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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 7 décembre 2004




¿ 0940
V         Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.))
V         M. Carl Grenier (vice-président exécutif, Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre)

¿ 0945

¿ 0950
V         Le président
V         M. Georges Courteau (président, Conseil de l'industrie forestière du Québec)

¿ 0955

À 1000
V         Le président
V         M. Marc Boutin (membre, Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre)

À 1005

À 1010
V         Le président
V         Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC)
V         M. Georges Courteau

À 1015
V         M. Marc Boutin
V         M. Carl Grenier
V         Mme Belinda Stronach
V         M. Carl Grenier
V         Mme Belinda Stronach
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)

À 1020
V         M. Carl Grenier
V         M. Pierre Paquette
V         M. Carl Grenier
V         M. Pierre Paquette
V         M. Marc Boutin
V         M. Pierre Paquette
V         M. Marc Boutin

À 1025
V         M. Georges Courteau
V         Le président
V         M. Carl Grenier
V         M. Pierre Paquette

À 1030
V         M. Marc Boutin
V         Le président
V         M. Georges Courteau

À 1035
V         Le président
V         M. Carl Grenier
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)

À 1040
V         M. Marc Boutin
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Carl Grenier

À 1045
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Carl Grenier
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Marc Boutin
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD)
V         M. Marc Boutin

À 1050
V         M. Peter Julian
V         M. Marc Boutin
V         M. Peter Julian
V         M. Marc Boutin
V         M. Peter Julian
V         M. Marc Boutin
V         M. Peter Julian

À 1055
V         M. Marc Boutin
V         M. Peter Julian
V         M. Carl Grenier
V         M. Georges Courteau
V         M. Marc Boutin

Á 1100
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         M. Ted Menzies
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         Le président










CANADA

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0940)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Karl Neubert, secrétaire-trésorier du Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre; M. Georges Courteau, président du Conseil de l'industrie forestière du Québec; et M. Marc Boutin, membre de l'Alliance canadienne sur le bois d'oeuvre.

    Nous allons commencer par votre présentation, monsieur Neubert. Vous avez dix minutes.

+-

    M. Carl Grenier (vice-président exécutif, Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre): Monsieur le président, mon nom est Carl Grenier. Je suis vice-président exécutif du Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, et c'est moi qui vais vous présenter un exposé.

    Je vous prie d'excuser l'absence de notre président, M. Frank Dottori. Il avait grand hâte de venir vous adresser la parole aujourd'hui mais, malheureusement, il a dû présider une réunion dans une autre ville canadienne ce matin.

    Je suis accompagné de Karl Neubert, qui est secrétaire-trésorier du Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre.

    Comme vous le savez, les intervenants de l'industrie canadienne du bois d'oeuvre sont devenus, à leur grand regret, des experts en droit commercial international et en règlement de différends. Vos délibérations arrivent à point nommé pour deux raisons.

    Premièrement, notre conseil a commandé plus tôt cette année, de pair avec l'Association de l'industrie forestière de l'Ontario, une étude sur le chapitre 19 de l'ALENA, soit les dispositions concernant le règlement des différends. La majorité des observations que je vous présenterai aujourd'hui s'inspireront de ce document, que nous souhaiterions également déposer devant vous, si vous êtes d'accord. Malheureusement, je n'en ai pas d'exemplaire en français, mais je peux vous en fournir des copies en anglais.

    Autre raison pour laquelle vos discussions arrivent à un moment opportun, des efforts sont actuellement consentis afin de reprendre les négociations visant à régler la question du bois d'oeuvre, alors même que le fardeau des procédures commence à peser encore plus lourd sur l'industrie. J'y reviendrai dans un moment.

    Je veux d'abord vous rappeler que le Canada a négocié un accord de libre-échange avec les États-Unis d'abord et avant tout pour mieux s'assurer l'accès au marché américain. Cet accord devait offrir un mécanisme plus efficace pour régler les différends, surtout ceux découlant des allégations touchant l'octroi de subventions ou le dumping. Vous vous en souviendrez: cet objectif incontournable pour le Canada a bien failli faire avorter les négociations de l'Accord de libre-échange en 1987 et le chapitre 19 a été le compromis qui a permis de sauver la mise.

    La disposition du chapitre 19 de l'ALENA qui prévoit une solution de rechange au contrôle judiciaire par des tribunaux nationaux pour régler les différends en matière de droits antidumping et compensateurs est unique. En effet, le Canada et le Mexique sont les deux seuls pays dont les citoyens n'ont pas à se retrouver devant les tribunaux des États-Unis pour régler des différends commerciaux avec ce pays. Les États-Unis ont conclu une bonne dizaine d'accords de libre-échange avec d'autres partenaires commerciaux au cours des dernières années; aucun de ces accords ne renferme des dispositions sur le règlement des différends semblables à celles du chapitre 19 de l'ALENA.

    À l'époque de l'accord bilatéral de libre-échange, soit de 1989 à 1994, les dispositions du chapitre 19 ont permis au Canada de remporter d'importantes victoires devant les tribunaux. Les révisions par des groupes spéciaux binationaux étaient plus rapides, moins coûteuses et plus équitables que les appels devant le Tribunal de commerce international des États-Unis. Mais, déjà à cette époque, les États-Unis avaient adopté une stratégie cohérente à long terme en vue de limiter l'impact de ces victoires et d'empêcher qu'elles ne se reproduisent ou ne se poursuivent. Depuis que le chapitre 19 a été reconduit dans le cadre de l'ALENA, soit depuis 1995, les États-Unis ont redoublé d'efforts et d'ingéniosité pour récupérer ce qu'ils regrettent avoir consenti, même à titre de compromis.

    À l'époque de l'ALE, l'accent était mis sur le fond. Ayant recours à des avocats d'agence, plutôt qu'à ceux du département de la Justice, les États-Unis ont préconisé une reconnaissance accrue de la compétence des agences; des critères juridiques moins rigoureux pour la détermination des produits subventionnés et la perception de droits compensateurs à cet égard; et une compétence restreinte pour les groupes spéciaux binationaux, notamment en limitant la portée des décisions au seul cas en litige, sans application pour un examen administratif découlant d'une enquête ni un examen administratif subséquent. Ces restrictions visaient à obliger le Canada a porté en justice à plusieurs reprises les mêmes programmes, souvent au sujet des mêmes produits, sans égard aux décisions finales rendues par les groupes spéciaux ou dans les cas de renvoi.

    Depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA, les États-Unis s'efforcent de détruire le chapitre 19 par les voies institutionnelles. Le secrétariat est privé des ressources financières suffisantes. Les membres des groupes spéciaux sont sous-payés et doivent attendre pour recevoir les sommes qui leur sont dues. On a renoncé à nommer des experts du commerce international au sein de ces groupes spéciaux. On a politisé les groupes spéciaux en exigeant l'approbation du Congrès pour la constitution des listes de candidats possibles. Les règles applicables aux contestations extraordinaires ont été modifiées. On s'en est pris directement aux normes d'examen. L'intégrité des membres canadiens et américains des groupes spéciaux a été mise en doute. On a fait fi des règles et des échéanciers applicables à la composition des groupes spéciaux et à la dotation des postes vacants. On a abusé des contestations préventives. Les lois commerciales ont été révisées. Et ce ne sont-là que quelques exemples.

    Pour répliquer à cet assaut en deux vagues, visant le fond et les institutions, à l'encontre du chapitre 19, le Canada ne s'est pas montré très vindicatif, se contentant souvent d'acquiescer. Ce qui frappe le plus, peut-être, c'est que le Canada n'a jamais invoqué les dispositions de l'article 1903 de l'ALENA qui le protègent contre les modifications apportées aux lois commerciales des États-Unis, et ce, même si les Américains ont modifié ces lois à plusieurs reprises dans l'objectif explicite d'annuler des décisions rendues par un groupe spécial de l'ALENA, et même si on le menace de le faire encore—je fais bien sûr référence au projet de loi Baucus récemment déposé devant le Sénat des États-Unis—cette fois pour précipiter les intervenants canadiens du secteur du bois d'oeuvre vers un règlement qui pourrait s'avérer néfaste et destructeur. Le Canada n'a pas non plus invoqué l'article 1903 pour contrer les lois commerciales des États-Unis qui ont des répercussions chez nous et, qui plus est, qui contreviennent aux obligations internationales, comme l'amendement Byrd de 2000.

¿  +-(0945)  

    La stratégie des États-Unis a porté fruit en minant la valeur du chapitre 19 pour le Canada. Les révisions par des groupes spéciaux binationaux exigent de plus en plus de temps. Avec une moyenne de 696 jours, les procédures touchant les importations canadiennes en application du chapitre 19 sont maintenant plus longues que les causes réglées par le Tribunal de commerce international, dont la moyenne s'établit à 641 jours.

    L'actuel différend au sujet du bois d'oeuvre en constitue un excellent exemple. Plutôt que les 315 jours prévus par les règles du chapitre 19 pour conclure un tel dossier, nous en sommes au 33e mois de procédure. Les Canadiens ne peuvent plus s'attendre à ce que les examens par des groupes spéciaux binationaux soient plus équitables que ceux du Tribunal du commerce international, étant donné que les membres américains de ces groupes ne sont plus des experts en droit commercial, qu'ils sont protégés contre les appels, et qu'ils sont sélectionnés avec soin pour défendre les prérogatives de l'agence gouvernementale des États-Unis.

