pour les fonctionnaires, les comités parlementaires, les députés de tous les partis et les ministres qui, au fil des années, ont su bénéficier de notre expertise, de nos interventions et de nos recommandations.
     Dans un contexte où les femmes demeurent largement sous-représentées dans les sphères politique et juridique, il est essentiel que des organisations féministes autonomes puissent avoir voix au chapitre dans l'élaboration des normes d'une société démocratique comme la nôtre.

  (1600)  

    L'ANFD enjoint le Comité permanent de la condition féminine à défendre le rétablissement du mandat original du Programme de promotion de la femme, centré sur la promotion de l'égalité des femmes, et à recommander non seulement le rétablissement du financement, mais l'augmentation du financement de Condition féminine Canada.
    Finalement, nous lui demandons aussi de se pencher sur les recommandations du groupe d'expertes sur l'égalité des sexes qui a rendu son rapport cet été, et d'entreprendre une démarche pour déterminer quel cadre législatif serait le meilleur gage d'une action soutenue et stable du gouvernement fédéral en faveur du respect et de la promotion des droits à l'égalité de toutes les femmes du Québec, du Canada et des premières nations. Il ne faut pas que la voix des femmes, des groupes de femmes et des féministes soit réduite au silence.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Notre prochain témoin est Mme Sherry Lewis, de l'Association des femmes autochtones du Canada. Soyez la bienvenue parmi nous, madame Lewis.
    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Je vous transmets les salutations et les voeux les plus sincères de la part de notre présidente, Mme Beverly Jacobs, qui n'a pu nous accompagner aujourd'hui. Je tiens aussi à saluer le peuple algonquin, sur le territoire ancestral duquel nous nous trouvons aujourd'hui.
    Au nom de l'Association des femmes autochtones du Canada, je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler des compressions budgétaires et des changements à Condition féminine Canada. L'orientation que prend le gouvernement par rapport aux questions concernant les femmes a de quoi nous perturber. Ces décisions auront de graves conséquences pour les femmes et les enfants autochtones du Canada. Aujourd'hui, mesdames et messieurs les membres du comité, j'ai l'intention de souligner à quel point les femmes autochtones de la base seront touchées par cela.
    Auparavant toutefois, je tiens à préciser que, pressées par le temps, nous avons dû abréger un document de neuf pages de manière à n'en conserver que 500 mots, et nous nous sommes rendu compte qu'il n'était plus assez clair. J'aimerais donc utiliser à sa place nos notes d'allocution.
    D'entrée de jeu, j'aimerais rappeler que notre présence ici tombe à point nommé, car le 6 décembre est la journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Aussi, nous sommes de tout coeur avec les familles et les proches des 14 femmes qui, à Montréal en 1989, ont été assassinées à la même date, assassinées uniquement parce qu'elles étaient des femmes.
    En tant qu'unique organisation nationale représentant les femmes autochtones du Canada, nous devons aussi prendre quelques instants pour nous rappeler toutes ces femmes qui, au fil des ans, ont été assassinées, non pas parce qu'elles étaient des femmes, mais parce qu'elles étaient des femmes autochtones. Selon la commission d'enquête du Manitoba sur la justice et les Autochtones, tenue en 1999, Helen Betty Osborne serait peut-être encore en vie aujourd'hui si elle n'avait pas été autochtone. À la suite de cela, notre organisme et d'autres semblables ont milité intensément afin que le gouvernement fédéral se saisisse des questions concernant les femmes autochtones, et cela nous a permis de nous pencher sur une tendance inquiétante, qu'il est convenu d'appeler la violence raciste sexualisée.
    Les points suivants permettent de situer nos idées. Il s'agit ici d'une question de droits de la personne. Nous avons travaillé très fort pendant des années afin de faire comprendre au gouvernement canadien que le traitement des femmes autochtones au cours de notre histoire s'est soldé par des effets pervers et permanents. En raison de la colonisation et de l'assimilation, effets de l'effondrement de nos sociétés, nos liens avec la terre ont été rompus au moyen de lois dont le but était censé être de nous civiliser. Une aliénation en est rapidement découlée, par rapport à nos familles et à nos enfants, à notre milieu et à nos territoires ancestraux. Nous avons été privés de nos liens essentiels avec nos origines. On a dénigré nos usages traditionnels et notre matriarcat, puis on les a abolis. Cette histoire a eu pour conséquence des niveaux alarmants de violence, d'incarcération, d'alcoolisme et de toxicomanie, de suicide et de décès. Elle explique la mauvaise santé générale des femmes autochtones et leurs conditions socio-économiques inférieures. Quarante pour cent de nos femmes vivent en effet dans la pauvreté
    L'Association des femmes autochtones s'occupe de ranimer les droits tant individuels que collectifs et surtout de mettre fin à la violence faite aux femmes autochtones. Les atteintes contre les droits de la personne et la discrimination dans les lois dont elles sont victimes perpétuent ces chiffres inquiétants. Si l'on veut des changements en profondeur, il faut lutter contre le mal à sa racine. Or, sans l'appui constant de Condition féminine Canada, nous aurons bien peu de moyens pour mener à bien notre travail. Nos femmes n'auront plus de tribune nationale et les familles des femmes défavorisées et assassinées réparties dans l'ensemble du Canada seront dévastées. Lors de vos discussions entourant ces mesures, n'oubliez pas non plus que les femmes autochtones ne jouissent pas des mêmes droits que toutes les autres Canadiennes.
    L'initiative Sisters in Spirit est l'aboutissement d'efforts inlassables de revendication et de sensibilisation au sujet de la violence. Ce n'est qu'après des mois que l'Association des femmes autochtones et d'autres organismes qui l'appuyaient ont finalement été écoutés. Étant donné que Sisters in Spirit reçoit la part la plus importante de ses fonds de Condition féminine Canada, nous nous demandons dans quelle mesure les compressions et les autres changements annoncés compromettront notre travail en faveur des femmes autochtones.
    Les compressions et les autres mesures sont extrêmement perturbatrices et nous laissent franchement très perplexes. Nous nous efforçons en effet de comprendre les raisons qui pourraient les justifier. L'initiative Sisters in Spirit comporte un important volet consacré à la recherche, activité essentielle à l'élaboration de politiques et de revendications efficaces. Par conséquent, nous tenons à vous faire part de notre grande préoccupation au sujet de l'avenir incertain de Sisters in Spirit et de ses membres et à la perspective d'être privés de leur grande compétence.

  (1605)  

    Sisters in Spirit est également lié à la sécurité publique. Il a fallu effectuer des recherches pour montrer à tous que le problème était grave et qu'il se passait vraiment dans notre pays.
    Condition féminine Canada a réussi à faire avancer la question de l'égalité des sexes et à la faire inscrire à l'ordre du jour du gouvernement actuel. On a donc fait des pas de géant cette année vers l'adoption de lois consacrant l'égalité des sexes, et ces mesures nous justifient dans notre entreprise. Ce serait un coup terrible pour nous que de laisser tomber ces réalisations.
    Les travaux que notre organisme effectue en utilisant une grille d'analyse différenciée selon le sexe viennent compléter les réalisations de Condition féminine Canada. Nous avons donc été consternés d'apprendre récemment que près de la moitié du budget ministériel avait été sabrée, que 12 bureaux régionaux seront fermés. De telles mesures font fi des promesses électorales où l'on s'engageait à respecter et à favoriser les droits des femmes. Elles sont également contraires au programme du premier ministre, à savoir de mettre les femmes et les enfants autochtones au coeur de ses priorités.
    L'Association des femmes autochtones dépend presque exclusivement des subventions de Condition féminine Canada, contrairement à d'autres organismes autochtones qui reçoivent un financement de base ou quelque chose d'approchant de la part du ministère des Affaires indiennes. En fait, on nous a annoncé que nous ne recevrons plus qu'un financement de projets. On n'envisagera plus de nous accorder l'équivalent d'un financement de base, alors de telles décisions entraîneront nécessairement des conséquences beaucoup plus graves chez nous que pour d'autres organismes autochtones.
    En tant qu'organisation, nous serons particulièrement affectés par les décisions qui seront prises ici. Nous nous sommes efforcés de nous préparer au pire. Je dois avouer cependant qu'il a été extrêmement pénible de préparer les familles des femmes disparues et assassinées. Nous craignons aussi que nos progrès à l'échelle internationale, et plus précisément l'inclusion de dispositions précises sur les femmes autochtones dans le Programme Beijing Plus Dix ne soient compromis.
    Je vous remercie beaucoup de votre attention.
    Niawen.

  (1610)  

    Merci beaucoup pour vos déclarations fort instructives et pour vous en être tenues à un exposé très bref malgré la complexité du sujet.
    S'il y a d'autres questions que vous souhaitez aborder, vous pourrez le faire en répondant aux questions de mes collègues les membres du comité. Cela vous permet de communiquer votre message.
    Comme d'habitude, chaque membre du comité disposera de sept minutes pour la question et la réponse. Nous commencerons par Mme Stronach.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.
     Je vous avoue, Sherry, que moi aussi j'ai du mal à comprendre la raison de ces compressions budgétaires. Je comprends qu'il faut utiliser efficacement l'argent durement gagné des contribuables, mais je ne crois pas que l'efficacité et l'égalité s'excluent mutuellement.
    Nous avons nous aussi demandé que le gouvernement rétablisse et même qu'il augmente le budget prévu au départ. Il ne semble y avoir personne dans ce gouvernement qui défende le droit des femmes à l'égalité. J'ai donc demandé la démission de la ministre.
    J'ai quelques questions à vous poser, mais auparavant j'aimerais savoir si on vous a consultées au sujet des compressions budgétaires proposées et de leurs répercussions à court et à long terme.
    Ma question s'adresse à tous les témoins. A-t-on tenu des consultations?
    Je peux répondre au nom de l'Association des femmes autochtones du Canada, qui effectue en ce moment une consultation pancanadienne sur les biens fonciers matrimoniaux. Quand les médias ont commencé à diffuser des reportages troublants sur ce qui allait se passer à Condition féminine Canada, les femmes de la base ont commencé à nous décrire comment ces compressions les toucheraient dans leur vie quotidienne, elles qui doivent déjà se battre pour surmonter les obstacles existants. À présent, elles pourraient se heurter à encore plus de difficultés.
    Les femmes que nous voyons dans le cadre de nos consultations nous demandent ce qui va arriver avec Condition féminine Canada. Elles se demandent si les compressions auront un effet sur leur travail. Elles sont très inquiètes de voir qu'il y a déjà peu de mécanismes de soutien et elles se demandent quelles répercussions ces compressions vont avoir.
    Je n'y étais pas personnellement, mais l'ANFD a assisté à une rencontre avec la ministre au début d'octobre à laquelle elle a annoncé les nouvelles lignes directrices régissant le financement des programmes à l'intention des femmes. D'autres personnes ici présentes y étaient peut-être aussi. On ne nous a alors pas consultées.
    Les vastes consultations qui ont été menées sur Condition féminine Canada et les programmes pour les femmes dans le cadre de l'évaluation de ces programmes indiquent que les différents groupes et intervenants étaient tout à fait satisfaits de l'ancien mandat du programme pour la promotion des femmes, qui mettait l'accent sur l'égalité et qui finançait les groupes faisant la promotion de l'égalité dans diverses initiatives.
    Il est donc très décevant de constater que, après de vastes consultations auprès des intervenants en 2004 et 2005, ce gouvernement adopte une politique qui va tout à fait à l'encontre des recommandations découlant de l'évaluation du programme figurant sur le site Web de Condition féminine Canada.
    Je n'ai rien à ajouter.
    J'aimerais comprendre pourquoi on a modifié le mandat, pourquoi on a supprimé les mots « égalité », « politique » et « juridique ». Quelles sont les conséquences à court terme pour vous et à long terme pour l'égalité des femmes dans la société?
    Ma question s'adresse à Mme Laidlaw-Sly.
    En supprimant le mot « égalité », on remet en question la légitimité de Condition féminine Canada, car si cet organisme n'a pas pour raison d'être l'égalité des femmes, que fait-il? Tout est fonction du principe de l'égalité des sexes et de la fin de toute forme de discrimination, qu'elle soit flagrante ou systémique. La discrimination systémique est particulièrement difficile à surmonter, car elle s'étend à tous les rouages gouvernementaux et rend la vie facile à ceux qui tiennent pour acquis l'égalité des sexes qui, en fait, n'a pas encore été réalisée.

  (1615)  

    Craignez-vous que cela constitue la première étape ou les premières étapes qui mèneront à l'élimination de Condition féminine Canada?
    Oui, absolument, et je crois que nous l'avons dit dans notre mémoire. Nous craignons que cela soit la première étape vers l'érosion de l'efficacité de ce ministère. Condition féminine Canada continuera peut-être d'exister, mais nous nous demandons s'il sera véritablement efficace.
    À l'Association des femmes autochtones du Canada, nous craignons que la suppression du mot « égalité » se fonde sur la présomption selon laquelle toutes les femmes ont les mêmes droits au pays. Comme je l'ai dit un peu plus tôt dans mes remarques, il importe de noter que les femmes autochtones, à l'heure actuelle, ne disposent pas des mêmes droits que les autres femmes, surtout en ce qui concerne les bien matrimoniaux dans les réserves et le droit de déposer une plainte en matière de droits de la personne quand on habite dans une réserve. Ce sont deux droits cruciaux dont jouissent toutes les femmes au Canada, sauf les femmes autochtones.
    Je ne vais pas répéter ce que mes collègues ont dit, mais la suppression de ces trois mots — égalité, politique et juridique — est une façon de neutraliser les femmes, de les rendre incapables de faire les gains nécessaires pour atteindre l'égalité. D'une part, on dit que nous avons l'égalité, qu'il est inutile de promouvoir l'égalité, et d'autre part, on nous enlève les moyens que nous employons habituellement pour garantir l'égalité, les moyens politiques et juridiques.
    Quelle sera l'incidence sur vos opérations quotidiennes, sur vos activités sur le terrain, de la fermeture de ces bureaux qui passeront de 16 à 4? En quoi cela touchera-t-il votre fonctionnement en pratique?
    Pour l'Association nationale Femmes et Droit, cela aura d'importants effets négatifs. La majorité de nos fonds proviennent du programme de promotion de la femme de Condition féminine Canada; nous prévoyons donc devoir licencier toutes nos employées et nous ne savons même pas si nous pourrons renouveler notre bail quand il arrivera à échéance, en juillet.
    Notre organisation est vraiment dévastée par les répercussions de ces changements, et nous sommes très inquiètes de voir le Canada régresser par rapport aux engagements qu'il appuie à l'égard des femmes, autant sur la scène nationale qu'internationale, que ce soit à la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing ou à la Conférence Beijing Plus Cinq, où le Canada a toujours reconnu l'importance de soutenir le travail des organisations de femmes. Depuis la Commission royale sur la condition féminine en 1971 et jusqu'à la toute récente initiative sur le secteur bénévole, différences instances ont reconnu que c'était un élément clé d'une démocratie dynamique et que c'était essentiel pour que les programmes gouvernementaux incluent des réformes législatives visant l'égalité.
    Merci beaucoup.
    La prochaine intervenante est Mme Mourani.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie beaucoup de vos différents témoignages. J'ai plusieurs questions à poser. D'ailleurs, Mme Stronach en a déjà abordé plusieurs.
    J'ai reçu aujourd'hui une lettre de Mme Oda qui expliquait un peu la raison des fermetures et des compressions.
    Madame Lewis, le bureau de Montréal va devoir traiter tous les dossiers du Québec et du Nunavut, en raison de la fermeture du bureau du Québec à Sainte-Foy. Que pensez-vous de cela?

