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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 051 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 avril 2007

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous sommes à la séance 51 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le jeudi 26 avril 2007.
    Pendant la première heure, nous recevrons une séance d'information sur le rapport annuel du gouvernement relatif à la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes de 2005. Nous avons deux témoins. Je suis désolé si vous êtes séparés par un écran de télévision. Il y aura une vidéoconférence pendant la première heure de la séance.
    Nous accueillons ce matin M. Roy Culpeper, président de l'Institut Nord-Sud et M. John Dillon, coordonnateur de programme à KAIROS, Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice. Nous sommes impatients d'entendre vos observations.
    Hier, au cours de notre séance, il y a environ trois téléphones cellulaires qui ont sonné. Je n'ai rien dit, puisque l'un d'entre eux était le mien, mais je vous rappelle aujourd'hui d'éteindre vos téléphones avant que nous ne commencions la séance.
    Bienvenue parmi nous. Généralement, nous laissons à nos invités le temps de faire leur déclaration, puis nous passons à une période de questions. Vous pouvez faire votre exposé, après quoi nous laisserons au Parti libéral cinq minutes pour vous poser des questions.
    Bienvenue messieurs. Allez-y, monsieur Culpeper.
    Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.
    Je souhaite remercier le comité d'avoir invité l'Institut Nord-Sud à lui faire part de son avis sur les questions soulevées par le rapport annuel du gouvernement sur les institutions de Bretton Woods, soit le FMI et la Banque mondiale.
    Laissez-moi d'abord vous expliquer pourquoi les organisations multilatérales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont si importantes.
    Le monde d'aujourd'hui est confronté à de nombreux problèmes, dont certains sont des urgences ou des crises en devenir. Ces urgences comprennent la pandémie de VIH/sida et d'autres problèmes de santé qui touchent les pays et les populations les plus pauvres du monde; le spectre de la dévastation causée par les changements climatiques; les conflits locaux et les menaces de guerres régionales, ou pire; des dettes considérables qui s'alourdissent aux États-Unis, en Asie et en Europe, et qui menacent la stabilité financière de l'économie internationale; des disparités croissantes et significatives entre les riches et les pauvres; conséquence d'une mondialisation inéquitable.
    Il est impossible de résoudre un seul de ces problèmes par l'aide bilatérale, la diplomatie ou l'intervention militaire. Ce sont des problèmes trop vastes et trop complexes, même pour les États-Unis, le pays le plus riche et le plus puissant du monde. Des problèmes d'ampleur internationale exigent une réponse multilatérale. En d'autres mots, les problèmes les plus pressants d'aujourd'hui exigent que les organisations multilatérales, comme les Nations Unies et les institutions qui découlent de Bretton Woods, jouent un rôle clé dans leur résolution. Ce rôle consistera à mobiliser les ressources des plus à même dans le monde d'apporter de l'aide et de les allouer à ceux qui éprouvent les besoins les plus pressants.
    Évidemment, il y a un piège. Pour être efficaces et efficientes, les organisations multilatérales doivent être constamment surveillées, évaluées et doivent rendre compte de leurs activités, de leurs politiques et de leurs résultats. Pour ce faire, les pays membres doivent constamment faire preuve de vigilance et de prudence, par le biais de leurs représentants au sein de ces organisations.
    Cependant, la reddition de comptes des organisations multilatérales commence avec nos représentants, par exemple, avec le rapport du ministère des Finances sur les organisations de Bretton Woods, mais elle ne s'arrête pas là. En effet, il est essentiel que ces rapports servent de tremplin à des discussions plus vastes, non seulement sur l'efficacité de ces institutions, mais également sur leur pertinence et leur légitimité.
    Les parlementaires et la société civile des pays membres doivent participer à ces discussions pour déterminer non seulement si ces institutions font les choses correctement, mais plus fondamentalement, si elles font les bonnes choses. Généralement, les fonctionnaires ne posent pas ces questions-là.
    Laissez-moi vous donner deux exemples. Le rapport indique qu'il y a bien moins de pays qui contractent des prêts auprès du Fonds monétaire international, ce qui mine la viabilité financière de l'organisation. La plupart des pays emprunteurs du Fonds sont les pays les plus pauvres de la planète, qui ont besoin d'une aide au développement à long terme, et non d'une aide à la balance des paiements à court terme, pour laquelle le FMI a été créé. Pourtant, le FMI ne se considère pas comme une agence de développement, ce qui a créé des tensions considérables entre cette institution et la Banque mondiale et a engendré des problèmes de coordination entre les deux institutions — problèmes dont nous n'entendons pas beaucoup parler dans le rapport.
    Le rapport fait allusion au fait que les fonctionnaires recherchent des solutions financières aux déficits du FMI, mais ceux-ci ne se posent pas les questions les plus fondamentales : le FMI devrait-il continuer d'exister? Le cas échéant, doit-on complètement redéfinir sa mission et son mandat?
    Mon second exemple porte sur l'émoi que l'on a observé récemment au sujet de la présidence de Paul Wolfowitz à la Banque mondiale. J'aimerais parler du processus de sélection du président de la Banque mondiale et de son homologue, le directeur général du FMI.
    Même si le rapport indique que le Canada préconise un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite, mais, à l'heure de vérité, la tradition perdure. Dans ce cas, les États-Unis choisissent traditionnellement un président pour la Banque mondiale et les autres pays approuvent le candidat américain. Paul Wolfowitz, nommé il y a deux ans et demi par le président George W. Bush, était un choix très controversé et ce n'était certainement pas la personne la plus appropriée pour ce poste.
    Si M. Wolfowitz démissionne, et beaucoup pensent qu'il le devrait — moi y compris — le prochain président devra être choisi à l'issue d'un processus ouvert, transparent et fondé sur le mérite. Ce changement exigera énormément de pressions de parlementaires et de la société civile des pays membres. Les fonctionnaires à Washington, à Ottawa et dans les autres capitales ont peu de chance de réussir cette entreprise sans une telle pression externe.

  (0905)  

    Enfin, j'aimerais ajouter que le Canada a la possibilité de faire une contribution différente au FMI et à la Banque mondiale de ce qu'il peut faire par les agences onusiennes et les autres organisations multilatérales. Les conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale comptent 24 directeurs exécutifs, dont la plupart représentent un groupe ou un ensemble de plusieurs pays. Le directeur exécutif du Canada représente aussi l'Irlande et la plupart des pays du Commonwealth et des Caraïbes. De la même façon, notre ministre des Finances, lorsqu'il s'adresse au comité décisionnaire du FMI et de la Banque chaque printemps et chaque automne, représente ses homologues de l'Irlande et des Caraïbes
    En d'autres mots, le Canada a une clientèle Nord-Sud composée de pays développés et de pays en développement, ce qui lui permet, s'il en fait le choix, de jouer un rôle plus inclusif dans ces institutions en exprimant et en soutenant les positions des pays en développement qu'il représente. Les autres présidents des comités de ces organisations n'ont généralement pas cette possibilité. Le Canada ne peut parler au nom d'un autre pays aux Nations Unies, où il ne représente que le Canada.
    Je vais conclure. Nous accueillons favorablement cette possibilité d'avoir une discussion sur les institutions financières internationales, mais les questions sont nombreuses et complexes. Pour leur rendre justice, le comité permanent devrait s'assurer que ces discussions se fassent plus régulièrement et qu'elles soient plus approfondies. Un sous-comité permanent des institutions financières internationales pourrait être recréé, ou encore un comité qui surveillerait toutes les institutions multilatérales de coopération économique et sociale. Les institutions multilatérales, à mon avis, sont trop importantes pour que nos fonctionnaires en soient les seuls responsables, aussi compétents et consciencieux soient-ils. Si l'on veut que ces organisations fassent les bonnes choses et les fassent bien, les parlementaires et la société civile doivent jouer un rôle plus important dans l'élaboration de leurs politiques, leurs activités et leurs incidences.
    Merci.

  (0910)  

    Merci, monsieur Culpeper.
    Passons à M. Dillon.
    Pour commencer, je voudrais féliciter le ministère des Finances de son rapport très informatif sur les opérations visées par la Loi sur les accords de Bretton Woods et je voudrais aussi remercier les membres du personnel de l'Initiative d'Halifax pour la fiche d'analyse dans laquelle on félicite le ministère des Finances d'avoir considérablement amélioré son rapport.
    Dans le temps dont je dispose, je propose de faire des observations au sujet de trois des objectifs du Canada abordés dans le rapport.
    Le premier point porte sur la contradiction entre l'objectif canadien d'améliorer l'efficacité de l'aide et les conseils en matière de programme d'action qui sont habituellement donnés par le FMI. En juin dernier, je lisais un article rédigé par un collègue africain concernant les politiques du FMI. Dans une phrase omise dans le rapport on dit :
Dans le cas de la Zambie, le FMI n'a pas permis au gouvernement d'employer davantage de travailleurs de la santé malgré le fait que le gouvernement canadien était disposé à payer leur salaire pour les cinq prochaines années.
    J'étais stupéfait. Est-ce que cela pouvait être vrai? Est-ce que le FMI empêchait vraiment le Canada de payer les travailleurs de la santé dans un pays où 17 p. 100 de la population adulte est atteinte du VIH?
    J'ai décidé de me renseigner à ce sujet et j'ai communiqué avec un certain nombre de collègues en Zambie. Ce que j'ai découvert était déconcertant. Non seulement l'ACDI avait de la difficulté à dispenser de l'aide, mais c'était le cas également du ministère du Développement international du Royaume-Uni, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, et de l'Organisation mondiale de la santé. Cela faisait partie d'un problème plus vaste.
    Je me suis demandé si la Zambie était peut-être un cas exceptionnel. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Le FMI a commandé une étude à son propre bureau d'évaluation indépendante pour examiner les allégations selon lesquelles les programmes du FMI bloquaient la disponibilité de l'aide en Afrique. Dans ce rapport, on a examiné les activités du FMI dans 29 pays africains de 1999 à 2005. Les résultats de cette étude sont tout à fait choquants. L'étude révèle que le FMI n'a permis que 28 p. 100 des augmentations prévues pour l'aide soient dépensées, tandis que le reste, soit 72 p. 100 sont retenus à titre d'épargne publique. En d'autres termes, seulement 3 $ environ pour chaque tranche de 10 $ en augmentation d'aide annuelle ont pu être dépensés. Le reste, 7 $, a été mis de côté en tant que réserve internationale ou épargne nationale.
    La principale raison pour laquelle le FMI ne permet pas davantage de dépenses publiques, même en provenance de donateurs internationaux, est son acharnement à combattre l'inflation. Les pays qui avaient un taux d'inflation en dessous de 5 p. 100 étaient autorisés à dépenser 8 $ pour chaque tranche de 10 $ d'aide. Les pays dont le taux d'inflation était au-dessus de 5 p. 100 étaient limités à des dépenses de seulement 1,50 $ pour chaque tranche de 10 $ d'aide promise. La plupart des économistes nous disent qu'une inflation modérée, c'est-à-dire un taux d'inflation de 10 à 20 p. 100 ne nuit pas au développement économique. Quoi qu'il en soit, les programmes du FMI qui limitent trop les dépenses publiques en disant que c'est pour combattre l'inflation nuisent au développement. Je pense qu'un point faible du rapport du Canada sur les institutions de Bretton Woods c'est qu'il n'aborde pas la question, et nous ne savons pas quelle position il prend à l'interne dans les débats au sein des institutions de Bretton Woods.
    La deuxième question sur laquelle j'aimerais faire des observations est la priorité que le Canada dit accorder à la promotion du développement durable. Cette priorité est contredite par l'appui de la Banque mondiale à l'extraction des combustibles fossiles dans les pays en voie de développement, ce qui mène à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à cause des changements climatiques. Le Canada, avec d'autres pays du G8, a demandé à la Banque mondiale de mettre en place un cadre d'investissement pour le développement de l'énergie propre. La bonne nouvelle, c'est que la Banque mondiale fait des progrès. Cependant, elle commence à partir d'une position très difficile. Entre 1992 et 2004, la Banque mondiale a accordé quelque 28 milliards de dollars en financement à des projets liés au combustible fossile. C'était 17 fois plus que le financement pour des projets d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique.

  (0915)  

    La bonne nouvelle, c'est que cela a commencé à changer. Au cours de l'exercice 2005, la Banque mondiale a en fait accordé davantage d'argent pour l'efficacité énergétique et l'énergie renouvelable que pour les combustibles fossiles. Cependant, au cours de l'exercice 2006, nous avons vu encore une fois un recul, les dépenses pour les combustibles fossiles ont augmenté de 93 p. 100 tandis que les dépenses pour l'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique n'ont augmenté que de 46 p. 100. Nous avons donc encore beaucoup de progrès à faire.
    J'espère que le Canada pourra souscrire aux conseils que l'on retrouve dans l'examen qu'a fait la Banque mondiale sur l'industrie d'extraction, dans lequel on demandait l'élimination progressive des dépenses pour l'extraction des combustibles fossiles et que la Banque mondiale consacre plutôt ses ressources à l'énergie renouvelable, à la conservation et aux technologies d'énergie propre.
    La troisième et dernière question que j'aimerais commenter est la priorité du Canada qui consiste à réformer le FMI en vue de renforcer le réseau financier international. Roy a déjà abordé cette question.
    Ce que j'aimerais faire, c'est placer cette question dans un contexte plus général. Étant donné précisément que le FMI limite la capacité des nations souveraines à prendre leurs propres décisions, il y a actuellement une tendance en Asie, en Afrique et en Amérique latine vers le développement de nouvelles institutions qui ne seraient pas visées par les accords de Bretton Woods. Par exemple, en Asie, on parle d'un fonds monétaire asiatique qui serait contrôlé par les pays asiatiques. En Afrique, il est question d'une monnaie africaine et d'une banque centrale africaine. En Amérique latine, cinq pays ont déjà pris des mesures pour mettre en place une banque du Sud qui prendra leurs propres réserves de monnaies et s'en servira pour ses propres priorités en matière de développement.
    Le gouverneur de la Banque du Canada, M. Dodge, a dit qu'il y a tellement de soupçons à l'égard du FMI que ce dernier n'est plus le meilleur organisme pour encourager un environnement monétaire stable. C'est pour cette raison que les pays en voie de développement prennent de telles initiatives.
    Loin d'être alarmé par tout cela, le Canada devrait se réjouir de ces initiatives des pays du Sud et encourager les pays souverains à prendre la direction de leurs propres finances et à mettre en place des institutions qui répondent à leurs propres besoins.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Dillon et monsieur Culpeper.
    Notre comité a certainement eu l'occasion par le passé de rencontrer les représentants du FMI et de la Banque mondiale lorsque nous étions à Washington. Nous avons même rencontré le dirigeant de la Banque mondiale. Merci de venir nous parler un peu du travail que font certaines des institutions de Bretton Woods.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Eyking pour le premier tour de table.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos invités d'être ici aujourd'hui. J'ai deux questions. Ma première s'adresse sans doute à vous, monsieur Culpeper.
    Vous avez mentionné la nécessité d'un nouveau dirigeant à la Banque mondiale et vous avez dit que nous devions en quelque sorte participer et mettre en place un nouveau processus. Avez-vous un modèle pour ce processus et pour la façon dont nous pourrions participer? Ce serait ma première question.
    En fait, cette question a fait l'objet d'un débat interne il y a environ cinq ou six ans lorsqu'il y avait un problème de succession au Fonds monétaire international. Les directeurs exécutifs de la Banque mondiale et du Fonds monétaire ont en quelque sorte présenté un modèle de mécanisme de succession. Je ne peux vous donner les détails, mais il vise essentiellement à reférer les meilleurs candidats pour le poste et à mettre en place un processus de sélection pour choisir le meilleur. En fait il n'est pas nécessaire d'inventer le mécanisme: on y a déjà longuement réfléchi.
    Le problème, c'est ce qui est arrivé à ce dialogue interne. Il a essentiellement été supprimé par les Américains et les Européens, car ils ne voulaient pas bousculer le pot de fleurs. Les Européens avaient ce droit traditionnel de nommer le directeur principal du FMI et en retour les Américains pouvaient continuer de choisir le président de la Banque mondiale, de sorte que les choses sont restées telles quelles.
    Ce que je tente de dire, pour répondre à votre question, c'est qu'il existe déjà un modèle, et que ce modèle a fait l'objet d'un débat au sein des dirigeants de la Banque, des directeurs exécutifs.

