SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 30 novembre 2004
¹ | 1530 |
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)) |
M. Harvey Penner (président, Institut canadien des textiles) |
Le président |
M. Harvey Penner |
Le président |
M. Harvey Penner |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Elliot Lifson (président, Fédération canadienne du vêtement) |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Elliot Lifson |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
M. Harvey Penner |
M. Ted Menzies |
M. Harvey Penner |
º | 1600 |
Le président |
M. Harvey Penner |
M. Ted Menzies |
M. Harvey Penner |
M. Ted Menzies |
M. Harvey Penner |
Le président |
M. Bob Kirke (directeur général, Fédération canadienne du vêtement) |
º | 1605 |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
º | 1610 |
Mme Emmy Verdun (directrice, Division de la politique commerciale internationale, ministère des Finances) |
M. Pierre Paquette |
Mme Emmy Verdun |
M. Pierre Paquette |
Mme Emmy Verdun |
M. Pierre Paquette |
Mme Emmy Verdun |
M. Pierre Paquette |
Mme Emmy Verdun |
M. Pierre Paquette |
M. Elliot Lifson |
M. Pierre Paquette |
M. Elliot Lifson |
º | 1615 |
M. Pierre Paquette |
M. Richard Wagner (conseiller juridique, Ogilvy & Renault, Avocats- Procureurs, Fédération canadienne du vêtement) |
M. Pierre Paquette |
Mme Lucie Brassard (directrice, Affaires gouvernementales, Consoltex Inc., Institut canadien des textiles) |
M. Pierre Paquette |
Mme Lucie Brassard |
Le président |
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD) |
º | 1620 |
M. Elliot Lifson |
M. Peter Julian |
M. Elliot Lifson |
M. Peter Julian |
M. Elliot Lifson |
M. Peter Julian |
M. Elliot Lifson |
º | 1625 |
M. Peter Julian |
Le président |
M. Elliot Lifson |
Le président |
M. Elliot Lifson |
Mme Lucie Brassard |
M. Bob Kirke |
M. Elliot Lifson |
M. Harvey Penner |
M. Elliot Lifson |
M. Harvey Penner |
Mme Elizabeth Siwicki (présidente, Institut canadien des textiles) |
M. Harvey Penner |
M. Elliot Lifson |
º | 1630 |
Le président |
M. Harvey Penner |
Le président |
M. Harvey Penner |
Le président |
M. Harvey Penner |
Le président |
M. Harvey Penner |
º | 1635 |
Mme Lucie Brassard |
M. Harvey Penner |
Mme Lucie Brassard |
Mme Elizabeth Siwicki |
Le président |
M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ) |
M. Richard Wagner |
M. Paul Crête |
º | 1640 |
M. Richard Wagner |
M. Paul Crête |
M. Richard Wagner |
Mme Lucie Brassard |
M. Richard Wagner |
M. Paul Crête |
M. Richard Wagner |
M. Paul Crête |
Mme Emmy Verdun |
M. Paul Crête |
Mme Emmy Verdun |
M. Paul Crête |
Mme Emmy Verdun |
M. Paul Crête |
º | 1645 |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Elliot Lifson |
M. Paul Crête |
M. Harvey Penner |
M. Paul Crête |
Mme Lucie Brassard |
M. Paul Crête |
Mme Lucie Brassard |
M. Paul Crête |
Mme Lucie Brassard |
M. Paul Crête |
Mme Lucie Brassard |
Le président |
Mme Emmy Verdun |
Le président |
M. Harvey Penner |
º | 1650 |
Mme Emmy Verdun |
M. Harvey Penner |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Ted Menzies |
M. Elliot Lifson |
M. Ted Menzies |
M. Elliot Lifson |
º | 1655 |
Le président |
M. Elliot Lifson |
Le président |
M. Elliot Lifson |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Elliot Lifson |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Harvey Penner |
» | 1700 |
Mme Emmy Verdun |
Le président |
M. Elliot Lifson |
Le président |
M. Elliot Lifson |
Le président |
M. Elliot Lifson |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 novembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): La séance est ouverte.
Nous sommes tous pressés. Je vais tout d'abord vous présenter les témoins. Il y a eu un petit changement. L'Institut canadien des textiles parlera en premier, si je comprends bien. Selon l'ordre du jour, la Fédération canadienne du vêtement devait y aller en premier, mais nous ne faisons qu'inverser l'ordre.
Je vais donc suivre la liste et vous présenter nos témoins.
Tout d'abord, merci à tous d'être venus.
De la Fédération canadienne du vêtement, nous avons Elliot Lifson, président; Bob Kirke, directeur général; et Richard Wagner, directeur du contentieux.
De l'Institut canadien des textiles, nous avons Harvey Penner, président du conseil d'administration; Elizabeth Siwicki, présidente directrice générale; et Lucie Brassard, directrice des affaires gouvernementales.
De Commerce international Canada, nous avons Suzanne McKellips, directrice générale, Contrôles à l'exportation et à l'importation et Louis Gionet, directeur adjoint, section des textiles et du vêtement.
Du ministère des Finances, nous avons Emmy Verdun, directrice de la Division de la politique commerciale internationale.
Je crois savoir que vous n'êtes ici que pour répondre aux questions et que vous n'avez pas d'exposé à faire.
Nous avons aussi Iain Stewart d'Industrie Canada.
Bienvenue à tous.
Je vais demander à l'Institut canadien des textiles si son exposé sera fait par une seule personne.
M. Harvey Penner (président, Institut canadien des textiles): Oui.
Le président: D'accord, et ce sera Elizabeth.
M. Harvey Penner: Non, c'est moi qui vais parler.
Le président: Bon, très bien.
Nous allons donc commencer par un exposé de 10 minutes, si cela vous va.
M. Harvey Penner: Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du sous-comité, je m'appelle Harvey Penner, président de l'Institut canadien des textiles et président directeur général de Tricot Richelieu inc.
Je suis accompagné de Lucie Brassard, directrice des Affaires gouvernementales, Consoltex; et d'Elizabeth Siwicki, présidente directrice générale de l'Institut canadien des textiles et présidente du GCSCE pour les textiles, la fourrure et le cuir.
Nous sommes heureux de cette occasion qui nous est offerte de vous parler de notre industrie et des inquiétudes que suscite en nous le monde post-2004. L'industrie textile du Canada est moderne, dynamique, créatrice, entreprenante et novatrice. Elle assure des emplois intéressants et rémunérateurs à près de 50 000 Canadiens et crée indirectement des milliers d'autres emplois dans des localités où cette industrie est le principal ou le seul employeur.
Elle contribue substantiellement à l'économie nationale, et ce secteur est un des premiers pour l'exportation, et ses expéditions à l'étranger comptent pour plus de la moitié des exportations de l'industrie textile qui sont de 6,5 milliards de dollars.
Au cours de la dernière décennie, l'industrie a investi plus de 4 milliards dans ses usines et ses équipements. Elle dispose d'une main-d'oeuvre très spécialisée et motivée, et l'on y trouve des technologies et des processus qui comptent parmi les plus avancés au monde. Il n'y a que cinq autres secteurs manufacturiers au Canada où la R et D dépasse celle qui est pratiquée par les entreprises américaines, comme le confirmait récemment une étude de Statistique Canada.
Donc avec tout cela qui joue pour nous, que nous réserve l'avenir dans le monde post-2004? À mon avis, 2005 est déjà arrivée et l'on en ressent déjà les contre-coups. La Chine active sa production parce qu'elle sait que les quotas vont cesser de s'appliquer à la fin de cette année, et elle a augmenté sa part du marché canadien dans de nombreux secteurs. Les importations textiles de la Chine ont augmenté de près de 10 p. 100 en 2003 par rapport à 2002, et elles ont augmenté encore de 18 p. 100 jusqu'à présent en 2004.
Nos clients des États-Unis et ceux qu'ils desservent dans le secteur du détail ont déjà décidé où ils s'approvisionneraient pour la saison à venir avec la fin du régime en place. C'est un peu plus compliquée aux États-Unis, où l'on a lancé diverses pétitions pour se protéger contre la Chine, ce qui complique quelque peu le placement des commandes, mais le fait est que notre industrie subi déjà les contre-coups d'un monde où les quotas ont disparus.
Au même moment, nous devons nous adapter au nouveau contexte du commerce international. Nous devons relever aussi des défis importants dont quelques-uns sont entièrement de chez-nous. Par exemple, l'an dernier, le gouvernement a mis en oeuvre son initiative TPMD qui assure l'entrée d'importations sans droit et sans quota à 48 pays moins développés. Notre industrie ne s'est pas opposée à ce que le Canada vienne en aide au pays les plus pauvres du monde, mais elle a exprimé de sérieuses réserves sur la mise en oeuvre de cette initiative.
Nos préoccupations, que nous avons fait valoir conjointement avec l'industrie du vêtement, sont restées lettres mortes. Il en a résulté une forte augmentation des importations sous le régime TPMD, et les manufacturiers canadiens ont perdu des ventes et des créneaux. Les importations de vêtements des pays moins développés ont plus que doublé la première année du programme. Leur part du marché du vêtement qui était de 2 p. 100 est passée à 6,1 p. 100 en 2004, dépassant les parts du marché des États-Unis et du Mexique, qui sont de 5,4 et de 3,3 respectivement.
Mais qui profite vraiment de cette initiative? Les règles d'origine qui déterminent quels produits ont droit au traitement préférentiel refusent tout avantage concret aux pays moins développés du fait qu'elles permettent que 75 p. 100 de la valeur des vêtements admissibles au traitement préférentiel proviennent des pays non soumis au régime TPMD. Ce qui relègue les pays moins développés aux activités marginales de valeurs ajoutées, ou ce sont d'autres pays qui ramassent la part du lion. En fait, et cela doit être dit, les plus grands bénéficiaires seront les pays qui ne sont pas soumis au régime TPMD comme la Chine, l'Inde, le Pakistan, le Brésil et d'autres, qui sont des producteurs et des exportateurs établis et chevronnés. Pendant ce temps, les manufacturiers canadiens perdent des clients et n'ont plus la possibilité de vendre leur fil et leur tissu aux pays moins développés pour atténuer certains effets négatifs.
Nous pouvons et nous devons apporter des changements aux règles d'origine si ces initiatives bien intentionnées doivent aider à long terme les plus pauvres d'entre les plus pauvres et si nous voulons éviter que la production et l'emploi au Canada ne subissent d'autres torts. L'érosion de l'ALENA nous préoccupe aussi, avec l'accroissement du bilatéralisme, particulièrement aux États-Unis. L'industrie textile du Canada est une réussite du libre-échange, ou du moins elle l'était jusqu'au jour où le gouvernement américain s'est éloigné de l'un des principes fondateurs de notre partenariat et s'est mis à négocier des accords bilatéraux qui excluent les pays partenaires de l'ALENA.
La loi américaine sur le partenariat commercial avec le bassin antillais, qui assure l'entrée sans droit de douanes et sans quotas pour les vêtements fabriqués dans les Antilles à partir de tissu et de fil américains, a eu un effet dévastateur sur les exportations canadiennes de textiles. Des entreprises qui avaient prospéré grâce à l'accord de libre-échange Canada-États-Unis et plus tard grâce à l'ALENA du fait que leurs exportations américaines avaient augmenté ont fermé leurs portes, se sont placés sous la protection de la Loi sur la faillite ou ont perdu des commandes à cause de cette loi.
¹ (1535)
Les exportations de produits textiles canadiens ont augmenté de 308 p. 100 entre 1989, année de la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, et 2000. Ces exportations ont diminué de 3,1 p. 100 entre 2000, année de la mise en oeuvre de la loi, et 2003, et elles continuent à décliner cette année.
Les États-Unis continuent à suivre la même piste législative dangereuse en concluant des accords semblables avec l'Afrique subsaharienne et les pays andins, et en signant avec l'Amérique centrale un accord de libre-échange qui exclut essentiellement le Canada. Notre industrie a concentré tous ses espoirs sur une mise en oeuvre rapide de l'ALENA, ce qui permettrait le libre-échange sans obstacle partout dans l'hémisphère. Il s'agirait là pour nous du meilleur moyen d'apporter une solution aux inégalités dont nous sommes actuellement victimes par rapport aux concurrents des États-Unis en raison de la montée du bilatéralisme.