    Un effort concerté pour soutenir l'application du chapitre 19 pourrait être mis en branle dans le cadre des consultations prévues au chapitre 20. Le Canada devrait s'engager à maintenir des listes complètes de candidats pour les groupes spéciaux et pour les comités de contestation extraordinaire ainsi qu'à assurer la sélection des membres de ces groupes de même que la dotation des postes vacants à l'intérieur des délais prescrits. Le Canada devrait exiger des États-Unis qu'ils assurent un financement accru et une dotation plus adéquate de leur section du secrétariat; qu'ils corrigent leur liste de manière à éliminer les partis pris et à faciliter la sélection des membres des groupes spéciaux; qu'ils acceptent de respecter les échéanciers établis pour la constitution des groupes spéciaux et la dotation des postes vacants; et qu'ils consentent à augmenter la compensation versée aux membres des groupes spéciaux.

    Bien évidemment, l'ALENA n'est pas le seul mécanisme pour le règlement des différends commerciaux. Nous pouvons toujours avoir recours à l'OMC. Après avoir gagné sa cause auprès de l'OMC en même temps que huit autres plaignants, le Canada a été lent à réagir relativement à l'amendement Byrd, qui constitue peut-être l'obstacle principal à une entente négociée dans le secteur du bois d'oeuvre. Le Canada a également pris du retard face à l'Union européenne et au Japon quant aux représailles à l'endroit des États-Unis pour leur non-respect de la décision rendue par l'OMC en mars 2003.

    Voici quelques autres suggestions d'amélioration relativement à l'approche du Canada pour le règlement des différends commerciaux. Le Canada devrait penser aux avocats de l'industrie lors de la sélection des membres des groupes spéciaux de l'ALENA, comme il le fait déjà dans le cas de l'OMC. Le gouvernement des États-Unis a toujours consulté les représentants de son industrie. Dans les procédures devant l'OMC, il faudrait intégrer des avocats de l'industrie et des provinces au sein de l'équipe canadienne. Il est bien évident qu'on ne sert pas les intérêts du Canada en agissant autrement, notamment dans les procédures antidumping, parce que les avocats de l'industrie sont les véritables experts en la matière.

    La politique de la terre brûlée adoptée par les États-Unis rend le processus de règlement des différends si onéreux que les Canadiens vont renoncer à leurs droits légaux et accepter des solutions moins avantageuses que ce que prévoit le libre-échange. Les États-Unis mettent à contribution de façon coordonnée tout leur appareil gouvernemental pour atteindre cet objectif. Au cours des deux premières années de ce conflit, l'industrie canadienne du bois d'oeuvre a entrepris trois enquêtes—sur les subventions, le dumping et les préjudices—et interjeter trois appels. Elle mène actuellement quatre enquêtes, les mêmes trois appels, une contestation extraordinaire et deux procédures visant la mise en oeuvre devant l'OMC. À la mi-décembre, lorsque le département du Commerce des États-Unis rendra publiques ses conclusions finales relativement aux deux premières des quatre nouvelles enquêtes, l'industrie sera obligée de déposer deux nouveaux appels judiciaires tout en préparant ses consultations à l'égard des tentatives illégales des États-Unis de conserver les sommes déposées, soit les 3,5 milliards de dollars déjà versés au Trésor américain.

    Si on avait respecté les échéanciers prévus pour les appels initiaux en vertu de l'ALENA, même avec un certain retard comme ce fut le cas pour les appels dans le cadre du 3e accord sur le bois d'oeuvre, tous les appels et toutes les procédures judiciaires en arriveraient maintenant à leur conclusion. L'industrie canadienne et les gouvernements provinciaux ne seraient pas tenus de répondre à de nouvelles séries de questionnaires. On n'en serait pas encore à préparer des vérifications, des documents d'information et des audiences. Mais voilà que, simplement pour défendre leurs droits, les intervenants canadiens doivent entamer encore davantage de procédures. Les États-Unis et l'industrie américaine comptent sur cette pression additionnelle et ces dépenses supplémentaires pour porter un dur coup à l'industrie canadienne et imposer encore une autre restriction temporaire défavorable pour le commerce.

    L'industrie canadienne s'est gagné la confiance et le soutien de tout le pays. Le volet un—l'approche retenue pour les contestations—est une stratégie de combat que partage tout le Canada, mais c'est principalement l'industrie du bois d'oeuvre résineux qui en assume les coûts et le fardeau. Encore là, le gouvernement du Canada doit envoyer un message clair pour montrer que les Canadiens auront droit à une chance équitable et raisonnable d'obtenir gain de cause conformément aux règles législatives et institutionnelles de l'ALENA. On ne devrait pas les priver de leurs droits parce qu'ils n'ont pas les moyens de les défendre. En effet, leur droit à la contestation n'a pas été adéquatement protégé dans le contexte des retards incessants qui ont fait grimper les dépenses.

    Il y a deux ans, le gouvernement du Canada a fourni une aide financière modeste, mais bienvenue, aux associations industrielles pour les aider à poursuivre le volet un de la stratégie. Les besoins actuels sont beaucoup plus grands qu'à l'époque, mais il en va de même des retombées possibles. Un groupe spécial binational vient de terminer son travail en rendant une décision finale qui exige la révocation des ordonnances sur les droits compensateurs et les mesures antidumping. Un autre groupe spécial binational qui exige du département du Commerce qu'il évalue les subventions en fonction des critères établis dans la loi pourrait bientôt conclure qu'aucune subvention n'est octroyée ou qu'elles sont négligeables. Un troisième groupe spécial binational pourrait en arriver à la conclusion que l'un des facteurs essentiels utilisés dans les calculs pour le dumping contrevient à la loi et doit être abandonné, ce qui réduirait de façon draconienne la proportion de cas présumés de dumping.

¿  +-(0950)  

    Aucune de ces nouvelles décisions ne pourra être considérée comme finale ou avoir une portée juridique si ces groupes spéciaux ne peuvent pas terminer leurs travaux. Dans le contexte de la prolongation des processus, la seule façon de protéger les intérêts est d'interjeter appel à l'égard des nouvelles enquêtes. Le gouvernement du Canada doit réitérer sa confiance envers l'ALENA et l'industrie canadienne du bois d'oeuvre en aidant celle-ci à mener ce combat pour tout le pays. Pour ce faire, le gouvernement doit absolument rembourser les frais juridiques encourus pour permettre à l'industrie de poursuivre le volet un de la stratégie et faire bien comprendre aux États-Unis et à l'industrie américaine qu'ils ne pourront pas sortir gagnants en pratiquant la politique de la terre brûlée. S'ils ont gain de cause, ce sera conformément aux dispositions législatives et aux objectifs de l'ALENA et, comme chacun le sait au Canada, c'est nous qui allons sortir gagnant dans de telles conditions.

    J'aimerais traiter de deux derniers points en terminant. On entend souvent dire que le Canada devrait riposter et freiner ses exportations de biens essentiels comme le pétrole et le gaz jusqu'à ce les États-Unis s'amendent et cessent de mettre des bâtons dans les roues de notre industrie du bois d'oeuvre. En plus de créer instantanément un problème politique très concret au Canada, de telles mesures iraient à l'encontre de règles commerciales internationales bien définies.

    Dans toutes leur perspicacité et leur sagesse, les pays et les personnes, et le Canada et les Canadiens en faisaient partie, qui ont conçu le système de commerce international il y a près de 60 ans ont bien vu qu'une telle approche ne pourrait faire autrement que de mener à un cercle vicieux de mesures et de contre-mesures restrictives pour le commerce.

    Enfin, je ne voudrais pas laisser votre comité sous l'impression que le Canada est à tout jamais à la merci de la décision des États-Unis de s'en tenir à leurs propres engagements dans le cadre de l'ALENA et d'autres ententes commerciales. Tant et aussi longtemps qu'un différend oppose les producteurs américains aux exportateurs canadiens de bien similaires, le résultat est plutôt prévisible parce que les Canadiens n'ont pas droit de vote aux élections américaines.

    Nous ne devons pas rester prisonniers de cette dynamique. Il existe aux États-Unis certains groupes influents qui, si on parvient à les alerter et à les mobiliser adéquatement, peuvent devenir pour nous des alliés très efficaces, car ils s'appuient sur tout l'éventail des actions politiques pouvant être prises aux États-Unis pour s'opposer aux restrictions frontalières qui vont au détriment de leurs propres intérêts. Le travail auprès de ces groupes exige du temps et des efforts, mais nous croyons qu'il s'agit de la meilleure politique d'assurance à long terme contre les décisions unilatérales des États-Unis de ne pas respecter les règles du commerce international.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons à notre prochain intervenant, M. Courteau.

[Français]

+-

    M. Georges Courteau (président, Conseil de l'industrie forestière du Québec): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Mesdames et messieurs, bonjour et merci de nous donner l'occasion d'être ici aujourd'hui pour présenter notre point de vue sur la question à l'ordre du jour.

    Le Conseil de l'industrie forestière du Québec représente la grande majorité des entreprises de l'industrie forestière au Québec. Nous sommes le porte-parole de la grande majorité des entreprises de sciage, des entreprises de pâtes, papiers, cartons et panneaux. À compter du 1er janvier 2005, nous serons aussi le porte-parole des entreprises de feuillus et de déroulage-sciage. L'association représentera alors toute l'industrie.

    Ce sont 150 000 emplois au Québec, c'est-à-dire plus de 3 milliards de dollars en salaires. Nous représentons 3 p. 100 du produit intérieur brut du Québec, et les exportations ont atteint 12 milliards de dollars en 2002.

