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SSLR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 16 mai 2005




» 1740
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         M. Roy Jones (directeur, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada)

» 1745

» 1750

» 1755

¼ 1800
V         Le président
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC)
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones

¼ 1805
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)

¼ 1810
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones

¼ 1815
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         M. Roy Jones

¼ 1820
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Roy Jones
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Roy Jones
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Roy Jones
V         L'hon. Hedy Fry

¼ 1825
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones

¼ 1830
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle

¼ 1835
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Roy Jones

¼ 1840
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger

¼ 1845
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Roy Jones
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry

¼ 1850
V         M. Roy Jones
V         L'hon. Hedy Fry
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry
V         Le président
V         M. Roy Jones

¼ 1855
V         Le président
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones

½ 1900
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         M. Art Hanger
V         M. Roy Jones
V         Le président
V         Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité)
V         M. Roy Jones
V         Mme Lyne Casavant
V         M. Roy Jones
V         Mme Lyne Casavant
V         Le président
V         M. Roy Jones
V         Le président










CANADA

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 031 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 16 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

»  +(1740)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): La séance est ouverte. Il s'agit de la 31e réunion du Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile. Notre témoin de ce soir est M. Roy Jones, de Statistique Canada.

    Selon notre procédure habituelle, je vous invite, M. Jones, à nous présenter un exposé pendant une dizaine de minutes, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Il y aura un premier tour de sept minutes pour la question et la réponse, puis des séquences de trois minutes.

    Allez-y quand vous serez prêt.

+-

    M. Roy Jones (directeur, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est toujours un plaisir d'être invité à comparaître devant le comité, et je vous remercie de l'invitation de ce soir.

    Je commencerai par un bref aperçu des statistiques concernant les articles 210 à 213 du Code criminel, à partir des données recueillies lors de quatre enquêtes nationales réalisées par Statistique Canada.

    Le programme de déclaration uniforme de la criminalité a commencé à fonctionner en 1962. Cette enquête recueille des données sur les incidents criminels relevant du Code criminel et de la législation fédérale, notamment de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les incidents signalés ont fait l'objet d'une enquête de police. Les données de la police ont été fournies jusqu'en 2003. C'est la dernière année pour laquelle nous ayons publié des statistiques. Les chiffres nationaux de 2004 seront disponibles en juillet cette année.

    La deuxième enquête dont je parlerai est l'Enquête sur les homicides; c'est un recensement national des homicides signalés par la police. Les données indiquent l'année au cours de laquelle l'homicide a été signalé par la police, et non pas l'année du décès. L'enquête recueille des données sur la victime et sur l'accusé dans le cas des homicides résolus.

    La troisième catégorie de données dont je vais parler sont recueillies dans le cadre de l'Enquête auprès des tribunaux de la jeunesse. Il s'agit d'une enquête sur toutes les affaires jugées par les tribunaux de la jeunesse au Canada et impliquant des jeunes de 12 à 17 ans. Les données sont transmises au cours de l'année où la décision est rendue.

    Enfin, des données sont recueillies dans le cadre de Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, qui porte sur les procès jugés jusqu'à l'exercice financier 2003-2004. Bien qu'il s'agisse censément du recensement de toutes les affaires jugées par les tribunaux criminels pour adultes, cette enquête est en fait... Elle n'est pas menée partout au Canada; c'est pourquoi les données présentées dans le document se limitent à sept provinces et un territoire, ce qui permet d'assurer l'uniformité entre tous les répondants sur lesquels je fournirai des données aujourd'hui. Ils ont fourni des données de façon constante depuis 1994-1995. Au total, ces huit districts juridictionnels représentent environ 80 p. 100 de l'ensemble des affaires jugées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. Il s'agit de Terre-Neuve-et-du-Labrador, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Yukon.

    Je signale également d'emblée que ces données ne représentent que les incidents signalés par la police et soumis au système judiciaire; elles ne doivent pas être considérées comme une mesure globale de la prévalence des infractions en matière de prostitution.

    J'aimerais passer au premier graphique de la page 2. Il représente les tendances et les taux par 100 000 habitants des incidents en matière de prostitution de 1980 à 2003. Le graphique montre bien que les infractions en matière de communications prédominent depuis l'entrée en vigueur de l'article 213 en 1985. Au cours de chacune des cinq dernières années, la police a signalé de 15 à 16 incidents relatifs à l'article 213 par tranche de 100 000 habitants. C'est à peu près la moitié du taux observé à la fin des années 80 et au début des années 90, après l'entrée en vigueur de cette disposition.

    Malgré la diminution générale du taux et si l'on ne considère que la dernière année figurant sur ce graphique, à savoir 2003, il apparaît nettement que la grande majorité des incidents de prostitution signalés par la police concernent la communication visée par l'article 213. Au total, il y a eu presque 5 200 incidents de cet ordre, contre 335 incidents de proxénétisme et 133 incidents concernant des infractions relatives à une maison de débauche.

    Les taux des incidents concernant les infractions relatives à une maison de débauche ou au proxénétisme ont été au maximum d'un pour 100 000 habitants, c'est-à-dire qu'il s'agit de chiffres et de taux de prévalence modestes, d'après les cas signalés par la police.

    Pour contextualiser ces chiffres, la police a signalé en 2003 près de 2,6 millions d'infractions au Code criminel, à l'exclusion des délits de la route visés par le Code criminel, ce qui représente un taux d'environ 8 100 par 100 000 habitants; l'application de ces trois articles représente donc une très petite partie de l'activité de la police.

    Au graphique no 3, on commence à voir la répartition des incidents signalés. Dans tous ces graphiques, les incidents concernant un homme sont représentés en bleu, les incidents concernant une femme étant représentés en vert.

»  +-(1745)  

    On voit ici le pic du nombre de personnes accusées par la police après l'entrée en vigueur de l'article 213 en 1985. Les cas d'infractions à l'article 213 représentent plus de 90 p. 100 des infractions signalées par la police en matière de prostitution. Le nombre des personnes accusées d'infractions en matière de communication a diminué aussi bien pour les hommes que les femmes adultes, ainsi que pour les jeunes. Dans l'ensemble, le nombre des personnes accusées d'affaires de communication a diminué de 70 p. 100 depuis le pic de la fin des années 80 et du début des années 90 et le total est passé d'un peu plus de 10 000 à un peu plus de 3 000.

    En 2003, la dernière année représentée sur ce graphique, 99 p. 100 des personnes accusées d'affaires de communication étaient adultes au moment où l'incident a été signalé. La proportion est très semblable en ce qui concerne les infractions relatives à une maison de débauche ou au proxénétisme. Un peu plus de la moitié des adultes accusés d'affaires de communication, soit 55 p. 100, étaient des femmes. Bien que l'indication n'apparaisse pas sur ce graphique, près des trois quarts des personnes accusées d'une infraction relative à une maison de débauche étaient des femmes, alors qu'un tiers seulement des personnes accusées de proxénétisme étaient des femmes.

    En ce qui concerne les jeunes, le nombre de jeunes accusés d'une infraction en matière de prostitution par rapport au total des accusations est inférieur à 1 p. 100. Au cours des dix dernières années, le nombre de jeunes accusés a constamment diminué et à la fin de la période représentée sur ce graphique, en 2003, le total des jeunes était de 40. La plupart d'entre eux ont été accusés en vertu de l'article 213, et moins de dix ont été accusés pour proxénétisme ou pour tenue d'une maison de débauche.

    Au graphique 4, nous donnons la répartition selon l'âge des quelque 1 600 femmes accusées en vertu de l'article 213 en 2003. Près de 2 p. 100 d'entre elles étaient des jeunes. La proportion est la même pour les personnes de plus de 50 ans. Plus de 80 p. 100 des femmes accusées d'affaires de communication étaient âgées de 18 à 39 ans et plus d'une sur quatre étaient âgées de 18 à 24 ans.

    Au graphique cinq, nous avons de l'information concernant les quelque 1 500 hommes accusés en vertu de l'article 213 en 2003. Par rapport aux femmes, les hommes accusés en vertu de l'article 213 sont nettement plus vieux. La répartition par tranche d'âge est plus constante, 60 p. 100 des hommes accusés étant âgés de 18 à 39 ans, contre 80 p. 100 des femmes; environ 4 hommes sur 10 accusés en vertu de l'article 213 avaient 40 ans ou plus. Un sur 10 avait 55 ans ou plus.

