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SPRV Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 17 novembre 2004




º 1635
V         La présidente (L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.))
V         M. Robert Marleau (ancien Greffier de la Chambre des communes, À titre individuel)

º 1640
V         La présidente
V         M. Robert Marleau

º 1645
V         La présidente
V         M. Robert Marleau
V         La présidente
V         M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, PCC)
V         M. Robert Marleau
V         M. John Reynolds
V         M. Robert Marleau

º 1650
V         M. John Reynolds
V         M. Robert Marleau
V         M. John Reynolds
V         M. Robert Marleau
V         M. John Reynolds
V         M. Robert Marleau
V         M. John Reynolds
V         M. Robert Marleau
V         La présidente
V         M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ)
V         M. Robert Marleau
V         M. Michel Guimond
V         M. Robert Marleau

º 1655
V         M. Michel Guimond
V         M. Robert Marleau
V         M. Michel Guimond
V         La présidente
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)

» 1700
V         M. Robert Marleau
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Robert Marleau
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Robert Marleau
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Robert Marleau
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Robert Marleau

» 1705
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Robert Marleau
V         Mme Françoise Boivin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)

» 1710
V         M. Robert Marleau
V         M. Yvon Godin
V         M. Robert Marleau

» 1715
V         La présidente










CANADA

Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 17 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

º  +(1635)  

[Traduction]

+

    La présidente (L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.)): Je déclare ouverte la troisième séance du Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Bienvenue à tous les membres du comité.

    Nous accueillons aujourd'hui M. Robert Marleau, ancien greffier de la Chambre.

    Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur Marleau. Vous êtes déjà venu ici à plusieurs reprises, et vous connaissez donc notre routine. Vous avez de 10 à 15 minutes pour votre exposé, puis les membres du comité vous poseront des questions.

    Soyez le bienvenu, monsieur Marleau.

[Français]

+-

    M. Robert Marleau (ancien Greffier de la Chambre des communes, À titre individuel):

    Merci, madame la présidente.

    Je ne dirai pas que c'est un honneur et un privilège d'être parmi vous encore aujourd'hui, parce que j'ai lu la transcription de la séance d'hier et les questions de M. Godin, alors...

    Des députés: Ah, ah!

    M. Robert Marleau: C'est un plaisir de me retrouver parmi vous encore une fois.

[Traduction]

    J'ai été convoqué dans un court délai, madame la présidente. J'étais à l'étranger la semaine dernière, je ne lis mon courrier électronique que les fins de semaine et j'ai répondu au greffier que si le comité souhaitait m'entendre, je me ferais un plaisir de venir à Ottawa. Je n'ai donc pas préparé d'exposé liminaire. D'après les témoignages que j'ai pu lire, vous avez été bien informés sur les différents thèmes, l'article 9, la Loi sur le Parlement du Canada et l'article 18 de la Constitution. Je n'y reviendrai donc pas.

    Le problème tel que je le conçois, et que vous devez résoudre en prenant une décision dont vous ferez la recommandation à la Chambre, est très sérieux. Vos délibérations sur les divers sujets à l'étude montrent que vous le prenez très au sérieux.

    Je considère qu'il vous incombe de prendre la bonne décision dans l'intérêt du Parlement. Vos délibérations doivent porter sur l'intérêt des parlementaires, l'intérêt de ceux qui vont vous succéder et l'intérêt des témoins qui seront appelés à comparaître devant les comités de la Chambre.

    À part ce que j'ai pu en lire dans les médias, je ne connais pas bien les détails de la situation présente en ce qui concerne les faits et la Commission Gomery. Je suis à la retraite et je conserve un certain intérêt pour ce qui se passe sur la colline du Parlement, mais je suis moins au fait de l'actualité que je ne l'étais autrefois.

    J'ai relu hier soir le rapport de mars 1999 du Comité mixte britannique sur le privilège parlementaire qui, à mon sens, fait bien le tour des questions qui vous sont soumises. Je ne sais pas si vous connaissez ce rapport, mais le Parlement britannique a entrepris l'étude du privilège dans le contexte d'une loi sur la diffamation qui prévoyait une exemption permettant à un député de renoncer au privilège parlementaire pour se défendre en justice.

    Cette loi a entraîné plusieurs complications. Je vous épargne les détails, mais en fait, le comité a fait une série de recommandations au Parlement pour qu'il ajoute à la loi d'autres exceptions que celles concernant la diffamation. Il a affirmé que la liberté de parole dans le contexte de l'article 9 du Bill of Rights était absolue. En fait, je crois qu'il la qualifiait d'absolue et de complète. Il a également déclaré—ce qui n'était pas douteux, mais qui l'est parfois dans les délibérations de certains Parlements—que la protection n'était pas limitée aux parlementaires, qu'elle s'appliquait aussi aux hauts fonctionnaires de la Chambre et aux simples citoyens qui participaient aux délibérations du Parlement, notamment à ceux qui témoignaient devant les comités.