    Dans le dossier du bois d'oeuvre, avant le conflit qui nous préoccupe actuellement, les exportations étaient de l'ordre de 4 milliards de pieds mesures de planches par année, ce qui représentait environ 25 p. 100 du volume des exportations du Canada. Depuis que les Américains ont lancé la menace de préjudice, en mai, nous avons subi une perte de marché de 15 p. 100: nous sommes passés de 4 milliards de PMP à 3,4 milliards, soit une baisse significative des volumes. Les taxes payées par nos entreprises au Québec depuis le début du conflit représentent environ un milliard de dollars canadiens. À cause de ces taxes, les entreprises ont dû réduire leurs immobilisations de façon significative. Le montant des immobilisations, qui était de l'ordre de 2,5 millions de dollars, a été réduit, dans l'industrie du sciage, à moins de 100 millions de dollars. Le niveau des immobilisations est ce qui permet aux entreprises d'être compétitives.

    Concernant les particularités du Québec, les entreprises frontalières fonctionnent avec plus de 50 p. 100 de billes de bois provenant des États-Unis ou des forêts privées et bénéficient donc d'un taux de taxes réduit.

    D'autre part, la forêt québécoise est plus petite que la forêt de l'Ouest canadien. Le panier de produits est constitué de bois courts et étroits qui posent un problème potentiel de dumping quand les prix sont à la baisse. Le panier de produits disponibles à partir de nos billes de bois se répartit de la façon suivante: 35 p. 100 pour le sciage, 50 p. 100 en copeaux et 15 p. 100 en sciure-planure. Le niveau des taxes oblige l'industrie forestière à exporter les produits haut de gamme principalement vers les États-Unis. Cela a une répercussion sur le secteur des pâtes et papiers, cartons et panneaux, car la surenchère pour les copeaux entraîne une hausse des prix. Nous sommes la province où les copeaux de bois sont les plus chers du Canada.

    Une autre caractéristique de l'industrie est que cette dernière est très intégrée: 70 p. 100 des entreprises sont intégrées, avec une branche sciage et une branche pâtes et papiers.

    Côté américain, il est important de noter que les pays tiers ont pris une part du marché. Alors qu'ils ne représentaient que 2 p. 100 en volume au début du conflit, ils sont passés à 3,5 p. 100, grâce à un accès au marché américain via l'Atlantique. Il s'agit notamment du Brésil, de l'Allemagne et d'autres pays.

    Dans le dossier du bois d'oeuvre, le Conseil de l'industrie forestière du Québec est en faveur du libre-échange. Sa position est basée sur le respect des lois internationales, dans le cadre de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce.

    Nous souhaitons donc une entente à long terme. Nos membres souhaitent une solution pancanadienne, mais qui permettra d'obtenir une entente à long terme avec nos partenaires.

¿  +-(0955)  

    Parmi les conditions d'entente, certaines sont primordiales.

    Le retour des dépôts. L'industrie a fait des dépôts en attendant que la loi confirme qu'il n'y a pas de menace de préjudice. Si nos demandes sont prises en considération, les dépôts devraient être rendus.

    Il y a le respect de la décision sur l'amendement Byrd, comme l'a mentionné M. Carl Grenier. Il faut s'assurer que l'amendement Byrd est respecté. Il y a eu une décision à cet égard à l'Organisation mondiale du commerce. Les conséquences pourraient être importantes si les Américains, à la suite de l'amendement Byrd, décidaient de prendre l'argent qui nous appartient pour le donner aux compagnies américaines, les rendant plus compétitives à notre détriment. Il est important également de maintenir les mesures de représailles que le gouvernement canadien étudie.

    Cependant, il faut analyser la situation dans sa globalité et voir si un panel binational pourrait faire la promotion du bois. En effet, il faut envisager le Canada et les États-Unis comme formant un tout capable de faire face à la compétition future de la Russie, du Brésil et d'autres pays. La nouvelle entente devra respecter le droit d'exporter de tous les membres. Tous nos membres veulent avoir la possibilité d'exporter. C'est un point important.

    Nous avons besoin de l'appui du gouvernement pour soutenir une des industries les plus importantes. Il est donc essentiel que le gouvernement canadien montre clairement qu'il soutient son industrie et qu'il apporte son appui aux associations professionnelles. Il est important aussi que ce dossier soit considéré au plus haut niveau comme prioritaire, afin de trouver une solution à long terme pour tous les acteurs du différend, de chaque côté de la frontière. Il faut aussi que le premier ministre apporte son appui à l'Accord du libre échange nord-américain qui lie les deux parties. Il y a une contestation extraordinaire en cours. Par la suite, il pourrait y avoir une contestation constitutionnelle.

    Si on se tourne vers l'avenir, il faudrait établir des principes pour un dialogue constructif entre les parties pour éviter de retomber dans un Lumber V.

    Merci beaucoup, monsieur le président, pour votre attention.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Monsieur Boutin.

+-

    M. Marc Boutin (membre, Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre): Monsieur le président et honorables membres du sous-comité, il me fait plaisir aujourd'hui de m'adresser à vous au nom de l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre.

[Traduction]

    Je vais commencer par un aperçu de la teneur de mon exposé.

    Tout d'abord, je vais vous expliquer ce qu'est l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre. Ensuite, je vous parlerai des efforts de collaboration actuellement consentis par le gouvernement du Canada et l'industrie canadienne. Par la suite, je vous entretiendrai des objectifs de l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre. Je parlerai notamment de la question de l'aide aux associations canadiennes. Enfin, je traiterai du remboursement des dépôts, un problème fort embarrassant pour l'industrie canadienne du bois d'oeuvre.

    Qu'est-ce que l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre? Elle a été créée en janvier 2001. Elle se veut un lien essentiel entre toutes les associations de l'industrie dans les principales provinces productrices au Canada. Elle représente la très vaste majorité des producteurs de bois d'oeuvre canadiens, soit environ 95 p. 100 de la production nationale. J'ajouterais que des représentants des Maritimes ont participé aux récentes réunions, ce qui nous rapproche d'un taux de représentation de 100 p. 100 pour la production de bois d'oeuvre au Canada.

    L'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre a été créée pour gérer la question des préjudices, mais également pour offrir des points de vue davantage concertés relativement aux autres dossiers d'intérêt pour notre industrie nationale. L'Alliance traite également, à l'échelle nationale, de certains aspects de la procédure antidumping.

    L'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre a intensifié ses activités dans le contexte de la contestation extraordinaire et, éventuellement, de la contestation constitutionnelle, pour le cas où les intéressés américains n'auraient pas gain de cause dans la contestation extraordinaire. Le problème du remboursement des dépôts figure également au mandat de l'Alliance. Comme mes collègues l'ont déjà mentionné, la somme en question s'approche maintenant des 3,8 milliards de dollars. Il faut se rappeler qu'il s'agit du différend commercial le plus important de l'histoire de la planète.

    Il est essentiel que le gouvernement du Canada s'en tienne aux engagements fermes pris à l'égard du processus législatif; et il ne s'agit, d'aucune façon, d'une critique à l'égard du gouvernement. En fait, l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre appuie sans réserve certaines mesures prises récemment par le gouvernement du Canada dans ce dossier.

    Comme mes collègues l'ont aussi indiqué, il est important de poursuivre notre collaboration. Je le répète : c'est le différend commercial le plus important de l'histoire. Il est crucial pour l'avenir de l'industrie. Du point de vue juridique, la situation est de plus en plus favorable au Canada. Les intérêts américains s'efforcent de déposséder le Canada d'une victoire nette et de miner la position de force dont jouit le Canada dans l'état actuel des choses. Nous n'avons probablement jamais disposé de leviers de négociation aussi efficaces. Quelques autres décisions devant être rendues au cours des prochaines semaines devraient même consolider encore notre position—ou sinon ne la toucher que très superficiellement. Quoi qu'il en soit, nous n'avons jamais été aussi bien positionnés.

    Comme mes collègues l'ont souligné, le processus de contestation extraordinaire a déjà été enclenché. Si nous avons gain de cause, nous nous attendons à une contestation constitutionnelle. Permettez-moi de noter qu'une telle contestation constitutionnelle équivaut à remettre en question l'ALENA, ou du moins le chapitre 19 de la l'ALENA. Elle revêt donc une importance primordiale pour le Canada. Le remboursement des dépôts versés par les exportateurs canadiens est également une priorité pour l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre. Des intérêts américains tentent d'éviter ce remboursement et de faire en sorte que les sommes déposées, qui nous appartiennent, à nous, les producteurs canadiens, soient réparties entre les producteurs américains. On parle donc d'un avantage concurrentiel injuste.

    Les États-Unis s'efforcent de miner le processus de règlement des différends pour l'ALENA, comme pour l'OMC. Par exemple, on a invoqué des décisions favorables au Canada rendues par l'OMC à titre de faux-fuyants pour se soustraire à des décisions rendues en vertu de l'ALENA qui étaient également favorables au Canada. Alors, tous les coups semblent permis dans le différend qui nous oppose.

    Le Canada doit tout mettre en oeuvre pour éviter les résultats souhaités par les intérêts américains. Il ne s'agit pas uniquement de protéger les intérêts de l'industrie du bois d'oeuvre au Canada. Il s'agit également de sauvegarder, d'une manière générale, les intérêts de tous les exportateurs canadiens dans le cadre de l'ALENA et d'obliger les États-Unis à respecter leurs engagements. Le gouvernement et l'industrie doivent donc travailler en étroite collaboration pour bien coordonner les efforts et les idées de manière à en arriver à une solution durable.

