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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 24e séance du Comité permanent de la condition féminine.
    Bonjour à toutes et tous, et surtout à nos témoins. Je vous suis très reconnaissante d’avoir pris le temps de comparaître devant le comité aujourd’hui pour nous parler du sujet très important que nous examinons, la traite des personnes.
    Nous allons directement passer aux exposés de nos témoins. Nous réserverons les 15 dernières minutes de la séance à des travaux dont le comité doit s’occuper.
    Membres du comité, avant d’entendre les témoins, avez-vous des observations à formuler? Non? Très bien.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue aujourd’hui aux Sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, représentées ici par Deborah Isaacs, coordonnatrice de projet; à la Coalition contre la traite des femmes, représentée par Barbara Kryszko, coordonnatrice de l’appel à l’action; au Congrès ukrainien canadien, représenté par Irene Sushko; ainsi qu’au Future Group, représenté par Benjamin Perrin, conseiller auprès du conseil d’administration. Il est toujours agréable d’avoir des hommes parmi nous lorsque nous étudions ces sujets intéressants.
    Je vous saurais gré de limiter vos exposés à environ cinq minutes. Nous vous écouterons successivement, après quoi nous ferons des tours de table pour vous poser des questions. Je vous prie donc d’utiliser vos cinq minutes pour nous en dire le plus possible.
    Nous allons commencer par quiconque souhaite parler en premier. C’est votre choix.
    Madame Isaacs.
    Honorable présidente, honorables députés, j’aimerais, au nom du projet SCION, vous remercier de m’avoir invitée à venir vous parler de la traite des personnes.
    Le projet SCION est le produit d’une collaboration entre MOSAIC, organisme de Vancouver voué à l’aide à l’établissement des immigrants qui, depuis trente ans, facilite l’intégration des nouveaux arrivants au Canada, et les Sœurs du Bon Pasteur, congrégation religieuse catholique internationale ayant des antennes dans plus de 70 pays et ONG à rôle consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.
    Depuis la fin de 2002, nous nous préoccupons de plus en plus de la question de la traite des personnes, de concert avec le Conseil canadien pour les réfugiés, la GRC, le ministère provincial du Solliciteur général et d’autres ONG de la région de Vancouver.
    Notre travail nous a amenés à constater des problèmes majeurs dans la protection des victimes de la traite. La définition courante de la traite est une adaptation de celle du Protocole de Palerme. Toutefois, beaucoup d’ONG ont vivement critiqué le Protocole, notamment parce qu’il aborde la question de la traite dans le contexte du crime organisé et non pas dans celui des droits des migrants. Le Protocole ne reconnaît pas la responsabilité des États dans la création des conditions propices à la traite. Il inscrit les mesures de lutte contre la traite des personnes dans les mesures de contrôle de la migration. C’est pour ces raisons que beaucoup d’ONG adoptent un point de vue beaucoup plus large que les autorités pour définir la coercition, de sorte qu’on ne sait pas exactement qui est victime et qui ne l’est pas aux fins de la réglementation.
    Le Canada a signé la Convention sur la criminalité transnationale et ses protocoles, mais il n’en a pas incorporé les éléments de protection dans le droit canadien. Dans les premières années, les victimes de la traite ont continué d’être considérées comme des criminelles (certaines le sont encore) ou, dans le meilleur des cas, comme des migrantes clandestines, et étaient rapidement expulsées. Ainsi, les seuls qui étaient protégés étaient les trafiquants eux-mêmes.
    En 2004, la GRC a pu, en Colombie-Britannique, offrir une certaine protection ponctuelle à des victimes et, en mai 2006, un premier pas modeste a été fait lors de la publication de lignes directrices sur les permis de séjour temporaire délivrés aux victimes de la traite des personnes. Malheureusement, le gouvernement ne s’est pas préalablement concerté avec les ONG et, comme ces lignes directrices ne renvoient pas à une réglementation, il y a des lacunes et des problèmes qui en limitent l’application. On ne reconnaît pas non plus les besoins spéciaux des enfants, qui sont également protégés par la Convention relative aux droits de l’enfant.
    La signification automatique de l’ASFC, ou de la police sur demande, sera considérée avec méfiance par les victimes potentielles, qui ne sont pas sûres de leur statut, et surtout par celles qui s’identifieraient elles-mêmes. Beaucoup d’ONG craignent déjà qu’une décision négative entraîne l’expulsion, puisque l’intéressée aurait déjà attiré l’attention de l’ASFC. Ce ne serait pas un problème pour celles qui seraient découvertes par la police.
    Deuxièmement, il y a un autre problème peut-être plus grave, dont beaucoup d’ONG n’ont pas encore pris conscience, parce qu’il n’est pas explicitement prévu dans les lignes directrices: ces permis ne seront délivrés qu’aux personnes qui n’ont pas de statut au Canada. Celles qui ont un visa valide de visiteur, d’étudiant, etc. n’obtiendront pas de permis de séjour temporaire, mais conserveront leur visa. Toutefois, elles n’auront pas accès aux services prévus pour les victimes, qui ne leur seront donc pas très utiles.
    Les victimes détentrices d’un permis de séjour temporaire de six mois ou moins ne peuvent pas demander un permis de travail. Je sais bien que le premier permis n’est fourni qu’en attendant, mais dans quelle mesure sera-t-il facile d’obtenir des permis de plus longue durée si la décision est laissée à l’agent?
    Troisième problème, mais non le moindre, les services aux victimes ne sont pas financés, de sorte qu’il n’y a toujours pas de services.
    Je crois que la Colombie-Britannique et le Québec sont les deux seules provinces qui envisagent sérieusement de fournir des services. La Colombie-Britannique s’est dotée d’un plan, qui figure à l’annexe A, mais, sans ressources financières, il ne peut être mis en œuvre. Alors comment les victimes détentrices d’un permis de séjour temporaire qui ne leur permet même pas de travailler peuvent-elles subvenir à leurs besoins pendant des mois?

  (1115)  

    Quatrièmement, les lignes directrices ne prévoient rien pour les victimes qui désirent rentrer dans leur pays. Elles ne comportent pas de dispositions prévoyant le retour dans la dignité de ces personnes. En fait, ces personnes risquent de se retrouver devant un dilemme: elles peuvent obtenir un permis de séjour temporaire et demander que leur pays d’origine assume les frais de leur retour, mais beaucoup de pays refusent de faire leur part pour toutes sortes de raisons. Elles peuvent être expulsées du Canada, mais ce n’est pas possible si elles possèdent un permis de séjour temporaire: il leur faut donc laisser expirer leur permis, ce qui les laisserait sans services. Par ailleurs, l’expulsion ne permet pas un départ dans la dignité. Ces personnes seraient considérées comme des immigrantes illégales et n’auraient plus la possibilité de revenir au Canada sans permission ministérielle. Dans tous les cas, le Canada n’assume pas ses responsabilités et le fait que c’est une demande canadienne qui a amené ces personnes ici.
    On propose souvent de décriminaliser la prostitution pour réduire la traite des personnes. Je crois à la décriminalisation des victimes, qui leur permettrait de dénoncer plus librement les responsables. Mais la décriminalisation complète de l’industrie du sexe n’a pas permis d’aider les victimes dans les pays où cette solution a été essayée. En fait, la situation a empiré dans bien des cas. Dans l’ensemble, environ 15 p. 100 seulement d’entre elles se sont inscrites, parce que, même si le travail est légal, beaucoup ne souhaitent pas être identifiées comme travailleuses du sexe. Il y aura aussi celles qui ont des problèmes médicaux et ne peuvent pas s’inscrire, mais cela ne signifie pas qu’elles cesseront de travailler. Beaucoup ne souhaitent pas non plus assumer des dépenses supplémentaires en impôts, frais d’inscription, frais médicaux, etc.
    Il est naïf de penser que les proxénètes et les clients, qui sont souvent violents, deviendront moins violents parce que le travail est légal. Les victimes qui les craignent ne seront pas disposées à les dénoncer, tout comme les femmes battues dénoncent rarement leur conjoint. Ce sera plus dangereux, parce que la police aura plus de difficulté à obtenir des mandats pour vérifier les bordels, puisqu’ils seront désormais légaux. Les propriétaires de bordel pourront obtenir des permis de travail pour des travailleuses étrangères qui, en réalité, sont des victimes de la traite des personnes, tout comme le sont certaines danseuses de table. Cela ne fera que leur donner une meilleure couverture.
    Enfin, il y a un groupe dont il n’est jamais question dans la décriminalisation: ce sont les familles des clients. Elles aussi ont le droit d’être protégées. Je suggère plutôt de se tourner vers le modèle suédois, qui semble avoir fait ses preuves.
    Voici nos recommandations: Que l’on consulte les ONG au sujet des lignes directrices, règlements et services envisagés pour l’avenir; que des ressources financières soient réservées pour les services aux victimes de la traite des personnes; que des dispositions sûres et dignes soient prévues pour le retour des victimes qui désirent rentrer chez elles; que la protection des victimes et les services qui leur sont destinés fassent partie du droit canadien; que les personnes qui ne sont pas des victimes au sens étroit de la traite des personnes, mais qui sont victimes d’exploitation et d’autres infractions criminelles soient automatiquement protégées de l’expulsion lorsqu’elles s’identifient.

  (1120)  

    Pouvez-vous conclure, madame Isaacs? Je vous remercie.
    Il me reste une seule phrase.
    Que l’on ne procède pas à une décriminalisation complète de la prostitution.
    Merci beaucoup.
    Quand je lève le doigt, c’est pour signaler qu’il ne reste qu’une minute. Vous devez alors conclure. Vous aurez l’occasion d’en dire davantage pendant la période des questions et réponses.
    Barbara, êtes-vous prête?
    La Coalition contre la traite des femmes accueille avec enthousiasme cette occasion d’aborder le problème de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. La Coalition est une ONG internationale qui travaille à la promotion des droits des femmes depuis plus de 18 ans.
    La traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle constitue une forme de violence contre les femmes. Lorsqu’une femme ou une fille est réduite au rang de produit qu’on peut acheter et vendre, violer, battre et ruiner psychologiquement, il y a violation répétée de sa dignité et de ses droits fondamentaux en tant qu’être humain.
    Le trafic à des fins d’exploitation sexuelle et la prostitution sont inextricablement liés. La demande de prostitution est le moteur ou la cause profonde qui alimente la crise sévissant à l’échelle de la planète en matière de traite à des fins d’exploitation sexuelle. En coupant la demande des acheteurs, le gouvernement élimine la plus importante source de profits et de revenus illicites des trafiquants, les paiements versés par les acheteurs, réduisant ainsi l’incitation financière à la traite.
    La Coalition a collaboré à la rédaction de lois contre la traite des personnes dans plusieurs pays du monde. Elle a également participé à toutes les étapes de la rédaction du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Cet instrument, connu également sous le nom de Protocole de Palerme, a été signé par 110 États parties, dont le Canada.
    Avec le Protocole de Palerme, la communauté internationale s’est entendue sur une définition de la traite des personnes. Nous ne saurions trop insister sur l’importance d’utiliser et d’appliquer cette définition dans son intégralité. Malheureusement, le Canada n’a pas utilisé la définition complète dans les lois qu’il a adoptées jusqu’ici. Par exemple, la définition du Protocole protège non seulement les victimes soumises à la traite par la force, la contrainte, l’enlèvement, la fraude ou la tromperie, mais également celles qui ont été poussées dans l’exploitation par abus de leur vulnérabilité.
    La récente Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui est conforme au Protocole de Palerme, comprend la note explicative suivante:
Par abus de position de vulnérabilité, il faut entendre l’abus de toute situation dans laquelle la personne concernée n’a d’autre choix réel et acceptable que de se soumettre. Il peut donc s’agir de toute sorte de vulnérabilité, qu’elle soit physique, psychique, affective, familiale, sociale ou économique. Cette situation peut être, par exemple, une situation administrative précaire ou illégale, une situation de dépendance économique ou un état de santé fragile. En résumé, il s’agit de l’ensemble des situations de détresse pouvant conduire un être humain à accepter son exploitation.
    Plus loin, le rapport explicatif établit que les moyens envisagés en vertu de la définition doivent comprendre:
[L’]enlèvement de femmes en vue d’exploitation sexuelle, [la] séduction d’enfants en vue de les utiliser dans des réseaux pédophiles ou de prostitution, [les] violences commises par des proxénètes pour maintenir des prostituées sous leur joug, [l’]abus de la vulnérabilité d’un(e) adolescent(e) ou d’une personne adulte victime de violences sexuelles ou non, ou [l’]abus de la précarité et de la pauvreté d’une personne adulte désirant pour elle-même ou sa famille une situation qu’elle espère meilleure.
    À vrai dire, en reconnaissant la portée large et inclusive de la définition de la traite ainsi que le lien étroit entre la prostitution et la traite à des fins d’exploitation sexuelle, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, a révélé ce qui suit.
Dans la plupart des cas, la prostitution telle qu’elle est actuellement pratiquée dans le monde répond aux critères constitutifs de la traite. Il est rare de trouver un cas où le chemin vers la prostitution et/ou l’expérience d’une personne dans la prostitution sont exempts de tout abus d’autorité ou situation de vulnérabilité, à tout le moins.
L’autorité et la vulnérabilité dans ce contexte doivent être comprises comme incluant les inégalités de pouvoir fondées sur le sexe, la race, l’origine ethnique et la pauvreté. En d’autres termes, le chemin qui mène à la prostitution et à la vie sur « le trottoir » est rarement caractérisé par l’autonomie ou des possibilités de choix appropriées.
    Par conséquent, il est impératif que les politiques et les pratiques qui abordent la traite à des fins d’exploitation sexuelle s’attaquent également à la prostitution, étant donné que tant de victimes de la prostitution proviennent de la traite.
    Un autre aspect important de la définition de la traite en vertu du Protocole de Palerme concerne l’article 3b) qui prévoit que « le consentement d’une personne » est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’article 3a) a été utilisé. En vue de protéger toutes les victimes de la traite, y compris celles qui peuvent avoir donné leur « consentement » au départ et qui ont été abusées en raison de leur vulnérabilité, il est essentiel de respecter la définition de la traite dans son intégralité afin que les trafiquants ne puissent pas se servir du consentement de la victime comme moyen de défense.
    Il est donc possible que certaines femmes victimes de la traite sachent qu’elles seront soumises à la prostitution dans le pays de destination et peuvent même avoir l’avoir pratiquée dans leur pays d’origine. Ce prétendu « consentement » reflète la situation profondément désespérée de nombreuses femmes et ne devrait certainement pas soustraire les trafiquants à leur responsabilité légale en présence de facteurs d’exploitation et du recours à la traite.