[Traduction]

    Notre organisation regroupe 13 associations provinciales et territoriales. Il est certain que nous serons touchées, car nous ne formulons pas notre position nationale de façon centralisée, mais bien à partir de la base, à partir des femmes qui font part de leur point de vue à une association provinciale ou territoriale qui nous communique ensuite ses positions. Si les femmes n'ont plus de soutien au niveau provincial et territorial, elles ne seront plus en mesure de s'exprimer rapidement sur les différents enjeux. Souvent, les discussions doivent se tenir à court préavis. Ces changements auront donc un effet domino sur tout le processus qui a été conçu à partir de ce qui vous a été présenté ici aujourd'hui, et rien n'a été prévu pour faire en sorte que les femmes de la base continuent à avoir voix au chapitre.
    En outre, on a supprimé le Programme de contestation judiciaire qui permettait aux femmes autochtones ordinaires d'avoir voix au chapitre.
    Les effets se font donc sentir à bien des niveaux, car les différentes voies de communication entre les femmes ordinaires et le gouvernement se ferment l'une après l'autre. Nous nous demandons sincèrement comment nous pourrons entendre la voix des femmes qui luttent quotidiennement pour survivre.

  (1620)  

[Français]

    Ma question s'adresse à tous les témoins, d'une certaine manière. La fermeture de 12 bureaux et la mise à pied de 68 fonctionnaires va-t-elle retarder le traitement des dossiers? Durant l'été, le Programme de promotion de la femme a connu plusieurs petits problèmes en ce qui a trait à l'acceptation de différentes subventions. Le fait qu'on se retrouve avec peu de bureaux et peu de personnes va-t-il toucher concrètement le traitement des dossiers? Cela veut-il dire que les subventions seront octroyées encore moins rapidement? Que pensez-vous des délais qui auront un impact sur les actions concrètes visées par Mme Oda?

[Traduction]

    Je ne répondrai peut-être pas directement à votre question, mais, après que ces différents bureaux seront fermés, je devrai appuyer ma soeur qui parle au nom des femmes autochtones, et que je tiens à aider. Notre conseil national est depuis longtemps concerné par les nombreux retards dans l'amélioration des conditions et du niveau de vie des femmes autochtones. Nous savons par expérience que rien ne se fera si nous ne rappelons pas à répétition au gouvernement dans quelle situation ces femmes vivent. Or, il sera impossible pour quelque groupe que ce soit, et encore plus pour des femmes qui vivent sous le seuil de la pauvreté peu importe où au pays, de communiquer avec le gouvernement dont les bureaux sont si loin.
    Je crois qu'il faut rappeler au ministère et à la ministre qu'un seul bureau dessert un groupe nombreux de femmes autochtones dans les provinces de l'Ouest. Si on réduit son personnel, les femmes devront attendre encore plus longtemps pour obtenir des réponses à leurs questions. Les groupes comme le Conseil national des femmes du Canada qui n'ont jamais reçu de financement, qui n'ont jamais eu de financement de base de la part du ministère et qui ont toujours survécu grâce aux cotisations des membres — nous fonctionnons avec un budget infime et l'avons toujours fait — estiment que les compressions apportées au programme nuiront grandement à notre capacité de demander du financement pour nos projets, car nous tentons de faire des recherches, des sondages et des enquêtes auprès de nos membres pour ensuite formuler des recommandations au gouvernement. Nous ne pouvons plus faire cela et ne pourrons plus obtenir de fonds pour mener à bien les initiatives qui représentent notre raison d'être. Cela jette des doutes sur les intentions du gouvernement.
    L'AFAI est une organisation qui regroupe des associations locales à l'échelle du pays. Les compressions budgétaires apportées à Condition féminine Canada et la fermeture des bureaux régionaux, associées aux changements dans le financement, ont un terrible effet sur nos membres.
    Permettez-moi de vous lire un courriel que j'ai reçu de l'une de nos membres du Grand Nord, du Yukon. Elle dit ceci :
Plutôt que de faire appel aux services du bureau de Vancouver, dont je connais les employés et qui connaît bien les enjeux et les conditions de vie au Yukon,
    ... il y avait donc autrement un bureau à Vancouver...
nous allons rivaliser avec les femmes de l'Ouest pour obtenir des services du bureau d'Edmonton, dont les employés seront surchargés de travail puisqu'ils devront desservir une région géographique encore plus grande sans ajout de personnel. Nous étions déjà insuffisamment desservies. Or, les changements nécessaires pour aider les femmes du Grand Nord sont des changements systémiques qui ne peuvent être apportés au cas par cas.
    Ce n'est là qu'un petit exemple. L'AFAI estime que les organisations locales sont doublement touchées. Non seulement elles devront composer avec les changements de mandat, mais elles devront aussi dorénavant se passer des services des bureaux régionaux.

  (1625)  

[Français]

    J'appuie mes collègues. Finalement, je crois que cela va bureaucratiser les procédures pour les femmes, parce qu'elle devront faire affaire avec seulement quatre bureaux à l'échelle pancanadienne. Cela va donc faire beaucoup de distance à parcourir. De plus, cela va affecter le travail des agentes locales du programme. Elles s'occupaient de la liaison, de l'information, de la circulation de l'information dans leurs communautés avec les groupes de femmes locaux. Le travail qu'elles faisaient aux niveaux fédéral, provincial et territorial a été éliminé du mandat.
    Je crois que c'est une très grande perte, dans un pays comme le Canada. Nous allons être privées de l'information nécessaire pour pouvoir bien consulter nos gouvernements national et provinciaux de façon à pouvoir faciliter une compréhension entre les groupes de femmes des différentes régions et les différents gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Je suis vraiment désolée qu'on affaiblisse la capacité, au sein de l'appareil gouvernemental, de tenir compte des besoins et de la situation des femmes dans les différentes régions et communautés du Canada et du Québec.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Côté.
    Je cède maintenant la parole à Mme Smith.
    Je vous remercie.
    Je tiens à vous remercier de vous être jointes à nous aujourd'hui. Je connais très bien un grand nombre des préoccupations autochtones. Mon fils est un agent de la GRC, marié à une femme ojibway. Je me tiens au courant de toutes ces initiatives si importantes, qui me tiennent à coeur.
    En écoutant vos présentations, j'ai été frappée par certaines choses que je crois que vous ignorez ou à propos desquelles vous avez été mal informées par d'autres groupes. J'aimerais aborder certains de ces aspects et vous poser également quelques questions.
    La ministre a pris l'engagement de réinvestir un montant de 5 millions de dollars, comme vous le savez, pour aider les femmes dans leurs collectivités. Il existe un formulaire de demande en ligne afin que les personnes intéressées puissent présenter des demandes non seulement dans des grandes villes mais dans des régions rurales, ce qui n'était pas le cas auparavant. Cela s'applique également à un grand nombre de régions éloignées. J'ai eu l'occasion de visiter les régions éloignées du Canada et on y utilise Internet là-bas. La ministre a donc jugé nécessaire de rendre ce genre de demande plus accessible.
    Je considère qu'il s'agit d'une nette amélioration par rapport à la situation précédente : auparavant, il fallait s'adresser aux bureaux régionaux pour obtenir de l'aide et ainsi de suite. Tout le monde peut présenter une demande, et tant qu'il s'agit d'un programme qui mène une action concrète auprès des femmes, tout le monde a la possibilité d'y accéder.
    Je n'arrête pas d'entendre parler des compressions budgétaires. Il s'agit en fait d'économies. Vous continuerez à recevoir des fonds jusqu'en 2007. En vous écoutant ici aujourd'hui, j'ai l'impression que vous n'avez pas d'argent aujourd'hui. Les fonds continueront d'être versés jusqu'en 2007, pour faciliter la transition. Par ailleurs, il existe la possibilité de présenter une demande sur Internet si un programme à l'intention des femmes est réellement nécessaire. Condition féminine Canada a un programme, le programme de promotion de la femme, et le financement de ce programme à l'heure actuelle est de 10,8 millions de dollars par année. Ce programme existe toujours et se porte bien. En ce qui concerne les préoccupations autochtones, nous continuons de verser à Sisters in Spirit 1 million de dollars par année, et elles nous indiquent qu'elles en sont extrêmement satisfaites.
    C'est la première fois que des lignes directrices sont établies parce que beaucoup d'argent a été dépensé et un grand nombre de Canadiennes nous disent qu'elles n'ont pas accès aux programmes dont elles ont besoin dans leurs collectivités. Je sais, par exemple, que l'Alliance féministe pour l'action internationale a reçu de décembre 2004 à mai 2006 — et corrigez-moi si je me trompe, et je vérifierai les chiffres — environ 600 000 $. De son côté, l'Association nationale Femmes et Droit a reçu plus de 450 000 $ d'octobre 2000 à mars 2006.
    Je sais que beaucoup de bon travail a été fait. Je le comprends, et c'est très bien. Un grand nombre de bonnes initiatives ont été prises. Mais lorsque j'entends la représentante du Conseil national... La demande se trouve sur le site Web. Je vous invite à y faire votre demande.
    Les députés d'en face ont fait beaucoup de lobbying et ont fourni de l'information inexacte. C'est pourquoi nous sommes vraiment heureux que vous soyez ici aujourd'hui'hui pour que vous obteniez autant d'information exacte que possible, parce que nous tenons à aider les femmes. Je suis une femme. J'ai quatre filles. Et toute ma vie, j'ai défendu le droit des femmes. Je suis convaincue qu'un grand nombre de femmes partout au pays profiteront de cette mesure car le contribuable s'attend à ce que son argent soit utilisé efficacement. Il veut des résultats. Je pense vraiment que nous pouvons tirer une grande fierté de programmes qui aident les femmes dans leurs collectivités mêmes.
    Fait intéressant, le 27 novembre dernier, lorsque nous avons adopté ce budget, on avait annoncé en septembre des restrictions de dépenses de 223 millions de dollars sur le 1 milliard de dollars prévu, et nous avons eu le budget en novembre, et les membres ici présents l'ont tous adopté à l'unanimité. Aujourd'hui, ils se plaignent de ce qu'ils appellent des « compressions ». Il ne s'agit pas de compressions. Il s'agit de réinvestissement ailleurs. Les programmes à l'intention des femmes seront meilleurs qu'ils ne l'ont jamais été.

  (1630)  

    J'aimerais vous demander où vous avez obtenu toute cette information que vous présentez aujourd'hui. Je dois dire que cette mésinformation est intéressante.
    Sauf votre respect, madame, je pense que si vous consultez le site Web de Condition féminine, vous y verrez les nouvelles lignes directrices du programme de promotion de la femme. Elles indiquent très clairement que l'égalité a été évacuée de son mandat et que les groupes de défense ne sont plus financés — pas plus que le lobbying ni la recherche.
    Donc je ne crois pas qu'il s'agisse d'une exagération. Je ne crois pas que l'on exagère lorsque l'on dit que le programme de Condition féminine Canada a été amputé de 5 millions de dollars. Cela est clair. On en a parlé. Cela se trouve dans les prévisions budgétaires. Je pense que c'est évident. Vous êtes maintenant en train de dire que ces fonds sont en train d'être réaffectés; nous avons hâte d'apprendre où ils seront réaffectés.
    Pour ce qui est d'information inexacte, votre ministre, madame Oda, a dit que l'Association nationale Femmes et Droit a reçu 450 000 $ cette année. En fait, cette information est incorrecte. Nous lui avons écrit pour lui indiquer que nous étions très heureuses d'apprendre que notre financement avait été rétabli à notre niveau précédent. On nous a répondu qu'en fait nous n'allions pas recevoir un montant de 450 000 $ mais seulement un montant de 290 000 $ jusqu'en septembre prochain en 2007, date à laquelle nous ne serons plus admissibles à une aide financière de la part du programme de promotion de la femme en raison de la modification des critères.
    Donc j'aimerais savoir qui transmet de l'information incorrecte et mauvaise. Si vous examinez n'importe quel rapport — qu'il s'agisse de rapports de Condition féminine, de Statistique Canada ou d'autres études — l'inégalité des femmes demeure un problème répandu, grave et systémique, surtout pour certains groupes de femmes.
    Le financement parcellaire des services...
    Pourrais-je simplement vous poser une question à propos de cet argent?
    ... que recevront désormais des groupes à but lucratif, peut-être même des groupes religieux, dans le cadre de votre nouvelle initiative à l'intention des femmes ne permettrait pas de régler un problème systémique.
    Je vous remercie. Votre temps est écoulé. Nous allons passer à la personne suivante.
    Simplement pour faire une mise au point, le budget qui a été adopté était le budget de 2006-2007. Il a été adopté à l'unanimité par le comité. Les compressions dont nous parlons aujourd'hui sont des compressions qui entreront en vigueur le 1er avril 2007. Je tenais simplement à apporter ce correctif.
    Oui, madame Smith.
    J'aimerais faire un rappel au Règlement, madame la présidente. Ce que j'essayais de dire, c'est que je crois effectivement que le versement du montant de 450 000 $ a débuté... Vous pouvez le vérifier, mais je crois qu'entre octobre 2000 et mars 2006, un montant de 450 000 $ a été versé. Le financement a pris fin en mars 2006, et je crois que ce que vous avez obtenu, c'était le dernier versement de ces 450 000 $.
    Je vous demanderais de bien vouloir vérifier la chose pour qu'on puisse s'assurer que l'information est exacte.
    Je vous remercie.
    Si vous me le permettez, je pourrais envoyer au comité la lettre de la ministre afin que vous ayez une copie de ce qu'elle a indiqué à d'autres groupes à propos de notre financement.
    Très bien, je vous remercie. Vous voudrez bien transmettre cette lettre à la greffière. Elle la distribuera à l'ensemble des membres du comité.
    Madame Mathyssen.