    Je vous le répète, mesdames et messieurs, c'est ce qui se produit actuellement à la satisfaction de l'industrie et, j'ose croire, à la satisfaction du gouvernement du Canada.

À  +-(1005)  

    L'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre est d'avis que le libre-échange constitue le grand objectif à long terme, mais nous sommes conscients des difficultés associées à sa mise en oeuvre à court terme. C'est le consensus qui a pu être dégagé il y a quelques semaines à l'occasion d'une réunion de l'Alliance. Idéalement, nous voulons que le libre-échange fonctionne; nous croyons au libre-échange. Mais nous restons réalistes et pragmatiques et nous reconnaissons que le libre-échange n'est probablement pas un objectif réalisable à court terme.

    Les règlements extrajudiciaires doivent offrir des solutions mieux adaptées que les procédures judiciaires et doivent mener à la conclusion d'une entente durable. L'objectif consiste essentiellement à éviter d'avoir à conclure un cinquième accord sur le bois d'oeuvre. Les démarches actuelles vont mener à un quatrième accord. Comme un de mes collègues l'a déjà souligné, nous en sommes au 33e mois de procédures judiciaires que je qualifierais d'intenses. Un cinquième accord serait probablement le résultat du règlement d'un différend dans le cadre du quatrième accord; nous voulons donc éviter d'en arriver là, si cela est possible.

    L'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre est actuellement le véhicule qui convient le mieux pour l'adoption d'une approche pancanadienne. Aucune autre organisation n'est en mesure de parler au nom de tous les producteurs canadiens. Par ailleurs, les politiques forestières, la structure de l'industrie et le contexte commercial varient considérablement d'une province à une autre et il est possible que l'on doive prendre des mesures ciblées dans certaines provinces ou certaines régions. Cette constatation a également fait l'objet d'un consensus au sein de l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre.

    L'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre demande le soutien du gouvernement pour les associations de l'industrie, comme c'était le cas dans le passé. Les contestations passées et à venir ont des répercussions sur d'autres secteurs de l'économie canadienne. L'Alliance travaille à défendre la cause du Canada. Tous les précédents favorables créés profitent d'une manière générale au commerce canadien. Les efforts consentis par l'Alliance en ce sens ont été extrêmement onéreux. La contribution obtenue jusqu'à maintenant du Canada n'a défrayé qu'une faible portion des coûts associés à ces efforts. Vous vous souviendrez qu'en 2002 les associations de l'industrie ont eu droit à un soutien financier qui n'a pas été réitéré depuis.

    Des engagements ont bien été pris, mais n'ont pas encore été concrétisés. L'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre se fait le porte-parole des associations canadiennes qui comptent sur cet appui. Les contributions promises au moyen d'engagements non capitalisés du cabinet ne représentent encore qu'une fraction des dépenses effectivement engagées par les associations et les diverses entreprises qui en font partie.

    Le Canada a absolument besoin de cette aide pour pouvoir continuer de miser sur les succès juridiques obtenus et passer à l'étape finale, parce que nous nous approchons bel et bien de l'étape finale du processus judiciaire. Un tel soutien enverrait un message clair aux États-Unis : ils ne vont pas gagner le différend du bois d'oeuvre en décimant l'industrie canadienne par attrition, car c'est bien là l'objectif comme en témoignent les nouveaux reports d'échéance pour tous les dossiers judiciaires et administratifs que nous avons à régler.

    Enfin, l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre estime que le Canada doit élaborer une stratégie détaillée afin d'assurer le remboursement des dépôts sur les exportations canadiennes de bois d'oeuvre vers les États-Unis. Ces dépôts totalisent maintenant plus de 3,8 millions de dollars, un montant qui s'accroît d'environ 100 millions de dollars par mois.

    Si les Américains ont gain de cause en obtenant ne serait-ce qu'une partie de ces dépôts, les États-Unis seront fortement incités à introduire de nouvelles contestations, car même sans sortir vainqueurs, ils pourront en tirer un double avantage—d'une part, grâce à l'enquête elle-même, qui entraînera des coûts et de nouveaux retards pour les exportateurs canadiens de bois d'oeuvre, et d'autre part, grâce à la répartition illégale des dépôts pour les droits, des sommes qui, en fait, nous appartiennent à nous, leurs concurrents du Canada.

    Voilà qui termine mon exposé. Je remercie tous les membres du comité.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Merci à vous trois pour vos présentations.

    Nous passons maintenant aux questions.

    Madame Stronach.

+-

    Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC): D'abord, j'aimerais vous remercier d'être ici aujourd'hui. Je n'ai pas à vous dire à quel point cette question est importante, non seulement pour notre industrie mais aussi pour le Canada.

    D'après ce que je sais, les producteurs canadiens détiennent encore 30 p.100 du marché américain malgré tous les droits à payer, et ce pour trois raisons fondamentales. Premièrement, nous disposons des ressources forestières. Deuxièmement, nous avons un avantage en raison du taux de change, bien que la montée du dollar pose de plus en plus de problèmes. Troisièmement, la production de bois d'oeuvre est un des secteurs des matières premières où la taille des entreprises joue un rôle; d'ailleurs, la plupart des grandes scieries pouvant réaliser des économies d'échelle sont au Canada.

    Êtes-vous d'accord avec moi ou suis-je dans l'erreur?

    J'aimerais savoir quel est le niveau d'intégration de votre industrie en Amérique du Nord pour en avoir une meilleure compréhension.

    M. Boutin a mentionné que nous avions besoin de nous doter d'une stratégie exhaustive concernant l'amendement Byrd. J'aimerais avoir votre opinion sur notre stratégie de consultation sur les mesures de rétorsion à mettre en oeuvre pour faire avancer les choses dans ce dossier.

    Ma troisième question s'adresse à M. Courteau. Vous avez mentionné la création d'un groupe binational. J'aimerais que vous me donniez plus de détails à ce sujet et m'expliquiez comment cela pourra aider à renforcer l'industrie et à éviter un autre processus qui mènerait à un cinquième accord sur le bois d'oeuvre.

+-

    M. Georges Courteau: Je pense que la question du groupe binational est quelque chose qui... Une fois que sera réglée la situation actuelle, il faudra regarder d'où viennent nos compétiteurs. La Russie et d'autres pays, comme le Brésil, continuent d'accroître leur volume. Par conséquent, si toute l'industrie nord-américaine est unifiée par le biais du groupe binational, ça va nous aider à trouver des moyens d'aller de l'avant, par la promotion de l'utilisation du bois dans d'autres domaines, comme la fabrication d'unités commerciales et industrielles. La promotion des autres utilisations du bois pourrait être un moyen de faire accroître la demande. Vu de cet angle, je pense que le groupe sera très utile.

    Marc, avez-vous d'autres commentaires?

À  +-(1015)  

+-

    M. Marc Boutin: Oui. Je pense que le règlement de différends pourrait être un autre objectif du groupe binational. Peut-être serait-il plus qu'un groupe binational. Il pourrait y avoir des sous-groupes ou des sous-comités, comme celui d'aujourd'hui, qui se pencheraient sur le règlement de différends principalement en Amérique du Nord.

+-

    M. Carl Grenier: J'aimerais répondre à l'une des questions de la député sur la façon dont est intégrée l'industrie du bois d'oeuvre. Je n'ai pas les chiffres exacts devant moi, ne citez donc pas ce que je vais avancer aujourd'hui. Si je me souviens bien, les 10 principaux producteurs de bois d'oeuvre du Canada sont responsables d'un peu plus de 60 p. 100 de la production totale. Si vous comparez ce chiffre avec celui de l'industrie du papier, c'est moins. Il y a donc de la place pour une certaine consolidation. Comme nous l'avons vu, notamment en Colombie-Britannique au cours des derniers mois, des mesures ont été prises. Il y a encore des possibilités d'intégration.

    En ce qui a trait à l'intégration entre le Canada et les États-Unis, on sait que certains producteurs américains sont présents au Canada, ce qui a toujours été le cas. Il y a eu des investissements au cours des dernières années, mais pas autant qu'on l'aurait pensé vu la force relative du dollar et d'autres facteurs. Il y a libre circulation. Nous pouvons investir là-bas, et ils peuvent investir ici. L'industrie, par sa nature, est grandement intégrée. Il ne fait aucun doute qu'il n'y a qu'un marché. Il n'y a pas de barrières. Les prix sont les mêmes en général à quelques dollars près en raison de la friction habituelle liée au transport.

    Vous avez également soulevé une question sur la stratégie concernant l'amendement Byrd. Comme vous le savez, et je l'ai mentionné dans mes observations, l'OMC a statué que l'amendement Byrd était illégal et allait à l'encontre des obligations des États-Unis en vertu de l'OMC. Cette décision a été rendue en mars 2003 après les derniers appels. Les États-Unis avaient jusqu'en décembre l'année dernière pour modifier sa loi. Évidemment, ils ne l'ont pas fait. Si on veut être réaliste, personne ne s'attendait vraiment à ce que le Congrès américain prenne de telles mesures pendant une année électorale.

    Nous croyons que le Canada devrait agir de façon plus dynamique en ce qui a trait à cet amendement. D'autres pays, par exemple, on déjà présenté à l'OMC leur liste de mesures de rétorsion. Comme vous le savez, nous continuons de consulter l'industrie sur nos propres mesures. Le Canada est de loin celui qui a le plus à perdre dans cette histoire en raison des dépôts en espèces très élevés qui sont bloqués dans le Trésor américain. En passant, ces dépôts représentent plus de trois fois le montant total payé annuellement depuis 2001 en raison de l'amendement Byrd. Nous avons beaucoup à perdre; il faudrait donc agir plus rapidement.