    J'ai extrait du rapport une conclusion qui figure dans l'une des recommandations du comité. Il demande au Parlement d'adopter une loi portant sur certaines exceptions. Je vais vous lire le paragraphe correspondant, qui figure à la page 2 de l'extrait, au milieu de la page.

Le point de vue traditionnel qui fait de l'article 9 une interdiction générale de l'exemption des délibérations parlementaires dans les tribunaux doit être confirmé, sous réserve de certaines exceptions précises et limitées pour les actions en justice (1) dans la mesure où elles portent sur l'interprétation d'une loi ou d'un règlement, ou sur le contrôle judiciaire ou sur les conséquences des décisions gouvernementales...

    Depuis longtemps, les tribunaux du Royaume-Uni ont pour usage de se référer au Hansard pour interpréter la loi. Les propos d'un ministre à l'étape de la deuxième lecture, par exemple, ont servi à interpréter la loi. La Chambre ne s'y est pas opposée et l'usage est devenu si courant qu'on a recommandé d'en faire une exception.

    La deuxième exception a attiré mon attention :

ç (2) lorsque rien n'indique qu'une partie des délibérations parlementaires a été inspirée par un motif inacceptable, qu'il soit entaché de faussetés ou propre à induire en erreur, et (3) lorsque la Chambre renonce à son privilège.

º  +-(1640)  

    Le comité dit que les tribunaux ou les autres instances peuvent se reporter aux délibérations à condition que l'on ne soupçonne pas de motifs répréhensibles ou encore des faussetés ou des tromperies. Il dit donc que, dans le cas contraire, lorsque l'on soupçonne l'existence d'un motif répréhensible ou encore d'une fausseté ou d'une tromperie, l'autre instance ne peut pas s'en servir. Cette affirmation sous-entend que seules les Communes peuvent traiter de questions semblables.

    Je trouve cela intéressant parce qu'on a cherché à créer des exceptions. Indirectement, à mon avis, il y a une incidence sur la question dont vous êtes saisis, à savoir le comportement d'un témoin devant le Parlement, son témoignage devant une commission d'enquête. Il se peut qu'il y ait des contradictions et il se peut qu'il y ait des explications à ces contradictions. Il n'y a pas nécessairement, de prime abord, faussetés ou motifs répréhensibles jusqu'à ce que les personnes en cause aient été entendues.

    Je le signale pour montrer qu'il y a au moins un autre comité qui s'est colleté avec ce genre de question, et ce dès 1999, et il semble avoir... À ma connaissance, et Jamie Robertson pourra sans doute le confirmer ou l'infirmer, la Chambre britannique n'a pas encore présenté de loi pour donner suite à ce rapport. Elle pourrait encore le faire, mais elle ne l'a pas fait jusqu'à maintenant.

    Il est donc clair que le comité voulait signaler à la Chambre que, en cas de comportement répréhensible de la part d'un témoin ou d'une personne en cause dans des délibérations parlementaires, c'est au Parlement qu'il appartient exclusivement de s'en occuper, et pas à une autre instance.

    Si je parle de cela, c'est parce que j'y vois un lien avec certains des propos rapportés dans le compte rendu de vos délibérations, à savoir qu'il pourrait être utile de faire appel à une autre instance pour établir la véracité, les motifs ou le comportement inacceptable d'une personne devant une autre instance relativement à quelque chose qui se serait produit aux Communes, mais que le comité était d'avis qu'il serait incompatible avec l'autre privilège de la Chambre, qui stipule que la Chambre est seul maître de ses affaires internes, d'agir ainsi.

    Je ne sais pas si j'ai brouillé les choses en soulevant ce point, mais c'est celui que j'ai trouvé le plus pertinent dans le peu de temps que j'ai eu pour essayer de vous aider dans vos délibérations.

+-

    La présidente: Avant que je ne donne la parole à M. Reynolds, j'aimerais vous demander, monsieur Marleau, de me préciser une chose. Avez-vous voulu laisser entendre que le Comité des comptes publics pourrait se servir du témoignage qui a été donné devant la commission Gomery pour déterminer si, à son avis, un des témoins qu'a entendus le comité permanent aurait été inexact dans son témoignage ou aurait induit le comité en erreur?

+-

    M. Robert Marleau: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. J'espère que ce n'est pas ce que j'ai dit.

    Ce que je dis, c'est que, en invoquant cette exception pour justifier de déroger aux privilèges relatifs à l'utilisation des délibérations par une autre instance, le comité a précisé qu'elle ne devrait pas s'appliquer.

    Je ne dis pas que le Comité des comptes publics ne peut pas se servir des délibérations de la commission Gomery pour déterminer si un témoin l'a induit en erreur ou a donné un faux témoignage. Le comité peut faire revenir le témoin en question afin de vérifier la véracité de son témoignage s'il le veut, cela ne fait aucun doute.