Nous sommes extrêmement déçus que l'échéance fixée pour la fin des négociations, le 1er janvier 2005, va être retardée. Nous savons qu'il n'est pas simple de négocier avec 33 autres pays, mais il nous faut plus que le zèle de nos négociateurs pour réaliser des progrès. Il nous faut également une volonté politique résolue, et cela depuis les plus hautes instances, pour parvenir à signer un accord profitable le plus rapidement possible. Chaque jour qui passe sans que le nouvel accord soit signé fait perdre davantage de terrain encore aux entreprises canadiennes du textile.
Le gouvernement pourrait également prendre d'autres mesures pour aider les producteurs canadiens à faire face aux difficultés qui suivront 2004. Le Canada permet déjà l'importation en franchise d'un grand nombre de tissus utilisés pour la confection de vêtements au Canada, ainsi que l'importation en franchise de certains vêtements entièrement confectionnés à l'étranger. Par contre, les vêtements confectionnés à l'étranger à partir de tissus canadiens sont taxés à l'entrée, et nous estimons qu'il s'agit là d'un chaînon manquant dans la politique tarifaire sur les textiles.
Les Américains et les Européens ont des programmes de perfectionnement passif qui privilégient les vêtements confectionnés à l'étranger à partir de textiles produits chez eux, mais ce n'est pas le cas du Canada. Il nous faut nous aussi un régime de perfectionnement passif dans le secteur du textile, et il nous en faut un de toute urgence pour qu'il puisse être profitable.
Il faut également que le gouvernement comprenne que l'élimination des tarifs douaniers frappant les produits textiles qui viennent concurrencer ce que nous faisons au Canada entraînera une perte de chiffres d'affaires et d'emplois dans notre secteur. Mes collègues de Consoltex sont la preuve vivante du tort qu'a causé la politique tarifaire canadienne dans le domaine du textile, et nous craignons beaucoup que le ministre des Finances soit à la veille de porter encore davantage préjudice aux producteurs de textiles.
Nous savons que les réductions tarifaires proposées en février ont pour but d'aider l'industrie du vêtement, mais il n'est jamais bon d'aider un secteur au détriment d'un autre. Nous avons exhorté le ministre à revoir le dossier et à trouver une autre option qui conviendrait aux deux secteurs. Nous sommes plus que disposés à l'aider à trouver cette solution.
Enfin, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, nous craignons beaucoup que le gouvernement croit avoir réglé les problèmes de l'après-2004 pour notre industrie grâce à des programmes comme le PICTV et le programme CANTex, mais rien n'est moins vrai. Ces programmes pourront, certes, aider certaines entreprises, mais ils sont extrêmement limités quant au genre et à la portée de l'aide qu'ils permettent. Le Canada a besoin de politiques industrielles et commerciales adaptées pour que des industries comme la nôtre puissent rester grands investisseurs, de grands employeurs et de grands producteurs de richesse, mais actuellement, ces politiques sont absentes.
Pourquoi créer des programmes pour permettre à notre industrie de gagner en efficience si le gouvernement brade nos marchés aux importateurs, ce qui contraint nos clients à aller s'alimenter à l'étranger et encourage ceux qui restent à travailler à partir de textiles importés en franchise? Pourquoi exporter nos emplois en Afrique, au Bangladesh, en Chine, en Corée, en Inde ou ailleurs si cela revient à devoir payer des prestations de chômage aux travailleurs canadiens? Pourquoi exhorter les fabricants canadiens à dresser des plans pour pénétrer le marché américain alors que l'accès que nous réclamons dans le cadre du libre-échange est entravé par la législation commerciale américaine et que notre gouvernement semble impuissant à y faire quoi que ce soit?
Où donc est le cadre politique qui dit aux fabricants de textiles qu'ils doivent continuer à investir au Canada parce que le gouvernement reconnaît la valeur de cette industrie pour l'économie nationale, pour notre savoir collectif, pour nos travailleurs et pour leurs familles, ainsi que pour nos collectivités? Nous pouvons certes nous adapter à un système de quotas, mais le gouvernement doit alors être notre partenaire et prendre l'initiative pour harmoniser les règles du jeu afin que nous ne soyons pas défavorisés par rapport à nos concurrents.
Notre industrie a fait le nécessaire pour pouvoir exploiter ses points forts, ses réussites passées, ainsi que les potentialités qui s'offrent à nous, mais nous ne réussirons pas si le gouvernement continue à dresser des obstacles sur notre chemin et s'il n'apporte pas des solutions aux contentieux fondamentaux qui nous interpellent en adoptant des politiques sensées.
Je vous remercie.
¹ (1540)
Le président: Je vous remercie.
La parole est maintenant à M. Lifson.
M. Elliot Lifson (président, Fédération canadienne du vêtement): Monsieur le président, je tiens à vous remercier de me donner ainsi l'occasion de comparaître devant le comité afin de faire valoir l'opinion de la Fédération canadienne du vêtement, en ce qui concerne l'élimination des quotas et des importations de vêtements, sachant bien que le 1er janvier 2005 s'en vient très vite.
[Français]
Je ferai ma présentation en anglais, mais je pourrai répondre à toutes vos questions en français.
[Traduction]
Nous vous avons fait remettre un texte, et je vais évoquer plusieurs articles qui en font partie.
Permettez-moi d'abord de me présenter. Je m'appelle Elliot Lifson et je suis le président de la Fédération canadienne du vêtement. Je suis également le vice-président de Peerless Clothing Inc., le plus gros fabricant canadien de vêtements qui a également le plus gros atelier de confection de complets pour hommes du monde entier, un atelier qui est situé à Montréal. Dans cet atelier, nous faisons travailler plus de 3 000 personnes.
À mes côtés se trouve Bob Kirke, le directeur exécutif de la Fédération, ainsi que Richard Wagner, notre conseiller juridique.
En 2002, l'industrie du vêtement faisait travailler plus de 94 000 Canadiens et représentait une masse salariale de 2,3 milliards de dollars. Par ordre d'importance, l'industrie du vêtement occupe le 10e rang au Canada et le 2e au Québec. Votre comité nous invitait aujourd'hui à vous conseiller en ce qui concerne l'élimination des quotas d'importation.
Comme vous le savez sans doute, le Canada est à la veille de boucler la dernière phase de l'élimination des quotas, un processus qui aura duré 10 ans. Par conséquent, la reconduction des tarifs douaniers visant les PMA et le TPG doit s'accompagner d'autres mesures permettant de faire en sorte que l'industrie du vêtement demeure viable et vigoureuse au Canada.
Nous pouvons réussir avec la mode. Il n'y a en fait que trois façons d'être concurrentiels. Il y a d'abord le prix. Nous ne pouvons certes être les meilleurs marchés parmi les producteurs, mais il y a assurément un rapport entre le prix et la valeur, et j'en parlerai un peu plus tard. Il y a également l'innovation, c'est-à-dire la mode. Nous avons assurément à Montréal et Toronto énormément de couturiers de talent. Montréal est, par ordre d'importance, le deuxième secteur manufacturier nord-américain après Los Angeles, et il est plus important que celui de New York. La dernière façon d'être concurrentiel, c'est au niveau du service. Il faut toujours, mais alors toujours, être au service du client. Notre avantage concurrentiel unique, mais il est énorme, c'est que nous sommes proches du marché américain. Ce n'est pas plus compliqué que cela, et c'est ainsi que nous devons rester au service de ce marché.
Je voudrais maintenant prendre quelques instants pour vous faire un peu le survol de notre industrie. Nous sommes là pour deux raisons. La première de ces raisons est économique. Notre secteur donne évidemment de l'emploi à une main-d'oeuvre fraîchement arrivée sur le marché, mais également à du personnel technique et administratif hautement qualifié.
Lorsqu'on parle de main-d'oeuvre fraîchement arrivée, il s'agit évidemment d'emplois au bas de l'échelle offerts aux immigrants qualifiés. Chaque fois que je comparais devant un comité, je demande au gouvernement comment il définit un immigrant qualifié. Ce n'est pas un médecin, un ingénieur ou un diplômé universitaire, parce que ces gens ne parviennent pas à trouver du travail lorsqu'ils arrivent au Canada étant donné que les ordres professionnels ne le leur permettent pas.
Nous, nous donnons du travail aux immigrants qualifiés. Ce sont des gens qui commencent au bas de l'échelle et à qui nous offrons une formation. On ne nous paye pas pour leur offrir cette formation. Ils sont syndiqués. Nous leur apprenons le français quatre après-midi par semaine. Nous leur offrons un régime d'assurance médicale complet après trois mois. Voilà ce que j'appelle du service, un service qui n'est pas uniquement économique, mais qui est également social.
Cette année, le 23 septembre 2004, nous avons accueilli la Cour de la citoyenneté dans notre propre atelier, une première dans le secteur privé. Vingt-deux de nos employés ont été assermentés. Voilà ce qu'est un service complet offert à un employé. Nous jouons un rôle important lorsqu'il s'agit d'intégrer les nouveaux immigrants dans la société.
N'oubliez pas non plus que nous avons des systèmes de planification des ressources. Le logiciel que nous utilisons est le SAP. Nous avons investi dans ce système. Le gouvernement ne nous a pas donné un sou et nous ne lui avons d'ailleurs rien demandé. Nous utilisons l'EDI pour la gestion de nos stocks. Voilà notre principal avantage, et cela revient à ce que je vous disais il y a quelques instants : le fait d'être proche du marché américain.
Toutes ces contributions que nous apportons à l'économie canadienne ont été mises en exergue dans un article que j'ai écrit—la première fois que j'en écrivais un d'ailleurs—dans le National Post du 24 mars 2004. J'en suis vraiment très fier. Je ne suis pas journaliste, mais c'était la première fois que je m'essayais à cela, et c'était fort bon.
¹ (1545)
Le président: J'espère que vous l'avez fait encadré.
M. Elliot Lifson: Et comment!
De nombreuses entreprises canadiennes sont devenues, depuis 10 ans, des chefs de file sur le marché et aussi de gros exportateurs, faisant de grosses percées sur le marché américain en particulier. Cette industrie exporte actuellement pour plus de 2,5 milliards de dollars de vêtements par an rien qu'aux États-Unis.
Malgré nos réussites, notre industrie fait face à énormément de pression et à des difficultés considérables. Certaines de ces pressions, certaines de ces difficultés, sont issues de la concurrence qui règne sur le marché, alors que d'autres sont le fait des politiques de l'État.
L'an dernier, le 1er janvier 2003, le gouvernement canadien a modifié le tarif douanier accordé aux PMA en réduisant les droits de douane sur les vêtements provenant de ces pays, les pays les moins avancés, qui peuvent maintenant être importés en franchise alors qu'auparavant, ils étaient frappés d'un droit de douane de 18,5 p. 100. Le Canada a également éliminé les quotas à l'importation de vêtements confectionnés dans ces pays. Ainsi, les pays comme le Bangladesh peuvent maintenant exporter vers le Canada les vêtements qu'ils produisent sans payer de droit de douane et sans être limités par aucun quota.
L'effet de cette élimination totale des droits de douane et des quotas a été à la fois subit et considérable. Les importations de vêtements originaires des principaux PMA ont progressé en flèche en 2003, par exemple de 328 p. 100 pour le Cambodge et de 115 p. 100 pour le Bangladesh.
En passant, lorsque le gouvernement avait fait cette proposition, notre industrie n'était pas contre une mesure destinée uniquement aux pays africains. Nous avions par contre averti le comité que si d'autres pays comme le Bangladesh, qui avaient déjà l'infrastructure industrielle nécessaire, en profitaient, où iraient tous les clients? Au Bangladesh. Cela ne faisait aucun doute. Pourquoi construire une infrastructure industrielle alors qu'il y en a déjà une ailleurs?
Si vous vous souvenez bien de vos cours de géographie, le Bangladesh a pour voisine la Chine et l'Inde.
Les répercussions pour les fabricants canadiens de vêtements ont également été très claires, comme le faisait ressortir un article publié dans le numéro d'avril 2004 du Report on Business du Globe and Mail, dont vous trouverez le texte à l'annexe 4 de notre mémoire.
Des compagnies ont fermé leurs portes ou se sont empressées de déménager à l'étranger pendant l'année 2003. La raison en est très simple : selon les dispositions du tarif douanier accordé aux PMA, un fabricant qui a ses usines au Bangladesh ou dans un autre PMA peut acheter du tissu en Chine, faire la coupe et la confection du vêtement au Bangladesh, puis expédier le produit fini au Canada en franchise de droits et sans être limité par aucun quota.
Par contre—écoutez bien ceci—un fabricant canadien qui veut confectionner le même vêtement au Canada doit payer un droit de douane allant de 12 à 16 p. 100 sur le tissu qu'il importe au Canada. C'est ce que nous faisons actuellement. Peerless importe des pantalons pour homme du Bangladesh en franchise de tout droit de douane et sans aucun quota limitatif.