  (0920)  

    Si le Canada est tenu à l'écart du processus en quelque sorte, car les Européens et les Américains semblent le dominer, ne pourrions-nous pas établir un partenariat avec Singapour, le Japon ou d'autres pays pour en arriver à un équilibre dans le processus décisionnel?
    Nous avons participé au débat dont j'ai parlé étant donné le fait que nous avons un directeur exécutif au sein des deux institutions.
    Et vous avez raison. Je pense qu'il y a un certain nombre d'autres intervenants autour de la table — notamment les Japonais — qui n'ont jamais accepté le fait de ne pas être considérés dans le processus de sélection, ou que l'un de leurs ressortissants n'ait pas été pressenti. Mais cela s'applique également à tous les autres pays membres, pratiquement.
    Je crois qu'il est particulièrement remarquable et peut-être même inacceptable qu'un candidat d'un pays en voie de développement ne semble jamais être pressenti pour la présidence de la Banque mondiale — c'est l'agence de développement la plus importante au monde — et on doit se demander pourquoi. Il y a donc un certain nombre de pays en voie de développement qui seraient d'accord également pour aller dans cette direction.
    Merci.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Dillon.
    Je ne sais pas, monsieur Dillon, si vous avez pris connaissance du rapport du Sénat qui porte sur l'ACDI et sur le fait que nous n'avons pas de résultats en Afrique subsaharienne. C'est tout un rapport, et il contient certaines idées assez audacieuses sur la façon dont nous devrions changer la façon dont le Canada octroie de l'aide.
    Bon nombre d'autres pays dans le monde ont déjà réévalué leurs organismes d'aide et les ont changé un peu, et ce rapport contient pas mal de choses.
    Ma première question est la suivante: est-ce que l'ACDI a besoin d'être un peu restructurée, et que pensez-vous de ce rapport?
    Ma deuxième question concerne les multilatérales, et vous les avez mentionnées. Si nous n'obtenons pas ce dont nous avons besoin ou ce que nous voulons, ou si nous ne faisons pas entendre notre voix dans ces multilatérales, est-ce que le Parlement devrait les évaluer davantage et nous présenter un rapport afin que nous puissions avoir une certaine influence sur le processus décisionnel quant à la façon dont nous allons traiter avec ces multilatérales?
    Merci.
    Le rapport du Sénat a été beaucoup discuté dans les milieux du développement international. Nous estimons en grande partie que oui, il y a des problèmes à l'ACDI, mais nous n'irions pas jusqu'à souscrire à la recommandation du rapport du Sénat de confier les responsabilités de l'ACDI au ministère des Affaires étrangères.
    Nous croyons que l'ACDI doit prendre une position plus proactive dans bon nombre de ces dossiers. Elle doit améliorer sa visibilité.
    Et certainement, pour ce qui est de votre deuxième question, une évaluation parlementaire des institutions multilatérales serait tout à fait la bienvenue. Je pense que vous pourriez inviter davantage de témoins qui ont des connaissances sur un plus grand nombre de domaines qui intéressent ces organisations complexes, et la communauté des ONG s'en réjouirait certainement.
    Me reste-t-il encore du temps?
    Oui, il vous reste une minute et demie.
    Nous avons entendu des témoins ici précédemment, et parfois ils ont dit que lorsque nous donnons notre argent à ces multilatérales, il n'y a aucune reddition de comptes. L'argent va tout simplement dans un trou noir. Parfois on fait un bon travail, mais nous ne pouvons pas le savoir car la vérificatrice générale ne peut pas s'en assurer. On ne peut donc pas en être certain, et on suppose que les choses sont faites comme il faut.
    Il y a également les Canadiens, les citoyens de notre pays qui ne savent pas où va leur argent et si cet argent fait une différence dans le monde. Il s'agit donc de savoir où va notre argent, que le Canadien moyen sache ce que nous faisons.
    Comment pouvons-nous mieux informer les Canadiens?
    Ce qui est très important, entre autres, c'est de demander une plus grande transparence des institutions multilatérales. Par exemple, les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration à la Banque mondiale ne sont pas publiés. Nous ne savons pas comment le Canada vote sur des questions clés.
    S'il y avait davantage de transparence dans le processus décisionnel de ces institutions, les parlementaires et le grand public pourraient s'engager dans un débat plus éclairé.

  (0925)  

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Eyking.
    Nous allons donner la parole Mme Lalonde.

[Français]

    Je pense qu'il faut se remercier d'avoir cette séance de comité aujourd'hui et remercier les gens du groupe de Halifax qui a exercé des pressions, ainsi que M. Culpeper.
    En fait, je suis très contente que cela se produise parce que souvent, pour de multiples raisons, on s'interroge sur le rôle réel joué dans le monde par le Fonds monétaire international. Compte tenu des ambitions qu'il avait lors de sa création et de ce qu'il est devenu, y compris sur les stricts plans économique et financier, on pourrait se poser des questions, même sur son existence ou sur son rôle véritable. J'aimerais vous entendre à ce sujet, parce que vous l'avez esquissé dans vos propos.
    Je pense qu'il est intéressant de penser à un sous-comité permanent sur les institutions multilatérales, parce qu'elles sont énormes et qu'il est extrêmement difficile de savoir vraiment ce qu'elles font — c'est peut-être étrange de dire cela — de même que de se fier seulement à leurs rapports pour connaître leur rôle. J'ai mieux connu la Banque mondiale par l'intermédiaire d'une amie qui y travaillait. J'ai plus appris ainsi que par les documents que j'ai lus sur l'efficacité ou la non-efficacité de la Banque mondiale.
    J'aimerais vous entendre sur les meilleures façons. Outre ce comité, il y a ce que vous recommandez. Est-il possible d'arriver à faire des changements s'il n'y a pas une action parlementaire internationale?
    J'ai vécu des situations au Conseil de l'Europe, notamment les rapports de l'OCDE, les visites des parlementaires qui ont des sessions de travail avec l'OCDE à l'OCDE et les changements que cela a apporté. L'OCDE s'est beaucoup transformée, alors qu'elle est loin d'avoir — Ce n'est pas de même nature, mais on peut quand même la comparer.
    Y aurait-il un autre type de relation avec les parlementaires qui pourrait permettre d'améliorer le fonctionnement, sinon, même à un autre niveau, les buts de ces associations multilatérales?

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Lalonde.
    Monsieur Culpeper.

[Français]

    Merci, madame Lalonde.
    Tout d'abord, je voudrais répéter ce que j'ai dit. Il faut avoir des institutions multilatérales, mais il faut avoir des mécanismes pour coordonner leurs actions, leurs politiques, pour avoir une façon de réglementer ces institutions. Vous avez proposé d'avoir des discussions entre les parlementaires des différents membres des institutions. Cela est très intéressant.
    J'ai souvent remarqué que les parlementaires africains n'avaient pas l'occasion de débattre des PPTE ou du CSLP qui sont approuvés par leurs gouvernements. Il y a un dialogue entre les ministres des Finances d'Afrique, le FMI et la Banque mondiale à Washington, mais il n'y a pas de débat parlementaire. Ici, à Ottawa, le Centre parlementaire a un réseau de parlementaires africains qui demandent l'occasion de le faire.
    Je voudrais recommander que des dialogues entre les Canadiens, les Européens et même les Américains aient lieu. Il devrait y avoir de telles discussions avec vos collègues en Afrique ainsi que dans les pays en voie de développement. C'est très important.

  (0930)  

[Traduction]

    Monsieur Culpeper ou monsieur Dillon, voulez-vous répondre à la question?
    Oui, j'aimerais répondre à la question.
    Merci, madame Lalonde.
    J'ai devant moi une pétition de plus de 1 000 signatures de parlementaires de partout dans le monde qui exigent une plus grande reddition de comptes de la part de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Ce sont surtout les parlementaires du Sud qui veulent participer aux décisions nationales sur l'établissement de leurs priorités.
    Prenons l'exemple de la Zambie que j'ai donné. Toute l'interaction a eu lieu entre le ministère des finances de la Zambie et les représentants du Fonds monétaire international. Les élus en ont été tenus à l'écart.
    Permettez-moi de lire une citation clé tirée de cette pétition :

[Français]

Nous appelons en conséquence les institutions de Bretton Woods et leurs principaux actionnaires à s’assurer que les représentants démocratiquement élus des pays bénéficiaires des prêts ou de l'aide soient en dernier ressort les véritables arbitres des politiques économiques de leur pays.
    Me reste-t-il encore un peu de temps?

[Traduction]

    Je vais vous donner un peu plus de temps.

[Français]

    Merci.
    C'est intéressant. Formulé de cette façon, cela a peu de chances de se concrétiser, à moins d'une transformation fondamentale. Cependant, que les parlementaires se rencontrent, s'entendent et poussent chacun dans leur pays pour un certain nombre de positions dans cette direction, c'est certain qu'on peut ajouter son nom au bas de cela.
    Si on veut qu'il y ait des changements, même pour obtenir ce dont je parle, ça ne sera ni facile ni court. Mais je pense que c'est absolument essentiel parce qu'autrement, on se retrouve dans une situation où ces deux grandes institutions peuvent, de toute façon, se contredire et contredire les politiques menées par leurs pays et pour lesquelles nous, ainsi que les parlementaires qui s'occupent de l'ACDI, adoptons des résolutions.
     Alors, tout cela peut faire que l'argent, au lieu de servir à la lutte contre la pauvreté et au développement, peut se disperser et même s'annuler dans ses effets.
    Merci beaucoup de nous avoir rappelé cela.

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde, pour ces dernières observations.
    Monsieur Goldring.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Casey.
    Merci d'être ici aujourd'hui, messieurs.
    Je regarde le rapport, les conclusions préliminaires du FMI, et on parle en détail du fardeau fiscal et de la fiscalité, même au point de discuter de la TPS et s'il est approprié de réduire davantage cette taxe. Si on fait un tel rapport sur divers pays—et j'imagine que l'on fait ce genre de rapport pour tous les pays—il faudrait peut-être alors inclure comme ingrédient essentiel un commentaire sur certains des pays qui sont considérés comme étant des refuges fiscaux, et cela pourrait avoir une incidence sur le Canada tout simplement étant donné le fait que l'on sait très bien qu'une importante société de transport maritime a son siège social à la Barbade uniquement pour des raisons de fiscalité. Un bateau peut battre pavillon de n'importe quel pays en réalité.
    Ne conviendrait-il pas d'avoir un commentaire sur la façon dont cela affecte les pays qui s'engagent trop dans ce genre d'entreprise parce que cela a un impact sur ce que nous pouvons faire avec notre fiscalité?
    Deuxièmement, bon nombre des pays qui sont des refuges fiscaux—ou des pays libres d'impôt, comme ils prétendent l'être—exigent redevance après redevance. Un pays comme les îles Turks et Caicos, par exemple, qui dit être libre d'impôt, ne l'est pas en réalité. Il faut payer une redevance annuelle pour une propriété, ce qui constitue en réalité un impôt.
    Donc avec la combinaison des deux, je pense qu'il est important de savoir quelle est l'incidence réelle de ces refuges fiscaux lorsqu'on installe une entreprise à l'étranger pour éviter de payer de l'impôt.

  (0935)  

    Monsieur Dillon.
    Je suis d'accord avec vous; un commentaire sur la question des refuges fiscaux serait certainement un ajout opportun au rapport. Étant donné la nature même du problème, nous n'avons pas toujours suffisamment de données pour évaluer où va l'argent et qui se cache de qui. Depuis le 11 septembre, il y a eu davantage de transparence dans le système mondial, mais je pense que nous avons toujours des progrès à accomplir.
    En ce qui concerne la fiscalité au sein des pays en voie de développement, l'un des problèmes c'est que le genre de conseils stratégiques que donne le FMI consiste à favoriser les taxes à valeur ajoutée, comme notre propre TPS. À mon avis, ce sont là des taxes plus régressives alors que nous avons besoin de régimes fiscaux progressistes, où les riches paient leur juste part.
    C'est là une autre question pour laquelle j'ai assez de critiques à formuler à l'égard des conseils du FMI.
    Merci.
    Monsieur Culpeper.
    J'ajouterai, monsieur le président, que c'est un enjeu légitime et très important qui mérite beaucoup plus d'attention. Depuis le 11 septembre, le fisc a consacré beaucoup d'efforts à la surveillance du financement des pays terroristes. En d'autres termes, les autorités fiscales ont déjà une infrastructure pour retracer cet argent. La question est de savoir pourquoi on ne pourrait ajouter à ces activités de surveillance la fuite des recettes fiscales vers les paradis fiscaux.
    De plus en plus, au sein des organisations de la société civile, on estime que la fuite de ces recettes fiscales notamment vers les paradis fiscaux réduit l'assiette des revenus de bien des gouvernements et leur capacité d'agir, de bien gouverner. Un gouvernement ne peut bien gouverner sans une base de revenu fiable.
    Vous avez donc tout à fait raison. Il faut donc encourager non seulement les organisations internationales telles que le FMI et l'OCDE, mais aussi les ministères des finances des pays membres, y compris le nôtre, à prendre cette question beaucoup plus au sérieux.
    Merci, monsieur Culpeper.
    Je cède la parole à M. Casey.
    Monsieur Dillon, j'allais vous poser une question sur le FMI quand je me suis rappelé qu'un pilleur de banque bien connu portait votre nom, n'est-ce pas?
    Il devait appartenir à une autre branche de ma famille.
    Des voix: Oh, oh!
    Une voix: Il s'appelait Dillinger.
    C'est bien ça: Dillinger. Je me disais, aussi. C'est celui qui avait répondu, quand on lui avait demandé pourquoi il cambriolait des banques, « Parce que c'est là que se trouve l'argent », une excellente réponse, à mon avis.
    Dans un autre ordre d'idées, vous dites dans votre mémoire que de nombreux pays ont dit ne plus vouloir emprunter de nouveau de l'argent du FMI. Vers qui se tournent-ils alors? À qui demandent-ils de leur consentir un prêt?
    Je crois savoir que certains pays sont prêts à accorder des prêts à un minimum de conditions pour avoir accès aux ressources d'un pays et exercer leur influence. Vers qui se tournent les pays qui ne veulent plus emprunter au FMI?
    La plupart contractent des emprunts auprès du secteur privé de pays à revenu intermédiaire.
    Revenons à mon exemple de tout à l'heure, celui de pays latino-américains qui mettent sur pied leur propre banque du Sud avec un capital initial d'environ 7 milliards de dollars américains. Ce genre de mesure est à encourager, car ainsi, ces pays pourront établir leurs propres priorités.
    Peu de gens savent que les pays en développement, surtout en Asie, détiennent une énorme réserve de devises qui, au total, dépasse la dette extérieure. Ces réserves en devises prennent généralement la forme d'investissements sûrs, comme des obligations du Trésor américain.
    Toutefois, de plus en plus, ces pays choisissent de se prêter leurs réserves de devises entre eux. Nous estimons que c'est un bon modèle de financement qui doit toutefois être adopté avec prudence. Il faut se demander, notamment, quelle influence politique est rattachée à ces prêts. Nous encourageons les modèles dans le cadre desquels les pays mettent en commun leurs réserves et s'assurent qu'elles sont utilisées à bon escient par le biais d'un contrôle par les pairs.