º  +-(1645)  

+-

    La présidente: Très bien. C'est justement ce que j'ai voulu vous demander.

+-

    M. Robert Marleau: Manifestement, le comité britannique a dit qu'il est inacceptable qu'une autre instance se penche sur ces questions et qu'il recommanderait de ne pas déroger au privilège en pareil cas et de veiller à ce que ce soit la Chambre qui soit saisie de l'affaire.

+-

    La présidente: Monsieur Reynolds.

+-

    M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, PCC): Merci, madame la présidente.

    Merci beaucoup de votre présence ici. Vous avez l'air bien trop jeune et heureux pour être à la retraite.

+-

    M. Robert Marleau: Je ne vous dirai pas où j'étais la semaine dernière, monsieur Reynolds.

+-

    M. John Reynolds: Vous touchez justement à ce qui me préoccupe lorsque vous parlez de motifs répréhensibles ou de propos inacceptables ou trompeurs qui auraient pu être tenus devant notre comité ici et du fait que nous avons maintenant la commission Gomery. Vous dites que la Chambre est seul maître de ses affaires internes, et je suis d'accord avec vous là-dessus.

    La Chambre était tout à fait d'accord pour que le premier ministre crée cette commission d'enquête pour faire la lumière sur toute cette affaire. Voilà maintenant que le juge lui-même dit : « je ne comprends pas pourquoi le Parlement refuse de me donner cette information pour que je puisse faire ce que le premier ministre m'a demandé de faire ». Chose certaine, ce n'est pas le Parlement, mais bien le premier ministre et le gouvernement, mais avec l'appui de tous les partis, bien sûr, qui ont créé cette commission d'enquête.

    J'ai reçu aujourd'hui une note de quelqu'un du Sénat qui soutient que nous renonçons à notre privilège chaque fois que le Sénat est saisi d'un projet de loi de finances, si bien qu'il n'est pas inhabituel que nous renoncions à notre privilège, lorsque cela nous arrange, en faveur du gouvernement. Si nous faisons cela et si la Chambre est maître de ses propres affaires, une de nos affaires est bien la commission d'enquête Gomery qui est chargée de faire la lumière sur cette question et de faire rapport quant à la nature du problème—à savoir si certaines personnes ont empoché l'argent des contribuables—, après quoi les autorités que le juge aura alertées au problème dans son rapport, qu'il s'agisse de la GRC ou d'une autre autorité, poursuivront l'enquête. Dans certains cas, des chefs d'accusation pèsent déjà contre certains de ces témoins, qui devront répondre de leurs actes devant les tribunaux.

    Voici le dilemme devant lequel je me trouve : je ne veux pas que le Parlement, par l'entremise du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, ne se mette à juger l'affaire et à faire revenir le témoin pour confronter le témoignage qu'il a donné là-bas avec celui qu'il a donné ici. Confions la chose au juge Gomery et laissons-le décider une fois pour toutes de cette affaire. Je vous le demande, nous pourrions faire cela si nous le voulions, n'est-ce pas? Si le Parlement voulait le dire : « oui, nous pouvons renoncer à nos privilèges relativement à cette question en particulier sans qu'il y ait d'incidence sur quelque autre situation à l'avenir », nous pourrions le faire, n'est-ce pas?

+-

    M. Robert Marleau: J'estime que la Chambre des communes peut renoncer à ses privilèges dans un contexte comme celui-là. Ce qui me préoccupe toutefois, c'est la dernière partie de votre phrase—sans compromettre l'avenir. L'idée qu'une autre partie puisse dans une certaine mesure déterminer si des actes préjudiciables, appelons-les comme cela, ont été commis dans le cadre d'une procédure parlementaire, c'est quelque chose qui me dérange en tant qu'ancien haut fonctionnaire de la Chambre.

º  +-(1650)  

+-

    M. John Reynolds: Soit, je peux comprendre votre réticence.

    Mais je tiens par ailleurs à vous lire une partie d'une phrase qui, j'en suis sûr, a été écrite, sinon par vous, du moins par un des autres greffiers, qui a été lue à la Chambre. On y dit ceci : « [...] étant entendu que cette renonciation ne pourra être interprétée comme un précédent. » Voilà ce qui est prévu lorsque nous renonçons à nos droits pour permettre au Sénat de débattre d'un projet de loi de finances. On le dit noir sur blanc : « ne pourra être interprétée comme un précédent ». Ne pourrions-nous pas dire la même chose dans ce cas-ci : « d'accord, prenez les enregistrements, mais cela ne peut être interprété comme un précédent »?

+-

    M. Robert Marleau: Eh bien, il faut faire la distinction entre renoncer à ses privilèges dans le contexte de la relation avec l'autre endroit et renoncer à ses privilèges en ce qui concerne l'accès à l'enceinte parlementaire. Mais je crois que, dans ce cas-ci, il s'agit d'un privilège très fondamental, à savoir la liberté d'expression—c'est sans doute le seul qui vaille encore dans le contexte moderne.