La filature est en Chine parce que le Bangladesh n'a pas d'usines. Suivez-moi bien : de la Chine au Bangladesh, puis l'importation au Canada du vêtement déjà confectionné sans aucun droit de douane. Nous, nous nous alimentons auprès de la même filature pour fabriquer les mêmes pantalons au Canada en utilisant une main-d'oeuvre canadienne, et nous payons 14 p. 100 de droits de douane sur le tissu que nous importons. C'est parfaitement illogique, sans oublier non plus que le tissu est l'élément qui intervient le plus dans notre prix de revient. La main-d'oeuvre ne représente que 20 p. 100 de notre prix de revient, le reste, c'est la matière première, le tissu.
Souvenez-vous bien que nous parlons ici de tissu coûtant plus de 10 $ le mètre. Pour confectionner un complet, il faut près de 4 mètres de tissu. Le calcul est donc facile. Donnez-nous les outils.
Chaque année, notre industrie paye plus de 110 millions de dollars de droits de douane sur ses importations de matière première.
Chez nous, nous commençons à importer des vêtements déjà confectionnés alors qu'il y a deux ans encore, cela ne nous serait même pas venu à l'idée. Si nous le faisons, c'est que nous pouvons désormais importer ces pantalons en franchise de droit de douane.
Cela aura assurément des répercussions sur l'emploi au Canada. L'élimination des quotas d'importation et les autres mesures comme le libre accès au marché pour les PMA ne sauraient se faire sans qu'on modifie également de façon radicale d'autres politiques.
Je vais axer mon propos sur une mesure simple et très facile que la fédération vous exhorte à recommander au gouvernement pour que celui-ci l'adopte immédiatement : il s'agirait d'éliminer immédiatement les droits de douane frappant les tissus utilisés par l'industrie canadienne du vêtement pour confectionner des vêtements au Canada. Il faut absolument pour nous que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde.
Si nous insistons beaucoup sur la question des tarifs douaniers frappant les matières premières, c'est pour une raison très simple. Le principal déterminant qui fait qu'un vêtement soit à la mode et qu'il soit accepté sur le marché, c'est le tissu qui a été utilisé pour le confectionner, ce qui entre dans la composition du tissu et ce qui entre dans la composition du vêtement terminé.
¹ (1550)
L'élimination des droits de douane sur les tissus importés permet aux producteurs canadiens de vêtements d'être compétitifs au Canada et sur les marchés d'exportation. Là où les droits ont été supprimés, les entreprises canadiennes ont profité pleinement de ces ouvertures et ont développé leur production, leurs emplois et leurs exportations.
Les allègements fiscaux sont aussi faciles à réaliser. Ils ne nécessitent pas l'adoption d'une loi ou la modification d'un règlement. Le ministre des Finances peut à tout moment apporter les modifications appropriées aux tarifs des droits de douane. Le gouvernement peut faire la même chose pour notre industrie actuellement que ce qu'il a fait lorsqu'il est intervenu de façon décisive en réduisant les droits sur les importations en provenance des pays les moins développés en 2002.
Dans bien des cas, la production intérieure des textiles utilisés par le secteur du vêtement est limitée. De nombreux fabricants de vêtements canadiens ne peuvent s'approvisionner en tissus et en autres matériaux bruts à l'échelle nationale. La quantité élevée de matières brutes importées qu'utilise notre industrie en est la preuve. Tout ce qui est disponible au Canada est certainement utilisé, car il est plus facile de se servir de ce qu'on a à portée de la main. Mais nous sommes dans un marché mondialisé. Nous sommes dans le secteur de la mode et nous devons avoir un accès au monde entier.
À propos, pour vous donner le meilleur exemple au monde, la Chine importe plus de textiles qu'elle n'en exporte, ce qui veut dire qu'elle en importe pour faire des vêtements finis.
Nous ne demandons pas l'aumône, nous ne demandons pas une subvention. L'industrie canadienne du vêtement demande simplement au gouvernement canadien de cesser de taxer la matière première dont elle a besoin.
C'est clair : ce qui fait qu'un vêtement est à la mode et va être accepté sur le marché, c'est premièrement et avant tout le tissu dont il est constitué. Le coût de ce tissu peut représenter jusqu'à 75 p. 100 du coût total des intrants du fabriquant. La suppression des droits de douane sur les tissus importés permettrait aux producteurs canadiens de vêtement d'être compétitifs sur le plan intérieur et sur les marchés d'exportation.
Les avantages d'un abaissement des droits de douane sur les importations sont clairs. Quand on a supprimé les droits de douane, les entreprises canadiennes en ont pleinement profité en développant leurs productions, leurs emplois et leurs exportations. Je travaille pour une entreprise de ce genre. Depuis 1994, notre volume a décuplé.
Nous avons plusieurs recommandations à vous soumettre. Premièrement, le comité devrait exhorter le gouvernement à adopter la politique industrielle pour permettre à l'industrie du vêtement de prospérer en même temps que seront supprimés les quotas d'importation. Le comité devrait avaliser le rapport du Comité des finances de la Chambre déposé en mars dernier, et plus précisément les recommandations concernant les allègements de droits d'importation et le prolongement de la remise de droit de douane sur les importations. Le comité devrait demander à Commerce International Canada de vérifier notre accès au marché américain et de s'assurer que les douanes américaines n'entravent pas cet accès.
L'industrie du vêtement a contribué et continue de contribuer de façon importante à l'économie du Canada. Nous ne pourrons continuer à le faire que si le gouvernement prend les bonnes mesures et si votre comité lui adresse des conseils et des recommandations positifs.
Voulons-nous préserver une industrie du vêtement au Canada? Comme on l'a lu dans un article de fond du Financial Post, et comme l'a dit M. Bob Silver, de Western Glove Works à Winnipeg, au Comité des finances de la Chambre, l'industrie canadienne du vêtement ne produit pas que des vêtements, elle produit aussi des gens. Pourra-t-elle continuer de le faire à l'avenir? Cela dépendra de vos recommandations.
Je vous remercie de votre attention.
¹ (1555)
Le président: Merci, monsieur Lifson et monsieur Penner, pour vos exposés très complets.
Nous allons passer aux questions. Monsieur Menzies, vous avez dix minutes.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci. C'était très intéressant. J'avoue que je ne suis pas de très près la situation de l'industrie du textile, mais c'est tout de même une bonne chose de vous rencontrer de temps en temps. Nous sommes tous en faveur de votre industrie.
Je me suis occupé de négociations commerciales dans le domaine agricole et pour moi, tout ce que je vois et que j'entends ici—pardonnez-moi ce parti pris—met encore une fois bien en évidence l'incohérence des positions du gouvernement en matière commerciale. Je ne sais pas trop quelles questions vous poser, mais peut-être pourriez-vous me dire si vous pensez que le gouvernement vous a mal représenté auprès de l'OMC? Est-ce que ce problème concerne l'OMC, ou l'ALENA, ou les deux? Est-il exact que nous n'avons pas fait assez d'effort pour obtenir plus d'accès au marché?
Vous nous parlez de droits de douane de 12 p. 100 sur la matière première, alors que vous pouvez faire venir le produit fini en franchise de droit. Dans le secteur agricole, il y a des frictions parce que les tarifs douaniers sont plus élevés pour les produits finis que pour les produits bruts qui entrent dans un pays. C'est ce qu'on appelle l'escalade des droits de douane. Ici, on a plutôt l'impression d'une désescalade, si je peux utiliser un tel terme.
Expliquez-nous cela. Le gouvernement vous a-t-il laissé tomber à l'OMC? Y a-t-il eu des ouvertures?
M. Harvey Penner: Je ne sais pas si la question s'adresse à Elliot ou à l'Institut des textiles, mais...
M. Ted Menzies: Peu importe, elle s'adresse à celui qui veut bien répondre.
M. Harvey Penner: Indépendamment de tout parti pris politique, il faut bien comprendre ce qui s'est passé. Quand Elliot dit qu'il doit payer 12 ou 14 p. 100 de droits sur le tissu et que les vêtements arrivent en franchise du Bangladesh, ou que les denrées de la Chine... On exploite les travailleurs en Afrique où il n'y a pas d'infrastructure. Ils n'ont pas d'infrastructure, parce que les denrées arrivent de Chine.
Nous avons expliqué au gouvernement le problème des pays les moins développés. Nous avons fait de gros efforts pour expliquer cela, mais le gouvernement canadien a décidé, malgré tout ce que lui avaient dit les représentants du secteur des textiles et du vêtement, de prendre cette mesure. Ce n'est pas comme l'Amérique ou l'Europe, où l'on a prévu une période de transition ou des limites pour pouvoir mettre en place dans les pays les moins développés une infrastructure de tissage, de teinture, de finition, de couture. On ouvre la porte complètement en permettant à des tiers pays qui produisaient du tissu d'expédier ces tissus dans ces pays pour exporter ensuite un produit au Canada sans être soumis à un contingentement et sans aucun droit de douane.
Cela a détruit de nombreux emplois au Canada. Le gouvernement a complètement ignoré les conseils qui nous lui donnions. Mais il peut encore—et nous lui avons recommandé maintes et maintes fois de le faire, comme les Américains—établir une limite, un échéancier.
Le gouvernement a dissuadé tous les entrepreneurs que je peux connaître, aussi bien dans le secteur du vêtement que dans celui du textile, de réinvestir au Canada. Il a fait chuter dramatiquement les prix moyens. Je peux vous dire qu'un T-shirt du Bangladesh coûte 2,02 $ en franchise de droit, alors que le même T-shirt en provenance de la Chine coûte 3,68 $ plus les droits de douane, ce qui l'amène à un total de 5 $. C'est deux ou trois fois plus.
Quelle est la conséquence pour le fabricant canadien? Il subit des pressions énormes et il est obligé de réduire considérablement ses prix pour pouvoir survivre. Le gouvernement canadien a détruit des emplois. Il a eu une attitude lamentable mais malgré toutes nos protestations, nous n'avons rien pu faire.
Si vous voulez faire quelque chose de positif pour notre secteur, réclamez du gouvernement canadien qu'il mette en place des limites, qu'il s'inspire des règles américaines, qu'il permette aux Africains de construire leur pays, au lieu de se contenter de fournir de la main-d'oeuvre à bon marché pour des produits qui se déplacent d'un pays à l'autre. Pourquoi importer des vêtements de la Chine en payant 8 p. 100 ou 14 p. 100 de droits? Il suffit de transférer le tissu au Bangladesh, de faire là-bas un costume, et on peut ensuite l'expédier au Canada en franchise de droit. C'est le coup le plus dur que nous avons subi au cours des 24 derniers mois.
Le deuxième coup, c'est que l'ALENA a permis aux Américains d'établir des accords bilatéraux, de créer l'initiative du bassin des Caraïbes et d'adopter la loi relative aux préférences commerciales en faveur des pays andins. Les Américains ont organisé cela avec des intrants qui partaient des États-Unis, et qui ne venaient pas de ces autres pays. Le Canada ne fait rien. Le gouvernement nous dit de nous réunir pour en discuter.
La Chine : Les Américains bougent de ce côté-là. Je suis sûr que nos amis du gouvernement vont nous dire que personne ne leur a parlé d'un problème du côté de la Chine, alors pourquoi ferait-il quelque chose? Nous n'avons pas de temps à perdre. Nous sommes trop occupés à gérer nos entreprises pour nous disperser à nous occuper d'autres affaires.
Ce que nous espérons, c'est avoir le libre-échange des Amériques. À ce moment-là, il n'y aura plus aucun obstacle au mouvement des denrées à travers 34 pays. Nous pourrons produire les tissus ici, les coudre au Honduras et les réexpédier aux États-Unis. C'est ce que font les Américains, et ce sera la meilleure façon de résister à la Chine. On est près du marché, on peut agir vite, on peut assurer un service et répondre à la demande des acheteurs. Une chaîne de magasins de New York qui achète du rose en janvier ne peut pas attendre que le nouveau stock arrive de Chine en juillet. Si nous pouvons avoir le libre-échange des Amériques et nous servir de la main-d'oeuvre de ces pays, en coordonnant cela avec ce que nous avons ici, tout ira parfaitement pour le secteur canadien du vêtement et du textile.
Le problème, c'est que le gouvernement canadien a tout fait pour nous empoisonner l'existence. Il n'a rien fait de positif. Il a détruit les emplois, fermé des usines partout au Canada, des usines dans de petites villes où les gens gagnaient 35 000 ou 40 000 $ par an et sont obligés d'aller travailler dans un dépanneur à 6 $ l'heure, sans vacances, sans congés, sans rien.
