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SNSN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 23 mars 2005




¹ 1535
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC))
V         L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice)

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550

¹ 1555
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC)

º 1600
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler

º 1605
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Stanley Cohen (avocat général principal, Section des droits de la personne, ministère de la Justice)
V         M. Gérard Normand (avocat général et directeur, Groupe de la sécurité nationale, ministère de la Justice)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Irwin Cotler

º 1610
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)

º 1615
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Joe Comartin
V         M. Daniel Therrien (avocat général principal, Bureau du sous-procureur général adjoint, ministère de la Justice)
V         M. Joe Comartin
V         M. Daniel Therrien
V         M. Joe Comartin

º 1620
V         M. Daniel Therrien
V         M. Joe Comartin
V         M. Daniel Therrien
V         M. Joe Comartin
V         M. Daniel Therrien
V         M. Joe Comartin
V         M. Daniel Therrien
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Tom Wappel

º 1625
V         Hon. Irwin Cotler
V         M. Stanley Cohen
V         M. Tom Wappel
V         M. Gérard Normand
V         M. Tom Wappel
V         M. Gérard Normand
V         M. Tom Wappel
V         M. Stanley Cohen
V         M. Tom Wappel
V         M. Stanley Cohen
V         M. Gérard Normand
V         M. Tom Wappel
V         M. Gérard Normand

º 1630
V         M. Tom Wappel
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Peter MacKay
V         M. Gérard Normand
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         M. Stanley Cohen
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler

º 1635
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         L'hon. Irwin Cotler

º 1640
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         L'hon. Irwin Cotler

º 1645
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler

º 1650
V         M. Stanley Cohen
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Tom Wappel
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Douglas Breithaupt (avocat conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice)

º 1655
V         M. Tom Wappel
V         M. Douglas Breithaupt
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Gérard Normand
V         M. Tom Wappel
V         M. Gérard Normand
V         M. Tom Wappel
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Tom Wappel
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Gérard Normand

» 1700
V         M. Tom Wappel
V         M. Gérard Normand
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Gérard Normand
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler

» 1705
V         M. Joe Comartin
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         L'hon. Irwin Cotler

» 1710
V         M. Stanley Cohen
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Irwin Cotler

» 1715
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler

» 1720
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Daniel Therrien

» 1725
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Peter MacKay
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Tom Wappel
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Tom Wappel
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)

» 1730
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Irwin Cotler

» 1735
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)










CANADA

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 23 mars 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)): Bonsoir et bienvenue mesdames et messieurs.

    Conformément à l'ordre de renvoi du 9 décembre 2004, étude de la Loi antiterroriste, nous accueillons aujourd'hui M. Irwin Cotler, ministre de la Justice. Le ministre fera une introduction, il aura la parole pendant 10, 15 ou 20 minutes, nous suivrons ensuite l'ordre habituel dans lequel nous posons des questions en commençant par un député de l'opposition officielle.

    Monsieur le ministre, bienvenue. Nous vous écoutons.

+-

    L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président et chers collègues.

[Français]

    C'est avec plaisir que je comparais devant vous cet après-midi afin de participer à l'examen de la Loi antiterroriste, dont l'article 145 prévoit « un examen approfondi des dispositions et de l'application de la présente loi ».

[Traduction]

    Non seulement, cet examen parlementaire entre dans le cadre de l'exécution de votre mandat conformément à l'article 145 de la Loi antiterroriste, mais il constitue une surveillance importante du Parlement quant à la responsabilité du gouvernement.

[Français]

    Permettez-moi d'abord de remercier le comité d'avoir adopté la motion présentée par le député de Windsor—Tecumseh visant l'examen de l'article 4 de la Loi sur la protection de l'information.

    J'avais d'ailleurs demandé, en février dernier, l'aide du comité pour étudier cette même disposition avant la dissolution du Parlement avant les dernières élections. Je suis heureux de voir que vous avez officiellement ajouté ce point à votre ordre du jour.

[Traduction]

    De plus, je remarque que vous avez ajouté au mandat de votre comité la question difficile des certificats de sécurité . Comme vous le savez, ces certificats qui prévoient un mécanisme d'expulsion de personnes posant un risque pour la sécurité du Canada et qui ne sont donc pas admissibles à entrer dans ce pays—ne font pas partie de la Loi antiterroriste. Ils font partie depuis longtemps des lois canadiennes, mais ils sont maintenant incorporés dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Toutefois, ces certificats de sécurité semblent être devenus le recours de choix pour protéger la population canadienne contre toute activité terroriste, comme ils devaient à l'origine protéger les Canadiennes et les Canadiens contre d'autres menaces à notre sécurité personnelle.

    Il ressort d'ailleurs de ma dernière rencontre à la Table ronde transculturelle que ces certificats sont considérés par les membres des collectivités ethniques du Canada—et particulièrement les Musulmans—comme une menace permanente, car on les rattache de près à la Loi antiterroriste. Ces certificats sont indubitablement un symbole puissant de l'environnement sécuritaire altéré avec lequel nous avons dû composer depuis les attentats du 11 septembre. Il s'agit d'une préoccupation majeure, et je serais heureux d'avoir vos points de vue à ce sujet.

    Votre rôle de surveillance est important, car vous examinez le rapport entre la sécurité et les droits qui découlent de la responsabilité du gouvernement en deux volets. La première responsabilité du gouvernement est de protéger la sécurité de ses citoyens—y compris la protection de ses citoyens contre la menace terroriste—qu'on appelle parfois le principe de protection. La deuxième obligation du gouvernement est de veiller à ce que, tout en protégeant ses citoyens, il ne porte pas atteinte à ceux-ci—un genre de serment d'Hippocrate (le gouvernement ne fait jamais de mal)—que l'on pourrait caractériser par le principe de modération.

    Dans un sens plus large donc, cet examen parlementaire porte sur les grands enjeux existentiels du moment. Étant donné l'importance du sujet et l'importance de votre examen, j'espère, monsieur le président, que vous serez un peu généreux pour ce qui est de mon temps de parole, car j'ai préparé un exposé quelque peu détaillé sur les points auxquels, je le sais, vous êtes attachés et qui suscitent des préoccupations auprès du Parlement et du public en général. Je suis prêt à revenir pour répondre à n'importe quelle question si cela est approprié ou souhaité.

    Cet après-midi, je propose de vous faire part de certains des principes fondamentaux et des valeurs politiques qui s'y rattachent et qui étayent tant la Loi antiterroriste que ma propre approche à son égard. En un mot, je propose une approche fondée sur les principes à l'égard de la Loi antiterroriste, de la sécurité et des droits de la personne. Je le dis car durant les années depuis l'attentat du 11 septembre, j'ai participé à une série de conférences sur le contre-terrorisme —et j'ai comparu à maintes reprises devant des comités parlementaires—dont le principe directeur—comme vous avez pu le constater dans vos échanges avec ma collègues, Anne McLellan, vice première ministre a trouvé sa formulation dans la question suivante : « À quelle part de nos libertés devons-nous renoncer? »

    Le problème, à mon avis, est que de telles questions, si légitimes soient elles, risquent de nous inviter à nous interroger sur les libertés qu'il faut abandonner au lieu d'insister sur les droits à sauvegarder; un discours sur les dangers auxquels notre mode de vie démocratique fait face, au lieu d'insister sur la sauvegarde de la démocratie même contre la menace terroriste; une caractérisation de la Loi antiterroriste en terme de sécurité nationale par rapport aux libertés civiles—analyse à somme nulle civile—alors qu'il s'agit ici d'une loi visant la « sécurité humaine » qui vise à protéger à la fois la sécurité et les droits de la personne.

    Permettez-moi de traiter tout d'abord des principes fondamentaux qui étayent notre Loi antiterroriste—et qui, ensemble, constituent ce que je propose comme une approche, fondée sur les principes à l'égard du terrorisme, de la sécurité et des droits de la personne pour le Canada et aussi pour les autres pays démocratiques et les autres pays démocratiques en voie de développement à l'étranger.

¹  +-(1540)  

[Français]

    Le premier principe est celui des rapports entre la sécurité et le droit à la protection de la sécurité humaine. Ici, le principe sous-jacent veut qu'il n'y ait pas de contradiction entre la protection de la sécurité et la protection des droits de la personne. Le contre-terrorisme lui-même est ancré dans une perspective des droits de la personne en deux volets.

    Premièrement, le terrorisme transnational constitue une agression, une atteinte à la sécurité d'une démocratie et une atteinte aux droits fondamentaux: le droit à la vie, le droit à la sécurité, le droit à la liberté. Par conséquent, le contre-terrorisme constitue la promotion et la protection de la sécurité d'une démocratie et des droits fondamentaux de la personne face à l'injustice. En fait, c'est la protection humaine dans son sens le plus profond.

[Traduction]

    Si la Loi antiterroriste est donc la promotion et la protection de la sécurité et des droits de la personne contre la menace terroriste, il faut aussi tenir compte du deuxième volet de la perspective des droits de la personne, c'est-à-dire que l'application de cette Loi antiterroriste doit toujours être conforme à la primauté du droit. Les minorités ne devraient jamais faire l'objet d'un traitement différentiel et discriminatoire. La torture doit être interdite partout et à jamais. Le contre-terrorisme ne doit pas saper la sécurité humaine que nous cherchons à promouvoir et à protéger. Ces deux principes ont été énoncés par la Cour suprême et par les juges Louise Arbour et Frank Iacobucci, qui étaient à l'époque membres de la Cour suprême du Canada. Je cite leurs remarques en référence à l'article 83.28 du Code criminel:

Le défi que doivent relever les démocraties dans la lutte contre le terroriste n'est pas d'y répondre, mais plutôt la façon d'y réagir.

Même si le terrorisme transforme nécessairement le contexte dans lequel la primauté du droit doit s'appliquer, il n'entraîne pas l'abdication de la loi. Mais en même temps, il faut, tout en maintenant la primauté du droit en réponse au terrorisme que la Constitution ne soit pas un pacte de suicide...

    Selon Thomas Powers, l'un des commentateurs les plus tranchants au sujet du terrorisme et des droits de la personne, « dans une république libérale, la liberté présuppose la sécurité et l'essence de la sécurité est la liberté. » C'est le fondement du premier principe, c'est-à-dire la protection de la sécurité humaine.

    Ce qui m'amène au principe 2: vers un principe de tolérance zéro à l'égard du terrorisme transnational. Nous devons établir clairement que le terrorisme, d'où qu'il vienne, quel que soit son but, est inacceptable. Il doit y avoir un principe de tolérance zéro à l'égard du terrorisme transnational comme l'énonce la résolution 1 337 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

    L'une des plus importantes caractéristiques—souvent méconnue—qui entravent la dynamique d'une loi de contre-terrorisme fondée sur des principes, est la zone floue des divisions morales et juridiques causée par la répétition du mantra « pour l'un, c'est un terroriste, pour l'autre, c'est un combattant de la liberté ». Ce mot d'ordre moral a émoussé la base justificative d'une loi claire et bien fondée sur des principes, ce qui est notre objectif commun. Autrement dit, l'idée que le terroriste devient pour une autre personne un combattant de la liberté ne peut pas étayer une approche bien fondée sur les principes d'une loi antiterroriste. Les combattants de la liberté ne cherchent pas à capturer et à massacrer des écoliers; les terroristes meurtriers le font. Les combattants de la liberté ne font pas exploser des trains ou des autobus transportant des non-combattants; les terroristes meurtriers le font. Les démocraties ne peuvent pas permettre l'association du mot « liberté » avec des actes de terrorisme.

¹  +-(1545)  

[Français]

    Le troisième principe est ce qu'on peut appeler le principe contextuel. J'entends par principe contextuel l'approche adoptée par la Cour suprême, qui a fait remarquer dans sa jurisprudence que les droits conférés par la Charte ainsi que toutes les restrictions de ceux-ci ne doivent pas être analysés dans l'abstrait, mais dans le contexte factuel qui leur a donné naissance.

[Traduction]

    Il ne fait aucune doute, comme l'a témoigné le professeur Paul Wilkinson devant ce comité parlementaire qui étudiait le projet de loi C-36 à l'époque, que « le 11 septembre, nous avons franchi une ligne stratégique. J'ajouterai que nous avons franchi une ligne de démarcation sur le plan juridique tant au pays que dans le monde.

    En conséquence, toute loi terroriste doit prendre en compte, comme l'a déclaré la Cour suprême, le principe contextuel—je veux dire la nature et les dimensions de cette menace terroriste transnationale. Ceci devrait inclure notamment le visage de plus en plus meurtrier du terrorisme, dont le massacre de civils dans des endroits publics; la croissance et la menace du terroriste économique et du cyber-terrorisme; le perfectionnement des réseaux transnationaux de communication, du transport et des finances; la fréquence croissante des actes de terrorismes par des kamikazes dû à l'extrémisme radical et au fanatisme; l'accès possible à des armes de destruction massive, sinon leur utilisation éventuelle; enfin et ceci vaut particulièrement pour cette approche contextuelle, la vulnérabilité croissante des sociétés démocratiques et techniquement avancées, comme le Canada, à ce genre de terreur.

    Principe 4: le modèle de la justice pénale internationale.