    Depuis toujours, et cela a été confirmé en 1818—je crois que c'est la date que j'ai vue dans la documentation—, ce privilège s'étend aux témoins qui comparaissent devant le Parlement. Ainsi, tout citoyen ou toute autre personne peut se présenter devant un comité parlementaire et dire la vérité à ses risques et périls—à ses risques et périls—en sachant que la Chambre peut user de son autorité pour le ou la protéger si elle décide ou s'il décide d'être absolument franc. Ou bien la personne peut dire ce qu'elle croit être la vérité mais qui est en fait faux à ses risques et périls—car si je dis quelque chose de faux au sujet d'une autre personne ou d'une situation, je risque d'être poursuivi, notamment s'il est possible de m'imputer un motif...

+-

    M. John Reynolds: Mais nous avons renoncé à ce privilège deux fois...

+-

    M. Robert Marleau: Chaque fois qu'une personne se présente, elle doit pouvoir le faire « sans péril » pour que le régime parlementaire fonctionne comme il se doit. Ainsi, si la Chambre a dit qu'elle va renoncer au privilège dans ce cas-ci sans pour autant créer de précédent, j'estime que la décision aurait pour effet de refroidir les ardeurs des personnes qui pourraient venir témoigner devant le Parlement, parce que nous avons affaire ici à une institution politique et que le précédent pourrait ne pas concorder en tout point aujourd'hui, mais que la situation politique de demain pourrait être complètement différente, si bien que la Chambre, aux prises avec la même situation, pourrait décider de renoncer de nouveau au privilège; mais en précisant qu'elle ne se fonde pas sur le précédent de la dernière fois et qu'elle ne crée pas non plus de nouveau précédent.

    Je m'inquiéterais beaucoup de l'effet de dissuasion que cela aurait sur les personnes qui pourraient venir témoigner devant le Parlement.

+-

    M. John Reynolds: Nous l'avons fait deux fois dans notre histoire, et...

+-

    M. Robert Marleau: La décision de 1978 ne concorde pas en tous points avec la situation actuelle; elle visait des délibérations à huis clos et elle avait été prise avec le consentement des témoins. Celle de 1892 avait conduit à l'expulsion d'un député relativement à une affaire de corruption et de pots-de-vin. Je ne pense vraiment pas que ces deux précédents concordent en tous points avec le contexte de... Vous dites, d'une part, nous ne voulons pas créer de précédent. Puis, si l'on ne veut pas créer de précédent, il ne faudrait pas invoquer d'autres précédents afin de justifier le précédent dans ce cas-ci. Je serais très mal à l'aise de recourir à ces précédents.

+-

    M. John Reynolds: Je sais bien, mais il s'agit ici aussi de corruption et de pots-de-vin.

+-

    M. Robert Marleau: Je ne saurais le dire, monsieur. Il se pourrait très bien que ce soit là la conclusion à laquelle on arrive, mais pour le moment, je soutiens qu'il vous faut faire ce qu'il convient de faire dans l'intérêt du Parlement, et pas nécessairement ce qu'il convient de faire pour assurer l'application régulière de la loi devant une autre instance.

+-

    La présidente: Très bien.

    Monsieur Guimond.

[Français]

+-

    M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ): Merci, madame la présidente.

    Merci, monsieur Marleau, de nous faire profiter de vos lumières, d'autant plus que j'ai lu La procédure et les usages de la Chambre des communes, un traité très intéressant pour nous, parlementaires. C'est même dans nos moeurs de l'appeler le Marleau-Montpetit. Je ne sais pas si l'expression Marleau-Montpetit sert à vous qualifier personnellement ou si on doit déduire qu'il s'agit de votre co-auteur, Camille Montpetit.

+-

    M. Robert Marleau: On avait choisi spécifiquement de ne pas l'appeler Montpetit-Marleau.

    Des députés: Ah, ah!

+-

    M. Michel Guimond: C'est à peu près là où je voulais en venir, mais vous ne m'en avez pas laissé le temps.

    Je pense particulièrement au chapitre 3, qui traite des privilèges et des immunités. Êtes-vous d'accord avec moi si je suis d'opinion que le fait d'accepter, même si c'est du domaine public, le renoncement à la protection du privilège parlementaire, dans le cas de M. Guité, pourrait constituer un dangereux précédent pour les 22 comités parlementaires que nous avons maintenant--comme vous le savez, nous on en a créé quelques-uns depuis votre départ--et pour toute chose qui serait dite par un parlementaire à la Chambre ou en comité? J'ajoute qu'en réponse à l'une de mes questions, M. Walsh a dit que la procédure d'assermentation des témoins, telle que mise en usage par le Comité permanent des comptes publics le printemps dernier, la déclaration que le président ou le greffier faisait avant chacun des témoignages stipulant que le témoin bénéficiait de la protection du privilège parlementaire...