  (0940)  

    Mon adjoint m'indique que Matt Dillon était le shérif dans l'émission La police des plaines.
    Je crois savoir que la Chine prête de l'argent pratiquement sans condition afin d'avoir accès à des ressources et d'exercer son influence politique, surtout en Afrique. Est-ce vrai?
    C'est exact, et tout un débat fait rage à ce sujet.
    Approuvez-vous cette façon de faire?
    Je crois qu'il faut tenir compte de ce que disent certains Africains. Certains font preuve d'une grande prudence car ils ne sont pas naïfs au point de croire que le régime actuel en Chine accorde des prêts par charité. Vous y avez fait allusion dans votre question: elle le fait parce qu'elle veut avoir l'accès à des ressources.
    Nous avons entendu des choses assez déconcertantes. Ainsi, nous avons entendu dire qu'un projet pas très écologique était financé en Mozambique. Il faudrait examiner attentivement chacun de ces cas. Néanmoins, en principe, qui sommes-nous pour dire à la Chine, au gouvernement chinois, qu'il ne devrait pas investir à l'étranger alors que nous le faisons?
    Il nous reste peu de temps, mais vous devriez pourvoir répondre, monsieur Culpeper.
    J'aimerais ajouter deux choses à ce qu'a dit John.
    Premièrement, John a fait allusion à un déséquilibre au niveau international, et c'est que les banques asiatiques ont des réserves de devises de 2 billions de dollars. Ces réserves proviennent du déficit énorme et croissant de la balance des paiements des États-Unis.
    Le FMI pourrait jouer un rôle à cet égard, et on en a discuté dans le cadre des pourparlers sur la surveillance multilatérale. Autrement dit, le FMI devrait trouver une façon de mettre à contribution ses principaux partenaires pour que ces déséquilibres — les Américains d'une part et les Asiatiques et les Européens d'autre part — ne nous précipitent pas vers une crise financière colossale.
    Le problème, c'est que le FMI n'est pas en mesure d'exercer les pressions nécessaires. On pourrait même dire que le FMI est maintenant trop important pour s'occuper des petits problèmes dont il se charge mais pas assez grand pour s'attaquer aux problèmes importants tels que l'instabilité et les crises financières internationales. Il y a à ce sujet dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, un excellent article d'Eric Helleiner qui vient d'écrire un livre sur la question qui a mérité un prix.
    En ce qui concerne la Chine, je précise que la Chine ne donne pas son argent, elle le prête plus souvent qu'autrement. On a annulé la dette des pays les plus pauvres, on voit enfin la lumière au bout du tunnel et, tout à coup, ces pays pauvres se mettent à emprunter de l'argent de nouveau. Qui leur prête de l'argent? La Chine et l'Inde, entre autres pays. Outre les préoccupations dont John a fait mention, nous constatons que les pays pauvres s'endettent de nouveau et se retrouvent dans la situation que nous croyions avoir résolue. J'ajoute toutefois qu'il est important pour les pays en développement à la recherche de financement que des prêteurs se fassent concurrence. C'est un facteur qu'on aurait tort de négliger.
    Merci, monsieur Culpeper.
    Madame McDonough.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de partager aujourd'hui avec nous votre expérience de ce sujet immensément complexe. Bien sûr, nous n'aurons pas le temps d'aller au fond du problème.
    Je suis sûre que les membres du comité se réjouissent de vos commentaires favorables sur les dispositions législatives améliorées en matière d'aide. Elles avaient été préconisées en grande partie par de nombreux porte-parole de la société civile qui sont venus témoigner devant le comité et les membres du comité les ont pilotées de sorte qu'elles en sont à l'étape presque finale d'adoption.
    Vos propos viennent s'ajouter à l'excellent rapport de l'Initiative d'Halifax. En réalité, vous nous lancez le défi de réfléchir au genre de mécanismes et de processus de reddition de comptes qui pourraient régler effectivement certains de ces problèmes. Je suis sûre que le rapport de l'initiative est bien accueilli par le gouvernement, et sans doute par le gouvernement précédent. Soit. On y fait l'éloge de certaines améliorations. Toutefois, il est par trop inquiétant que les pays qui ont le plus besoin des Institutions de Bretton Woods s'en distancent — et l'effet pervers qui en résulte est réellement stupéfiant. Ces pays devancent leurs remboursements, ce qui les met sans doute dans une situation financière très serrée, afin de ne pas être écrasés par les politiques punitives que l'on impose.
    Pouvez-nous parler un peu de cette question de mécanismes de reddition de comptes... et à cet égard, je vous demande de nous parler plus particulièrement du Canada et de nos responsabilités en tant que parlementaires. Manifestement, les réformes nécessaires dans les Institutions de Bretton Woods constituent un enjeu de taille. Toutefois, même s'il est vrai que par l'intermédiaire du vérificateur général il existe une obligation très stricte de rendre compte au public de nos transactions nationales, il semble que les Institutions de Bretton Woods, qui représentent des sommes énormes et qui également ont une incidence colossale sur la vie des populations les plus vulnérables, ne soient vérifiées que par des institutions et des processus très timides.
    Pouvez-nous parler donc de ces deux sujets. Dans un monde idéal, à quoi ressembleraient ces éventuels mécanismes? Comment concevez-vous l'interaction entre les membres du comité et la société civile pour mener à bien le processus qui nous permettrait d'accomplir cette tâche?

  (0945)  

    Merci, madame McDonough.
    Monsieur Culpeper.
    Je sais bien qu'à ces questions faciles, il existe des réponses faciles.
    Permettez-moi de commencer à répondre. Comme l'excellent rapport de l'Initiative d'Halifax le signale, le vérificateur général s'est penché sur la participation du Canada aux IFI il y a environ 15 ans. On peut donc dire tout de suite qu'il est temps que le vérificateur général, qui a les ressources nécessaires à sa disposition, s'y penche de nouveau et qu'il le fasse désormais sur une base plus régulière. Voilà donc un mécanisme que l'on devrait envisager sérieusement d'utiliser.
    Outre cela, comme je l'ai dit dans mon exposé, rien ne remplace la continuité. On ne résoudra rien d'un seul coup. Il faut un dialogue et un engagement nourris. Pourquoi ne pas ressusciter le sous-comité sur les IFI qui existait dans les années 90? Son mandat pourrait être élargi afin qu'il se penche sur les organisations multilatérales qui s'occupent de coopération économique et sociale, car la coopération entre les IFI et les Nations Unies n'est pas aussi harmonieuse que souhaitée. M. Flaherty lui-même a exhorté à une meilleure coordination entre les Nations Unies et la Banque mondiale et le FMI.
    Comment s'y prendre? C'est plus difficile qu'on ne le croit, mais il faut s'y atteler et maintenir un débat fructueux. Un sous-comité qui se penche sur ces questions, qui entend des témoins, des universitaires, des membres du secteur privé et de la société civile, serait des plus utiles.
    En terminant, j'ajouterai que l'on entend dire que bien des gens pensent que la Banque mondiale, le FMI ou encore les multilatérales, ne seraient que des paniers percés. Eh bien, il faut rétablir les faits car les organisations multilatérales disposent d'assez bons mécanismes de surveillance. Le Bureau indépendant de l'évaluation du FMI et le Groupe d'évaluation indépendante de la Banque mondiale produisent d'excellents rapports. Ces rapports doivent être plus largement diffusés, et lus, et s'il existait un sous-comité sur les IFI ou les multilatérales, adjoint à ce comité-ci, le personnel du comité et les témoins pourraient se servir de ces documents dans leurs délibérations car...
    Je tiens à ajouter qu'il existe beaucoup plus de documents produits par les institutions qu'on ne le reconnaît actuellement et il serait tout à fait susceptible de nourrir le débat sur la surveillance.

  (0950)  

    Allez-y, madame McDonough. Vous avez encore du temps.
    M. Dillon veut peut-être répondre également.
    Oui, je voudrais ajouter quelque chose. Je souscris à tout ce qu'a dit Roy. Le vérificateur général pourrait jouer un autre rôle, à savoir qu'il pourrait vérifier les créances bilatérales des pays du Sud envers le Canada.
    Nos collègues du pays du Sud ne cessent de dire qu'un grand nombre de leur reconnaissance de dettes sont sans valeur car les prêts ont été consentis à des régimes dictatoriaux qui ne les ont pas utilisés aux fins annoncées.
    La Norvège a établi un précédent important quand elle a procédé à une vérification de ses prêts à l'étranger et qu'elle a décidé d'annuler les prêts qui effectivement n'étaient pas légitimes. Si la vérificatrice générale faisait un relevé de la dette bilatérale canadienne et que votre comité passait cela en revue ensuite, ce serait une mesure très positive.
    Vous ne parlez pas de radier la dette; vous voulez dire annuler les prêts, n'est-ce pas?
    Je parle d'une vérification. Il s'agirait de faire les vérifications de la dette à l'égard du Canada et de déterminer comment les sommes ont été utilisées. Ainsi, celles qui n'auraient pas été utilisées à bon escient seraient réputées comme provenant de prêts illégitimes — L'emprunter comme le prêteur ont une coresponsabilité.
    Vous ne voulez pas dire que dans les cas où nous n'obtenons pas de remboursement et où nous constatons avec frustration que les sommes n'ont pas été utilisées à bon escient — Il nous faut récupérer l'argent, n'est-ce pas?
    À mon avis, une vérification permettra de déterminer ce qui est légitime, effectivement, ce qu'on nous doit, mais si le remboursement n'est pas fait, il faut se demander pourquoi? Il faut que toutes les raisons soient exposées. Est-ce parce que l'argent a été volé et versé dans un compte dans un de ces paradis fiscaux? Ou est-ce encore parce que le pays emprunteur subit des contraintes financières? Comment l'argent a-t-il été utilisé?
    Je veux bien comprendre. Voulez-vous dire que la dette serait radiée?
    Je veux dire que dans certains cas —
    Vous avez parlé d'annuler les prêts cependant. Annuler les prêts mais non pas radier la dette, n'est-ce pas?
    Eh bien, monsieur le président, je voulais dire la dette.
    D'accord. À mon avis, il y a une grande différence.
    Merci, madame McDonough. Si vous voulez faire une dernière remarque, allez-y. Nous vous le permettrons même si vous avez utilisé huit minutes.
    La réponse ne sera peut-être pas brève non plus. Si vous avez des renseignements supplémentaires à ajouter — ayant été limités faute de temps — nous vous serions reconnaissants de les fournir.
    Vous avez donné un exemple parfaitement clair de l'effet pervers dans le cas de la Zambie. En quelques mots, dites-nous si les pays qui sont dans ce cas sont nombreux ou s'il s'agit simplement de quelques pays? Combien de pays, à ce que nous sachions, éprouvent de réelles difficultés à cause des politiques actuelles?
    Il y en a un assez grand nombre. L'évaluation indépendante s'est intéressée à 29 pays, et dans presque tous les cas, on a constaté que l'aide ne parvenait pas à destination.
    Merci.
    Monsieur Goldring, très brièvement.
    Je vais partager mon temps de parole.
    Quand nous avons parlé du fisc tout à l'heure, vous avez utilisé le terme « fuite ». Ainsi, on songe à quelques autres mesures qui pourraient faire l'objet de surveillance également, non seulement les avantages fiscaux ou le bénéfice pour le pays. Notamment, le revenu du jeu et d'autres formes de dégrèvements accordés aux organisations à but non lucratif ou caritatives et comment cela a une incidence. On se sert ici de l'argent des contribuables finalement, et il y a lieu de se demander quelle est l'incidence sociale.
    Ma question porte toutefois sur Haïti. Ici, le pays est mis dans la catégorie des États défaillants et des États en déroute. Y aurait-il eu un rapport exhaustif comme celui-ci portant sur Haïti ou encore l'Afghanistan?
    Lors de nos discussions précédentes sur Haïti, nous avons trouvé utile d'examiner certains de ces éléments, particulièrement en ce qui concerne l'incidence financière du fardeau de la dette nationale actuelle. Quelles mesures positives prend-on pour alléger cette dette? Dans quelle mesure cette dette influe-t-elle sur le progrès ou l'empêche-t-elle?

  (0955)  

    Merci beaucoup, monsieur Goldring.
    S'il vous plaît, une très brève réponse. M. Khan veut poser une question et M. Patry également.
    En effet, je pense que dans le cas d'Haïti, une vérification devrait être faite pour voir comment l'argent des contribuables a été utilisé. La Banque interaméricaine de développement a eu le mérite d'inclure Haïti au moment où elle a entrepris l'initiative multilatérale d'allégement de la dette. La difficulté tient au fait qu'il faut qu'Haïti ait une approbation du FMI pendant quatre ou cinq ans avant de pouvoir bénéficier d'une radiation multilatérale de sa dette. Selon moi, c'est long quand le besoin est immédiat.
    Monsieur Khan.
    Très brièvement, monsieur Dillon, vous avez dit que l'aide financière pour les carburants fossiles devait être réduite et que l'aide pour l'énergie renouvelable devrait être augmentée. Certains pays en développement découvrent qu'ils possèdent des carburants fossiles. D'autres pays en développement qui pourraient être tributaires de ces nouvelles découvertes, comment l'économie et le développement seraient-ils touchés?
    Monsieur Dillon.
    L'étude de la Banque mondiale sur les industries extractives envisage la diminution progressive du financement de la mise en valeur des carburants fossiles. Cela signifie que sur une certaine période, on procédera à des réinvestissements dans les sources alternatives.
    Nos partenaires des pays du Sud nous disent qu'ils sont impatients de procéder à des investissements responsables sur le plan écologique et qu'ils constatent très souvent que les investissements dans les carburants fossiles ne profitent qu'à une petite couche de la population, alors que la mise en valeur d'énergies propres et diversifiées profiterait au plus grand nombre.
    Monsieur Patry.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, messieurs.
    Dans la déclaration préparée à l’intention du Comité du développement des conseils des gouverneurs de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international du 15 avril dernier, notre ministre des Finances, M. Flaherty, a insisté sur différents aspects. L'un deux était une collaboration beaucoup plus étroite entre les IFI et les Nations Unies.
    Ma question est très simple. De quelle façon cette collaboration devra-t-elle se faire?