    Nous n'avons pas affaire à des criminels ordinaires ou nationaux, mais à des supers-terroristes transnationaux; non pas à une criminalité ordinaire, mais à des crimes contre l'humanité, non pas à la menace usuelle que fait peser sur nous la violence criminelle, mais une menace existentielle contre la famille humaine toute entière. En un mot nous avons affaire à des crimes et à des criminels du genre de ceux de Nuremberg, aux hostis humanis generis, aux ennemis du genre humain. Dans cette optique, le modèle interne d'application régulière du droit pénal à lui seul est insuffisant. En effet la guerre juridique contre le terrorisme ne peut pas être menée—ou gagnée par un seul pays.

    En conséquence, le modèle de justice pénale internationale—ancré dans cette menace transnationale—trouve aussi son expression dans le projet de loi C-36, dans la mise en application au Canada des 12 conventions internationales contre le terrorisme, ainsi que des engagements découlant des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies comme les résolutions 13, 73, 77 et autres.

[Français]

    En bref, monsieur le président, la Loi antiterroriste vise non seulement à mobiliser l'arsenal juridique intérieur contre le terrorisme international, mais à aider et à renforcer les mécanismes internationaux en vue de confronter le nouveau terrorisme supranational.

[Traduction]

    Principe 5: Le principe fondé sur l'objet.

    Pour déterminer la moelle et la substance—pour employer les termes des avocats de droit constitutionnel—l'essence d'une loi, le facteur le plus important est, selon la jurisprudence, sans « objet ». Par conséquent, lorsque la Loi antiterroriste a été déposée pour la première fois sous forme du projet de loi C-36, le gouvernement a déclaré qu'il espérait que cette Loi—je me réfère à sa forme à l'époque et je résume—renforcerait notre capacité d'empêcher une activité terroriste avant qu'elle se produise; perturberait, mettrait hors d'état de nuire et démantèlerait les groupes terroristes avant qu'ils agissent; respecterait les obligations internationales du Canada, comme je l'ai indiqué; assurerait le respect des droits de la personne et des principes constitutionnels tout en renforçant la sécurité publique et la sécurité nationale et affirmerait les valeurs de tolérance, de diversité et d'égalité.

    Ces objectifs demeurent les mêmes encore aujourd'hui et sont conformes à la position qu'a adoptée le Secrétaire général des Nations Unies quand il a énoncé les cinq piliers de la loi antiterroriste. C'est ce principe fondé sur l'objet que nous avons essayé d'inclure dans nos propres loi et politique antiterroristes. Ce principe a été exprimé en ces termes par le ministre de la Justice et des Droits de la personne d'Indonésie, la plus grande démocratie musulmane du monde, lors d'une visite au Canada dans le cadre du dialogue Canada-Indonésie sur les droits de la personne :

Notre priorité, en tant que gouvernement, dans la lutte contre le terrorisme international où nous devons assumer notre responsabilité mondiale est de bien établir que l'Islam et le terrorisme sont totalement incompatibles. Notre seconde priorité est la promotion de la démocratie et la protection des droits de la personne, et lorsque cela est tout aussi manifeste, d'établir que la démocratie et l'Islam sont totalement incompatibles.

    Principe 6: Le principe de prévention. Pour nous qui avons participé à la mise en place du projet de loi C-36 en 2001, il était manifeste qu'il fallait adopter une nouvelle approche législative afin de relever les défis uniques que posait le terrorisme transnational—approche fondée sur la prévention des actes terroristes. Par conséquent, nous avions besoin d'un recours législatif qui nous permette d'appréhender les personnes soupçonnées d'être des terroristes ou de perturber et de frustrer leur visée avant qu'ils fassent détoner des explosifs ou montent dans un avion.

    Nous avions besoin d'instruments d'enquête qui nous permettent d'obtenir des renseignements sur les groupes terroristes avant qu'ils ne lancent leurs attaques meurtrières. Nous avions besoin de mécanismes qui nous permettent de perturber les complots terroristes embryonnaires avant qu'ils aient porté fruit. Nous ne nous sommes pas écartés des principes de responsabilité criminelle.

    Principe 7: La Charte des droits et le principe de proportionnalité. La mise en vigueur du projet de loi C-36—comme toutes les lois, découlait du principe que la Loi doit se conformer à la Charte. Cela ne met pas nécessairement la Loi à l'abri de contestations en vertu de la Charte. Nous devons plutôt, en tant que gouvernement, examiner toutes les lois, y compris celle-ci, pour en assurer la conformité avec la Charte. En un mot, la Charte est une loi qui sert à légiférer et la jurisprudence a souligné l'importance du principe de proportionnalité pour assurer la conformité avec la Charte.

¹  +-(1550)  

[Français]

    Le principe de la proportionnalité, à savoir que la réponse juridique au terrorisme doit être proportionnelle à la menace, veut que nous tenions compte, dans notre évaluation de la Loi antiterroriste, des dangers que comporte la menace contemporaine du terrorisme transnational, de façon à bien jauger si notre réponse respecte les droits selon le test de la proportionnalité.

[Traduction]

    En résumé, bien qu'il s'agisse d'une loi spéciale, répondant à une menace extraordinaire, cette loi doit tout de même se conformer au principe de la proportionnalité—celui de mesures justes visant des objectifs justes.

    Principe 8 : le principe de comparaison et je vais plus vite, monsieur le président. En un mot, en promulguant notre loi antiterroriste, nous avons fait une analyse comparative des lois relatives à la lutte contre le terrorisme dans d'autres sociétés libres et démocratiques. Nous avons constaté que ces autres sociétés libres et démocratiques avaient promulgué ou étaient sur le point de promulguer des lois antiterroristes et—comme le montrait leurs travaux préparatoires—le but de ces promulgations étaient de protéger ces sociétés et de leur permettre de demeurer libres et démocratiques.

    Principe 9 : principe de l'application régulière du droit.

    Bien que j'ai défendu l'idée qu'une analyse de la législation antiterroriste devrait être faite à partir d'un modèle de justice pénale internationale plus global, cela ne nie pas l'importance ou la pertinence du modèle national d'application régulière du droit. Au contraire—et je parle ici à titre de personne qui a défendu des prisonniers politiques en divers endroits du monde, dont beaucoup ont eux-mêmes été accusés d'avoir commis des actes de terrorisme—l'application régulière du droit est un modèle et une sauvegarde nécessaire qui doit être incluse dans notre évaluation des fondements de la loi.

    Principe 10 : le principe des droits des minorités.

    Ce principe vise en particulier la protection des minorités visibles contre la particularisation à des fins de traitement différencié et discriminatoire dans l'application de la Loi antiterroriste. Cela était également une préoccupation majeure, exprimée dans les exposés des défenseurs des libertés civiles et des minorités visibles, entre autres les Musulmans, dans les audiences entourant le projet de loi C-36. Ce témoignage a continué de s'exprimer dans les préoccupations concernant le profilage racial.

    Nous avons donc établi une Table ronde transculturelle sur la sécurité nationale en vue d'obtenir une rétroaction sur l'effet de la Loi antiterroriste et de réfléchir sur notre approche fondée sur les principes en tant qu'expression de notre citoyenneté commune.

    Permettez-moi de répéter ce qui est depuis longtemps mon principe et ma politique sur cette question : les pratiques discriminatoires, y compris le ciblage de minorités, n'ont pas de place dans l'application de la loi et dans le travail de sécurité et du renseignement.

    Principe 11 : le principe de répression du discours haineux.

¹  +-(1555)  

[Français]

    Monsieur le président, ce principe, qui est une autre variante du principe des droits des minorités, cherche à protéger les minorités visibles de la haine véhiculée sur Internet ou dans le domaine des communications publiques, qui peut avoir pour effet d'en faire non seulement les cibles de la haine, mais également les cibles d'actes terroristes.

[Traduction]

    C'est la raison pour laquelle notre loi contient des protections contre l'incitation à la haine et l'incitation au terrorisme, afin de protéger en particulier les minorités visibles qui peuvent être les cibles de la haine, mais également être parfois les cibles d'actes terroristes.

    Cela m'amène au principe 12. C'est le dernier principe que j'appelle principe de surveillance.

[Français]

    Il s'agit d'un principe particulièrement important, concrétisé par des mécanismes de surveillance inclus dans la Loi antiterroriste, en vue d'assurer l'imputabilité à la fois parlementaire et publique.

[Traduction]

    Mon mémoire, dont certains d'entre vous ont une copie identifie quelques dix principes de surveillance, y compris, par exemple, l'application de la Charte canadienne des droits et libertés, les normes internationales des droits de la personne, les rapports annuels de ministres, les autorisations nécessaires ou les consentements...consentements par les ministres appropriés, etc.

[Français]

    Outre le contrôle judiciaire et parlementaire, les médias, les ONG et une société civile engagée surveillent l'application de la loi et en favorisent l'intégrité ainsi que l'efficacité globale.

[Traduction]

    En conclusion, ce comité a l'avantage, aujourd'hui, d'examiner la Loi dans une perspective qui ne vient qu'avec le temps. En effet, vous avez pour atout une expérience de trois années d'application de la Loi, l'expertise et l'expérience des fonctionnaires et des universitaires—canadiens et étrangers—que vous pouvez appeler à votre guise; la sagesse et les conseils de nos tribunaux; ainsi que l'expérience de nos diverses collectivités qui composent la mosaïque canadienne.

[Français]

    L'importance de cette loi ne peut être assez soulignée. Les Canadiennes et les Canadiens veulent être sûrs que le gouvernement a fait tout ce qu'il fallait pour les protéger contre les actes terroristes, sans pour autant empiéter sur leurs droits et leurs libertés individuels. En fait, dans le cadre de l'élaboration d'une loi antiterroriste exhaustive, la difficulté n'est pas d'établir un équilibre entre la protection de la sécurité nationale et celle des droits de la personne, mais de conceptualiser de nouveau les droits de la personne comme englobant la sécurité nationale, et la sécurité nationale comme englobant les droits de la personne. Cette enquête ne vise pas les libertés qu’il faudrait abandonner, mais bien les droits qu’il faudrait garantir. Ces deux éléments sont liés inextricablement.

[Traduction]

    En conséquence, le gouvernement du Canada doit adopter une approche, fondée sur les principes, visant la protection de la sécurité et les droits de la personne que nous partageons avec ce comité, alors que nous avons cherché à la renforcer dans le cadre de nos relations avec nos partenaires internationaux et avec nos homologues provinciaux et territoriaux.

    Monsieur le président, votre travail précieux concernant le projet de loi C-36 et les recommandations faites à l'époque ont rehaussé et renforcé cette Loi. Par ailleurs, nous avons hâte de connaître les conclusions de vos délibérations dans les mois qui viennent, et notamment, d'obtenir vos opinions sur les dispositions et sur l'application de la Loi. Je serai heureux d'entendre les exposés et les témoignages des personnes qui comparaîtront devant vous et si je suis invité, croyez que je comparaîtrai devant vous avec le plus grand plaisir.

    Je vous souhaite plein succès dans cet examen de la Loi et je suis prêt à répondre à vos questions et à prendre connaissance de vos observations.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur le ministre.

    Nous procédons à la première série de questions en commençant par M. MacKay de l'opposition officielle.  

+-

    M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci, professeur Cotler—. Nous sommes heureux de vous accueillir monsieur le ministre et vos fonctionnaires cet après-midi. Merci pour cet exposé très détaillé.

    Si vous me le permettez, monsieur le ministre, j'aimerais commencer par l'un des éléments les plus, disons, controversés, bien qu'il soit séparé et distinct de la Loi. Nous avons inclus cet un élément dans notre mandat, pour l'étudier, il s'agit des certificats de sécurité. Ils tombent au bon moment. On en parle aux nouvelles, comme vous le savez. En fait, pas plus tard qu'hier, le juge Dawson a émis un certificat de sécurité contre Mohamed Harkat en se fondant sur des preuves qui, nous le savons, sont présentées en secret.

    Ma question ne porte pas sur la décision, car cela serait inapproprié. Je voudrai savoir si les juges qui ont entendu ces affaires ou des affaires similaires dans des audiences d'investigation, des affaires comprenant dans certains cas le type de mandat pour une arrestation à titre préventif, reçoivent une formation spéciale; s'ils reçoivent des renseignements fondamentaux particuliers étant donné le caractère critique de ces affaires et des renseignements détaillés importants et nécessaires à la prise de décisions éclairées, comme vous l'avez souligné; et s'ils reçoivent ces renseignements pour les aider à mesurer l'importance de ces préoccupations nationales et internationales en matière de sécurité. Finalement, est-ce que ces juges ont une autorisation de sécurité pour entendre ces preuves?

    Je dis cela dans le contexte voulant que la Loi antiterroriste ayant amendé la Loi sur les secrets officiels, monsieur le ministre, comme vous le savez, crée la Loi sur la Protection de l'information, qui contient des dispositions sur les renseignements opérationnels spéciaux—c'est-à-dire, pour assurer que les personnes qui reçoivent des renseignements jugés essentiels à la sécurité du Canada seront astreintes au secret à perpétuité et ces personnes sont autorisées à prendre connaissance de ces renseignements confidentiels.

    Nous savons que, pas plus tard que l'année dernière, votre gouvernement a annoncé son intention d'élargir cela à d'autres services des ministères du gouvernement, y compris le Secrétariat du Bureau du Conseil privé chargé de la politique étrangère et de la défense, les directions des services juridiques du SCRS et CST et le Groupe de la sécurité nationale de votre ministère, le ministère de la Justice.