    Êtes-vous d'accord avec moi que le fait d'enlever ou de renoncer à cette protection pourrait constituer un dangereux précédent?

+-

    M. Robert Marleau: D'emblée, je dois vous dire que je suis d'accord avec vous que cela pourrait créer un dangereux précédent, même si on formulait la suspension du privilège parlementaire avec des mots qui diraient: « Ceci ne doit pas être considéré comme un précédent pour les témoignages futurs ». Je crois que le privilège du libre droit de parole est tel qu'il est fondamental au fonctionnement de la Chambre et de ses comités parlementaires. Il faut qu'un député se sente entièrement libre de s'exprimer, sans craindre d'être poursuivi, sans craindre qu'il y ait une tentative d'intimidation quelconque à son endroit à cause de ce qu'il dit.

    La même protection a été accordée aux témoins afin de créer une dynamique de confiance entre eux et les parlementaires lorsque ces derniers les interrogent. Dans le cas de témoins soi-disant récalcitrants ou dans un contexte où les choses doivent être prises très au sérieux, l'assermentation du témoin cristallise, dirais-je, l'importance du processus et de la présence du témoin et de son témoignage. Et on peut le poursuivre pour parjure en vertu d'un article de la Loi sur le Parlement du Canada si un accroc est fait à la vérité.

    Ce que je disais plus tôt, dans l'autre langue, c'est que la suspension du privilège parlementaire en cette matière, surtout pour les témoins, pourrait non seulement créer un mauvais précédent, mais entraîner chez les témoins futurs un réflexe, non pas de ne pas venir témoigner devant les parlementaires, mais certainement de faire très, très attention à ce qu'ils disent dans de telles circonstances. Or, la dynamique parlementaire en est une, depuis lors, en vertu de laquelle le citoyen peut venir et interagir avec les députés dans le contexte des comités, tout en étant assuré que l'institution va assurer sa sécurité, par exemple contre l'intimidation.

    On a eu plusieurs cas d'intimidation, même au Canada. Récemment, un témoin a admis devant un comité qu'une société de la Couronne l'avait interpellé préalablement à son témoignage, et le comité a établi qu'il y avait eu outrage et qu'on avait fait une tentative d'intimidation à l'endroit du témoin. L'institution a réagi pour protéger le témoin. Alors, ce n'est pas tellement le mauvais précédent qui m'inquiète comme l'effet que cela aurait sur vos travaux futurs.

º  +-(1655)  

+-

    M. Michel Guimond: Je donne un exemple. Vous avez dit que, pour un témoin, la contrepartie du fait de venir témoigner de façon libre et volontaire et de faire bénéficier les comités parlementaires de ses lumières, c'est qu'il accepte de le faire en échange d'une certaine garantie. Ce que vous dites est intéressant. Le témoin pourrait être plus réticent, donc on serait peut-être obligé, comme Parlement, d'assigner des témoins à comparaître, d'avoir recours à des subpoena.

    Si vous remontez dans votre mémoire, avez-vous eu connaissance, lorsque vous étiez à la Chambre, de plusieurs situations où des témoins ont été assignés à comparaître devant un comité, en vertu du régime actuel?

+-

    M. Robert Marleau: Je ne dirais pas que c'est arrivé souvent, mais c'est arrivé. Cela arrive peut-être deux ou trois fois par législature, peut-être moins.

    Je vais vous donner un exemple hypothétique. Un témoin se présente devant le Comité des finances lors d'une enquête sur les frais bancaires. Le témoin se plaint de sa banque et fait état d'un certain nombre de problèmes. Quelques semaines plus tard, il demande une hypothèque, et on la lui refuse en lui disant que c'est parce qu'il a fait un témoignage un peu négatif au sujet de la banque. Le Parlement réagirait vivement dans pareille situation, et il devrait le faire. Si le Parlement ne réagissait pas, même si on ne parle pas ici de crime ou de parjure mais seulement de l'intimidation d'un témoin, tous les autres témoins qui viendraient par la suite évoqueraient cette situation où on n'aurait pas défendu ce témoin.

+-

    M. Michel Guimond: Oui, mais dans votre exemple, vous avez... .

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Guimond, vous allez devoir attendre au deuxième tour pour revenir à cette question. Je suis désolée. Je n'aime pas faire cela.

    Madame Boivin.

[Français]

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Je vais continuer dans le même sens que mon collègue d'en face, qui a posé une question au sujet de l'assermentation devant le Comité permanent des comptes publics. Selon ce que nous avons entendu et selon les faits, on a fait plus que cela, on a même fourni une lettre confirmant la notion de privilège, etc.