    Au graphique six, nous voyons maintenant les incidents de communications exprimés par tranche de 100 000 habitants dans les régions métropolitaines de recensement. Il s'agit des régions qui présentaient les taux les plus élevés en 2003 et elles sont classées en ordre décroissant de la gauche à la droite. Vous remarquerez que les taux de Toronto et de l'Ontario sont assez conformes au taux général canadien, soit environ 16 pour 100 000. Le tableau indique nettement que les taux les plus élevés pour les infractions de communications se trouvent dans l'Ouest canadien. C'est ce que confirment les données pour les autres formes de criminalité que nous recueillons; les taux sont généralement supérieurs dans les provinces et les villes de l'Ouest par rapport aux provinces de l'Est et au Québec.

    L'écart important entre les taux de 2002 et de 2003 pour la plupart des régions métropolitaines du Centre indique que le nombre d'incidents de prostitution signalés par la police varie d'une année à l'autre en fonction des pratiques policières. Nous savons également que la prostitution est un phénomène essentiellement urbain; 71 p. 100 des incidents de communications en 2003 concernaient quatre régions métropolitaines de recensement, à savoir Vancouver, Toronto, Edmonton et Montréal. À elles quatre, ces villes représentent environ 37 p. 100 de la population canadienne.

»  +-(1750)  

    Au tableau sept, nous avons les homicides dont sont victimes des personnes prostituées. Dans l'ensemble, de 1994 à 2003, la police a signalé un total de 79 homicides. Je signale que les incidents déclarés ne concernent que des personnes prostituées victimes d'homicides dans le cadre de leur activité professionnelle. En tout, 92 p. 100 des victimes étaient des femmes, 5 p. 100 étaient des hommes et 3 p. 100 étaient des jeunes femmes. Il n'y a pas eu de jeunes victimes masculines au cours de cette période.

    Le pic du nombre des homicides de prostitués au cours des deux dernières années résulte de l'enquête policière en cours à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. Il y a eu un total de 15 homicides signalés en 2002 et de 6 en 2003, ce qui représente plus du quart du total de la période. Le décès des victimes, comme je l'ai dit, peut s'être produit au cours d'une année antérieure, mais ces données concernant l'année où la police a signalé l'homicide à l'enquête nationale.

    Sur les 79 homicides perpétrés au cours des dix dernières années et dont la victime était une personne prostituée, les trois quarts se sont produits dans les six régions métropolitaines suivantes : Vancouver, Edmonton, Toronto, Montréal, Winnipeg et Ottawa-Gatineau.

    Une analyse effectuée au milieu des années 90 a établi que sur l'ensemble des homicides de personnes prostituées victimes de leur activité professionnelle, 86 p. 100 ont été commis par un client, les autres ayant été commis par un proxénète ou par une personne impliquée dans le commerce illégal de la drogue. Malheureusement, cette analyse n'a pas été renouvelée depuis lors, mais nous supposons que si elle l'était aujourd'hui, les proportions seraient assez semblables.

    Le graphique no 8 indique les tendances en ce qui a trait aux causes soumises aux tribunaux pour adultes et l'on voit que le nombre des procès intentés à des hommes et à des femmes pour des affaires de communication a diminué au cours des dernières années, atteignant un total inférieur à 2 000 en 2003-2004. Le nombre de procès intentés contre des femmes s'établit à 670, soit une diminution de plus de 50 p. 100 par rapport aux 1 500 cas de 1995-1996. Pour les hommes, il y a eu un peu plus de 900 procès au cours de l'année la plus récente, soit une diminution d'un cinquième par rapport à l'année précédente et d'environ 40 p. 100 par rapport à 1995-1996.

    Je vous rappelle que ces données concernent l'activité de la justice provinciale dans huit districts juridictionnels qui représentent au total environ 80 p. 100 de l'ensemble des dossiers traités par les tribunaux criminels pour adultes au niveau national.

    Le tableau no 9 indique le sens dans lequel les tribunaux ont tranché et nous constatons que la majorité des affaires de communications se traduisent par un verdict de culpabilité. En 1994-1995 et 1995-1996, il y a eu cinq verdicts de culpabilité dans les tribunaux pour adultes pour chaque cause suspendue ou retirée. De 1996 à 1999, le nombre d'affaires jugées n'a pas beaucoup évolué, mais il y a eu une diminution marquée du nombre d'affaires se soldant par un verdict de culpabilité et une diminution constante du nombre d'affaires suspendues ou retirées.

    Cette convergence dans l'issue des affaires a persisté, mais à un taux légèrement inférieur alors que le total des affaires soumises à la justice a marqué une diminution depuis 1998-1999. En 2003, il y a eu un peu plus de causes suspendues ou retirées que de verdicts de culpabilité.

    Au tableau no 10, nous avons les décisions des tribunaux pour adultes selon le sexe de l'accusé pour 2003-2004, et nous voyons une quasi-symétrie entre les verdicts de culpabilité et les causes suspendues ou retirées. Cette symétrie n'est pas conforme à la parité entre les hommes et les hommes quant à l'issue du procès.

    Les statistiques indiquent que dans les causes impliquant des hommes, 29 p. 100 des causes fondées sur l'article 213 se traduisent par un verdict de culpabilité, alors que dans la majorité des cas, les accusations sont suspendues ou retirées. En revanche, les causes impliquant des femmes se soldent par un verdict de culpabilité dans 68 p. 100 des cas, soit environ les deux tiers.

»  +-(1755)  

    Pour les hommes, le cas échéant, on leur offre la possibilité, dans le cas d'une première arrestation, d'assister à ce qu'on appelle une école pour clients, auquel cas l'accusation pour communication peut être suspendue ou retirée. Pour les deux sexes, les cas d'acquittement sont très peu nombreux; vous voyez qu'ils apparaissent à peine sur le graphique. En effet, la police procède à des opérations clandestines qui fournissent des preuves très solides aux fins des poursuites.

    Le tableau 11 indique les tendances des décisions fondées sur l'article 213 qui ont entraîné une incarcération. Contrairement à la répartition de l'ensemble de ces infractions selon le sexe, où les chiffres des hommes correspondaient à peu près à ceux des femmes, on voit qu'il y a chez les femmes plus de condamnations et de sentences d'emprisonnement après condamnation sur verdict de culpabilité que chez les hommes. Il y a eu diminution du nombre de causes et de causes se soldant par un verdict de culpabilité depuis 1988-1989, et on constate parallèlement une diminution des sentences d'emprisonnement aussi bien pour les femmes que pour les hommes. Cette diminution est plus forte pour les femmes. En 2003-2004, le nombre de femmes condamnées à l'emprisonnement en vertu de l'article 213 dans les huit provinces et territoire pour lesquels nous avons des données est tombé à environ 200, soit environ dix fois plus que l'équivalent masculin.

    Le tableau 12 indique les sentences les plus lourdes pour les infractions de communication en 2003-2004. On constate que les sentences pour communication prononcées contre des femmes sont plus lourdes que celles prononcées contre les hommes, et c'est sans doute parce qu'en moyenne, elles ont davantage de condamnations antérieures et d'accusations multiples. Trente-huit pour cent des femmes trouvées coupables de communication ont été condamnées à la prison, contre 6 p. 100 d'hommes. Chez 38 p. 100 des hommes, l'amende était la sentence la plus lourde. Ce n'était le cas que pour 15 p. 100 seulement des femmes. Une forte proportion d'hommes et de femmes trouvés coupables ont reçu au maximum une sentence de probation.

    Le tableau 13 indique la durée de l'emprisonnement au cours des dernières années. On voit que presque tous les hommes et les femmes condamnés à la prison pour une infraction à l'article 213 l'ont été pour un mois ou moins. Les condamnations à plus d'un mois sont très rares.

    Le tableau 14 indique la durée des peines de probation au cours de la même année. On voit que les femmes ont été condamnés à la probation dans 36 p. 100 des cas et que leur période de probation était plus longue que chez les hommes. Chez ces derniers, il y a à peu près autant de périodes de probation de six mois ou moins que de périodes de six moins à un an. Moins d'un homme sur dix a été condamné à la probation pour plus d'un an. En revanche, une femme sur cinq condamnée à la probation l'a été pour plus d'un an. Environ 60 p. 100 d'entre elles l'ont été pour une durée de six mois à un an.