    Ma question est la suivante : Est-ce que les juges en feront aussi partie? Estimez-vous que ce soit approprié? En supplément à cette question est-ce que le juge O'Connor de la Commission d'enquête de l'affaire Maher Arar en fera aussi partie? Je ne m'attends pas à ce que vous fassiez des commentaires sur l'affaire Arar. Je sais que vous vous en êtes abstenu.

    Ma question vise principalement les juges placés aujourd'hui dans cette catégorie particulière de personnes qui recevront une autorisation de sécurité et seront autorisées à prendre connaissance de ces renseignements, ma question vise aussi la formation.

º  +-(1600)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci de votre question.

    Permettez-moi de dire en ce qui concerne la première partie de votre question à savoir si les juges reçoivent une formation spéciale. Que les personnes qui font partie du système judiciaire et qui ont été choisies pour être des juges grâce à leur mérite, leur expérience et leur expertise en matière de conclusion de fait et de droit et reconnues capables de régler ces questions incluant les moyens de droit et de fait, dans le domaine particulier qui pourrait être appelé une loi sur la sécurité nationale ou une loi sur la sécurité nationale et les droits de la personne. Or, cela fait partie du travail quotidien des juges dans leurs enquêtes et leurs conclusions juridiques et, en fait, ce n'est pas seulement la Cour fédérale qui s'occupe de cela, mais aussi la Cour suprême.

    J'ajouterai qu'en ce qui concerne la formation, les juges sont en apprentissage permanent, surtout parce que les lois évoluent. J'ai moi-même participé, quand j'occupais d'autres fonctions, à certains de ces séminaires de formation qui traitaient de sujets intéressants tels que le développement des droits de la personne dans le monde, le droit humanitaire et le droit criminel ou les dimensions nationales du droit de la Charte qui pourraient s'appliquer aux cas de sécurité nationale et ainsi de suite.

    Donc, je pense que vous allez vous rendre compte que nos juges sont prêts grâce à l'expertise qu'ils ont acquise dans les enquêtes et le raisonnement juridique et grâce à la formation permanente.

+-

    M. Peter MacKay: Je suis désolé, monsieur le ministre, mais je veux clarifier un point. Vous dites qu'il n'y a pas de programme particulier de formation des juges dans ce domaine. Vous dites que cela fait tout simplement partie de leur formation normal et du processus de sélection normal.

    Je veux qu'on soit clair à ce sujet. Vous dites que le gouvernement n'a aucunement l'intention d'avoir un processus de sélection spécial pour les juges qui entendent ces causes.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Laissez-moi répondre simplement. J'en arrivais à ce point particulier. L'Institut national de la magistrature voit à la formation permanente de nos juges et cela comprend la formation touchant les questions soulevées ici.

    Mais vous avez posé une question particulière qui est liée également à la question des juges désignés aux fins du secret et des choses du genre, et je veux citer le paragraphe 10(3) de la Loi antiterroriste :

Les personnes ci-après ne peuvent être astreintes au secret à perpétuité mais elles continuent d'y être astreintes si elles l'étaient préalablement à l'exercice de leurs fonctions :

    Parmi les catégories précisées, on fait allusion aux juges rémunérés sous le régime de la Loi sur les juges. Voilà l'état de la question en ce qui concerne le secret, mais j'aimerais demander à mon collègue, Stanley Cohen, qui a traité de la formation et de l'éducation des juges, de donner, peut-être, une réponse plus poussée à cette question.

º  +-(1605)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Juste pour que ce soit très clair, au cours du premier tour, nous avons sept minutes pour les questions et les réponses. Alors, soyez concis aussi bien dans les questions que les réponses.

    Monsieur Cohen.

+-

    M. Stanley Cohen (avocat général principal, Section des droits de la personne, ministère de la Justice): Je vais essayer d'être bref.

    L'Institut national de la magistrature est l'organisme qui est chargé de la formation permanente et continue des juges et je sais pour y avoir participé moi-même que cet institut a eu des programmes qui concernaient directement la Loi antiterroriste, ses dispositions et sa portée. Ces programmes ne se limitent pas aux fonctionnaires du ministère de la Justice, où je travaille, mais comprennent la préparation et la présentation d'exposés par des spécialistes du domaine venant de partout au Canada.

+-

    M. Gérard Normand (avocat général et directeur, Groupe de la sécurité nationale, ministère de la Justice): Monsieur McKay, si vous permettez, les juges qui entendent les causes liées à des certificats de sécurité sont des juges désignés des cours fédérales. Ce sont les mêmes juges qui entendent les questions liées à la Loi sur la preuve du Canada, les objections qui sont fondées sur la sécurité nationale. Alors, il s'agit du même groupe de juges désignés.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre. J'ai toujours été impressionné par la nature remarquable de votre carrière. En outre, la profondeur de votre exposé m'incite à le relire immédiatement. Dites-vous bien qu'ici, notre objectif est la sécurité. Nous reconnaissons qu'un effort particulier doit être fait pour lutter contre le terrorisme, mais nos inquiétudes portent sur les abus ayant pu découler des pouvoirs extraordinaires qui ont été octroyés à cette occasion.

    Je vous ramène 20 ans en arrière, monsieur le ministre. N'auriez-vous pas été à tout le moins très mal à l'aise de savoir qu'au Canada, la loi permettait d'incarcérer des gens pour un temps indéfini, sans avoir à leur prouver leur culpabilité?

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Cotler.

[Français]

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je veux dire d'abord que les principes dont j'ai fait part au comité aujourd'hui sont les mêmes que ceux que j'avais voilà 20 ans. Lorsque j'étais un universitaire, il y a 15 ans, j'avais demandé au gouvernement d'adopter des lois contre le terrorisme. En effet, j'étais convaincu que celui-ci représentait une menace internationale. C'est important. La première responsabilité du gouvernement est d'assurer la sécurité des citoyens et de protéger les droits fondamentaux comme notre droit à la vie, notre droit à la liberté et notre droit à la sécurité. Comme je l'ai dit, je ne vois aucune opposition entre la protection de la sécurité et la protection des droits de la personne.

    Parlons de la question du certificat de sécurité et du processus juridique. Je tiens à souligner que la Cour suprême du Canada, lors de son étude, a établi que le processus juridique était constitutionnel et raisonnable, y compris la Loi antiterroriste et le certificat de sécurité dans le cadre de notre Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. On a dit que ce processus ne contrevenait pas à la primauté des droits.

    De plus, selon le principe contextuel, on doit prendre connaissance de la menace qui pèse sur notre sécurité et on doit voir ces mesures de sécurité comme une réponse à cette menace. Les droits ne sont pas figés dans le temps: on doit envisager toute cette question des droits dans le contexte actuel.

º  +-(1610)  

+-

    M. Serge Ménard: Oui, mais je pense que dans les deux cas où la Cour suprême a tranché, ce n'est pas la liberté qui était en jeu, mais plutôt l'expulsion de gens du Canada.

    Cela ne va-t-il pas à l'encontre de tous les principes de droit qu'on a appris? Vos propos, qui visent à défendre cette loi, pourraient aussi bien servir à une défense générale du Code criminel ou de n'importe quelle autre loi, n'est-ce pas? Ne trouvez-vous pas que le fait qu'un gouvernement au Canada—pas nécessairement le vôtre—puisse recourir aux lois actuelles pour incarcérer des gens sur la base d'une preuve qu'ils ne connaissent pas va trop loin?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Il n'est pas question d'emprisonner quelqu'un sans qu'on ait connaissance de la preuve. Il faut un certificat, autorisé par deux ministres, basé sur une connaissance de la preuve au départ. Par la suite, il y a révision judiciaire et la cour doit déterminer une autre fois si la preuve est suffisante et raisonnable. De plus, il y a une enquête, et c'est normal qu'une partie de l'enquête se déroule en secret. Il n'empêche que le juge examine la preuve et en fait un résumé. L'avocat de l'accusé a la chance d'interroger le gouvernement à cet égard.

    Si vous me demandez si le processus est parfait, je répondrai que non. Je dois néanmoins vous dire que, ayant été conseiller juridique de quelques prisonniers politiques qui ont été accusés d'actes de terrorisme, j'aurais aimé disposer d'un tel processus, où il y a une approche judiciaire et la chance de répondre aux accusations, même si ce n'est pas totalement suffisant.

+-

    M. Serge Ménard: Le temps passe trop rapidement. J'aimerais vous poser une autre question.

    Je vais maintenant vous ramener 35 ans en arrière, lors de la crise terroriste au Québec. Croyez-vous que les lois que nous avons maintenant auraient alors empêché des actes terroristes au Québec?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je ne peux pas spéculer à cet égard. Il est difficile de savoir s'il aurait été possible d'empêcher cela. Cependant, en réponse à votre question, je dirai que les certificats de sécurité sont prévus dans notre loi depuis près de 30 ans.Ce n'est pas une chose nouvelle qui découle de la Loi antiterroriste.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Très rapidement.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Pendant la crise d'octobre, on a arrêté 300 innocents qu'on a libérés par la suite. Croyez-vous que des lois plus spécifiques pour lutter contre le terrorisme auraient permis de faire moins d'erreurs de ce type?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Peut-être.

+-

    M. Serge Ménard: Peut-être qu'on n'aurait pas arrêté Pauline Julien, par exemple.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: À la suite de l'expérience qu'on a eue à cette époque, une nouvelle loi a été adoptée pour corriger les problèmes. Quant à la présente loi, il est difficile de savoir quelles en auraient été les conséquences si elle avait existé à cette époque, mais elle contient beaucoup d'éléments pour protéger les droits de la personne.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Comartin.

º  +-(1615)  

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Monsieur le Président.

    Merci, monsieur le ministre, d'être ici.

    Pour débuter, je sais que c'est un peu inhabituel, mais y a-t-il des projets quelconques dans votre ministère pour apporter des modifications à la Loi antiterroriste?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Laissez-moi simplement dire, monsieur Comartin—parce que vous n'étiez pas ici lorsque j'ai commencé mon exposé—que j'ai dit initialement que nous étions ouverts à toute recommandation qui pourrait faire suite à votre examen. J'ai dit qu'au moment de l'étude initiale du projet de loi C-36, le texte législatif a, en fait, été modifié en fonction des amendements qui ont été présentés par les membres de ce comité. J'étais l'un de ceux qui, à l'époque, ont proposé un certain nombre d'amendements; alors, il est certainement possible à ce comité, après son étude des témoignages et dans le cadre de ses délibérations, de proposer des recommandations. Si elles servent à améliorer la législation, à en faire une loi meilleure, alors, évidemment, nous sommes ouverts à cela.

+-

    M. Joe Comartin: Je comprends par là qu'à l'heure actuelle, vous attendez les recommandations du comité. Il n'y a rien de précis en provenance du ministère de la Justice.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Il n'y a rien de précis en provenance du ministère de la Justice en ce moment, bien que nous soyons en train d'examiner... et cela nous ramène aux questions précédentes sur les certificats de sécurité. Nous nous retrouvons dans une situation un peu polarisée—la détention, d'un côté, pour nous protéger contre un risque touchant notre sécurité nationale et la sécurité des Canadiens ou, de l'autre côté, le renvoi dans un pays où il y a un risque substantiel de torture. C'est quelque chose qui est à la fois contraire au droit international... et dans le droit national, la Cour suprême a dit que c'était admissible, mais seulement dans des circonstances exceptionnelles. Nous sommes en train d'explorer des options intermédiaires qui pourraient nous permettre d'avoir, comme au Royaume-Uni, des ordonnances relatives à la surveillance de telle manière que nous ne soyons pas placés devant ces deux choix extrêmes. Il se pourrait bien que dans l'étude de ces options, nous arrivions avec de meilleures recommandations que nous pourrons alors incorporer dans notre loi.

+-

    M. Joe Comartin: À cet égard, dans votre étude, est-ce que vous prenez en compte la décision de la Chambre des Lords en décembre et celle de la Cour suprême de la Nouvelle-Zélande dans la nouvelle année?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Oui, nous examinons ce qui se fait dans d'autres pays, comme nous l'avons fait au moment de la mise en application initiale de notre loi, et nous regardons les autres administrations pour voir comment évoluent le droit et la jurisprudence dans ces dernières.

    Je pourrais ajouter, entre parenthèses, que j'étais au Royaume-Uni peu de temps après la communication du jugement des Lords juristes et que j'en ai discuté avec plusieurs Lords juristes qui ont rendu ce jugement, ainsi qu'avec le procureur général du Royaume-Uni et d'autres. Alors, comme je le dis, là où nous pourrons apprendre à partir de l'expérience acquise par d'autres administrations et d'autres jurisprudences, nous le ferons.

+-

    M. Joe Comartin: Y a-t-il eu—et vos fonctionnaires pourraient aider—une décision concernant la libération de Jaballah au cours des 24 dernières heures? J'ai reçu un courriel à ce sujet plus tôt cet après-midi, mais je ne l'ai pas lu.