    Cela ne pourrait-il pas être perçu comme une forme de piège? Disons que je ne suis pas une parlementaire, mais une personne de l'extérieur qui vient témoigner ici, devant un des comités. Je viens répondre à des questions et je me fais assermenter. Avant cela, on m'a dit que je pouvais me présenter sans problème, si bien que je n'ai pas le réflexe de me faire accompagner d'un avocat. Je me sens libre d'aller m'exprimer. C'est là ce que le privilège est censé protéger.

    N'y aurait-il pas quelque chose de fondamentalement indécent à dire qu'une personne ne consent pas à nous rendre le privilège qu'on lui avait accordé? Ce problème ne va-t-il pas au coeur même du fondement du privilège qui est accordé à une personne?

    Nous avons des déclarations, mais personne ne peut nous dire aujourd'hui, sans rire, qu'il est convaincu qu'il y a un mensonge à tel endroit ou une fraude à tel autre, comme c'était le cas pour les exemples de 1892 et de 1978 qu'on a mentionnés. Selon moi, cela va encore plus loin que de retirer un privilège à quelqu'un après l'avoir assermenté et avoir confirmé son privilège par écrit.

»  +-(1700)  

+-

    M. Robert Marleau: La lettre ne fait que cristalliser le sérieux de la situation. Même sans la lettre, la même chose s'appliquerait. La lettre indique que le témoignage sera protégé par le privilège parlementaire et qu'il ne pourra donc pas être utilisé contre la personne ailleurs. Vous soulevez la question du contrat moral, c'est-à-dire qu'on promet quelque chose et qu'on change d'idée ensuite.

    Je peux imaginer un scénario où la Chambre, après avoir fait son enquête, établirait qu'il y a eu parjure, par exemple. Si un outrage au Parlement est déterminé par la Chambre, celle-ci pourrait décider de faire fi du privilège parlementaire pour l'individu ou les individus en question, qui sont devant un autre tribunal ou une autre commission d'enquête.

+-

    Mme Françoise Boivin: Nous n'en sommes pas encore rendus là.

    Est-ce que ce n'est pas trop rapide? À mon avis, la décision qu'on prendrait maintenant pourrait même paraître manquer de sérieux. En effet, on n'a aucun élément dans le dossier nous permettant de la justifier à part le fait qu'un juge d'une commission, que je respecte énormément, a posé une question un peu existentialiste au procureur, sachant qu'il y avait un gros débat qui se préparait. Est-ce que la Chambre serait disposée, à ce stade-ci, à tout simplement retirer son privilège? N'est-ce pas un peu rapide?

+-

    M. Robert Marleau: C'est pour cette raison que je vous ai signalé les trois exceptions que mentionnait le comité britannique, qui indiquait implicitement que cela ne se fait pas avant que la Chambre ait déterminé qu'il y a eu un accroc à la vérité ou une inconduite quelconque. Il est clairement énoncé que cela doit être pour ce motif.

+-

    Mme Françoise Boivin: Cela voudrait-il dire que théoriquement, s'il y a des doutes, il faudrait que cela retourne au Comité permanent des comptes publics, qui est le seul à avoir entendu le témoignage?

+-

    M. Robert Marleau: En effet, s'il s'agit d'un témoignage devant le Comité permanent des comptes publics. Cependant, je ne sais pas lequel des deux témoignages est faux.

+-

    Mme Françoise Boivin: Vous nous dites qu'il y a seulement le comité...

+-

    M. Robert Marleau: Si c'est le témoignage au Comité permanent des comptes publics qui est en cause, ce n'est pas à la commission Gomery, selon moi, de déterminer s'il est vrai ou faux. Ce serait au Comité permanent des comptes publics de le faire d'abord. Ensuite, il devrait faire rapport à la Chambre sur le fait qu'il y a eu outrage, et la Chambre déciderait des mesures à prendre contre le témoin en question.

    J'hésite à dire qu'une commission d'enquête, qui ne peut rien faire non plus dans ce contexte, puisse déterminer par la bande qu'il y a eu une inconduite dans un comité parlementaire.

+-

    Mme Françoise Boivin: M. Reynolds a parlé du fait qu'on retirait souvent le privilège pour un renvoi au Sénat. Si cette façon de faire vous est familière, peut-être pourriez-vous nous expliquer cela un peu plus longuement? Cela a-t-il un lien avec ce qu'on est en train de décider?

+-

    M. Robert Marleau: Je ne pense pas que cela ait un lien avec la question précise dont vous êtes saisis. Il est question d'un contexte particulier, celui d'un projet de loi ou d'un amendement qui pourrait contenir des éléments financiers. Selon la Constitution, l'initiative de ces éléments financiers est réservée à la Chambre. Cela serait susceptible de se passer dans le cas où le Sénat prétendrait qu'il ne s'agit pas vraiment d'un amendement de nature financière et où la Chambre des communes prétendrait le contraire. Après un débat et certains messages, afin d'éviter une conférence entre les deux chambres--personne ne se souvient ce qu'est une telle conférence et de ce que cela mange en hiver--, la Chambre accepterait un amendement et choisirait de suspendre son privilège d'initiative dans l'intérêt du projet de loi.