  (1635)  

    Je vous remercie, madame la présidente. Je vous suis reconnaissante d'avoir apporté ce correctif concernant le budget.
    Je dois dire que je suis profondément indignée et scandalisée. J'ai vraiment l'impression que la ministre a trahi les femmes partout au Canada. C'est la raison pour laquelle je pense moi aussi qu'elle doit donner sa démission, cela ne fait aucun doute.
    J'ai un certain nombre de questions à poser. Tout d'abord, nous avons beaucoup entendu parler ces dernières semaines du travail de Condition féminine Canada depuis les 25 dernières années. Je me demande si vous pourriez replacer dans son contexte une partie de ce travail. Autrement dit, à quoi ressemblerait le Canada s'il y a 20 ans, on avait apporté ce genre de compressions et on avait modifié le mandat du programme de cette façon-là? Que se serait-il passé en ce qui concerne les progrès que les femmes ont réalisés?
    Eh bien, il y a 20 ou 25 ans, en vertu du Code criminel, les hommes avaient le droit de violer leur femme.
    Les femmes autochtones qui épousaient des hommes non autochtones perdaient leur statut.
    Les victimes de viol devaient composer avec des dispositions discriminatoires sur la façon de prouver qu'elles avaient été effectivement violées ou si elles avaient consenti à l'agression sexuelle. Dans les années 90, les procureurs de la défense ont commencé à avoir accès aux dossiers confidentiels des survivantes d'agressions sexuelles pour mettre leur témoignage en doute.
    Les dispositions en matière d'immigration étaient explicitement sexistes à l'endroit des femmes immigrantes à toutes sortes de niveaux. Les femmes parrainées continueraient d'être parrainées pendant plus de 10 ans. Aujourd'hui, cette période a été ramenée à trois ans.
    Les biens matrimoniaux n'auraient pas été redéfinis de façon aussi égalitaire en droit de la famille.
    La Loi sur l'équité en matière d'emploi n'existerait pas au niveau fédéral.
    Je pourrais continuer, mais je pense que j'ai fait valoir mon argument.
    Je vous en remercie.
    On nous a dit que le montant de 5 millions de dollars, qui a été éliminé, sera réaffecté ailleurs, bien que cela contredise les prévisions budgétaires dont nous avons pris connaissance à la fin novembre, qui indiquent très clairement que cet argent n'existe plus. Je me demande donc si l'élargissement des critères d'admissibilité, pour ce qui est des organisations qui peuvent présenter des demandes pour le peu qui reste, inclut les organisations à but lucratif et les oeuvres de bienfaisance. J'aimerais savoir quelles en seront les conséquences pour les organisations à but non lucratif. On en a parlé un peu, mais j'aimerais en savoir plus.
    En ce qui concerne ces oeuvres de bienfaisance, je me demande également si ce nouveau rôle est conforme aux lois actuelles qui réglementent les chartes des oeuvres de bienfaisance. Est-ce que nous sommes en train d'enfreindre la loi?
    Je vous remercie.
    J'ai effectivement abordé la question du financement à fournir aux groupes à but lucratif, ainsi qu'aux groupes à but non lucratif. Nous considérons qu'il s'agit d'une concurrence déloyale. Les groupes à but lucratif seront en mesure de trouver un moyen de récupérer les coûts qu'ils doivent consacrer à leur présentation lorsqu'ils solliciteront ces fonds, aussi limités soient-ils.
    Dès le départ, les groupes à but non lucratif manquent de ressources humaines, manquent de temps et manquent de ressources financières qui leur permettraient de faire face à la concurrence d'un groupe à but lucratif. Vous demandez à des pommes de concurrencer avec de magnifiques oranges bien mûres. Les règles du jeu sont loin d'être égales; on ne peut même pas parler de règles du jeu.
    De plus, compte tenu des changements au programme que vous nous avez décrits — je n'ai pas pris connaissance des nouveaux critères, et je ne manquerai pas d'examiner les nouvelles lignes directrices, comme l'a recommandé la députée qui en a parlé — nous en déduisons que si nous n'obtenons pas de financement pour soutenir les revendications des femmes ou pour faire un travail qui permettra de le faire, alors à quoi sert le financement? Il ne sert à rien de présenter une demande d'aide financière, à moins d'être prête à mentir effrontément.
    Madame la présidente, j'aimerais apporter un correctif à ce qu'a dit la dernière intervenante, ou du moins apporter une précision. Elle a indiqué que le financement de l'Alliance féministe pour l'action internationale avait été de 600 000 ou 650 000 $ au cours d'une certaine période. Je tiens à préciser qu'une importante partie de ces fonds ont facilité la participation des Canadiennes au processus Beijing Plus 10, qui s'est déroulé à New York.
    Si vous me permettez de répondre à certaines de vos questions, j'aimerais en fait inverser légèrement votre question. Plutôt que de parler des répercussions sur les groupes à but non lucratif, j'aimerais demander quelles sont les répercussions sur les femmes et les groupes à but non lucratif qui offrent des services aux femmes? Je tiens à préciser que nous n'avions jamais entendu parler d'une réaffectation du montant de 5 millions de dollars. Je suppose que je suis heureuse de l'apprendre et je me ferai un plaisir d'obtenir plus d'information à ce sujet.
    Je n'ai pas l'intention de parler au nom de mes collègues, mais nous pouvons toutes convenir que ce sont les femmes dans les collectivités, les femmes pauvres et marginalisées, aux prises avec des difficultés quotidiennes au Canada, qui ont besoin de services. Bien sûr, nous ne contestons pas la chose. Cela peut être nécessaire, mais est-ce suffisant pour assurer l'égalité des femmes dans ce pays? Cela n'est pas suffisant pour assurer l'égalité des femmes.
    Je vous en donnerai un exemple. Je suis membre de l'Alliance féministe pour l'action internationale et je fais également partie du conseil d'administration, en plus de travailler dans le secteur du logement avec un grand nombre de femmes à faible revenu qui sont victimes de violence. Il ne fait absolument aucun doute qu'elles ont besoin de services. Elles ont besoin de travailleurs sociaux, de conseillers et de centres d'aide au logement. Elles ont besoin d'une foule de services immédiats.
    Mais prenons un exemple du Yukon. Les femmes là-bas n'ont pas simplement besoin de ces services; elles ont besoin de gens qui peuvent les défendre. Pourquoi? Parce qu'aux paliers municipal et territorial, on n'accorde pas la priorité aux femmes qui quittent un mari violent et ont alors besoin de logement social. Le fournisseur de logement social, qui est une instance gouvernementale, ne considère pas les mauvais traitements comme l'une des raisons prioritaires pour l'obtention d'un logement social.
    Dans le cadre du nouveau mandat de Condition féminine Canada, les organisations ne sont pas autorisées à faire du lobbying ou des représentations auprès du gouvernement. Cela signifie que les femmes qui fuient la violence conjugale n'ont personne pour les représenter ni pour revendiquer en leur nom un endroit sûr où vivre. Est-ce vraiment le genre de situation dans laquelle nous voulons que se trouvent les femmes dans ce pays?

  (1640)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux tours de cinq minutes.
    J'ai Mme Neville, puis Mme Minna.
    Je tiens à vous remercier toutes d'être ici aujourd'hui.
    Je tiens à vous informer que la première fois que nous avons entendu parler de cette réaffectation du montant de 5 millions de dollars, c'était hier ou la journée d'avant, lorsque la ministre en a parlé à la Chambre des communes.
    Le budget indique très clairement une réduction de 5 millions de dollars en dépenses de fonctionnement. Lorsque les représentantes de Condition féminine Canada ont comparu devant nous, elles ont indiqué qu'elles n'étaient pas sûres des dispositions qui allaient être prises pour en rendre compte. Comme il y a moins d'endroits permettant d'avoir accès aux programmes de Condition féminine puisque le nombre de bureaux a été réduit, la personne cynique qui sommeille en moi se demande si l'élimination de ce montant ne visait pas à prouver qu'il n'est pas vraiment nécessaire, mais j'espère que je me trompe.
    Un certain nombre d'entre vous a parlé de la question de la recherche. Dans ma collectivité, je sais qu'un certain nombre de projets de recherche ont entraîné au bout du compte des changements de politique de la part du gouvernement en fonction de la recherche qui a été faite, plus précisément sur le lien qui existe entre les femmes âgées qui vivent dans la pauvreté et la santé.
    Pouvez-vous nous indiquer quelles seront, selon vous, les répercussions des compressions budgétaires en matière de recherche sur vos organisations et sur les femmes en général?
    Je vous remercie de la question.
    Pour une organisation comme le Conseil national des femmes, les compressions, tout simplement... Si les demandes sont régies par les lignes directrices dont nous avons pris connaissance, cela signifie que nous n'aurons aucune aide financière et que nous ne serons pas en mesure d'accéder à une aide financière pour faire de la recherche sur des questions comme le maintien de la santé des femmes âgées, dont un grand nombre se trouvent à appartenir à des groupes qui continuent de faire du travail bénévole qui n'est pas rémunéré, qui n'est pas compté et qui n'est pas reconnu dans le produit intérieur brut du Canada. La majorité de ce travail bénévole est effectué par des aînées. Je crois que ce pourcentage se situe entre 80 et 85 p. 100.
     Si cette main-d'oeuvre particulière, cette main-d'oeuvre méconnue, tombe malade ou meurt, ce qui finira par arriver, nous nous demandons tout simplement qui restera pour faire le travail bénévole qui n'est toujours pas reconnu par les divers paliers de gouvernement et qui, malgré des demandes répétées, n'a pas été reconnu par les gouvernements précédents. C'est une question grave. Sans financement pour faire de la recherche, nous ne pouvons même pas établir la validité de maintenir cette main-d'oeuvre féminine.

  (1645)  

    Je comprends.
    Je crois que cela est également important. Bien que Sisters in Spirit n'ait pas encore été touché par les compressions budgétaires qui ont été annoncées, il est possible que ce soit le cas dans l'avenir.
    Je vous rappelle également qu'au départ, Sisters in Spirit était une initiative de dix millions de dollars. Son budget a été ramené à cinq millions de dollars sous prétexte que nous pouvions utiliser l'infrastructure de Condition féminine Canada. Il a été question de partage des ressources, et on nous a assurés que nous pouvions compter sur les bureaux de Condition féminine Canada pour obtenir un certain nombre de services. Or, les services dans les bureaux de Condition féminine et l'infrastructure sur laquelle nous devions pouvoir compter sont en voie de disparaître.
    C'est bien de vouloir rationaliser des services en ayant recours à la technologie et à la connectivité, mais il faut évidemment tenir compte du fait que toutes les femmes n'ont pas accès à cette technologie et qu'il existe aussi de grands écarts entre les femmes qui y ont accès. Terre-Neuve-et-Labrador a encore un accès par ligne commutée si bien qu'il n'est pas aussi rapide qu'ailleurs au pays. Il n'existe pas de mécanisme gouvernemental d'ensemble dans le domaine de la connectivité ou de la technologie. Tout est laissé au hasard. Aucun mécanisme structuré ne vise à améliorer l'accès à la technologie pour les femmes malgré le fait qu'Affaires indiennes et du Nord Canada ait vraiment présenté la technologie comme un moyen d'aider les femmes autochtones.
    Ces réductions budgétaires ainsi que cette absence de recherche compromettent les progrès que les femmes autochtones réclament depuis près de cent ans dans bien des domaines. Certains ministères comme Condition féminine Canada font oeuvre utile en menant des recherches puisqu'il n'y a pas toujours convergence entre les recherches qu'entreprennent les groupes indépendants et les recherches que souhaitent les femmes autochtones elles-mêmes. Nous pouvons donner en exemple les cas de la paternité non déclarée. Si une femme autochtone est victime de viol et ne peut pour cette raison indiquer l'identité du père de son enfant, une loi précise que cet enfant n'aura pas le statut autochtone du simple fait qu'il est impossible d'établir que ses deux parents sont autochtones. La Loi sur les Indiens, elle, accorde le statut d'autochtone à l'enfant de cette femme mais non pas à ses petits-enfants. Il y a de nombreux exemples de cas qui ont une incidence particulière si l'on est autochtone. Je vous demande donc d'en tenir compte.
    La question des biens matrimoniaux suscite des préoccupations depuis 30 ans. Bien que Condition féminine Canada nous ait aidées à attirer l'attention sur ce problème, nous avons dû attendre 30 ans pour qu'on s'y intéresse. Qu'adviendra-t-il le jour où Condition féminine ne pourra plus dire qu'il s'agit effectivement d'une question d'égalité et que les recherches le confirment. Il ne suffit pas pour les femmes autochtones de dire la même chose.
    Je vous remercie beaucoup, madame Lewis.
    Une autre question peut être adressée à ce groupe.
    Madame Guergis.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence ici aujourd'hui.
    J'ai pris quelques notes pendant que vous parliez et je vais m'y reporter. J'ai déjà traité à plusieurs reprises des changements apportés dans le financement de certains organismes et j'ai toujours compris que cet argent allait être réaffecté. Les malentendus qui existent à cet égard me sont incompréhensibles. Il faut certainement les attribuer au jeu politique auquel certains se livrent. Vous n'avez malheureusement pas reçu le message voulant que ces fonds soient réaffectés. Ma collègue a cependant donné certaines précisions à cet égard.
    Vous parlez d'un montant de quelque 10,8 millions de dollars. Les cinq millions de dollars d'économies que nous avons réalisées représentent près de 50 p. 100 de cette somme. Cet argent sera réinvesti dans la collectivité. Vous nous semblez toutes très pessimistes. Vous posez continuellement la question de savoir ce que réserve l'avenir. Je n'ai pas de boule de cristal, mais je suis quelque peu offusquée du fait que vous semblez ne faire nullement confiance au plan que nous proposons pas plus qu'aux femmes qui font partie de ce caucus. Vous ne semblez pas croire que nous défendrons la cause des femmes et que nous appuyons un programme qui donnera des résultats. Pourquoi cette absence totale de confiance?
    Qu'y a-t-il de mal avec Internet? Tout le monde l'utilise maintenant. Pourquoi ne peut-on pas nous présenter une demande? Il suffit n'est-ce pas de se rendre dans une bibliothèque pour avoir accès à Internet. Condition féminine Canada compte toujours des bureaux auxquels on peut s'adresser pour obtenir de l'aide. S'agissant de la base, il faut pouvoir rejoindre les petits organismes qui peuvent vouloir présenter une demande de financement. J'aimerais donc connaître votre avis là-dessus et j'aimerais aussi vous inviter à faire davantage confiance aux femmes qui appartiennent au caucus conservateur.
    Je vous remercie beaucoup pour cela. Vous savez cependant quoi? Nous avons aussi été élus pour examiner les dépenses du gouvernement. Nous n'avons pas été élus simplement pour poursuivre la mise en oeuvre des programmes libéraux sans y changer quoi que ce soit. L'électorat nous a dit clairement de voir si nous ne pouvions pas mieux gérer les finances publiques. Ceux qui pensent que tous les programmes mis en oeuvre par les libéraux donnaient les résultats escomptés se trompent et les Canadiens le savent pertinemment.
    Permettez-moi de vous dire quelques mots à mon sujet avant que vous ne décidiez que je ne sais absolument pas ce que je dis. J'ai fait du bénévolat dans un centre d'aide aux victimes de viol et je possède une formation en intervention en cas de crise. J'ai travaillé à ce centre pendant sept ans et demi il y a de cela environ treize ans. Je peux vous assurer que rien n'a changé. Je le sais parce que je m'entretiens parfois avec des bénévoles avec lesquels je travaillais à l'époque. Rien n'a changé. Les agresseurs sont toujours les mêmes et rien n'a été fait pour régler ce problème. Nous avons cependant d'excellentes idées à proposer et j'espère pouvoir compter sur votre appui. Cet appui est très important.
    Je vous demande donc de nous faire confiance. Nous sommes animés des meilleures intentions au monde.

  (1650)  

    J'aimerais simplement dire publiquement que les organismes de défense des femmes luttent d'arrache-pied pour l'égalité des femmes depuis 25 ans et que nous allons certainement continuer à le faire.
    Et nous aussi.
    Le gouvernement n'a jamais affiché de tels excédents budgétaires et il sabre pourtant dans les programmes. Nous ne dénonçons pas tant les coupures elles-mêmes que le fait qu'on ait changé le mandat et la mission du programme pour les femmes...
    Le mandat de Condition féminine Canada n'a pas changé.
    Il existe un énorme déficit en matière d'égalité...
    Madame Guergis...
    Il s'agit du temps qui m'a été accordé.
    Je vous prie de permettre au témoin de répondre.
    Il existe un déficit en matière d'égalité dans ce pays et le gouvernement démantèle les mécanismes de reddition de comptes veillant à faire en sorte que le Canada respecte ses obligations en matière de respect des droits de la personne aux termes de la Constitution et des textes internationaux. Permettre que des organismes à but lucratif ou des organismes religieux soient responsables de la mise en oeuvre des services dans les collectivités, c'est une façon de veiller à ce qu'il n'existe aucune reddition de comptes...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    ... et c'est aussi une façon de veiller à ce que rien ne nous assure que cet argent soit dépensé dans l'intérêt des femmes.
    Madame Côté, permettez-moi de vous interrompre un instant.
    Mme Guergis a invoqué le Règlement.
    Je vous remercie.
    J'aimerais préciser que depuis 1976, le statut juridique officiel de Condition féminine Canada est de « coordonner les politiques relatives à la situation de la femme et de gérer les programmes qui s'y rapportent ». Nous n'avons pas changé ce mandat. C'est toujours le mandat juridique officiel du ministère.
    Je vous remercie.
    Notre temps est limité. Il reste une minute pour quiconque souhaite répondre à la question de Mme Guergis.
    J'aimerais simplement dire qu'il s'agit de l'époque de l'année où l'on aimerait bien pouvoir espérer que ce que l'on souhaite va se réaliser.
    Vous devez bien vous rendre compte que votre stratégie de communication ne donne pas de bons résultats. Nous sommes ceux qui représentent les groupes locaux de femmes et nous n'avons pas été mis au courant de cette réaffectation des fonds.
    Nous aurions adopté une position plus nuancée si l'on nous avait expliqué quelles étaient les améliorations qu'on comptait apporter au programme. On n'a cependant fait que nous annoncer des coupures. Voilà pourquoi nous nous interrogeons sur notre avenir.
    Au lieu de simplement nous annoncer des coupures, on aurait pu nous dire quelles étaient les améliorations qu'on comptait apporter au programme.
    Nous espérons certainement que vous avez d'excellents plans à nous proposer. Si nous avons donné l'impression de ne pas vous faire confiance, c'est parce que nous ne comprenions pas que ce que vous nous proposiez allait être à notre avantage.
    Nous espérons certainement que vous allez nous proposer un excellent plan qui nous permettra de poursuivre nos activités.
    Nous ne pouvons cependant nous empêcher de ressentir une certaine anxiété. Je vous remercie.