    Enfin, le tableau 15 indique le montant des amendes imposées. On voit que les hommes et les femmes condamnés à l'amende ont dû le plus souvent verser un montant de 100 à 300 $. L'amende a été imposée deux fois plus souvent à des hommes qu'à des femmes et les hommes condamnés à une amende pour une infraction à l'article 213 étaient un peu plus nombreux que les femmes. Un quart des hommes ont dû payer plus de 300 $, contre 17 p. 100 des femmes.

    Ces chiffres ne comprennent pas la répartition des sentences pour proxénétisme et pour tenue d'une maison de débauche, qui sont très peu nombreuses. De même, les causes des tribunaux de la jeunesse concernant les articles 210 à 213 sont très peu nombreuses et statistiquement non significatives.

¼  +-(1800)  

    J'aimerais signaler, en terminant, que si on a amorcé récemment la collecte de données sur les maisons de transition et les refuges au Canada, de même que sur les victimes de crimes au Canada, il s'agit d'enquêtes commanditées. On ne recueille que des données sommaires. Nous avons certaines données, bien qu'elles soient limitées, sur la clientèle de ces services importants. Malheureusement, comme nous ne recueillons pas de données sur la profession des personnes, nous n'avons aucune information sur l'utilisation de ces services par des prostitués. Il est également très difficile d'évaluer combien des personnes prostituées ont recours à ces services en se fondant, par exemple, sur des entrevues réalisées dans ces centres de services.

    Voilà qui termine mon exposé statistique. Je répondrai volontiers à vos questions.

+-

    Le président: Monsieur Jones, avant de commencer votre exposé, vous avez fait une mise en garde. Pourriez-vous la répéter?

+-

    M. Roy Jones: J'ai signalé que ces statistiques reposent sur les cas signalés à la police et les affaires traitées par les tribunaux. Elles ne sont pas représentatives de la prévalence des activités ou des infractions relatives à la prostitution dans l'ensemble de la population.

    Nous n'incluons pas les incidents non déclarés, mais seulement ceux qui sont consignés officiellement par la police et pris en compte dans les enquêtes statistiques.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Hanger, vous avez sept minutes.

+-

    M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC): Merci.

    Je vous remercie de l'information considérable que vous nous avez présentée.

    J'aimerais bien comprendre la question de la communication. Bien sûr, avant 1985, on parlait de racolage, n'est-ce pas? Depuis 1985, on parle plutôt des dispositions sur la communication? Les statistiques ont-elles été consignées en fonction de cette différence?

+-

    M. Roy Jones: Oui.

+-

    M. Art Hanger: Le tableau qui figure à la page 8 de votre document illustre les tendances des affaires relatives à la communication portées devant les tribunaux pour adultes. J'imagine qu'il s'agit du nombre d'affaires inscrites au rôle judiciaire. En 1994-1995, un peu plus de 1 400 hommes et un peu moins de 1 400 femmes ont été inscrits au rôle.

    Est-ce ainsi qu'il faut interpréter ce graphique?

+-

    M. Roy Jones: Il s'agit plutôt du nombre d'affaires réglées au cours de cette année-là, c'est-à-dire des affaires menées jusqu'à l'aboutissement de processus.

+-

    M. Art Hanger: D'accord. Le graphique illustre ces statistiques sur plusieurs années. On peut donc dire qu'il y a eu, grosso modo, 1 400 affaires de ce genre, un plus dans certains cas, un peu moins dans d'autres.

    Comparons le graphique pour 1994-1995 et le nombre d'accusations portées... J'imagine qu'il s'agit du nombre de personnes accusées. Les années se succèdent et certaines affaires se prolongent pendant l'année suivante, ce qui doit être la règle dans tous les cas. Or, d'après les données, le nombre de personnes mises en accusation et le nombre de personnes traduites devant les tribunaux sont très différents. Pourquoi cette disparité?

+-

    M. Roy Jones: L'étendue de ces deux enquêtes nationales n'était pas la même. En ce qui concerne l'information judiciaire, pour pouvoir établir des tendances temporelles en fonction d'un ensemble compatible de provinces et territoires, nous n'avons inclus que sept provinces et un territoire dans les statistiques sur les affaires portées devant les tribunaux pour adultes. Malheureusement, nous ne pouvons faire de regroupement direct entre le nombre d'accusations portées par la police et le nombre d'affaires réglées par les tribunaux. C'est ce qui explique l'écart important entre le nombre d'accusations portées par les corps policiers et le nombre d'affaires jugées par les tribunaux pour adultes pendant chacune de ces années.

¼  +-(1805)  

+-

    M. Art Hanger: La différence est énorme. D'après ces chiffres, d'après ces tableaux, probablement moins de la moitié des personnes contre lesquelles la police porte des accusations comparaissent finalement devant les tribunaux. Dans ces conditions, n'est-il pas difficile de bien évaluer les données?

+-

    M. Roy Jones: C'est pourquoi il est difficile pour nous d'examiner intégralement le processus judiciaire. La distribution présentée ici en ce qui concerne les séries chronologiques ne vise qu'à illustrer certaines tendances observables dans ces provinces et territoires compatibles, d'après le nombre d'affaires judiciarisées et leur issue. Malheureusement, nous n'avons pas pour cette période des données sur toutes les régions du pays. Il s'agit d'éléments différents de l'appareil judiciaire; vous avez tout à fait raison de dire qu'il ne s'agit pas des mêmes séries d'incidents dans chaque cas. En présentant l'information judiciaire sous cette forme, nous voulions illustrer certaines tendances qui se dégagent d'un ensemble de provinces et territoires. Nous avons voulu illustrer la situation au Canada plutôt que d'en présenter un tableau définitif.

+-

    M. Art Hanger: Très bien.

    Revenons maintenant au deuxième tableau, intitulé « Tendances des affaires de prostitution, 1980 à 2003 ». Bien entendu, les choses ont évolué de 1980 à 1985. Il y avait une certaine constance pendant cette période en ce qui concerne les dispositions sur les maisons de débauche, sur le racolage—c'est-à-dire l'article 212—et la communication, que l'on appelait plutôt à l'époque racolage. Puis, les articles du Code criminel sur la communication ont été adoptés, remplaçant les dispositions sur le racolage, ce qui a entraîné certains changements au chapitre des exigences et du rassemblement des preuves. Et à ce moment-là, il y a une véritable montée en flèche.

    Qu'est-ce qui explique ce bond spectaculaire?

+-

    M. Roy Jones: Après l'adoption des dispositions sur la communication, il est devenu beaucoup plus facile de porter des accusations de communication, plutôt que des accusations de racolage. Les corps policiers ont immédiatement multiplié les mesures de répression que les nouvelles dispositions permettaient. Selon toutes nos données policières—et nous avons examiné l'information remontant à 1980—les corps policiers ont exercé avec enthousiasme les nouveaux pouvoirs que leur conférait l'article 213.

+-

    M. Art Hanger: Bon.

    Je suis très intéressé par la période qui a précédé 1985, parce qu'elle nous apprend beaucoup de choses. Je ne pense pas que toutes les données présentées brossent un tableau complet de la situation. Le graphique 7, « Homicides sur des prostitués et prostituées », montre bien l'évolution des tendances de 1994 à 2003. Il semble qu'il y a eu beaucoup plus d'homicides avant 1994 que ne l'indique ce graphique, mais je ne le sais pas avec certitude.

    Pourquoi n'y a-t-il pas plus de tableaux qui remontent jusqu'en 1980? Cela nous permettrait de comparer des événements—le taux d'homicides et peut-être aussi le taux d'arrestations—avant l'entrée en vigueur des dispositions sur la communication afin de pouvoir bien comprendre l'évolution de la situation?

    Pourquoi ces données ne sont-elles pas incluses dans ces tableaux?

+-

    M. Roy Jones: Elles n'ont pas été exclues délibérément. Ces données existent bel et bien et je pourrais les communiquer à votre sous-comité.

+-

    M. Art Hanger: Les données remontant à environ 1980?

+-

    M. Roy Jones: Assurément.

+-

    M. Art Hanger: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Hanger.

    Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour.

    Je voudrais revenir au tableau 2. Ce qui me frappe dans ce tableau, c'est que la situation est très stable sur le plan du proxénétisme. Est-ce parce qu'il y a très peu de proxénètes ou parce qu'ils ne sont pas détectés? Est-ce parce qu'on va au plus facile et qu'on ne prend pas la peine de les rechercher? Sur le plan de la communication, la loi permet d'arrêter facilement des gens. Sur le plan du proxénétisme, c'est peut-être un peu plus difficile. Croyez-vous que mon interprétation est bonne?