    Il est question, dans ce cas-ci, de deux institutions qui existent en vertu de la même partie de la Constitution. Sans répéter les discours que d'autres vous ont fait, il y a trois pouvoirs: l'exécutif, le législatif et le judiciaire. La commission Gomery ne relève pas du judiciaire, présentement. Sa création est une initiative de l'exécutif. Le Sénat et la Chambre des communes font carrément partie du pouvoir législatif.

»  +-(1705)  

+-

    Mme Françoise Boivin: Par conséquent, dans toute l'histoire du Canada, les deux seuls cas répertoriés seraient les cas mentionnés dans votre traité, les cas de 1892 et de 1978.

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    M. Robert Marleau: Oui.

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    Mme Françoise Boivin: Je vous remercie. C'est bien.

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    La présidente: Monsieur Godin, vous avez la parole.

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    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, madame la présidente.

    Monsieur Marleau, je vous remercie d'être venu ce soir et j'espère que vous êtes vraiment à la retraite, que vous ne travaillez plus et que vous êtes souvent en vacances au soleil, car vous l'avez mérité. Malgré tout, si vous faisiez quelque chose, on ne vous en tiendrait pas rigueur.

    Mon collègue demandait plus tôt pourquoi on n'adopterait pas le titre Montpetit-Marleau. Il y a déjà le dictionnaire Le Petit Robert, avec lequel, j'en suis certain, M. Robert fait beaucoup d'argent. Je constate que votre prénom est Robert également, alors...

    Je pense qu'on traite ici d'une question très importante. Vous avez dit clairement qu'en 1978, quand le privilège avait été retiré, les témoins étaient d'accord. Ici, il y a une différence. On dit que cela ne crée pas de précédent. Malgré tout le respect que je dois à M. Reynolds, selon qui cela a été fait en 1978 de même qu'en 1892, je pense qu'il s'agit de précédents, étant donné qu'on en parle. Si ce n'était pas le cas, on n'en parlerait pas du tout.

    En plus, je ne pense pas que ce soit à la commission Gomery de porter des accusations. Le rôle de ces gens est de déterminer ce qui s'est passé et de rendre cela public. Je ne crois pas qu'ils soient chargés de régler nos problèmes.

    Fondamentalement, comme député, je ne peux pas envisager de dire à mes concitoyens que, s'ils sont invités à comparaître devant un comité, ils pourront parler en toute liberté en vertu d'un privilège faisant en sorte que leurs propos ne pourront pas faire l'objet d'une poursuite en justice ou d'une comparution devant une commission extérieure et, par la suite, en vertu des circonstances, pour une question d'interprétation à savoir s'ils ont menti ou non, leur retirer ce privilège. Selon moi, c'est à eux de trouver la vérité avec l'aide, comme le disait Mme Boivin, de leur batterie d'avocats. On a des cours ici, on peut porter des accusations, on peut faire n'importe quoi.

    Vous avez de l'expérience dans le domaine parlementaire. Vous savez que notre crédibilité n'est pas toujours très solide. À court terme, il n'y a pas de problème, mais à long terme, on pourrait porter préjudice à notre Parlement.

    Selon moi, la question va plus loin. J'aimerais d'ailleurs entendre vos commentaires sur ce qui suit. Si on retire le privilège à un témoin, on peut aussi le retirer à un parlementaire de la Chambre des communes. Quand on parle à la Chambre, tous les Canadiens peuvent nous voir et nous entendre en direct à CPAC.

    Je ne prononcerai pas le nom de la banque que vous avez mentionnée plus tôt, mais en réalité, si on vous retirait ce privilège, vous pourriez être amené en cour demain matin. Il ne serait pas honnête de décider, dans deux semaines, de retirer son privilège à M. Robert Marleau et de laisser la banque porter des accusations contre lui. On pourrait dire aussi qu'il a raconté des mensonges au comité étant donné qu'il avait dit autre chose en public la veille. Il y a ici une question de respect, je pense.

    Je ne veux pas utiliser des mots inappropriés, parce que cela me dérange vraiment, mais quand on promet quelque chose à quelqu'un, il faut tenir parole. Nous sommes le Parlement, nous faisons les lois, nous représentons le public. Selon ma compréhension des choses, il faut avoir la possibilité de communiquer avec les citoyens très librement. Ces derniers doivent pouvoir venir s'asseoir avec les parlementaires et s'expliquer. Si quelque chose ne va pas ailleurs, c'est aux personnes impliquées a agir en conséquence, mais qu'on n'utilise pas ce qui s'est passé devant le Parlement.