[Traduction]

    Monsieur Culpeper.

[Français]

    Il y a des discussions entre l'ECOSOC, le Conseil économique et social de l'ONU, la Banque mondiale et le FMI chaque année. Il y a eu une telle discussion à New York il y a trois semaines. Mais c'est seulement un début.

[Traduction]

    Il est important que se tiennent des discussions au pays entre le ministère des Finances, le ministère des Affaires étrangères et l'ACDI. C'est là que le bât blesse. Tant qu'il y aura des divergences d'opinion entre les fonctionnaires et les ministres qui effectivement participent aux délibérations de ces organisations, il ne sera pas possible de voir une meilleure coordination entre les Nations Unies et les Institutions de Bretton Woods.
    À mon avis donc, le problème tient à la situation qui existe dans les capitales des pays membres. Il faut que nous discutions de ces questions dans nos pays, car cela nous touche de près. Nous devons commencer les discussions avec nos fonctionnaires des Finances, des Affaires étrangères et de l'ACDI pour qu'ils commencent à se pencher sur ce problème.
    Merci beaucoup, monsieur Culpeper.
    Monsieur Dillon.
    Une mesure positive serait de faire intervenir des organes des Nations Unies comme le Programme des Nations Unies pour le développement quand il s'agit de donner des conseils stratégiques. Cela n'a pas besoin d'être l'apanage des Institutions de Bretton Woods.
    Je voudrais vous remercier d'être venus nous parler, c'est une étude tout à fait fascinante. Nous ne passons guère de temps à examiner les institutions issues des Accords de Bretton Woods et les différentes IFI, ainsi que le rôle qu'elles jouent dans l'action humanitaire. Nous vous sommes donc reconnaissants d'être venus aujourd'hui.
    Nous allons maintenant nous interrompre pendant quelques instants, le temps de préparer le matériel pour la vidéoconférence.

    


    

  (1000)  

    Nous allons donc reprendre la séance. Pour cette deuxième heure, c'est avec beaucoup de plaisir que nous allons avoir une vidéoconférence pour nous faire le point sur les différents points de vue et la situation actuelle en ce qui concerne l'Afghanistan.
    Nous aurons pour témoins M. Mark Sedra, attaché de recherche au Bonn International Center for Conversion et M. Scott Gilmore, le directeur exécutif du Peace Dividend Trust.
    À la fin de la réunion, nous allons également consacrer quelques instants à l'adoption du rapport du comité directeur afin de permettre au greffier de commencer à préparer notre liste de témoins pour la semaine prochaine.
    Messieurs, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue ce matin. C'est un plaisir de vous recevoir tous les deux, M. Gilmore ici, dans notre salle, et M. Sedra grâce à la vidéoconférence.
    Nous allons peut-être commencer par notre relais vidéo. Bienvenue donc au comité, M. Sedra. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire, après quoi vous pourrez peut-être répondre aux questions des membres du comité.
    Pour commencer, je voudrais vous remercier de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui en ajoutant que c'est un véritable honneur pour moi.
    Comme le disent depuis quelques mois un grand nombre d'observateurs assidus de la situation en Afghanistan, le processus d'édification de l'État afghan est arrivé à son point de bascule. La plupart des Afghans n'ont pas encore reçu le dividende de paix qui leur avait été promis par les dirigeants afghans et les dirigeants étrangers à la suite de l'effondrement du régime taliban. Ayant entendu parler d'un genre de plan Marshall pour leur pays, les Afghans en général avaient commencé à espérer la fin de la violence et de la pauvreté endémique qui caractérisaient leur existence depuis une vingtaine d'années. Or, nous sommes maintenant en 2007, et le changement le plus flagrant dans le quotidien de la plupart des Afghans est la montée de l'insécurité et la croissance d'une administration publique qui est de plus en plus considérée comme prédatrice, envahissante et corrompue. Cet état de choses a alimenté un sentiment de plus en plus aigu de pessimisme et de désenchantement qui a conforté des mouvements factieux comme les talibans.
    À l'heure actuelle, nombreux sont les Afghans, de Kaboul à Kunduz et Kandahar, qui imaginent que les talibans vont revenir au pouvoir, non pas qu'ils aient un regain de ferveur pour l'idéologie intégriste talibane, mais parce qu'ils ont le sentiment que les événements militent pour eux, que les protagonistes de la communauté internationale perdent peu à peu intérêt et que le régime Karzai est faible et chancelant. Les Afghans ont le sens pratique : après 23 ans de guerre civile, ils ont appris à se ranger du côté du vainqueur. À mesure que les talibans s'enhardissent, un nombre croissant d'Afghans, pour survivre, choisissent de se rapprocher d'eux. Nous constatons déjà ce genre de choses dans le Sud, où certains Afghans commencent à parler avec nostalgie de la paix et de la sécurité relatives qui régnaient sous les talibans.
    Certes, lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir en 1996, les talibans ont joui d'une certaine popularité parce qu'ils apportaient la sécurité et qu'ils désarmaient les chefs de guerre, ceux-là même qui allaient reconstituer leurs fiefs dans la foulée de l'opération Enduring Freedom, et qui sont aujourd'hui bien installés au gouvernement.
    Comme le montrent fort bien les reportages sur l'Afghanistan, il n'est plus possible de dire que la sécurité dans ce pays est celle d'un « environnement post-conflit ». Contrairement à ce qui était le cas les années précédentes, la violence ne se limite pas à la ceinture pachtoune, qui est le coeur du pays taliban. Constat troublant en 2006, les régions du pays qui, jusque-là, avaient été stables, et notamment la province de Wardak dans le centre de l'Afghanistan, ont commencé à souffrir d'une montée en puissance de l'insécurité. La province de Wardak était l'une des régions les plus stables de l'Afghanistan en 2003 et en 2004 mais, en 2006, les Nations Unies se sont trouvées contraintes d'interrompre tous les déplacements sur les axes principaux en raison du risque d'attaques.
    Il suffit de comparer les chiffres des actes de sédition en 2005 et 2006 pour comprendre la gravité du problème. En septembre 2006, on enregistrait en moyenne chaque mois 600 actions séditieuses ou actes de terrorisme, alors qu'en 2005, ce chiffre n'était que de 130 en moyenne. En 2006, il y a eu 139 attentats-suicides en Afghanistan, une augmentation très marquée par rapport aux 27 de l'année précédente. Enfin, les actions séditieuses ont fait plus de 3 700 victimes en 2006, soit un peu plus de quatre fois plus qu'en 2005.
    La mauvaise gouvernance, surtout au niveau subnational, quelque chose qui, jusqu'en 2006, avait peu retenu l'attention des bailleurs d'aide, a été un des principaux facteurs à l'origine de l'insécurité. La police, qui est le principal point de convergence entre l'État et la société, est un bon exemple de la déconfiture de l'État afghan actuel. Il n'existe en Afghanistan aucune institution plus corrompue et plus dysfonctionnelle que la Police nationale afghane. Depuis 2002, au lieu d'être une solution, la police est une source constante d'insécurité pour les collectivités partout en Afghanistan. Un pourcentage important de la population considère la police avec un sentiment de crainte mêlée de rancune. Lorsqu'un Afghan traite avec la police, c'est souvent pour payer un pot-de-vin ou des taxes illégales. Les policiers commettent de plus en plus d'actes criminels, depuis les enlèvements contre rançon jusqu'au pillage de banques. En novembre 2004, la Commission indépendante des droits humains de l'Afghanistan affirmait que 15 p. 100 de toutes les violations des droits humains qui lui avaient été signalées étaient le fait de policiers. Les violations les plus fréquemment rapportées sont la torture, et le refus de poursuivre des meurtriers.

  (1005)  

    La corruption est largement répandue dans la police et environ 80 p. 100 des membres des corps policiers se livreraient au trafic de drogue. Une majorité de policiers restent loyaux envers les commandants locaux plutôt qu'envers le ministère de l'Intérieur. Expression éloquente de l'ampleur de la corruption et l'omniprésence des factions dans la police, un haut gradé de la police afghane m'a dit en juin 2006 qu'il ne fait confiance qu'à 27 seulement des quelque 1 500 policiers stationnés dans toute la province de Helmand.
    Les émeutes de Kaboul sont la preuve la plus claire de la déconfiture du processus de réforme de la police pourtant appuyé par la communauté internationale. En effet, non seulement les policiers ne sont-ils pas parvenus à calmer les émeutiers, qui ont littéralement mis la capitale à sac, faisant au passage au moins 17 morts, plus de 190 blessés et des millions de dollars de dégâts, ils se sont même joints à eux. Les rares officiers qui se sont opposés aux émeutiers ont montré, ce faisant, qu'ils étaient insuffisamment préparés, et de loin, et qu'ils manquaient à la fois de matériel et de la formation nécessaires pour contrôler des foules.
    Voilà qui m'amène à l'axe porteur de mon propos, le processus de réforme du secteur de la sécurité, la RSS, c'est-à-dire l'effort qui est déployé pour reconstruire l'architecture de sécurité de l'État afghan. Non seulement la RSS est-elle la pierre angulaire du processus d'édification d'un État afghan, elle représente également la stratégie de désengagement de la communauté internationale. Ce n'est que lorsque l'État afghan aura le monopole du recours à la force sur tout le territoire national que les conditions seront propices à un retrait des forces internationales.
    Même si des progrès importants ont déjà été effectués ces cinq dernières années pour faire avancer le processus, et notamment la formation de plus de 30 000 soldats de l'Armée nationale afghane, ainsi que le désarmement et la démobilisation de 60 000 miliciens, plusieurs problèmes demeurent néanmoins, et je vais aborder trois d'entre eux.
    Le premier est ce que j'appellerais un glissement insidieux vers la facilité dans la mise en oeuvre des réformes.
    La RSS n'est pas seulement un processus destiné à former et à équiper les forces de sécurité; elle a également pour but d'inculquer des principes démocratiques modernes comme le respect des droits humains, de faire en sorte que les institutions qui travaillent pour la sécurité rendent compte de leurs actes aux pouvoirs civils démocratiques, et d'instaurer un État de droit. Or, en Afghanistan, ce processus a été presque exclusivement consacré à renforcer l'efficacité des forces de sécurité dans leurs activités. Tous les efforts déployés pour reconstruire le système judiciaire et réformer les ministères dont la tâche est d'administrer et de contrôler les forces de sécurité, en l'occurrence les ministères de la Défense et de l'Intérieur, ont été entrepris presque incidemment. Déjà, nous pouvons constater les répercussions néfastes de cette façon de faire, notamment avec la corruption omniprésente qui règne au ministère de l'Intérieur et qui afflige la moindre composante des services de police.
    Le deuxième dilemme fondamental est ce que j'appellerais le problème de la volonté politique.
    Le gouvernement afghan n'a pas toujours fait preuve de la volonté nécessaire pour entreprendre les réformes difficiles et pourtant nécessaires pour faire progresser le processus d'édification d'un État afghan. Cela apparaît particulièrement clair dans le parallèle entre la corruption et le trafic de drogue. On sait fort bien qui, au gouvernement — et parfois même au plus haut niveau du ministère — a ses entrées dans le monde de la drogue, et pourtant ces gens restent en poste. Cela est vrai également en ce qui concerne le problème des groupes armés illégaux. La communauté internationale finance le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration le plus coûteux de l'histoire, mais nombreux sont les membres haut placés du gouvernement qui, néanmoins, ont toujours leurs propres milices. Selon certains chiffres, jusqu'à 60 p. 100 des députés entretiendraient des liens avec des groupes armés illégaux, et cela malgré l'existence d'une disposition de la loi électorale qui aurait pourtant dû leur interdire de poser leur candidature en raison de l'existence de ce genre de lien.
    Quel est donc le message que cela envoie au peuple afghan auquel on veut parler de lutte contre la drogue et de démilitarisation? Les Afghans ne prendront jamais ces processus au sérieux, jamais ne feront-ils confiance au gouvernement en général, tant et aussi longtemps que les règles ne seront pas les mêmes pour tout le monde. Peut-être faudrait-il absolument, pour favoriser les processus de lutte contre la drogue et de démilitarisation et donner plus de légitimité à l'État aux yeux de la population, s'en prendre désormais à du gros gibier, à des cibles très en vue. Le problème est qu'une telle approche est diamétralement opposée au style de leadership du président Karzai qu'on pourrait qualifier d'accommodant.