  (1125)  

    Le Protocole des Nations Unies indique clairement que les victimes de la traite, y compris celles qui pratiquent la prostitution, doivent être perçues non plus comme des criminelles, mais comme les victimes d’un crime, et avoir droit à une protection complète. Par exemple, l’article 6 demande à chaque État partie d’envisager de mettre en œuvre des mesures d’aide au rétablissement des victimes, y compris l’accès à une assistance médicale, psychologique et matérielle, à un logement et à des possibilités d’emploi, d’éducation et de formation. Le Canada devrait fournir cette assistance aux victimes, mais ses lois actuelles et son financement n’y suffisent pas, comme l’a signalé ma collègue.
    Comme le temps me manque, je me limiterai à noter que le Protocole de Palerme comprend une disposition sur la demande. L’approche qu’un pays choisit d’adopter en matière de prostitution est un facteur décisif quant à l’impact sur la demande. Nous appuyons le modèle suédois, dont vous avez déjà entendu parler à plusieurs reprises, et nous inquiétons de l’exemple donné par les pays qui ont légalisé la prostitution et qui ont depuis connu une hausse de la demande de prostitution légale et illégale ainsi qu’une augmentation des incidences de la traite. Bien que certaines administrations locales du Canada aient pris des mesures pour cibler la demande, des efforts plus globaux sont nécessaires à l’échelle nationale afin de lutter contre la traite en éradiquant la demande.
    Je voudrais enfin formuler quelques recommandations fondées sur des recherches approfondies et une vaste expérience.
    Nous exhortons le comité à recommander la mise en œuvre de mesures préventives telles que les campagnes de sensibilisations du public aux préjudices de la traite et de la prostitution, y compris des campagnes ciblant les hommes et les garçons et stigmatisant les attitudes et les pratiques de ceux qui pourraient se livrer à l’exploitation sexuelle.
    Nous appuyons le renforcement du soutien et des services aux survivants de la traite et de la prostitution nationale et internationale, ainsi que la promotion de lois efficaces contre la traite, la prostitution et les autres formes d’exploitation, conformément au Protocole des Nations Unies, y compris des dispositions criminalisant la demande de traite et de prostitution.
    Nous recommandons d’élaborer des programmes de formation à l’intention des organismes gouvernementaux, comme ceux qui sont chargés de l’exécution de la loi et de l’immigration, pour tenir les auteurs, y compris les trafiquants, les proxénètes et les acheteurs, responsables de leurs actes au lieu de criminaliser les victimes.
    Nous vous exhortons enfin à rejeter toute politique gouvernementale qui favorise la prostitution, que ce soit en légalisant ou en décriminalisant l’industrie du sexe.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Madame Sushko.
    Honorable présidente, honorables députés, le Hamilton Spectator a récemment publié, dans son cahier Canada/Monde, un article portant le titre, en gros caractères noirs, 12 millions de personnes dans la servitude. Ce titre capte immédiatement l’attention du lecteur, qui se pose la question: « Quel problème peut maintenir 12 millions de personnes dans la servitude? » Il ne faut pas beaucoup de temps au lecteur pour se rendre compte, avec le plus grand étonnement, que ces personnes dans la servitude sont en fait les victimes de la traite des personnes.
    Le problème de la traite inquiète beaucoup le Congrès ukrainien canadien, ses 27 organismes membres, l’ensemble de la communauté ukrainienne du Canada et, j’en suis sûre, tous les citoyens canadiens. La traite des personnes est une entreprise à grand profit et à faible risque, souvent très liée au crime organisé. La traite internationale, nous le savons, touche plus de 800 000 personnes par an, qui sont pour la plupart intégrés dans l’industrie du sexe contre leur volonté ou sous contrainte. Il est triste de constater que 80 p. 100 de ces personnes sont des femmes et des filles et que le pourcentage des mineurs peut atteindre 50 p. 100. Le trafic des personnes constitue un horrible acte d’esclavage, une honteuse agression contre la dignité des enfants, l’exploitation des vulnérables à des fins commerciales. Il se classe maintenant deuxième parmi les crimes qui augmentent le plus rapidement dans le monde.
    De plus en plus de femmes quittent leur pays à la recherche d’une vie meilleure et finissent par devenir les victimes de la traite des personnes et de la prostitution. On leur promet un emploi honnête, mais, dès leur arrivée, on les force à se prostituer pour rembourser le prix du voyage. Cherchant à réaliser leur rêve, elles se retrouvent dans un vrai cauchemar.
    Dans son livre, The Natashas, Victor Malarek décrit d’une façon très explicite les nombreux moyens auxquels recourent les éléments criminels. Les incidents authentiques qu’il raconte sont aussi choquants qu’incroyables.
    Permettez-moi de citer un bref passage de ce livre:
Ce qu’on fait à la plupart des femmes victimes de la traite est criminel, qu’elles aient été trompées, enlevées ou aient donné leur consentement. Elles sont acculées à des situations de profonde terreur, comparable à celle de personnes prises en otages. On leur enlève immédiatement leurs documents de voyage et chacun de leurs mouvements est soumis à la plus étroite surveillance. Les acheteurs éventuels peuvent « essayer » ces femmes, tout comme nous essayons de nouvelles voitures.
    Nous ne pouvons pas tolérer plus longtemps de telles atrocités. Même si nous avons été heureuses d’apprendre, l’été dernier, que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration prenait de nouvelles mesures pour aider les victimes de la traite des personnes au Canada, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
    À la suite d’une table ronde sur le sujet dirigé par Irena Soltys, présidente de la Coalition contre la traite des femmes, le Congrès ukrainien canadien a adopté une résolution, en octobre 2004, lui enjoignant de sensibiliser les gouvernements du Canada et les organismes fédéraux compétents à cette question et d’appuyer des projets communautaires de sensibilisation à cet horrible crime.
    Pour mettre en œuvre cette résolution, nous avons décidé, entre autres, de former un partenariat avec la députée Joy Smith afin de sensibiliser les gens à ce crime contre l’humanité. Nous avons en outre abordé le problème avec le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ainsi qu’avec le ministre des Affaires étrangères.
    Voici quelques-unes des préoccupations évoquées au cours de nos discussions, ainsi que quelques recommandations.
    Ceux qui se rendent coupables de tels crimes doivent être recherchés et punis. Les lois en vigueur doivent être appliquées d’une manière stricte, de même que les peines prévues qui peuvent atteindre la prison à vie et un million de dollars d’amende, en cas de condamnation pour traite de personnes.
    Les victimes de la traite peuvent hésiter à s’adresser à la police ou à un médecin pour obtenir de l’aide. Il faut donc créer un service téléphonique d’urgence 1-800 et en faire connaître l’existence. Des refuges doivent être aménagés pour accueillir et protéger les victimes. Les trousses d’accueil doivent comprendre les renseignements que j’ai mentionnés et des directives pour la protection du passeport.
    Les douaniers doivent être sensibilisés aux moyens utilisés par les trafiquants et à l’influence qu’ils peuvent exercer sur leurs victimes, de façon à pouvoir les reconnaître. Un programme de formation obligatoire doit être mis en place à l’intention de tous les agents des douanes.
    Nous avons également proposé de faire passer l’âge du consentement de 14 à 16 ans.
    Au niveau international, le gouvernement du Canada devrait rechercher une plus grande coopération en vue d’éliminer la traite transnationale et les réseaux établis par le crime organisé. Il devrait collaborer avec les consulats des pays d’origine pour les sensibiliser à la traite lors de l’examen des demandes de visa et pour assurer le rétablissement des victimes et leur retour, saines et sauves, dans leur pays. Le rôle du Canada, à titre de signataire du Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, doit bénéficier d’une très haute priorité.
    Nous devons tous nous efforcer ensemble d’éradiquer la traite des personnes. Nous n'aiderons pas les générations futures en fermant les yeux aujourd’hui sur ce crime odieux. Nous avons des obligations à cet égard et ne pouvons pas nous croiser les bras face à ces atrocités. Nous devons exprimer notre colère dans des mesures concrètes. Nous exhortons le gouvernement du Canada à devenir un chef de file à cet égard.

  (1130)  