  (1655)  

    Je vous remercie beaucoup. Nous devons...
    Est-ce un rappel au Règlement?
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Il s'agissait d'un changement au mandat du programme de promotion de la femme et non du mandat du ministère de la Condition féminine. Les mots « égalité » et « aspects politiques et juridiques » en ont été supprimés.
     Le financement de ce programme n'a pas changé.
    Silence, je vous prie.
    J'aimerais remercier nos témoins. Leur témoignage nous sera très utile.
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes pour permettre à l'autre groupe de témoins de s'installer.
    Chers collègues, on nous a apporté des sandwichs.
    Nous suspendons la séance pendant cinq minutes. Je vous remercie d'avoir comparu devant le comité.

  (1655)  


  (1705)  

    Nous allons reprendre.
    Notre groupe de témoins est composé comme suit: Charlotte Thibault, de la Fédération des femmes du Québec, Leslie MacLeod, présidente du Comité consultatif provincial sur la situation de la femme — Terre-Neuve-et-Labrador, Jennifer deGroot, coordonnatrice de projet de la United Nations Platform for Action Committee du Manitoba, de Monika Chappell, du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada. Monika n'est pas encore arrivée, mais elle se joindra sans doute à nous bientôt. Nous accueillons également Lise Martin, de l'Institut canadien de recherche sur les femmes.
    Merci à toutes de vous joindre à nous.
    Je vais demander à Mme Thibault de commencer.

[Français]

    Mon nom est Charlotte Thibault et je suis membre de la Fédération des femmes du Québec depuis 1979.
    Je m'intéresse au travail de Condition féminine Canada et du Programme de promotion de la femme depuis 1982. Il y a 17 ans aujourd'hui, 14 jeunes femmes, étudiantes à l'École Polytechnique de Montréal, ont été tuées par un homme qui en voulait aux féministes. Elles étaient le symbole de nos luttes pour l'égalité. Elles étaient jeunes, intelligentes et souhaitaient se réaliser dans un emploi réservé aux hommes. Il y a 17 ans, une amie a perdu sa fille alors que j'étais directrice générale de la Fédération des femmes du Québec. Il y a 17 ans, il y a une éternité, il y a un instant. Vous comprendrez pourquoi, en cette journée haute en symboles, la présidente de la Fédération des femmes du Québec ne pouvait quitter Montréal.
    La FFQ est une organisation féministe autonome qui travaille, solidairement et en alliance avec d'autres groupes, à la transformation des rapports sociaux de sexe dans toutes les activités humaines, en vue de favoriser le développement de la pleine autonomie des femmes et la reconnaissance véritable de l'ensemble de leurs contributions à la société.
    Fondée en 1966 sous l'initiative de Thérèse Casgrain, la FFQ compte 156 membres associatives et près de 800 membres individuelles, en provenance de toutes les régions du Québec. Les principaux objectifs de la FFQ sont de promouvoir et de défendre les intérêts et les droits des femmes et de lutter contre toutes les formes de violence, de discrimination, de marginalisation ou d'exclusion à leur égard.
    La FFQ est un carrefour qui se veut représentatif du pluralisme de la société québécoise et de la diversité du mouvement des femmes, particulièrement des femmes en situation de pauvreté ou qui sont exposées à vivre des discriminations en fonction notamment de leur couleur, de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, de leur âge, de leur religion ou de leur mode de vie.
    La FFQ fait une série de constats quant aux coupes à Condition féminine Canada et aux changements de critères du Programme de promotion de la femme.
    D'abord, nous trouvons qu'enlever l'objectif d'égalité du mandat du ministère est inadmissible et contraire à l'esprit de la Charte canadienne des droits et libertés et des différents traités et conventions signés par le Canada, dont la Convention pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Couper le budget de Condition féminine Canada, c'est détruire un mécanisme essentiel pour l'égalité des Canadiennes. Les coupes annoncées touchent principalement des postes de femmes et, parmi elles, au moins une dizaine de femmes de minorités visibles. Plusieurs d'entre elles ne pourront se replacer parce qu'elles n'ont pas la permanence. En plus des 61 postes coupés, plusieurs postes sont rétrogradés, provoquant des départs supplémentaires. Au Québec, le bureau de Québec devra fermer ses portes.
    Les consultations auprès des groupes de femmes, déjà peu fréquentes, deviendront quasi inexistantes. La disparition du fonds pour la recherche indépendante nuira à la réflexion sur les questions de politique publique. La modification des critères de financement du programme interdisant le financement d'activités de défense de droit et de lobbying nuira à l'action de la FFQ. En moyenne, 22 p. 100 du budget de la FFQ vient de subventions du Programme de promotion de la femme.
    La situation est plus dramatique pour plusieurs associations membres. Nous craignons des fermetures d'organismes dans la prochaine année. La situation est encore plus grave dans le reste du Canada parce que les gouvernements provinciaux et territoriaux, contrairement au Québec, ne financent pas les organismes de défense des droits.
    En conclusion, la FFQ se pose une série de questions. Comment Condition féminine Canada compte-t-elle jouer son rôle de liaison et d'agent de changement en utilisant l'analyse comparative entre les sexes avec les autres ministères fédéraux? Un plan d'action de cinq ans devait être mis en place en 2006 identifiant les priorités du gouvernement en matière de condition féminine. Où en est le plan et quelles sont les priorités? Comment Condition féminine Canada compte-t-elle jouer son rôle de leader et de coordonnateur avec les gouvernements provinciaux et territoriaux? Comment Condition féminine Canada compte-t-elle conserver son leadership et continuer à faire avancer la question de l'égalité des femmes à l'ONU, entre autres au Commonwealth, à la Francophonie et à l'Organisation des États américains?
    Nous croyons que la ministre, avec son plan de coupes, met en danger son ministère tout en nuisant à l'égalité de l'ensemble des Canadiennes. Puisse ce gouvernement changer d'idée.
    Merci beaucoup.

  (1710)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Thibault.
    Nous allons maintenant entendre Leslie MacLeod.
    Je suis un peu désavantagée, car je porte une prothèse auditive et le circuit en boucle ne fonctionne pas. Je ne vais pas pouvoir tout entendre, mais je ferai de mon mieux.
    Je suis venue de Terre-Neuve-et-Labrador. Les femmes de ma province m'accompagnent ici par la pensée. Elles m'ont demandé de vous communiquer un message : elles savent qu'il ne suffit pas de dire que les femmes sont égales pour qu'elles le soient. Nous savons que les femmes ne sont pas égales, que nous n'avons pas encore atteint l'égalité.
    Je prie les interprètes de m'excuser; je vais m'écarter un peu du texte de mon allocution.
    Ce que je veux, c'est vous dresser le tableau du travail qui a été réalisé par les femmes militantes très actives de Terre-Neuve-et-Labrador dans un certain nombre de dossiers, dans le cadre de projets plus précisément financés par Condition féminine Canada, par le truchement du Programme de promotion de la femme. Je ne vais pas le répéter dans chaque cas. Chacun des projets que je mentionne a été réalisé en collaboration avec Condition féminine Canada, avec l'aide des agentes de programme et du financement du Programme de promotion de la femme.
    Dans le domaine de la violence et de la justice, en 2003, à Terre-Neuve-et-Labrador, les services policiers ont indiqué que les victimes des cas signalés de meurtres, de tentatives de meurtre et de complots en vue de commettre un meurtre ont été en majorité des femmes. Les femmes ont été victimes de 82 p. 100 des agressions sexuelles, de 75 p. 100 des autres crimes sexuels et de 70 p. 100 des cas signalés de harcèlement.
    Dans notre province, une femme du nom de Nellie Nippard a été brutalement attaquée par son mari qui voulait sans doute la tuer. Elle a survécu à cette tentative de meurtre et a décidé de faire connaître son expérience aux autres femmes. Elle a commencé par travailler avec les femmes du Gander Status of Women Centre, ainsi qu'avec d'autres groupes. Ensemble, ces femmes ont entrepris de faire modifier les politiques relatives aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles, car même si Nellie avait survécu et que son agresseur était derrière les barreaux, celui-ci finirait par être entendu en audience en vue de sa libération conditionnelle.
    Les victimes n'étaient pas entendues dans les audiences de libération conditionnelle. Mais ces règles ont été changées grâce à Nellie, qui a failli perdre la vie, grâce à sa détermination, à sa persistance et à sa collaboration avec d'autres femmes, ainsi que grâce au financement de Condition féminine Canada. C'est ce qui s'appelle de la promotion systémique des droits. Lorsqu'une femme ou plusieurs femmes sont blessées, les femmes comprennent le problème et font front commun pour améliorer la situation de toutes.
    Le Gander Status of Women a fait également beaucoup d'autre travail pour favoriser l'accès des femmes à l'aide juridique, sans parler des dossiers de garde et d'accès et d'autres dossiers du domaine de la justice. Il a fallu un événement horrible comme catalyseur.
    En ce qui concerne la pauvreté des femmes, dans notre province, les familles monoparentales représentent environ 44 p. 100 des familles. Elles sont dirigées à peu près exclusivement par des femmes et leur niveau de revenu est bien inférieur au revenu minimum. Le Bay St. George Status of Women Council a effectué des recherches et de la promotion, et ses membres ont collaboré avec un certain nombre de partenaires en vue d'éliminer, dans la province, les obstacles auxquels sont confrontées les femmes qui reçoivent une aide pour faire des études et recevoir de la formation mais qui sont laissées à elles-mêmes pour se trouver un emploi. Les femmes reçoivent de l'aide pour faire des études, mais n'arrivent pas à se trouver de travail. Il faut qu'un groupe de femmes travaillent avec d'autres partenaires pour que les politiques soient modifiées et cessent de faire obstacle.
    En 2003, 45,9 p. 100 des femmes âgées seules de Terre-Neuve-et-Labrador vivaient dans la pauvreté. C'est encore le cas. Le Central Status of Women Council de Grand Falls-Windsor mène un projet qui vise à déterminer quelles sont les répercussions des politiques et des programmes publics sur les femmes âgées de plus de 50 ans qui vivent dans les régions rurales de la province. Le Conseil recueille de l'information sur l'expérience des femmes de toutes les couches de la société et formulera des recommandations de changement à partir de cette information.
    En ce qui a trait au logement, un grand nombre de femmes de notre province et de tout le pays vivent dans des logements qui ne sont ni convenables ni abordables. Les femmes seules, les femmes handicapées, bon nombre de familles et les femmes plus âgées sont plus susceptibles de se retrouver sans abri. C'est une triste réalité dans notre pays. Le St. John's Status of Women Council existe depuis 30 ans. Cet organisme a fait énormément de travail pour ce qui est de la recherche sur les questions liées au logement qui touchent les femmes, l'élaboration de recommandations et la promotion de changements. Certaines des mesures que ce conseil préconisait ont été mises en oeuvre. Des politiques ont été modifiées dans notre province. Le Conseil fait bouger les choses.

  (1715)  

    Le Conseil élabore actuellement un projet de logement à long terme dans l'espoir de faire construire un refuge et de mettre au point des programmes à l'intention des femmes qui risquent de se retrouver à la rue; il s'agit plus particulièrement des femmes seules âgées de plus de 30 ans, qui souffrent peut-être d'une maladie mentale, et des femmes qui sont déjà sans abri. Tout cela encore une fois grâce au Programme de promotion de la femme de Condition féminine Canada.
    Dans le dossier de l'emploi des femmes, je dirai que les femmes représentent environ 70 p. 100 des travailleurs au salaire minimum de notre province. En 2003, les Terre-Neuviennes avaient le plus faible revenu au Canada, soit environ 19 000 $ par année, ce qui représente 64 p. 100 du revenu moyen des hommes pour la même année.
    Le Women in Resource Development Committee offre des possibilités aux femmes dans le secteur des ressources naturelles. Ce secteur est très riche à Terre-Neuve-et-Labrador, alors que nous sommes encore très pauvres. Ce comité oeuvre à éliminer les obstacles en milieu de travail, entreprise par entreprise. Il offre des débouchés aux femmes et il les aide à trouver des emplois, à obtenir la formation et à réaliser des progrès dans un marché du travail très lucratif. Le travail du comité est profondément enraciné dans les principes de l'analyse en fonction du sexe et de l'équité. Les recherches financées par Condition féminine Canada ont permis de jeter les bases de ce travail.
    Parlons maintenant des femmes et du multiculturalisme... Une étude menée récemment à Terre-Neuve-et-Labrador a révélé que les immigrantes ont énormément de difficulté à se trouver du travail dans notre province, quels que soient leur niveau de scolarité et leur expérience antérieure. Le Multicultural Women's Organization of Newfoundland and Labrador travaille en étroite collaboration avec l'agent du programme de Condition féminine Canada de notre province pour réunir ces femmes, pour promouvoir leur égalité, pour leur faire mieux connaître leurs droits, leurs libertés et leurs responsabilités au sein de notre pays et pour les mettre en rapport avec notre communauté.
    Nous savons que les femmes handicapées connaissent des difficultés importantes. À Terre-Neuve-et-Labrador, 40 p. 100 des femmes handicapées sont au chômage. Je n'ai pas besoin d'en dire plus.
    Quant aux femmes autochtones... Nous avons entendu tout à l'heure le témoignage de l'AFAC. Dans notre province, les femmes autochtones de tous les groupes culturels et de toutes les régions se sont réunies pour organiser deux conférences orchestrées, financées et appuyées par la province  — une en mars et l'autre il y a deux semaines à peine. Les femmes autochtones de notre province commencent à se faire entendre là où cela compte, mais il reste encore énormément à faire.
    Permettez-moi de conclure. Tout ce travail, et je n'ai parlé que du travail essentiel de promotion de l'égalité, a été réalisé par l'entremise du développement social, du partage de la sagesse, de l'expérience et des connaissances, du travail de femmes qui ont vécu elles-mêmes ces expériences et d'organisations qui sont prêtes à faire le travail de défense des droits. Le gouvernement fédéral doit accepter le travail et les responsabilités qui lui reviennent. Les compressions et les changements doivent être renversés.
    Merci, madame la présidente.