Et pourtant, personne ne proteste. Nous n'avons pas de politique industrielle pour la transformation secondaire. Nous sommes en train de détruire non seulement le secteur du vêtement et des textiles, mais aussi celui du meuble et de toutes les autres denrées. Dans dix ans, il n'y aura plus aucune industrie manufacturière secondaire. Et quand la Chine décidera de réévaluer sa devise et de faire monter les prix, il n'y aura plus de denrées à acheter, parce qu'il n'y aura plus d'industries canadiennes. Nous ne pouvons pas survivre sans les États-Unis et nous avons absolument besoin de l'ALENA.
Voilà ce qu'il en est en deux mots. C'est le gouvernement canadien qui est responsable, il faut faire quelque chose. Il faut faire pression sur les Américains dans le cadre de l'ALENA, révoquer l'accord sur les pays les moins avancés ou le modifier, et créer une possibilité de transformation extérieure. À ce moment-là, on reviendra à une croissance de 300 p. 100, car l'industrie du textile dispose du matériel, c'est une industrie à fort apport de capital, c'est une industrie dans laquelle la main-d'oeuvre représente un faible pourcentage du produit, et c'est une industrie qui est à la base de l'industrie du vêtement. Sans industrie du textile, vous n'avez pas d'industrie du vêtement, et sans industrie du vêtement avec des intrants du Canada, vous ne pouvez pas faire partie de l'ALENA. Vous ne pouvez pas importer à partir de la Chine pour exporter aux États-Unis. Et vous ne pouvez pas survivre au Canada. Nous ne sommes que 30 millions, et ils sont 300 millions. C'est là que nous pouvons faire des affaires. L'industrie américaine du textile et du vêtement est détruite. Nous avons encore une infrastructure et nous pourrions survivre et prospérer.
º (1600)
Nous n'avons pas d'objection à ce que le gouvernement intervienne en aidant le secteur du vêtement, mais à condition que cela ne détruise pas le secteur du textile. Nous sommes d'accord pour qu'on revoit les pourcentages qu'ils veulent supprimer sur les produits que nous ne fabriquons pas, mais nous ne sommes pas d'accord pour qu'on leur donne carte blanche.
Nous avons un gros producteur de fil qui s'appelle Atlantic Yarns, qui s'est installé au Nouveau-Brunswick il y a quelques années. C'est une énorme entreprise. Si nous n'avons pas de sources de fibre pour fabriquer le fil...
Le président: Ils n'ont pas fait faillite?
M. Harvey Penner: Non. C'est une entreprise qui se porte très bien. Vous devez penser à une autre entreprise. Atlantic Yarns est une énorme entreprise. Si nous devrons nous tourner vers les États-Unis, nous ne pourrons avoir que le fil qu'ils voudront bien nous vendre. Mais nous avons l'ALENA.
Donc c'est très simple. Les résultats de l'ALENA sont là. La politique du gouvernement canadien auprès des pays les moins avancés est une politique de la terre brûlée. Elle a eu des résultats épouvantables sur les industries du vêtement et du textile. Si vous voulez faire quelque chose, inspirez-vous du modèle américain ou allez voir là-bas et faites quelque chose pour qu'on puisse mettre en place des limites.
C'est nous qui avons fait cela. C'est un plan qui vient du Canada; le Canada peut le rectifier.
M. Ted Menzies: Je crois que j'ai touché une corde sensible.
M. Harvey Penner: Oui.
M. Ted Menzies: Tant mieux. C'était le but de ma question.
M. Harvey Penner: Nous nous battons pour notre survie.
Le président: Monsieur Kirke.
M. Bob Kirke (directeur général, Fédération canadienne du vêtement): Ce que veut dire Harvey, c'est que cette industrie subit actuellement des bouleversements colossaux à l'échelle mondiale. Si vous prenez un peu de recul, vous constaterez que selon certaines estimations on pourrait déplacer ou modifier jusqu'à 30 millions d'emplois par suite de la suppression des quotas. C'est ce qu'examine votre comité, donc nous pourrions commencer par cela.
Les quotas obligent en substance les entreprises à aller chercher leurs denrées là où elles ne le veulent pas nécessairement. Si le quota pour la Chine est atteint, ils créent des industries dans toutes sortes de pays secondaires et tertiaires qui vont se doter d'une certaine capacité. Actuellement, et je ne porte pas de jugement sur le gouvernement, c'est un fait que la capacité mondiale est le double de ce qui est nécessaire. Quand les quotas vont tomber à la fin de décembre, vous allez rectifier cela.
Il y a des députés qui ont exploité des entreprises. Vous comprenez bien que si la capacité représente le double de la demande, il y a un problème. Ce problème vient du système de quota depuis 40 ans.
La toile de fond n'est pas reluisante. Il y a de sérieux problèmes et tous les gouvernements essaient de les surmonter. Et bien sûr, il y a la montée en puissance de la Chine, dont la devise est accrochée au dollar américain et dont le prix ne cesse de baisser, alors que tout le reste joue en sa faveur.
Il a donc pour commencer ces gigantesques changements. Il y a aussi un problème—et nous ne le contestons pas—qui est que l'accord sur les pays les moins avancés nuit aux producteurs canadiens. Mais il faut bien à un moment donné faire face aux problèmes de politique industrielle qui se présentent à nous et avancer.
Je crois que le gouvernement du Canada ne va pas changer sa politique à l'égard de ces pays. Il ne le fera pas. Je ne dis pas que les fabricants n'y sont pas favorables, mais cela n'arrivera pas. Je pense qu'il faut avancer. Le 1er janvier, ces quotas vont disparaître, et ce que les Américains feront en matière de protection spéciale ne fera pas beaucoup de différence. On gagnera un an, mais rien à long terme. Nous entrons dans un marché mondial. Il faut trouver des moyens d'être compétitifs, et nous les avons trouvés.
Je voulais simplement dire qu'il y a donc des changements massifs. On ne peut pas s'en prendre uniquement au gouvernement canadien. Ce sont 30 millions d'emplois qui vont être affectés au cours des prochaines années, et il y en a un certain nombre au Canada. Tout le monde se bat avec ce problème.
Bien franchement, la politique à l'égard des pays les moins avancés était un effort du gouvernement pour donner une certaine part de marché à ces pays. Que cette politique ait été bonne ou mauvaise, elle a peut-être quand même eu ce résultat. Mais nous sommes maintenant confrontés à une concurrence plus féroce et il faut voir où tout cela nous amène.
º (1605)
Le président: Merci. Désolé, vous avez utilisé votre temps. Nous allons en réserver pour le tour suivant.
Monsieur Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci de vos témoignages. Ce n'est pas la première fois qu'on se voit. J'étais justement au Comité des finances quand vous êtes venus et qu'on a fait ce rapport qui a été déposé aujourd'hui. Malheureusement, on a senti que, du côté du gouvernement, il n'y avait pas de volonté pour que ce rapport soit adopté, ce qui nous inquiète énormément.
J'aurais une question technique avant de passer à vos demandes. Le 1er janvier, en vertu de l'accord qui avait été signé en 1995, les quotas vont tomber. Cependant, sur le plan des tarifs, il n'y a pas d'obligation. Quelles sont les intentions du gouvernement canadien concernant les tarifs? Veut-on les maintenir au niveau actuel, ou les réduire au fur et à mesure?
Selon moi, c'est beaucoup lié à la demande concernant la remise du droit de douane, parce que si les entreprises qui fabriquent des vêtements, par exemple les fabricants importateurs, continuent, pour être capables de maintenir leur niveau de concurrence...
Je suis allé dans une entreprise. Cela m'a beaucoup éclairé. J'irai peut-être visiter la vôtre. Pour être capables de faire des soumissions et de faire face à la concurrence, bien souvent les fabricants importateurs feront une partie du vêtement ici et en importeront une partie. Mais s'ils n'ont pas de remise du droit de douane, ils vont perdre de leur compétitivité. Or, c'était un peu comme un droit acquis. Il me semble que tant que nos fabricants importateurs payeront des tarifs, la politique de remise du droit de douane devrait jouer. Si on baisse les tarifs, c'est sûr, il n'y aura éventuellement plus de remise du droit de douane.
Je voulais un peu d'information sur les intentions connues des ministères concernés en ce qui a trait aux tarifs.
º (1610)
Mme Emmy Verdun (directrice, Division de la politique commerciale internationale, ministère des Finances): Nous avons annoncé en février un programme pour le secteur du textile qui ajoute à un programme existant d'Industrie Canada la somme de 27 millions de dollars sur trois ans.
Pour le secteur du vêtement, le gouvernement a annoncé une réduction du même ordre des tarifs sur les textiles importés, c'est-à-dire 27 millions de dollars sur trois ans, et la continuation de cette réduction à la fin du terme. Malheureusement, la réduction des tarifs n'est pas encore en vigueur. Nous attendons un rapport du Tribunal canadien du commerce international, qui étudie actuellement quels textiles sont faits au Canada et quels textiles ne sont pas faits au Canada. Nous attendons le rapport final du tribunal le 30 janvier. Le gouvernement va mettre ces réductions en vigueur.
Vous avez aussi parlé du rapport du Comité des finances. Nous sommes en train d'étudier les recommandations. Nous savons que le gouvernement doit répondre au rapport d'ici le 18 mars. Les recommandations sont donc à l'étude.
M. Pierre Paquette: Cela veut donc dire que le 1er ou le 2 janvier prochain, le droit de douane sur l'importation de chemises, par exemple, ne baissera pas?
Mme Emmy Verdun: Ce programme ne continuera pas si le gouvernement ne fait rien. Le ministre étudie présentement cette question. Il connaît très bien les recommandations du comité et des conseillers.
M. Pierre Paquette: C'est à l'étude.
Mme Emmy Verdun: Oui, exactement.
M. Pierre Paquette: Il n'y a pas d'obligation de réduire les tarifs dans l'accord. Y a-t-il une obligation d'abolir ou de réduire les remises de douane dans l'accord de l'OMC?
Mme Emmy Verdun: Non, c'est seulement une politique du gouvernement du Canada.
M. Pierre Paquette: Rien ne nous empêcherait de les maintenir.
Mme Emmy Verdun: Non, exactement.
M. Pierre Paquette: Déjà, on a avancé un peu.
Nous sommes extrêmement sensibles aux difficultés des secteurs du textile et du vêtement. Plusieurs députés et adjoints de députés m'accompagnent parce qu'il y a, dans toutes nos régions, soit du textile, soit du vêtement, et nous voulons vous aider.
Cela dit, nous avons l'impression, peut-être mauvaise, que les deux industries ont peut-être des intérêts divergents sur un certain nombre de choses, mais, en même temps, qu'elles s'entendent sur un certain nombre de... Par exemple, la proposition qui est faite concernant l'utilisation de tissus, de textiles canadiens à l'étranger avant de ramener des produits étrangers mais faits avec des tissus ou des textiles canadiens, comme le font les Américains dans le cadre d'accords bilatéraux qu'ils ont avec un certain nombre de pays des Caraïbes, est-elle envisageable pour l'industrie du vêtement?
M. Elliot Lifson: Cela ne vaut pas grand-chose pour nous si nous ne pouvons pas utiliser les tissus de n'importe quel pays. Cela veut dire que si nous pouvons utiliser des tissus canadiens mélangés à des tissus d'autres pays, cela présente vraiment un intérêt. Nous n'avons aucune objection à ce que l'industrie du textile ait recours à une telle solution pour l'aider, mais il faut avoir une discussion sur la possibilité d'utiliser des tissus provenant d'autres pays en plus de ceux du Canada.
M. Pierre Paquette: Avez-vous pensé à des proportions, par exemple 25 p. 100 ou 75 p. 100?
M. Elliot Lifson: Cela dépend de la compagnie. Certaines compagnies utilisent plus de textiles canadiens, alors que d'autres compagnies n'en utilisent pas parce qu'elles ne sont pas capables d'en obtenir. Le fait de lier les deux comme l'autre député l'a fait quand il a commencé était intéressant pour l'industrie du textile. Ce sont deux industries: l'industrie du vêtement et l'industrie du textile. Elles sont certainement capables de vivre ensemble, mais elles ont des buts vraiment divergents, c'est certain.
º (1615)
M. Pierre Paquette: Si on s'entendait pour dire qu'un vêtement fabriqué en Chine ou au Bangladesh avec au moins 50 p. 100 de tissus canadiens--je ne sais pas si c'est possible--et avec des tissus provenant de Chine peut être importé au Canada sans faire l'objet du droit de douane, cela serait-il envisageable?