+-

    Mme Belinda Stronach: Le président américain a dit qu'il serait prêt à abroger l'amendement Byrd. Comment faire pour convaincre le Congrès? Que pourrions-nous faire de plus?

+-

    M. Carl Grenier: Comme vous le savez, la liste des mesures de rétorsion possibles est assez longue maintenant. Il ne fait aucun doute qu'elle sera réduite un peu. Il le faut car nous devons concentrer nos efforts pour que ça marche. Je crois que d'autres pays ont fait de même.

    De plus, il y a peut-être des possibilités de travailler de concert avec d'autres pays pour que nos mesures respectives s'appuient mutuellement. Je pense que ce sont des choses que le gouvernement envisage, mais nous devons finaliser d'abord la liste, la faire approuver puis mettre les mesures en oeuvre.

+-

    Mme Belinda Stronach: Merci.

+-

    Le président: Nous respectons l'horaire, c'est parfait.

    La parole est maintenant à monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci pour vos présentations, c'est toujours très instructif d'entendre les différentes associations.

    Monsieur Grenier, vous avez mentionné dans votre présentation que des changements ont été apportés aux règles de la contestation extraordinaire. À ma connaissance, seuls les États-Unis ont utilisé cette possibilité. J'aimerais que vous développiez cette question, et notamment l'éventualité que les autorités américaines puissent avoir gain de cause au terme de cette procédure.

À  +-(1020)  

+-

    M. Carl Grenier: Le but initial de la procédure de contestation extraordinaire, qui avait été négociée entre le Canada et les États-Unis dans les années 1980, dans le cadre de l'Accord de libre-échange canado-américain, n'était pas du tout un mécanisme d'appel normal. C'était un mécanisme, comme son nom l'indique, pour faire face à des situations hors du commun, extraordinaires. Par exemple, s'il y a un conflit d'intérêt non déclaré de la part d'un des membres ou d'un des groupes spéciaux appelés à statuer sur des questions commerciales, il doit être possible de revenir sur cette décision.

    Cependant, dès le départ, les États-Unis s'en sont servi comme d'un mécanisme d'appel, et le renforcement est intervenu lorsqu'on est passé de l'Accord de libre-échange canado-américain à l'ALENA, au milieu des années 1990. Les États-Unis ont alors insisté pour que la norme de révision soit renforcée. Ainsi, si vous comparez les deux normes, celle de l'ALENA et celle de l'ALE, vous verrez très bien qu'il y a eu un renforcement. La procédure de contestation extraordinaire est maintenant devenue plus une procédure d'appel qu'auparavant.

    Vous l'avez mentionné vous-même dans votre question: les États-Unis sont le seul partenaire à s'être servi de cette procédure. Ils s'en sont servi six fois jusqu'à maintenant, et ils ont perdu à chaque fois.

+-

    M. Pierre Paquette: Incluant celle-ci?

+-

    M. Carl Grenier: Ils l'ont utilisée six fois, et celle-ci est la septième. Ils ont perdu les six premières fois. Leurs chances de l'emporter cette fois-ci ne nous paraissent pas meilleures qu'auparavant. Par exemple, ils ont perdu leur contestation en 1994-1995 lors de la troisième enquête sur le bois d'oeuvre. Les allégations sont à peu près semblables: ils ont mis en cause la réputation d'un des membres du panel qui a jugé la cause sur le préjudice. Il s'agit d'un membre américain cette fois-ci, mais à l'époque c'était un membre canadien. Ils allèguent en fait que le groupe spécial en question n'a pas suivi les règles normales en droit américain, règles qui doivent être suivies en la matière. Nos avocats sont très confiants quant à nos chances de succès d'ici le mois de mars.

+-

    M. Pierre Paquette: Admettons que nous ayons gain de cause en mars. Il y a aussi la contestation constitutionnelle. Je crois que quatre représentants ont déposé un projet de loi. En fait, j'aimerais qu'on en parle davantage. M. Courteau et M. Boutin en ont parlé. Quelles seraient les conséquences de cette contestation constitutionnelle par la suite? Si nous gagnons la contestation extraordinaire, que se passe-t-il? Théoriquement, les Américains devraient engager des pourparlers sur le remboursement des droits, le rétablissement du libre-échange. Mais personne ne se fait pas d'illusions là-dessus. Quel serait alors l'effet de cette contestation constitutionnelle sur le dossier? Tout serait-il gelé jusqu'à ce que les tribunaux américains... Et combien de temps cela pourrait-il prendre?

+-

    M. Marc Boutin: Ce que M. Grenier vous a dit est parfaitement exact. Nos recours sont favorables dans la contestation extraordinaire. Comme vous le savez, c'est une mesure qui vise à corriger des conflits d'intérêts flagrants. Dans les six cas précédents—le bois d'oeuvre en 1994, le magnésium récemment, le porc dans des cas préalables—nous avons vu que c'est quasiment devenu un deuxième recours pour les Américains. Le but même de la contestation extraordinaire est donc un peu distordu.

    Nous savons que la partie américaine est très acharnée dans le dossier du bois d'oeuvre. Il y a un lobby très puissant à Washington. Nous pouvons prévoir, sans pouvoir le confirmer avec certitude, que la contestation extraordinaire sera favorable au Canada. Comme vous le savez, il y a toujours un élément d'incertitude dans des recours juridiques, il y a toujours un risque. Notamment, l'allégation de conflit d'intérêts d'un des panélistes américains—que M. Grenier a mentionnée—nous paraît quand même un défi assez considérable. La partie canadienne et le gouvernement du Canada se sont dotés de la meilleure équipe juridique qui soit. Nous félicitons le gouvernement du Canada dans sa démarche.

+-

    M. Pierre Paquette: Qu'en est-il pour la contestation constitutionnelle?

+-

    M. Marc Boutin: En ce qui concerne la contestation constitutionnelle, le gouvernement du Canada et l'industrie ont collaboré et se sont munis d'une équipe juridique incontournable.

    Les mesures que prend le gouvernement sont vues d'un oeil très favorable. En ce qui a trait à la contestation constitutionnelle, c'est certes une menace de dernier recours. On ressent, dans les démarches américaines, un peu de désespoir. Nonobstant la situation, cela demeure une question très critique pour le Canada, puisqu'on remet en question la viabilité même du chapitre 19, voire de l'entente de l'ALENA, dans le cas d'une contestation constitutionnelle. Autrement dit, la validité de l'Accord de libre-échange canado-américain est remise en question.

    Le recours juridique lui-même est-il un acquis pour les Américains? Non. Il faut une comparution soit devant la Court of International Trade, soit devant la United States Court of Appeals for the Federal Circuit à Washington (DC), une instance supérieure de la juridiction américaine.

    En dernier recours, et si nous avons gain de cause, l'affaire sera probablement portée devant la Cour Suprême des États-Unis, où le processus est d'une durée minimale de deux ans. Il s'agit, pour la partie américaine, de tirer au maximum sur l'élastique pour faire subir à l'industrie canadienne, par attrition, une sorte de périple économique. En effet, il y a des frais juridiques et des taxes à payer à la frontière. Il y a donc une double pénalité.

    C'est un peu une façon d'étrangler tranquillement l'industrie canadienne. La contestation constitutionnelle, bien qu'elle ait peu de chances d'aboutir, tire une fois de plus sur l'élastique. C'est une menace juridique, mais c'est aussi une menace actuelle qui met en danger l'industrie canadienne.

À  +-(1025)  

+-

    M. Georges Courteau: Dans ce contexte, j'ajouterai que les industries au Canada, du moins au Québec, n'ont pas nécessairement la capacité de payer les taxes tout en continuant à investir pour rester concurrentielles. Cette situation a un effet négatif sur la viabilité même de l'industrie.

    Lorsqu'on parle de contestation constitutionnelle, il faut voir l'impact sur toute l'industrie canadienne, non seulement sur l'industrie du bois d'oeuvre mais aussi sur l'industrie toute entière, parce que cela mettrait en péril un des secteurs les plus importants pour notre plus grand partenaire commercial, les États-Unis.

    C'est dans cet esprit que nous réitérons notre demande de soutien à l'industrie. Il s'agit d'un test fondamental pour l'économie du Canada dans son ensemble.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Grenier, allez-y.

[Français]

+-

    M. Carl Grenier: Monsieur le Président, concernant la question de la contestation constitutionnelle, mes deux collègues ont déjà mentionné que le véritable but de la partie américaine est de faire traîner les procédures pour nous affamer et nous amener à accepter un règlement négocié qui serait à notre désavantage.

    Cependant, il est intéressant de noter que, dans le cas d'une contestation constitutionnelle—il y en avait déjà eu une dans les années 1990—les autorités américaines doivent s'opposer à cette contestation constitutionnelle, sous peine d'accepter le fait d'avoir agi anticonstitutionnellement pendant 15 ans. Contraints de nier cette intention, ils seraient obligés de s'opposer à leur propre industrie, ce qu'ils veulent absolument éviter. C'est donc pour cette raison qu'ils seraient prêts à un règlement négocié.

    On voit donc que les chances qu'ils aient gain de cause dans le cadre d'une telle contestation sont très minces. Le seul risque est l'allongement des procédures et une démarche parallèle à la contestation constitutionnelle, qui consisterait à demander aux cours de suspendre l'application du jugement en contestation extraordinaire qui, lui, est censé être rendu vers le mois de mars 2005.

