Passer au contenu
Début du contenu

SDEV Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 1 juin 2005




¹ 1530
V         Le président (M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.))
V         Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ)
V         Le président
V         Mme Madelaine Drohan (à titre personnel)
V         Le président
V         Mme Diana Bronson (coordonnatrice, Mondialisation et droits de la personne, Droits et démocratie)
V         Le président
V         Mme Madelaine Drohan

¹ 1535

¹ 1540
V         Le président
V         Mme Diana Bronson

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. Craig Forcese (professeur de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel)

¹ 1555

º 1600
V         Le président
V         M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC)
V         Mme Diana Bronson
V         M. Peter Goldring
V         Mme Diana Bronson
V         M. Peter Goldring

º 1605
V         Mme Diana Bronson
V         M. Peter Goldring
V         Mme Diana Bronson
V         M. Peter Goldring
V         Mme Diana Bronson
V         Le président
V         M. Peter Goldring
V         Le président
V         Mme Diane Bourgeois

º 1610
V         Mme Madelaine Drohan
V         Mme Diane Bourgeois
V         M. Craig Forcese

º 1615
V         Mme Diana Bronson
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.)
V         Mme Diana Bronson
V         L'hon. Paddy Torsney

º 1620
V         M. Marcus Pistor (attaché de recherche auprès du comité)
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Diana Bronson
V         M. Craig Forcese
V         Mme Diana Bronson
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Paddy Torsney
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Diana Bronson
V         L'hon. Paddy Torsney
V         M. Craig Forcese

º 1625
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Le président
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD)
V         M. Craig Forcese
V         Mme Madelaine Drohan
V         L'hon. Ed Broadbent

º 1630
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Diana Bronson
V         Mme Madelaine Drohan
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         Mme Diana Bronson

º 1635
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Le président
V         Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC)
V         Mme Madelaine Drohan
V         Le président
V         Mme Joy Smith
V         Mme Diana Bronson

º 1640
V         Le président
V         Mme Joy Smith
V         Mme Diana Bronson
V         Mme Joy Smith
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Diana Bronson
V         Le président
V         Mme Diana Bronson
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Mme Diana Bronson
V         Le président
V         M. Wajid Khan (Mississauga—Streetsville, Lib.)
V         Mme Diana Bronson
V         Mme Madelaine Drohan
V         M. Wajid Khan
V         Mme Diana Bronson

º 1645
V         Le président
V         M. Craig Forcese
V         Le président
V         M. Peter Goldring
V         Mme Diana Bronson

º 1650
V         M. Peter Goldring
V         M. Craig Forcese
V         M. Peter Goldring
V         M. Craig Forcese
V         M. Peter Goldring
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Diana Bronson

º 1655
V         Le président
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Diana Bronson
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Le président
V         Mme Diane Bourgeois
V         Mme Madelaine Drohan

» 1700
V         Le président
V         Mme Diana Bronson
V         Mme Diane Bourgeois
V         Le président










CANADA

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 1 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.)): Bonjour.

    Premièrement, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins et je voudrais les remercier d'être venus aujourd'hui pour parler d'un sujet que...

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Excusez-moi, monsieur le président... [Inaudible]

[Traduction]

+-

    Le président: Je vais y venir.

    Comme je le disais, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins et je voudrais les remercier d'être venus aujourd'hui pour parler d'un sujet très important que nous étudions depuis un certain temps. Les membres du comité ont même reçu plus tôt un projet de rapport sur la question. Nous accordons beaucoup d'importance à vos commentaires. Ils nous éclaireront davantage au sujet de la responsabilité sociale des sociétés d'exploitation minière qui mènent des activités dans les pays en développement.

    Quant aux témoins, c'est Mme Diana Bronson qui prendra la parole en premier, et ensuite ce sera Craig Forcese et Madeleine Drohan. Est-ce que cet ordre vous convient?

+-

    Mme Madelaine Drohan (à titre personnel): En fait, nous avons pensé modifier cet ordre un peu de façon à terminer par les commentaires d'ordre général.

+-

    Le président: Si vous en êtes venus à un consensus, cela m'importe peu. Je crois qu'il en va de même pour les membres. Alors, vous pouvez établir l'ordre qui vous convient.

[Français]

+-

    Mme Diana Bronson (coordonnatrice, Mondialisation et droits de la personne, Droits et démocratie): Il serait souhaitable qu'on commence avec Madelaine.

[Traduction]

+-

    Le président: Oui. Cela me paraît bien. La parole est à vous.

    Merci.

+-

    Mme Madelaine Drohan: Je vous remercie beaucoup.

    Bonjour. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à venir m'adresser au comité.