¼  +-(1810)  

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Il ne serait pas approprié que je réponde à cette question, car je suis un représentant de Statistique Canada. Nous ne pouvons commenter que les rapports portant sur les activités d'application de la loi. Nous ne pouvons pas commenter les comportements ni les directives policières relatives à l'application de ces dispositions de la loi. Je suis désolé.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: On voit qu'en 1994, il y eu a une baisse sur le plan de la communication. Est-ce qu'on connaît la raison de cette baisse?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Je n'ai pas la ventilation par provinces et territoires qui ont fait état d'une baisse marquée en 1994. Nous pourrions isoler ce renseignement dans nos statistiques et déterminer où l'essentiel de cette diminution est survenu.

    Comme je l'ai dit dans ma déclaration, beaucoup de ces données sont tributaires de la culture locale et des politiques en vigueur dans les régions où les statistiques sont recueillis. Elles dépendent beaucoup des priorités de la population locale et de l'activité des médias. Je suppose qu'un facteur d'une certaine ampleur a eu lieu pendant cette période, ce qui expliquerait une baisse aussi nette. Nous devrons examiner individuellement les rapports des corps policiers pour savoir exactement ce qui est arrivé, mais je n'ai pas la ventilation nécessaire avec moi aujourd'hui.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Dans le même graphique, on voit que la situation est stable sur le plan de la communication. La ligne devient presque droite à un moment donné. Répondez-vous sensiblement la même chose à cela?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Les taux sont restés relativement stables. Le taux en soi—le nombre de cas pour 100 000 personnes—est un outil de mesure assez grossier et il fluctue sensiblement d'un corps policier à l'autre. Il reste cependant qu'à l'échelle nationale, ce taux est assez stable depuis cinq ou sept ans.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Il y a quelque chose que je ne comprends pas bien à la page 7. On voit que le nombre de victimes d'homicide est vraiment très peu élevé. Le maximum est de 18. Vous nous avez dit que cela représentait le nombre d'homicides déclarés par la police, si j'ai bien compris. On sait que les cas à la ferme Picton, entre autres, ont fait exploser les statistiques. Est-ce que ces cas ont été inclus dans les chiffres de ce tableau? S'ils ne l'ont pas été, est-ce parce qu'ils n'ont pas été résolus?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: C'est juste. Je rappellerais par ailleurs que ces statistiques n'englobent que les homicides où la profession de la personne avait un lien direct avec l'homicide. De plus, elles sont fondées sur l'année où l'homicide a été déclaré et non sur l'année pendant laquelle il s'est produit. Encore une fois, ces statistiques ne donnent pas une idée juste de la fréquence d'agression ou du meurtre de prostitués.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: J'ai beaucoup de questions parce que vos propos m'ont intéressée. Je vois à la page 3 que très peu d'adolescents ont été accusés dans des cas de communication. Pourtant, on nous dit qu'on entre très jeune dans la prostitution. Cela m'a semblé un peu étrange. Dois-je comprendre que la façon dont les jeunes sont dirigés vers les services sociaux fait qu'ils ne sont pas inclus dans vos statistiques?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Les jeunes sont nombreux, plus nombreux que les adultes, à voir le traitement de leurs cas déjudiciarisé très tôt dans le processus. Ils seraient inclus dans les statistiques si cette déjudiciarisation était officielle. Nous présenterions ces cas comme des affaires ayant abouti à un acquittement plutôt qu'à une mise en accusation.

    Mais évidemment, ce qui arrive très souvent dans le cas d'un adolescent, s'il en est à ses premiers démêlés avec la justice, au premier incident connu, c'est que son cas est traité de façon extrajudiciaire. Si le jeune a moins de 18 ans, l'affaire est beaucoup plus susceptible d'être retirée du système judiciaire et le jeune, d'être dirigé vers des services sociaux ou communautaires. Les statistiques sont donc susceptibles de sous-estimer le nombre de contacts du jeune avec la police, par rapport à ce qui se passe dans le cas des adultes. C'est vrai.

¼  +-(1815)  

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Très bien.

    À la page 5, on voit l'âge des accusés de sexe masculin. Comme vous nous le disiez, il y a des hommes un peu plus âgés. On voit que les hommes sont un peu plus âgés que les femmes. Est-ce que ces accusés sont tous des clients ou s'il y a parmi eux des prostitués mâles?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Non, cette distribution n'inclut que les clients, pas les travailleurs ou travailleuses du sexe.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: On voit que les femmes condamnées ont des peines plus lourdes que les hommes. Savez-vous pourquoi? Est-ce parce qu'il s'agit d'une deuxième ou d'une troisième infraction? Quelle est votre explication?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Oui. Nous avons mené cette analyse au milieu des années 90 et publié un rapport sur la prostitution en 1997. Nous avons constaté qu'en moyenne, les femmes faisaient l'objet d'un plus grand nombre d'accusations devant les tribunaux, et qu'elles avaient aussi de plus longs antécédents criminels. Nous n'avons pas répété cette analyse au cours des dernières années, mais nous observerions sans doute les mêmes tendances.

+-

    Le président: Merci, madame Brunelle.

    M. Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

    Excusez mon retard. J'avais une autre réunion avec un ministère.

    Je voudrais quelques précisions. Vous avez établi des statistiques en fonction de 100 000 personnes. Dans l'Ouest du Canada et les Prairies, il me semble que les taux d'accusation sont plus importants que dans le centre du Canada et les Maritimes. Évidemment, il s'agit du taux d'accusation.

    Cela tient-il au fait qu'il y a moins de travailleurs et travailleuses du sexe dans ces régions, ce dont je doute, ou au fait que la loi est mal appliquée ou est appliquée de façon différente dans certaines régions du Canada, ce qui explique qu'il y aurait plus de cas dans certaines régions que dans d'autres? Voilà ma première question.

    Deuxième question. Dans les provinces de l'Ouest et des Prairies, les Autochtones semblent faire l'objet de bon nombre d'arrestations et d'accusations. À votre avis, est-ce que l'on cible particulièrement les travailleurs et travailleuses du sexe autochtones? Il semble être surreprésentés dans cette profession, et pourquoi l'Ouest et les Prairies... Comprenez-vous le sens de ma question?

    Mme Brunelle a déjà posé la troisième question que je souhaitais soulever. Comment se fait-il que les femmes écopent de peines plus sévères que les hommes?

    On observe une baisse du nombre d'homicides sur des prostitués entre 1998 et 2001. Comment s'explique-t-elle? Les statistiques annuelles sur le nombre d'homicides de personnes prostituées semblent avoir fléchies. Sait-on pourquoi? Que s'est-il passé pendant cette période pour expliquer cette chute remarquable? Les statistiques baissaient depuis 1994, puis il y a cette baisse spectaculaire, suivie bien sûr d'une remontée en flèche en 2002. Que s'est-il produit en 2002? Ce n'était évidemment pas l'affaire Picton, mais y a-t-il eu quelque part au Canada des événements qui ont entraîné un grand nombre d'assassinats de personnes prostituées?

    Je voulais vous poser ces questions en rafale.

+-

    M. Roy Jones: Merci. Je vais tâcher de répondre à vos questions dans l'ordre.

    Premièrement, vous avez demandé les raisons qui expliquent la disparité des taux d'infractions fondées sur l'article 213 dans les différentes régions du pays. Dans mon exposé, j'ai souligné l'existence d'importantes fluctuations entre les années, les régions et les provinces. La diminution progressive des taux que l'on observe de l'ouest vers l'est au Canada existe également pour d'autres types de crimes déclarés par la police.

    Ce phénomène peut s'expliquer par des différences au chapitre des pratiques policières, des niveaux de signalement à la police et des comportements généraux dans les domaines visés par la collecte d'information. Ces différences sont attribuables à l'ensemble de ces comportements, si bien qu'il est fort difficile de déterminer dans quelle mesure chacun de ces facteurs peut contribuer à cette disparité. Nous observons cependant le même phénomène dans pratiquement tous les types d'infractions relevées dans l'enquête.

    Votre deuxième question portait sur les peuples autochtones. Je ne suis pas en mesure de dire si les Autochtones sont ciblés ou non. Je serais mal venu de faire ce genre de commentaire.

¼  +-(1820)  

+-

    L'hon. Hedy Fry: N'avez-vous pas fait de suivi pour voir si c'était le cas?