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Perrin.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour.
    Est-ce que tous les membres du comité ont un exemplaire de notre mémoire? Je m’y reporterai pour gagner du temps. C’est parfait. Je vous le présente donc pour étude. Je me concentrerai aujourd’hui sur ce que je considère comme les grandes recommandations et propositions du Future Group.
    Tout d’abord, nous sommes honorés d’être ici. Notre organisation a été fondée en 2000 par un groupe d’étudiants d’université qui, réunis au bord d’un lac, ont discuté de ce problème de traite de personnes dont ils avaient entendu parler six ans auparavant. C’est un honneur de comparaître finalement à Ottawa pour vous en parler. Je vous remercie encore de cette occasion et je vous félicite d’avoir entrepris l’examen de ce problème.
    Comme beaucoup d’entre vous le savent, notre organisation a commencé son travail à l’étranger. Nous avons réalisé des projets sur le terrain pour aider les victimes au Cambodge, au Myanmar, en Roumanie, au Moldova et, très récemment cet été, en Équateur et au Cameroun. Notre attention s’est reportée sur le Canada et, plus particulièrement, Calgary – dont je suis originaire – lorsque la police a fait une descente dans un studio de massage et y a découvert, ô surprise, des femmes d’Asie du Sud-Est. Cette histoire est déjà oubliée. C’était en 2003.
    Depuis, nous avons commencé à nous intéresser à ce problème au Canada, au niveau des politiques. Nous fondant sur notre expérience à l’étranger, nous avons élaboré un cadre comprenant essentiellement trois points, qui figure à la page 1 du mémoire. Ce cadre traite de certaines des préoccupations exposées au comité par les témoins précédents sur la question de savoir comment équilibrer les aspects de mise en vigueur de la loi et de respect des droits de la personne et les considérations économiques. C’est l’approche que nous avons adoptée.
    Nous avons, premièrement, la prévention de la traite des personnes en travaillant avec les pays d’origine pour lutter contre les causes profondes de ce phénomène, qui sont liées au manque de connaissance. Il faut donc éduquer les enfants à risque. Ainsi, différentes organisations œuvrent en vue de sensibiliser 80 000 enfants à risque dans les régions rurales du Cambodge. Il faut également se servir de l’aide directe à l’étranger pour élargir les perspectives économiques des jeunes femmes. C’est la première partie de notre cadre.
    La deuxième porte sur la protection des victimes de la traite. Il faut d’abord les délivrer, puis les réadapter et, s’il y a lieu, les rapatrier et les réintégrer dans la société. Il faut aussi déterminer s’il est souhaitable, pour elles, de rentrer ou non dans leur pays.
    Le dernier élément est la poursuite devant les tribunaux des trafiquants et des clients de l’industrie du sexe. Il est nécessaire de s’occuper des trois éléments à la fois. Autrement, les efforts seraient vains et les progrès, difficiles sinon impossibles.
    Beaucoup d’entre vous connaissent sans doute le rapport que notre organisation a fait paraître en mars dernier sous le titre Falling Short of the Mark. Il s’agissait d’une étude internationale sur le traitement des victimes de la traite des personnes. J’ai un peu honte de dire que le Canada a essuyé un échec à ce chapitre. Vous trouverez un résumé de notre rapport aux pages 3 à 5 du mémoire. Si vous souhaitez voir la version intégrale du rapport, avec tous les exemples comparatifs, vous la trouverez sur notre site Web, à www.thefuturegroup.org. Je m’excuse, madame la présidente, de la publicité éhontée que nous avons faite sur notre site.
    Je tiens à attirer votre attention d’une façon particulière sur la page 4 de notre mémoire. Il s’agit d’un cas mentionné dans une note de bas de page de notre rapport. Après la parution de celui-ci, on nous a dit que non, rien ne prouve que des victimes de la traite ont été expulsées, qu’il ne s’agit que d’anecdotes et que cela n’arrive pas en réalité. Vous trouverez là la décision officielle de la Cour fédérale, qui procédait à une révision judiciaire d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
    Il s’agit de Katalin Varga, dont le cas est l’un des rares qui soit allé aussi haut. On peut se demander comment elle a eu les moyens d’obtenir une décision de la Cour fédérale. Je ne le sais pas. Elle a dû bénéficier de l’aide de quelqu’un. J’aimerais vous lire un passage de la page 4, tiré du résumé de l’affaire figurant dans le jugement.
Le médecin de Varga a indiqué qu’elle souffrait du syndrome de stress post-traumatique et qu’elle serait victime d’une dépression nerveuse si elle était renvoyée en Hongrie.
    Il a donc été établi qu’elle était une victime de bonne foi de la traite de personnes. Réaction du Canada: À la porte! Voilà où nous en sommes sur le plan législatif. Nous avons maintenant des lignes directrices provisoires qui commencent à s’attaquer au problème. Notre organisation a applaudi le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration lorsqu’il les a annoncées. Je suis d’accord sur ce qui a été dit plus tôt: c’est un bon point de départ, mais il faut en faire davantage.
    Certains d’entre vous savent que j’ai participé à ce processus. Je ne suis pas ici pour parler de mes réalisations. Je veux tout simplement dire que, sur le plan international, notre approche a consisté à préconiser l’adoption de mesures concrètes. Je voudrais mettre en garde le comité contre la tentation d’élaborer un grand plan national d’un seul coup. Tout d’abord, d’ici le moment où vous aurez mis au point ce plan, les trafiquants seront déjà passés à autre chose.
    Nous devons appuyer des projets qui marchent et concentrer nos efforts sur les secteurs les plus importants, tant sur le plan géographique que... Permettez-moi de mentionner en particulier Vancouver. À l’approche des Jeux olympiques d’hiver, le comité devrait accorder une importance particulière à Vancouver. D’ici 2010, si le Canada ne s’est pas concerté pour combattre la traite des personnes, il y aura une grande flambée de ce phénomène en Colombie-Britannique. L’expérience acquise à l’échelle internationale au cours des dix dernières années montre qu’à part les missions de maintien de la paix, les grandes manifestations sportives engendrent le plus grand afflux de devises et d’étrangers ayant beaucoup de temps à perdre et persuadés de jouir de l’impunité, ce qui représente une véritable manne pour cette industrie. Il faut souvent envisager le problème sous l’angle commercial pour comprendre que les trafiquants y verront une parfaite occasion de réaliser des bénéfices extraordinaires.

  (1135)  

    Je vous laisse examiner nos recommandations, qui figurent à la page 8 du mémoire. Nous préconisons la création d’un bureau de lutte contre la traite. J’aimerais répondre à des questions, si vous voulez savoir pourquoi il est nécessaire d’établir ce bureau, mais je vais attendre la période des questions puisque mon temps de parole est écoulé.
    Merci encore de m’avoir donné l’occasion de vous présenter cet exposé aujourd’hui.
    Merci beaucoup à toutes et tous. Je suis sûre que vous aurez l’occasion d’aborder tous ces points pendant la période des questions et réponses.
    Nous commencerons par Mme Neville.
    Merci, madame la présidente. Je voudrais également remercier tous les témoins d’être venus aujourd’hui et d’avoir fait profiter le comité de leur grande expérience.
    J’ai quelques questions à poser. La première porte sur un sujet que vous avez tous abordé, je crois, le permis de séjour temporaire accordé aux victimes de la traite. Je pense que vous en avez parlé comme d’une première étape, qui ne suffit cependant pas pour répondre aux besoins. J’aimerais savoir ce que vous proposez à cet égard. Je vais poser tout de suite quelques questions. S’il me reste du temps, j’en aurais encore quelques autres.
    L’autre question qui me préoccupe particulièrement – vous ne l’avez pas du tout abordée, mais j’aimerais bien connaître votre avis – concerne le Canada comme pays d’origine de victimes de la traite. Que savez-vous à ce sujet? Quelles recommandations avez-vous? Le comité a reçu des observations, notamment au sujet des femmes autochtones. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

  (1140)  

    Je peux dire que j’ai entendu parler de cas dans la région de Vancouver, surtout à cause de l’âge de consentement de 14 ans. La méthode utilisée consiste à charger quelqu’un d’établir des relations, puis d’amener la victime à traverser la frontière pour aller aux États-Unis, particulièrement dans le Sud. Plusieurs travailleurs locaux ont essayé d’empêcher cela en avertissant la police, qui répond qu’elle ne peut rien faire à cause de l'âge de consentement. Les agents ont quand même fini par aller dans le sud des États-Unis, mais seulement après que les intéressés s’y sont rendus. À ce moment, la police peut intervenir et aller les chercher.
    J’aimerais avoir une précision, madame Isaacs. Quel était l’âge des garçons chargés d’établir les relations?
    Il y en avait de tous les âges.
    Les jeunes de 14 ans sont actuellement protégés par la loi.
    Oui, quand la différence d’âge dépasse un certain nombre d’années.
    Si un jeune de 16 ans fait la traite d’un enfant, c’est une chose, mais s’il a plus de 18 ans, il peut être poursuivi et sévèrement puni.
    Certains ne le sont pas.
    Très bien, je vous remercie.
    Ils recourent à toutes sortes de moyens.
    Y a-t-il quelqu’un d’autre qui veuille répondre à la question de Mme Neville?
    Je voudrais répondre brièvement à votre première question concernant les lignes directrices provisoires. La difficulté que j’ai mentionnée tout à l’heure, c’est le nombre de pièces qui composent ce casse-tête. Comme vous le savez, il y a un groupe de travail interministériel de 17 membres. L’analogie qui me vient à l’esprit, c’est la course à trois jambes, avec 17 participants. On ne peut avancer qu’à la vitesse du plus lent.
    Je fais cette analogie parce que nous avons ces lignes directrices sur l’immigration, qui sont conçues pour faire ce qui est possible dans une optique d’immigration, mais il y a aussi des pièces qui relèvent des organismes d’application de la loi. Les provinces sont responsables du logement et de l’aide juridique. Voilà encore d’autres pièces qui sont vraiment nécessaires pour avoir un tout. Les préoccupations exprimées tiennent au fait que les lignes directrices n’en font pas assez. C’est parce qu’elles ne peuvent pas aller plus loin. Bien sûr, il y a des lacunes dans certains domaines, qui ont été bien décrites par Mme Isaacs. Je crois que l’amélioration des lignes directrices ne devrait être entreprise que lorsqu’on aura pu se rendre compte de leur efficacité en pratique.
    Les médias ont rapporté que la protection prévue par les lignes directrices a déjà été offerte cet été à six femmes, qui ont refusé de s’en prévaloir. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Lorsque les médias ont annoncé... Avant la parution des lignes directrices, les gens disaient que n’importe qui pouvait prétendre être une victime de la traite pour essayer de se faire admettre. Cela ne s’est produit ni au Canada ni ailleurs.
    Le Canada ne devrait pas craindre d’offrir une protection suffisante, en conformité avec les protocoles internationaux. Il est possible d’agir soigneusement pour éviter qu’on abuse de la générosité de notre pays.
    Y en a-t-il d’autres qui souhaitent parler du Canada comme pays d’origine de la traite?
    Je vais le faire rapidement. Les études que j’ai vues concernant la représentation disproportionnée des femmes autochtones dans les milieux de la prostitution sont vraiment choquantes. Des études ont été réalisées à Vancouver et ailleurs dans le pays. C’est une préoccupation qu’il faudrait affronter. Malheureusement, c’est une chose qui arrive à l’échelle mondiale. Les minorités et les populations sous-représentées ou traditionnellement opprimées sont souvent très sensiblement surreprésentées dans la prostitution.
    Je crois que c’est une chose que le comité devrait examiner.
    Me reste-t-il du temps?

  (1145)  

    Il vous reste une minute et demie.
    Je vais alors poser une brève question.
    Les témoins précédents nous ont beaucoup parlé de l’aide à donner aux victimes de la traite. J’aimerais savoir ce que chacune et chacun d’entre vous en pense, bien qu’il ne reste probablement pas assez de temps pour cela. Quel soutien supplémentaire le gouvernement devrait-il assurer aux victimes? Quelles sont les responsabilités du gouvernement fédéral et celles des gouvernements provinciaux quant au logement, aux conseils et à d’autres formes d’aide?
    Permettez-moi de préciser que le Congrès ne s’occupe pas vraiment de projets. Nous nous intéressons davantage à la sensibilisation et à l’encouragement de programmes et de projets. Il est cependant certain qu’il faudrait établir un bon réseau pour que les ONG puissent aider les victimes. Comme je l’ai dit dans mon exposé, il n’est pas facile de persuader les victimes d’aller voir la police, un médecin ou une personne occupant un poste d’autorité, parce que certaines d’entre elles viennent de pays où ce sont justement ces gens qui tentaient d’abuser d’elles. Je ne sais pas vraiment comment procéder, mais nous devons y penser et prévoir la formation d’un réseau dans lequel les ONG, en particulier, peuvent disposer de ressources et collaborer avec des organismes gouvernementaux pour aider et protéger les victimes.
    Sœur Isaacs, souhaitez-vous répondre très brièvement?
    Les mesures d’aide sont brièvement exposées dans le plan de la Colombie-Britannique. On y parle de logement en cas d’urgence, de même qu’à court et à long terme, et de services médicaux, aussi bien physiques que psychologiques. Le Programme fédéral de santé intérimaire assure la couverture pendant quatre mois, mais certaines provinces ont également une période d’attente. Par conséquent, si les victimes doivent rester plus longtemps, il faudrait songer à étendre la couverture jusqu’à ce qu’elles soient admissibles au régime provincial. Il y a l’aide sociale et peut-être la formation à l’emploi, parce que la plupart ne connaissent rien d’autre que la prostitution. Il y a des services de réadaptation et un choix à faire entre rester au Canada ou rentrer chez elles. Il faudrait songer en outre à accorder une aide à celles qui souhaitent rentrer dans leur pays d’origine, parce que certains de ceux-ci n’accordent aucune aide à ce chapitre.
    Merci beaucoup.
    Madame Mourani.