  (1720)  

    Merci beaucoup, madame MacLeod.
    Nous entendrons maintenant le témoignage de Jennifer deGroot. Bienvenue.
    J'aimerais vous faire part d'une petite anecdote.
    La semaine dernière, ma collègue et moi avons organisé un atelier pour 16 immigrantes. Ces femmes venaient de l'Iran, des Philippines, de la Colombie, du Sierra Leone, de Macédoine et de Chine. Certaines étaient au Canada depuis six ans, une d'entre elles était arrivée une semaine plus tôt.
    Pendant la journée, les femmes ont appris comment fonctionne le processus politique au Canada, tout particulièrement en ce qui a trait au budget. Elles ont visionné un dessin animé qui présentait le processus budgétaire, depuis le discours du Trône jusqu'au budget des dépenses en passant par la présentation du budget. Elles ont manipulé des pièces qui représentaient les divers secteurs de dépenses du gouvernement, et devaient essayer de deviner quelle pièce était associée à un secteur particulier. Elles ont parlé de leurs priorités personnelles pour les dépenses du gouvernement — les programmes qui leur seraient utiles, les programmes qui ne le sont pas — et elles ont proposé des façons d'accroître les recettes du gouvernement.
    Vers la fin de la journée, elles ont participé à une simulation, prétendant qu'elles rencontraient un politicien. Vers la fin de notre rencontre, une dame des Philippines qui ne parlait pas beaucoup a dit :  « Je suis plutôt gênée. Avant cet atelier, je n'aurais jamais imaginé que je pourrais rencontrer un représentant du gouvernement. Maintenant, je sais que je pourrais le faire. »
    C'est justement ce que fait le groupe que je représente, l'UN Platform for Action Committee au Manitoba, ou l'UNPAC. De façon accessible et intéressante, nous donnons aux femmes du Manitoba, tout particulièrement à celles qui sont vulnérables, les outils dont elles ont besoin pour participer pleinement à la vie économique et politique.
    L'UNPAC reçoit des fonds de Condition féminine Canada depuis sa création en 1995. Nous avons utilisé ces fonds pour une vaste gamme d'activités liées au respect des engagements internationaux en matière de droits de la personne.
    Depuis 2000, nos efforts visent à accroître les connaissances économiques des femmes. Nous avons élaboré des ressources et des outils d'éducation populaire pour renseigner les femmes sur les questions économiques qui touchent leur vie. Nous avons préparé une vidéo sur les femmes et l'économie; plus de 600 exemplaires de la vidéo Banging the Door Down ont été distribués.
    Notre travail actuel nous amène dans toutes les régions du Manitoba pour y organiser des ateliers interactifs d'une journée entière sur le budget gouvernemental. Ces 18 derniers mois, nous avons travaillé avec environ 400 femmes dans 16 collectivités de la province, notamment des mères célibataires, des femmes handicapées, des résidentes du Nord et des régions rurales, des Autochtones, des immigrantes, des francophones et des aînées.
    Nos ateliers ont lieu à des heures convenant aux femmes. Nous fournissons des services de garde d'enfants et des déjeuners, et nous utilisons une méthode adaptée aux divers types d'apprenantes et aux expériences de vie des femmes.
    Nous avons décidé d'offrir des ateliers sur le budget parce que le budget gouvernemental n'a pas le même impact sur les femmes que sur les hommes. Les budgets sont sexistes. Puisque les budgets reflètent les priorités du gouvernement, la discussion du budget permet de faire la promotion de l'égalité économique des femmes.
    De même, à notre avis, les femmes sont des expertes en matière de budget. Nombre de femmes réussissent à faire beaucoup avec très peu d'argent, ce qui est une chose qui plaît beaucoup au gouvernement. Nous avons constaté que les femmes ont de très bonnes idées lorsque nous procédons à ces discussions sur le budget.
    Les femmes s'intéressent beaucoup à la reddition de comptes, une autre question qui intéresse vivement les gouvernements. Un budget gouvernemental qui est utile aux femmes assurera une plus grande reddition de comptes et sera plus efficace. Tout cela est à l'avantage de tous les citoyens.
    Pour de nombreuses femmes, la participation à nos ateliers est la première occasion qui leur est offerte de discuter d'un budget gouvernemental. Bon nombre d'entre elles ne savaient pas que leur opinion comptait et qu'elles étaient capables de comprendre les politiques et les programmes gouvernementaux, au sujet desquels elles ont d'ailleurs le droit et le devoir d'exprimer leur opinion.
    Au terme de nos ateliers, des femmes nous ont dit : « Toutes les femmes devraient être informées sur le budget. Je n'avais aucune idée de ce que c'était. Maintenant, je suis mieux informée et je puis en parler aux autres. » Une autre femme a dit : « J'ai appris que ma voix peut être entendue et peut changer quelque chose ».
    Nous offrons aux femmes des collectivités les outils dont elles ont besoin pour défendre leurs propres intérêts. Plus de la moitié de ces femmes qui participent à nos ateliers écrivent à leur représentant élu pour lui faire part de leurs priorités budgétaires. Pour nombre d'entre elles, c'est la première fois qu'elles écrivent à un politicien.
    Une femme a décidé de présenter sa candidature à une charge officielle en affirmant que sa participation à notre vidéo sur les femmes et l'économie est un des facteurs qui l'avaient incitée à se lancer dans l'action. D'autres ont participé aux consultations prébudgétaires provinciales, ont été interviewées par les médias locaux ou ont organisé des réunions avec leurs représentants élus.

  (1725)  

    Nous enseignons aux femmes des compétences qui leur permettent de promouvoir elles-mêmes leurs droits à l'égalité et leur participation à l'économie. Nous leur fournissons des ressources et entretenons avec elles un dialogue permanent afin de soutenir leur pleine participation au processus politique et économique. Nombre de pays n'appuieraient jamais ce genre d'initiatives, des initiatives qui sont fondamentales si l'on veut avoir une démocratie saine et responsable.
    Nous croyons comprendre que nos activités auprès des femmes ne correspondent plus au nouveau mandat de Condition féminine Canada. Nous sommes une organisation qui fait la promotion des droits des femmes, et on nous a dit que la promotion ne sera plus financée.
    De plus, les coupures d'ordre administratif nous toucheront. La fermeture de notre bureau de Winnipeg rendra plus distants nos rapports avec le personnel de Condition féminine Canada. Le personnel de cette organisation a beaucoup appuyé nos initiatives. Ils ont assisté à nos ateliers, traduit nos documents et nous ont mis en contact avec d'autres groupes et sources de ressources, et nous ont offert leur soutien continu.
    Nous avons besoin de ces ressources financières et des personnes qui en sont responsables pour continuer à travailler afin de créer une démocratie où toutes les femmes ont voix au chapitre.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passerons maintenant à Mme Lise Martin.
    Je représente l'Institut canadien de recherches sur les femmes, un organisme sans but lucratif bilingue de portée nationale axé sur la recherche et l'aide aux organisations qui luttent afin d'obtenir la justice sociale et l'égalité pour toutes les femmes. Nous estimons que l'information et le savoir sont les clés de l'autonomisation. L'ICREF peut faire état d'un palmarès riche et couronné de succès dans le domaine de l'offre de renseignements fiables, accessibles et pertinents sur les questions qui touchent l'égalité des femmes. Les réductions apportées à Condition féminine Canada et la modification du mandat du Programme de promotion de la femme auront un impact énorme.
    J'aimerais d'abord apporter quelques précisions puisqu'il semble exister une certaine confusion si je me fie à certains commentaires qui ont été faits lors des audiences de votre comité. Ces réductions ne sont pas des réductions administratives. Loin de là. Des programmes complets ont été éliminés, comme le Fonds de recherche en matière de politique de Condition féminine Canada, et pratiquement 50 p. 100 des employés.
    D'après diverses déclarations, les groupes de femmes ne recevront plus de financement après ces réductions. Il est vrai que le budget du Programme de promotion de la femme n'a pas été modifié, tout au moins pas encore, mais les raisons pour lesquelles des groupes comme l'ICREF ne recevront plus de financement sont beaucoup plus graves. En fait, refuser de financer la recherche, la promotion et le lobbying semble nier deux valeurs clés qui tiennent à coeur à tous les Canadiens : l'égalité et la démocratie.
    Quand l'ICREF parle d'égalité, nous ne parlons pas simplement de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais également entre divers groupes de femmes. La société ne peut pas simplement être décrite comme étant composée de deux catégories, les hommes et les femmes. C'est trop simpliste et trop peu visionnaire. Si nous voulons que le Canada s'épanouisse et progresse, il nous faut avoir un sens critique. C'est ce à quoi sert la recherche.
    Aller de l'avant veut dire qu'on étudie le contexte et qu'on est en mesure de façon permanente de tout remettre en question. Qu'est-ce que cela représente pour ceux qui vivent cette situation et pour les autres? En refusant de financer la recherche, la recherche qui pose des questions difficiles et qui essaie d'analyser la discrimination systémique, nous disons simplement que nous pouvons accepter le statu quo. En refusant de financer la recherche et la promotion, nous décidons simplement de tourner le dos à la démocratie pour une grande partie de la population.
    Il nous faut reconnaître que le secteur privé n'est pas du tout intéressé à financer les organisations qui mettent en question la discrimination systémique. Nous ne sommes pas fous, non plus. Les questions dures que nous posons font ressortir dans bien des cas le fait que c'est le profit qui les motive. Tout est une question d'argent, ce qui n'a rien à voir avec les personnes autochtones, les personnes handicapées ou celles qui sont d'une race différente de la majorité, les femmes qui trop souvent ne font pas partie des priorités de la société.
    On dit qu'il ne faut plus financer la recherche parce qu'elle n'est plus nécessaire, que nous avons déjà toutes les réponses. Encore une fois, c'est un message qui est communiqué, soit que le statu quo est acceptable. C'est une façon de nier que nous sommes en pleine évolution. En fait, tout change toujours.
    J'aimerais revenir aux valeurs de la démocratie et de l'égalité pour vous expliquer comment ces valeurs sont minées par les réductions apportées à Condition féminine Canada et aux modifications apportées au mandat du Programme de promotion de la femme. Comme je l'ai signalé plus tôt, la recherche peut mener à l'autonomisation. Les méthodes de recherche employées par l'ICREF permettent non seulement d'assurer l'autonomisation des femmes, mais cherchent également à leur permettre de participer à leur propre avenir.
    J'aimerais vous dire quelques mots sur une étude que nous venons de terminer sur l'impact des modifications apportées au transfert social canadien sur les femmes autochtones, immigrantes et handicapées. Cette étude a été financée par l'ancien Fonds de recherche en matière de politique de Condition féminine Canada. Cette étude a répondu à la question : Entend-on les femmes? Cette étude avait pour objectif d'assurer la participation des femmes aux consultations politiques. Malheureusement, le gouvernement fédéral actuel s'intéresse peu à la question, comme à toute autre question touchant la pauvreté, l'aide sociale, les mesures de récupération et j'en passe.
    Nous avions pensé communiquer les résultats de cette étude au Comité permanent des ressources humaines et nous avions espéré que certaines des femmes qui avaient participé à l'étude pourraient témoigner directement lors d'audiences nationales sur le transfert social. Nous n'avons pas été surprises d'apprendre que ces audiences ont aussi été annulées.

  (1730)  

    Voici certains extraits de notre étude.
    Une femme handicapée qui vit à Winnipeg a dit :
Je ne peux pas me permettre d'acheter des fruits ou des légumes. Ma santé n'est pas ce qu'elle devrait être puisque je n'ai pas suffisamment d'éléments nutritifs dans mon régime. J'ai désormais des problèmes permanents parce que je suis tout simplement trop pauvre pour me nourrir correctement. J'ai maintenant des problèmes qui ne disparaîtront jamais parce que même si je suis heureuse de recevoir de l'aide, je vis toujours en-dessous du seuil de pauvreté et parfois je n'ai pas suffisamment d'argent pour manger et je dois jeûner pendant plusieurs journées consécutives. Je sais que cela nuit à ma santé.
    Un autre commentaire d'une femme qui est handicapée :
Je me suis retrouvée à un endroit qui était dangereux. J'ai été attaquée à plusieurs reprises. J'ai peur de vivre là où je vis, et je dois déménager, mais où? Vous ne pouvez même pas louer d'appartement; vous allez vivre dans une maison de chambres et on vous demande de payer le taux du bien-être social. Mes trois derniers colocataires étaient des gens que je ne connaissais pas et je me suis retrouvée dans une situation désastreuse parce que quand ils sont partis j'ai dû dépenser tout l'argent que j'avais mis de côté pour me nourrir pour payer la partie du loyer. C'était ça ou me retrouver dans la rue.
    Il est intéressant de noter que les femmes ont soulevé le problème associé à l'accès au téléphone. Pour nombre des femmes que nous avons rencontrées, le téléphone représentait un objet de luxe. L'absence d'accès au téléphone a un impact direct sur la capacité de trouver un emploi rémunéré; cela est également préoccupant pour les femmes qui sont en piètre santé, les femmes handicapées et les mères.
    Une femme a dit :
...c'est dangereux... de vivre sans avoir au moins un téléphone, tout particulièrement si vous avez des enfants et qu'il y a une urgence; de plus, il est impossible de chercher un emploi si les gens ne peuvent pas vous rejoindre.
    Contrairement à ce que la ministre Oda croit peut-être, l'égalité pour les femmes n'est pas à un appel près.
    Une femme autochtone de Vancouver a dit :
Je suis payée un dollar de l'heure comme bénévole pour une organisation simplement pour pouvoir m'acheter de la pâte à dent, du papier de toilette, du savon, du shampoing, du détergent à vaisselle et du détergent à lessive. C'est ce que me permettent d'acheter les coupons que je reçois quand je travaille pour cette organisation. Si je n'avais pas cet emploi rémunéré à 1 $ de l'heure, je n'aurais pas tous ces produits, parce que je ne peux pas me permettre de les acheter car mon chèque d'invalidité ne suffit pas.
    J'aimerais demander à ceux qui ont pris la décision d'apporter ces réductions et ces modifications au mandat s'ils pensent que ces personnes qui ont communiqué ces messages ne méritent pas d'être entendues. Pensent-ils que oui, tout le monde a droit d'avoir la chance d'avoir voix au chapitre quand on adopte des politiques qui nous touchent vraiment? Pensent-ils sérieusement que la situation actuelle permettra à ces femmes d'exprimer adéquatement leurs préoccupations?
    Pour composer avec les problèmes que vivent les femmes pauvres, il faut beaucoup plus que quelques vêtements d'affaires qui ont été donnés. Il faut un effort auquel tous participent afin de réunir les services de recherche et les services d'intervention, pour assurer des changements à long terme.
    Comme nous le savons tous, conformément aux nouvelles modalités, la majorité des travaux de recherche ne seront plus financés. On ne pourra plus recevoir de financement pour créer nos fiches de renseignements. Nous ne recevrons plus de subventions pour répondre à certaines des questions difficiles qu'il faut résoudre telles que le problème de la persistance et de l'expansion de la pauvreté dans un pays comme le Canada qui a connu une croissance économique appréciable.
    Il est clair que les nouvelles modalités reflètent un modèle caritatif qui refuse de reconnaître que la discrimination systémique existe. Notre démarche démontre clairement qu'un nombre beaucoup trop grand de femmes au Canada n'ont pas profité d'une égalité à laquelle elles n'ont eu droit jusqu'ici qu'en théorie.
    C'est pour cette raison que nous recommandons que les réductions et modifications soient annulées dès maintenant.