  (1010)  

    Au lieu de faire face aux problèmes profondément ancrés au sein de son propre gouvernement, le président Karzai a préféré rejeter sur le Pakistan l'essentiel du blâme pour la crise que connaît actuellement son pays dans le domaine de la sécurité. Certes, le Pakistan est l'une des plus graves menaces pour la sécurité de l'Afghanistan. La talibanisation des régions tribales sous administration fédérale, qui offrent aux insurgés une base d'opération pour leurs attaques contre les gouvernements et les cibles étrangères en Afghanistan, de même que la position ambiguë du régime Moucharraf au sujet des talibans, Moucharraf condamnant ceux-ci publiquement tout en leur offrant clandestinement son appui, sont les principaux moteurs de la rébellion.
    Il est clair que le gouvernement pakistanais doit être sollicité beaucoup plus vigoureusement pour qu'il mette un terme au double jeu qu'il joue en Afghanistan. Cela dit, il est peut-être temps aussi que la communauté internationale exige davantage du gouvernement Karzai. L'image du méchant ne devrait pas pouvoir détourner l'attention des échecs du gouvernement Karzai et des problèmes de sécurité indigènes de l'Afghanistan.
    L'Afghanistan et son gouvernement reçoivent de l'aide et de l'assistance, le plus souvent sans aucune condition. Peut-être faudrait-il maintenant rendre cette aide conditionnelle de manière à favoriser l'avènement de réformes difficiles. Si une chose est claire, c'est qu'offrir ainsi autant de ressources pour les aider alors que la classe politique dirigeante ne s'engage que du bout des lèvres à l'endroit des principes fondamentaux du processus représente non seulement un gaspillage, mais risque même d'exacerber encore la corruption et l'instabilité.
    Le dernier problème dont je vous entretiendrai aujourd'hui est celui que j'appellerais l'absence de justice. À l'heure actuelle, la primauté du droit est lettre morte dans la plus grande partie de l'Afghanistan en raison surtout de la décrépitude actuelle du système judiciaire. C'est une évidence que de dire, dans le domaine de la reconstruction post-conflit, que peu importe que la police soit bien entraînée, si le système judiciaire ne fonctionne pas, celle-ci ne peut pas jouer son rôle.
    Lord Paddy Ashdown, haut représentant pour la Bosnie entre 2002 et 2006, a dit un jour que l'une des leçons les plus importantes qu'il avait tirées de son passage en Bosnie était que la justice devait passer devant tout le reste. Si le système judiciaire n'est pas fonctionnel, la sécurité est impossible, on ne peut pas lutter contre la corruption, on ne peut pas non plus doter l'économie nationale d'un système de réglementation efficace.
    Il semble bien que ceux qui sont en train de bâtir un État afghan n'ont pas compris la leçon. En 2005, et c'est toujours vrai aujourd'hui, moins de 3 p. 100 du financement du RSS allait à la justice et à ses institutions. Il n'est donc pas étonnant qu'aujourdhui, plus de 90 p. 100 des causes soient entendues par des instances coutumières ou officieuses plutôt que par les tribunaux afghans.
    Pour la population afghane en général, la justice coûte cher, elle est corrompue et complètement déconnectée de la réalité locale. Les tribunaux sont à peine capables de fonctionner dans certaines régions du pays puisqu'il n'y a aucune infrastructure de base, aucun matériel, aucun juriste de métier. Combien de fois ai-je entendu parler de criminels qui avaient été arrêtés par la police pour être relâchés peu de temps après parce qu'il n'y avait aucun tribunal pour les juger, parce qu'il n'y avait pas de prison pour les y enfermer.
    J'ai essayé aujourd'hui de vous montrer qu'on a effectivement jeté les fondements d'un État démocratique en Afghanistan, mais que ces fondements sont fragiles et branlants. De plus en plus, les Afghans sont désenchantés par un gouvernement incapable de leur donner les produits de base qu'ils sont en droit d'attendre de lui, un gouvernement dominé par les chefs de guerre et les trafiquants de drogue, un gouvernement miné par la corruption. Les émeutes de Kaboul en 2006 ont non seulement révélé à quel point les Afghans étaient désenchantés par la lenteur des changements, mais aussi à quel point tout le processus d'édification d'un État afghan pouvait véritablement imploser à la moindre occasion.
    Pour le gouvernement afghan et la communauté internationale, l'un des plus gros problèmes de l'année qui s'annonce sera d'arriver à combattre cette insécurité croissante, un combat qui exige qu'on accorde un surcroît d'attention au processus de réforme du secteur de la sécurité. Les 8,6 milliards de dollars que les Américains viennent d'engager pour la RSS vont littéralement défibriller tout le processus, mais le problème du secteur de la sécurité en Afghanistan n'est pas uniquement un problème de ressources insuffisantes. Un changement de stratégie s'impose pour mettre en adéquation les objectifs à court et à long terme du processus. Tout ce qui est fait pour renforcer l'efficacité des forces de sécurité dans leurs activités doit s'accompagner d'autres actions destinées à permettre au gouvernement de mieux contrôler et administrer ces mêmes forces et de créer une infrastructure juridique et judiciaire avec laquelle elles pourront travailler.

  (1015)  

    À l'heure actuelle, à bien des égards, le système ne fait que rendre plus efficientes et efficaces des forces de sécurité essentiellement corrompues et factieuses. Il faut que le processus s'emploie à modifier la culture du secteur, et cela c'est un processus à long terme.
    Pour la plupart des bailleurs d'aide, la réalité dérangeante est qu'il faudra un engagement massif pendant cinq à dix ans encore pour consolider les gains déjà acquis et empêcher l'État de tomber encore une fois dans la déchéance.
    Cela ne veut pas dire pour autant que les forces militaires étrangères vont devoir affronter pendant dix ans encore une rébellion dont l'intensité est comparable à ce qu'on connaît aujourd'hui; si on procède aux investissements nécessaires dans le développement, la gouvernance et la RSS, le volet sécurité du projet d'édification d'un État afghan pourrait plutôt diminuer graduellement pour finir par disparaître totalement au profit de son développement et du volet diplomatique.
    Monsieur Sedra, je vous interromps un instant, si vous voulez bien, mais non que je veuille vous éliminer vous aussi, je vais néanmoins devoir vous couper la parole très bientôt.
    D'accord.
    Combien de temps pensez-vous encore devoir utiliser? Vous en êtes déjà à 15 minutes.
    Il me reste un seul paragraphe.
    Allez-y donc, mais lisez-le rapidement, je vous prie.
    Le prix que le Canada a payé pour son engagement en Afghanistan est très lourd, et la répugnance dont font preuve certaines puissances à l'idée de conserver leur niveau de participation militaire actuelle, alors même qu'il y a tellement d'autres membres de l'OTAN qui observent cela passivement, est tout à fait compréhensible. Mais le retrait du Canada, s'il n'y a pas un autre pays pour prendre la relève, portera un coup très dur au processus d'édification d'un État afghan. La réalité est que si toutes les troupes étrangères se désengageaient demain, ou même dans un an, il est fort vraisemblable que les forces afghanes n'y résisteraient pas. Il leur faut tout simplement encore du temps pour mûrir.
    Malgré les énormes difficultés dont je vous ai parlé, je demeure intimement convaincu que le sort de la mission en Afghanistan est entre nos mains. Moyennant un investissement suffisant et un changement d'approche et de perspective adéquat, le processus a des chances d'aboutir.
    Merci beaucoup.

  (1020)  

    Merci, monsieur Sedra.
    Nous allons maintenant passer rapidement à M. Gilmore.
    J'ai une déclaration assez courte que je vais vous lire rapidement.
    Les opinions sur l'Afghanistan que je vous livre aujourd'hui sont fondées sur mon expérience personnelle relativement unique de ce pays où j'ai travaillé pour le gouvernement du Canada et pour d'autres.
    Je suis actuellement directeur exécutif de Peace Dividend Trust, une fondation sans but lucratif créée par un groupe de diplomates, d'entrepreneurs et de travailleurs de l'aide dans le seul et unique dessein de travailler avec les Nations Unies et d'autres organismes internationaux à New York, en Afghanistan, au Soudan, et dans le cadre d'autres missions de maintien de la paix pour rendre les opérations de paix et les opérations humanitaires plus efficaces, plus efficientes et plus équitables.
    Avant cela, de 2002 à 2004, j'étais le directeur adjoint de la Direction de l'Asie du Sud, au ministère des Affaires étrangères où, pourrait-on dire, j'ai assisté à la création, en quelque sorte, de notre approche triple D pour l'Afghanistan. Dans le cadre de mes fonctions, je m'occupais principalement de la coordination des activités du ministère de la Défense nationale, du ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI pour l'établissement de notre ambassade à Kaboul.
    PDT a actuellement deux projets en cours en Afghanistan. Dans les deux cas, nous nous intéressons principalement au fait qu'une très faible proportion seulement de l'argent provenant de la communauté internationale pour l'Afghanistan est dépensée en Afghanistan. Les dépenses opérationnelles des donateurs et des organismes internationaux pourraient servir à stimuler la reprise économique si elles privilégiaient l'achat de produits locaux et le recrutement de personnel afghan mais cette occasion est à toute fin pratique ratée. Il y a un nouveau consensus parmi les pays en développement pour dire que la croissance économique est le fondement de la paix et de la stabilité.
    Notre projet des marchés publics, financé au départ par l'ACDI et qui reçoit maintenant également des fonds du Royaume-Uni et des États-Unis, a un mandat simple. Nous trouvons des fournisseurs afghans locaux, et nous formons les entrepreneurs afghans afin qu'ils puissent soumissionner pour des contrats internationaux afin de répondre aux besoins des forces de la coalition et des organismes internationaux — y compris les organismes canadiens — qui s'approvisionnent à l'heure actuelle à l'extérieur de l'Afghanistan, particulièrement à Dubaï.
    Cela peut sembler banal, mais je vous assure qu'en accroissant les dépenses locales, on a une incidence majeure sur l'économie; cela crée des emplois. Des garçons qui autrement installeraient des bombes artisanales travaillent dans des usines et paient des impôts au gouvernement afghan qui fait face à de nombreuses difficultés.
    Notre second projet achève. Il s'agit d'un projet de recherche sur les incidences économiques qui est sans précédent et que nous réalisons pour le compte du ministère des Finances de l'Afghanistan. Il est financé par le gouvernement britannique. Les donateurs, y compris le Canada, ont pris plusieurs engagements dans le cadre du Pacte pour l'Afghanistan, notamment d'avoir plus souvent recours à du personnel et à des entreprises afghans, mais à ce jour, personne n'a jamais essayé de déterminer précisément combien d'argent est injecté dans l'économie locale.
    Nous avons maintenant produit les premières comparaisons entre les pays donateurs qui leur seront remises la semaine prochaine par le ministre afghan des Finances lors du Forum sur le développement de l'Afghanistan.
    J'aimerais mentionner quatre choses au sujet de la situation en Afghanistan et du rôle du Canada.
    Premièrement, le Canada fait une contribution positive. Le Canada a raison d'être présent en Afghanistan, mais nous devons être préparés, comme M. Sedra l'a dit, à nous engager à long terme, et il y a encore beaucoup de secteurs où nous pouvons apporter des améliorations.
    D'abord et avant tout, le Canada fait une contribution positive et il y a de nombreuses réussites. Au début de la semaine, le ministre du Développement et le CRDI étaient les hôtes d'une réunion à Ottawa où se sont rassemblés tous les grands ONG canadiens présents en Afghanistan. Pendant cette réunion, on aurait pu croire qu'il s'agissait d'un pays différent de celui dont on parle tous les jours dans les journaux. Le message de ces organismes qui travaillent à Kaboul, à Kandahar et ailleurs était unanime, à savoir que tous les jours les investissements canadiens produisent un effet tangible, direct et positif dans la vie des Afghans. Que ce soit par le microcrédit, les soins de santé, la justice ou le développement du secteur privé, l'argent de l'ACDI et des organismes canadiens a un effet impressionnant en Afghanistan.
    Notre propre projet, le projet des marchés publics que j'ai déjà mentionné, est également un succès remarquable. Au départ, nous voulions accroître les dépenses locales à Kaboul de 5 millions de dollars. Je suis heureux de pouvoir vous dire qu'après neuf mois nous avons pu injecter 46 millions de dollars dans l'économie locale, par exemple, en aidant l'armée américaine à acheter de l'eau à Kaboul plutôt qu'à Dubaï. Cela a permis de créer des milliers de nouveaux emplois pour les Afghans. Sans vouloir me vanter, cela nous place au sixième rang parmi les pays donateurs pour l'incidence économique directe que nous avons en Afghanistan, devant les Pays-Bas.
    Les activités de l'ACDI en Afghanistan constituent une autre réussite. J'ai mentionné le rapport que nous avons préparé pour le ministre afghan des Finances sur l'incidence économique des pays donateurs. Il montrera que parmi tous les donateurs, l'ACDI est celui qui a le plus de répercussions sur l'économie locale pour chaque dollar dépensé.
    Malheureusement, ces réussites passent inaperçues, éclipsées qu'elles sont par les controverses politiques.
    Le Canada a raison d'être en Afghanistan. L'influence relative du Canada à Kaboul est unique, et je me permets de le dire en tant qu'ancien diplomate. Cette influence multiplie l'effet de notre investissement.
    Contrairement à la plupart des autres missions postérieures à un conflit, le Canada est l'un des principaux intervenants à Kaboul. Cela s'explique en partie par l'importance de notre engagement, mais c'est aussi attribuable à l'efficacité de notre approche triple D et du leadership dont font preuve des personnes comme l'ancien ambassadeur du Canada, Chris Alexander, qui a maintenant quitté le service extérieur pour travailler pour les Nations Unies, le général Hillier et le général Andrew Leslie.

  (1025)  

    Si vous croyez que le Canada a une valeur ajoutée unique à offrir au monde et au développement, c'est là où nous avons assez d'influence pour le faire. Nous n'aurons pas plus d'influence ailleurs. Mais, comme le disait M. Sedra, nous devons être prêts à rester à long terme, pour que cet effet se transforme en un progrès durable.
    Bâtir un pays c'est, par définition, s'engager dans un bourbier. Il n'est pas possible d'établir la paix, l'ordre et le bon gouvernement en un seul exercice financier, ni même en plusieurs. C'est un douloureux processus qui connaîtra des reculs, qui coûtera de l'argent, qui prendra du temps, qui prendra même des générations. Si nous nous retirons trop tôt, notre départ aura des conséquences et notre investissement sera perdu.
    Les événements récents au Timor oriental en sont la preuve. J'ai participé à une mission des Nations Unies au Timor pour l'aider à réaliser son indépendance en mai 2002 et je dois avouer que j'étais parmi ceux qui se sont précipités à l'aéroport le lendemain de l'indépendance pour quitter le Timor, rappelant l'exode après la chute de Saigon. Maintenant, la collectivité internationale a été obligée de renvoyer au Timor plus de gens et plus d'argent pour refaire le travail qu'ils avaient déjà fait de 1998 à 2002. Le général Leslie nous a prévenus que le Canada devra rester en Afghanistan pendant 20 ans. Je crois que la tâche que nous nous sommes donnée obligera la collectivité internationale à rester dans ce pays encore beaucoup plus longtemps. Honnêtement, si la tâche était facile, nous n'y serions pas aujourd'hui.
    Le Canada peut prendre des mesures pour accroître son influence en Afghanistan. L'approche triple D — développement, diplomatie et défense — doit continuer à aller de l'avant. Les plans récents visant à installer dans les mêmes locaux les fonctionnaires et le personnel de l'ACDI, du MDN et du MAECI au cours des prochains mois méritent d'être applaudis. Mais il faut également dire que le gouvernement britannique l'avait déjà fait tout de suite après le 11 septembre. En effet, à la fin de septembre 2001, le gouvernement britannique a rassemblé les représentants du Foreign Office, du Ministry of Defence, du DFID, dans une seule pièce et c'est ce que nous faisons maintenant. Dans le même ordre d'idée, la nomination de David Mulroney au MAECI et de Stephen Wallace à l'ACDI, comme principaux coordonnateurs en Afghanistan, contribuera grandement à rationaliser et à améliorer l'influence du Canada. Cela aussi, on aurait dû le faire il y a longtemps.
    Il est important de dire aussi que l'ACDI, le MAECI et le MDN ne sont pas de vastes bureaucraties qui ont d'abondantes ressources et un grand nombre de personnes à affecter à l'Afghanistan, contrairement, par exemple, au USAID, au Pentagone et au Département d'État. Cependant, je tiens à souligner qu'il y a un avantage à être petit. Lorsqu'on a une petite bureaucratie, on peut coordonner les activités mieux et plus rapidement, on peut être souple et réagir rapidement à un environnement dynamique en pleine évolution comme c'est le cas en Afghanistan. Mais — et c'est un gros « mais » — sans coordination, nous ne sommes ni agiles ni rapides, nous sommes simplement petits.
    J'aimerais également encourager le Canada à avoir davantage recours aux produits et services afghans pour appuyer nos opérations militaires. Le Canada a eu jusqu'à présent un influence positive sur l'économie, mais il pourrait s'approvisionner davantage auprès de fournisseurs locaux et avoir davantage recours à des organismes afghans pour acheminer l'aide.
    En conclusion, j'aimerais dire que le Canada est au bon endroit au bon moment pour faire sa marque dans le monde. Nous sommes sur la bonne voie, mais nous devons être prêts à persévérer jusqu'à la fin. Cela prendra beaucoup de temps, mais nos efforts seront récompensés.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Gilmore et monsieur Sedra, pour vos exposés liminaires.
    Nous allons entreprendre le premier tour des questions.
    Monsieur Patry.
    Merci beaucoup. Je vais partager mon tour avec M. Wrzesnewskyj. 
    Tout d'abord, monsieur Sedra, je dois dire que vous avez été très direct lorsque vous avez parlé de la corruption à tous les niveaux du gouvernement afghan, y compris dans la police. Mais vers la fin vous étiez un peu plus positif, en ce sens que vous avez mentionné que cela ne veut pas dire qu'il y a tellement de corruption que les talibans gagneront la guerre puisqu'ils sont situés plus au sud.
    Mais ma question concerne le Pakistan. Vous avez mentionné le Pakistan. Il y a beaucoup d'oppression au Pakistan. Même le président Musharraf a envoyé plus de 80 000 soldats là-bas. Sept de ses soldats sont morts là-bas dans les FATA, régions habitées par des tribus et administrées par le gouvernement fédéral, ou dans le Waziristan. Vous en savez beaucoup plus long que moi sur cette question. Ils n'ont pas réussi là-bas. Ils y sont encore.
    Sachant que le Pakistan ne peut pas contrôler cette région, comme les Britanniques en ont été incapables il y a de nombreuses années, voici ma question : Ne serait-il pas temps, si nous voulons que le Pakistan change de position, puisque d'une certaine façon les amis du Pakistan sont les talibans —? Musharraf, en tant que militaire ayant pris le pouvoir grâce à coup d'État a beaucoup plus d'affinités avec les talibans qu'il n'en aura jamais avec les groupes d'opposition laïques. Ne pensez-vous pas qu'il serait temps que la collectivité internationale organise une véritable conférence sur cette région géopolitique, à laquelle participeraient principalement l'Inde, la Russie, la Chine, le P5 et l'Union européenne, puisqu'il semble peu probable qu'on trouve une solution par d'autres moyens?
    Merci.