[Français]

    Merci, madame la présidente. Je vous remercie tous et toutes de vos témoignages.
    Ma question s'adresse à M. Perrin. Dans vos recommandations, à la page 8 de votre mémoire, vous dites, et je cite:
Grâce aux modifications apportées récemment au Code criminel et aux directives provisoires élaborées par CIC, il existe désormais un cadre législatif de base qui permet aux autorités canadiennes d'aborder le problème de la traite des êtres humains.
    Nous avons rencontré un enquêteur des moralités du Service de police de la Ville de Montréal la semaine dernière, je crois bien. Il semblait dire que la loi n'était pas très efficace pour les aider à faire leur travail. D'ailleurs, il nous a bien spécifié que l'article du Code criminel sur la traite des personnes était carrément inutilisé par le SPVM.
    La loi est-elle vraiment efficace? Y-a-t-il y a des améliorations à apporter au Code criminel? De quel article de droit s'agit-il? Est-ce celui qui touche le proxénétisme, la traite ou le fait d'avoir une maison de débauche? D'une part, qu'est-ce qu'on doit modifier, concrètement, dans la loi, dans le Code criminel?
    D'autre part, que devons-nous faire pour que le tourisme sexuel à l'étranger et les gestes des personnes qui s'adonnent à ce tourisme sexuel ne restent pas impunis? Que devons-nous changer dans la loi?
    En dernier lieu, vous dites que le Groupe de travail interministériel sur la traite des personnes, le GTITP — et vous me corrigerez si je me trompe — est inefficace, d'une certaine manière, ou qu'il n'aurait pas bien rempli son mandat. Vous proposez de le remplacer par le bureau canadien de lutte contre la traite des êtres humains.
    J'aimerais comprendre ce que serait ce bureau et ce qu'il ferait différemment du GTITP pour être plus efficace.
    Merci beaucoup. Je peux répondre un peu en français et continuer en anglais.
    Maria Mourani: Ça va, même en anglais; c'est omme vous voulez.

  (1150)  

[Traduction]

    Très bien.
    Premièrement, au sujet du tourisme sexuel impliquant des enfants, il est vraiment très difficile de mener des enquêtes extraterritoriales. La seule poursuite qui ait réussi était celle de Donald Bakker en Colombie-Britannique. Il a été le premier homme jugé coupable aux termes des dispositions relatives au tourisme sexuel impliquant des enfants, mais il s’agissait d’une enquête accidentelle. On n’a découvert qu’il exploitait sexuellement des enfants à l’étranger que lorsque son ordinateur a été saisi.
    Que font les autres pays? Notre approche consiste à nous poser cette question. Les autres pays poursuivent régulièrement leurs pédophiles qui vont à l’étranger. Mais la plupart s'en tirent impunément. Au Cambodge, vous pouvez voir des pédophiles marcher dans la rue en compagnie de petites filles de 8, 9 ou 10 ans, et vous ne pouvez absolument rien faire.
    Les autres pays placent des agents de liaison dans leurs ambassades. La police fédérale australienne a des agents de liaison. Les Américains ont des policiers, pas dans toutes les ambassades, mais dans les régions à risque élevé. Ces agents s’occupent non seulement de la traite des personnes et du tourisme sexuel impliquant des enfants, mais aussi de la drogue et de la criminalité transnationale organisée. Par conséquent, il s’agit essentiellement d’une affaire de police.
    La GRC dispose de renseignements sur les pédophiles canadiens qui vont à l’étranger. Elle a des copies de passeport, des itinéraires de voyage et même des dépositions de témoins. Nous avons été en mesure de lui fournir ce genre de preuves. En fait, nous avons participé aux poursuites intentées contre un pédophile américain dans le cadre du même modèle. Les Américains ont pu envoyer une équipe qui a mené une enquête, ce qui leur a permis d’obtenir une condamnation.
    Malheureusement, avec les lois que nous avons, si un pédophile opère ainsi à l’étranger, passant d’un pays à l’autre sans jamais rentrer au Canada, il n’y a aucun moyen de le prendre. De plus, on ne peut pas retenir un citoyen canadien à la frontière à son retour, à moins de disposer de preuves suffisantes pour obtenir un mandat d’arrestation. Ainsi, c’est très difficile, mais faisable. La solution, à notre avis, réside dans des ressources et un programme d’agents de liaison.
    Au sujet du groupe de travail interministériel, vous voulez savoir pourquoi un bureau serait préférable. Nous avons besoin d’un service central pour le financement de la lutte contre la traite des personnes. À l’heure actuelle, il est très difficile de savoir si des fonds quelconques y sont affectés, autrement que pour les réunions du groupe de travail interministériel et la campagne d’affiches au niveau fédéral. Nous avons donc besoin d’un service central, qui jouerait également un rôle important du point de vue de la responsabilité.
    Ce bureau devrait, à notre avis, pouvoir élaborer et proposer des initiatives liées aux ministères intéressés. Ainsi, au lieu d’avoir autour de la table des représentants de 17 ministères discutant de programmes qui ne touchent que deux ou trois d’entre eux, pourquoi ne pas établir un bureau central doté de compétences en traite des personnes, qu’on aurait recruté parmi les meilleures du Canada, lui accorder le financement nécessaire et lui donner le mandat de faire la liaison avec les ministères intéressés?
    Nous considérons que c’est une nouvelle approche qui pourrait marcher. D’autres pays ont procédé de cette façon, ce qui a renforcé la responsabilité. Je dois ajouter que le bureau présenterait des rapports au Parlement sur le nombre de victimes aidées et rapatriées, le nombre de trafiquants ayant fait l’objet d’enquêtes et de poursuites, etc. Vous ne disposez pas actuellement de renseignements de ce genre à l’échelle nationale.

[Français]

    Serait-ce un bureau de recherche, un bureau de centralisation des informations policières, ou simplement un bureau politique?

[Traduction]

    Le bureau s’acquitterait d’une fonction centrale de rassemblement de toutes les recherches effectuées. Il pourrait également présenter des propositions de fond et collaborer avec les ministères pour la mise en œuvre de projets pilotes et la répartition du financement. Le bureau établirait un cadre permettant de décider de l’affectation des fonds disponibles. Il ne s’agit pas d’enlever des pouvoirs aux ministères, mais de charger un service central de la responsabilité du travail à faire.
    En ce moment, si une organisation souhaite trouver un interlocuteur fédéral pour discuter de la traite des personnes, je vous le demande, à qui peut-elle s’adresser? Quel numéro de téléphone faut-il appeler? Il n’y en a pas. On dit aux gens de s’adresser au ministre de la Justice ou au ministre des Affaires étrangères. C’est bien beau, mais à qui peut-on parler du travail réel à faire dans la rue?
    Si, à titre de travailleur social, j’ai une victime chez moi, que dois-je faire? À qui dois-je lui dire de s’adresser?
    Notre organisation reçoit des appels à l’aide de ce genre sur son site Web. Nous devrions pouvoir y répondre.
    Merci beaucoup.
    Madame Smith.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais remercier tous les témoins. Je crois vraiment que votre présence aujourd’hui est très importante. Vous nous éduquez et nous aidez au sujet de ce crime odieux auquel nous devons mettre fin.
    Je voudrais poser ma première question à M. Perrin.
    Je trouve très intéressant ce que vous dites au sujet du bureau de la traite des personnes. Je conviens avec vous qu’il n’existe actuellement aucun service central compétent auquel on puisse s’adresser pour obtenir de l’aide.
    Nous avons parlé de financement. Si un tel bureau était établi, il aurait son mot à dire sur le financement et sa répartition.
    Je me suis entretenue ce matin avec un groupe qui s’occupe de refuges pour les sans-abri. Comme nous le savons, les victimes de la traite ont besoin d’un refuge, mais ceux que nous avons actuellement ne conviennent pas. À mon avis, elles ont besoin d’un refuge parce qu’il faut leur donner un certain temps. On ne peut pas simplement appréhender ou sauver une victime, puis lui demander immédiatement de témoigner. Ce serait impossible. Beaucoup d’entre elles craignent beaucoup la police. Elles ont été intimidées pendant des mois et des années. Cela ne marcherait pas.
    Avec un bureau de ce genre, de quelle façon croyez-vous que les fonds devraient être répartis pour lutter utilement contre la traite?
    Je suis bien d’accord avec vous. Premièrement, l’âge de consentement devrait être relevé. Deuxièmement, le consentement devrait être sans conséquence lorsque les gens sont appréhendés. Ce sont des victimes sans défense d’un horrible crime.
    Nous avons dans ce cas une situation très particulière parce que certaines de ces femmes tombent enceintes et ont de petits enfants. À Toronto, j’ai aidé une femme qui venait du Mexique et qui avait une fille de dix mois. Les besoins des victimes sont donc très variés.
    Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, monsieur Perrin, pour ce qui est des refuges et des différences entre ce que nous avons et ce que nous devrions avoir?

  (1155)  

    Je commencerai par la question du financement. Comme vous l’avez signalé, c’est aujourd’hui le point le plus important à régler. Je ne sais pas combien d’argent il faudrait affecter. Thomas Axworthy a dit qu’il faudrait consacrer 100 millions de dollars aux initiatives de lutte contre la traite des personnes. J’ai l’impression que c’est un chiffre raisonnable, mais je ne suis pas sûr de ce que cela comprenait.
    À notre avis, la meilleure façon d’utiliser les fonds consisterait à se baser sur notre cadre en trois points. Dans l’idéal, l’argent devrait suivre la victime. C’est ce qu’on recherche dans tout programme social. Ce serait très difficile à réaliser dans le cas du système de santé, par exemple, parce que tous les Canadiens sont en cause. Dans le cas de la traite des personnes, où nous n’avons que quelque 25 à 30 victimes dans la première année, les lignes directrices fonctionnent bien. C’est ainsi que cela se fait en Australie et aux États-Unis. Il faudrait en fait concevoir des groupes de services pour différentes victimes. Certaines auront besoin d’un permis de travail et d’un logement, d’autres n’en voudront pas parce qu’elles préfèrent rentrer dans leur pays le plus tôt possible. Il faudra élaborer le programme. Le bureau dont nous parlons pourrait jouer un rôle à cet égard.
    On devrait pouvoir prélever sur les 100 millions de dollars un financement suffisant pour ce programme. L’aide aux victimes ne devrait pas en fait coûter très cher. Le gouvernement fédéral pourrait décider de payer la facture, mais il n’est pas obligé de le faire dans le cadre de ses responsabilités.
    Sur le plan des poursuites, ce n’est pas grand-chose si on parle seulement des victimes. Voici comment le système de justice pénale pourrait fonctionner. Dans le cas des meurtres, des cambriolages et des vols à l’étalage, nous n’enverrons plus les victimes au tribunal. Nous dirons par exemple: Quelqu’un s’est introduit dans votre voiture par effraction? Adressez-vous au gouvernement, nous vous aiderons à la réparer. Si quelqu’un a été tué, nous offrirons des séances de counselling. Non, ne vous inquiétez pas du meurtrier qui court les rues ni du cambrioleur qui s’attaque à votre maison.
    C’est essentiellement ce qui se produit aujourd’hui dans le cas de la traite des personnes, et ce n’est pas parce que les organismes d’application de la loi ne travaillent pas très fort. Ils savent ce qui se passe et nous ont dit qu’ils n’ont pas suffisamment de ressources pour faire autrement. C’est une tâche énorme, qui nécessitera probablement des fonds très importants pour infiltrer les réseaux du crime organisé.
    Ai-je assez de temps pour poser une autre question, madame la présidente? Je vous remercie.
    Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a quelques semaines, un mannequin de réputation internationale, Liz Crawford, nous a parlé ici de la traite de femmes canadiennes venant non de familles pauvres et désunies, comme nous le croyons souvent dans le cas des victimes de la traite, mais de familles ordinaires. Nous savons que cela arrive de plus en plus, mais nous ne disposons pas de données. C’est une autre chose que votre bureau pourrait faire.
    Pouvez-vous nous parler des mesures qu'il serait possible de prendre pour empêcher ce genre de chose se produire dans les agences de mannequins? Nous sommes en train de découvrir que c'est de plus en plus courant, ce que je trouve extrêmement choquant et alarmant.
    Encore une fois, nous nous inspirons des mesures réussies prises dans d’autres pays.
    Dans le cadre de l’un de nos projets, nous avons eu affaire à des jeunes à qui on promettait un emploi dans la grande ville. Au Cameroun, nous avons entrepris d’établir un réseau communautaire sûr. Il y avait une personne à un bout – si l’intéressée n’a pas de famille, cette personne est un membre de la communauté en qui elle a confiance ou un travailleur social – et une autre personne à l’autre bout. L’intéressée doit aller travailler en ville? Très bien. La personne à l’autre bout va s’assurer qu’elle arrive bien à destination et que le travail correspond bien à ce qui a été promis. Elle s’occupe donc de l’intéressée. Voilà un modèle particulier qui pourrait fonctionner.
    Il y aurait un autre moyen plus facile, qui nécessite moins d’efforts: c’est l’information et la sensibilisation. Ces jeunes femmes doivent comprendre que si le travail promis ressemble à un piège, c’est probablement un piège. Elles doivent connaître les questions à poser. Il y a des questions qu’elles peuvent demander pour découvrir si elles s’engagent dans une voie dangereuse.