+-

    M. Pierre Paquette: Me reste-t-il un peu de temps, monsieur le président? Une minute.

    Monsieur Courteau, j'aimerais que vous reveniez sur le type d'aide que vous attendez du gouvernement fédéral. Il y a eu une première phase en avril 2003. J'ai la liste des projets qui ont été appuyés dans la région de Laurentides-Lanaudière. J'en suis tombé de ma chaise.

    Je vous en lis deux ou trois:

Démarrage d'une ferme écologique aquaponique produisant des truites et de la laitue.

Construction d'une soufflerie verticale à pression positive pour les personnes désirant vivre la sensation de chute libre.

Démarrage d'une buanderie commerciale.

    J'en ai 26 du même genre, et pratiquement rien concernant le bois d'oeuvre. J'aimerais savoir exactement ce que vous attendez de nous. Vous avez parlé des frais juridiques. Existe-t-il d'autres moyens pour soutenir les entreprises? De notre côté, il y a la réforme de l'assurance-emploi pour aider les personnes qui perdent leur emploi pendant le conflit. En fait, j'aimerais que vous soyez assez clairs sur ce que vous attendez du gouvernement fédéral.

À  +-(1030)  

+-

    M. Marc Boutin: Nous prendrons le temps chacun notre tour, mes collègues et moi, de vous expliquer ce qu'a vécu et ce que vit l'industrie forestière. D'abord, nous estimons que nos dépenses annuelles se situent autour de 100 millions de dollars en frais juridiques, sans parler des frais administratifs et comptables pour gérer des dossiers de dumping pour des compagnies individuelles, des dossiers de révisions administratives pour certaines entreprises qui ont reçu des traitements individuels, des demandes de révisions administratives de certaines entreprises et certaines provinces pour lesquelles nous avons fait des démarches. C'est un fardeau financier considérable.

    M. Courteau a mentionné le fait que, depuis trois ans, la dépréciation dans l'industrie forestière canadienne est de loin supérieure à l'investissement. Nos usines ne sont pas renouvelées sur le plan technologique. Nous perdons chaque jour un peu plus de compétitivité par manque d'investissements.

    Les programmes gouvernementaux mis en place en 2002 et 2003 sont louables et visent certains aspects du problème, notamment l'emploi. Ces programmes sont, de manière générale, un peu aléatoires. Vous avez mentionné des buanderies, des projets dans d'autres industries. Il ne faut pas perdre de vue que l'industrie forestière au Canada représente à peu près 10 p. 100 de la main-d'oeuvre au Canada. C'est donc une industrie vitale pour l'économie canadienne. Jusqu'en 2003, l'industrie forestière a été le plus grand contribuable dans la balance des paiements du Canada. Vous avez entendu les chiffres du Québec. C'est un élément vital pour notre région et pour le Canada.

    En général, l'aide a été accordée d'une manière très indirecte: aide aux région, aide pour atténuer les effets sur l'emploi. Au Québec, nous avons perdu 10 000 emplois. En Colombie-Britannique, la perte d'emplois est d'environ 20 000. On parle d'équivalent année-personne, donc de vrais emplois.

    Une aide ponctuelle a été accordée aux associations en 2002. Elle est arrivée en 2003, mais c'était pour l'année 2002. C'était un montant de 15 millions de dollars qui a atténué le poids des frais juridiques des associations. Cette somme a d'ailleurs été considérée par la partie américaine comme étant une subvention. Cependant, cela représente une part infime des affirmations gonflées invoquées par la partie américaine. L'aide a été utile. Elle est essentielle puisque nous entrons dans la phase finale du volet juridique, qui sera la plus intense dans le conflit du bois d'oeuvre. Comme le disait mon collègue M. Grenier, nous sommes dans la phase critique. L'aide gouvernementale est attendue et sera grandement appréciée par les associations.

[Traduction]

+-

    Le président: Vous pouvez aborder rapidement deux points afin que nous puissions passer au prochain...

[Français]

+-

    M. Georges Courteau: Un élément important dans toute la dynamique est la question du dollar canadien, dont la valeur a augmenté de 30 p. 100. Les sommes payées depuis le début du conflit subiront une perte de valeur lorsqu'elles reviendront, ce qui aura un impact assez significatif.

    L'autre question est celle de l'embauche d'experts à l'appui de notre dossier. Toute l'équipe est mobilisée pour défendre un bon dossier. Ce sont donc des coûts additionnels qui font partie des 100 millions de dollars dont M. Boutin a parlé.

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Carl.

[Français]

+-

    M. Carl Grenier: Je serai bref, monsieur le président.

    Concernant la question de l'aide aux associations, j'adhère complètement aux propos de mes collègues. C'est très important pour nous d'avoir l'aide, qui nous avait d'ailleurs été promise après le premier paiement de 2002.

    Quant à l'aide plus générale en faveur des communautés et des travailleurs, une troisième enveloppe devait être accordée pour aider les entreprises. Or, cette aide n'a jamais été annoncée officiellement par le gouvernement, bien qu'on en fasse toujours mention sur le site web du ministère.

    Nous avions proposé au gouvernement fédéral, avec le soutien d'autres associations, l'idée d'une garantie de prêts, pour garantir justement les sommes versées, c'est-à-dire les 27 p. 100 qui sont perçus chaque fois qu'une bille de bois passe la frontière. Nous avions fait une proposition assez détaillée et il nous semblait que le gouvernement fédéral courait très peu de risques en procédant de cette façon. Nous n'avons jamais eu de réponse à cette demande.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    C'est au tour de Mme Jennings.

[Français]

+-

    L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup pour vos présentations.

    J'aimerais revenir sur deux points. Le premier concerne la question de l'amendement Byrd et sa révocation par le Congrès.

    Comme vous l'avez mentionné, le Congrès devait révoquer cet amendement au plus tard en décembre 2003. Nous sommes maintenant en décembre 2004, et cette révocation n'a toujours pas eu lieu.

    On nous dit toujours que cela relève de Washington. Mais les compagnies qui font ces recours contre votre secteur et qui réussissent à influencer un sénateur pour que cet amendement soit adopté et mis en vigueur par le Congrès sont situées non pas à Washington, mais dans des États, et plus particulièrement dans les villes de ces États. Il est vrai que les lobbies sont puissants à Washington, mais les compagnies elles-mêmes sont situées physiquement dans des États, et peut-être que ces États dépendent du Canada pour d'autres produits.

    À votre avis, notre gouvernement, dans l'élaboration de sa stratégie pour régler une fois pour toutes, si cela est possible, le différend du bois d'oeuvre, et surtout la question de l'amendement Byrd, a-t-il pris en considération ou a-t-il élaboré une stratégie pour se rendre sur le lieu même de ces compagnies et tenter d'influencer les acteurs au niveau local et au niveau des États, afin que ces derniers fassent pression?

    Lorsque nous, les Canadiens, allons à Washington, nous sommes perçus comme des étrangers, alors que les sénateurs et les représentants répondent d'eux-mêmes auprès des électeurs et des partisans de leurs États, de leurs districts, etc.

    À votre connaissance, le gouvernement canadien a-t-il une stratégie qui soit élaborée et fondée sur cette idée?

[Traduction]

    Il faut mener la lutte sur le terrain de ces entreprises et inciter les gens à faire des pressions, comme les maires dont les municipalités pourraient dépendre d'autres exportations canadiennes, ou le gouverneur de l'État dont les politiques peuvent être influencées par les exportations du Canada, peut-être pas celles du bois d'oeuvre résineux mais d'autres produits et services. Tous ces gens peuvent faire des pressions politiques sur les représentants et les sénateurs américains. Avez-vous déjà vu une telle politique ou stratégie mise en oeuvre et croyez-vous que s'il y en avait une, ça pourrait aider la situation, si ce n'est pas à court terme, du moins à moyen ou à long terme pour changer les choses et avoir une réelle influence sur la façon dont les entreprises américaines utilisent l'ALENA pour frapper sur les entreprises canadiennes?

À  +-(1040)  

+-

    M. Marc Boutin: J'aimerais répondre à la question en deux parties. D'abord, en ce qui a trait à l'amendement Byrd, sa signification et la possibilité d'avoir des alliés au sud de la frontière, mon collègue, M. Grenier, a joué un rôle instrumental dans la création d'un groupe intitulé American Consumers for Affordable Housing, qui représente la grande majorité des consommateurs et qui appuie certainement la position du Canada pour faciliter le libre échange de produits de bois d'oeuvre du Canada.

    Cela dit, il ne fait aucun doute qu'il y a un lobby très puissant à Washington de la part des producteurs de bois d'oeuvre américains.

    Quand on regarde la liste des bénéficiaires, nos estimations révèlent qu'ils représentent environ 51 p. 100 de l'industrie aux États-Unis. On se pose évidemment des questions sur les autres producteurs américains qui constituent 49 p. 100 de l'industrie du bois d'oeuvre quant à savoir si ces déboursements sont, premièrement, équitables, et deuxièmement, si c'est quelque chose qu'ils veulent en place vu que leurs concurrents au bout de la rue ou dans un autre État pourraient s'enrichir grandement grâce à ces sommes perçues. On se pose de sérieuses questions.

    Si l'on tient compte de tout cela, on constate que le Canada doit faire un effort concerté, pas seulement à Washington, mais aussi dans différents États. Par exemple, le Québec importe environ 10 p. 100 de son approvisionnement en fibres des États-Unis. Nous sommes donc un élément critique des économies de la Nouvelle-Angleterre, particulièrement du Maine, du New Hampshire, du Vermont et du nord-ouest de l'État de New York, qui sont des acheteurs de bois rond et de bois d'oeuvre. S'ils ne peuvent pas faire appel à nous, ils ne pourront pas se procurer de bois d'oeuvre, et les propriétaires de terrains dans ces États en souffriront.