  (1030)  

    Merci, monsieur Patry.
    Nous allons d'abord entendre les réponses, très rapidement.
    Monsieur Gilmore, puis monsieur Sedra, vous pouvez répondre si vous le souhaitez.
    Je suis d'accord. Le Pakistan est le poids lourd dans la région et on y peut rien. Franchement, il n'y aura pas de stabilité à long terme tant que la collectivité internationale aura une politique double sur la manière de traiter les insurgés talibans du côté où on parle pashtun et du côté afghan.
    Je crois que tant que nous n'aurons pas réglé cette question, la situation ne changera pas. Et ce n'est pas une question facile à régler. Je crois qu'il faudra encourager davantage le gouvernement afghan à diviser les talibans. Nous mettons dans le même bateau tous les insurgés, ceux qui sont simplement mécontents et ceux qui sont des fanatiques religieux. Nous les qualifions tous de talibans or ce n'est tout simplement pas le cas.
    Nous devons les séparer. Nous entendre avec certains d'entre eux et isoler les autres. Et je pense que ce sera la solution, car nous ne pourrons pas intervenir directement au Pakistan comme nous le souhaiterions.
    Merci, monsieur Gilmore.
    Monsieur Sedra, je vous demanderais de répondre très rapidement.
    Oui, je suis d'accord avec M. Gilmore et avec les observations que contenait la question.
    Je pense, bien sûr, que le Pakistan a déployé des troupes dans les FATA, dans la province frontière du nord-ouest (la NWFP) et dans le nord et le sud du Waziristan et qu'il a subi un certain nombre de pertes. Mais il est clair qu'il pourrait en faire davantage. Selon tous les rapports, l'ISI, le service du renseignement pakistanais, fournit une aide clandestine aux talibans. Tout le monde sait que les chefs talibans, les shuras, sont installés à Quetta, dans le Baluchistan. Il est clair que le Pakistan pourrait en faire beaucoup plus.
    Je répète aussi ce que disait M. Gilmore, c'est-à-dire qu'il faut diviser les talibans. Il y avait du travail à faire en Afghanistan pour rassembler dans un même groupe les talibans modérés. Il faut tenter un rapprochement avec les talibans pour essayer de négocier. Le président Karzai en a déjà parlé.
    Le fait est qu'il y a un programme de réconciliation nationale en Afghanistan pour essayer d'attirer les talibans modérés. Il en a attiré environ 1 500. Je pense qu'il faudrait accorder davantage de ressources et d'attention à ce processus, bien qu'il soit très controversé.
    Très bien.
    C'est maintenant le tour de M. Wrzesnewskyj.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sedra, vous avez dit qu'il faudra une présence importante en Afghanistan pour au moins dix ans. Avez-vous déterminé ce que cela pourrait coûter?
    Non, je ne pourrais pas vous le dire. Toutefois, je vous renvoie au rapport Securing Afghanistan's Future un rapport auquel j'ai contribué, rendu public par le gouvernement afghan en 2004, et qui est en fait une étude visant à déterminer le coût du processus de reconstruction.
    Ce rapport indique qu'il en coûterait 27 milliards de dollars sur une période de cinq ans, à partir de 2004. Je suppose que ce chiffre est probablement encore juste aujourd'hui, quoiqu'on n'ait pas tenu compte des coûts associés au déploiement de troupes internationales ni de circonstances imprévues.
    On peut supposer que c'est un minimum. C'était en 2004. La plupart de ces investissements n'ont pas été faits.
    Oui.
    Ça, c'est juste pour la reconstruction. Et pour une présence continue —? Par exemple, M. Gilmore disait que cela va prendre des générations. Il parlait d'un horizon beaucoup plus lointain, mais je pense qu'il parlait de l'Afghanistan tel qu'il sera, nous l'espérons, dans une génération.
    Qu'en est-il du volet de la sécurité? Lorsqu'on commence à faire le calcul, à quel ordre d'importance est-ce qu'on arrive? Est-ce que c'est 27 milliards de dollars juste pour la reconstruction et uniquement vers les grands centres? Ou est-ce que ça inclut les autoroutes? De quoi est-ce qu'il s'agit au juste? Et s'agit-il bien de 27 milliards de dollars? Est-ce que ce chiffre monte à 100 milliards de dollars lorsqu'on inclut les militaires et la sécurité? Est-ce que cela donne un demi-billion de dollars pour les 20 prochaines années?
    Avant de prendre des engagements, et surtout avant de faire courir des risques à nos plus valeureux, il serait bien de savoir ce que seront les coûts.

  (1035)  

    Nous allons demander aux deux témoins de répondre rapidement.
    Allez-y, monsieur Sedra.
    Je dirais que le chiffre de 27 milliards de dollars que j'ai mentionné ne tenait pas suffisamment compte du coût de la sécurité, je suis d'accord avec vous sur ce point. C'est pourquoi l'annonce de 8,6 milliards de dollars sur les deux prochaines années faite par les États-Unis, pour reconstruire et donner un coup de fouet à la formation des forces de sécurité afghane montre, par exemple, que le chiffre de départ n'était pas adéquat.
    Je crois donc qu'il faudra consacrer des ressources beaucoup plus importantes que cela au seul secteur de la sécurité en Afghanistan. J'hésite à donner un chiffre d'ensemble au bout du compte, mais je pense que l'on dépassera de beaucoup les 27 milliards de dollars, si l'on prend en considération la réforme du secteur de la sécurité. Si l'on inclut le déploiement des troupes internationales on obtient un chiffre beaucoup plus considérable.
    Merci beaucoup, monsieur Sedra.
    Nous passons maintenant à M. Khan, puis à M. Goldring.

[Français]

    Et moi? Vous allez dire que je parle fort.

[Traduction]

    Oh non non, excusez-moi. Je me suis absenté pendant une journée.
    Nous passons à Mme Lalonde.
    Je vous prie de m'excuser.

[Français]

    Il y a aussi ma collègue.
    Merci à vous deux. Je dois dire que je n'ai rien appris que je ne savais déjà. On a entendu beaucoup d'experts bien informés. Ma question s'adresse à M. Gilmore, mais M. Sedra pourra également y répondre.
    Ce qui se passe en Afghanistan est du ressort d'un engagement de l'OTAN. C'est une chose de considérer l'ensemble des problèmes du point de vue de l'OTAN et de l'ONU, et une autre du point de vue militaire ou de reconstruction et de démocratisation de la société. Il me semble qu'il y a là une équation qui ne fonctionne pas.
    On dit que le Canada doit rester dans ce pays. Que le Canada continue à aider à la reconstruction et au développement, cela ne pose pas de problème. Cependant, depuis quand a-t-on des problèmes sérieux à cet égard, aussi bien au sein de la population québécoise que canadienne? C'est depuis que le général Hillier a lui-même demandé que ce soit le Canada qui intervienne dans le sud de Kandahar, car il savait que c'était l'endroit le plus dangereux. Je l'ai lu dans le Globe and Mail : cela doit être vrai.
    Je soupçonne qu'il avait également d'autres intentions, par exemple s'assurer qu'on dote le Canada d'équipement militaire presque sans compter, de façon considérable, ce qui est contraire aux engagements pris par l'ancien gouvernement.
    Comment peut-on penser à un partenariat au sein de l'OTAN sans imaginer que d'autres pourraient remplacer le Canada en 2009 dans le sud de Kandahar, là où c'est dangereux?

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde.
    Monsieur Gilmore.
    Sans présumer des raisons pour lesquelles le conseil de ministres de l'ancien gouvernement et du gouvernement actuel ont choisi Kandahar, je peux toutefois dire, en tant qu'observateur, qu'il y avait manifestement beaucoup d'autres raisons valables de choisir Khandahar. C'est là que notre intervention était nécessaire. Et c'est ma réponse à la deuxième partie de la question.
    Si nous comparons la mission du Canada en Afghanistan à celle d'un pompier chargé d'atteindre l'incendie d'une maison — la maison afghane —, oui, nous pouvons être contrariés de ne pas être appuyés par plus de pompiers ou que les autres casernes n'aient pas contribué autant de camions. Mais de là à faire un caprice et à enrouler nos tuyaux alors que la maison brûle encore, juste parce que les autres casernes n'ont pas contribué comme on l'aurait souhaité à l'extinction de l'incendie, il y a un monde. Ce serait une erreur morale.

  (1040)  

    Merci, monsieur Gilmore.
    Monsieur Sedra.
    À mon sens, cela touche à quelque chose que l'on a déjà mentionné: la volonté politique. Il est effectivement nécessaire que les autres membres de l'OTAN apportent les contributions voulues à la mission, relèvent le Canada dans le Sud, ou contribuent à la mission dans le Sud. Je ne pense pas que le Canada doive envisager de retirer entièrement ses troupes de l'Afghanistan, ni du sud de l'Afghanistan, mais il est clair que d'autres États membres de l'OTAN vont devoir commencer à faire leur part.
    C'est une question politique et l'OTAN s'efforce de la résoudre depuis le début de la mission. J'y vois d'ailleurs une cause-type pour la viabilité et le futur de l'OTAN dans son ensemble.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Sedra.
    Madame Lalonde, il vous reste une ou deux minutes.

[Français]

    Merci. En ce qui a trait au Pakistan, vous avez convenu tous les deux [Note de la rédaction: difficultés techniques] qui va finalement décider si la violence se résorbe ou pas. Vous comptez tous les deux sur la résorption de l'impact des talibans, même si ce n'est pas à la même vitesse.
    Toutefois, d'autres experts nous ont dit qu'il faut tenir compte de ce qui arrivera en Irak. Si les Américains se retirent de l'Irak, des moudjahidines quitteront peut-être le pays, comme ils l'ont d'ailleurs déjà fait, pour se rendre en Afghanistan, qui redeviendrait encore un lieu chaud. Compte tenu des enjeux géostratégiques et géopolitiques, nous ne sommes pas certains de la diminution de la violence.
    J'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde.
    Monsieur Gilmore.
    Non, nous n'en sommes pas sûrs; mais nous devons conserver une certaine mesure d'espoir pour nos opérations.
    En ce qui concerne le Pakistan et les talibans, il existe des mesures à prendre pour améliorer la situation. Quant à la peur de voir la situation en Irak s'étendre à l'Afghanistan, j'aime mieux m'abstenir de commentaires à ce stade.
    Merci, monsieur Gilmore.
    Monsieur Sedra, s'il vous plaît.
    En ce qui concerne le Pakistan, la pression exercée pourrait être beaucoup plus importante. Bien entendu, l'intervenant ayant le plus de poids dans ce domaine est les États-Unis. Ils sont en effet en train de vendre aux Pakistanais des avions de chasse à réaction dernier cri; et le Pakistan compte parmi les plus gros bénéficiaires de l'aide américaine. Le Canada fournit également de l'aide au Pakistan. Il serait bon que les nations occidentales dont les troupes se battent et meurent dans le sud du pays puisent plus largement dans leurs ressources diplomatiques pour traiter avec Islamabad.
    Permettez-moi aussi de signaler que, d'après des renseignements que j'ai reçus récemment, les attaques d'insurgés franchissant la frontière pakistanaise ont en fait un peu diminué ces deux derniers mois. Peut-être est-ce un signe que le Pakistan commence à réagir et à adopter une politique plus ferme dans ce domaine.
    Quant à ce que de nombreuses personnes appellent l'« irakisation » de l'insurrection afghane, elle est indubitable. Prenez l'emploi récent de dispositifs explosifs improvisés mais hautement sophistiqués, comme dans l'attaque qui a entraîné, il y a deux semaines, la mort tragique de tant de Canadiens à Kandahar. Selon les experts en stratégie, ce sont des tactiques importées d'Irak. On constate l'existence d'un pipeline du Jihad entre l'Afghanistan et l'Irak et une espèce de fécondation réciproque des tactiques terroristes. C'est un phénomène hautement inquiétant, que nous comptons suivre de près.
    Merci, monsieur Sedra.
    Nous passons à présent à M. Khan.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sedra, monsieur Gilmore, merci de votre présence.
    J'ai entendu à plusieurs reprises la suggestion qu'il fallait aller plus loin, montrer du doigt Musharraf et lui demander de faire ceci ou cela, d'en faire plus. Mais j'ai envie de tomber d'accord avec mon collègue, M. Patry: ce que personne ne dit, c'est ce qu'il pourrait être possible de faire. Est-ce qu'il conviendrait de procéder à des investissements dans des territoires plus éloignés et pas seulement en Afghanistan? Je suis d'accord pour dire que la solution au problème afghan tient largement au Pakistan. Mais demander à ce qu'on en fasse plus ne donnera rien de concret.
    On a soumis une proposition au gouvernement du Pakistan. Je crois que même les membres du G-8 l'ont et que les États-Unis se penchent dessus. À ce que je comprends, elle se chiffre à 750 millions de dollars.
    Pensez-vous que nous devrions investir dans les zones frontalières, notamment dans les zones tribales sous administration fédérale, dans le Waziristan du sud et du nord? Peut-être que nous nous efforçons d'apaiser les Afghans, de brider l'insurrection. Pensez-vous que ce serait utile?