  (1200)  

    Je vous remercie.
    Je tiens vraiment à féliciter le Congrès ukrainien canadien pour sa résolution de 2004. Je félicite également l’organisation internationale qui s’en est occupée.
    Irene, pouvez-vous nous parler de certaines des choses que le Congrès a faites pour lutter contre la traite des personnes?
    Certainement.
    Notre travail le plus important consiste à sensibiliser les gens et à encourager nos organisations membres à organiser des rencontres du même genre pour toucher toutes les collectivités. L’initiative Help Us Help The Children lancée à Toronto permet d’aider des orphelins qui ont atteint l’âge de 16 ans à trouver un endroit où aller. Nous avons un comité qui s’en charge. La Fédération mondiale des organisations de femmes ukrainiennes a fait un grand travail à l’échelle internationale.
    Ainsi, la collectivité participe beaucoup. Je suis heureuse de constater que certaines organisations poursuivent l’action pour donner suite aux forums que nous avons organisés. Les efforts déployés se multiplient rapidement. Des séances de sensibilisation ont eu lieu un peu partout.
    Je crois vraiment que si les gens ne sont pas au courant des choses dont nous parlons aujourd’hui, ils n’agiront pas. La sensibilisation est extrêmement importante.
    Oui, je suis bien d’accord avec vous.
    Mon temps de parole est-il écoulé, madame la présidente?
    Je regrette, oui.
    Madame Mathyssen.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je voudrais poser quelques questions à quiconque voudra bien y répondre. J’aimerais bien que tous les témoins le fassent, si possible, mais vous n’avez pas à vous forcer.
    Des représentants de différents services de police – Toronto, Vancouver et Montréal – nous ont dit que les ONG jouent un rôle très important dans l’aide aux victimes de la traite. Je voudrais savoir de quelles ressources supplémentaires les ONG ont besoin pour faire cet important travail. Quelles ressources demanderiez-vous au gouvernement?
    Tout d’abord, il faudrait de l’argent. La plupart d’entre nous ont déjà des difficultés financières, surtout dans les zones d’établissement de certaines provinces.
    Je sais qu’en Colombie-Britannique, la police cherche, lorsqu’elle fait des descentes, à se faire accompagner de représentants d’ONG et du gouvernement pour s’occuper des victimes, afin qu’elles ne soient pas encore plus traumatisées et effrayées par le contact avec la police.
    On parle également d’efforts de défense des droits que les ONG pourraient déployer au nom des victimes, qui ne bénéficient pas toujours de l’aide juridique nécessaire. C’est d’ailleurs un autre domaine que j’ai oublié de mentionner plus tôt, lorsque nous avons parlé des services.
    Comme je l’ai dit, l’organisme pour lequel je travaille à Vancouver a été désigné comme le principal responsable en Colombie-Britannique pour faire du traitement de cas et fournir ce qu’il faut aux victimes, quand il arrive à trouver un peu d’argent.
    Il faut procéder à des évaluations des besoins. Il faut établir des bases de données sur les services offerts dans chaque province. Il faut en outre créer des moyens de communication entre les provinces. J’ai déjà travaillé à Montréal. Nous avions un jeune garçon qui travaillait comme domestique à l’âge de 13 ans. Après beaucoup d’efforts, une enquête a finalement été ouverte, mais la famille l’a appris et a déménagé en Ontario. S’il n’y a pas de moyen de communication entre les provinces, les dossiers sont classés. Dans certains cas, il faut d’ailleurs envoyer des gens dans une autre province pour les protéger.
    Je proposerais également, à cet égard, d’établir des communications d’une forme ou d’une autre entre les services d’immigration et d’éducation, du moins pour les enfants, de façon à savoir qui ne va pas à l’école. À l’heure actuelle, il n’y a absolument aucune communication. Bien sûr, ces victimes ne vont pas à l’école.
    Il s’agit simplement de trouver un moyen de mieux contrôler la situation. Tout cela nécessite de l’argent.

  (1205)  

    J’ai consulté de la documentation contenant des conseils des Nations Unies au sujet de la violence contre les femmes. On y mentionnait expressément la traite des personnes. D’après la documentation, nous ne disposons tout simplement par des renseignements nécessaires. Nous ne savons pas combien de personnes et d’enfants entrent ainsi dans le pays ou en sortent.
    Vous recommandez, comme les Nations Unies, que les gouvernements interviennent pour recueillir ces données, afin que nous puissions savoir où nous en sommes et s’il y a eu des changements ou des améliorations avec le temps. Les ONG sont-elles les mieux placées pour recueillir des données, ou bien faut-il envisager autre chose?
    Je crois qu’il faudrait un peu des deux. Une seule partie ne suffit pas. Il est évident que nous n’avons pas accès à tout le monde.
    Je fais partie d’un groupe de travail ONG-CIC sur les enfants séparés de leur famille. Je sais que le groupe ne s’occupe que des réfugiés. Il n’envisage même pas de tenir compte des victimes de la traite. Il compte les enfants séparés en fonction du demandeur principal inscrit dans les demandes de revendication du statut de réfugié. Il y a donc une importante catégorie de personnes qui n’est même pas comptée. Il n’y a aucun moyen de vérifier.
    De plus, lorsque des gens arrivent accompagnés de prétendus parents, amis, etc., on ne vérifie pas toujours à la frontière s’ils sont bien ce qu’ils disent.
    J’étais allée une fois à La Baie, à Vancouver, pour acheter un maillot. La vendeuse m’a parlé de cet homme qui venait souvent accompagné de différentes jeunes femmes. Il semblait avoir beaucoup de nièces à qui il achetait ces vêtements qui ne cachent pas grand-chose. Il présentait ces femmes comme des membres de la famille, mais personne ne vérifie. C’est un problème.
    Nous avons également à Vancouver les enfants et les jeunes honduriens. C’est un autre grand problème. Ces enfants sont encore poursuivis au criminel comme trafiquants de drogue. Ils ont une dette à rembourser et, dans le cas des enfants, la question du consentement ne devrait jamais se poser.
    C’est donc un problème.
    Madame Mathyssen, très rapidement, s’il vous plaît.
    Vous avez mentionné dans votre exposé le fait que les lignes directrices concernant les permis de séjour temporaire ont été élaborées sans consultations. Elles comportent donc des lacunes. Pouvez-vous nous dire en quoi consistent ces lacunes?
    Vous avez également parlé des besoins particuliers des enfants. Pouvez-vous nous dire aussi ce que nous devons faire pour les aider?
    J’ai mentionné quelques-unes des lacunes dans mon exposé. Par exemple, les femmes qui ont un visa et qui n’obtiennent donc pas un permis de séjour temporaire n’ont pas accès aux services. Il y a aussi le problème de celles qui veulent rentrer dans leur pays. En réalité, elles ont quand même besoin de services. Si elles n’obtiennent pas de permis de séjour, comment peuvent-elles accéder légalement aux services? Certains pays mettent beaucoup de temps pour délivrer les papiers nécessaires. En effet, les trafiquants leur enlèvent leur passeport. De plus, certains pays ne coopèrent pas.
    Dans le cas des enfants, certaines provinces comme l’Ontario mettent fin aux services à l’âge de 16 ans. Ces enfants sont très sensibles et ont de grands besoins. On ne peut pas s’attendre à ce qu’ils se comportent comme des adultes après les événements traumatiques qu’ils ont vécus. Il faut s’en occuper comme si c’était des enfants.
    J’aurais encore beaucoup à dire, mais je n’ai pas le temps.
    Ainsi, la protection des enfants devrait être étendue.
    C’est exact.
    Merci beaucoup.
    Sœur Isaacs, vous avez mentionné le plan de la Colombie-Britannique. Nous avons invité des représentants de l’initiative de réaction à la traite de personnes de la province à comparaître devant le comité. Nous espérons qu’ils viendront.
    Nous en arrivons maintenant à notre deuxième tour de table, pendant lequel nous devons nous limiter à cinq minutes. À vous, madame Minna.

  (1210)  

    Merci, madame la présidente.
    Je regrette d’avoir manqué votre exposé. J’ai été retardée en venant de Toronto.
    Je voudrais avoir des précisions sur un ou deux points avant de poser ma question finale. Dans le cadre de la traite, y a-t-il des enfants qu’on fait entrer au Canada, qu’on fait sortir du Canada ou qu’on déplace d’un endroit à l’autre du pays? J’essaie de comprendre...
    Les trois. Il y en a dans les trois cas.
    Tous les trois. Y en a-t-il de tous les âges?
    Oui, de tous les âges.
    J’essaie de comprendre cet aspect. Nous avons beaucoup parlé d’adultes, de jeunes femmes, etc., mais nous n’avons parlé ni de jeunes hommes ni d’enfants. C’est un aspect que nous n'avons pas beaucoup abordé, du moins avant aujourd’hui.
    Au cours de discussions avec d’autres témoins, nous avons examiné la question de l’immigration et de la durée insuffisante du visa de séjour temporaire. J’avais proposé d’adopter une durée plus longue, allant peut-être jusqu’à trois ans, et même de permettre aux gens de présenter une demande d’immigration pendant cette période, au cours de laquelle on leur aurait également accordé un permis de travail. Bien sûr, ils bénéficieraient alors de services.
    Je sais que vous avez répondu à ma collègue. Dans le cas des enfants, comment les identifier? Ils sont beaucoup plus vulnérables et plus faciles à cacher et à exploiter. Il leur est beaucoup plus difficile de s’en sortir. Quels programmes y a-t-il actuellement pour les enfants, qu’ils arrivent ou qu’ils partent, si nous avons la chance de les identifier?
    Pas grand-chose. En Colombie-Britannique, le ministère s’en charge. C’est le ministère des...
    S’ils ont moins de 16 ans.
    En Colombie-Britannique, l’âge est passé à 19 ans. C’est l’une des seules provinces qui aille jusqu’à 19 ans.
    Soit dit en passant, Robin Pike est aussi la surveillante de l’équipe spécialisée des services aux migrants responsable des enfants séparés en Colombie-Britannique. Cette équipe avait été formée lorsque nous avons eu des arrivées en bateau en 1999. Robin a été choisie parce qu’elle est experte en matière de traite des enfants. Nous en avions déjà avant tous ces événements. Elle pourrait répondre à beaucoup de vos questions.
    Quoi qu’il en soit, nous n’avons que très peu de programmes.
    Qu’arrive-t-il donc? Si on trouve un enfant, est-ce qu’on le place dans un foyer d’accueil?
    C’est le cas en Colombie-Britannique. Les enfants doivent parfois se cacher pour échapper aux avocats engagés par les trafiquants pour les retrouver. Il faut les cacher pour leur propre protection.
    Au Manitoba, Marymound a un service spécial de traitement pour les filles victimes de la traite intérieure. Certaines provinces n’ont aucun programme, certaines en ont. Il faut cependant des traitements spécialisés pour aider ces enfants victimes d’exploitation sexuelle.
    Y a-t-il quelqu’un parmi les témoins qui sache quels services et programmes sont offerts dans le pays aux victimes de moins de 18 ans, par exemple?
    Je sais qu’il y a un problème au Québec dans le cas des enfants dont le SARIMM s’occupait jusqu’ici. Maintenant, c’est Preda, qui n’a jamais assumé la tutelle légale des enfants. Ceux-ci ne sont donc pas sous tutelle. Beaucoup d’entre eux...
    Très bien. Je voulais juste faire le point pour savoir où nous en sommes.
    C’est assez désordonné.
    Monsieur Perrin, avez-vous quelque chose...
    Je voudrais ajouter que l’Alberta a adopté la Loi PChIP sur la protection des enfants impliqués dans la prostitution, que le comité aurait intérêt à examiner parce qu’elle va sensiblement plus loin que dans la plupart des autres administrations.
    Pour ce qui est des histoires d’enfants impliqués dans la traite au Canada, il y a un cas que nous avons découvert. Un ancien agent de l’escouade mondaine de Calgary, Ross McInnis, parle dans son livre d’une petite fille venant du Cambodge, qui a été emmenée à New York via Toronto et qui a été horriblement violentée et exploitée tout le long de son périple.
    Le problème, dans le cas des enfants, est de les trouver car ils ne sont ordinairement pas gardés dans les endroits où la police est susceptible d’enquêter, comme les bordels, les studios de massage et autre. C’est le principal inconvénient.