+-

    M. Daniel Therrien (avocat général principal, Bureau du sous-procureur général adjoint, ministère de la Justice): Oui.

+-

    M. Joe Comartin: Pourriez-dire au comité quelle était cette décision?

+-

    M. Daniel Therrien: La conclusion du tribunal était que... il s'agissait d'un cas lié au certificat de sécurité, mais il y avait deux questions sur laquelle la cour devait potentiellement se prononcer—à savoir si le certificat a été rédigé d'une manière valable, si c'était raisonnable, et la cour a reporté sa décision sur cette question à cause de la décision qu'elle a rendue sur le deuxième point, qui était la décision d'un délégué de l'immigration que la personne pouvait faire l'objet d'un renvoi. La cour a déterminé que cette décision était illégale pour un certain nombre de raisons qui n'ont rien à voir avec la question que le ministre a soulevé, qui est de savoir si nous pouvons renvoyer quelqu'un lorsqu'il est question de torture... Alors, pour ce que j'appellerais un certain nombre de raisons liées à la procédure, la cour a mis de côté la décision selon laquelle la personne n'était pas à risque de subir la torture. Le résultat final, c'est que cette décision quant à savoir si la personne est à risque de torture, devra être prise ultérieurement. En attendant, la décision en vertu du caractère raisonnable du certificat a été reportée.

+-

    M. Joe Comartin: Qu'en est-il de la détention qui se poursuit?

º  +-(1620)  

+-

    M. Daniel Therrien: Parce que la personne doit toujours faire face à un examen concernant le caractère raisonnable du certificat, la loi exige que durant cet examen, la personne soit détenue.

+-

    M. Joe Comartin: Combien de temps cette personne a-t-elle été détenue?

+-

    M. Daniel Therrien: M. Jaballah? Je ne peux le dire avec certitude. Cela fait certainement plus de deux ans.

+-

    M. Joe Comartin: Est-ce le cas où la procédure a été appliquée une seconde fois?

+-

    M. Daniel Therrien: Pour Jaballah, oui.

+-

    M. Joe Comartin: Alors, il a été détenu pendant une certaine période de temps la première fois et cela fait au moins deux ans qu'il est détenu la deuxième fois.

+-

    M. Daniel Therrien: C'est exact.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur le ministre, vous avez fait certaines observations en réponse à la question de M. Ménard. Je veux contester les réponses sur la question des certificats et la façon dont ils sont utilisés. La réalité, c'est que la façon dont ils sont utilisés maintenant est beaucoup plus restrictive que la façon dont ils étaient utilisés du temps où le CSARS était responsable de ces certificats. Je parle précisément du recours à un avocat indépendant. Êtes-vous prêt à réintroduire cet élément dans le processus, de sorte qu'une personne qui fait l'objet d'un de ces certificats aura une meilleure chance de se défendre devant le juge par le biais d'un avocat indépendant, par opposition à leur propre avocat?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je pense que vous faites allusion à la possibilité d'avoir un intervenant désintéressé...

+-

    M. Joe Comartin: Oui.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: ...qui ferait partie du processus. Oui, nous sommes prêt à envisager cette question. Et comme vous le savez, le processus actuel a permis d'examiner cette question. Il y a eu deux causes dans lesquelles la Cour fédérale a, en fait, rejeté cette possibilité, mais à mon sens, le fait qu'une partie de l'enquête a effectivement lieu à huis clos, bien qu'il y ait une enquête complète qui soit faite à huis clos par le juge responsable... Nous sommes prêts à envisager l'idée d'un intervenant désintéressé.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Cotler.

    Monsieur Wapple.

+-

    M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, monsieur le ministre. Comme je l'ai dit à la ministre McLelland, il s'agit d'une loi qu'il m'est très difficile de comprendre complètement parce qu'il y a tellement de pages à feuilleter, tellement de lois à vérifier et les choses vont si rapidement. Comme exemple de choses qui vont rapidement, vous avez cité un article de quelque chose en réponse à la question de M. MacKay concernant les juges. Je me demande si vous ne pourriez pas répéter, de sorte que je puisse trouver l'article en question. Cela concernait le secret.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je faisais allusion au paragraphe 10(3) de la Loi sur la protection de l'information, qui dit ceci:

Les personnes ci-après ne peuvent être astreintes au secret à perpétuité mais elles continuent d'y être astreintes si elles l'étaient préalablement à l'exercice de leurs fonctions:

    Et parmi ces dernières, il est question des juges rémunérés sous le régime de la Loi sur les juges.

+-

    M. Tom Wappel: Alors, il s'agissait en fait de la Loi sur la protection de l'information.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Oui.

+-

    M. Tom Wappel: Très bien, parce que je regardais l'article 10 dans la Loi antiterroriste et que je ne pouvais trouver cela. Alors, il y a une exception précise pour les juges. Ne trouvez-vous pas étrange que les juges fassent exception aux lois sur le secret? Ils entendent les preuves données par des gens tenus au secret et ils entendent des éléments de preuve qui sont secrets et qui peuvent potentiellement nuire à l'État, et pourtant ils ne sont astreints à aucune disposition relative au secret.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je ne trouve pas cela inhabituel. Nous avons une confiance inhérente dans nos juges. Ils exécutent cette fonction de recherche d'information depuis des années. Ils sont en contact avec de l'information liée à la sécurité non seulement dans ces domaines, mais aussi dans d'autres domaines. Cela fait partie intégrante de la fonction judiciaire. Je ne considère pas cela comme inhabituel ni, à mon avis, troublant.

+-

    M. Tom Wappel: Et vous ne trouvez pas inhabituel que le gouverneur général soit exempté, mais pas le premier ministre?

º  +-(1625)  

+-

    Hon. Irwin Cotler: Je ne sais pas quels étaient les travaux préparatoires qui ont mené à la désignation du gouverneur général, mais non du premier ministre, mais certains de mes collègues seraient peut-être en mesure de répondre à cette question.

+-

    M. Stanley Cohen: Tout ce que je peux dire en ce qui concerne le processus de la Loi sur la protection de l'information, c'est que la liste des personnes astreintes au secret à perpétuité n'est pas fixe. C'est quelque chose qui évolue.

+-

    M. Tom Wappel: Je ne pensais même pas vous poser des questions sur ce sujet. La question a tout simplement été soulevée et je trouve étrange de voir qui figure sur la liste et qui n'y figure pas et pourquoi. Oui, évidemment, nous faisons confiance à nos juges. Nous espérons certainement qu'il n'y a pas de problèmes. Je trouve tout simplement curieux que le ministre de la Justice, je présume, soit lié par la sécurité et le secret—et je lui fais certainement confiance—alors qu'un juge ne l'est pas.

    Je trouve cela tout simplement étrange dans le contexte des choses que les gens vont entendre dans le monde d'aujourd'hui. Une fois que ce juge prend sa retraite et qu'il n'est plus juge, il n'est plus lié par aucune disposition touchant le secret, je présume, et peut dans quelque circonstance que cette personne le désire, discuter de ce qu'elle a entendu parce que le juge n'est pas astreint au secret. Est-ce exact?

+-

    M. Gérard Normand: Si vous le permettez, les personnes qui sont astreintes au secret à perpétuité en vertu de la Loi sur la protection de l'information le sont pour une raison bien précise, à savoir par rapport à la possibilité de divulgation de l'information qui ne serait pas autorisée. Bien que les personnes qui ne sont pas touchées par l'exception ne sont, comme vous le savez probablement, pas automatiquement touchées, seules les personnes qui ont un accès intime et régulier à ce type d'information seront désignées personnellement.

    En plus des personnes qui ont un accès régulier à ce type d'information—si vous n'avez pas cet accès régulier, vous ne serez pas nécessairement désigné—, vous avez des personnes qui ont un certain type d'accès à de l'information personnelle particulière qui ne seront pas astreintes au secret à perpétuité. Il s'agit d'établir un équilibre en tenant compte de ceux qui ont cela. C'est un élément qui a été ajouté à la politique de sécurité du gouvernement pour préciser les cas où quelqu'un deviendrait personnellement astreint au secret.

+-

    M. Tom Wappel: Très bien. Juste pour être bien sûr de comprendre—et encore une fois, je le répète, je n'avais pas l'intention de parler de cette question, mais je suis tout simplement curieux à ce sujet—est-il vrai qu'un juge pourrait entendre un témoignage très secret au plus haut niveau de sécurité dans le cadre d'un procès, prendre sa retraite et, ensuite, en parler, en vertu des lois actuelles du Canada?

+-

    M. Gérard Normand: Une des notions qui a été prise en compte pour exclure les juges était la notion d'indépendance judiciaire. Dans le contexte des audiences, l'organe judiciaire ne fait pas partie de l'organe exécutif, de sorte que les personnes qui seront désignées comme étant astreintes au secret à perpétuité sont des personnes qui font partie de l'organe exécutif ou des entrepreneurs. L'organe judiciaire étant indépendant de l'organe exécutif, il a été jugé que les juges devaient rester en dehors de cela—

+-

    M. Tom Wappel: Monsieur Normand, je ne demande pas la justification. Ma question est très simple. Est-il vrai , en vertu des lois actuelles, qu'un juge pourrait entendre un témoignage très secret, prendre sa retraite et ensuite, en parler?

+-

    M. Stanley Cohen: Il y a des restrictions, tout comme il y en a pour tous les citoyens du Canada qui prennent connaissance de renseignements qui sont protégés. Alors, si quelqu'un était indiscret dans la façon dont il traite l'information sur la sécurité nationale, cette personne s'exposerait à des poursuites potentielles en vertu de notre législation.

+-

    M. Tom Wappel: De quelle législation s'agirait-il?

+-

    M. Stanley Cohen: C'est—bien, je laisse cette question à mon collègue.

+-

    M. Gérard Normand: Ce pourrait être la même législation... La différence, c'est que si vous êtes astreint au secret à perpétuité, certaines infractions précises s'appliquent à vous. Et ces infractions sont précisées dans les articles 13 et 14. Si vous êtes une telle personne et que vous divulguez de l'information opérationnelle particulière qui est définie ici, pour obtenir une condamnation, nous n'aurions pas à déterminer la véracité de l'information et nous n'aurions pas à établir qu'il y a eu un tort causé. Cela n'écarte pas la possibilité d'être poursuivi, par exemple, en vertu de l'article 4 de la même loi.

+-

    M. Tom Wappel: À savoir la Loi sur la protection de l'information?

+-

    M. Gérard Normand: Oui.

º  +-(1630)  

+-

    M. Tom Wappel: Très bien. Combien me reste-t-il de temps?

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Vous avez dépassé de 30 secondes. Merci, monsieur Wappel. Il s'agissait d'une série de questions intéressantes et nous reviendrons à vous plus trad.

    Monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay: Juste pour continuer dans cette même veine, les dispositions actuelles interdiraient probablement la publication de livres par des personnes agissant dans cette capacité. Je pense en particulier à John Starnes, ancien chef du Service de sécurité de la GRC, qui a écrit un ouvrage très intéressant concernant sa vie au sein de ce service. Mike Frost a rédigé un livre intitulé Spyworld il y a quelques années. Cette disposition interdirait probablement ce genre de publication. Est-ce exact?

+-

    M. Gérard Normand: C'est exact, à moins que les personnes aient été autorisées à divulguer cette information.

+-

    M. Peter MacKay: Cela pourrait vous empêcher, monsieur le ministre, de publier vos mémoires dans les années futures.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Cela pourrait être une bonne chose pour le public; ce n'est peut-être pas une mauvaise chose.

+-

    M. Peter MacKay: Cela pourrait très bien être le cas.

+-

    M. Stanley Cohen: En toute équité pour M. Starnes et d'autres qui ont écrit des ouvrages, il y a toujours eu au Canada une Loi sur les secrets officiels, et il y a toujours eu la possibilité d'entamer des poursuites en vertu de cette loi, qui, évidemment, avait une portée encore plus vaste, et qui, en fait, était fortement critiquée pour le caractère très vaste de ses dispositions. Je suis certain que M. Starnes s'assurait de ne pas franchir la ligne dans ce qu'il pouvait ou non divulguer dans ses mémoires.

+-

    M. Peter MacKay: Sans aucun doute.

    Parlant d'auteurs, monsieur le ministre, j'ai la copie d'un article que vous avez écrit le 14 septembre, un an et quelques jours seulement après le 11 septembre. Il est intitulé «Two cheers for anti-terror laws ».

Le député libéral Irwin Cotler louange son gouvernement pour sa loi antiterroriste, mais affirme qu'il est possible d'apporter beaucoup d'améliorations, y compris en ce qui concerne la définition de terreur et la soi-disant disposition de temporarisation. (Traduction)

    Je me demandais si vous êtes toujours de cet avis.

    En plus de cela, l'article, entre autres choses, se montre critique à l'égard de l'article 38 de la Loi sur la preuve du Canada qui autorise le procureur général à délivrer personnellement des certificats interdisant la divulgation de l'information. C'était une des principales critiques que vous aviez à l'égard de la législation à cette époque. Vous avez dit que la durée de 15 ans des certificats du procureur général était trop longue et que la capacité des examens judiciaires étaient indûment restreinte. Je me demandais si vous pouviez expliquer vos préoccupations de l'époque et si vous considérez toujours ces questions comme posant un problème. Si oui, quels changements envisageriez-vous comme faisant partie de ce type de modification?