  (1045)  

    Monsieur Gilmore.
    Je pense que le Canada a une heureuse ou malheureuse tendance à surestimer son influence dans certaines capitales mondiales. J'ai dit plus tôt que nous étions là où nous devions être en Afghanistan, parce que, à Kaboul, nous avons effectivement de l'influence. À Islamabad, ce n'est pas le cas. Et nos alliés qui eux en ont les moyens se sont déjà montrés d'une remarquable franchise avec le président Musharraf, adoptant en coulisse des positions intransigeantes dont nous voyons les résultats sur le terrain.
    Je doute que nous soyons en mesure de changer le mode de fonctionnement qui a si bien fonctionné dans la province frontalière du nord-ouest — ainsi qu'au Baloutchistan, pour le Pakistan — , si bien que nous devons nous concentrer sur le côté afghan de la frontière, où nous jouissons d'une certaine influence. Là aussi, je voudrais répéter ce qu'a dit M. Sedra : nous devrions envisager de diviser les talibans, de nous entendre avec les plus modérés et d'approcher le problème sous cet angle.
    Côté investissement, la croissance économique est le fondement de la paix et de la stabilité, si bien que des investissements d'un côté et de l'autre de la frontière seraient utiles, s'il est possible de les effectuer.
    Merci, monsieur Gilmore.
    Monsieur Sedra.
    Merci d'avoir mentionné la proposition ou le plan américain d'envoyer 750 millions de dollars d'aide au développement. C'est exactement ce qui est nécessaire — de l'aide au développement. C'est certainement un domaine auquel pourrait contribuer le Canada. Les plans récents du gouvernement afghan indiquent aussi la tenue de jirgas de paix, qui permettent de réunir des gens des deux côtés de la frontière pour essayer d'entamer une forme de dialogue. Les États-Unis ont également annoncé un plan visant à accorder un statut préférentiel pour le commerce de marchandises produites dans la FATA.
    Le développement est évidemment l'élément clé de ce processus. Il ne s'agit pas simplement de jouer du marteau. Il faut également consentir de l'aide au développement. Il faut que l'on discute davantage de la façon d'établir des liens à la frontière, et non pas des barrières, comme le préconisent les Pakistanais, non pas de diviser les tribus et les villages mais d'établir des liens entre eux.
    Merci.
    Merci, monsieur. C'est vrai.
    Monsieur Goldring.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sedra, vous avez dit à la fin de votre exposé que si le Canada devait se retirer ou si certains pays devaient se retirer, on reviendrait immédiatement — Je pense également que l'on reviendrait au chaos cauchemardesque que l'on a connu. S'il y a une chose dont nous sommes sûrs, c'est probablement bien celle-là. On parle des progrès qui ont été réalisés et beaucoup ont parlé de progrès extrêmement encourageants si l'on considère le nombre de quelque 5 millions d'écoliers qui sont dans les écoles, les installations médicales et beaucoup d'autres institutions et si l'on pense aussi que d'ici 2010 on devrait essentiellement avoir réalisé la réforme judiciaire, les éléments nécessaires à la bonne gouvernance et un certain nombre d'autres choses. Cela ne garantit évidemment pas que tout sera terminé d'ici à 2010 mais, au moins, une bonne partie des choses auront été faites.
    Étant donné les progrès réalisés à cet égard, que diriez-vous de l'évolution générale de la situation? Avez-vous des suggestions sur ce que l'on pourrait faire en plus de ce qui se fait déjà? On mène déjà des efforts considérables.
    Monsieur Sedra.
    Merci.
    Tout d'abord, je vais vous parler du domaine sur lequel porte essentiellement ma recherche, à savoir le développement des capacités en matière de sécurité.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est nécessaire d'accroître sensiblement les investissements dans l'infrastructure judiciaire, qu'il s'agisse de la construction de palais de justice dans tout le pays, au niveau provincial, ou de la formation des juges. Nous sommes très en retard à cet égard. Il y a un besoin énorme, il faut combler ce vide judiciaire.
    Un des gros problèmes est le système correctionnel. Je sais que cela inquiète aussi beaucoup le Canada, surtout depuis que l'on a appris que les détenus étaient transférés à la direction de la sécurité nationale de Kandahar. Le fait est que l'on a consacré très peu d'argent à la reconstruction du système correctionnel. La coalition et le Comité international de la Croix-Rouge se sont récemment penchés sur la question et ont constaté que la grande majorité des prisons du pays sont tout simplement inhabitables, au regard des normes internationales. C'est un autre élément de cet appareil judiciaire auquel on ne prête pas suffisamment attention.
    Évidement, il faudrait que l'on investisse davantage dans la police mais même si nous investissons beaucoup dans ces services, si nous ne réglons pas la question judiciaire, cela ne va pas marcher. Il me semble donc absolument essentiel d'insister sur la primauté du droit : la justice, les services correctionnels et la police.
    Il faut aussi se pencher à nouveau sur la question de la corruption parce que la corruption est liée à la gouvernance. Il faut renforcer la gouvernance au niveau des régions, au niveau local, préconiser de bonnes pratiques, lutter systématiquement contre la corruption au sein de l'administration et exercer un peu plus de pressions sur le président Karzai afin qu'il fasse le nécessaire avec certains des membres de son conseil des ministres et certains des hauts fonctionnaires qui sont notoirement corrompus, à propos desquels on a toutes les preuves voulues et contre qui on ne fait pas grand-chose.
    Voilà certains des domaines où je crois que l'on pourrait faire davantage.

  (1050)  

    Merci.
    Monsieur Gilmore.
    Monsieur Goldring, c'est peut-être là un des rares points sur lesquels je ne suis pas d'accord avec M. Sedra. J'estime que ces questions sont critiques et importantes, mais, pour l'immédiat, l'emploi et la reprise économique devraient être la priorité.
    L'une des choses que nous avons commises dans d'autres situations d'après-conflit, c'est justement de ne pas nous attaquer à la cause de l'instabilité, au fait que si l'on n'a pas de quoi se nourrir régulièrement, si l'on n'a pas de travail, on se laisse attirer par l'extrémisme. Nous avons souvent préféré nous occuper de la protection des droits de la personne, de l'égalité entre les sexes, de justice avant de parer au plus urgent.
    En Afghanistan, à l'heure actuelle, la situation économique est catastrophique et on peut faire quelque chose à ce sujet. J'inviterais ainsi le gouvernement canadien et toute la communauté internationale à réviser ses priorités, à parer à l'essentiel, ce qui n'est certainement pas aussi glorieux dans le monde du développement, mais si l'on crée des emplois dans les cinq à dix prochaines années, on pourra faire beaucoup mieux ensuite en matière de justice.
    Cela dit, à court terme, il est absolument nécessaire de créer un environnement sûr si l'on veut créer des emplois et cela ne veut pas nécessairement dire qu'il faille ensuite passer aux deuxième et troisième priorités.
    Merci, monsieur.
    Nous passons à Mme McDonough.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous messieurs d'être venus. Je voulais simplement dire pour commencer que mon parti et moi sommes tout à fait d'accord avec vous, à savoir que le Canada a un rôle absolument clé à jouer en Afghanistan aujourd'hui et pendant encore longtemps, peut-être 20 ans ou plus.
    La grosse inquiétude que nous avons et que partagent, je crois, beaucoup de Canadiens, c'est que nous nous sommes mis dans une situation désastreuse au Kandahar et que cela menace notre efficacité et notre rôle dans tous les autres domaines où les besoins sont énormes.
    Je commencerai avec vous, monsieur Sedra. Vous dites qu'en fait parmi les éléments essentiels à la reconstruction du pays — et je sais que vous vous spécialisez dans les questions de sécurité — il faut insister sur la primauté du droit, les droits de la personne et la justice. Toutefois, à Kandahar, nous nous sommes associés étroitement tout d'abord à Opération « Liberté immuable », qui est l'antithèse de la justice, des droits de la personne et de la primauté du droit.
    En fait, il s'agit essentiellement d'une mission de revanche et de représailles à laquelle nous nous sommes contentés d'adhérer et dans laquelle nous avons perdu toute identité. Nous pouvons parler autant que nous voulons du fait que nous sommes Canadiens, que nous avons des priorités différentes, des valeurs différentes, des façons de faire les choses différentes. Maintenant, nous avons pris rang au sein d'une force internationale, etc., mais la réalité est qu'il est très difficile de nous sortir d'une situation qui pousse de plus en plus de monde dans les bras des talibans.
    Deuxièmement, nous nous inquiétons aussi beaucoup d'être devenus étroitement associés à la corruption qui est tellement généralisée, jusqu'aux échelons supérieurs du gouvernement de Karzai, qu'encore une fois, nous nous retrouvons, pour différentes raisons, associés à une grande source de craintes et d'insécurité pour la population en Afghanistan et en particulier à Kandahar.
    Je vous poserai deux questions à l'un et à l'autre, après vous avoir dit combien nous nous inquiétons d'être incapables dans une telle situation de jouer les rôles importants que nous devrions jouer. Parlons de notre effort diplomatique car vous avez l'un et l'autre parlé de l'importance de ces trois D et du lien étroit qui existe entre les trois. N'avons-nous pas fait en sorte qu'il est extrêmement difficile que l'on nous considère un partenaire crédible dans une diplomatie robuste en nous associant d'un côté à Opération « Liberté immuable » et, de l'autre, à un gouvernement Karzai corrompu, si bien que les gens ne peuvent pas nous considérer comme un intermédiaire honnête qui pourrait avoir un point de vue équilibré des choses?
    Deuxièmement, j'aimerais savoir ce que vous pourriez avoir à dire sur le fait qu'il n'y a pratiquement aucun effort diplomatique général important permettant de mettre en présence les différentes parties à ces conflits dont la complexité est immense. N'est-ce pas un problème lorsqu'on exclut autant de parties, qu'il s'agisse de tribus — comme les Pacthounes — ou des régions? Il semble qu'il n'y ait rien à quoi nous puissions être crédiblement associés sur le plan diplomatique, qu'il ne se fasse pas grand-chose que l'on pourrait qualifier de diplomatie globale?
    Je suis désolée. Je sais que c'est une question vaste mais je serais très intéressée par vos réactions.

  (1055)  

    Merci, madame.
    Vous n'avez probablement plus le temps de répondre que « oui, non ou peut-être ». Non, je plaisante.
    Allez-y, monsieur Gilmore, mais très vite.
    Je n'accepte pas la description que vous faites de notre mission actuelle à Kandahar où vous ne voyez que revanche et représailles. Je ne suis pas d'accord —
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que nous nous sommes associés très vite à cela et qu'il est ainsi difficile de nous en extirper.
    Je ne crois pas comme vous que nous sommes considérés comme associés à la corruption. Les Afghans sont beaucoup plus au fait de la politique que le Canadien moyen. Ils comprennent les rôles multiples que jouent les donateurs et je pense que nous sommes toujours considérés comme un intermédiaire honnête. Tout influence diplomatique que nous ayons pu avoir, nous la devons à notre engagement militaire important. Si nous n'étions pas engagés militairement, personne ne répondrait au téléphone quand nous appelons.
    Merci, monsieur Gilmore.
    Monsieur Sedra.
    Je suis d'accord avec M. Gilmore. Je ne pense pas que notre mission militaire actuellement, du moins pour le moment, soit considérée comme entièrement associée à l'Opération « Liberté immuable ». On a au moins le sentiment à Kaboul et au-delà que nous faisons partie de cette mission de l'OTAN chargée d'un mandat de l'ONU.
    Je crois qu'il est malheureusement nécessaire pour le moment de prévoir des opérations de combat plus robustes. Cela ne signifie pas pour autant que je suis favorable au recours à l'armée de l'air comme on l'a fait. Évidemment, on a commis de nombreuses erreurs qualifiées de façon euphémique de « dommage collatéral », des erreurs qui ont été très néfastes au processus de reconstruction et à la réputation de la communauté internationale en Afghanistan, notamment à celle du Canada. Je crois donc qu'on doit être plus prudents quant au type d'opérations que l'on mène.
    Je crois toutefois que le Canada n'est pas nécessairement associé aujourd'hui à cela. Je suis d'accord également avec M. Gilmore à propos de la corruption.
    Pour ce qui est de réunir un groupe élargi de partis, c'est certainement un des problèmes, et j'ai dit qu'il était nécessaire d'amener à la table certains des talibans modérés. Un des problèmes de Bonn c'est qu'il ne s'agissait pas d'un accord de paix classique parce que tous les joueurs n'étaient pas à la table. C'était une paix des vainqueurs, qui réunissait l'Alliance du Nord et certains autres seigneurs de la guerre du pays ainsi que certaines factions politiques. Il serait nécessaire d'entreprendre des pourparlers avec un groupe élargi. Toutefois, le gouvernement afghan et non pas nous, non pas les Américains, doit être celui qui dirige un tel processus. Nous ne pouvons que le soutenir.
    Merci.
    Merci beaucoup, messieurs Sedra et Gilmore d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. C'est tout le temps dont ous disposons.
    Nous vous remercions de votre participation à cette étude globale qu'entreprend le comité.
    Nous allons suspendre la séance quelques instants et nous nous occuperons ensuite des affaires du comité.
    Monsieur Sedra, nous allons couper la communication. Merci encore.
    Merci beaucoup.
    Nous allons prendre une pause de deux minutes et nous passerons ensuite aux affaires du comité.

    


    

  (1105)  

    À l'ordre, s'il vous plaît.
    Nous passons aux affaires du comité, pour la 51e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le jeudi 26 avril.
    Nous souhaitons jeter un coup d'oeil au rapport du comité directeur. Y a-t-il des objections au sujet de ce rapport? Nous avons maintenant reçu de notre sous-comité le rapport sur la Chine. Ne me citez pas mais, même s'il voudrait que nous l'adoptions aussi vite que possible, il nous faut tout de même le temps de l'examiner. Je trouve en effet difficile de l'approuver sans que vous ayez l'occasion de regarder cet excellent rapport. Nous l'étudierons le 10 mai.
    Vous remarquerez aussi qu'il y a une réunion au restaurant parlementaire... pour la délégation de la République tchèque. Nous voulions donner à nos greffiers la possibilité et le temps d'organiser cela.
    Le comité se réunira le 1er mai, mardi prochain, pour commencer à préparer le rapport sur le développement démocratique. Cela signifie que vous allez devoir y travailler pendant la fin de semaine. C'est la première partie.
    Nous travaillons toujours la fin de semaine.
    Oui, je le sais.
    Le quatrième point porte sur quelque chose qui a été soulevé la semaine dernière avec la délégation mexicaine en ce qui concerne les affaires étrangères. Une motion a été présentée. Tout d'un coup, les caméras de télévision sont apparues — uniquement pour les affaires du comité — et nous avons ainsi demandé que l'on définisse un peu mieux le préavis raisonnable que doivent nous donner les médias pour ce genre de chose.
    Tout le monde est-il d'accord pour adopter le rapport du comité directeur?
    Des voix: D'accord.
    Nous avons reçu hier avis d'une motion de Mme Lalonde et cette motion est recevable.
    Madame Lalonde, voulez-vous présenter votre motion?