  (1735)  

    Merci, madame Martin.
    Nous passons maintenant à Mme Monika Chappell du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada. Bienvenue.
    Tansi. Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée devant votre comité.
    J'aimerais vous signaler que j'ai eu le privilège et la responsabilité de recevoir un nom cri qui veut dire « Aigle qui protège le feu sacré ». Je prends ce nom et cette responsabilité au sérieux.
    À titre de visiteuse dans le territoire des Six nations, je désire signaler que cette réunion a lieu sur un territoire autochtone, et je tiens à remercier le peuple haudenosaunee de nous avoir permis de nous réunir dans son territoire. J'en conclus que nous sommes tous ici des visiteurs.
    J'aimerais également remercier le comité permanent de m'avoir offert cette occasion de m'adresser à lui pour aborder cette question fort importante. Tout particulièrement, je tiens à remercier le comité d'avoir changé la salle prévue pour la réunion pour que le local soit accessible et pour avoir pris les mesures pour qu'un chauffeur de taxi puisse m'amener à la porte de l'édifice; si ces mesures n'avaient pas été prises, je ne pourrais être des vôtres aujourd'hui.
    Je suis la directrice nationale du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada. Je m'adresse à vous pour la première fois aujourd'hui, une journée fort importante puisque c'est le 75e anniversaire de l'élection de la première femme députée au Canada. C'est la première fois qu'une organisation nationale de femmes handicapées s'adresse à votre comité. En fait, c'est absolument incroyable.
    Permettez-moi de vous dire quelques mots sur le RAFHC, pour ceux d'entre vous qui ne le connaissent pas. Il s'agit d'un organisme national qui regroupe des femmes ayant des incapacités de tout ordre; il représente des femmes qui se définissent elles-mêmes comme étant handicapées et nous représentons des femmes de toutes les régions du pays.
    En 1985, un groupe de femmes handicapées qui faisait partie d'un groupe national, qui devait devenir par la suite le Conseil des Canadiens avec déficiences, s'est réuni à Ottawa puisqu'elles avaient eu de la difficulté à amener un groupe cadre dominé par des hommes à se pencher sur des questions qui touchaient les femmes exclusivement — ce n'est pas trop surprenant. Cette réunion historique a duré trois jours, pendant lesquels les femmes ont identifié une série de questions qu'elles jugeaient prioritaires comme la violence contre les femmes handicapées, le maternage, l'image de soi et l'emploi. Après les réunions, ces femmes sont rentrées chez elles et ont mis sur pied des organisations locales à bien des endroits.
    Le groupe a demandé et obtenu une aide financière pour effectuer des travaux de recherche sur ces quatre questions prioritaires. Ces travaux révolutionnaires ont fait du Canada le chef de file dans ce domaine à l'échelle internationale. En 1992, devenue une organisation nationale à but non lucratif, nous avons poursuivi nos travaux de recherche dans les domaines que les femmes jugeaient importants. Nous avons élaboré des lignes directrices déontologiques pour la recherche afin de s'assurer que ces travaux seraient toujours fondés sur une participation des intervenants et identifieraient les changements à apporter au niveau de la politique et de l'organisation; nous voulions que ces recherches aient toujours un impact sur les femmes touchées et les membres de notre réseau.
    Ces travaux de recherche nous ont permis de faire la promotion du développement communautaire. Puisque les femmes handicapées sont dans une large mesure isolées, n'ont pas de talents sociaux ou de talents d'organisation, sont victimes de discrimination et doivent surmonter d'importants obstacles pour participer à la société, des obstacles comme le manque de confiance en soi et des problèmes d'accès externes, le développement communautaire s'imposait.
    En 1998, nous avons reçu un financement de base du BCPH et avons retenu les services d'un coordonnateur national; notre orientation a changé en partie pour suivre le financement accordé par le gouvernement et nous concentrer plutôt sur l'emploi et l'acquisition de compétences en technologies de l'information. Nous avons de plus progressivement abandonné les interventions populaires et le développement communautaire. Malheureusement, en 2003, nous avons perdu notre financement de base et nous cherchons depuis à récupérer notre niveau d'activité.
    Une de nos filiales les plus solides, le RAFHC de la région du Pacifique, qui inclut la Colombie-Britannique et le Yukon, a collaboré avec un bureau de Vancouver pour l'aider à constituer leur réseau. Grâce à leur appui et leur inspiration, nous avons surmonté les obstacles à notre participation — enfin des obstacles qui existent même au sein du mouvement féministe — et 10 ans plus tard, en sommes finalement venus au point où nous avons pu demander un financement régional.
    Ce projet régional fort réussi portait sur le renouvellement et la reconstitution, et est pratiquement terminé. En fait, notre réunion générale annuelle a eu lieu la semaine dernière, et cette société affiliée est, enfin, après 10 longues années, une société à but non lucratif.

  (1740)  

    Notre groupe national a utilisé ce projet-pilote dans tout le pays afin de faire une demande de fonds pour la première fois auprès de Condition féminine Canada. Nous venons de terminer un projet de six mois conçu pour renouveler nos structures administratives, pour cerner nos priorités et renouveler notre conseil d'administration.
    Nous avons profité de l'occasion pour vous envoyer nos trois plans d'action stratégiques des 18 prochains mois. J'espère que Michelle a pu les distribuer à tous les membres du comité.
    Nous venons aussi de recevoir une subvention de près de 200 000 $ de Condition féminine Canada afin d'effectuer du travail concernant deux des priorités : la violence contre les femmes et les enfants handicapés ainsi que l'élaboration de projets de logement à long terme à l'intention des femmes handicapées.
    Notre troisième plan stratégique porte sur l'emploi, et nous allons demander des subventions d'un autre organisme à cet égard.
    Avec l'aide du bureau national, nous avons réussi à renouer avec le Bureau de la condition des personnes handicapées et nous nous sommes en train de lui soumettre une nouvelle demande de financement.
    Nous sommes d'accord avec la ministre Oda lorsqu'elle affirme qu'il faut soutenir pécuniairement des initiatives qui profiteront directement aux femmes. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord avec l'idée selon laquelle le fait d'appuyer des organismes comme le YWCA ou l'Armée du Salut nous sera utile.
    Nous ne pensons pas non plus que toutes les recherches pertinentes ont déjà été effectuées. C'est loin d'être le cas. Lorsque nous avons examiné le plus récent document de Statistique Canada concernant la violence contre les femmes, j'ai découvert qu'on ne nous mentionnait même pas. Nous ne figurions même pas en tant qu'organisme devant faire l'objet de recherches plus poussées, cela en dépit de nos propres recherches et de celles effectuées dans le monde entier et arrivant à la conclusion que la violence contre les femmes souffrant de handicaps est une épidémie dissimulée.
    Par rapport à certains de nos groupes, ainsi par exemple les femmes sourdes ou malentendantes, nous n'avons même pas demandé de quoi elles ont besoin pour être en sécurité d'une manière qu'elles puissent répondre. Il est extrêmement difficile de travailler en devant franchir toutes sortes d'obstacles comme la langue, la culture, les handicaps, l'absence de ressources en langage ASL ou langage des signes américain, et d'établir des contacts avec les femmes sourdes, et il faut ajouter à cela le soutien qu'il faut leur apporter pour qu'elles s'organisent, mais nous nous sommes engagées à le faire.
    Nous nous réjouissons aussi beaucoup d'apprendre que la ministre Oda a reconnu que certains groupes de femmes doivent affronter des obstacles supplémentaires à leur participation et auront donc besoin de soutien de la part de Condition féminine Canada. Toutefois, nous nous opposons fermement aux restrictions annoncées par la ministre et qui frappent quatre groupes de femmes qui pourraient recevoir de l'aide supplémentaire de la part des bureaux de Condition féminine Canada.
    Je pourrais pourtant dire que nos besoins à nous sont tout aussi énormes et peut-être même plus considérables que ceux des quatre groupes mentionnés. À l'échelle tant provinciale que nationale, nous avons eu besoin de l'aide très soutenue du personnel de Condition féminine Canada pour surmonter nos nombreux obstacles. En dépit de nos nombreuses difficultés, nous ne sommes pas jugées admissibles et nous ne figurons jamais sur la liste. Nous demandons donc à la ministre Oda d'annuler cette restriction afin qu'on ajoute les femmes handicapées à la liste.
    Nous sommes heureuses que la ministre n'ait pas touché aux subventions et contributions. Toutefois, le fait de fermer des bureaux et de diminuer les effectifs aura des répercussions considérables sur notre réseau. Il faut que nous consacrions beaucoup de temps et d'efforts pour surmonter notre faible estime de nous-mêmes et notre manque de confiance et même souvent notre faible niveau d'instruction. En effet, le niveau d'instruction moyen des femmes sourdes est une troisième année.
    Il nous faut du temps pour surmonter notre propre méfiance, l'intimidation des fonctionnaires et cette petite voix à l'intérieur de nous qui nous dit que nous n'avons pas d'importance. Il nous faudra aussi des ressources pour que nous puissions aller beaucoup plus loin pour rencontrer les nouveaux membres du personnel avec lesquels nous devrons faire affaire, si tant est qu'on nous accorde même cette forme de soutien. Nous n'avons ni temps ni ressources.

  (1745)  

    Madame Chappell, auriez-vous l'obligeance de conclure?
    Il me reste un point à présenter.
    En dernier lieu, j'aimerais parler du fait que, dorénavant, les organismes à but lucratif pourront demander de l'aide financière de Condition féminine Canada. Si vous vous reportez à mon exposé, vous avez compris que nous avons à peine suffisamment de ressources pour nous organiser à l'échelle tant nationale que locale, cela en dépit de besoins très pressants. Il est donc renversant d'apprendre que nous devrons faire concurrence à des organismes à but lucratif. Nous ne pourrons tout simplement pas rivaliser avec eux.
    Je vous remercie de votre attention.
    Je vous remercie beaucoup, madame Chappell.
    Vous pourrez nous faire part d'autres idées ou d'autres arguments lorsque vous répondrez aux questions que vous poseront nos membres.
    Nous allons maintenant passer à la période des questions. La parole sera d'abord donnée à Mme Minna, qui a sept minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais d'abord commencer par quelques propos avant de poser ma question, tout simplement pour rectifier certaines choses.
    Au sujet des sommes supprimées, selon les membres du parti gouvernemental, il était entendu depuis très longtemps que ces 5 millions de dollars seraient réaffectés. D'abord, ça n'est pas vrai. La somme a figuré dans le budget et il y a donc eu une compression directe. La ministre l'a mentionné pour la première fois hier. À en juger d'après ce qu'elle a dit aujourd'hui, les montants seront envoyés ailleurs et certainement pas aux organisations qui sont ici aujourd'hui.
    J'aimerais maintenant lire les propos tenus par la ministre lorsqu'elle a témoigné devant notre comité, et je cite :
Après plus de 30 années d'existence, Condition féminine Canada doit livrer des résultats réels et mesurables qui ont une incidence directe sur les femmes et sur leurs familles. Dans le cadre de notre examen des dépenses, annoncé au début de la semaine dernière, le gouvernement est arrivé à la conclusion qu'on peut économiser 5 millions de dollars en administrant de manière plus efficace Condition féminine Canada. Quant au programme de subventions et contributions émargeant au budget du Programme de promotion de la femme, il conservera le même budget annuel de 10,8 millions de dollars.
    Selon les paroles mêmes de la ministre, il n'y a pas de réaffectation de fonds. Alors, ne parlons plus du fait que tout le monde était au courant. Je tenais simplement à faire cette mise au point.
    Madame la présidente, j'aimerais maintenant parler de choses plus précises, malgré le fait qu'il y a déjà eu des discussions ici aujourd'hui. Outre les compressions budgétaires et la fermeture de bureaux, et si j'ai bien compris, la réaffectation de certaines sommes — ce qui est bien — il n'empêche que le mandat du ministère a été modifié ainsi que les critères sur lesquels il doit fonder son action. Le mandat précédent du ministère établissait très clairement qu'il s'agissait « d'offrir une aide financière et des services professionnels aux groupes de femmes et aux autres organismes oeuvrant en faveur de l'égalité des femmes, en examinant la situation économique, sociale, politique et juridique des femmes ». Eh bien, on a rayé la situation politique et juridique et le terme égalité. Nous le savons, et il me paraissait important de le souligner.
    Les objectifs précisaient qu'il fallait « faciliter la participation des groupes de femmes au processus des politiques gouvernementales » — il s'agit donc de revendication — et « d'accroître la compréhension du public pour susciter la prise de mesures touchant des enjeux sur l'égalité des femmes », etc. Je ne vous lirai pas tout cela car c'est disponible. Toutefois, tout cela est parti. On n'a conservé que deux petits paragraphes où il est question de choses en général, d'organismes à but lucratif et d'autres choses encore.
    Ce qu'il faut retenir ici, c'est que ces énoncés ont disparu. Ma question est donc la suivante. Nous nous réjouissons que des sommes d'argent seront réaffectées, mais il faudrait même qu'elles soient augmentées. Toutefois, quelles seront les conséquences des nouveaux critères? Tous les organismes qui font de la revendication, de la recherche et qui s'efforcent de renseigner les femmes afin que ces dernières luttent pour obtenir leurs droits n'ont plus droit de cité. Comment cela affectera-t-il vos organisations, j'entends par là l'élimination de ces critères précis?
    Que celles qui souhaitent répondre le fassent.
    C'est certain que compte tenu de ce que nous faisons de la recherche, ce projet ne sera plus admissible, selon les critères actuels.
    Avant d'aller plus loin, j'aimerais que vous me confirmiez que le budget du programme de promotion de la femme, qui était de 10,2 millions de dollars, sera maintenant de 15 millions de dollars. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    Les témoins ne sont pas autorisés à poser des questions.
    Je ne peux pas poser de questions?
    Non.
    Je crains que la discussion soit donc à sens unique.
    Des voix: Oh, Oh.
    Vous pouvez toujours écrire à la ministre pour poser la question.
    Je vous signale que le budget du programme est désormais limité à 10,8 millions de dollars.
    Bon, d'accord. Nous avons fait des calculs, et même si un budget de 10,8 millions de dollars peut sembler énorme, cela ne représente foncièrement que 52 cents par femme et par fille par année — c'est-à-dire moins que le coût d'une tasse de café. C'est ce que le programme de promotion de la femme investit dans les femmes. C'est important.
    Il est clair que nous ne recevrons pas de financement du programme de promotion de la femme. Comme je l'ai dit dans mon exposé, je ne crois pas que le secteur privé se bousculera pour nous aider non plus. Je doute de votre...Vous, les femmes conservatrices, vous avez dit que nous devrions vous faire confiance, que vous avez à coeur le sort des femmes. Vous venez de réduire de moitié l'effectif du ministère de Condition féminine Canada. Il y a là à mon avis une contradiction criante.

  (1750)  

    Y a-t-il d'autres réponses pour Mme Minna?

[Français]

    J'aimerais dire un mot sur les conséquences pour la Fédération des femmes du Québec des changements au Programme de promotion de la femme. Notre financement est assuré jusqu'à l'année financière 2007-2008, mais après cela, 21 p. 100 de notre financement disparaîtra. Nous avons fait une étude et, en moyenne, 21 à 22 p. 100 de notre financement provenait du Programme de promotion de la femme. Présentement, nous ne voyons pas de quelle façon nous pourrons présenter des projets qui pourraient être admissibles. Après avoir discuté avec plusieurs agentes du programme, nous n'avons pas encore trouvé de quelle façon nous pourrions présenter des projets admissibles. C'est un des effets de cette décision.