+-

    M. Roy Jones: Non, nous n'avons pas fait d'analyse des homicides portant spécifiquement sur les Autochtones, sur ce type d'offenses et sur ce type de conséquences.

    Pour répondre à votre dernière question concernant les fluctuations du nombre d'homicides des prostitués et le pic important des dernières années, ils sont dus, comme je l'ai dit, aux enquêtes de Port Coquitlam, d'où viennent environ 25 p. 100 des signalements d'homicide de prostitués de la dernière décennie, concentrés dans les deux dernières années. D'habitude, les chiffres sont bien inférieurs, mais nous avons ici des circonstances exceptionnelles.

+-

    L'hon. Hedy Fry: C'est pour cela... J'ai cru que ce pic se présentait trop tôt pour que les événements de Coquitlam y soient intégrés, mais évidemment, ce sont des événements de Coquitlam.

    Il semble y avoir diminution entre 1994 et 1998, puis une chute soudaine entre 1998 et 2001. Quel changement ou quel autre facteur a contribué à la diminution du taux d'homicides à partir de 1994—la tendance générale est à la baisse—jusqu'à ce seuil très bas... Si vous dites que les événements de Coquitlam occasionnent une augmentation en 2001, qu'est-ce qui, à votre avis, a provoqué cette baisse? Certaines personnes nous ont dit que les homicides de travailleuses du sexe sont un phénomène nouveau; or, le phénomène apparaît comme assez important dès 1994. Il y a ensuite une diminution pendant près de huit ans. Voyez-vous un facteur positif qui expliquerait cette diminution?

+-

    M. Roy Jones: Un autre membre du comité a déjà posé cette question.

    Je me suis engagé à fournir des statistiques sur les homicides de prostitués à partir de 1980. Il se pourrait que l'échelle de ce graphique accentue les fluctuations d'une année sur l'autre. Deux ou trois homicides de plus ou de moins par année semblent occasionner un fort déplacement de cette ligne. Si on adopte une perspective statistique à plus long terme, on remarque un ensemble de chiffres assez constants qui fluctuent entre un et huit par an au cours des deux dernières décennies, indépendamment des deux dernières années dont je viens de parler. Je m'engage à fournir au comité des séries chronologiques remontant à 1980 ou aux années antérieures, si possible, de façon à donner une vue d'ensemble de l'évolution.

+-

    L'hon. Hedy Fry: En effet, en 1994, le taux était de 50 p. 100 supérieur. Je vois qu'entre un et huit... mais pour passer à 15 en 1994... Il a dû se passer quelque chose.

+-

    M. Roy Jones: C'est peut-être dû à un incident particulier ou à plusieurs incidents comportant plusieurs homicides. Je n'ai pas ces renseignements actuellement, mais je vous les fournirai.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Au tableau no 10, Mme Brunelle a parlé de la problématique homme-femme. Est-ce que vous faites une analyse comparative entre les sexes à ce sujet? Est-ce que vous essayez de déterminer les causes de cet écart entre le nombre de femmes et d'hommes accusés et condamnés à des peines plus lourdes? Est-ce que vous avez fait une analyse en fonction du sexe?

¼  +-(1825)  

+-

    M. Roy Jones: Lorsque nous produisons ce genre de statistiques, nous confirmons les distributions en demandant aux provinces ou territoires de nous fournir une information contextuelle sur les différences entre les sexes. Vous avez ici des indications globales ou nettes des fortes variations d'une province à l'autre; encore une fois, je ne suis pas en mesure d'expliquer aujourd'hui l'origine géographique de ces écarts. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les tendances sont légèrement différentes pour les hommes et les femmes parce qu'il y a un écart systématique entre les hommes et les femmes quant au nombre de chefs d'accusation, quant aux antécédents criminels et quant au rapport avec la police. En définitive, toutes proportions gardées, les verdicts de culpabilité sont plus nombreux chez les femmes et les suspensions et les retraits plus nombreux chez les hommes.

+-

    Le président: Merci, madame Fry.

    Monsieur Hanger, vous avez trois minutes.

+-

    M. Art Hanger: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Toutes ces statistiques, y compris celles de la page 7 sur les homicides, concernent les adultes, n'est-ce pas?

+-

    M. Roy Jones: Oui, ce sont uniquement des statistiques concernant les adultes. Le tableau sur les homicides comprend toutes les victimes. Pour la période, la proportion des jeunes était de 3 p. 100, et sur les 79 victimes, deux étaient des jeunes femmes. Ce sont les chiffres à partir de 1994.

+-

    M. Art Hanger: Est-ce que toutes ces statistiques, y compris pour les homicides, concernent directement la prostitution de rue?

+-

    M. Roy Jones: Oui.

+-

    M. Art Hanger: Ainsi, le meurtre d'une prostituées provenant d'un service d'escortes ou d'un salon de massage n'apparaîtrait pas dans ces chiffres.

+-

    M. Roy Jones: Excusez-moi, je me suis mal exprimé. C'est l'ensemble de la prostitution, et non pas uniquement la prostitution de rue.

+-

    M. Art Hanger: Depuis la modification de la loi sur la sollicitation en 1985, les dispositions sur la communication est entrée en vigueur et cela a occasionné un énorme pic. Avant cela, la courbe des incidents était non pas horizontale, mais limitée à une très faible fluctuation. C'était également le cas pour la loi sur la tenue d'une maison de débauche et la loi sur le proxénétisme, jusqu'aux changements. Ensuite, les mentalités ont manifestement changé, ce qui a créé ce très fort pic dans le nombre d'accusations portées cette année-là.

    Pour ce qui est de la tenue d'une maison de débauche et du proxénétisme, en 1980, il n'y avait pas de différence entre les pratiques des différents corps policiers, je suppose, et c'est pour cela qu'on peut voir ce niveau assez faible et constant d'activités policières. Les salons de massage n'étaient pas plus contrôlés qu'avant, même s'ils pouvaient être considérés comme des maisons de débauche. Je suppose que c'est l'interprétation qu'on peut en donner.

+-

    M. Roy Jones: Oui.

+-

    M. Art Hanger: Revenons-en à la jeunesse. Ces statistiques ne couvrent donc pas les comparutions devant les tribunaux de la jeunesse?

+-

    M. Roy Jones: Non. Au début de l'exposé, j'ai fait référence au très faible nombre de jeunes impliqués dans des infractions relatives à la prostitution. Les cas soumis aux tribunaux de la jeunesse sont trop peu nombreux pour qu'on puisse fournir une répartition statistiquement fiable permettant d'en tirer des conclusions. Voilà les données disponibles, mais encore une fois, on ne parle que de quelques poursuites.

¼  +-(1830)  

+-

    M. Art Hanger: Ce sont des cas réels de poursuite, mais qui n'ont pas nécessairement entraîné une accusation. Grâce aux programmes de déjudiciarisation, si une jeune fugueuse se fait ramasser dans la rue, elle ne sera pas nécessairement déférée à un tribunal; on la confiera plutôt aux responsables d'un programme. Nous ne connaissons donc pas véritablement les statistiques concernant les moins de 18 ans. Nous ne connaissons pas les chiffres pour ce groupe d'âge.

+-

    M. Roy Jones: Nous avons l'information transmise par la police sur le nombre de moins de 18 ans qui entrent en contact avec la police. Les incidents font l'objet d'une enquête et la police décide de déjudiciariser de façon informelle, de porter des accusations formelles ou de clore le dossier de quelque autre façon. Comme je l'ai dit, nous avons des séries chronologiques sur les jeunes qui sont accusés, et dont le nombre est passé au cours de la dernière décennie de 181 à environ 40 en 2003.

+-

    M. Art Hanger: Est-ce que cela apparaît dans ces statistiques?

+-

    M. Roy Jones: Oui, dans le tableau de la page 3. Tout en bas, les courbes des adolescents et des adolescentes rejoignent pratiquement l'axe des abscisses à zéro parce qu'ils sont si peu nombreux. Comme le nombre de cas est très petit, il est difficile de procéder à une répartition comme dans le cas des adultes et de subdiviser cette quarantaine ou cinquantaine de cas touchant les jeunes en fonction de leur issue.

+-

    Le président: Merci, monsieur Hanger.

    Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: On peut lire dans votre document que les métiers de policier, de chauffeur de taxi et de prostituée font partie des professions à risque. Je me demande s'il y a plus, ou moins, d'homicides de prostituées que d'homicides de policiers ou de chauffeurs de taxi. A-t-on une idée de l'ampleur de ce phénomène?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Encore une fois, nous disposons d'un très petit nombre de cas qui varient d'une année à l'autre. Il y a des années où il n'y a pas d'assassinat de policiers ou de chauffeurs de taxi. D'une année à l'autre, il peut y avoir plus d'homicides dans l'une ou l'autre des trois professions que vous avez mentionnées.