[Français]

    J'ai déposé cette motion, qui me semble dictée par les circonstances et les devoirs du comité. Le ministre nous a annoncé hier qu'il y avait une entente. Cela ne nous empêche pas, bien au contraire, d'adopter cette motion.
    Il faudra commencer par examiner cette entente et comprendre qu'elle ne fait que confirmer toutes les craintes que nous avons exprimées.
    Compte tenu de ces éléments et de plusieurs autres que je pourrais ajouter et que vous connaissez, il nous semble indispensable que nous adoptions cette motion.
    Je sais que M. « Orange », je l'appellerai ainsi —

  (1110)  

    M. Borys...
    Je connais Borys, mais je le connais mieux depuis que le Globe and Mail, encore lui... Il pourra expliquer ce qu'il veut ajouter.
    Merci.

[Traduction]

    Bien, en effet, dès que nous aurons entendu ce que nous devons entendre d'abord. Monsieur Goldring, monsieur Patry et monsieur Wrzesnewskyj.
    Borys va présenter un amendement favorable.
    Oui, c'est un amendement favorable qui dit —
    Un instant, s'il vous plaît. Cela vient-il à la fin de la motion?
    Oui, à la fin, après « rapport » point, on ajouterait :
Nous demandons aussi que le ministère de la Défense nationale fournisse un tableau mensuel complet indiquant le nombre de prisonniers capturés jusqu'ici dans le cadre de notre mission à Kandahar jusqu'ici; combien ont été transférés aux autorités afghanes et, le cas échéant, tout document disponible sur leur situation actuelle.

[Français]

    Puis-je corriger quelque chose?
    Oui, d'accord.
    Ce ne serait pas « Kandahar », mais « depuis le début de la présence », parce qu'on a pu transférer des prisonniers avant. Souvenez-vous que M. Eggleton a déjà eu des problèmes à ce sujet.
    D'accord. Merci.
    [Note de la rédaction: difficultés techniques] Que nous le demandions, c'est notre droit. S'ils ne peuvent pas le donner, ce sera une drôle d'information. On le demande.

[Traduction]

    Ce peut être important mais, ce que je demande, c'est si cela change la teneur de la motion. Vous demandez maintenant de poursuivre la défense. C'est tout à fait différent du début de la motion.
    Je vais passer à M. Goldring.
    La motion me préoccupe à deux égards. Premièrement, le rapport concerne un certain nombre de personnes ayant participé à la mission à Kaboul. Or, la mission étant déjà au maximum de ses capacités, les convoquer ici risquerait d'alourdir indûment le fardeau des autres restés là-bas.
    En second lieu, j'ai des réserves face à la demande de lever toute censure par rapport au contenu du document. Je conteste cela car je me sentirais mal à l'aise pour bien des raisons. Nous nous sommes donnés une charte des droits, et, en l'occurrence, les gens visés par la motion ont le droit d'être protégés. À quelles responsabilités est-ce que je m'expose si je participe à une discussion ou à un rapport qui pourrait entraîner d'autres conséquences? Ça me préoccupe. Devons-nous absolument connaître ces renseignements?
    Je me demande si j'engage ma responsabilité puisque le comité ne peut garantir la confidentialité.
    Ce sont mes deux préoccupations.
    Nous discutons encore à savoir si la motion est recevable avec l'amendement parce que son contenu s'en trouve changé, enfin selon moi. J'estime que la motion est recevable mais non l'amendement. Pour être recevable, il faudrait que nous ayons fait connaître notre intention de la présenter, que nous ayons donné un avis de motion. Donnez-nous ce préavis de 24 heures et nous pourrons nous en saisir mardi. Vous pouvez intervenir à son sujet, mais, en définitive, c'est moi qui trancherai.
    M. Wrzesnewskyj.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    L'amendement ne porte que sur une partie de la motion et cherche à en rendre le libellé plus clair. Si vous vous reportez à la deuxième ligne, il y est écrit, « se saisissent de toute urgence », qui est suivi par « du sort des prisonniers afghans faits par les militaires canadiens ». La motion demande qu'on fournisse des chiffres, alors s'agit-il de 50, de 100?

  (1115)  

    Non, elle ne porte pas vraiment sur un nombre mais bien sur le sort de ces soldats.
    Non, telle est bien la motion; elle porte sur le sort des soldats. C'est moi qui demande un chiffre, un tableau qui nous —
    Non, vous demandez des renseignements sur le nombre de soldats déjà faits prisonniers et sur ceux qu'on prendra à partir de maintenant...
    Non, non. Monsieur le président, sans vouloir le moindrement vous manquer de respect, vous avez peut-être mal compris l'amendement.
    Bien. Dans ce cas, pouvez-vous nous relire l'amendement?
    Oui, monsieur le président.
Nous demandons aussi que le ministère de la Défense nationale fournisse un tableau mensuel complet indiquant le nombre de prisonniers capturés jusqu'ici dans le cadre de notre mission à Kandahar —

[Français]

    Vous enlevez le mot « Kandahar ». Les soldats sont en Afghanistan.

[Traduction]

    — auquel s'ajoute la modification supplémentaire suivante:
combien d'entre eux ont été transférés aux autorités afghanes et, le cas échéant, tout document disponible sur leur situation actuelle.
    Vous voyez, la motion principale porte sur le sort des prisonniers afghans. Quant à savoir s'il s'agit de deux, de trois ou de cinq? C'est ce que demande l'amendement. Il nous aide à chiffrer la question dont traite la motion. Quelle est l'ampleur de la question? Eh bien, la seule façon de le savoir, c'est d'obtenir les renseignements fournis à ce moment-là, et telle est l'intention de l'amendement.
    Je vois ce que vous dites et je comprends vos intentions. Par contre, il s'agit là d'apporter des modifications de fond à une motion qu'on avait déclarée recevable hier après-midi et dont on avait convenu de discuter aujourd'hui. Mais puisqu'il s'agit d'une modification de fond, je me vois dans l'obligation de me prononcer de nouveau sur la recevabilité de la motion. Si on présentait de nouveau la motion — Voici ce que je propose. Si vous étiez prêt à présenter de nouveau la motion, on pourrait en traiter mardi prochain. On prévoira à cette fin...
    Est-ce qu'on avait prévu d'examiner les ébauches de rapport mardi?
    Nous aurons donc amplement le temps d'en discuter mardi. La motion est recevable sous sa forme actuelle, par contre personne ne m'a convaincu pour l'instant que ce que vous demandez au ministère de la Défense ne constitue pas une modification de fond à la motion.
    Madame Lalonde.
    Quelle crise d'identité, aujourd'hui!
    Selon la liste, c'était au tour de Mme Lalonde, et ensuite de Mme McDonough.

[Français]

    L'avis de motion dit ce qui suit: « Que le Comité [...] se saisisse [...] de la question du sort des prisonniers afghans fait par les militaires canadiens [...] »
    Cela veut dire fait par les militaires canadiens depuis qu'ils sont en Afghanistan. Tel est le sens. Le but de la motion de M. « Orange » est de préciser le nombre. On pourrait demander ce nombre mardi prochain, et les témoins pourraient s'attendre à ce qu'on le demande. Selon moi, cet amendement est acceptable, mais c'est vous qui présidez, monsieur le président. De toute façon, on pourra y revenir parce que la motion dit « Que le Comité [...] se saisisse [...] de la question du sort des prisonniers afghans [...] »

[Traduction]

    Je vais céder la parole à Mme McDonough, mais d'abord je veux préciser que la motion se lit comme suit « se saisisse de toute urgence de la question du sort des prisonniers afghans fait par les militaires canadiens ». Un paragraphe suffit. « Le sort des prisonniers afghans est— »
    Je ne demande pas qu'on présente un rapport sur chaque soldat. Mais vous, vous demandez à ce qu'on aille un petit peu plus loin. Vous demandez à ce qu'un autre ministère nous fasse rapport sur le nombre de soldats, et ce qu'on veut savoir —
    Madame McDonough.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, je ne suis simplement pas en accord avec votre interprétation des choses. Nous avons devant nous une motion dont le fond vise à ce qu'on se saisisse de toute urgence de la question du sort des prisonniers afghans fait par les militaires canadiens et livrés aux autorités afghanes. La motion se poursuit en précisant diverses façons d'y parvenir.
    Tout d'abord, on pourrait inviter les fonctionnaires qui ont rédigé le rapport à comparaître. Deuxièmement, on pourrait demander à ce qu'une version non censurée de ce rapport précis soit publiée. Troisièmement, on pourrait demander de plus amples renseignements; en d'autres mots, on pourrait davantage nous attaquer au fond de la question. La motion ne vise pas une autre question distincte ou différente. Quatrièmement, je tiens à présenter un autre amendement favorable. Notre objectif est d'examiner cette importante question de très près. Le fond de la motion est présenté sur les trois premières lignes, tandis que les autres parties de cette dernière portent sur les divers aspects de cette question qui méritent notre attention, ainsi sur les diverses façons de s'y prendre.
    J'ai déjà fait savoir mon intention de présenter un amendement favorable qui aurait, de toute évidence, été pris en compte par les motionnaires des autres parties de la motion. Alors, quatrièmement, que le gouvernement dépose les trois ententes que le Canada aurait conclues avec le gouvernement afghan en ce qui touche le traitement des détenus. Cela nous permettra d'avoir une vue d'ensemble de la question.
    Si on ne veut pas préciser un ministère en particulier, c'est parce que nous avons été témoins hier de la comédie burlesque qui s'est déroulée devant ce comité. Le ministre de la Défense nationale, le chef d'état-major et le ministre des Affaires étrangères se sont tous plus ou moins refilés la responsabilité en disant, « Ce n'est pas à moi de..., c'est plutôt à lui... », ou «  c'est du ressort de quelqu'un d'autre. »
    En quoi consistent les ententes, notamment celles dont on a parlé hier? Tout cela a semé beaucoup de confusion. Nous avons, à mon avis, un devoir en tant que membres de ce comité, c'est de se pencher sur l'entente que le gouvernement a conclue avec le gouvernement afghan dans le cadre de notre examen du sort des prisonniers afghans.

  (1120)  

    Je vais demander à M. Khan et à M. Casey —
    Je vais demander à l'opposition s'il n'y aurait pas moyen soit d'adopter cette motion et de présenter une deuxième motion portant sur la deuxième partie, soit de patienter jusqu'à mardi, de reformuler la motion pour qu'elle traite de tous ces aspects, et ensuite de la présenter.
    Cette modification de fonds me pose problème. Vous savez, lorsque je reçois une motion comme celle que j'ai reçue hier après-midi, et bien je l'examine, et je demande à la greffière si la motion est recevable et si elle a été présentée à temps. En l'occurrence, la réponse est oui. Par contre, lorsqu'on présente un premier amendement favorable, pour ensuite en présenter un autre, enfin bref, si on tente de modifier la motion de façon importante... Je demande simplement à ce qu'on reporte le vote sur cette motion à la réunion de mardi où vous aurez l'occasion de proposer une motion qui vous convient... pourvu bien sûr qu'elle soit recevable.
    M. Khan, M. Casey, et Mme Lalonde.
    Vous avez presque tout dit, monsieur le président, mais je tiens également à vous faire remarquer que cette motion, qui est recevable, vise un rapport existant du ministère des Affaires étrangères. L'amendement mentionne plutôt le ministère de la Défense nationale.
    Si, comme vous l'avez dit, ils veulent que les deux ministères soient visés, et bien, on pourra en discuter mardi.
    Monsieur Casey.
    Je voulais dire plus ou moins la même chose. L'amendement n'est pas recevable. Il ne se conforme pas à la motion de départ.
    Il doit s'agir de deux motions distinctes, car on vise des ministères distincts, et des gens différents.

[Français]

    Madame Lalonde.
    Je veux dire d'abord à Mme McDonough que nous avons deux des trois ententes. L'entente dont a parlé le ministre hier n'existe peut-être pas par écrit, d'après les informations qui ont été prises, mais j'ai cité les deux autres parce que je me les suis procurées facilement. Au lieu de trois, on pourrait dire « l'entente sur l'amendement ».
    Monsieur le président, c'est vous qui décidez. On est d'accord sur le fond, mais je préférerais qu'on adopte le mien aujourd'hui, afin que vous soyez en mesure de faire les démarches, avoir rapidement le rapport et entendre les personnes.

[Traduction]

    Monsieur Patry, s'il vous plaît.
    Je me suis entretenu avec Monsieur — non pas M. Orange, ou Borys, mais plutôt avec M. Wrzesnewskyj, et nous sommes arrivés à la conclusion suivante: nous allons donc retirer notre amendement et demander à ce que la motion principale soit mise aux voix.
    Madame McDonough.
    Je suis d'accord. On veut donc traiter des deux premières parties. On reviendra aux parties connexes à une autre occasion.
    (L'amendement est retiré)
    Le comité reste saisi de la motion. La motion est recevable.
    Mme Lalonde s'est déjà prononcée sur la motion. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui aimerait se prononcer sur la motion?
    Sommes-nous prêts à la mettre aux voix?
    Madame Lalonde.

[Français]

    Est-ce un vote par appel nominal?

  (1125)  

[Traduction]

    Oui, un vote par appel nominal —
    Des voix: Non.

[Français]

    D'accord, laissez tomber.

[Traduction]

    D'accord.
    (La motion est adoptée [Voir le Procès-verbal]
    Monsieur Eyking.
    Avant de terminer la séance, monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Hier, vous m'avez interrompu alors que je m'entretenais avec le ministre de la Défense nationale. Je tiens à vous faire part officiellement de mon mécontentement et, permettez-moi de vous suggérer que si vous voulez exprimer votre opinion au sujet d'un témoin à l'avenir vous quittiez le fauteuil du président. Cela vous permettra de faire valoir votre opinion. Je trouve que les propos que j'ai adressés au ministre hier ont été pris hors contexte.
    Il s'agit simplement d'un conseil, monsieur le président.
    J'accepte ce conseil.
    Toutefois, je veux vous faire remarquer que d'après les bleus, ce que vous tentiez de dire contredisait le texte que vous citiez. Il est de mon devoir de faire régner l'ordre aux séances du comité. Il y a peut-être eu malentendu. Toutefois, lorsqu'un député dénature le sens d'une citation, il incombe au président de maintenir l'ordre.
    Vous vous êtes ingéré pendant que j'avais la parole et, à mon avis, c'était inadmissible.
    D'accord. Je vais en tenir compte.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.