    Dans cet article—et j'aimerais que vous en parliez également—, vous avez également exprimé l'opinion que l'établissement de la liste des entités terroristes par l'organe exécutif demeurait un problème, parce qu'il y avait une notification insuffisante et qu'il y avait des problèmes au niveau de l'équité en matière de procédure, avant que l'établissement de la liste ait lieu. Encore une fois, je vous demande de nous dire si vous êtes toujours de cet avis. Avez-vous changé d'avis? Que feriez-vous pour corriger la situation?

    Dans vos observations liminaires, vous avez dit qu'il existe parfois une différence très mince entre terroriste et combattant de la liberté. Je vous rappellerai rapidement que votre gouvernement a jugé que les tigres tamouls ne doivent pas figurer sur la liste au Canada, bien qu'il s'accumule des preuves de plus en plus nombreuses qu'ils participent très activement à des activités terroristes, y compris le fait d'entraîner des enfants pour qu'ils deviennent des bombes humaines, ce qui a été souligné à la Chambre aujourd'hui. Est-ce que vous considérez que les tigres tamouls sont des terroristes ou des combattants de la liberté?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Laissez-moi commencer par la question du certificat du procureur général. En fait, vous n'avez pas décrit toute la vigueur de ma critique. J'ai dit que je considérais la situation telle à l'époque que si le certificat du procureur général—qui était alors sans entrave, à l'abri de l'examen, indéfini et secret—restait dans la législation, cela constituerait une raison suffisante, en soi, pour que je m'oppose à la loi. Alors, je prenais cette question très au sérieux à l'époque.

    Je suis heureux que l'on ait donné suite à un certain nombre de recommandations dans la loi, avec une série de mesures de protection. À l'heure actuelle, le certificat ne peut être délivré personnellement que par le procureur général. Plus important encore, la délivrance du certificat ne peut être effectuée qu'après la prise, au titre de la Loi sur la preuve du Canada ou d'une autre loi du Parlement, d'une ordonnance ou d'une décision qui entraînerait la divulgation des renseignements devant faire l'objet du certificat; alors, vous avez un processus juridique.

    Le certificat ne peut être délivré que dans le cadre d'une instance dans le but de protéger soit des renseignements obtenus à titre confidentiel d'une entité étrangère, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l'information, ou qui concernent une telle entité, soit la défense ou la sécurité nationales.

    Le certificat doit maintenant être publié dans la Gazette du Canada sans délai :

Toute partie à l'instance visée...peut demander à la Cour d'appel fédéral de rendre une ordonnance modifiant ou annulant un certificat

    —ce qui est un processus d'examen judiciaire qui n'existait pas. Le juge qui procède à l'examen du certificat a le pouvoir de confirmer, de modifier ou d'annuler le certificat, ce qui n'existait pas auparavant.

    Le certificat expire après 15 ans—à l'époque, c'était indéfini—à moins qu'il soit délivré de nouveau par le procureur général du Canada, etc.

    En d'autres mots...

º  +-(1635)  

+-

    M. Peter MacKay: C'était là la principale objection, la durée de validité de 15 ans. Vous l'avez vivement dénoncée.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Non, j'ai...

+-

    M. Peter MacKay: J'ai le projet de loi devant moi. On y précise toujours que le certificat expire à la fin d'une période de 15 ans.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: C'est exact, mais ce que j'avais d'abord dénoncé, c'était l'absence de limite de temps. Ensuite, je n'étais pas convaincu de la nécessité d'avoir une durée de validité de 15 ans. Mais comme presque toutes les réserves que j'avais formulées avaient été acceptées, j'ai donné mon accord. Est-ce que le délai de 15 ans m'inquiète toujours? Oui.

+-

    M. Peter MacKay: Vraiment? Merci.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Pour ce qui est des deux autres points que vous avez soulevés, soit l'inscription des entités terroristes—encore une fois, sans trop entrer dans les détails, j'ai formulé quelques recommandations à ce sujet, et plusieurs d'entre elles ont été acceptées. Par conséquent, j'estimais que je pouvais également appuyer cette partie-là du projet de loi.

    Concernant les Tigres tamouls, il est important de signaler qu'ils ne bénéficient d'aucune immunité exonératoire en vertu de la Loi antiterroriste. Comme tout le monde, ils sont assujettis à la loi s'ils commettent une des infractions mentionnées. On laisse parfois sous-entendre—ce n'est pas ce que vous dites, mais je le précise pour le compte rendu—qu'ils peuvent faire l'objet d'une action en justice. En effet, d'après les règlements des Nations Unies—qui les ont inscrits—le financement des Tigres tamouls est interdit au Canada aux termes de la loi.

    La seule chose que nous n'avons pas fait, c'est de les inscrire comme entité, ainsi que vous l'avez mentionné, en vertu de la Loi antiterroriste. Cette question fait toujours l'objet d'un examen. Si aucune décision n'a encore été prise à cet égard, c'est parce que—et d'autres pays font de même—nous attendons de connaître l'issue des pourparlers de paix, et non pas parce que nous cherchons à leur accorder une immunité quelconque en vertu de la loi ou à permettre des levées de fonds en leur nom, activité qui, elle aussi, est interdite.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Macklin, vous avez droit à cinq minutes.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, et merci, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

    S'il y a une chose que l'on constate, c'est que la loi soulève de plus en plus d'inquiétudes chez les personnes qui sont visées, à juste titre ou à tort, par celle-ci.

    Nous devrions nous demander, entre autres, si nous avons une obligation, en tant que gouvernement, à l'égard de la personne qui a été inscrite par erreur sur la liste—nous en avons eu un exemple, semble-t-il—et qui finit par faire faillite, par perdre pratiquement tout ce qu'elle a dans sa vie. On a l'impression, en fait, que des erreurs sont parfois commises. Devions-nous prévoir des mesures de sauvegarde dans la loi pour aider à corriger les erreurs qui sont commises?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: L'inscription des entités est assortie de plusieurs mesures de sauvegarde. Mentionnons d'abord le niveau de preuve—les motifs raisonnables et l'intention—qui est incorporé au processus d'inscription. Avant d'inscrire une entité sur la liste, le gouverneur en conseil—après un processus d'examen de la preuve qui comporte de nombreux volets—doit être convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire:

    

(a) que, sciemment, elle s'est livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l'a facilité; ou

    

(b) que, sciemment, elle agit au nom d'une entité visée à l'alinéa (a), sous sa direction ou en collaboration avec elle

    —comme je viens de l'indiquer.

    Pour ce qui est des protections prévues, une entité inscrite peut demander au solliciteur général que son nom soit radié de la liste. Le solliciteur général doit, dans un délai de 60 jours, décider s'il a des motifs raisonnables de radier l'entité de la liste. Un demandeur peut également présenter à un juge une demande de révision de la décision si le ministre de la Sécurité publique—comme c'est le cas maintenant—décide de ne pas recommander la radiation. Le juge doit déterminer si la décision du ministre de la Sécurité publique est raisonnable, en fonction de l'information dont il dispose. Dans le cas où il décide que la décision n'est pas raisonnable, il ordonne la radiation.

    Par ailleurs, l'article 83.07 prévoit des recours au cas où il y aurait eu erreur sur la personne.

    Enfin, la liste des entités doit être examinée tous les deux ans par le ministre de la Sécurité publique afin de déterminer s'il existe toujours des motifs raisonnables de ne pas recommander la radiation d'un particulier ou d'un groupe.

    Diverses mesures de protection sont donc prévues: l'obligation de rendre compte par l'exécutif, l'examen judiciaire et les ordonnances émises par le juge à cet égard. Tout cela s'ajoute, comme je l'ai dit, aux nombreux éléments de preuve qui doivent être fournis avant de pouvoir demander au gouverneur en conseil l'autorisation d'enclencher le processus. Des mesures de sauvegarde existent donc.

    Il est vrai qu'à l'époque, j'ai présenté, en tant que membre du comité parlementaire, une ou deux autres recommandations au sujet de l'avis à donner à l'entité éventuelle qui doit être inscrite. Comme je l'ai mentionné, la plupart des recommandations que j'ai formulées, et auxquelles je fais maintenant allusion, ont été incluses dans la loi.

º  +-(1640)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Il y a un autre élément qui se dégage de toute cette discussion, soit le fait qu'il faut protéger le public avant qu'un acte ne soit commis. Comme vous êtes un avocat spécialiste des droits de la personne, je suppose qu'on peut vous demander si le critère du soupçon raisonnable justifie la détention d'une personne. Ne sommes-nous pas en train d'assister à un changement d'orientation fondamental pour ce qui est des pouvoirs de l'État sur l'individu? J'ai l'impression que, dans ce domaine, nous agissons parfois de façon précipitée. Quel est votre avis là-dessus?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je me trompe peut-être, mais je pense que vous faites allusion à l'engagement assorti de conditions, qui est l'un des deux éléments du principe de prévention qui sous-tend la Loi antiterroriste et qui soulève des inquiétudes.

    Je me suis penché sur la question en tant que député, et j'ai écrit sur le sujet. Il est vrai que j'avais, moi aussi, des réserves au début, mais je pense qu'il est important de bien comprendre le cadre dans lequel s'inscrit la loi. D'abord, le procureur général du Canada, ou son substitut légitime, doit donner son consentement avant qu'un agent de la paix ne puisse déposer une dénonciation à l'égard d'une personne devant un juge de la cour provinciale. Nous en venons maintenant au point précis que vous avez mentionné, soit les deux critères qui doivent être remplis avant qu'une dénonciation ne puisse être déposée. L'agent de la paix peut déposer une dénonciation: a) s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera mise à exécution, et b) s'il a des motifs raisonnables de soupçonner que l'imposition, à une personne, d'un engagement assorti de conditions ou son arrestation est nécessaire pour éviter la mise à exécution d'une activité terroriste.

    Le mot « soupçonner », dans le deuxième critère, pose problème, mais encore une fois, comme je l'ai mentionné, il est important de saisir le cadre dans lequel s'inscrit la loi. Le critère du motif raisonnable donne une dimension d'objectivité au processus. Seul un juge de la cour provinciale peut recevoir une dénonciation et exiger que la personne visée comparaisse devant lui. Le juge doit être convaincu par la preuve apportée que les soupçons sont fondés sur des motifs raisonnables. Le juge doit décider si l'imposition d'un engagement est nécessaire pour prévenir la mise à exécution d'une activité terroriste.

    Or, nous faisons allusion ici à une procédure qui n'est pas autrement inconnue en droit canadien. Des mesures de prévention sont prévues concernant les infractions sexuelles à l'égard des enfants, la violence conjugale et le crime organisé. Ces modèles existent ailleurs dans le Code criminel et sont bien définis dans la Constitution. La Cour d'appel de l'Ontario s'est penchée là-dessus dans l'affaire Budreo.

    Donc, cette procédure n'est pas le propre d'une loi sui generis. Elle est connue ailleurs. Elle demeure toutefois un aspect particulièrement pertinent et important du principe de prévention qui caractérise la Loi antiterroriste.

º  +-(1645)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: J'ai lu des critiques, notamment celles des professeurs de droit qui ont soumis ici un mémoire avant que nous ne tenions ces audiences. En fait, les infractions terroristes sont déjà prévues par le Code criminel. Personnellement, je ne vois pas quelle activité terroriste n'enfreint pas le Code criminel, même tel qu'il existait il y a 20 ans. Ce qui devient dangereux, c'est la multiplication des mesures, qui sont justifiées dans les cas les plus graves mais qui sont trop étendues.

    Je vous donne un exemple. Je pense que je suis bien placé pour que tout le monde croie que je ne veux pas protéger le crime organisé, puisque j'ai passé plusieurs années de ma vie à le combattre avec une certaine efficacité. Mais vous êtes très éloquent quand vous parlez de la nécessité de lutter contre le terrorisme. On fait allusion à des incidents comme les trains qu'on a fait sauter à Madrid ou encore les événements du 11 septembre. Mon impression est que ce ne sont pas les lois qui empêchent ces choses d'arriver. C'est le travail policier d'accumulation de renseignements, la meilleure coordination des échanges de renseignements, plutôt que les lois.

    Si tout le monde en Occident—et cela ne m'étonne pas, car ce n'est pas forcément un modèle—sent le besoin d'adopter des lois, c'est parce que ceux qui gouvernent sentent le besoin de montrer aux populations qu'ils font quelque chose. Comme ils sont législateurs, la seule chose qu'ils puissent faire est d'établir des lois. Mais, au fond, le vrai travail est un travail policier. C'est un travail d'information.

    Je ne sais pas ce que vous pensez de cette espèce de recoupement qu'il y a entre les dispositions qui visent le terrorisme et les dispositions classiques du Code criminel, d'abord pour ce qui est des actes violents, qui sont tous défendus, mais aussi pour ce qui est des idées de conspiration, de complicité avant ou après le fait, et ainsi de suite.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je suis d'accord avec vous sur l'importance d'un service de renseignement adéquat. Je peux ajouter que sans cela, les meilleures lois pourraient ne pas être en mesure de prévenir les actes terroristes. Il est tout à fait essentiel de recueillir de l'information. Or, la Loi antiterroriste comporte des mesures à cet égard qui, avec le Code criminel, peuvent nous aider à prévenir les actes de terrorisme.