M. Richard Wagner (conseiller juridique, Ogilvy & Renault, Avocats- Procureurs, Fédération canadienne du vêtement):
Je pense, malgré le fait que dans votre exemple le travail serait effectué au Bangladesh ou en Chine, que l'industrie canadienne du vêtement n'a rien contre cela, si l'industrie canadienne de textile peut exporter sa production.
M. Pierre Paquette: Dans le cas de mon fabricant, s'il ne peut pas importer 25 p. 100 de ses ventes, il n'est pas capable de concurrencer les autres. Donc, dans ce contexte, c'est sûr, on ne garde pas 100 p. 100 de nos emplois, mais on ne les perd pas complètement non plus. C'est un peu mon approche. J'aimerais trouver une façon de minimiser les pots cassés et de m'assurer que notre industrie du vêtement et du textile sera capable de vivre sur une très longue période.
Je vous relance la même question. Dans le cas des vêtements, on propose que les textiles dont on a besoin et qui ne sont pas produits au Canada--en fait, c'est la recommandation du Comité des finances--puissent entrer au Canada sans être soumis au droit de douane.
Si ce sont des produits qui ne sont pas fabriqués ici ou qu'on ne pense pas fabriquer ici, est-ce que cela vous pose des problèmes?
Mme Lucie Brassard (directrice, Affaires gouvernementales, Consoltex Inc., Institut canadien des textiles): Cela pose problème parce qu'on ne peut pas donner une liste de ce qu'on ne fera pas demain. On peut vous dire ce qu'on a fait hier, on peut vous dire ce qu'on fait aujourd'hui, mais les manufacturiers de vêtements ne peuvent dire quels vêtements ils feront demain, et l'industrie du textile ne peut pas dire quels tissus ils feront demain. On doit s'ajuster à la demande de nos clients.
Pour revenir au programme de fabrication de vêtements à l'étranger, premièrement, le gouvernement canadien donne déjà, par l'intermédiaire du Tribunal canadien du commerce extérieur, des entrées en franchise aux manufacturiers de vêtements pour les tissus qui ne sont pas faits au Canada. Dans un programme de fabrication à l'étranger, si les textiles canadiens ne sont pas le fer de lance pour que les vêtements faits avec des tissus canadiens puissent entrer au Canada, cela ne nous donnera rien. Si on permet que des tissus étrangers soient aussi disponibles pour que les vêtements puissent entrer au Canada sans payer de franchise, cela ne donnera rien aux fabricants de textiles canadiens. Comme M. Lifson l'a dit au départ, si le tissu a une très grande importance dans la fabrication d'un vêtement, si c'est 75 p. 100 du prix du vêtement, le manufacturier de vêtements va aller chercher le tissu le moins cher. Alors, comment peut-on concurrencer, si on permet l'entrée en franchise, dans le cadre d'un programme de fabrication à l'étranger, d'un mélange de tissus canadiens et de tissus importés? On ne peut pas mettre un pourcentage.
M. Pierre Paquette: Donc, votre proposition serait 100 p. 100 de tissus canadiens.
Mme Lucie Brassard: Il peut y avoir une part de tissus étrangers, mais on ne peut pas mettre un pourcentage. Il faut vérifier avec l'industrie ce qui peut être permis comme pourcentage. La proposition qu'on a mise de l'avant au départ était d'avoir une approche sectorielle. On voulait commencer avec une industrie qui est intéressée à faire faire ses vêtements à l'étranger avec des tissus canadiens parce que ce sont des tissus performants et techniques. On voulait faire un tel essai. On nous a refusé de le faire pour l'instant, mais on y travaille encore.
On voulait vérifier l'extérieur du vêtement, car un vêtement peut avoir une doublure faite d'autres textiles. Alors, on voulait faire une approche avec le tissu extérieur. Les autres composantes du vêtement peuvent venir de l'étranger ou du Canada, mais ce sont des choses dont on doit discuter avec l'industrie du vêtement et avec les gens au gouvernement, afin de voir ce qui peut être fait.
[Traduction]
Le président: Merci. C'est tout le temps que vous avez.
Nous allons passer à M. Julian.
[Français]
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci beaucoup. Je suis très content de votre présence aujourd'hui et des présentations, qui ont été excellentes. Malheureusement, on ne les a pas fait circuler avant la réunion, alors on va les lire plus tard, en même temps que la transcription des témoignages du comité. J'ai pris plusieurs notes parce que ce que vous avez dit était très intéressant, mais j'ai malheureusement manqué quelques aspects.
À cause des événements de ce soir et des mesures de sécurité, certains d'entre nous devront quitter tôt. Malheureusement, je suis l'une de ces personnes. Avant de partir, cependant, j'aurais quelques questions à vous poser.
º (1620)
[Traduction]
Comme vous le savez peut-être, le député néo-démocrate de Winnipeg Centre, Pat Martin, s'est fait l'auteur d'une motion sur les décrets de remise de droits de douane. Sa résolution porte que l'application des décrets de remise de droits de douane qui intéressent le secteur du vêtement et qui doivent parvenir à échéance le 31 décembre 2004, sera prolongée pour sept années de plus à compter d'aujourd'hui même.
Je veux savoir si le gouvernement a exprimé ses intentions concernant la prolongation de l'application de ce décret, et ce qu'il en coûtera en emplois si cela n'est pas fait.
M. Elliot Lifson: J'aimerais apporter une petite clarification parce que j'ai écouté tout le débat. Il est certain que tous les partis se sont entendus sur les trois recommandations. Mais il ne faut pas s'accrocher à un seul contentieux qui ne touche pas toute l'industrie. Tous les députés qui ont parlé ont dit : « Mettons en oeuvre les trois recommandations qui ont été adressées au Comité permanent des finances de la Chambre des communes et au Sénat. » Il y a donc unanimité.
Pat Martin est obsédé par la remise des droits de douane. Fort bien. Je suis le président national de l'industrie. Mon organisation compte de nombreux membres—ils sont 2 000—mais seulement 200 sont touchés par la remise des droits de douane. Il faut donc conserver à l'esprit le fait qu'il s'agit d'un train de mesures. Et cela ne fait aucun doute. Ce qui est sûr, c'est que l'allègement tarifaire est important pour tous les manufacturiers canadiens. Je tenais à clarifier cela.
Donc pour certaines personnes, une telle mesure ne rapportera pas un sou. Un député a mentionné qu'une personne toucherait quatre millions de dollars. Tout le monde peut contester l'équité de cette mesure. Je n'en ferai rien pour ma part parce que cela pourrait toucher à un de mes membres—et c'est le cas—je ne peux donc pas me battre sur ce front. Mais si vous voulez venir en aide à toute l'industrie, c'est un allègement tarifaire qu'il faut. Vous devez prendre une vue d'ensemble de nos recommandations parce que ces comités en ont discuté et nous ont interrogés à ce propos à de nombreuses reprises, et les deux comités ont mentionné ces problèmes.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question par une question ou une affirmation. Je ne fais pas de politique, mais je tenais à clarifier cela parce que c'est bien ce que j'ai entendu. J'ai enregistré tous les mots qui ont été prononcés parce que je suis déjà programmé en ce sens. Mon cerveau est programmé. Je suis venu ici tellement souvent que j'ai l'impression de faire partie des meubles. Ce qui n'est pas une mauvaise chose en fait...
M. Peter Julian: Vous avez bel et bien répondu à ma question par une affirmation, mais étant un familier de la période des questions, j'ai l'habitude. Je vais poser ma question de nouveau.
M. Elliot Lifson: Je vous en prie.
M. Peter Julian: Ma question porte sur l'effet qu'aurait cette mesure. Nous pouvons accepter la remise des droits, mais pouvons-nous accepter les trois recommandations? Qu'est-ce qui va se passer si l'on ne fait rien?
M. Elliot Lifson: Il s'agit d'égaliser les chances. Vous devez comprendre...
M. Peter Julian: Je parle expressément d'emplois et de la perte de créneaux.
M. Elliot Lifson: C'est très simple. Il y a 94 000 emplois en jeu. Ce n'est pas une menace. Nous travaillons dans un contexte mondial. Toutes ces questions pèsent sur l'avenir d'une entreprise. Nous ne voulons pas qu'on nous fasse l'aumône; nous voulons qu'on égalise les chances pour tout le monde. Comment pouvons-nous être concurrentiel autrement dans le marché mondial d'aujourd'hui?
Je vais prendre le premier exemple qui me vient à l'esprit. Nous avions des fabricants de jeans qui ont fermé leurs portes. Il n'y a pas de fabricant de denim dans notre pays. Enfin, après deux années de recours au TCCE et après avoir imploré les ministres des Finances, nous avons obtenu quelque chose. Soit dit en passant, soyons justes, nous aimons bien critiquer le gouvernement, mais celui-ci fait parfois bien les choses—autrement, c'est tout le pays qui s'effondrerait. Le libre échange a été très avantageux pour nous, et rien que notre entreprise à nous en est un excellent exemple.
Il est essentiel de se faire entendre par un TCCE et de pouvoir discuter de ces questions devant un comité comme le vôtre. Mais comment diable peut-on exiger des tarifs sur le denim alors que le denim n'a pas été produit dans notre pays? Enfin, cette question s'est réglée la semaine dernière, donc les fabricants de jeans qui restent encore ici peuvent maintenant fabriquer le denim. Il y a des fabricants de jeans qui font du denim ici. J'ai un ami à Montréal qui a créé son entreprise sur son balcon, ou dans sa cave—Sal Parasuco de Parasuco Jeans. Il vend des jeans à 250 dollars à Milan. Il est formidable.
Nous avons du talent dans notre pays. Nous avons une industrie que vous ne pouvez tout simplement pas laisser disparaître.
Même mon ami Harvey le pense—il nous arrive d'être d'accord. On ne peut pas la laisser disparaître.
º (1625)
M. Peter Julian: Non, je pense que votre problème est très évident.
Le président: Monsieur Lifson, où ce monsieur obtient-il son matériel brut, ses vêtements?
M. Elliot Lifson: Il s'approvisionne partout dans le monde. Il y est bien obligé. Il est dans le vêtement mode.
Le président: Ne peut-il pas l'obtenir au Canada?
M. Elliot Lifson: Il ne peut plus en obtenir. Il n'y a pas de denim chez-nous.
Mme Lucie Brassard: Il achète aussi du matériel canadien.
M. Bob Kirke: Mais pas du denim. Il n'y a pas de denim.
M. Elliot Lifson: Il y a un problème ici, et il y a deux industries représentées ici—et rappelez-vous que Harvey et moi sommes des chefs d'entreprise, nous ne nous querellons donc pas pour des vétilles. Continuons de nous battre, parce que nous nous battons tous les deux pour notre survie et nous nous battons tous les deux pour des emplois. Il y a une solution à cela.
M. Harvey Penner: Je dois dire que je suis d'accord avec Elliot, mais je dois aussi mentionner que je n'étais pas à la Chambre et que je n'ai pas entendu parler des questions qu'a soulevées Pat Martin aujourd'hui. On ne peut pas mêler ces trois problèmes. On ne peut pas supprimer des emplois dans le textile pour conserver des emplois dans le vêtement. Il faut conserver un certain équilibre.
Prenez l'exemple des droits de douane, ce que le gouvernement a fait essentiellement, c'est qu'il a dit qu'on allait donner à l'industrie du textile 26 millions de dollars pour CANtex, et pour aider l'industrie du vêtement, on allait réduire les droits de douane de 26 millions de dollars. Il n'y a aucune logique à cela. Ce n'est pas ça une politique industrielle. Et le gouvernement veut ensuite qu'on lui verse ses droits de douane et ce, sans tenir compte de ce qu'on peut enlever parce que cela n'a aucun effet sur le Canada, et ce qu'on ne peut enlever... pour ce genre de problème, un palliatif ne suffit pas.
Vous savez, vous dites que le régime pour les PMA est derrière nous. Je ne suis pas d'accord. Il parle de Bob Silver. Bob Silver n'est pas manufacturier. Sauf tout le respect que je dois aux vêtements modes, c'est probablement environ 5 p. 100 de son chiffre d'affaires et il s'en retire...
M. Elliot Lifson: [Note de la rédaction : inaudible]
M. Harvey Penner: Oui, la remise des droits de douane l'avantage beaucoup parce qu'il doit exporter aux États-Unis. Qu'en est-il des autres membres de l'industrie du vêtement...
Une voix: Bob Silver ne touche pas la remise des droits de douane.