[Traduction]

    Ah, l'égalité des femmes au Canada, c'est toute une aventure.
    Le conseil consultatif auquel je participe ne demande ni ne reçoit de financement de Condition féminine Canada. Le gouvernement provincial finance notre organisme afin qu'il soit le porte-parole de la défense des droits dans notre province. Cependant, les organismes de femmes militantes — les conseils locaux de condition féminine et d'autres organisations dont j'ai parlé — doivent demander leur financement à Condition féminine Canada pour des activités visant à éliminer la discrimination systémique et promouvoir l'égalité des femmes. Nous vivons certes une époque intéressante, parce qu'à l'heure actuelle, notre province finance des organisations provinciales de femmes et des organisations locales pour la prestation des services. Elle en avait fait autant il y a un certain nombre d'années, lorsque Condition féminine Canada avait décidé ne plus offrir de financement de base et de financer plutôt des projets exclusivement, au cas par cas. Les mouvements féminins ont donc dû composer au fil des ans avec un grand nombre de changements qui étaient apportés aux programmes et au financement.
    Le dernier changement est probablement celui qui sera le plus dévastateur, les groupes de ma province et de tout le pays n'arrivent pas à concevoir comment ils pourront obtenir du financement et l'utiliser pour réaliser des progrès. Cela pose donc des problèmes importants.
    Le développement social, cela ne se fait pas en présentant des demandes sur un site Web. Les femmes de notre province ne se sont jamais plaintes d'être incapables de présenter une demande à Condition féminine Canada. Nous avions un agent de programme qui connaissait les femmes, avec qui il était facile d'entrer en relation et qui avait un budget pour se déplacer dans la province. Personne ne s'est plaint d'avoir été privé des services ou du financement de Condition féminine Canada — mais ce sera maintenant le cas. On ne peut pas remplacer de bonnes communications par un site Web.
    Allez-y, madame Chappel.
    La réponse la plus brève que je puisse vous donner, madame Minna, c'est que le gouvernement se punit lui-même par dépit. Comment pourra-t-il résoudre les problèmes des femmes, y compris des femmes handicapées, s'il ne peut se fonder sur de l'information exacte dans tous les dossiers qui nous touchent? Il y a certains enjeux dont nous ne sommes même pas encore au courant. Voilà ma réponse la plus brève.
    À vous, madame deGroot.
    Tout notre financement vient du financement de projets. Nous n'avons aucun financement de base. Dans le cas de notre dernier projet, nous avons reçu une petite subvention d'un autre organisme, mais sinon, nous ne connaissons personne qui soit prêt à financer ce genre de travail, car nous n'avons pas le statut d'organisme de charité. Cela veut dire que nous devrons fermer notre bureau et que nous n'aurons plus de personnel. Nous ne serons peut-être même plus en mesure de conserver notre site Web.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à Mme Mourani.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie de vos présentations. J'aimerais poser deux questions à Mme Thibault.
    Vous avez dit, un peu plus tôt, que 21 p. 100 du budget de la FFQ serait amputé à cause de ces compressions. Pourriez-vous me donner des exemples concrets de projets qui ont été réalisés? La ministre parle beaucoup d'actions concrètes, car elle ne semble pas en avoir vu dans les projets réalisés. D'autre part, je constate que la notion d'égalité, à la base, ne semble plus constituer un problème pour la ministre, puisqu'elle considère que les femmes sont égales. Les gestes posés sont conséquents avec une telle vision des choses.
    Pourriez-vous, par ces exemples concrets de projets, me montrer comment on a contribué à l'égalité des femmes? Il s'agit là de points très concrets qui montreraient à la ministre qu'elle se trompe.
    Pourriez-vous aussi commenter le fait qu'au Québec, on ne retrouve qu'un seul bureau, celui de Montréal, qui, semble-t-il, s'occupe de tout le Québec et du Nunavut? Je ne comprends pas, d'ailleurs, pourquoi il s'occupe du Nunavut plutôt que d'une autre région. Concrètement encore, quel sera l'impact du fait qu'il n'y ait qu'un seul bureau pour traiter tous les dossiers du Québec et du Nunavut? De plus, a-t-on vraiment une expertise et une bonne compréhension des groupes du Nunavut à Montréal? Je ne dis pas que ces personnes ne sont pas compétentes, mais, par exemple, je ne connais rien du Nunavut, alors que je connais un peu plus Montréal. Donc, si je devais évaluer des dossiers de Montréal, je serais plus en mesure de les comprendre que ceux du Nunavut. Je me posais cette question à cet égard.
    N'y aura-t-il pas, encore une fois, des retards dans le traitement des dossiers et dans le versement des subventions, ce qui fera que les organismes seront éternellement en mode de survie? Cette question s'adresse à vous, madame Thibault.
    En ce qui a trait aux actions concrètes, cela s'adresse à tout le monde. Je souhaiterais que chacune d'entre vous puisse nous donner des exemples d'actions concrètes réalisées grâce au Programme de promotion de la femme, étant donné qu'on a enlevé toute la partie sur la défense des droits, ce qui semble assez ésotérique, selon la ministre. Il serait utile que vous puissiez rendre le tout plus concret.
    Merci beaucoup.

  (1755)  

    Il faudrait plusieurs heures pour répondre à toutes ces questions, vous en conviendrez, mais je vais tâcher d'être brève.
    Je sais qu'il semble étrange que le Nunavut relève du bureau de Montréal, mais le Québec avait déjà le mandat de s'occuper du Nunavut depuis quelques années. Cela n'est donc pas surprenant. Dans les faits, je veux simplement préciser que le bureau de Montréal était le bureau de Condition féminine Canada, et non pas seulement le bureau du Programme de promotion de la femme. Ce bureau devait faire le lien avec le gouvernement provincial, il devait voir ce qui se passait pour bien connaître les enjeux. Il était aussi en contact avec tous les ministères fédéraux, dans le but de promouvoir l'intégration de la dimension de genre, de les informer sur la condition féminine et de voir ce qui passe. Tout cela disparaît. De plus, le personnel du bureau de Montréal diminue, et celui du bureau de Québec disparaît. Ce sont là les conséquences.
    Évidemment, nous avons déjà vu des dossiers de demandes de subvention qui ont traîné pendant six mois ou un an. Nous sommes extrêmement inquiètes quant à la durée du traitement de la demande de subvention. Nous sommes également inquiètes des directives. On nous dit qu'on va s'occuper des femmes âgées, des jeunes femmes, des femmes des communautés culturelles et des femmes autochtones. La Fédération des femmes du Québec regroupe beaucoup de ces femmes, mais n'est pas la représentante spécifique d'un de ces groupes. Pourra-t-elle avoir de l'aide et discuter avec les agentes pour préparer une demande de subvention? C'est une question que l'on se pose.
    En ce qui a trait à la question de l'égalité, pour moi, ce n'est pas un beau bijou que l'on porte les jours importants, puis qu'on retire et qu'on range par la suite. L'égalité est une chose pour laquelle on lutte depuis des années. Nous luttons pour l'égalité entre les hommes et les femmes et l'égalité entre toutes les femmes. Nous sommes très inquiètes de ces compressions à Condition féminine Canada. Je ne parle pas des subventions, je parle du mécanisme que constitue Condition féminine Canada. Quand on réduit le personnel de moitié, il est évident que le travail sera fait beaucoup plus difficilement à Condition féminine Canada.
    Certains projets ont été préparés avec des jeunes femmes. On a discuté avec elles pour comprendre leurs besoins, savoir ce qu'elles veulent et comment elles veulent avancer dans la vie. Parmi nos groupes membres, un groupe, notamment, travaille à la question de l'équité salariale. Toutefois, les syndicats travaillent également à la question de l'équité salariale. Il y a toute une discussion au Québec. On trouve important que les femmes non syndiquées aient également droit à l'équité salariale dans leur milieu de travail. Dans les faits, ce groupe, qui est membre de la fédération, risque de ne plus pouvoir être financé pour faire ce type de travail. Beaucoup de travaux de ce type vont cesser au cours des prochains mois ou d'ici un an et demi à cause du changement de critères au Programme de promotion de la femme.

  (1800)  

[Traduction]

    Merci beaucoup à toutes.

[Français]

    Je pose la même question aux autres personnes.

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes.

[Français]

    Madame Martin, pouvez-vous répondre?

[Traduction]

    Répondez brièvement.

[Français]

    En ce qui a trait aux projets et aux feuillets d'information que nous avons fournis pendant des années, plusieurs groupes utilisent ces feuillets, comme les policiers de Calgary et une association nationale de prêtres au Canada. Il s'agit d'information qui est nécessaire et qui est divulguée de façon accessible.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Stanton.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à toutes d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. C'est un grand honneur de participer aux travaux de ce comité permanent, surtout compte tenu des questions dont nous traitons ici.
    J'ai écouté tous vos exposés, et j'ai surtout été frappé par le fait que même si vous avez conclu en disant que les économies et les mesures proposées par le gouvernement devraient être renversées, vous avez décrit les programmes auxquels vous prenez part pour défendre les femmes. Ensuite, si je regarde les modalités du financement que le gouvernement offre actuellement dans le cadre du programme de promotion de la femme — et il faut bien sûr y ajouter l'initiative Sisters in Spirit — le gouvernement a donné de bonnes indications que les programmes offriront davantage d'aide financière aux femmes dans les communautés.
    Si je regarde la structure du programme et le genre de projets que le programme de promotion de la femme finance, c'est-à-dire des programmes qui visent à aider les femmes à participer pleinement aux aspects économique, social et culturel de la vie au Canada, je constate que ces objectifs vont au coeur même des enjeux relatifs à l'égalité, comme vous l'avez dit.
    On a également parlé de défense des droits. Je comprends votre point de vue, mais si vous examinez ces nouvelles modalités, compte tenu de ce que les sommes qui seront disponibles pour financer des programmes de ce genre conçus expressément à l'intention des femmes seront plus élevées, avez-vous envisagé comment vous pourriez adapter vos propositions de programmes afin qu'elles correspondent aux exigences ou aux critères du programme? Et seriez-vous d'accord pour dire que de tels programmes bénéficieront directement aux femmes? Nous avons beaucoup de connaissances et d'expérience dans le traitement de ces dossiers.
    Je m'excuse du long préambule. Je vous demande à chacune de répondre brièvement. Vous pouvez peut-être expliquer pourquoi ces programmes ne seraient pas très efficaces pour les femmes dans les communautés.
    Nous allons commencer par Mme Chappel.
    Merci de poser la question.
    Je crois en avoir traité dans mon discours. Il est tout à fait vrai que les femmes bénéficieront des objectifs auxquels servira ce financement. Il est temps que nous passions aux actes. Nous disons souvent entre nous que nous en avons assez d'être examinées. Il est temps d'agir, c'est vrai. Mais comme je l'ai dit dans le cas des femmes malentendantes, il reste encore certains aspects à examiner. Il est faux de dire que tout a été fait.
    Nous avons déjà examiné, bien que brièvement, comment nous pourrions adapter nos demandes de financement en fonction des lignes directrices. Il existe des possibilités à cet égard car je ne crois pas que les lignes directrices soient totalement limitatives. Les projets qui sont présentés doivent avoir des retombées directes sur la vie des femmes. La façon dont on exprimera cela aura beaucoup d'importance.

  (1805)  

    Y a-t-il d'autres réponses?
    J'ai lu les nouvelles modalités, et j'y décèle une orientation locale très marquée. Un bon nombre de groupes représentés aujourd'hui sont des organisations nationales, et je pense que ces nouvelles modalités sont une façon d'écarter les organisations nationales.
    À mon avis, ces lignes directrices ne démontrent pas une ouverture ou un désir de discuter de la discrimination systémique, et cela fait partie de notre travail. Nous remettons les choses en question. Nous permettons aux femmes de se rencontrer, à titre d'organisation de coordination, et je ne décèle pas vraiment dans ces lignes directrices un appui pour ce genre d'initiatives.
    Je crois qu'on essaie en fait de créer des services d'intervention et des organismes nationaux. Les deux sont nécessaires, à mon avis. Cette nouvelle augmentation c'est une belle petite initiative qui vient de nulle part, ce nouveau 5 millions de dollars est investi dans le programme mais on sait pertinemment que ces réductions ont un impact dramatique sur les femmes de toutes les régions du pays.

[Français]

    Bien sûr, je ne refuserais jamais d'argent, s'il y avait 5 millions de dollars quelque part pour les femmes, par exemple. Les services directs pour les femmes se situent habituellement dans le domaine de l'éducation, de la santé et des services sociaux, qui sont de compétence provinciale. Mon réflexe de Québécoise est de me dire qu'au Québec, on va avoir des problèmes à avoir accès à cela.
    Je peux vous dire qu'en ce moment, il y a du remue-méninges dans les groupes de femmes. On essaie de voir de quelle façon on va faire des demandes de subvention. On analyse en profondeur les discours de la ministre Oda pour essayer de comprendre ce qui pourrait être financé. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas faire des demandes, mais ce n'est pas encore clair.
    J'aimerais juste vous faire comprendre cet aspect: nous nous sommes aperçues, au Québec, qu'il y avait une nécessité réelle de défendre des droits. C'est la raison pour laquelle la Marche mondiale des femmes a été créée et, avant elle, la Marche du Pain et des Roses. Les groupes de femmes réalisaient qu'ils n'étaient pas entendus, à ce moment-là, par le gouvernement provincial. Ces femmes ont donc décidé de se rendre à Québec à pied pour aller demander des choses. Elles ont fait de la défense des droits, du lobbying et des manifestations. Il ne sera plus possible que ce type d'organisation soit en partie financé par le Programme de promotion de la femme.

[Traduction]

    Madame MacLeod.
    La pleine participation des femmes dans la société est ce que nous recherchons toutes. Le libellé des modalités et conditions c'est certainement la confusion parce qu'on se demande comment on pourra y parvenir.
    Les femmes par l'entremise des groupes locaux auront un outil qui leur permettra de s'autonomiser, et d'obtenir une pleine participation. Ceux d'entre nous qui affichent un certain cynisme se demandent quel sera cet outil, un titre de transport? Je ne veux pas être impolie, mais c'est le genre de chose qu'on se dit.
    La pleine participation des femmes et également — on ne l'oublie certainement pas — l'interdiction de toute activité de promotion nationale... Je dois vous dire, l'utilisation du terme « national » dans cette phrase nous inquiète sérieusement. C'est à ce moment-là que nous avons jugé que vous vouliez qu'on retourne dans la cuisine. Interdire « les activités de promotion nationales » : c'est un cauchemar.
    Comment les femmes pourront-elles pleinement participer quand nous ne pouvons pas nous attaquer à la discrimination systémique? Les règlements régissant l'assurance-chômage, les congés de maternité, l'accès à l'aide juridique... nous pouvons nommer toutes ces questions. Les femmes n'ont pas accès à ces services, à moins que les lois, les règlements et les programmes ne soient modifiés. Pour ce faire, il faudra qu'il y ait une promotion continue.
    Je ne vois vraiment pas comment on y arrivera avec ce programme qui supposément vise à aider les femmes dans les petites collectivités, alors que nous savons que les solutions sont des solutions systémiques.