  (1215)  

    C’était ma question principale, oui.
    Absolument.
    Je voudrais ajouter en passant, puisque vous avez soulevé la question de la durée du visa, qu’une période de trois ans ne concorderait pas avec ce que font les autres pays. Une telle durée pourrait créer des encouragements inhabituels. Nous recommandons la conformité avec les pratiques internationales, qui prévoient une période suffisante de réflexion conçue pour permettre aux victimes de décider si elles veulent revendiquer le statut de réfugié, présenter une autre demande ou rentrer chez elles. Par ailleurs, notre délai de 120 jours se compare avantageusement à ce qui se fait ailleurs. Bien sûr, je serais très inquiet si on n’offrait rien d’autre aux victimes. Il faudrait voir dans quelle mesure les responsables se montreront disposés à prolonger le délai dans certaines circonstances. Les deux motifs – je vais terminer très rapidement – sont, d’une part, la disposition à coopérer avec les autorités, que nous croyons très importante, et, de l’autre, la possibilité que, pour une raison ou une autre, la personne ne puisse pas rentrer dans son pays. Je crois que les lignes directrices canadiennes réalisent un certain équilibre que les Américains n’ont pas, par exemple.
    Je vous remercie.
    Merci, madame la présidente.
    Une précision au sujet du permis ministériel. L’objectif est d’ordre humanitaire. Ces permis fondés sur des motifs d’ordre humanitaire existent depuis des années et servent dans différents cas. Les personnes impliquées dans la traite ont très souvent obtenu des permis ministériels valables pour deux ans qui leur permettent d’essayer de régler leurs problèmes.
    Ces permis réservés à des cas particuliers représentent un progrès parce qu’ils s’adressent à une catégorie particulière de personnes. Ils ont été utilisés à différents moments ces dernières années.
    Puis-je faire un bref commentaire à ce sujet, madame la présidente?
    Pouvez-vous le faire plus tard?
    D’accord.
    C’est parce que j’utilise du temps dont je ne voudrais pas priver les autres membres du comité.
    C’est très bien.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais aussi remercier nos témoins. Chaque fois que je pense que nous entendrons des témoignages qui ne sont pas alarmistes, je constate que c’est le cas. Je vous suis vraiment reconnaissant d’avoir pris le temps de venir aujourd’hui pour nous faire profiter de votre expérience.
    Dans son exposé, sœur Isaacs a fait certaines observations au sujet de la définition du Protocole de Palerme pour mettre en évidence certains points critiqués par les ONG.
    C’était dans votre exposé préliminaire, madame Isaacs. Ensuite, Mme Kryszko a en fait parlé en faveur du Protocole de Palerme, surtout en ce qui concerne l’identification. Il y avait donc certaines divergences à cet égard.
    Je me demande, madame Kryszko, si vous pouvez nous en parler. Vous avez dit essentiellement que le Protocole de Palerme situait la traite des personnes dans le contexte du crime organisé plutôt que dans celui des droits des migrants et qu’il inscrivait les mesures de lutte contre la traite parmi les mesures de contrôle de la migration. Vous semblez bien connaître le contexte juridique. Pouvez-vous nous donner des précisions au sujet de ces critiques?
    Il n’y a pas de doute que le Protocole de Palerme était initialement lié à la Convention sur la criminalité organisée, l’un de ses objets étant justement de la combattre. Toutefois, la définition dont j’ai parlé est très vaste. Je crois que la définition de la traite devrait être utilisée parce qu’elle protège le mieux les victimes. Comme je l’ai mentionné, elle est très large. Elle englobe les droits humains des victimes, y compris les différents moyens utilisés pour les contraindre et les piéger. Sous cet aspect, nous sommes donc satisfaits de cette définition.
    Bien sûr, le protocole a des lacunes. À certains égards, il ne prévoit qu’un minimum. Par exemple, à l’article 6 concernant la protection des victimes, il dit « envisage de mettre en œuvre » au lieu de « met en œuvre ». Le libellé n’est donc pas assez fort pour imposer aux États d’assurer certains services. On peut s’inquiéter, à cet égard, du fait que certains pays n’offrent pas tout ce qui est prévu dans le protocole parce que celui-ci leur laisse une certaine latitude. Mais, encore une fois, nous considérons qu’il est utile comme minimum requis. De toute façon, il n’a pour objet que d’établir des lignes directrices ou des normes internationales de base plutôt que d’assurer une protection maximale des droits de la personne.
    Je crois par conséquent qu’il y a quelques lacunes à combler. Nous sommes cependant d’avis que la définition du protocole protège les droits des victimes de la traite.

  (1220)  

    J’aimerais garder une minute pour M. Perrin, mais je voudrais d’abord donner à Mme Isaacs la possibilité de dire quelques mots, si vous le permettez. Je ne voudrais pas vous tenir à l’écart de la discussion puisque je vous ai mentionnée en premier.
    Tout d’abord, j’ai dit que la définition utilisée ici est une adaptation de celle du Protocole de Palerme, ce qui n’est pas la même chose. Il y a cependant quelques points douteux.
    Les aides familiales à domicile qu’on fait venir au Canada et qui sont parfois exploitées et même violées par leur employeur peuvent toujours partir. Elles ne sont pas menacées de la même façon parce qu’elles ont un statut légal. Par contre, par suite de certaines contraintes, elles hésitent à partir de crainte de ne pas trouver un autre emploi, ce qui est important. Bien sûr, il y a la criminalité et l’exploitation. Je ne dis pas que c’est le cas pour toutes les aides familiales à domicile, mais certaines sont touchées. Elles ne s’inscrivent cependant pas dans la catégorie des victimes de la traite des personnes, telle qu’elle est interprétée par la police, par exemple. Ces personnes sont pourtant victimes d’actes criminels et ont besoin, elles aussi, d’une certaine protection si on ne veut pas qu’elles soient punies quand elles viennent raconter leur histoire.
    Dans d’autres domaines, j’ai connu des personnes venant de pays pour lesquels aucun visa n’est exigé. On leur promet des choses comme un travail et la possibilité d’apprendre anglais, puis on leur paie le voyage ainsi que les frais d’une agence qui les place dans une situation d’exploitation. Ces personnes n’apprennent pas l’anglais et n’obtiennent pas ce qu’on leur a promis, mais elles peuvent toujours partir.
    Très bien, je vous remercie.
    Madame la présidente, je voudrais poser très rapidement une question à M. Perrin. J’ai été vraiment impressionné par votre exposé. Il est clair que vous connaissez bien le domaine et que vous y avez travaillé à l’étranger.
    Pouvez-vous nous dire où se situe le Canada par rapport aux autres pays? On nous dit que le Canada est à la fois une destination et un point de transit de la traite de personnes. Où se place le Canada parmi les destinations mondiales? Vous avez parlé d’une liste de contrôle.
    Une brève réponse, monsieur Perrin.
    Merci, madame la présidente.
    Il est important, je crois, de ne pas exagérer l’importance du problème. Autrement, vous pourriez vous inquiéter, quand vous commencerez à vous y attaquer, de ne pas trouver de victimes. Le Canada n’est pas le pire pays du monde. Il ne fait probablement pas partie de la pire moitié des pays d’origine de la traite.
    À ma connaissance, on s’inquiète surtout du fait qu’il constitue un pays de transit vers les États-Unis. C’est le principal aspect de la traite au Canada.
    Cela étant dit, je ne m’aventurerai pas à avancer des chiffres. Le comité sait à quel point il est difficile d’établir des statistiques. Nous avons au Canada un bassin assez important de victimes et de personnes ayant besoin d’aide. Ce n’est pas du tout un petit problème, du point de vue de la politique pénale, de venir en aide à ces personnes, mais il faut sûrement le faire.
    J’espère vous avoir répondu d’une façon assez équilibrée.
    Je vous remercie.
    Madame Deschamps.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage. J'ai écouté attentivement les informations que vous nous avez transmises.
    J'aimerais d'abord savoir comment vous êtes financés. D'où viennent vos ressources?
     Vous nous apportez ici un travail incroyable. Il y a des informations que nous pouvons retenir et sur lesquelles nous pouvons déjà nous pencher. Entre autres, le mémoire de M. Perrin contient des éléments qui pourraient nous permettre de mettre des ressources à votre disposition ici, au Canada. Je pense même qu'on pourrait déjà vous dire qu'il serait possible pour le gouvernement de faire un travail de collaboration et de concertation en ce qui concerne tout ce que vous faites déjà sur le terrain. Vous avez déjà développé une expertise et vous connaissez déjà les problématiques.
    Alors, qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire rapidement, justement, pour répondre aux besoins les plus urgents et les plus criants?

[Traduction]

    À mon avis, il est très important de concentrer son attention sur les succès réalisés au Canada. Nous ne cherchons pas à obtenir un chèque du comité ou du gouvernement. Les besoins de financement sont très importants.
    Ce dont nous avons besoin... Par exemple, à Vancouver, on a établi un plan cadre qui va assez loin et qui a besoin d'un financement suffisant. La formation relative aux lignes directrices provisoires de la CIC et les efforts de sensibilisation des ONG devraient être prioritaires. Toutes ces choses peuvent se faire à un coût relativement peu élevé, surtout en ce qui a trait à la formation. Il s’agit simplement de donner des cours en temps opportun aux agents de première ligne. Par conséquent, la première chose que le Canada peut faire tout de suite, c’est travailler dans le cadre des lois existantes. Vous remarquerez que nous ne préconisons aucune modification législative pour le moment. Le cadre existe déjà. Il s’agit maintenant d’en tirer le maximum.
    Je sais qu’il est difficile pour n’importe quel gouvernement de trouver des fonds. C’est la raison pour laquelle nous ne recommandons pas d’entreprendre d’autres études pour trouver des chiffres. Bien sûr, il est important de les connaître, mais la priorité, pour le moment, est d’utiliser les outils que nous avons déjà.

  (1225)  

[Français]

    Revenons à ma première question. Quelles sont vos sources de financement? Comment faites-vous pour fonctionner? Faites-vous comme les organismes non gouvernementaux?

[Traduction]

    Vous voulez connaître les sources de financement de notre organisation? Nous obtenons des fonds de sources privées. Nous avons commencé à recueillir des fonds en organisant des ventes de pâtisseries et des ventes de garage. Depuis, nous avons réussi à trouver quelques donateurs qui peuvent nous en donner un peu plus, mais les dons que nous recevons sont habituellement de l’ordre de 100 $. Nous avons également réussi à obtenir un peu d’argent de la Fondation Wild Rose, qui est elle-même financée par les loteries du gouvernement de l’Alberta. Quoi qu’il en soit, nous travaillons avec un budget très modeste. Nous le faisons à titre bénévole depuis six ans et n’avons pas gagné un sou pendant ce temps. L’argent n’est pas vraiment notre objectif.
    Madame Mathyssen.
    Merci beaucoup.
    J’ai l’impression que nous parlons toujours des conséquences d’un crime odieux. Nous essayons de parer aux effets d’une chose horrible qui affecte des êtres humains.
    Dans votre exposé, vous avez parlé de prévention et de décriminalisation, mais il y a aussi un document dans lequel vous évoquez les politiques économiques nationales et internationales, la mondialisation et ses effets sur différents pays, comme le Cameroun, le Cambodge et le Myanmar, c’est-à-dire la Birmanie qui, nous le savons tous, a la pire situation du monde en matière de droits de la personne.
    Je me demande si vous avez pu établir un lien entre la prévention et les traités et accords commerciaux que des pays comme le Canada ont conclu avec ces pays. Que devons nous faire – compte tenu de notre acceptation de la main-d’œuvre à bon marché, des marchandises à bas prix qui viennent de ces pays et sont vendues chez Wal-Mart et ailleurs – pour modifier le paradigme économique en faveur des gens, afin qu’ils ne deviennent pas des victimes et qu’ils ne soient pas économiquement défavorisés au point de finir dans des bordels?
    L’expérience nous a appris qu’à mesure que les pays ouvrent leurs frontières aux idées et au libre-échange, ils ouvrent aussi la porte aux abus. Nous n’avons cependant pas constaté de lien direct entre le libre-échange et la traite des personnes. On ne peut pas dire que le libre-échange cause la traite. Ce n’est pas du tout ce que nous avons constaté.
    Au contraire, nous avons remarqué que ce qui marche le mieux, dans nos programmes, c’est d’habiliter les jeunes femmes pour qu’elles lancent leur propre petite entreprise, si elles le souhaitent. Dans l’un de nos programmes au Cambodge, par exemple, elles reçoivent la formation voulue si elles choisissent d’ouvrir un restaurant, de devenir coiffeuses ou autre chose. Ce sont là des commerces courants très faciles à démarrer. Elles recevaient de la formation, mais ni le gouvernement ni les ONG ne leur apprenaient à s’occuper de l’aspect commercial de leur affaire pour qu’elles n’épuisent pas tout leur argent avant la fin du mois, puis meurent de faim. C’est là un domaine dans lequel il y a beaucoup à faire.
    Nous avons beaucoup entendu parler de microcrédit la semaine dernière. Le microcrédit a des avantages et des inconvénients.
    Au niveau individuel, je crois que la création d’une petite entreprise peut vraiment aider quelqu’un à éviter le piège de la traite des personnes. C’est à ce niveau qu’il faut travailler, et non à celui des accords commerciaux.
    Très bien. Vous ne vous inquiétez pas de voir cette main-d’œuvre réduite en esclavage dans les usines des sous-traitants, de voir ces femmes et ces enfants travailler comme des esclaves pour alimenter nos marchés? Sommes-nous complices lorsque nous consommons ces produits?
    Je crois que chacun s’inquiète du travail des enfants, mais nous n’avons pas établi de lien avec la traite des personnes. Autrement dit, ces enfants restent dans leur pays d’origine. C’est un problème différent.