    De toute évidence, nous avons des intérêts en commun. À mon avis, il n'y a jamais vraiment eu d'efforts canadiens concertés. En ce début de nouveau siècle, nous devrons mettre de plus en plus d'énergie et de temps—c'est-à-dire au moyen d'efforts concertés et d'une représentation canadienne efficace aux États-Unis—pour non seulement exercer nos droits mais aussi faire avancer la position des producteurs de bois d'oeuvre.

[Français]

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Monsieur Grenier.

+-

    M. Carl Grenier: Merci, monsieur le président.

    Les personnes qui peuvent répondre à votre question sont celles qui, au ministère du Commerce international, ont élaboré la liste de consultations que nous avons entre les mains, et qui comporte plusieurs centaines de produits. Je pense d'ailleurs que ce ne serait pas une bonne idée qu'ils dévoilent leur politique.

    Cependant, à ma connaissance, la dernière fois que le Canada a pris une mesure semblable, c'était il y a 20 ans, au milieu des années 1980, lors d'un autre différend avec les États-Unis à propos des bardeaux de cèdre qui représentait une petite valeur de 35 millions de dollars. À l'époque, on s'était suffisamment fâché pour exercer des représailles. Ce n'est donc pas quelque chose que le Canada fait très souvent. Par conséquent, nous manquons d'expérience en la matière pour éventuellement agir de la même manière dans un dossier aussi important que celui du bois d'oeuvre.

    Mon collègue M. Boutin faisait allusion à nos alliés américains, regroupés en 17 organisations, qui s'opposent aux restrictions imposées à nos exportations de bois d'oeuvre. Ces efforts ont débuté il y a cinq ans, alors que la coalition, c'est-à-dire nos adversaires, existe depuis une vingtaine d'années.

    Il est vrai que les gouvernements ont en général plus de sympathie pour les producteurs que pour les consommateurs. Cependant, il faut souligner que, malgré des efforts et des moyens financiers plus limités, on a réussi, avec ces alliés, à faire en sorte que 150 membres du Congrès aux États-Unis s'engagent par écrit pour s'opposer à la mise en place de ces restrictions. C'est important, c'est un premier pas. Il faut continuer, il faut élargir.

    Quant aux représailles, il faut effectivement s'inspirer de pays qui ont une plus longue tradition à ce sujet. Je pense notamment à l'Union européenne, qui a utilisé de telles représailles avec beaucoup de succès ces dernières années.

À  +-(1045)  

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Je développerai maintenant le deuxième point de ma question, que je n'ai pas encore abordé. Il s'agit de la question de l'aide du gouvernement fédéral.

    Premièrement, vous avez parlé de l'aide de 15 millions de dollars qui a été accordée en 2002 aux associations pour payer une petite partie des coûts juridiques, mais qui a été reçue en 2003. Comme vous n'avez pas reçu d'autre aide de cette nature depuis, vous aimeriez avoir une nouvelle aide financière pour payer une fois encore les coûts juridiques.

    Deuxièmement, vous avez parlé d'un troisième volet que le gouvernement avait annoncé et qui est toujours mentionné sur son site web d'aide aux entreprises, mais qui n'a jamais été mis en place. Vous avez ajouté que les associations de compagnies de bois d'oeuvre avaient proposé que le gouvernement fédéral fournisse une garantie de prêt pour les duties. Or, rien ne s'est passé à cet effet.

    Souhaitez-vous que, dans son rapport, le sous-comité recommande au gouvernement de mettre en place le troisième volet de son programme d'aide, celui destiné aux entreprises, et de répondre favorablement à la proposition des associations à l'effet que cette aide soit fournie sous forme d'une garantie de prêt?

+-

    M. Carl Grenier: C'est un projet qui émanait à l'époque du Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, et qui avait reçu l'appui d'autres associations. Je mentionne, pour compléter l'information, que le projet n'était pas appuyé par tout le monde à l'époque, mais qu'une bonne partie de l'industrie l'appuyait.

    Cette proposition n'a pas été retenue, en tout cas jusqu'à maintenant, par le gouvernement. On peut penser que les prix élevés du bois d'oeuvre au cours de la dernière année ont probablement contribué à la capacité de l'industrie de se maintenir la tête hors de l'eau, bien qu'il n'y ait pas eu non plus de profits faramineux. Dans certaines régions, il n'y en a même pas eu du tout.

    Quant au facteur que M. Courteau mentionnait tout à l'heure, c'est-à-dire l'appréciation du dollar canadien, qui est plutôt une dépréciation du dollar américain dont on ne voit pas la fin, cela touche directement la situation concurrentielle des entreprises et leurs profits. Il n'y a aucun doute là-dessus.

    On s'attend—et c'est un processus qui est déjà enclenché—à ce que la situation financière des entreprises se détériore rapidement. Sans une intervention d'une certaine nature de la part du gouvernement, je pense que vous allez pouvoir observer très rapidement des situations de détresse dans plusieurs régions du Canada.

    Pour répondre au nom de mon organisation, je dirais oui, absolument, on aimerait que cela se reflète dans votre rapport.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Merci.

+-

    M. Marc Boutin: J'ajouterais qu'il est important de mettre à part le programme d'aide aux associations qui a été réalisé en 2002. Plus exactement, il l'a été en 2003, mais pour les dépenses de 2002. Il devait d'ailleurs être reconduit en 2003, mais cela ne s'est pas fait, et l'année 2004 est déjà bien entamée.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: J'en prends bonne note, monsieur Boutin.

[Traduction]

+-

    Le président: Un autre comité siégera ici à 11 heures. La dernière intervention sera celle de M. Julian. Soyons brefs pour lui donner l'occasion de poser sa question.

[Français]

+-

    M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci beaucoup.

    Les présentations ont été très intéressantes, mais ce sont aussi des douches froides, parce qu'il est clair qu'on n'est malheureusement pas sorti du bois.

    Je voulais revenir sur les commentaires de M. Boutin à propos du temps que cela pourrait prendre s'il y a une contestation juridique constitutionnelle aux États-Unis. Il s'agit probablement d'un délai supplémentaire de deux ou trois ans, si je comprends bien.

+-

    M. Marc Boutin: Ma réponse dépend de plusieurs conditions: si nous gagnons la contestation extraordinaire, nos recours seront amplifiés une fois de plus. Par contre, il faudra continuer le combat pour le remboursement des dépôts. D'après les informations que nous avons reçues jusqu'à maintenant et les communiqués du département du Commerce américain, rien n'indique, dans l'entente de libre-échange, que les remboursements doivent être faits rétroactivement, ce qui veut dire qu'une décision de l'ALENA sur cette question relève de la pure hypothèse.

    C'est un nouveau dogme du DOC, mais c'est une menace. Il faudra certainement réclamer, probablement auprès des instances juridiques américaines, le remboursement des dépôts. Cela nous emmène jusqu'en 2007 au plus tôt, à condition que nous ayons gain de cause en contestation extraordinaire.

    Si nous perdons—c'est un risque, il y a toujours une part d'incertitude dans un débat juridique—les seuls recours qui nous restent sont les recours en révision administrative, ce qui irait au moins jusqu'en 2007. Ce serait alors un réexamen, a sunset review, qui pourrait être en notre faveur, mais qui pourrait ne pas l'être aussi. Il faudra aussi se battre pour obtenir le remboursement des dépôts.

À  +-(1050)  

+-

    M. Peter Julian: Jusqu'en 2007...

+-

    M. Marc Boutin: Par conséquent, 2007 est la date la plus proche que l'on peut entrevoir.

    Il y aura de nouveaux taux de dépôt la semaine prochaine. Seront-ils identiques, plus élevés ou moins élevés? Il y a encore de l'incertitude. Ils seront probablement moins élevés.

[Traduction]

    Mais une chose est sûre, ils ne seront pas nuls. En raison de l'appréciation du dollar, l'industrie canadienne accusera un passif éventuel puisque nos dépôts valent maintenant 30 p. 100 de moins qu'en 2002. L'incertitude est une grosse partie du problème. Non seulement nous n'investissons pas, mais nous devons débourser de l'argent.

[Français]

+-

    M. Peter Julian: Merci. Vous avez parlé de 100 millions de dollars par année en frais juridiques.

+-

    M. Marc Boutin: À peu près 100 millions de dollars, si on prend...

+-

    M. Peter Julian: Pour l'ensemble de l'industrie.

+-

    M. Marc Boutin: Les compagnies qui ont des conseillers juridiques individuels et celles qui font l'objet d'enquêtes obligatoires de dumping n'ont pas le choix, elles doivent avoir des comptables, des ressources administratives et juridiques. Il en est de même des associations provinciales et d'autres regroupements. Par exemple, les Maritimes, qui ne sont pas dans l'association canadienne, déboursent des frais considérables. Par conséquent, tout le monde is on the hook...

+-

    M. Peter Julian: D'accord. Si on part du début de la crise il y a 33 mois jusqu'en 2007, à combien s'élèvera le coût total des frais juridiques?