M. Harvey Penner: Peut-être pas, mais quoi qu'il en soit, il y a des gens qui touchent des remises et qui sont évidemment avantagés.
Je ne suis pas contre la remise des droits de douane. Je suis entièrement pour cela. Je suis contre la réduction des tarifs lorsque ceux-ci nuisent à l'industrie du textile. Je suis contre le recours au régime TPMD lorsqu'on s'en sert pour supprimer les tarifs ou pour accepter le principe qu'on peut importer des choses sans droit de douane, mais on devrait réduire les tarifs sur les biens qui entrent chez-nous, sans recours à l'OMC, pour exporter davantage d'emplois de chez-nous.
Où vendrons-nous nos 6,3 milliards ou 3 milliards de dollars de marchandise? Nous les vendons aux fabricants de vêtements, dans de nombreux cas. Nous les vendons aux entreprises qui fabriquent des vêtements. Les fabricants de vêtements sont tous à l'étranger maintenant. Elliot lui-même fait affaire à l'étranger. Bon nombre de ces entreprises achètent au Bangladesh. Elles sont forcées d'acheter au Bangladesh, et elles ne reviennent pas au Canada après; elles sont parties pour toujours.
Il faut donc être très prudent lorsqu'on se penche sur l'emploi dans l'industrie du vêtement et qu'on s'aperçoit qui est parti et qui est resté. Plus on encourage ces gens à aller à l'étranger parce qu'ils n'ont pas d'autre choix, moins il y a d'emplois qui restent ici. L'industrie du textile est différente. Nous survivons en Amérique du Nord. Nous survivons aux États-Unis. On exporte pour combien de millions aux États-Unis?
Mme Elizabeth Siwicki (présidente, Institut canadien des textiles): Pour trois milliards de dollars.
M. Harvey Penner: De nos 6 milliards de dollars, 3 milliards de dollars aboutissent aux États-Unis. Si vous voulez nous anéantir, vous n'avez qu'à maintenir les politiques que vous avez pratiquées jusqu'à présent.
Nous avons connu une croissance extraordinaire. Grâce au libre-échange, l'industrie du vêtement a connu une croissance formidable. Obtenez-nous un accord de libre-échange. Obtenez-nous le traitement à l'extérieur. Donnez-nous une chance. Repensez le régime TPMD parce qu'il n'y a pas de raison... C'est vous qui avez lancé ça; alors changez-le. C'est une initiative canadienne. Il vous est parfaitement loisible de changer cela. Les seuls qui vont souffrir seront les importateurs. Ce sera Wal-Mart.
Vous vous inquiétez des emplois canadiens; modifiez le régime TPMD, donnez-nous le traitement extérieur, négociez la ZLEA, pour tous les pays, appliquez la pression, et vous aurez une industrie du textile et du vêtement qui sera fiable et présente en Amérique du Nord et qui connaîtra la croissance. Faites cela. Les autres mesures ne marcheront pas.
M. Elliot Lifson: Monsieur le président, je veux simplement soulever une question.
En février 2004, la ministre Robillard a promis l'allégement tarifaire à notre industrie pour cette année, pour 2004. On approche à grand pas de la fin de 2004. Pour être juste, la question était—et Harvey l'a posée très gentiment—pourquoi ne supprimez-vous pas le tarif?
Il est évident que nous sommes tous les deux dans le vêtement. Nous n'allons pas supprimer un tarif sur un tissu qu'on peut trouver dans notre pays parce que ce serait ridicule; on perdrait la valeur de cet allégement tarifaire. Nous avons donc dressé la listes des tissus que nous ne pouvons pas trouver dans notre pays. L'industrie du textile n'a pas voulu participer à cette étude, ce qui a peut-être été une bonne stratégie parce que, ce qui est arrivé, c'est que ça nous est retombé dessus. Nous avons donc dressé une liste. Nous présentons nos listes et on ne nous répond pas. On arrive en 2005, donc on a déjà perdu 2004.
Voyons les choses en face. Du fait de certaines réalités de la vie, il y a des produits qui ne sont pas fabriqués dans notre pays. La question n'est pas de savoir si on pourrait en fabriquer, ou si on peut les fabriquer, ou si on les fabriquera un jour... le fait est qu'ils ne sont pas fabriqués chez nous aujourd'hui. Le denim en est un exemple parfait. On en fabriquait à une certaine époque, mai ça ne se fait plus. Est-ce que quelqu'un pourrait du jour au lendemain ouvrir une manufacture de denim? Si oui, ce manufacturier pourra intenter des procédures; il pourra aller voir le gouvernement et lui dire : « Nous allons ouvrir une manufacture de denim. » Mais cela n'arrivera pas. C'est une réalité. Nous sommes dans le vêtement mode. C'est ce qui arrive aujourd'hui. Et la Chine est le meilleur exemple d'un pays qui importe plus de textile qu'il n'en exporte.
Nous devons survivre; nous ne pouvons pas survivre comme ça. Nous ne vous demandons pas l'aumône, nous vous demandons d'égaliser les chances. Mais l'industrie ne veut même pas entrer dans le jeu, juste pour une réduction de tarif.
º (1630)
Le président: Ces deux réponses ont pris tout votre temps, monsieur Julian.
Mais avant de passer à M. Crête, j'aimerais poser une petite question à M. Penner. Dans votre industrie du textile, où obtenez-vous votre matériel brut, votre fil, par exemple, pour produire vos textiles?
M. Harvey Penner: Nous avons aussi une entreprise de vêtements. J'ai deux entreprises, une qui produit du fil, du nylon et du Lycra, à Québec. Nous vendons environ 40 p. 100 de notre fil aux États-Unis et le reste aux fabricants canadiens de maillots de bain, de chaussettes et de vêtements sans couture. Nous sommes très concurrentiels à l'échelle nord-américaine, et ça marche très bien pour nous.
Dans l'entreprise du vêtement, et nous vendons 95 p. 100 de notre production aux États-Unis, j'achète mon fil d'Atlantic qui est un grand producteur, et à l'étranger. J'achète à l'étranger ce que je ne trouve pas ici, et je paie les droits de douane, qui sont de 8 p. 100. Je le transforme en tissu, je le coupe, je le couds et je l'expédie aux États-Unis, et j'ai réussi à bâtir jusqu'à présent une entreprise très profitable. Il est sûr que le dollar américain a eu un effet important.
Nous sommes donc très à l'aise... Si, par une réduction des tarifs... ou s'il arrive qu'un jour il n'y a plus de producteurs de fil dans notre pays, je vais devoir en trouver d'une source de l'ALENA, qui sera aux États-Unis. Mais je n'ai pas la même influence là-bas; je ne dispose pas là-bas des mêmes ressources.
Le président: J'ai posé la question parce qu'il s'agit d'une industrie très complexe—et nous l'avons vu avec les divers arguments que nous avons entendus.
J'ai visité une usine de Scarborough qui s'appelle Spintex. Vous la connaissez peut-être. Ce qui la préoccupe le plus, ce sont les obstacles à l'exportation. Par exemple, elle nous dit que notre gouvernement devrait prendre part à la négociation du MCAC qui a lieu en ce moment, pour que nous ayons accès à ces marchés aussi—et il y a aussi bien sûr le problème du régime TPMD. Cette entreprise exporte vers des pays comme la Chine, si j'ai bien compris, et elle est très concurrentielle.
Je veux juste voir comment on pourrait tout lier ensemble...
M. Harvey Penner: Vous devez comprendre...
Le président: Des producteurs de fil au...
M. Harvey Penner: Dans le secteur du fil, la main-d'oeuvre compte pour 7 p. 100 du prix, et nos intrants sont américains. Nous pouvons être concurrentiels.
L'électricité au Canada est fiable; nous n'en manquons jamais. Nous vendons aux États-Unis. Nous sommes très concurrentiels. Il y a des débouchés.
Pour des gens comme Iain Stewart et d'autres, j'ai peut-être l'air de toujours répéter la même chose, mais le fait est qu'il y a certaines choses que le gouvernement a faites et que je ne comprends tout simplement pas. Vous l'avez dit vous-même; il parle du MCAC. Si vous faites des Amériques une zone de libre-échange, ce sera formidable pour nous parce que nous avons alors accès à une région, à un bloc commercial, dont aura besoin le client américain. Vous pouvez importer tout ce que vous voulez, des tissus qui viendront de partout au monde, mais si vous voulez vraiment survivre, vous devez avoir une philosophie d'affaires nord-américaine. Vous devez pouvoir vendre aux États-Unis.
Le président: Si je vous comprends bien, c'est que nous devons être plus audacieux à la table avec les Américains—le modèle existe—et nous devons être à la table de négociation du MCAC.
M. Harvey Penner: Oui, et il faut négocier la ZLEA et supprimer le régime TPMD et faire ce que les Américains disent : dans trois ans, vous devez ouvrir votre usine de bonneterie; dans quatre ans, vous devrez ajouter un atelier de teinture, ou alors vous perdrez le droit d'importer 75 p. 100 de vos produits sans droits de douane. Saviez-vous que le Canada, qui a créé ce régime TPMD, n'a pas de droit lui-même? Nous ne pouvons pas exporter des biens... Comment expliquez-vous cela? Nous ne pouvons pas envoyer de produits canadiens au Bangladesh et les re-fabriquer là-bas et les envoyer ensuite au Canada, comme Marcel le disait.
Comment est-ce que ça marche exactement?
º (1635)
Mme Lucie Brassard: Nous devons utiliser le fil canadien.
M. Harvey Penner: Oui, c'est exact.
Mme Lucie Brassard: La règle d'origine pour le tissu canadien dans le régime TPMD dit que c'est « à partir du fil ». Ce qui veut dire que vous devez tisser ou fabriquer votre tissu à partir d'un fil canadien si vous voulez expédier le tissu au Bangladesh, en faire faire un vêtement et le ramener ici sans payer de droits de douane. À l'heure actuelle, pour le Consoltex, environ 90 p. 100 de notre fil nous vient de l'Amérique du Nord. Nous avons besoin des États-Unis parce que nous n'avons pas beaucoup de filateurs au Canada. Nous avons bâti cette entreprise grâce au libre-échange, donc le gros de notre fil nous vient des États-Unis; par conséquent, bon nombre de nos tissus ne sont pas admissibles au régime TPMD parce qu'ils ne sont pas faits de fil canadien. Nous fabriquons en fait certains tissus à partir de fil canadien, mais la majorité de notre fil nous vient des États-Unis.
Mme Elizabeth Siwicki: C'est ce que nous voulons dire lorsque nous disons que le gouvernement doit avoir des politiques industrielles et commerciales raisonnables. D'une part, nous avons l'ALENA, l'accord de libre-échange Canada-États-Unis, nous avons prospéré et nous avons tous pu exporter aux États-Unis. Puis, tout à coup les États-Unis ont négocié des accords bilatéraux et nous ne semblons pas pouvoir réagir. Il y a des raisons à cela, mais ces accords minent l'ALENA et tous les progrès que nous avons avions réalisés. Il y a des entreprises de textile canadiennes qui ont fait faillite à cause de la CBTPA. Vous avez mentionné l'ALECA. L'ALECA pose exactement le même problème. Encore une fois, les États-Unis ont négocié un accord qui exclut les intrants canadiens et mexicains. À quoi sert l'ALENA lorsqu'il existe de tels accords?
Pourquoi le gouvernement canadien n'engage-t-il pas le dialogue avec le gouvernement américain en lui proposant de tirer partie de l'ALENA? Ce n'est pas entièrement de la faute du gouvernement canadien.
M. Bush est en ville, et je ne devrais pas dire de choses trop négatives...
Le président: Nous sommes en train d'arranger les choses.
C'est maintenant le tour de M. Crête.
Merci beaucoup.
[Français]
M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci pour vos présentations. Je fais un peu l'analyse suivante. J'ai visité des usines dans ma circonscription. Ce sont des usines de textile et de vêtement qui n'ont peut-être pas eu la modernisation que les vôtres ont eue et qui n'ont pas pu traverser la tourmente, malgré toute leur bonne volonté.
Ma perception est que le gouvernement n'a pas mis en place une politique complète réelle, puisque personne d'entre vous n'a fait de propositions qui, collectivement, pourraient permettre d'atteindre un équilibre pour les deux industries. Autrement dit, serait-on capable d'écrire les propositions que vous faites de part et d'autre, de déterminer lesquelles sont conjointes et lesquelles sont acceptables ou inacceptables, de façon à débloquer l'action gouvernementale?