    Nous n'avons pas fait de comparaison ni évaluer le risque relatif associé aux différentes professions sur une longue période. Nous n'avons pas examiné la situation des travailleurs et travailleuses du sexe par rapport à celle d'autres professions dangereuses comme celles que vous avez mentionnées, ou comme l'agriculture, par exemple, où les risques de blessures graves ou de décès sont élevés.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Selon vous, les prostituées courent-elles des risques plus importants depuis quelques années? Constate-t-on qu'il est vraiment plus dangereux d'être prostituée aujourd'hui qu'antérieurement?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Encore une fois, il m'est difficile de répondre à cette question, qui renvoie à une plus longue série chronologique d'homicides. Je ne peux me prononcer sur le risque relatif et son évolution dans le temps. Récemment, les incidents récents survenus à Edmonton, qui n'ont pas encore été pris en compte par l'enquête, et les événements de Port Coquitlam ont fait l'objet d'un battage médiatique.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Ce comité se préoccupe beaucoup de la violence faite aux femmes et aux prostituées. Les prostituées se plaignent beaucoup d'agressions sexuelles. Avez-vous des données à ce sujet?

¼  +-(1835)  

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Notre Enquête de déclaration uniforme de la criminalité, fondée sur des données sur les incidents, fournit de l'information détaillée sur la violence à l'endroit des femmes et tous les crimes violents. Nous recueillons de l'information sur la nature de l'incident et ses rapports avec l'endroit et le moment du jour où il est survenu. Nous ne recueillons pas d'information sur la profession des personnes impliquées dans ces incidents.

    En ce qui concerne l'issue des affaires de violence contre les femmes, par exemple, nous pourrions transmettre de l'information qui intéresserait votre comité. Nous pourrions colliger des données des tribunaux et des corps policiers afin de déterminer si l'issue de ces affaires est différente selon qu'il s'agit de cas de violence familiale ou d'actes violents commis par des inconnus.

    Toutefois, nous n'avons pas d'information sur la profession de la personne impliquée; nous recueillons des données sur ses relations avec l'agresseur, si ce n'est pas un inconnu.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Parlons des femmes autochtones. Il semble que lorsqu'une femme autochtone mourait, on ne mentionnait ni qu'elle était prostituée ni qu'elle était autochtone. Cela n'était pas indiqué dans les statistiques. On demande aux policiers — notamment dans l'Ouest canadien où beaucoup de femmes autochtones sont décédées — de les identifier comme autochtones, parce qu'il est difficile de prouver ou de démontrer quelque chose quand on n'a pas de données. Cela va dans le sens de ce que vous nous disiez.

    J'ai remarqué aussi, pour avoir parlé à de nombreux prostitués, que la prostitution mâle était plus violente. Avez-vous des données sur le milieu des hommes prostitués?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Non, malheureusement nous n'avons pas plus d'information sur les hommes prostitués que sur les femmes prostituées.

+-

    Le président: Merci, madame Brunelle.

    Madame Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Je vais revenir sur l'analyse comparative entre les sexes.

    Il ne s'agit pas de désagréger les données selon le sexe, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Pour pouvoir faire de la prévention et prévenir tous les autres torts qui sont causés—ne parlons pas des homicides mais plutôt de tous les autres préjudices que les femmes subissent—la criminalisation, les peines d'emprisonnement plus lourdes, etc., il faut comprendre les raisons différentes pour lesquelles les femmes et les hommes se prostituent. Je crois que les raisons sont très différentes. La réalité que vivent les femmes pourrait même expliquer pourquoi elles sont plus souvent criminalisées et condamnées à l'amende, etc.

    Comme Statistique Canada est l'autorité suprême en matière d'analyse comparative entre les sexes, ne pourriez-vous pas analyser ces statistiques dans cette optique pour que l'on sache si c'est vraiment le fait d'être femme qui est à l'origine du problème, au lieu de vous contenter de désagréger les données selon le sexe, ce qui ne ferait que nous donner quelques indices des facteurs liés au sexe qui pourraient être en cause?

+-

    M. Roy Jones: Oui, vous avez absolument raison. Nous avons commencé à évaluer la situation des personnes défavorisées dans des collectivités sous-métropolitaines; nous examinons les caractéristiques des ménages, les caractéristiques personnelles, l'intensité de la circulation, le cheminement professionnel, l'utilisation du territoire, par exemple, et nous les comparons au profil de criminalité que nous observons dans ces collectivités, selon la nature de l'infraction. Nous pouvons déterminer les caractéristiques de collectivités dans des secteurs assez précis, ce qui nous permet de déterminer où il est souhaitable d'investir des ressources à des fins de prévention et de répression.

    Malheureusement, ce n'est pas encore une partie importante du programme de la statistique juridique, mais c'est au moins un début. Par ailleurs, on commence à mettre sur pied les bases de données qui nous permettront de le faire. Nous espérons pouvoir dans l'avenir mener des analyses multivariables plus détaillées qui permettront de déterminer les associations de facteurs qui sont plus étroitement liés au fait pour certaines sous-populations d'être victimisées ou défavorisées. Nous voudrions faire plus d'analyses de ce genre.

    À l'heure actuelle, l'essentiel de notre budget est consacré à gérer la collecte de données administratives auprès des provinces et territoires. Ces travaux devront être soutenus par des investissements dans les bases de connaissances, les systèmes informatiques disponibles.

¼  +-(1840)  

+-

    L'hon. Hedy Fry: Si vous aviez plus d'argent, vous procéderiez à l'analyse comparative selon le sexe et aux analyses portant sur différentes sous-populations. Par exemple, vous pourriez déterminer si les statistiques pour l'Ouest s'expliquent au fait qu'il y a plus de femmes autochtones dans les villes de l'Ouest que du Centre et de l'Est, et en soi, cela indiquerait si les femmes autochtones vivent une situation différente. Je pense que nous savons pourquoi les femmes autochtones deviennent prostituées, mais je ne suis pas certaine que nous sachions vraiment. Si nous voulons remédier aux conditions sociales qui contribuent à la prostitution, intervenir pour la prévenir et pour en réduire les méfaits, nous devons avoir cette information.

    Si vous aviez cette ressource, vous feriez sans doute ce travail.

+-

    M. Roy Jones: Nous aimerions bien faire ce travail, mais il devrait absolument être soutenu par la collecte de données primaires sur le terrain, à laquelle participeraient les collectivités elles-mêmes afin de mieux comprendre la dynamique des comportements et le contexte des différences mises en lumière par les statistiques.

+-

    Le président: Allez-y. Vous avez une autre question.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Merci.

    On vous a déjà posé cette question, mais je veux l'aborder sous un angle quelque peu différent. Sur le tableau de la page 3, la courbe est plate au cours des années 80 pour les adolescents, puis elle monte un peu en 1985. Elle recommence à descendre en 1997. Savez-vous si les nouvelles mesures législatives instaurées en 1997 relativement à l'exploitation sexuelle commerciale des adolescents et des enfants a entraîné ce nouveau mouvement à la baisse? Étant donné que les accusations étaient portées uniquement contre les jeunes qui se livraient à ces activités dans la rue, se peut-il que de plus en plus de jeunes, après l'instauration des mesures législatives de 1997, se soient tournés vers Internet et les salons de massage, si bien qu'ils étaient moins nombreux à faire le trottoir? Avez-vous ces renseignements?

+-

    M. Roy Jones: Nous n'avons pas analysé les données pour déterminer s'il y avait eu un rapport de cause à effet, par exemple, par suite de l'entrée en vigueur des modifications législatives. Nous pourrions le faire, mais jusqu'à maintenant, nous ne l'avons pas fait.

+-

    Le président: Merci, madame Fry.

    Monsieur Hanger, vous avez la parole.

+-

    M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

    Tirez-vous les conclusions de vos données?

+-

    M. Roy Jones: Je ne saisis pas très bien le sens de votre question.

+-

    M. Art Hanger: Vous nous avez présenté une série de graphiques illustrant des données qui ont trait aux dispositions sur la communication, sur les maisons de débauche, sur le racolage, sur tous les aspects de la prostitution en fin de compte.