À  +-(1055)  

+-

    M. Marc Boutin: Il en coûtera au minimum de 300 millions de dollars, probablement davantage.

[Traduction]

+-

    M. Peter Julian: Merci.

    Les trois exposés ont été très intéressants. Vous avez utilisé un langage très fort. Je viens de la Colombie-Britannique et j'ai vu l'impact de la crise du bois d'oeuvre résineux dans ma province, c'est-à-dire la perte de 20 000 emplois. Les habitants de ma province comprendraient certainement les mots que vous avez utilisés. Vous avez parlé d'une politique de la terre brûlée et de l'intention de briser l'industrie canadienne et de la décimer par attrition. Nous savons qu'ils trichent.

    Baker & Hostetler, une firme internationale spécialisée en droit commercial à Washington, a produit un rapport sur toute la question entourant le bois d'oeuvre résineux. Je vais vous donner la teneur d'un extrait du rapport:

Le Canada doit non seulement se préparer à ne pas obtenir beaucoup de succès dans le cadre d'examens futurs du groupe binational, mais il doit aussi s'attendre à ce que ces examens soient aussi lents et coûteux que le processus d'appel devant les tribunaux américains, sans être plus équitables, puisque les panélistes américains ne seront pas nécessairement des spécialistes en droit commercial, qu'ils seront protégés contre tout droit d'appel et qui auront été choisis minutieusement pour défendre les intérêts américains. On peut prétendre que les intérêts privés du Canada pris au piège par les conflits avec les États-Unis entourant les droits antidumping et les subventions s'en tireront mieux devant les tribunaux américains qu'auprès de groupes binationaux.

    Maintenant, nous savons que les négociations tournent autour de l'ALE et de l'ALENA. Nous avons tenté d'établir un mécanisme de règlement des différends qui était sensé. Il ne fait aucun doute que l'administration américaine ne joue pas selon les mêmes règles.

    Dans le cadre de ces négociations, les États-Unis voulaient avoir accès à l'exportation de notre énergie. Nous savons que nous sommes le plus grand fournisseur aux États-Unis et que les exportations énergétiques peuvent aller dans d'autres pays aussi. Ce que nous avons fait essentiellement, c'est de livrer à l'autre partie notre atout pour toutes les négociations. Maintenant, nous revenons pratiquement quémander la possibilité de renégocier ce que nous avions déjà négocié, soit un mécanisme de règlement des différends sensé.

    J'ai entendu vos exposés, qui étaient très efficaces. Dans un sens, ce qui m'a surpris c'est que vous demandez de l'aide—ce qui est très important du point de vue du Parlement—pour couvrir des frais juridiques incroyables. Vous semblez toutefois indiquer que ce sera pour la même chose, c'est-à-dire pour continuer un processus qui, de l'avis de tous, n'est pas respecté par les États-Unis puisqu'ils ne jouent pas selon les mêmes règles et ne se conforment pas au processus que nous avons négocié.

    J'ai deux questions pour vous trois. Premièrement, qu'est-ce qui nous dit que l'industrie américaine, une fois que nous aurons terminé ce processus en 2007, n'intentera pas une autre contestation quelque peu modifiée pour revenir essentiellement à la case départ, ce qui coûterait très cher à l'industrie?

    Deuxièmement, quel autre pays laisserait aller toutes ses cartes dans le cadre d'un processus de négociation—je parle de ce que recherchaient les Américains, c'est-à-dire l'accès à nos exportations énergétiques—puis essaierait, dépourvu de ses atouts, de négocier une solution à un différend aussi important que celui-ci?

+-

    M. Carl Grenier: Je peux commencer à répondre à vos deux questions.

    En ce qui a trait à la possibilité d'une autre contestation de l'industrie américaine, rien ne l'empêche de déclencher un autre processus en 2007 ou lorsque le processus actuel aura pris fin—je pense que ce sera fini un peu avant 2007, mais c'est discutable—et qui viserait la négociation d'un cinquième accord. Le régime de règlement des différends de l'ALENA ou de l'OMC ne renferme aucune disposition contre le harcèlement. La seule chose qui empêche les industries de le faire, c'est habituellement les profits qu'elles ont réalisés.

    Par exemple, supposons que le processus se termine en mars—ça ne sera pas le cas, mais supposons que ça l'est. L'industrie américaine ne pourrait probablement pas contester tout de suite car l'année antérieure est celle de la période d'enquête, pendant laquelle elle s'en est très bien sortie. Elle n'arriverait même pas à convaincre ses propres organismes d'accepter sa pétition.

    Viendra toutefois un moment, en raison de la fluctuation des prix que connaît actuellement notre industrie, où l'industrie américaine trouvera sûrement des raisons de le faire. D'une certaine manière, elle peut revenir en arrière, ce qu'elle a déjà fait dans le passé. Nous en sommes au quatrième accord, comme vous le savez; ce dossier nous occupe depuis 22 ans.

    Si nous manquons de persistance et n'insistons pas pour que les États-Unis respectent leurs engagements, tout ce système pourrait perdre en bout de ligne sa pertinence et son importance. Voilà ce qui explique le ton de ma déclaration et aussi pourquoi le rapport de Baker & Hostetler, déposé aujourd'hui, renferme le type d'argument que vous avez vous-même cité.

    En ce qui a trait à votre deuxième question sur la perte des avantages de négociation, laissez-moi d'abord vous dire que j'ai participé aux négociations de l'ALE au milieu des années 1980. Je travaillais alors pour le gouvernement du Québec.

    En effet, chaque pays avait ses propres intérêts et objectifs tout au long des négociations. Vous avez mentionné l'accès aux ressources énergétiques du Canada, et c'était effectivement le cas. Toutefois, la plupart des questions avaient été réglées bien avant le début des négociations lorsque le gouvernement canadien de l'époque a décidé de se défaire de l'Agence d'examen de l'investissement étranger.

    C'était une décision politique qui était alors populaire. Les engagements pris par le Canada dans le cadre de l'ALE sur l'énergie et d'autres sujets étaient conformes à la réglementation internationale de l'époque, réglementation qui existe encore.

    Je ne sais pas si j'ai répondu pleinement à votre question.

+-

    M. Georges Courteau: J'aimerais ajouter quelque chose.

    Je partage l'opinion de M. Grenier quand il dit que rien n'empêcherait les États-Unis de contester une décision et de relancer le processus de négociation en vue d'un cinquième accord. Toutefois, il ne fait aucun doute que nous devons continuer de faire pression pour exiger la révocation de l'amendement Byrd, car autrement, comme nous l'avons toujours dit, ça ne va que les encourager à nous soutirer plus d'argent pour financer leur propre industrie. Ce processus est coûteux aussi pour eux.

    Nous devons toutefois nous assurer que le gouvernement appuie son industrie et qu'il ne l'abandonnera pas. Il doit aller jusqu'au bout s'il veut montrer aux États-Unis que c'est important et qu'il est dans la lutte jusqu'à la fin.

+-

    M. Marc Boutin: J'ajouterais très brièvement que le Canada a profité largement de l'ALENA. Il continue de le faire puisque 96 p. 100 des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ne font l'objet d'aucun conflit. Le différend sur le bois d'oeuvre est vraiment un cas particulier. Nous devons le régler en raison des répercussions possibles. On ne peut pas nous traiter plus mal avec l'ALENA que sans lui. Les accords commerciaux régionaux sont une réalité de la vie. On les voit en Asie et partout dans le monde.

    Mon deuxième point porte sur les autres modèles à suivre. De toute évidence, il n'y a aucun exemple équivalent. Notre commerce est grandement lié aux États-Unis. D'ailleurs, 85 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec ce pays. Aucun autre pays n'est dans cette situation, à l'exception peut-être du Japon, mais encore là, à moindre échelle.

    Notre situation est unique comme l'est la question du bois d'oeuvre. J'aimerais signaler aux membres du comité que les répercussions sur les autres exportateurs canadiens sont très, très graves. Je vous laisse donc sur ces mots.

Á  -(1100)  

+-

    Le président: Merci.

    Mr. Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Non, ce n'est pas une question.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Menzies.

    M. Menzies posera la dernière question. Je veux être juste envers lui puisqu'il figure sur la liste.

    Ted.

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): J'ai une question très brève.

+-

    Le président: Et nous avons besoin d'une réponse très rapide car il y a l'autre...

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Monsieur le président, ce n'est pas une question, c'est une demande, bien que j'aie beaucoup de questions.

[Traduction]

+-

    Le président: C'est une demande. Veuillez faire votre demande.

+-

    M. Ted Menzies: Puisque le temps presse, je vous laisse faire votre demande.

+-

    Le président: Monsieur Paquette, quelle est votre demande?

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Je ne sais pas si les autres personnes avaient leur présentation. Je sais qu'on ne distribue pas de documents qui ne sont que dans une langue. Toutefois, j'aurais aimé que le greffier s'assure de la traduction du document de M. Grenier—et des autres, s'il y en a—pour qu'on puisse avoir l'information, parce que ce que Mme Jennings disait me semble très important. Ce sera crucial pour ce conflit, mais le conflit du porc est en train de se dessiner de la même façon. J'aimerais donc qu'on donne suite à cette requête.

[Traduction]

-

    Le président: Lorsqu'on me l'a mentionné la première fois, j'en ai fait la demande au greffier. Soyez assuré que ce sera fait.

    Je vous remercie, messieurs, non seulement de votre présence mais aussi des excellents commentaires que vous avez faits. Comme vous pouvez le constater, nous pourrions continuer pendant encore une heure. Je suis certain que vos commentaires constructifs nous aideront à travailler avec nos collègues et tous les députés de la Chambre pour trouver le plus tôt possible une solution à ce problème très important.

    Merci à tous d'être venus. Nous l'apprécions.

    La séance est levée.