    Je ne dis pas que le Code criminel n'est plus nécessaire, mais certains actes terroristes sont précisés dans la Loi antiterroriste, ce qui est nécessaire dans le cadre du principe de prévention des actes terroristes. C'est celui que j'ai mentionné dans mes remarques. Inciter sciemment quelqu'un à se livrer à une activité terroriste ou sciemment faciliter les activités d'un groupe terroriste sont des actes précisément définis comme étant des infractions, que l'activité terroriste ait eu lieu ou non, ou que l'accusé ait su ou non quelle était la nature précise de l'activité terroriste envisagée. Cela implique qu'à cet égard, en l'absence d'un cadre précis à l'intérieur de la Loi antiterroriste, il serait difficile d'adopter une approche de prévention et de prendre les mesures qui s'imposent pour prévenir les actes terroristes.

º  +-(1650)  

[Traduction]

+-

    M. Stanley Cohen: Je pourrais peut-être ajouter un ou deux commentaires.

    Concernant la question de savoir si le droit commun répond ou non aux besoins, il faut partir du principe fondamental suivant: même les policiers sont tenus de respecter la primauté du droit. Je sais que ce sujet vous tient à coeur. Vous avez dit, par exemple, que les activités liées au crime organisé tombent déjà sous le coup de lois pénales qui ont un champ d'application très vaste. Nous obligeons en fait les policiers à s'en tenir au cadre bien défini de cette loi particulière. Or, cette loi sert essentiellement de modèle à l'infraction que constitue la participation à une activité d'un groupe terroriste, par exemple, que prévoit la Loi antiterroriste.

    Vous parlez ensuite des circonstances qui échappent au droit pénal actuel. Si nous n'avions pas la capacité de prévenir certains gestes, il nous serait impossible d'intervenir. D'où les dispositions relatives à l'arrestation à titre préventif et à l'investigation. Dans ces cas, et grâce à ces deux dispositions particulières, il est possible d'intervenir dès le début.

    Comme le ministre l'a indiqué, ces notions reposent déjà sur des précédents en droit commun. Elles n'ont tout simplement pas été adaptées, avant l'adoption de la Loi antiterroriste, à l'ère nouvelle dans laquelle nous vivons.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Cohen.

    Nous passons maintenant au parti ministériel. Monsieur Wappel.

+-

    M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, hier, votre collègue a suggéré que je vous adresse, en votre qualité de procureur général, certaines questions. J'aimerais donc vous parler de la Loi sur la preuve au Canada.

    J'ai fait allusion, hier—pour reprendre les propos du ministre McCallum—à une note d'information du ministère de la Justice. Elle porte sur le certificat qui est délivré en vertu de l'article 38.13. Elle dit, et je cite:

    Puisque le certificat ne peut être délivré au titre de l'article 38.13 de la LPC « qu'après la prise [...] d'une ordonnance ou d'une décision qui entraînerait la divulgation des renseignements », il s'ensuit qu'un certificat ne peut être délivré que lorsque cela se produit au cours d'une instance engagée sous le régime de la LAI, de la LPRP ou de la LPRPDE.

    C'est faux. Si je dis que c'est faux, c'est parce que l'article lui-même vous permet de délivrer un certificat au titre de la Loi sur la preuve au Canada ou de toute autre loi fédérale. Il ne précise pas qu'un certificat peut uniquement être délivré en vertu des trois lois qui ont été mentionnées.

    Est-ce que j'interprète mal l'article en question, ou est-ce que la note d'information comporte une erreur?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Wappel, j'ai déjà parlé plus tôt du rôle que joue le procureur général en vertu de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada et d'autres lois. J'ai posé la même question à mon avocat-conseil, Doug Breithaupt, après avoir entendu les préoccupations que vous avez formulées à ce sujet. Comme il m'a donné une réponse que je juge très satisfaisante, je pense qu'il serait préférable qu'il vous réponde. Vous pourrez ainsi profiter, comme moi, de ses connaissances.

+-

    M. Tom Wappel: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci. J'espère qu'il saura nous donner une réponse satisfaisante.

+-

    M. Douglas Breithaupt (avocat conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci, monsieur Wappel.

    Non, la dernière phrase ne comporte pas d'erreur, mais je peux comprendre qu'elle crée chez vous une certaine confusion. Il faut la situer dans son contexte, se reporter au titre de la note d'information, qui est le suivant:  « Modifications apportées à la Loi sur l'accès à l'information, à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques par la Loi antiterroriste». C'est dans ce contexte que le certificat est délivré par le procureur général. C'est ce qu'explique la note. Il y en a une autre, dans le cahier d'information, qui traite des certificats délivrés en vertu de la Loi sur la preuve au Canada.

    Comme il est difficile d'inclure un grand nombre d'informations dans des notes, nous avons choisi de procéder de cette façon. Si vous jetez un coup d'oeil à l'autre onglet, sous Loi sur la preuve au Canada, vous allez trouver une description plus détaillée des certificats auxquels a recours le procureur général. Cette note-ci porte uniquement sur les modifications apportées à ces lois.

º  +-(1655)  

+-

    M. Tom Wappel: Merci.

    Sous quel onglet figure l'autre note?

+-

    M. Douglas Breithaupt: Sous l'onglet 21.

+-

    M. Tom Wappel: L'onglet 21? D'accord. Je vais y jeter un coup d'oeil. Merci de l'explication.

    J'aimerais maintenant vous parler de la Loi sur la protection de l'information. J'en ai discuté, hier. Je suis certain que M. Normand s'attend à ce qu'on lui pose une question là-dessus.

    Avant de le faire, je tiens à préciser que je ne siégeais pas au comité, monsieur le ministre, alors que vous, vous en faisiez partie. Comme vous l'avez déjà mentionné à quelques reprises, vous connaissez peut-être la réponse. Si j'ai bien compris, les articles 4 et 5 de ce qu'on appelle maintenant la Loi sur la protection de l'information n'ont pas été modifiés par la Loi antiterroriste. Ces articles font référence aux activités menées « dans un dessein nuisible à la sécurité ou aux intérêts de l'État ». L'article 3, qui a été rajouté par la Loi antiterroriste, définit ce qu'on entend par « dessein nuisible à la sécurité ou aux intérêts de l'État ». Ai-je raison de dire qu'il n'existait aucune définition avant l'adoption de cette loi, et qu'il y en a une maintenant? J'ai deux autres questions à poser. Pourquoi a-t-on jugé nécessaire d'inclure une définition, alors qu'il n'y en a pas eu pendant longtemps?

    Ensuite, l'article 3 constitue une disposition déterminante. Autrement dit, elle n'englobe pas les mots  « y compris ». On définit ce qu'on entend par « dessein ». Je présume qu'il n'existe aucun autre exemple d'un dessein « nuisible à la sécurité ou aux intérêts de l'État » en dehors de ceux qui sont énumérés à l'article 3. Je trouve cela plutôt dangereux, car les terroristes trouvent toujours de nouvelles façons de commettre des actes. En vertu des anciens articles 4 et 5, la notion de « dessein nuisible à la sécurité ou aux intérêts de l'État » aurait été soumise à l'interprétation des tribunaux. Or, celle-ci est maintenant bien définie.

    Enfin—et je sais que je vous pose deux questions—ces dispositions figurent sous la rubrique « Infractions ». Est-ce que l'article 3 crée une infraction? Je ne le crois pas. S'il ne crée pas d'infraction, n'aurait-on pas dû supprimer ce mot dans le cadre du projet de loi antiterroriste et intituler tout simplement l'article 4, « Infractions diverses » ?

    J'espère que ces questions sont claires.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Wappel, vous avez correctement identifié M. Normand comme l'expert en la matière. Je vais donc lui céder la parole.

+-

    M. Gérard Normand: Pour revenir au premier volet de la question que vous avez posée, hier, bien que l'article 3 ne crée pas d'infraction, il définit, comme vous l'avez indiqué, un concept qui est utilisé dans la perpétration d'une infraction, comme le fait l'article 8, et que l'on retrouve aussi sous le titre général « Infractions ». Si certaines définitions ont été conservées, c'est parce qu'elles sont étroitement liées aux dispositions qui suivent. C'est pour cette raison que nous avons jugé bon de les laisser. Ces concepts doivent se trouver non loin des infractions qu'ils qualifient ou qu'ils décrivent.

+-

    M. Tom Wappel: Mais nous avons dit que ce ne sont pas des infractions en tant que telles, mais de simples définitions.

+-

    M. Gérard Normand: C'est exact.

+-

    M. Tom Wappel: Très bien.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Wappel.

+-

    M. Tom Wappel: Excusez-moi, il n'a pas répondu aux deux autres questions.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Normand.

+-

    M. Gérard Normand: Brièvement, la liste des actions ou des actes est bien définie. L'alinéa 3(1)n) fait référence à d'autres actes qui pourraient être liés à ceux qui sont énumérés. Nous avons jugé que ces descriptions pouvaient englober n'importe quelle situation.

»  +-(1700)  

+-

    M. Tom Wappel: Pourquoi le ministère a-t-il jugé nécessaire d'inclure une définition dans un texte qui n'en comportait pas jusqu'ici?

+-

    M. Gérard Normand: Je suppose que nous essayons toujours de trouver des moyens d'améliorer la loi. À l'époque, nous jugions qu'il était nécessaire, du point de vue de l'intérêt public, d'inclure ces définitions dans la loi.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Normand.

    Monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur le ministre, je voudrais revenir à l'article 4 de la Loi sur la protection de l'information. Compte tenu du fait que des accusations ont été portées contre un certain journaliste du Ottawa Citizen—je ne sais pas si cela va donner quelque chose—je voudrais savoir s'il est possible d'apporter des modifications à cette disposition pour éviter que les journalistes qui font leur travail, comme le faisait cette personne, ne fassent l'objet d'accusations.

    Je suis conscient du fait que vous ne répondrez peut-être pas à la question parce que l'affaire est devant les tribunaux. Mais je tiens à dire que même le premier ministre, en apprenant la nouvelle, s'est dit fort surpris et... je pense que la conduite des policiers et des procureurs, dans ce dossier, a soulevé un tollé général dans tous le pays.

    Est-ce que le ministère juge que l'article 4 devrait être modifié pour prévenir le genre de poursuites dont a fait l'objet ce journaliste en particulier?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur Comartin. Je vais répondre à la question que vous avez posée au sujet du rôle de ce comité, de la façon dont votre ministère peut l'aider, et des sujets que vous pourriez étudier; c'est un peu le sens général de votre question.

    Je n'aborderai pas des éléments particuliers de l'affaire dont vous avez parlé, sauf pour dire que je ne peux rien dire de quoi que ce soit qui touche directement ou indirectement à l'affaire Maher Arar—parce que je me suis récusé moi-même. Mais je vais répondre à votre question, en laissant cela de côté, comme suit.

    Permettez-moi d'abord de dire que mon ministère serait heureux de remettre au comité un document d'information, si vous pensez que cela peut être utile à votre démarche. Si vous voulez une idée des questions sur lesquelles pourrait porter un examen de l'article 4, je peux vous en proposer aux fins de votre étude.

    Premièrement, qui l'infraction devrait-elle viser? Deuxièmement, quel type de renseignement doit être protégé par une telle infraction? Troisièmement, quel serait l'acte coupable dans ce cas? Quatrièmement, quelle activité devrait être criminalisée? Cinquièmement, quel genre de préjudice ou menace de préjudice, le cas échéant, devrait être en cause pour qu'il y ait infraction? La loi devrait-elle assurer la défense de l'intérêt public et, le cas échéant, quelle forme prendrait cette défense?

    Si on se penche plus particulièrement sur les questions concernant les médias, quel est ou devrait être le rôle légal et la responsabilité de la presse et d'autres médias? Faudrait-il des dispositions particulières de défense dans cette affaire?

    Devrait-il y avoir d'autres défenses ou exceptions? Combien y aurait-il d'infractions, et de quelles sanctions seraient-elles assorties? D'autres pays ont-ils traité de la question, et comment? Quelles leçons peut-on tirer de la manière dont d'autres pays ont traité de la question?

    Ce n'est qu'une liste de certaines des questions qui pourraient guider vos travaux et au sujet desquelles nous pourrions vous aider.

    Je vais demander si l'un ou l'autre de mes collègues souhaite ajouter quelque chose.

+-

    M. Gérard Normand: Eh bien, la seule affaire qu'il y ait eue, comme vous l'avez dit, monsieur Comartin, est devant les tribunaux. Comme vous le savez, la constitutionnalité de l'article 4 a été mise en doute. Il ne serait pas approprié que le procureur général en parle plus longuement.

+-

    M. Joe Comartin: Aucun document n'a été rédigé jusqu'à maintenant qui traite de ces questions plus en profondeur.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Aucun document n'a été rédigé, à part ce que je viens de vous remettre, qui n'est un énoncé des enjeux. Comme je l'ai dit, nous pouvons vous aider à relativement aux questions aux enjeux ainsi déterminés.

»  +-(1705)  

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur le président, si vous permettez, peut-être est-ce quelque chose dont nous pourrions discuter à une réunion ultérieure, dans la planification du calendrier des travaux du comité?

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Comartin. Il est certain que nous allons y réfléchir.

    Nous allons aussi rappeler au ministre et inscrire au compte rendu que s'il peut remettre ce document au greffier, celui-ci veillera à le faire circuler afin que tous les membres du comité puissent l'examiner.