    Quelles conclusions tirez-vous à l'examen des données présentées, disons à la page 2? Je pourrais vous demander si la prostitution est une activité dangereuse. Est-ce le cas?

+-

    M. Roy Jones: À notre avis, dans l'ensemble, les activités illégales, qu'elles soient liées au commerce du sexe, au trafic de drogue, aux crimes violents ou aux activités nocturnes s'accompagnent de toute une constellation d'effets dommageables. J'hésite quelque peu à conclure uniquement à partir de ces statistiques que la prostitution est une activité dangereuse. Il ne m'appartient pas d'affirmer l'existence d'un lien causal direct.

+-

    M. Art Hanger: D'après tous ces tableaux, il semble qu'on maîtrisait tout de même un peu mieux la situation avant 1985. Après, avec l'instauration des dispositions sur la communication et étant donné la façon dont on les a appliquées, les choses ont incontestablement changé, soit parce que des individus ont eu moins peur de se livrer à cette activité, soit parce que la répression policière s'est accentuée. Je ne connais pas les causes de ce changement, mais je présume qu'il s'est produit quelque chose de très important.

    Ainsi, la prostitution s'est dès lors intensifiée, si bien qu'elle a attiré l'attention d'autres individus et peut-être donné lieu à d'autres activités criminelles, par suite de cette pseudo liberté apparente. En ce qui concerne ces autres activités criminelles, a-t-on observé une intensification des contacts avec les éléments criminels? Y a-t-il eu plus de meurtres chez les personnes impliquées dans la prostitution? On pourrait en tirer bien des conclusions, et même se demander si on a eu raison de changer les dispositions législatives en vigueur jusqu'en 1985. Il est possible que le contexte de la prostitution de rue et d'autres types de prostitution ait été tout à fait différent. Les activités de répression ont-elles joué un rôle majeur pour assurer la sécurité des gens ou pour prévenir la violence?

¼  +-(1845)  

+-

    M. Roy Jones: Je vous renvoie au rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution publié à la fin des années 90 et qui a fait une analyse et examiné des endroits particuliers au Canada, et qui a examiné les politiques de même que le climat social et politique en vigueur au cours de cette période avant l'adoption en 1985 de l'article 213. Le rapport de ce groupe de travail renferme beaucoup de renseignements et d'études à ce sujet. Je crois que le rapport a été rendu public en décembre 1997 et formule des recommandations claires à ce sujet.

    Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas en mesure de présenter des conclusions fermes ou d'exprimer des opinions sur les raisons qui ont motivé ces changements et sur l'efficacité du système avant cette date.

+-

    M. Art Hanger: Comment s'intitule le rapport déjà?

+-

    M. Roy Jones: Il s'agit du rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution. Je crois qu'il a été déposé en décembre 1997.

+-

    Le président: Je crois qu'il y en a un exemplaire dans les cahiers d'information, M. Hanger.

    Madame Brunelle, vous avez trois minutes.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: On trouve à la page 12, lorsqu'il est question des peines les plus sévères, les catégories « emprisonnement », « probation » et « autres amendes ». Que signifie « autres amendes »? Vous allez voir où je veux en venir.

    Dans certains endroits au Canada, on a décidé de créer des écoles de michetons. Il y avait trois possibilités: ou on incriminait un peu plus le client, ou le client participait à des sessions de formation, ou il payait une amende. J'aimerais savoir si cela est efficace. Cela donne-t-il quelque chose? Votre analyse nous apprend-elle quelque chose sur cela?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Ces données ne nous permettent pas de déterminer l'efficacité des différents régimes de détermination de la peine, ni des programmes élaborés pour envoyer les clients dans les écoles de michetons plutôt que devant les tribunaux, par exemple. Donc je ne peux pas commenter les mérites relatifs ni les avantages de ces décisions.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Par conséquent, on n'a aucune donnée qui nous permettrait de savoir si ces écoles de michetons fonctionnent ou non.

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Comme je l'ai déjà dit, je crois que certaines évaluations de ces particuliers ont été recommandées et faites. Je n'en ai pas la liste aujourd'hui, mais il est sans doute possible de se les procurer auprès du ministère de la Justice qui commande une grande partie de la recherche dans le domaine des programmes et des aménagements au système de justice.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry: En fait, je n'ai pas d'autres questions à poser, parce que j'allais enchaîner sur la question posée par Mme Brunelle.

    La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage d'une personne qui s'occupe beaucoup de cette question, un ancien policier, qui a indiqué qu'il considérait que les écoles de michetons ne fonctionnent pas parce qu'il s'agit en fait d'un programme d'une fin de semaine, et le type reçoit une amende et est obligé de suivre ce cours pendant une fin de semaine et de promettre qu'il modifiera son comportement. Cela ne les arrête pas vraiment. Tout ce que cela veut dire, c'est qu'il va probablement s'y prendre différemment.

    Si l'on examine la situation, on constate que les personnes qui sont criminalisées sont les femmes. Ce sont les femmes que l'on a tendance à emprisonner. Donc nous sommes en train de criminaliser un groupe de gens pour ce genre de comportement, et l'autre groupe n'est pas criminalisé, mais se voit simplement imposer une amende. On crée ainsi une disparité au niveau de la responsabilité. Si vous considérez que ce genre de comportement est répréhensible et que vous proposez que les gens soient punis, vous vous trouvez à ne punir qu'un groupe et les autres s'en tirent avec une tape sur les doigts et l'obligation d'aller à l'école pendant deux jours. Si au cours de ces deux jours, ils ont dit tout ce qu'il fallait dire, par la suite on les laissera tranquille.

    Lorsqu'on examine certaines des statistiques que l'analyse comparative entre les sexes permettra de recueillir, je l'espère, on pourrait constater que les femmes font l'objet d'un double obstacle, pas simplement sur le plan juridique, mais qu'en fait nous sommes en train de doubler leur fardeau. Elles ont des vies difficiles. Elles se prostituent à cause des circonstances de leur vie, puis elles sont criminalisées. Donc il me semble qu'à bien des égards, on ne peut pas véritablement parler de justice.

    Mais ce n'est pas ce que vous dites.

¼  +-(1850)  

+-

    M. Roy Jones: Effectivement. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il existe des différences statistiques selon le sexe au niveau des résultats.

+-

    L'hon. Hedy Fry: C'est tout. Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Hanger, avez-vous d'autres questions à poser?

+-

    M. Art Hanger: Oui.

    Je me demandais si nous pouvions obtenir plus de précisions. Je crois que vous avez déjà indiqué que vous pourriez nous fournir des renseignements supplémentaires à ceux que vous avez ici en ce qui concerne les jeunes, parce que le comité a entendu de nombreux témoignages indiquant qu'un grand nombre de femmes qui se sont prostituées ont commencé très jeunes--à partir de l'âge de 14 ans, et parfois même plus jeunes que cela, à 13 ans.

    Je suppose qu'une grande partie de ces renseignements proviendraient de la police plutôt que des tribunaux, mais même s'il existait certaines indications permettant de déterminer si ces personnes ont été orientées vers un programme de déjudiciarisation ou si des accusations ont été portées contre elles, ou simplement ce qui leur est arrivé...parce qu'il semble que ces chiffres ne rendent pas vraiment compte de la période de temps en question. Regardons les choses en face : les femmes ne se lancent tout simplement pas dans la prostitution à 18 ans et décident ensuite que c'est ce qu'elles ont l'intention de faire. Il existe une période de transition qui est habituellement beaucoup plus longue que cela.

    Serait-il possible d'obtenir ce genre de renseignements?

+-

    M. Roy Jones: Oui. Nous avons examiné de façon générale, par exemple, les décisions prises par la police et les décisions de porter des accusations en fonction d'un certain nombre de contacts précédents avec la police, et nous avons fait cet examen pour les hommes et les femmes sur une période de temps donnée. Je pourrais vous fournir des renseignements supplémentaires en ce qui concerne en particulier les jeunes, qui proviennent du programme DUC de la police, en ce qui concerne l'âge du premier contact pour certains types d'infractions, ce qui permet d'établir un certain profile à cet égard. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'un assez petit nombre, nous devrons donc déterminer ce que nous pouvons faire, mais je m'engage à vous fournir cette information.

+-

    M. Art Hanger: Je vous en serais reconnaissant. Je vous remercie.

+-

    Le président: Madame Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Ça va, je vous remercie.

+-

    Le président: J'ai quelques questions à poser.