    Je parlais tout à l'heure du danger que cela pourrait présenter pour un parlementaire. Qu'arriverait-il si on acceptait de retirer le privilège cette fois-ci? S'il y avait une élection l'an prochain ou dans deux ans, dans trois ans, et qu'un parlementaire indépendant disait des choses que les gens n'aiment pas, cela voudrait dire que nous pourrions décider, les parlementaires, de lui enlever son privilège.

    Vous avez lu la transcription de la séance d'hier, alors vous connaissez mes commentaires à ce sujet. J'aimerais connaître votre opinion. Je pense que vous l'avez déjà dit, mais j'aimerais que vous répétiez quels sont les dommages que cela pourrait entraîner dans le futur. Qu'est-ce qu'on dirait aux prochains...? Est-ce que moi, à titre de parlementaire siégeant à un comité parlementaire, je devrais dire à un témoin qu'il est protégé par le privilège parlementaire, mais seulement jusqu'à ce que le Parlement lui retire cette protection? Il faut être honnête avec les gens. Je crois que le fait de retirer cette protection accordée en vertu du privilège parlementaire serait une décision fondamentalement dangereuse.

»  +-(1710)  

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    M. Robert Marleau: J'abonde dans le sens de votre dernière phrase. Malheureusement, nous connaissons très mal notre histoire. L'article 9 du Bill of Rights a coûté très cher aux citoyens britanniques au cours de la période qui a conduit à la signature de l'article. Il fallait établir une fois pour toutes que la Couronne n'allait pas s'ingérer dans les affaires de la Chambre des communes ou du Parlement, ni par le biais des cours ni par l'exécutif.

    Je crains que la Chambre des communes, si elle suspend son privilège sur tout ce point-ci, n'affaiblisse l'article 9, n'affaiblisse l'article 18 de la Constitution du Canada. Elle affaiblirait aussi, jusqu'à un certain point, je ne sais plus quel article de la Loi sur le Parlement du Canada, qui dit que les privilèges parlementaires font partie de la loi du Canada et que les juges doivent en prendre connaissance. Si le Parlement suspend les privilèges, les juges pourraient ensuite demander au Parlement de suspendre les privilèges dans d'autres cas pour faciliter leur travail, puisque cela aura déjà été fait dans le passé. Vous affaiblissez, à mon avis, l'essence même de l'article 9.

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    M. Yvon Godin: Monsieur Marleau, je peux comprendre. Si on a fait une erreur, en faire une autre n'améliore pas les choses. Si on invite quelqu'un à un comité et qu'on lui dit qu'il n'a pas de privilèges, qu'on les lui enlève et que tout ce qu'il dira pourra être retenu contre lui, cela ne me pose aucun problème. C'est ce qu'on appelle l'honnêteté. Cependant, si on lui dit qu'on va le protéger et que, deux ans plus tard, on lui enlève ce privilège, c'est malhonnête. Il n'y a pas d'autre mot. C'est comme cela que je le vois.

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    M. Robert Marleau: C'est la question du contrat moral que vous avez avec les citoyens et que je mentionnais tout à l'heure.

    Il y a une distinction à faire. Vous avez mentionné le précédent, la décision de 1978. Il y a une très grande différente entre la situation actuelle et celle de 1978. En 1978, c'était un témoignage à huis clos devant un comité parlementaire. En fait, deux choses ont été accordées à la commission MacDonald: l'accès au huis clos et la permission de la part des témoins de donner cet accès aux témoignages à huis clos, avec des restrictions assez sévères.

    Dans le cas présent, le témoignage est public. Il me semble qu'il ne faut pas un avocat avec la tête à Papineau pour découvrir qui a dit quoi et quand devant le Parlement et pour respecter le témoignage parlementaire comme étant un témoignage non admissible. Tout est là. On a le droit de le lire. Il n'y a aucune interdiction de lire les procès-verbaux et les témoignages des comités, c'est public. Il s'agit de trouver un avocat assez habile pour se rendre à l'objectif qu'il veut atteindre en posant les bonnes questions sans citer le témoignage.

    Ce serait une autre histoire si c'était à huis clos, car la commission penserait peut-être que le Parlement a appris des choses qui pourraient être utiles dans le contexte de son enquête. Dans ce cas-ci, c'est public. Tout le monde le sait. Lever l'immunité dans un contexte public, à mon avis, est encore pire. C'est plus risqué.

»  -(1715)  

[Traduction]

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    La présidente: Nous pourrions avoir un tour de trois minutes pour... Monsieur Guimond? Non. Madame Boivin? Non. Très bien.

    Il ne me reste donc qu'à vous remercier sincèrement. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion.

    Le comité va maintenant siéger à huis clos. Nous allons donc suspende la séance pendant un moment. Les membres des médias qui ne font pas partie du personnel d'un député sont invités à quitter la salle.

    Merci.

    [La séance se poursuit à huis clos.]