Il y a une arrière-pensée quelque part là-dedans. Si jamais ce n'est pas vrai, il faudra que les gens du gouvernement nous le disent. L'arrière-pensée est que ce sont des secteurs qui ne sont pas leurs premiers choix dans le domaine des échanges internationaux. Ainsi, s'il leur est possible de gagner d'autres choses dans d'autres secteurs plus payants, ils sont prêts à vivre un petit bout de temps avec ça et à laisser mourir ces industries tranquillement. Pour eux, ce ne sera pas si grave.
Toutefois, en n'ayant pas une action commune ni une volonté de politique à appliquer, vous jouez un peu le jeu du gouvernement. Cela dit, je finis ma petite morale.
Je voudrais voir si on peut faire mettre sur la table, en plus des trois recommandations contenues dans ce rapport, d'autres recommandations qui feraient l'affaire de tout le monde, afin de bouger un peu. La dame a dit plus tôt qu'à moins d'un mois environ de l'abolition des tarifs, le gouvernement n'est pas encore capable de nous dire quelle sera sa position. Pourtant, cela fait dix ans qu'on sait que cet événement va se produire. C'est assez catastrophique.
Seriez-vous capables de faire cela à assez court terme? Chacun pourrait-il mettre sur la table des propositions intéressantes, quitte à ce que vous vous parliez dans le cadre d'une espèce de conclave, s'il le faut, et que vous laviez votre linge sale, afin d'arriver à quelque chose? Sinon, vous jouez le jeu de ceux qui ne veulent pas agir.
M. Richard Wagner: En fait, monsieur Crête, il y avait une tentative en ce sens. Je pense que Mme Verdun a fait allusion au Tribunal canadien du commerce extérieur. Un procès a commencé au mois de juin pour demander quels étaient les textiles faits au Canada. Le ministre des Finances a demandé au tribunal de faire une étude et de remettre un rapport pour la fin du mois d'octobre sur les tissus faits au Canada et ceux qui ne sont pas faits au Canada.
M. Paul Crête: Comment se fait-il que soit tellement compliqué? Effectivement, on m'a expliqué que déterminer l'origine des textiles, la couleur, les détails et les particularités est une façon de ne rien faire.
º (1640)
M. Richard Wagner: C'est exact. C'est la raison pour laquelle ils ont demandé à un tribunal de faire une étude dans ce domaine. Une étude a été faite en 1990, et un grand rapport a été publié par le tribunal. C'était un bon rapport sur ce qui se passait dans ce secteur. Cette fois-ci, le gouvernement a demandé la même chose pour savoir ce que fait l'industrie. L'industrie du textile a boycotté cette enquête.
M. Paul Crête: Ma belle-mère n'a pas toujours eu raison, mais à un moment donné, il faut que je vive avec elle: elle est là et elle existe.
À partir d'aujourd'hui, si on arrête de dire ce qui a été fait et ce qui n'a pas été fait plus tôt, qu'est-ce qui peut et doit être fait? Est-il possible de tenir ce type de débat assez rapidement? Il ne faut pas le faire dans cinq ans, quand on évaluera les raisons pour lesquelles l'industrie est morte, mais à courte terme, pour qu'elle reste en vie.
M. Richard Wagner: Par contre, cela fait 15 ans que l'industrie du vêtement demande qu'on enlève les tarifs, et cela fait 15 ans que l'industrie du textile dit non.
Mme Lucie Brassard: C'est parce que vous voulez toujours avoir quelque chose sur notre dos. C'est pour cette raison que nous disons non.
M. Richard Wagner: On ne demande rien sur votre dos. Comme M. Lifson l'a expliqué et comme Mme Brassard l'a dit, ils vendent des produits à des fournisseurs canadiens de l'industrie du vêtement, et c'est bon pour elle parce que c'est conforme à l'ALENA. Si le produit est d'origine canadienne, on peut l'exporter aux États-Unis, et les compagnies canadiennes achètent des produits des compagnies canadiennes de textile.
La seule chose qui est arrivée à l'industrie du textile et qui a entraîné un renouvellement des produits industriels autres que les textiles qui ne sont pas utilisés pour la fabrication de vêtements est le fait que cela ne laisse pas de protection canadienne pour ces vêtements.
M. Paul Crête: Si la réponse à ma question est qu'il n'est pas possible d'en venir à cela, je vais demander au gouvernement quand il va se décider à faire les choix qui seront les plus pertinents en fonction de cela et qui seront à l'avantage de l'un ou de l'autre, des deux ou de personne. Le Canada prétend-il avoir présentement une politique par rapport à la question du textile et du vêtement?
M. Richard Wagner: On les pousse toujours, monsieur.
M. Paul Crête: Ma question ne s'adresse pas à vous, mais à la dame qui, sans être ministre, répond au nom du ministère. L'autre monsieur pourrait peut-être y répondre aussi.
Le gouvernement canadien se prépare-t-il à aller de l'avant avec des mesures concrètes qui répondront aux recommandations du comité et à d'autres choses de l'autre côté? Selon moi, la pire attitude est celle du laissez-faire.
Mme Emmy Verdun: Messieurs Lifson et Wagner ont raison de dire que le gouvernement a demandé aux deux secteurs d'en arriver à un consensus sur la question des tarifs.
M. Paul Crête: Il n'y a pas de consensus. À partir du moment où l'on sait cela, qu'en est-il?
Mme Emmy Verdun: Il est donc très difficile pour le gouvernement de réagir. Cependant, comme je l'ai dit, le gouvernement a annoncé une réduction de 27 millions de dollars des tarifs pour les textiles utilisés dans le secteur du vêtement. Cette mesure est en retard parce que le rapport du tribunal l'est également, à cause de la difficulté qu'il a éprouvée à trouver la bonne information pour établir quels textiles sont faits au Canada et quels textiles ne sont pas faits au Canada.
M. Paul Crête: PICTV et CANtex sont deux belles opérations à court terme, mais cela ne m'apparaît pas être le coeur d'une politique du textile et du vêtement. C'est comme s'il y avait un feu dans la cuisine et que l'on sortait l'extincteur pour au moins l'éteindre dans cette pièce, afin que la maison entière ne soit pas détruite par les flammes. Je ne vous en veux pas, vous n'êtes pas ministre, mais...
Mme Emmy Verdun: Non, je ne suis pas ministre. Comme je l'ai dit, nous avons reçu le rapport du Comité permanent des finances et nous sommes en train de l'étudier ainsi que ses recommandations. Nous savons qu'une réponse doit être fournie au comité d'ici le 18 mars.
M. Paul Crête: Ce que je comprends, c'est que si l'on veut sortir de quelque chose, il faudra prendre en considération les recommandations du comité, les quelques recommandations que vous avez lues, si on peut en avoir le texte, et quelques-unes de votre part. Quelque part, quelqu'un devra prendre ses responsabilités et faire des choix. On déterminera que telle option contribuerait à maintenir tel nombre d'emplois à tel taux horaire et que, en bout de ligne, cela permet d'atteindre tel objectif, tandis que l'autre option permet de maintenir tel genre d'emploi à tel taux horaire, ce qui est plus payant collectivement. Et qu'on fasse des choix en fonction de cela, car si on attend, les deux continueront de faire les frais de la situation.
º (1645)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur...
[Français]
M. Paul Crête: Il faut pouvoir faire des recommandations assez rapidement. Si on remet cela au mois de février, de mars, puis à une autre année, une autre usine risque de fermer ses portes, dans mon comté.
M. Elliot Lifson: C'est vrai.
M. Paul Crête: Au Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie, on a fait un survol de cette question. Les gens du ministère nous ont dit que les choses, au fond, n'allaient pas si mal, que l'économie allait très bien et qu'il n'y avait que quelques secteurs qui étaient mal en point.
Or, ce sont des communautés particulières qui sont touchées par cela. Soit qu'il s'agisse de milieux ruraux, où la municipalité touchée en meure quasiment, soit qu'il s'agisse d'un secteur donné dans une grande ville où les gens n'ont pas nécessairement une facilité à trouver un autre emploi rapidement. C'est un discours de politicien, mais il faut agir à cet égard.
M. Harvey Penner: Je répondrai en anglais. Je parle français, mais pas assez bien pour pouvoir exprimer tout ce que je veux dire.
[Traduction]
Permettez-moi de répondre au nom de l'industrie des textiles. Nous sommes prêts à rencontrer les représentants de l'industrie du vêtement et le gouvernement, mais il ne peut pas y avoir des tarifs uniquement sur les textiles.
Traitons de toutes les questions que nous avons soulevées—la ZLEA, le TPMD. Essayons d'élaborer une politique qui s'applique à tous les éléments, pas seulement un tarif sur le textile.
Prenez la réduction du tarif sur les textiles, l'un des critères explicites était de ne pas nuire à l'industrie des textiles et à ses produits. C'est un objectif. C'était un objectif. Mais nous sommes prêts à rencontrer n'importe quand les représentants du secteur du vêtement et le gouvernement car nous avons de nombreux intérêts communs pour discuter des quatre questions que nous avons soulevées : le TPMD, la ZLEA, le traitement à l'extérieur et la réduction des tarifs.
Le gouvernement devrait créer un comité doté de réels pouvoirs, de la capacité d'agir et de prendre des décisions, pas comme celui qu'on avait avant où on discutait sans fin sans jamais aboutir à des résultats. Au bout du compte, ils nous donnaient une chance, puis une autre et tous les jours à la Chambre ils disaient : nous nous occupons d'eux, nous leur avons donné 26 millions de dollars, tout va bien.
Ce n'est rien. C'est insuffisant. Ce n'est pas ce que nous voulons. Ça n'a aucune réelle utilité. Nous souhaitons une politique.
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce que le secteur des textiles techniques, dont on a parlé un peu et qui sont en quelque sorte des textiles d'avenir, pourrait être une façon pour l'industrie du textile d'accepter un certain nombre de choses qui ne sont pas nécessairement avantageuses en matière de vêtement mais qui lui donnerait la chance de développer de tout nouveaux types de produits? On me disait que c'était un secteur qui avait un avenir.
Mme Lucie Brassard: Les textiles techniques sont aussi utilisés pour la fabrication de vêtements.
M. Paul Crête: Principalement?
Mme Lucie Brassard: Ils sont utilisés principalement pour les vêtements de protection, les vêtements de sécurité.
Dans les lignes tarifaires, il n'y a pas de vêtements fashion, de vêtements techniques ou de vêtements de sécurité. Cela n'existe pas. Donc, si on enlève le tarif sur des tissus pour vêtements, on touche tous les vêtements at large.
M. Paul Crête: Je ne parle pas du tarif.
Si le gouvernement fédéral disait qu'il y aura dans sa stratégie un volet du programme Partenariat technologique Canada, par exemple, affecté à la recherche et au développement dans ce secteur, qu'il accordait des sommes importantes et qu'il vous indiquait des voies d'avenir intéressantes, cela serait-il un volet pertinent qui ajouterait une pièce intéressante au jeu, ou est-ce que cela ne serait tout simplement pas significatif?
Mme Lucie Brassard: Si ce n'est pas appuyé par une politique qui sécurise...
M. Paul Crête: Ce serait dans une politique.
Mme Lucie Brassard: On fait de la recherche depuis plusieurs années. On dépense de l'argent pour trouver des tissus plus techniques qui ajouteront une valeur aux tissus existants, parce qu'on sait qu'on ne peut pas être concurrentiels. Les vêtements de commodité entrent à très bas prix. Il en est de même pour nos tissus pour la fabrication de vêtements de commodité. C'est sûr qu'on ne fait pas concurrence à cela.
On a déjà monté d'une coche ou deux, et ce, depuis plusieurs années.
[Traduction]
Le président: Je connais les fonctionnaires du ministère, si M. Crête souhaite intervenir auprès de...
Mme Emmy Verdun: Je voulais simplement mentionner, comme l'a déjà fait M. Penner, que le gouvernement a créé un groupe de travail composé de représentants du gouvernement, de l'industrie du textile et du vêtement. Ce groupe de travail n'a pas réussi à s'entendre sur la question des tarifs, mais il a fait d'autres recommandations auxquelles le gouvernement a répondu.
Le président: Le gouvernement a...
M. Harvey Penner: Le problème c'est qu'il n'a absolument rien fait. Comment a-t-il réagi au TPMD? Quelle a été sa réponse?
º (1650)
Mme Emmy Verdun: Comme le président du comité l'a dit, je ne suis pas ministre des Finances, mais le gouvernement a reçu votre recommandation et a pris une décision.