    Je vais vous accorder encore 30 secondes.

+-

    M. Joe Comartin: Merci.

    C'est au sujet du profilage racial. À propos des journaux, ils ont porté quelque attention récemment—je pense que c'est depuis une semaines ou deux—aux travaux que votre ministère a faits sur le profilage racial, et des arguments ont été soulevés sur la pertinence de publier ou non le document. J'ai donc deux questions: est-ce que ce document existe, et êtes-vous disposé à le rendre public?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je suis prêt à le rendre public. Je tiens seulement à dire que ce n'était qu'une ébauche préliminaire d'un document de discussion qui a été distribué, comme c'est souvent le cas, à divers fonctionnaires du ministère. Ce n'était qu'un résumé des premières réflexions d'un fonctionnaire du ministère. Alors nous le communiquerons avec cette mise en garde.

    Il ne reflétait pas une position de principe, ou même des choix de politiques, du ministère de la Justice. Comme je l'ai dit, ce n'était qu'un aperçu très préliminaire de la question.

    Au sujet du profilage racial, cependant, je voudrais seulement réitérer ce qui était ma position avant et qui est toujours la même depuis que je suis ministre de la Justice. C'est que l'exécution et l'application de la loi, ou de toute autre loi, ne doit pas singulariser une personne ou un groupe pour qu'il fasse l'objet d'un traitement différent ou discriminatoire. Nous sommes prêts à explorer toutes les solutions possibles pour nous assurer que le principe de l'équité devant la loi et l'interdiction de la discrimination raciale sont réellement applicables ici.

    L'un des problèmes que pose le profilage racial, c'est la contradiction dans sa définition. Nous n'avons pas encore atteint un consensus sur ce que nous entendons par profilage racial. Est-ce qu'il s'agit de faire de la race le seul critère pour singulariser quelqu'un? Ou encore est-ce l'un d'une série de critères?

    Quoi qu'il en soit—et je pourrais parler d'autres questions—notre plan national contre le racisme, que nous avons diffusé il y a quelques jours, en traite aussi. Nous, au ministère de la Justice, sommes responsables, en vertu du plan d'action national contre le racisme, d'examiner les enjeux fondés sur la race dans le système de justice pénale. C'est ici l'un de ces enjeux. Nous allons examiner cette question dans cette ébauche de document dont vous avez parlé et qui, comme je l'ai dit, n'était qu'un document de discussion préliminaire sur la question.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur le ministre.

    Nous vous demanderons aussi de remettre ce document d'information au greffier pour qu'il puisse le faire circuler.

    Monsieur Macklin, vous avez cinq minutes.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci, monsieur le président.

    Deux des articles de la Loi, le processus applicable à l'audience d'investigation et l'engagement assorti de conditions, à ce que je sache, n'ont pas été employés, bien que je comprenne que l'engagement assorti de conditions a failli être appliqué dans les audiences d'enquête relativement à l'affaire Air India. Il me semble que cela a été porté devant le tribunal, pour les audiences préliminaires.

    À bien y penser, quelle utilité peut avoir l'engagement assorti de conditions quand, en fait, nous avons affaire à des terroristes suicidaires? De fait, il me semble que c'est tout au plus d'un intérêt très marginal. Je pense, dans le contexte actuel, qu'on ne pourrait jamais croire qu'il puisse y avoir un avantage à libérer un terroriste potentiellement suicidaire.

    Alors tout d'abord, pourquoi devrions-nous préserver cette disposition? Deuxièmement, y a-t-il une autre solution que nous pourrions examiner ou envisager qui permettrait de mieux composer avec la situation d'un terroriste que nous souhaitons libérer sous certaines conditions?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je pense qu'il faut comprendre que cela ne vise pas nécessairement à capturer le terroriste suicidaire; c'est plutôt pour atteindre les participants au processus de planification et d'exécution, qui mène au terroriste suicidaire. Ce qu'on essaie de faire vraiment, ici, c'est de détecter et de décourager, de perturber et, autant que possible, de démanteler le réseau terroriste au moyen d'une stratégie préventive, voire préemptive qui, comme je l'ai dit, n'est pas étrangère à notre loi mais qui pourrait être particulièrement importante si on veut tenter de prévenir l'acte terroriste pour commencer.

    Alors, lorsqu'on parle d'audiences d'enquête, on ne parle pas de l'accusé; il s'agit d'amener un témoin qui pourrait avoir des renseignements pouvant être pertinents dans le but de pouvoir, au bout du compte, empêcher l'attaque suicide éventuelle, qui est le dernier chaînon de l'activité terroriste.

    En ce qui concerne l'arrestation préventive ou l'engagement, là encore, le but visé est d'amener quelqu'un devant un juge, avec l'aval du procureur général, lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire que cette personne a commis ou est sur le point de commettre un acte terroriste. Et là encore, ce faisant, nous cherchons à détecter et à décourager, à perturber et à démanteler—le tout dans le cadre de ce que nous avons appelé une culture de prévention, qui sous-tend toute la démarche en ce qui concerne la Loi antiterroriste.

    Mais je vais aussi demander à mon collègue, Stanley Cohen, qui connaît particulièrement bien ces deux questions, d'ajouter quelque chose s'il le souhaite.

»  +-(1710)  

+-

    M. Stanley Cohen: Je pense vraiment que votre réponse était assez exhaustive. Je pourrais en dire plus, mais je ne pense pas que cela ajouterait quoi que ce soit.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Vous avez trente secondes.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Revenons à vos débuts. Vous êtes dans la position peu enviable d'avoir été critique avant de devenir ministre.

    Mais le fait est que vous avez déjà critiqué le processus lors de l'examen qui a été fait des pouvoirs de saisie et de confiscation qu'accorde ce projet de loi. En particulier, vous avez critiqué l'inversion du fardeau de la preuve, qui a été assigné aux propriétaires, lesquels doivent convaincre un juge qu'ils n'étaient pas, de fait, complices ou de connivence dans l'activité terroriste. Je me demande si vous êtes revenu sur cette question, dans vos nouvelles fonctions? Est-ce qu'en fait, vous êtes toujours du même avis, qu'une personne devrait passer par ce processus de diligence raisonnable personnelle en vertu de notre loi?

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Macklin.

    Monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je dirais seulement que vous avez raison, au sujet des critiques que j'ai faites à l'époque. Certaines de ces critiques ont été résolues par les changements que nous avons apportés. Le nouveau régime de confiscation au civil que nous avons instauré est modelé sur le régime de confiscation au criminel, avec certaines modifications; ces dispositions se rapportent au régime de confiscation au civil et y sont incorporées pour que le régime soit exhaustif.

    Je devrais ajouter que j'en ai aussi parlé dans mes écrits, à l'époque, et en tant que membre du comité de la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme. Cela touche aussi à ce dont parlait tout à l'heure M. Ménard, parce que nous n'avons pas de disposition, dans le Code criminel, sur le financement du terrorisme, que les experts du terrorisme considèrent comme le point vulnérable du terrorisme international. Donc, nous avons des dispositions particulières, dans notre Loi antiterroriste qui concrétisent, de fait, au pays, la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme.

    Il y a une chose qui n'est pas toujours comprise, et c'est que près de la moitié de la Loi antiterroriste vise, en fait, pour la mise en oeuvre au pays de 12 traités antiterroristes portant sur des questions précises, dont la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme n'est qu'un élément. C'est aussi la mise en oeuvre au pays du mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui nous charge particulièrement de définir les dispositions particulières que nous avons, dans la lutte contre le terrorisme, pour interdire la facilitation d'un acte terroriste, l'hébergement... etc. Donc, les pays doivent prendre les mesures nécessaires pour geler, saisir et confisquer les biens utilisés ou réservés à l'exécution d'activités terroristes. Ce régime permet au Canada de s'acquitter de ses obligations internationales.

    Donc, lorsque nous regardons la loi, nous devons comprendre comment elle concrétise les traités internationaux. En fait, nous y avons intégré nos propres mesures de protection, en conséquence, notamment, de l'examen qu'a fait notre comité parlementaire à l'époque.

    Ceci touche particulièrement à votre question à ce sujet, monsieur Macklin. Avant de délivrer une ordonnance de blocage, ou un mandat de perquisition et de saisie des biens, le juge qui reçoit la demande du procureur général doit être convaincu qu'il y a des motifs raisonnables de croire que les biens visés ont un rapport avec le terrorisme, au sens de l'article 83.14.

    Vous ne trouverez pas ces mesures de protection de façon aussi détaillée dans la Convention internationale, telles qu'elles sont adaptées à notre contexte dans notre Loi antiterroriste. Nous avons donc essayé de faire deux choses: nous avons tenté, de fait, de répondre à l'importance d'adapter à notre contexte ces infractions terroristes définies à l'échelle internationale relativement à la confiscation, ou au financement du terrorisme, et d'y intégrer nos propres mesures de protection, au pays, des libertés civiles.

    Je termine. Diverses mesures de protection procédurales qui sont intégrées à l'article du Code criminel sur les produits de la criminalité s'appliquent au scénario de saisie et de blocage prévu à l'article 83.13. Autrement dit, les biens saisis ou bloqués ne peuvent être détenus que pendant six mois, à moins que les poursuites contre la personne soient d'ordre correspondant ou que le procureur général ait fait une demande de prolongation.

    Il est effectivement ironique que je me retrouve maintenant dans la position où je dois m'atteler à certains des enjeux dont je traitais ou qui me préoccupaient à l'époque. Mais nous avons des mesures de protection d'ordre procédural au pays, qui s'ajoutent à la concrétisation au Canada de nos responsabilités et engagements internationaux.

»  +-(1715)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur le ministre. Nous apprécions votre réponse.

    Monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

    Je ne suis pas d'accord avec M. Macklin quand il dit que vous êtes dans une « position peu enviable », celle d'avoir été critique avant de devenir ministre. Je pense que la plupart d'entre nous aspirons à cette position, monsieur.

    Des voix : Oh, Oh!

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Certains d'entre nous pourraient, de ministres, redevenir critiques.

+-

    M. Peter MacKay: J'ai trois questions à vous poser, et je les poserai en rafale, parce que si n'en pose qu'une, je n'aurai qu'une réponse dans le temps qui m'est imparti.

    La première question concerne le concept dont vous avez parlé, qui consiste à traiter tout le monde de la même façon. Il est entendu, comme vous l'avez dit, que personne ne devrait être singularisé par le profilage racial, qui est une forme de discrimination, dont a parlé mon collègue, M. Comartin. Mais il y a quelque chose qui saute aux yeux et qui, inévitablement, est soulevé, et c'est qu'en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le solliciteur général—le ministre—ne peut émettre un certificat de sécurité que pour les résidents permanents ou ressortissants étrangers. Il ne peut le faire pour les citoyens canadiens, donc de ce fait, il y a singularisation.

    Ma deuxième question concerne la décision de Suresh, qui laisse entendre que le ministre de l'Éducation serait tenu d'accorder un sursis d'exécution d'une mesure de renvoi s'il est déterminé que la personne risque grandement, en étant renvoyée, de subir la torture. Cependant, le juge Binnie a émis des doutes là-dessus. La bonne approche serait, si quelqu'un soupçonné d'être un agent en veilleuse, ou d'avoir des liens présumés avec une cellule terroriste, était amené devant un tribunal sans qu'on ait de preuve qu'il a commis un crime et que le gouvernement voulait le déporter hors du pays, même s'il risquait la torture... Le juge Binnie a demandé « Voulez-vous simplement les réintégrer à la population générale, même si les autorités ont recueilli des preuves qu'ils représentent un danger potentiel pour le public? » Cela nous ramène pas mal au genre de question philosophique dont vous avez parlé sur ce juste milieu entre la protection de l'individu et la protection du public, lorsqu'on a des éléments de preuve nettement « d'intérêt » comme ils disent dans le milieu de la sécurité, qui ont abouti à une arrestation et à la délivrance du certificat de sécurité.

    La question que je pose, c'est comment on peut détenir la personne indéfiniment, comme on voit que c'est arrivé à des gens qui ont été détenus pendant huit ans? Comment trouver ce juste milieu? S'il y a suffisamment de preuves pour la détenir en vertu d'un certificat de sécurité mais pas assez pour l'accuser, et si nous ne voulons pas la renvoyer à son pays d'origine à cause de risques présumé pour sa vie, que peut faire le Canada? Comment détenir des ressortissants étrangers qui répondent aux critères, si on veut, pour les certificats de sécurité, qui sont tout de même considérés comme une menace pour le Canada, mais qui seraient en danger s'ils étaient renvoyés dans leur pays d'origine?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: D'accord. Au sujet de la distinction que nous faisons entre les non-citoyens et les citoyens, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Chiarelli, a déterminé que le processus qui différencie au Canada les citoyens et non-citoyens dans un scénario de déportation n'enfreint pas la Charte canadienne des droits et libertés. Le tribunal a déterminé qu'il n'y avait pas de discrimination.

    Bien que la loi permette aux résidents permanents, par exemple, de s'établir et de gagner leur vie dans n'importe quelle province, seuls les citoyens canadiens—et c'est là la distinction fondamentale—qui n'ont pas obtenu, relativement aux Lords juristes et à la loi du Royaume-Uni... En vertu de la loi canadienne, l'article 6 de la Charte, seul le citoyen canadien peut librement partir du Canada, y rester et y revenir. Ce n'est pas le cas des non-citoyens.