    Pourriez-vous m'expliquer comment vous recueillez vos données? Proviennent-elles de la police? Proviennent-elles des tribunaux? Les provinces de l'Ouest font-elles des déclarations plus souvent que les provinces de l'Est? Ces déclarations sont-elles obligatoires? Comment cela fonctionne-t-il?

+-

    M. Roy Jones: Nos enquêtes nationales utilisent les systèmes administratifs qui existent dans les secteurs de la police, des tribunaux et le secteur correctionnel. À l'heure actuelle, en ce qui concerne la police, nous recevons électroniquement une déclaration pour chaque incident qui fait l'objet d'une enquête par la police. Il faut établir ce lien automatisé avec chacun des systèmes de gestion des cas de la police, mais là où nous avons établi ces liens, nous obtenons à l'heure actuelle des déclarations d'environ 62 p. 100 des corps policiers nationaux.

    Nous obtenons un enregistrement pour chacun d'entre eux, mais il ne s'agit pas d'une collecte de données primaires, c'est-à-dire que nous ne dépêchons pas un intervieweur sur place et nous ne consultons pas les dossiers d'enquête pour en extraire cette information. Il s'agit de sous-produits statistiques déclarés automatiquement au moyen d'interfaces électroniques provenant des systèmes opérationnels qu'ils ont mis sur pied pour gérer ces cas, qu'il s'agisse comme je l'ai déjà dit de la police, des tribunaux ou des services correctionnels. Nous avons conclu des ententes avec les corps policiers municipaux, les corps policiers provinciaux, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les autorités fédérales responsables de l'administration de la justice, afin qu'ils déclarent ces données à Statistique Canada de façon régulière. Ces données sont alors traitées. Elles font l'objet d'une série de vérifications et d'imputations, sont formatées à des fins de contenu, de déclarations et de diffusion, sont analysées et sont ensuite communiquées au public.

¼  +-(1855)  

+-

    Le président: Diriez-vous que vous êtes raisonnablement satisfait du caractère exhaustif des données qui ont servi à l'élaboration de vos tableaux et de vos statistiques?

+-

    M. Roy Jones: Nous avons une procédure de traitement des données assez rigoureuse et nous faisons une vérification assez sérieuse pour chacun des répondants qui nous fournissent les données. Nous leur demandons essentiellement d'analyser les données qu'ils nous fournissent. Nous agissons ainsi pour toutes nos études sectorielles. Nous sommes très sûrs de la qualité de ces données, étant donné ces deux procédures, et nous croyons qu'elles reflètent bien les activités gérées par le système judiciaire.

    Au sujet des renseignements sur la victimisation ou sur le comportement criminel qui n'est pas rapporté à la police, par exemple, nous faisons une étude auprès d'un échantillon de la population dans le cadre de l'Enquête sociale générale, tous les cinq ans. L'information recueillie sur la victimisation vient d'un échantillon de 25 000 Canadiens de 15 ans ou plus, et le sondage a eu lieu en 2004. Notre rapport à ce sujet sera prêt d'ici six mois, je crois.

    Cela nous donne une idée générale de la prévalence des incidents criminels dont les Canadiens estiment avoir été victimes. Ce sont deux façons bien différentes d'évaluer les activités criminelles, d'une part la prévalence et de l'autre, les interactions avec le système judiciaire.

+-

    Le président: Ma question suivante est un peu plus précise. En 1988, deux dispositions ont été ajoutées au Code criminel pour lutter contre la prostitution des enfants. Il s'agit des paragraphes 212(2) et 212(4).

    Vous ne pouvez peut-être pas nous répondre ce soir, mais pourriez-vous nous fournir des statistiques sur le nombre d'accusations portées en vertu de ces paragraphes et, si possible, nous donner une idée de la peine moyenne?

+-

    M. Roy Jones: Nous recueillons en effet des renseignements allant jusqu'à l'application de sous-alinéas du Code. Les tribunaux nous fournissent des données sur chacun de ces articles et nous pourrons vous fournir ces renseignements, oui.

    J'ai posé la question, au sujet de l'article 212. Le nombre d'accusations est assez faible mais nous avons ces renseignements détaillés et nous pourrons aussi les transmettre au comité.

+-

    Le président: Cela nous serait utile. Merci.

    Monsieur Hanger, avez-vous une question complémentaire?

+-

    M. Art Hanger: En effet, oui.

    On parle d'incidents. Qu'est-ce qu'un incident? Est-ce que c'est un incident, lorsque la police porte des accusations contre quelqu'un? Est-ce que c'est un seul incident aussi, si un certain nombre d'accusations sont portées contre une ou des personnes?

+-

    M. Roy Jones: Tout dépend de l'infraction, qu'elle soit avec violence ou contre des biens. Pour un incident, il peut y avoir plus d'une personne et plus d'une infraction. Quand on parle d'incidents violents, on parle en fait du nombre de victimes.

    Ainsi, si trois personnes sont agressées en même temps, nous comptons trois incidents d'agression. Dans le cas des infractions contre les biens, plus d'un chef d'accusation peuvent être associés au même incident, par exemple, une introduction par effraction. En effet, il peut y avoir un incident d'introduction par effraction pour trois maisons situées dans la même rue. Dans ce cas-là, trois chefs d'accusation d'introduction par effraction pourraient être en jeu, mais un seul incident est rapporté par la police.

½  -(1900)  

+-

    M. Art Hanger: Alors la distinction, c'est que si le crime est commis contre une personne, on calcule un incident par accusation, peu importe le nombre de personnes impliquées.

+-

    M. Roy Jones: Pour les crimes contre les biens, c'est plutôt associé au moment de l'infraction et au lien entre les infractions. Pour les crimes avec violence, on compte le nombre de victimes de l'incident. J'ai donné l'exemple de trois personnes agressées dans un cas, qui serait rapporté comme trois incidents par la police et que les accusations soient portées ou non, dans ce cas-là, il y aura trois incidents d'agression.

+-

    M. Art Hanger: Dans le cas de la prostitution, si la police fait rapport d'activités de prostitution, est-ce qu'on peut à partir du niveau d'activités policières déduire qu'une infraction de prostitution a eu lieu? Autrement dit, pour une époque donnée, et un district donné, il pourrait y avoir quelques...on peut penser à un agent de police qui n'est pas en service et qui se fait passer pour une prostituée et à qui divers clients potentiels s'adressent. Est-ce que ce serait un incident?

+-

    M. Roy Jones: Il s'agit d'incidents indépendants pour chaque accusé. Ils ne sont pas reliés, sauf par l'agent de police en cause.

+-

    Le président: Je crois que notre attaché veut poser une question.

    Madame Casavant.

[Français]

+-

    Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité): Je vais commencer par une très courte question.

    Vous nous avez présenté des données sur les homicides liés à la prostitution. Pouvez-vous nous dire combien de clients et de proxénètes ont été tués au cours de la même période par une prostituée? Y a-t-il des données à ce sujet, au Canada?

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Dans l'analyse menée au milieu des années 90, nous avons rapporté des données sur les clients et sur les prostituées. Ces renseignements se trouvent donc dans cette analyse qui se trouve dans notre Juristat sur la prostitution. Je crois que les chiffres ont été publiés en 1997 et on peut les trouver sur le site Web de Statistique Canada.

[Français]

+-

    Mme Lyne Casavant: Êtes-vous au courant de l'article de John Lowman intitulé Violence and the Outlaw Status of (Street) Prostitution in Canada , qui a été publié en 2000? Cet article présente des données sur les homicides de prostitués au Canada, qui sont un peu plus importantes que celles que vous présentez dans votre tableau. Les données que l'on retrouve dans son tableau proviennent de l'enquête sur les homicides au Canada.

[Traduction]

+-

    M. Roy Jones: Je ne suis pas au courant de ce rapport, mais il serait très intéressant que mon personnel l'analyse et porte un jugement sur les écarts, surtout s'il y a une divergence entre les statistiques rapportées dans cet article et celles de notre base de données, qui pourraient être la source utilisée par cette étude.

[Français]

+-

    Mme Lyne Casavant: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Pourriez-vous fournir cette analyse au comité?

+-

    M. Roy Jones: Volontiers.

-

    Le président: Très bien.

    Voilà qui termine notre séance, s'il n'y a pas d'autres questions.

    Merci beaucoup, monsieur Jones. Je crois que vos statistiques sont très intéressantes pour nous. Elles contribueront certainement à nos discussions sur notre rapport. Merci.

    La séance est levée.