M. Harvey Penner: ... « Je compatis à votre douleur. Au suivant »... C'est ce que j'entends au moment où nous tombons...
Le président: Il y a des fonctionnaires du ministère des Finances dans la salle, monsieur Penner.
[Français]
M. Paul Crête: Pourrait-on avoir des copies de ce rapport? Ce serait intéressant. L'étape suivante serait déjà faite et on pourrait faire des suggestions.
[Traduction]
Le président: Envoyez-le au greffier et le greffier veillera à le distribuer. N'est-ce pas, Paul?
Ted, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Ted Menzies: On n'est peut-être pas aussi ciblé qu'auparavant? La semaine dernière, à la conférence de l'APEC—vous parliez de la ZLEA—je n'ai pas eu l'impression qu'on tenait à poursuivre les négociations. Nous avons maintenant un nouveau sigle, pour la zone de libre-échange de l'Asie-Pacifique. Pourriez-vous me dire quelle incidence elle pourrait avoir—et je vous demande une réponse spéculative—car il me semble que ce sont ces pays de l'Asie-Pacifique auxquels vous avez affaire. Pas plus tard qu'hier matin, un nouvel accord de libre-échange a été signé avec l'ANASE, l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est. C'est le plus vaste accord de libre-échange qu'on n'ait jamais vu. Quelles en seront les répercussions...?
M. Elliot Lifson: J'aimerais faire un commentaire. La semaine dernière j'ai eu le privilège d'entretenir le Conference Board du Canada sur la Chine, car, comme vous le savez, la Chine est aujourd'hui un mot magique. On m'a demandé si on commençait à exporter des produits vers la Chine. Peut-être qu'un jour on confectionnera des complets pour hommes à Montréal qu'on vendra en Chine. Peut-être que quelqu'un ici vivra assez longtemps pour voir cela, mais je ne pense pas que ça se produise de mon vivant. Ce serait un peu comme porter de l'eau à la rivière.
M. Ted Menzies: Oui, on a déjà entendu cela.
M. Elliot Lifson: Il faut se rappeler la réalité. La réalité c'est le marché de nos voisins. Et cela me ramène à ce que je disais auparavant. La stratégie est très simple, notre principal marché c'est celui de nos voisins.
Il y a autre chose qu'il ne faudrait pas oublier. Avec nos 2,5 milliards de dollars canadiens, nous représentons un pour cent du marché total aux États-Unis. Faites le calcul, si vous doublez cela, pouvez-vous imaginer ce qui arriverait? Alors pourquoi courir le monde? Notre marché est là, c'est notre force et il faut le reconnaître.
Nous avons fait ce que nous pouvions. Nous avons créé des groupes de travail. Nous avons discuté de ces questions. Il ne fait aucun doute que ce monsieur est vraiment... J'aimerais bien être son ami. C'est le genre de personne qu'on aime avoir dans sa famille car avec lui il n'y a jamais de disputes. Il trouve toujours une solution. Mais il y a la réalité. C'est une famille. Harvey et moi nous nous parlons. Il est président de l'ICT. Nous ne sommes pas toujours d'accord. Il y a certaines réalités.
La chose que je n'envisage pas, que je n'apprécie pas, c'est lorsqu'on dit que c'est sur le dos... Ce n'est pas sur le dos de l'industrie. Il y a certaines réalités qu'il faut reconnaître. Nous ne voulons pas détruire l'industrie des textiles, et je ne pense pas que Harvey ait de telles intentions à notre égard non plus. Mais la réalité est le marché mondial. Il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas que des entreprises canadiennes qui vendent sur le marché américain; nous devons y faire face à la concurrence de tous les autres pays. Et vous savez qui est notre principal concurrent? Le détaillant. C'est lui notre principal concurrent. Ce ne sont pas les producteurs des autres pays. Soyons réalistes. C'est un fait. Comme on dit, notre industrie est l'un des piliers de notre économie, oui, mais pour combien de temps? Que faut-il faire? Il n'y a pas beaucoup d'outils.
Il y a eu des rapports de comités. Nous avons comparu devant des comités de la Chambre des communes. Nous avons comparu devant des comités du Sénat. Tout le monde était d'accord. Il faut prendre une décision. Plaira-t-elle à tout le monde? Probablement pas, mais il faut rendre une décision, car la pire chose c'est de ne pas prendre position. On ne peut pas ménager la chèvre et le chou. C'est le professeur en moi qui dit cela. J'ai un petit passe-temps, j'enseigne, croyez-le ou non, la stratégie dans le programme d'administration des affaires à McGill. Il faut faire un choix. Choisissez votre temps. Prenez une décision. Il faut prendre une décision.
Nous avons fait des recommandations. Je ne sais pas ce que je pourrais ajouter.
º (1655)
Le président: Je vous remercie, Ted. J'ai l'impression que la remise des droits de douane n'est pas vraiment la solution unique qui permettra de régler l'ensemble des problèmes, et en débattre aujourd'hui n'est pas vraiment la solution générale.
M. Elliot Lifson: Je crois que la solution est une solution en trois parties. Elle était certainement unanime et aucune n'a eu préséance sur l'autre. M. Martin en privilégie une parce qu'il a quelqu'un dans sa circonscription cela va sans dire.
Écoutez, je suis très réaliste. Heureusement que je ne suis pas un représentant élu. Je suis président de notre association simplement parce que personne d'autre ne voulait assumer ce rôle. C'est un travail très accaparant.
Je suis très heureux d'être des vôtres ici. J'aurais préféré dîner avec M. Bush, mais ce n'est pas le cas; je suis ici.
Le président: Vous n'avez pas été invité.
M. Elliot Lifson: Je n'ai même pas reçu d'invitation. Mais je peux vous dire qu'il y a une chose que nous avons. Peu importe le talent et les désirs, nous avons la passion et la volonté de réussir. N'oubliez pas que nous avons 3 000 employés.
Venez visiter notre usine. Vous auriez dû être là aujourd'hui lorsque nous avons eu la cérémonie de citoyenneté. Laissez-moi vous dire que tout le monde avait la larme à l'oeil. C'est ce dont il s'agit, c'est ce que cela représente être Canadien. Notre objectif n'est pas de dessiner une autre industrie. Nous cherchons à survivre.
Le président: Vous avez dit qu'il faut prévoir une solution globale, lorsque vous avez répondu plus tôt à M. Crête. J'ai constaté que M. Penner hochait la tête pour manifester son accord avec un grand nombre d'arguments que vous faisiez valoir. J'ai l'impression qu'il existe une certaine marge de manoeuvre qui permettra aux deux ou trois diverses industries représentées ici d'aller de l'avant.
Je terminerai en remerciant chacun d'entre vous à moins qu'il y ait d'autres commentaires.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête: Je ne sais pas si j'ai mal compris l'interprétation, mais...
M. Elliot Lifson: On peut répéter en français.
M. Paul Crête: Non, ça va. Ce que je souhaite, c'est qu'il y ait effectivement une décision. Je n'ai pas dit que je pensais qu'il fallait absolument attendre qu'il y ait consensus, j'ai plutôt dit le contraire. Mais il faut que des décisions soient prises. Ce qu'il faut aussi, c'est que nous, comme parlementaires, ayons les éléments de cela. Je pense que le dernier rapport, qui n'est pas public mais que l'on va obtenir, pourra aider. Il faut aussi que le gouvernement prenne ses responsabilités à la lumière de l'évaluation de ces choses. Il n'y a probablement pas de solution qui puisse plaire à tout le monde, mais il y a un certain nombre de solutions qui peuvent aider les deux industries, quitte à ce qu'elles restent compétitives ou en compétition pour certaines choses.
[Traduction]
Le président: Monsieur Penner.
M. Harvey Penner: J'aimerais faire un dernier commentaire. Nous nous entendons sur bien des choses. Elliot a résumé ce que j'ai essayé de dire depuis longtemps. Que l'on cesse de penser au Canada de façon isolée, il faut songer à l'Amérique du Nord, que l'on oublie le Mexique, il faut songer aux États-Unis.
Toutes les entreprises du vêtement et du textile sont axées sur les États-Unis et c'est une situation qui existe depuis les 15 dernières années, depuis l'avènement du libre-échange, et nous avons eu énormément de succès. S'il n'existe plus d'industrie du textile, vous éliminerez un grand nombre de débouchés pour l'industrie du vêtement aux États-Unis parce qu'il faut se procurer les tissus dans la plupart des cas en Amérique du Nord. Il y a des fournisseurs aux États-Unis ou il y a des fournisseurs au Canada. Si on ne conserve pas les fournisseurs, dans bien des secteurs il sera impossible de vendre aux États-Unis parce que vous n'aurez pas les intrants des États-Unis. Alors vous serez obligés de payer des droits de douane et vous ne serez plus concurrentiels.
Elliot a dit que l'industrie du vêtement représente 2,5 milliards de dollars, ce qui est une somme incroyable d'argent. Lorsque vous regardez du côté de la Chine, l'année prochaine Wal-Mart aura dans ses magasins des marchandises fabriquées en Chine qui représentent une valeur de 18 milliards de dollars. Ce n'est que Wal-Mart. Wal-Mart est une énorme entreprise, mais il s'agit de 18 milliards de dollars.
Aux États-Unis, nous faisons concurrence avec le reste du monde, mais nous avons été nettement défavorisés par le fait que nous ne possédons pas les mêmes avantages que possèdent les États-Unis grâce à des accords bilatéraux. Il est ridicule que le Canada cherche à conclure des accords bilatéraux parce que c'est un trop petit pays. Nous n'avons pas besoin d'accords bilatéraux avec le Honduras ou le Guatemala. Cela ne sert à rien sur notre marché canadien. Nous avons besoin d'une distribution fluide dans ce qui était au départ la zone de libre-échange des Amériques. C'est ce sur quoi le Canada devrait mettre l'accent.
Nous avons besoin de l'industrie du vêtement parce que nous n'avons pas de clients et nous avons besoin de l'industrie du textile parce que les textiles permettent de vendre des vêtements. Nous avons un intérêt commun et nos deux industries ont besoin des États-Unis. Alors pourquoi discutons-nous?
» (1700)
Mme Emmy Verdun: Je tiens simplement à dire que nous sommes tout à fait au courant de l'intérêt des deux industries pour la zone de libre-échange des Amériques. C'est une initiative à laquelle nous avons participé activement, mais comme vous le savez sans doute, les négociations ont été suspendues, donc il reste à voir quels seront les résultats. Les problèmes ne concernent pas uniquement le Canada. Il s'agit vraiment des deux principaux acteurs, les États-Unis et le Brésil, qui ne sont pas parvenus à régler leurs importantes divergences d'opinion. Il reste à voir si les négociations reprendront.
Pour ce qui est du cumul, qui est le terme technique pour désigner ce dont M. Penner parlait, nous avons essayé d'obtenir des États-Unis qu'ils permettent au tissu canadien d'être considéré de la même façon que le sont les tissus américains dans le cadre de leurs accords bilatéraux. Bien entendu, pour ses propres raisons, les États-Unis ne sont pas disposés à le faire. Nous continuerons d'insister sur cet aspect, mais je ne peux pas dire que je sois vraiment optimiste.
Le président: Je vous remercie.
Y a-t-il d'autres observations finales?
M. Elliot Lifson: Je tiens simplement à vous remercier à nouveau. Comparaître devant un comité... je commence à aimer Ottawa.
Le président: Nous vous remercions aussi parce que...
M. Elliot Lifson: Notre industrie est reconnaissante de cette occasion qui lui est offerte, parce que c'est un avantage dont ne profitent pas bien des gens ailleurs dans le monde. C'est pourquoi nous vous remercions.
Le président: Comme vous l'avez probablement remarqué, à l'occasion du débat d'aujourd'hui, plusieurs des exposés qui ont été présentés étaient passionnés.
M. Elliot Lifson: Effectivement.
Le président: Il s'agit d'une industrie générale qui a fait l'objet de constantes discussions depuis l'annonce par l'ancien premier ministre Chrétien de l'initiative à l'intention des pays moins développés. C'est une question qui est à l'avant-plan de nos préoccupations, et pas simplement au Québec, mais pour les membres des autres parties du pays également.
C'est une question très complexe. Elle n'est pas aussi simple que la remise des droits de douane, elle va au-delà de cela. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous tâchons d'y réfléchir collectivement.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit la représentante du ministère. Il arrive que les discussions compliquent les choses, mais il faut simplement demeurer persévérants si l'on veut réaliser des progrès.
Je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant nous. Je crois que mes collègues ici ont beaucoup apprécié vos présentations.
Des voix: Je vous remercie.
Le président: La séance est levée.