  (1230)  

    Il vous reste deux minutes.
    Très bien.
    Encore une fois, nous parlons des endroits où vous travaillez à l’étranger. Le fait est que des mots comme « égalité » ne s’appliquent pas dans le contexte de la situation des femmes et des enfants. À des endroits tels que le Cambodge, la Birmanie et d’autres pays où vous travaillez, est-ce que l’absence de statut social contribue au problème de la traite des personnes?
    Absolument, il n’y a pas de doute à ce sujet. Nous avons publié en 2001 un rapport, que vous trouverez sur notre site Web, intitulé The Future of Southeast Asia. Un chapitre de ce rapport, que vous pouvez télécharger, cerne les facteurs de risque.
    Pourquoi cette fille, cette femme ou ce jeune garçon tombent-ils dans le piège de la traite? Qu’ont-ils de particulier? Que leur est-il arrivé? Dans ce pays, à cause de la guerre civile, le motif tenait souvent à la perte d’un parent. La perte du soutien familial joue un rôle considérable.
    Beaucoup de ces jeunes femmes avaient été violées. Les hommes responsables n’avaient jamais été poursuivis et sont toujours en liberté. Ces femmes ont perdu la face et leur réputation. Elles sont marginalisées. Alors, lorsque quelqu’un vient leur offrir un emploi, elles acceptent.
    Voilà le genre de problèmes que nous avons à régler. La discrimination sexuelle joue sûrement un très grand rôle.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Madame Davidson.
    Je voudrais encore remercier tous nos témoins. Vous nous avez certainement présenté des renseignements très intéressants.
    Nous avons beaucoup parlé de la protection des victimes, des différents pays dans lesquels vous avez travaillé et ainsi de suite. Il y a cependant une chose que vous n’avez pas souvent mentionnée aujourd’hui, mais dont d’autres témoins nous ont parlé. Quelques-uns nous ont dit que pour combattre efficacement la traite des personnes, nous devons accorder plus d’attention à la demande.
    Je voudrais poser rapidement une question à laquelle je vous demanderai tous de répondre, si vous le pouvez. À votre avis, que devrait faire le gouvernement pour réduire la demande et protéger ainsi les victimes? Il s’agit donc de travailler sur l’aspect de la demande qui met en cause les clients, les proxénètes, etc.
    Puis-je connaître votre point de vue à ce sujet? N’importe qui peut commencer.
    J’ai mentionné le modèle suédois dans lequel on décriminalise la prostitution dans le cas des victimes – qui sont toujours, en un certain sens, considérées comme des criminelles dans le droit canadien – mais non dans le cas des proxénètes et des clients. On pourrait en fait prévoir des peines encore plus sévères qu’à l’heure actuelle pour les clients.
    Je crois que l’Alberta essaie actuellement une formule de ce genre. J’ai lu récemment qu’on saisissait des voitures et qu’on imposait des peines plus sévères aux clients. Cela peut réduire la demande. S’ils sont pris, les clients savent que la sanction peut être très lourde, surtout parce que beaucoup d’entre eux sont au courant du fait qu’ils utilisent des victimes de la traite.
    Si le client s’aperçoit qu’il a affaire à une personne qui ne connaît pas l’anglais, il doit sûrement se poser des questions sur son origine parce qu’on parle beaucoup aujourd’hui de la traite des personnes. Le client sait donc ce qu’il fait, il sait qu’il se rend complice de la traite, qu’il la favorise et l’utilise.
    J’insiste sur le fait que les lois actuelles, ainsi que les peines qu’elles prévoient, doivent être mises en vigueur d’une façon complète.
    Les mesures législatives actuelles sont-elles suffisantes? Est-ce que leurs dispositions ne sont simplement pas appliquées, ou bien avons-nous besoin d’autres lois?
    Je ne connais pas très bien les lois.
    De toute évidence, les mesures législatives doivent être révisées de temps en temps, selon la situation et les événements. Je crois qu’une révision tendant à déterminer si nous répondons à tous les besoins serait importante. Il n’en reste pas moins qu’il faut mettre en vigueur les mesures qui existent. Il conviendrait peut-être de prévoir des peines plus lourdes. Nous devrions examiner la situation.
    Il faudrait aussi tenir une liste d’une forme ou d’une autre, comme dans le cas des pédophiles. Nous devons avoir un moyen d’identifier ces gens qui semblent toujours arriver à se sortir d’une situation et à en trouver une autre. Je crois qu’il est important pour la collectivité, la police et tout le monde de reconnaître ces gens quand on les voit.
    J’ai parlé de formation. Il faudrait mettre en place des programmes généraux obligatoires de sensibilisation auxquels tout le monde doit participer.

  (1235)  

    Je vous remercie.
    À vous, Barbara.
    Comme je l’ai déjà mentionné, nous appuyons le modèle suédois. Toutefois, ce modèle implique de donner une formation aux forces policières, qui doivent aussi recevoir des cours de sensibilisation à l’égalité des sexes au stade de la mise en œuvre. C’est là un aspect qui devrait faire partie de toute approche adoptée.
    Comme je l’ai également dit, il est nécessaire de poursuivre les clients et de leur imposer des peines sévères, probablement plus sévères qu’elles ne le sont actuellement. Nous avons des programmes bien intentionnés, comme celui des clients de l’industrie du sexe, connu sous le nom de john school. Il arrive cependant que les clients ne soient pas pénalisés et n’aient pas de casier judiciaire parce qu’ils ont suivi ce programme. Même s’il existe, nous voudrions que la personne ait un casier judiciaire et ne soit pas simplement obligée de suivre un cours d’une journée.
    Nous croyons en outre qu’une campagne nationale de sensibilisation serait importante pour inculquer certains principes. Il faudrait par exemple faire comprendre aux jeunes garçons que les femmes ne sont pas à vendre. Cela doit se faire assez tôt. Nous devons persuader les garçons dès leur jeune âge que la prostitution n’est pas une chose acceptable. À l’heure actuelle, ils grandissent en ayant l’impression contraire. Je crois qu’il est possible d’aborder ce sujet en parlant de la sexualité. Il faut expliquer que la prostitution et le fait de traiter une femme comme un objet sont inacceptables.
    Dans des pays comme la Suède, dans des villes comme Madrid, il y a eu des campagnes d’affiches et d’autres campagnes ciblant les hommes et expliquant que la prostitution et la traite existent à cause d’eux, à cause de la demande et que le sexe n’est pas à vendre. Ce message, disant qu’il n’est pas acceptable d’acheter une femme, a été diffusé dans tout le pays. Nous croyons que les campagnes de ce genre sont importantes.
    Je serai bref car j’ai l’impression qu’il ne reste presque plus de temps.
    Il est important de distinguer les différents types d’utilisateurs du sexe. Il y en a essentiellement deux. Il y a d’abord les utilisateurs occasionnels, qui roulent la nuit le long d’une rue et qui décident, pour une raison ou une autre, qu’ils vont se payer une prostituée. Il y a aussi, au Cambodge par exemple, les touristes et les voyageurs qui se promènent sac au dos. Nous les avons vus. Ce sont des hommes jeunes, de mon âge, qui veulent raconter à leurs amis qu’ils l’ont fait. Ce sont les utilisateurs occasionnels. Vous pouvez toucher ces gens avec un message dissuasif ou un programme comme la john school. Nous croyons que vous devriez concentrer vos efforts sur eux, car ils forment la majorité des utilisateurs.
    Il y a ensuite les utilisateurs d’habitude, et particulièrement les pédophiles, que vous devez cibler d’une façon très, très claire. Au tribunal, il faut présenter des dépositions d’experts concernant le préjudice infligé à un enfant. C’est ainsi que vous obtiendrez des peines plus sévères. Ce n’est pas nécessairement en augmentant les peines maximales. Il s’agit de donner la bonne information au juge qui rend la décision finale. C’est une chose que la police et les procureurs peuvent faire. Il est certain qu’il y a des circonstances aggravantes dans le cas d’une victime de la traite.
    Je vous lance ces idées en espérant que le comité les prendra en considération. Je vais m’en tenir à cela pour le moment.
    Je voudrais remercier tous nos membres. Je crois que nous avons eu aujourd’hui une séance très intéressante et que nous avons beaucoup appris de vos exposés. Je vous remercie encore d’être venus et de nous avoir aidés à élaborer notre rapport.
    Nous avons différentes questions à régler au comité. Je vais donc suspendre la séance.
    Madame Bennett.
    Je voudrais simplement signaler aux témoins que les jeunes femmes de McGill se trouvent sur la Colline aujourd’hui. Je crois d’ailleurs qu’un certain nombre d’entre elles sont ici. Je pense que vos exposés leur auront donné une meilleure idée du Parlement et des raisons pour lesquelles nous, parlementaires, sommes enchantés d’accueillir des gens comme vous, qui ont une connaissance encyclopédique de leur dossier et qui viennent ici pour améliorer les politiques publiques du Canada. À mon avis, elles n’auraient pas pu écouter un meilleur groupe de témoins.
    Monsieur Perrin, j’ai jeté coup d’œil rapide à votre site Web. Vous devriez y raconter de quelle façon votre groupe s’est formé parce que c’est une histoire qui peut inspirer n’importe qui. Vous avez examiné une question et, à partir de là, vous avez créé une organisation.
    Je tiens donc à vous remercier tous.

  (1240)  

    Nous allons suspendre brièvement la séance pour permettre aux témoins de partir. Je vous remercie.

    


    

    À l’ordre. Est-ce que les membres du comité veulent bien revenir autour de la table pour que nous puissions régler les quelques questions internes que nous avons ici?
    Comme vous le savez, nous aurons un programme très chargé dans les deux prochaines semaines. Nous devions accueillir les ministres Toews et Blackburn le 7 décembre, mais c’est aussi la date à laquelle nous voulons que les analystes commencent à travailler avec nous sur les rapports. Pourrions-nous donc tenir une réunion de 11 à 14 heures? Nous aurions ainsi une heure pour entendre les deux ministres et deux heures pour travailler sur notre projet de rapport. Nous pourrions faire venir des sandwiches. J’ai pensé que nous pourrions le faire d’avance. Il nous reste encore un peu d’argent au budget.
    Êtes-vous d’accord pour le 7 décembre? Nous recevrons les ministres, puis travaillerons sur le projet de rapport de 11 heures à 14 heures.
    Madame Minna.
    Envisageons-nous de faire venir des témoins?
    Pas encore. J’y viendrai dans un instant. Je parlais strictement de la séance du 7 décembre, qui serait consacrée aux rapports sur la traite des personnes et aux deux ministres qui doivent venir.
    Pour ce qui est de nos réunions concernant les coupures faites à Condition féminine Canada, nous avons fixé à 17 heures l’heure limite de présentation des noms de témoins à inviter. Par conséquent, s’il y en a qui ont encore des noms à présenter, vous avez jusqu’à 17 heures pour le faire. Jusqu’ici, les membres du comité ont proposé 58 groupes, ce qui ne tient pas compte de la demande du gouvernement. Je ne sais donc pas quel est le nombre final. Nous avons aussi 70 ou 80 groupes qui ont simplement envoyé leur nom – il y en a 125 – et qui voudraient venir témoigner.