  (1810)  

    Madame deGroot.
    Je vous remercie de cette question. Je crains que votre question ne semble indiquer que nous n'offrons pas de services directs. Notre organisation offre des services directs, mais il s'agit de services de défense et de promotion.
    Nous avons organisé un atelier dans un refuge pour les femmes dans le nord du Manitoba, dans une petite collectivité. Certaines des femmes qui ont participé à l'atelier ne pouvaient pas quitter le refuge parce qu'elles ne pouvaient pas trouver d'endroit où vivre. Leurs enfants n'avaient pas le droit d'aller à l'école puisque les enfants qui vivent dans des refuges pour les femmes ne peuvent pas aller à l'école. Ça fait partie de la politique.
    Ne plus avoir le droit de demander plus de logements sociaux — et dans cette communauté, il faut attendre quatre ans avant d'avoir accès à ces logements — ne pas avoir le droit de se pencher sur cette priorité comme service direct offert aux femmes, à cette femme, qui n'a probablement jamais rencontré un politicien, écrit une lettre à un politicien ou quelque chose du genre... mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce genre d'activités de promotion ne sera pas autorisé.
    Quant aux organisations nationales, nous sommes une organisation provinciale, mais nous dépendons énormément de la recherche effectuée par des groupes comme l'ICREF qui nous fournissent des fiches de renseignements sur les questions qui touchent les femmes au Canada. On se sert énormément de ces documents dans notre travail.
    Merci beaucoup.
    Madame Mathyssen.
    Merci, madame la présidente.
    Il y a quelque temps j'ai présenté une motion visant à établir un financement de base et un budget de 100 millions de dollars pour Condition féminine Canada. Je me demande à combien devrait s'élever le budget de Condition féminine Canada. Si l'on assurait un financement de base, est-ce que les choses changeraient?
    Vous parlez d'un financement de base pour qui?
    Je pense aux groupes qui luttent pour l'égalité.
    Une voix: Est-ce que cette question s'adresse à tous?
    Mme Irene Mathyssen: Oui.
    Merci beaucoup. Il s'agit là d'excellentes questions.
    Je ne sais pas vraiment à combien devrait s'élever le budget de Condition féminine Canada. En fait, je ne sais pas à combien s'élève actuellement son budget.
    Le budget s'élève à 23,8 millions de dollars, sauf pour les 5 millions de dollars qui ont été retranchés.
    Peu importe le budget actuel, je peux vous assurer qu'il ne suffit pas compte tenu de tout ce qu'on doit accomplir. Je sais que le gouvernement ne serait certainement pas intéressé à augmenter le budget, mais je sais pertinemment, et je parle au nom des femmes handicapées, que nous sommes les principaux gagne-pain pour nos familles dans la majorité des cas. Je crois que si nous avions une aide appropriée de Condition féminine Canada, nous pourrions jouer un plus grand rôle dans l'économie canadienne. Je pense que pour assurer une aide appropriée il faut un budget plus élevé.
    Pour que nous puissions intervenir, il nous faut une aide supplémentaire, et cela veut dire que nous devons pouvoir nous rencontrer, participer à des ateliers comme ceux que décrivait l'autre témoin tout à l'heure, et utiliser les renseignements, provenant de travaux de recherche, que fournit l'ICREF.
    Je pense qu'il faudrait au moins doubler, peut-être même tripler, le budget qui existe actuellement pour vraiment financer tous les services de façon appropriée.
    Je m'excuse, vous avez posé une deuxième question qui touchait le financement de base.
    Oui. Qu'est-ce que cela changerait?
    Le RAFHC est une organisation qui a vu le jour en 1985. Essentiellement, nous n'avons pas eu de financement de base pendant la majorité de notre existence. Nous avions un bureau national qui se trouvait dans la pièce principale de l'appartement d'une femme. Son lit se trouvait au-dessus du bureau — elle avait une toute petite chambre-mezzanine. Les papiers s'y entassaient pratiquement jusqu'au plafond.
    Comment peut-on administrer un bureau national sans aucun financement de base? Eh bien, c'est ce que nous sommes en train de faire à l'heure actuelle. Le bureau se trouve chez moi, dans l'appartement que je loue; il occupe une pièce. Un financement de base changerait les choses? Tout à fait. Parce qu'à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas intervenir.
    C'est la première fois que nous venons prendre la parole ici. Nous ne pouvons pas répondre aux demandes d'information, nous ne pouvons pas réagir aux enjeux; nous n'avons pas le personnel nécessaire pour analyser les politiques. Je dois préparer les demandes de financement moi-même, et c'est une bonne chose que je m'y connaisse un peu, parce qu'autrement nous serions en difficulté.
    Donc oui, un financement de base aurait des effets très importants.

  (1815)  

    En ce qui concerne notre organisation, un financement de base signifierait la stabilité. Nous serions en mesure de réfléchir véritablement à des projets au fur et à mesure qu'ils nous sont présentés, au lieu de nous demander comment préparer une demande de financement qui satisfait aux critères tout en nous permettant également de répondre aux besoins des femmes.
    Ces dernières semaines, nous avons reçu plusieurs demandes de groupes qui veulent une formation plus poussée en matière de défense des femmes et de lobbying, ce qui ne correspond pas précisément au budget, compte tenu de notre mandat actuel.
    Pour ce qui est des bureaux, notre bureau était auparavant installé dans mon salon aussi. Le fait de savoir où nous serons et quand, et le fait simplement de pouvoir planifier et réfléchir à long terme, et de ne pas mettre constamment l'accent sur la préparation de nouvelles demandes de subventions — cela ne veut pas dire que nous ne continuerions pas à exécuter des projets; il ne fait aucun doute que nous le ferions. Mais cela permettrait d'assurer une certaine stabilité, ce qui favoriserait alors une plus grande créativité.

[Français]

    Je pense aussi que le danger des projets — d'ailleurs, on a eu cette discussion à ce comité — est qu'on doit continuellement faire une espèce de montage financier pour pouvoir aller au bout d'un projet. Si Condition féminine Canada fournit du financement, si tel autre ministère ou telle fondation fait de même et que, tout à coup, un des partenaires décide de retirer son financement, tout tombe à l'eau. Il y a une instabilité par rapport au personnel, etc.
    Notre fédération reçoit un financement de base de 73 000 $ du gouvernement du Québec. Je pense que c'est la seule province qui l'offre.

[Traduction]

    Il vous reste une minute.
    J'ai une brève question.
    L'une des choses que j'ai apprises, c'est que les politiques et les lois ont des répercussions différentes sur les hommes et sur les femmes. En ce qui concerne le changement de mandat, la disparition des bureaux régionaux et la disparition de l'appui de Condition féminine Canada, cela risque-t-il de compromettre l'analyse comparative entre les sexes?
    Tout à fait. Je pense que le service a été fusionné. Lorsque l'on réduit 50 p. 100 de l'effectif qui devait montrer la voie aux autres ministères dans ce domaine, il est évident que cela aura des répercussions sur ce genre d'analyse.
    Merci beaucoup.
    Il nous reste 10 minutes.
    Nous allons passer à un tour de cinq minutes avec Mme Stronach ou Mme Neville.
    Nous allons partager le temps.
    Nous allons partager notre temps.
    Très bien.
    Je tiens simplement à signaler l'annonce faite le 25 septembre par le ministre Flaherty et l'honorable John Baird, quand ils ont dit que le nouveau gouvernement du Canada avait éliminé des programmes ruineux et inefficaces, réduit les dépenses gouvernementales et qu'ils avaient l'intention de dégraisser l'appareil gouvernemental. Dans le programme d'économies de 1 milliard de dollars qu'ils ont présenté — ils ont qualifié cela d'économies et nulle part il n'est fait mention de réinvestir ce montant ailleurs — ils ont indiqué des économies administratives de 5 millions de dollars en ce qui concerne Condition féminine Canada qui relève de Patrimoine canadien. Il s'agit une fois de plus d'une nouvelle initiative. Ils se sont peut-être rendu compte qu'ils ont commis une grave erreur et ils essaient de modifier leur position.
    Je tiens simplement à dire que si la cause de femmes n'est pas défendue, les choses ne bougeront pas et je crois qu'aucun d'entre nous ici présents n'est satisfait du statu quo. Il y a beaucoup de travail à faire.
    J'aimerais parler de la recherche. Vous pourriez peut-être nous donner une idée des projets ou des études qui étaient envisagés et qui, selon vous, risquent d'être compromis, ou même par le passé, si la recherche et la défense des intérêts avaient été éliminées, quelle aurait été la situation, afin de nous donner une idée de ce que nous réserve l'avenir.
    Ma question s'adresse à Lise ou à Monika.
    Bien sûr. Je commencerai par cela, parce que nous avons effectivement obtenu du financement de Condition féminine Canada. Ce financement était fourni dans le cadre des anciennes lignes directrices, donc nous étions probablement l'une des dernières organisations à recevoir du financement. Il s'agit de notre premier grand projet avec Condition féminine Canada, et effectivement il s'agit en majeure partie d'un projet de recherche. Nous faisons de la recherche pour mettre à jour... Comme je l'ai mentionné, les statistiques sur la violence contre les femmes ne parlent même pas de nous, même si nous savons que la violence est répandue dans nos collectivités. Donc, nous allons mettre à jour nos statistiques sur la violence contre les femmes.
    Nous voulons savoir si les femmes handicapées peuvent avoir accès à des services offerts par les maisons de transition. Notre recherche remonte à 10 ou 15 ans, et à cette époque, elle indiquait que non. La situation a-t-elle changé? C'est ce que nous voulons savoir. Nous voulons nous pencher sur la recherche portant sur les enfants handicapés. Est-ce que ces enfants sont effectivement victimes de violence, c'est ce que nous voulons confirmer.
    Il existe un certain nombre d'aspects sur lesquels nous n'aurions pas été en mesure de nous pencher, si notre demande de financement n'avait pas été acceptée.

  (1820)  

    Très bien, je vous remercie.
    Y a-t-il d'autres commentaires à ce sujet?
    Nous sommes en train d'étudier la justice économique et sociale en ce qui concerne les femmes et, plus précisément, nous voulons étudier des modèles et des approches de rechange utilisés par les femmes dans différentes collectivités en matière de justice économique et sociale, et nous voulons également étudier les questions d'intersectionnalité. Nous nous penchons sur le racisme, la mondialisation — différents facteurs — qui influent sur la situation économique des femmes, qui sont considérés comme une priorité selon les nouvelles conditions. Mais l'autonomie économique ne signifie pas uniquement avoir un emploi et même lorsqu'il s'agit d'un emploi, il s'agit souvent d'un emploi au salaire minimum.
    Comme je l'ai dit, les nouvelles lignes directrices me donnent l'impression que l'on veut favoriser les projets qui montrent le bon côté des choses. Lorsque la ministre, dans la présentation qu'elle a faite à votre comité, s'est vue demander un exemple, elle a parlé d'une présentation culturelle, d'une présentation de prix. C'est ce qu'on nous a dit, mais je ne crois pas que l'on veuille étudier les véritables problèmes.
    Je suis tout à fait d'accord avec tout ce qui vient d'être dit.
    Pour ce qui est des changements qui n'auraient pas pu être apportés par le passé, Nellie Nippard et les femmes de Gander n'auraient pas modifié les règlements concernant les audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Notre système de justice ne change pas parce que quelqu'un au sein du système considère qu'un changement serait une bonne idée et qu'il faut assurer l'égalité. Le système change uniquement lorsque des gens viennent frapper à la porte pour faire valoir leur revendication.
    Les contre-rapports préparés par l'AFAI grâce à l'information provenant d'un grand nombre de groupes de femmes et présentés aux Nations Unies n'auraient jamais été possibles.
    Allez-y, madame deGroot.
    Dans votre déclaration, vous avez parlé d'inefficacité et de dégraissage. Je tiens à aborder ces aspects parce que nous tenons des ateliers sur le budget; c'est l'objet de notre projet. Les femmes sont bien au courant de la nécessité de couper dans le gras; elles savent que les budgets consistent à établir des priorités.
    L'une des questions que nous avons posées dans le cadre de nos ateliers, c'est si vous préféreriez payer votre hypothèque en une seule fois et ne pas nourrir vos enfants, ou ne pas leur autoriser des loisirs, ou ne pas leur fournir de chaussures de sport. Il est évident que ce n'est pas ainsi que l'on agirait.
    Les budgets établissent des priorités, et il y a certaines initiatives qui ne doivent pas faire l'objet de compressions. En matière budgétaire, la pauvreté et l'inégalité sont extrêmement coûteuses. Je peux vous dire que le coût de la pauvreté est très élevé dans le quartier de la ville où j'habite.
    Merci beaucoup.
    M. Stanton sera le dernier à poser des questions.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J'aimerais simplement faire une observation générale. Je pense que dans une certaine mesure il est peut-être prématuré de dire que l'on écarte la recherche et la défense des intérêts. Par exemple, selon les conditions établies, les activités de recherche et de sondage qui ne sont pas directement liées au projet ne seraient pas admissibles, mais la recherche qui fait partie inhérente du projet proposé constitue un aspect tout à fait légitime d'une initiative destinée à défendre la cause et promouvoir le genre de questions dont on parle, les objectifs qui sont prévus ici.
    De même, il appartient à l'auteur de la demande de définir la façon d'atteindre ces objectifs. En fait, essentiellement, l'auteur de la demande doit établir de façon précise dans le cadre de la description du projet proposé comment ces objectifs pourraient être atteints. Je pense que vous disposez d'une assez bonne marge de manoeuvre pour ce qui est d'élaborer les propositions en question pour obtenir les résultats que vous visez. Cela rend tout à fait compte des commentaires qui ont déjà été faits.
    Je constate également ici des questions entourant l'entrepreneuriat, qui se rapportent particulièrement à la violence contre les femmes. Cela fait partie intégrante à mon avis des questions qui concernent directement les notions d'inégalité dont on a discuté énergiquement ici cet après-midi.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez, mais je tiens à encourager vos organisations qui possèdent expérience et sagesse à déterminer comment tirer le meilleur parti des modalités en faveur des femmes que vous représentez.
    J'aimerais entendre votre réponse à cela.

  (1825)  

    Il est difficile de répondre s'il n'y a pas de question.
    Nous avons toujours dû faire preuve de créativité. J'ai l'impression qu'on nous encourage à faire preuve d'encore plus de créativité.
    La recherche qui ne donne aucun résultat n'est pas utile. En ce qui concerne les modalités, il y a longtemps que les femmes atteignent les objectifs énoncés dans leurs demandes de projet. Cela n'a rien de nouveau. Nous demeurons perplexes; sauf votre respect, nous demeurons extrêmement perplexes — mais la créativité? Oui, plutôt que d'être des expertes dans la défense des intérêts des femmes, nous allons peut-être devenir bientôt des expertes en quelque chose d'autre, quoi je l'ignore.
    Allez-y, madame Thibault.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous, il faut souvent faire de la recherche avant de définir les objectifs d'un projet. C'est évident, et il y aura probablement moyen de toucher à certains aspects de recherche. Cependant, dans bien des cas, des recherches importantes doivent être faites pour cerner une question avant de pouvoir faire une série de projets, et c'est là que le bât blesse. C'est le problème principal causé par les compressions faites au chapitre de la recherche indépendante. Les recherches qui sont plus importantes, les recherches qui sont faites pendant un an ou un an et demi et qui permettent à des groupes de s'alimenter pour être en mesure de faire des projets concrets subiront des compressions, et c'est ce qui nous inquiète. Je comprends très bien ce que vous dites et je suis convaincue qu'il sera possible de couvrir certains aspects de recherche dans un projet comme tel.

[Traduction]

    Je tiens à remercier tous nos témoins de leur participation ici aujourd'hui. La séance a été très intéressante. Je tiens particulièrement à vous remercier, madame Chappell, d'avoir surmonté les obstacles auxquels vous avez dû faire face pour venir ici aujourd'hui, merci beaucoup.
    Nous aurons une autre séance mercredi soir prochain. Après le congé, nous essaierons de présenter notre rapport en tenant compte des témoignages que nous avons entendus au cours de nos audiences.
    Nous allons maintenant lever la séance. Nous nous réunirons à nouveau demain matin à 11 heures pour étudier notre ébauche de rapport sur la traite des personnes.
    Merci à tous.
    La séance est levée.