    Nous pouvons faire cette distinction ici sans que ce soit une application discriminatoire de la loi, parce que la loi elle-même fait cette distinction. Le Royaume-Uni fonctionnait en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme et de la loi du Royaume-Uni, donc la conclusion a été différente.

    Au sujet de ce dont je parlais tout à l'heure, sur les possibilités que nous avons, qui très franchement ne sont pas satisfaisantes, que ce soit pour garder quelqu'un en détention ou le déporter dans un pays où il risque fortement d'être torturé... Comme je l'ai dit, je pense qu'il nous faut envisager des solutions intermédiaires. Le Royaume-Uni peut être utile à ce propos, parce que son Parlement a réagi à la décision récente de la Chambre des Lords en promulguant la Prevention of Terrorism Act, en 2005. Cette loi abroge le pouvoir que donnait auparavant la loi du Royaume-Uni de détenir indéfiniment des ressortissants étrangers soupçonnés de terrorisme, ce que la Chambre des Lords a jugé illégal.

    Je pourrais ajouter, entre parenthèses, que nous n'avons pas ce pouvoir indéfini, mais il est certain que vous pouvez vous intéresser à celui de détenir.

    Au lieu de cela, actuellement, nous avons un système dit d'ordonnances de contrôle: il y a deux types d'ordonnances de contrôle: celles qui ne nécessitent pas une dérogation à la Convention européenne des droits de l'homme et celles qui l'exigent. Ce dernier type, l'ordonnance de contrôle dérogatoire, peut prévoir la détention à domicile. Le pouvoir, maintenant, au Royaume-Uni, peut être appliqué contre les ressortissants étrangers et les citoyens britanniques, au contraire de la loi antérieure, qui ne visait que les ressortissants étrangers.

    Si on applique ceci à notre contexte, où nous n'avons pas à nous soucier de dérogation à la Convention européenne des droits de l'homme, mais nous avons, je crois, le même type de préoccupations—comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse à une question de M. Comartin—il nous faut envisager le type de solutions qui s'offrent comme, par exemple, des contrôles de supervision qui ne nous obligeraient pas à détenir quelqu'un de manière continue ou à le déporter dans un pays où il risquerait la torture. Nous pourrions exercer un contrôle de supervision au moyen de la détention à domicile, du couvre-feu, de bracelets électroniques, de surveillance, etc.

»  +-(1720)  

+-

    M. Peter MacKay: Est-ce que vous parlez d'un système qui serait une version canadienne de Guantanamo Bay? Est-ce ce que vous voulez dire?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Non, absolument pas. Je parle de...

+-

    M. Peter MacKay: Un système de détention. Qu'est-ce que ce serait?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Non, je parle d'un système de contrôle de supervision où la personne est libérée, et non pas détenue. Lorsque la personne est libérée, elle est assujettie à des modalités et conditions de libération qui ont été déterminées par le juge qui préside, qui n'a pas à devoir décider de détenir ou de libérer une personne susceptible d'être une menace pour la sécurité nationale, ou encore de la déporter vers un pays où elle risque la torture.

    Au lieu de cela, il y aurait libération, en vertu de modalités et conditions supervisées, notamment, comme je l'ai dit, la détention à domicile, le couvre-feu, les communications prohibées, des bracelets électroniques, etc. Cela pourrait être une solution à envisager. À l'instar du Royaume-Uni, qui a intégré ces dispositions à sa loi antiterroriste de 2005, votre comité pourrait examiner cette possibilité et voir les solutions que nous pourrions envisager d'intégrer à notre propre loi à cet égard.

+-

    M. Peter MacKay: Monsieur le président, j'ai une question très brève.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Soyez très bref, alors.

+-

    M. Peter MacKay: Encore une fois...

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je pense que Daniel Therrien peut avoir quelque chose à ajouter là-dessus, si vous permettez.

    Daniel.

+-

    M. Daniel Therrien: Pas vraiment, je le crains, parce que la réponse était assez exhaustive.

    Je voudrais seulement souligner qu'il est évident que nous avons à faire des choix très difficiles dans ces situations. Le Royaume-Uni, c'est vrai, a adopté une loi pour les ordonnances de contrôle, qui sont des formes de libération supervisée pouvant être vues comme de la détention à domicile. Tout d'abord, la libération conditionnelle peut suffire ou ne pas suffire à contrer la menace pour la sécurité que présentent les gens dans cette situation. C'est un choix utile que cette solution intermédiaire. Il y a des limites à ce genre de solution. Comme l'a expliqué le ministre, le modèle du Royaume-Uni applique ce régime aux ressortissants étrangers et aux citoyens britanniques. Il nous faut nous demander, c'est certain, si nous voulons imposer ces mesures, même dans un contexte de terrorisme, à nos citoyens.

»  +-(1725)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Très brièvement, monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay: Monsieur le ministre, dans votre vie antérieure de député libéral, vous avez exprimé des préoccupations au sujet du pouvoir judiciaire du ministre de la Défense nationale d'intercepter des communications—c'est-à-dire de faire de l'écoute électronique et d'utiliser les renseignements ainsi obtenus.

    Est-ce que cette latitude quasi inconditionnelle du ministre de la Défense nationale de faire de l'écoute électronique dans ce contexte vous inquiète? Qui d'autre devrait participer à la surveillance de cet élément? En ce moment, je pense que c'est l'ancien juge en chef Antonio Lamer qui joue ce rôle. Y a-t-il une disposition prévue pour la surveillance parlementaire?

    J'aimerais avoir votre avis général sur le rôle de surveillance parlementaire relativement à ces questions.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Comme vous l'avez dit, le CST est assujetti, actuellement, à un haut degré d'examen indépendant et externe par le bureau du commissaire du CST. Le commissaire, à cet égard, fait un examen indépendant du CST, donc il y a ce type de surveillance, par le biais de l'examen des activités du CST pour vérifier sa conformité à la loi, pour répondre aux plaintes, entreprendre des enquêtes que le commissaire juge nécessaire et informer et non seulement le ministre de la Justice mais, dans ce cas-ci, le procureur général du Canada de toute activité du CST que le commissaire estime pouvoir être contraire à la loi.

    Pour s'acquitter de ce mandat d'examen, le commissaire et son personnel ont une garantie d'accès à tout le personnel, les renseignements et la documentation du CST. Je pourrais ajouter que depuis 1996, chaque rapport annuel a confirmé la légalité du large éventail d'activités qu'a examiné le commissaire. Je suis satisfait maintenant de la nature et de la portée de la surveillance qu'exerce le commissaire du CST sur ce plan.

+-

    M. Peter MacKay: Est-ce que j'ai...

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Non, monsieur MacKay.

    Monsieur Wappel.

+-

    M. Tom Wappel: Monsieur le président, nous approchons rapidement de la fin, avez-vous des questions?

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Non, mais j'aimerais donner une autre chance à M. Ménard. Il essayait de glisser une dernière question.

+-

    M. Tom Wappel: Permettez-moi alors de poser rapidement une question, puis je céderai la parole à M. Ménard.

    Nous parlions d'engagements assortis de conditions. Comme vous le savez, monsieur le ministre, cet article va être temporisé, à moins que le gouverneur en conseil décide qu'il ne devrait pas l'être et en convainque le Parlement. Je me demande si vous avez un avis là-dessus aujourd'hui, étant donné que la date fixée est le 31 décembre 2006, sur l'utilité de préserver cet article, puisqu'il n'a pas été appliqué jusqu'à maintenant.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: En fait, j'ai proposé cette temporisation à l'époque, et elle sera réalisée à moins qu'une motion des chambres du Parlement, si je me souviens bien, autorise son maintien. Je crois encore que la disposition pourrait être nécessaire avec les mesures de sauvegarde qui y ont été intégrées. Sans elles ce serait autre chose. Encore une fois, je tiens à dire que ce n'est pas unique dans le processus pénal, une procédure de ce type.

    Je pense que lorsque le temps viendra, en décembre 2006, d'après l'étude qu'aura faite votre comité et les bénéfices qu'elle aura eus, nous serons mieux en mesure de décider de la pertinence de l'éliminer ou non. La seule chose que je puisse dire, c'est que le fait qu'une disposition n'a jamais servi ne signifie pas qu'elle ne le sera jamais ou qu'elle n'a jamais vraiment été utile même si elle n'a pas été appliquée.

    C'est le genre de chose qu'il ne faut pas oublier quand on parle de temporisation.

+-

    M. Tom Wappel: Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Ménard, vous aviez une question?

»  +-(1730)  

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Oui. Je serai bref.

    Vous avez beaucoup insisté, un peu plus tôt, sur le fait que les lois relatives au financement du terrorisme consistaient en la mise en application de conventions internationales auxquelles le Canada a souscrit.

    Je suis étonné de voir que, dans ce cas-ci, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université pense exactement le contraire. J'aimerais citer un extrait de son mémoire, que l'on trouve à la page 3:

[Traduction]

L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université réclame l’abrogation de la Loi antiterroriste draconienne du Canada. Nous demandons que les quelques très rares dispositions qui pourraient être nécessaires pour permettre au Canada de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif et de la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme soient adoptées de nouveau d’une manière qui ne dépasse pas les strictes exigences des conventions et les dispositions mettant en œuvre les conventions antiterroristes antérieures en vertu de l’article 7 du Code criminel.

[Français]

    J'ai lu le reste de ce rapport. Plusieurs pages démontrent qu'au fond les dispositions canadiennes vont au-delà de ce à quoi le Canada s'est engagé dans ces conventions. Je crois savoir que votre opinion est radicalement contraire à celle-là.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Vous avez raison. Je ne suis pas d'accord sur cette opinion. À mon avis, dans notre Loi antiterroriste, qui est la mise en oeuvre de nos obligations internationales, on prévoit des protections qui ne sont pas précisées dans la convention internationale, comme celles que nous avons incluses pour protéger la citoyenneté et les droits de la personne. Quant aux professeurs dont vous parlez, je suis encore un professeur, en congé sabbatique prolongé, et je dois dire que les professeurs ont parfois tort aussi.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur le ministre.

    Avant que vous partiez, je suppose que si je devais poser une question, ce serait pour connaître votre avis... Puisque nous étudions ce projet de loi C-36 pour trouver ce juste milieu, y voyez-vous un rôle pour la surveillance parlementaire? Nous avons eu un comité de la Sécurité nationale qui s'est réuni, qui a présenté un rapport, et nous attendons la réponse du premier ministre à ce rapport. Certaines recommandations qu'il renferme portaient sur l'imputabilité et la surveillance.

    Voyez-vous un rôle que devrait jouer le Parlement en matière de surveillance, tandis que nous entamons cette étude?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je pense que cet examen même, tel qu'il est prescrit au paragraphe 145(1) de la Loi, a été prévu à l'époque pour assurer une surveillance de la part du Parlement. Vous remarquerez que ce paragraphe 145(1) vous engage à faire un examen approfondi des dispositions et de l'application de la loi. C'est donc un instrument très important de surveillance, parce que nous ne devez pas vous pencher que sur le texte de la loi, mais aussi sur l'exécution et l'application de la loi.

    Il y a aussi une disposition visant la surveillance parlementaire, parce que nous sommes obligés de présenter des rapports annuels au Parlement sur les dispositions se rapportant à l'arrestation préventive et aux audiences d'enquête, et le Parlement peut poser des questions sur ces rapports annuels.

    Je dirais que le Parlement a un rôle continu de surveillance, parce que les parlementaires peuvent poser des questions dans le cadre de la période de questions; ils peuvent s'engager, en tant qu'exécutif, dans une démarche continue de reddition des comptes au Parlement, et de reddition des comptes au public. Vous êtes constamment en position de faire l'organe exécutif rendre de compte de ses activités. En même temps, vous participez de façon continue au processus d'examen judiciaire, dont les parlementaires peuvent tirer parti pour accroître encore ce rôle de reddition des comptes parlementaire.

    Je pourrais ajouter que peut-être la meilleure mesure de protection n'est-elle pas tellement dans les dispositions de temporisation, comme je l'ai dit à l'époque, mais plutôt dans la grande visibilité du Parlement, des ONG, des médias, des groupes de défense des libertés civiles, du Barreau professionnel. C'est la meilleure garantie qu'on puisse avoir en matière de surveillance, et le Parlement n'est vraiment que l'expression de la volonté du peuple. Je ne dis absolument pas cela à la légère. J'en suis profondément convaincu.

    Peut-être terminerais-je avec ceci, mon premier contact avec le Parlement qui ait eu une quelconque importance. Quand j'avais douze ans, mon père m'a amené voir les édifices du Parlement et m'a dit—aujourd'hui, mon fils se moquerait de moi si je le lui disais—mon fils, ceci est la voix du peuple. Mon père m'a dit cela avec tout le sérieux et le respect que méritait et inspirait le Parlement en tant qu'institution.

    Je pense que c'est ainsi que nous devons voir le Parlement aujourd'hui. C'est la voix du peuple. Vous nous obligez à rendre compte de nos actes. C'est exactement l'objet de la surveillance. J'en suis heureux.

»  -(1735)  

-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Là-dessus, je vous remercie, monsieur le ministre.

    La séance est levée.