  (1245)  

    Y a-t-il des chevauchements quelconques?
    Je voudrais vous proposer de demander aux analystes, une fois qu’ils seront tous ici à 17 heures aujourd’hui, de faire un choix représentatif parmi les groupes. Nous leur avons réservé deux soirées, et nous aimerions avoir l’assurance que nous aurons un échantillon représentatif du Canada, des intérêts en jeu, etc. Si les analystes peuvent compiler une liste à partir des noms présentés par les membres du comité et des autres et nous proposer des groupes à recevoir, si cela vous convient, je pourrais vous présenter cette liste pour les deux soirées que nous avons réservées à Condition féminine Canada.
    De quelles soirées s’agit-il, madame la présidente?
    Le 6 et le 13 décembre.
    La séance du 6 décembre aurait lieu entre 15 h 30 et 18 h 30. Pour le 13, je propose de tenir une réunion de 15 h 30 à 17 h 30. Si c’est nécessaire, je suppose que nous pourrions ajouter une autre heure à la séance du 6 décembre, si cela convient à tout le monde. Nous pourrions aussi nous en tenir à trois heures le 6 décembre et deux heures, le 13 décembre.
    Nous avons un calendrier très serré pour terminer tout le travail que nous souhaitons faire dans les quatre semaines qui restent.
    Je crois que nous devrions nous en tenir à 15 h 30 à 18 h 30 parce que je sais que nous devons assister à une soirée spéciale pour les enfants. Nous pouvons aussi maintenir la séance de 15 h 30 à 17 h 30, le 13 décembre, et essayer de recevoir autant de groupes que possible.
    Oui, il nous sera toujours possible d’en faire davantage en janvier ou février. Nous pouvons aussi proposer aux groupes que nous n’inviterons pas de présenter des mémoires.
    Madame Neville.
    Madame la présidente, avant de fixer les heures de façon finale, nous devrions peut-être regarder les listes recommandées. Il sera peut-être possible d’en recevoir davantage dans les heures prévues. Fixons donc les heures de façon provisoire en attendant de voir les listes.
    D’accord. Les analystes y travailleront et nous présenteront leur liste. Nous serons aussi flexibles que nous le pourrons.
    Recevrons-nous la liste à nos bureaux pour que nous puissions y jeter un coup d’œil et vous répondre avant la prochaine réunion? De quelle façon voulez-vous que nous vous fassions parvenir notre réponse?
    Une fois que vous aurez présenté les noms des groupes que vous proposez d’ici 17 heures, nous ferons une compilation. Les analystes examineront le tout et nous recommanderont une liste que je vous présenterai au comité jeudi...
    Non?
    Madame la greffière, voulez-vous nous en parler, s’il vous plaît?
    En fait, Julie s’occupera de compiler la liste. Pour que les analystes puissent travailler en connaissance de cause, ils m’ont dit qu’ils voulaient demander un mémoire à chacun des groupes proposés par les membres du comité. Ils pourront ainsi choisir un échantillon représentatif à présenter au comité.
    Compte tenu des délais, il faudrait laisser à ces groupes le temps de répondre et de donner des renseignements sur les sujets qu’ils comptent aborder. J’espérais pouvoir envoyer un message aux groupes proposés par les membres d’ici la fin de la journée de demain pour leur demander de nous transmettre des mémoires. Voilà pourquoi nous aurions voulu avoir la liste d’ici la fin de la journée, aujourd’hui.
    Nous devons aussi prévoir du temps pour que ces groupes puissent présenter leur mémoire, puis encore du temps pour que les analystes les examinent et compilent leur liste. Par conséquent, il n’est pas envisageable que la liste soit prête jeudi. Je peux cependant vous dire qu’elle sera compilée, transmise au bureau de la présidente et présentée au comité le plus tôt possible. Je ne peux cependant pas vous dire à quel moment exactement elle sera prête.
    C’est une question de temps. Nous vous reviendrons donc avec une liste, mais il faudra du temps pour demander aux témoins de venir et tout organiser. Nous espérons cependant raccourcir les délais dans toute la mesure du possible.
    L’autre question que nous devons aborder, c’est la motion proposée par Mme Mourani.
    Excusez-moi, madame Minna.
    Madame la présidente, j’ai une question à poser.
    Au sujet des témoins pour la traite de personnes, j’avais présenté le nom de quelques organisations dont je savais qu’elles connaissaient bien la situation au Canada au niveau de l’analyse: où, combien et mode de fonctionnement. J’avais présenté cette liste il y a un certain temps déjà. Je remarque qu’aucune de ces organisations ne doit comparaître.
    Pouvez-vous répondre à cela, madame la greffière?
    Si les membres du comité ont des questions précises à poser au sujet des témoins, je les prie de prendre directement contact avec moi, au bureau.
    C’est très bien, je le ferai.
    Je peux vous dire que nous avons invité un grand nombre de témoins qui n’ont pas pu venir à cause du calendrier que nous avons établi. Comme vous le savez, il ne nous reste que quelques séances. Par conséquent, pour éviter d’avoir à limiter les exposés à deux minutes seulement, nous avons convenu de...
    Je vous en parlerai après la réunion.
    Je vous remercie.
    Les analystes ont aussi très soigneusement contrôlé la liste. Ils voulaient s’assurer d’avoir les renseignements dont ils ont besoin pour faire le rapport. Je suppose que la plupart d’entre vous estiment avoir une information suffisante pour être en mesure de rédiger un rapport.
    Est-ce que cela vous va, madame Minna?

  (1250)  

    Oui.
    Madame Mourani, vous avez présenté au comité une motion modifiée. Voulez-vous en donner lecture, s’il vous plaît?

[Français]

    Oui, madame la présidente.
    Voulez-vous que je la lise d'abord, puis que j'explique le contexte par la suite?

[Traduction]

    Oui, s’il vous plaît.

[Français]

    La motion, telle qu'amendée, se lit comme suit:
    
Que le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes recommande au gouvernement de développer, en collaboration avec les provinces, une stratégie globale de lutte contre la traite des personnes au Canada et que rapport de l'adoption de cette motion soit fait à la Chambre.

[Traduction]

    Voulez-vous en parler tout de suite?

[Français]

    Cette motion est en fait un simple complément. Je vais vous expliquer pourquoi.
    Au mois de mai, Mme Smith a déposé une motion à la Chambre sur la traite des femmes et des enfants entre pays. Elle est inscrite au Feuilleton. Le comité n'avait pas encore commencé ses travaux, mais j'avais appuyé sa motion avec grand plaisir.
    Compte tenu que le comité a entamé le processus et que nous parlons de la traite au Canada, j'ai pensé qu'il fallait proposer une motion qui serait en quelque sorte un complément à la motion de Mme Smith, puisqu'il est question d'adopter une stratégie globale de lutte contre la traite des personnes au Canada, en tenant compte des particularités des provinces.
    Je pense que cette motion ne peut que faire l'unanimité au sein de ce comité, étant donné que c'est l'objet de nos discussions depuis le début de nos travaux.

[Traduction]

    Mme Smith, puis Mme Minna souhaitent prendre la parole au sujet de la motion.
    Je vous remercie.
    Je crois que c’est une excellente motion, et je voudrais féliciter ma collègue, madame Mourani, de l’avoir proposée. J’aimerais appuyer la motion. Les membres de notre côté l’appuient aussi à l’unanimité.
    Je vous remercie.
    Madame Minna.
    Madame la présidente, j’essaie de comprendre. De toute évidence, je n’ai rien contre le texte de la motion parce qu’il s’agit du sujet sur lequel nous travaillons. Mais c’est justement cela qui me surprend. Je ne comprends pas l’objet de la motion.
    J’ai cru comprendre que Mme Smith proposerait une autre motion le 6 décembre, je crois. J’aimerais avoir des précisions à ce sujet avant de poursuivre.
    Permettez-moi de préciser que la motion sera proposée le 6 décembre à la Chambre. Elle figure déjà au Feuilleton. Ce sera bientôt mon tour... Vous connaissez la procédure concernant les motions et les projets de loi d’initiative parlementaire. Je voulais proposer une motion...
    Je vois. C’est une initiative personnelle.
    Je comprends. Votre tour arrive à la Chambre, mais cela n’a rien à voir avec le comité.
    Non, mais Mme Mourani a très gracieusement rédigé une motion d’appui parce que c’est le sujet dont nous nous occupons ici. C’est une motion que tous les membres du comité peuvent appuyer maintenant que nous étudions la traite des personnes dans le cadre de la condition féminine.
    Mon argument, madame la présidente, est le suivant. Je présente mes excuses à Mme Mourani parce que je n’étais pas ici ce matin et que c’est la première fois que je vois cette motion. Pour être très franche, je dirais que cela revient à usurper les pouvoirs du comité. Cette motion est préemptive. Pourquoi réalisons-nous cette étude si nous allons proposer une motion disant que le comité présentera de toute façon une recommandation?
    La motion anticipe donc sur les travaux du comité. Le libellé ne me dérange pas du tout, comme je l’ai déjà dit. Le problème n’est pas là. Je ne comprends pas pourquoi nous devançons le rapport que nous devons présenter. Je suppose d’ailleurs que ce rapport contiendra de toute façon cette recommandation.
    Je trouve donc la motion un peu étrange, c’est tout. Je devais le dire. Nous essayons de devancer les choses.
    Il est très inhabituel, au cours des travaux d’un comité, d’anticiper sur ce qui constituera probablement la première recommandation du rapport.
    Je crois donc que c’est une question de choix du moment. Il pourrait valoir la peine de renforcer le rapport en présentant cette motion au moment où il serait déposé à la Chambre. Cela me semble étrange dans un comité parlementaire. Si, chaque fois que nous entreprenons une étude, quelqu’un vient à mi-chemin proposer une motion anticipant une certaine recommandation, cela enlèverait au travail du comité une partie de sa valeur.
    Je doute que quiconque soit en désaccord avec le contenu de la motion. C’est simplement le choix du moment, en plein milieu des travaux du comité, qui paraît un peu étrange.

  (1255)  

    Pour être franche, je dirais que c’est une chose positive à faire. Je crois vraiment que nous devrions l’appuyer. Pour la première fois au comité, nous sommes toutes et tous au diapason sur une grande question. Cette motion est donc très utile.
    Je propose de voter là-dessus, Madame la présidente, et de...
    Vous avez parfaitement raison. C’est probablement le sujet de la première recommandation de notre rapport. Ce serait exactement la même chose, mais Mme Mourani a déposé cette motion. Elle a encore la possibilité de prendre la parole.

[Français]

    Madame la présidente, je suis désolée que ma collègue pense que c'est inhabituel. Elle a sûrement beaucoup plus d'expérience que moi en ce qui concerne le choix du moment. Cependant, même s'il est possible que la motion devienne la première recommandation, je ne vois pas où est le problème. Si nous, du comité, recommandons quelque chose au gouvernement, en collaboration avec les provinces, je ne vois pas où est le problème. Nous allons déposer notre rapport dans quelques jours à peine, dans quelques semaines. Mme Smith a déposé sa motion à la Chambre, et je trouve que c'est excellent.

[Traduction]

    Puis-je poursuivre ou non? Est-ce que je peux parler?
    Oui, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Madame la présidente, j'aimerais faire un peu l'historique des événements.
    Au début, lorsque nous avons commencé à siéger au comité, nous avons discuté pendant des heures de la possibilité d'entreprendre une étude sur la traite des personnes, mais nous avions d'autres priorités. Nous entrepris d'autres études, entre autres sur la sécurité économique des femmes. Nous en avons parlé amplement.
    Je comprends que Mme Smith a déposé une motion au mois de mai parce que c'était une de ses préoccupations. Depuis septembre, notre comité a décidé d'entreprendre l'étude de la traite des personnes. C'est très bien. Un rapport sera déposé.
    Alors, quoi de plus normal que de renforcer notre position?
    Mme Smith a déposé une motion à la Chambre des communes concernant la traite des femmes entre les pays, et le comité a la même préoccupation pour ce qui est du Canada. Nous pourrions déposer un rapport demandant au gouvernement de tenir compte de notre préoccupation pour décider de sa stratégie globale de lutte contre la traite des personnes.
    C'est tout, il n'y a pas de problème là.

[Traduction]

    C’est une question de procédure. Techniquement, nous sommes en plein milieu d’une étude. Au terme de cette étude, notre comité s’entendra et produira un rapport dont la première recommandation sera probablement ceci.
    Encore une fois, c’est une question de procédure. Ordinairement, nous attendrions que l’ensemble du comité en convienne. Toutefois, vous avez déposé la motion. Vous en avez le droit. Nous en sommes saisis en conformité des règles.
    Est-ce que le comité souhaite tenir un vote, ou bien est-ce unanime?
    Des voix: C’est unanime.
     (La motion est adoptée. – [Voir le Procès-verbal])
    Une voix: Personne n’aurait pu voter contre.
    La présidente: C’est unanime. La motion est adoptée.
    Jeudi, nous aurons Victor Malarek et nous visionnerons la vidéo de la GRC. Il sera important d’essayer d’en finir assez tôt avec les autres témoins pour que nous ayons du temps à nous, ainsi qu’une heure pour discuter du projet de rapport.
    Je vous remercie. La séance est levée.