    Je suis ici en raison du livre que j'ai écrit au sujet des entreprises qui ont recours à des forces armées pour pouvoir mener leurs activités. J'ai remis au greffier deux exemplaires de mon livre à l'intention des membres du comité.

    Les entreprises que j'ai examinées oeuvraient toutes dans le secteur des ressources naturelles dans des zones de conflit en Afrique. Certaines d'entre elles étaient des entreprises canadiennes. Je sais que d'autres témoins, notamment les autres témoins d'aujourd'hui, vont brosser un tableau général du travail qui est effectué au pays et à l'étranger pour faire en sorte que les entreprises rendent davantage de comptes, alors je vais uniquement m'en tenir au cas de trois entreprises canadiennes que j'ai étudiées, et ensuite je vais formuler des commentaires généraux sur l'ensemble de mes recherches.

    La première entreprise canadienne que j'ai étudiée est Ranger Oil, de Calgary. Cette entreprise a été depuis achetée par Canadian Natural Resources, alors elle n'existe plus en tant qu'entreprise. Ranger Oil a commencé à mener des activités en Angola au début des années 1990, époque à laquelle l'Angola connaissait une guerre civile. Les sociétés pétrolières menaient leurs activités d'exploitation au large de ce pays parce que de cette façon elles étaient isolées du conflit, mais elles devaient néanmoins maintenir des bases d'approvisionnement terrestres, qui étaient vulnérables aux attaques des forces rebelles. La base d'approvisionnement de Ranger Oil située à Soyo a été saisie par les rebelles au début de 1993. La filiale angolaise de l'entreprise a fait appel à un groupe de mercenaires sud-africains, le tristement célèbre Executive Outcomes, pour reprendre possession de la base d'approvisionnement.

    Je ne sais pas si les membres du comité connaissent ce groupe, mais je peux vous dire qu'il est formé d'anciens soldats sud-africains chargés de faire observer l'apartheid et qui ont perdu leur emploi lorsqu'il y a eu un changement de gouvernement en Afrique du Sud. Ils ont donc formé une armée privée à embaucher, et Ranger Oil, une entreprise canadienne, se distingue de façon douteuse en étant la première société à lui offrir un contrat à l'étranger.

    Lorsque ces mercenaires ont repris possession de la base d'approvisionnement, ils ont bien entendu tué des gens. On ne sait pas combien de personnes ont perdu la vie parce qu'on ne dispose jamais de données fiables dans une zone de conflit.

    Tout cela est survenu en 1993, et aucune sanction n'a été imposée à l'entreprise Ranger Oil à la suite de cet incident. Cette affaire n'a soulevé aucun tollé, et aucun suivi n'a été effectué par le Parlement, en dépit du fait qu'il existe une convention des Nations Unies contre le recours aux groupes de mercenaires et leur financement. Le Canada n'est toutefois pas signataire de cette convention. Voilà donc une lacune à laquelle nous pourrions remédier immédiatement.

    La deuxième entreprise que j'ai étudiée, en fait il s'agit d'un groupe d'entreprises, est dirigée par un homme qui s'appelle Rakesh Saxena. Son histoire est plutôt compliquée. Cet homme est un banquier d'origine indienne qui est venu s'établir au Canada. Il est actuellement assigné à résidence à Vancouver et il tente d'éviter d'être extradé en Thaïlande. M. Saxena a acheté au milieu des années 1990 un certain nombre de sociétés fictives cotées à la Bourse de Vancouver. Il a fait l'acquisition de ces sociétés parce qu'il voulait les utiliser pour obtenir une concession minière pour pouvoir exploiter une mine de diamants en Sierra Leone, pays qui vivait aussi une guerre civile et dont le président était en exil.

    M. Saxena, grâce à ses entreprises canadiennes, a conclu une entente. Il a payé un groupe de mercenaires britanniques chargé de redonner le pouvoir au président de la Sierra Leone, et, en retour, le président lui attribua des concessions minières. Cette entente s'est concrétisée en partie seulement parce que M. Saxena n'a pas versé tout l'argent aux mercenaires et parce que les médias ont eu vent de l'entente et ils l'ont dévoilée.

    Lorsque cette entente est devenue publique, le Parlement britannique a tenu deux enquêtes publiques, mais le Canada, où habite M. Saxena et où ses entreprises ont leur siège social, n'a rien fait. Cette affaire n'a soulevé aucun tollé. Cela semblait envoyer un message clair aux entreprises canadiennes, c'est-à-dire qu'elles pouvaient embaucher des mercenaires sans crainte de sanction.

    L'affaire Saxena fait ressortir un autre problème que j'ai découvert en examinant un grand nombre de petites entreprises canadiennes de l'industrie des ressources, à savoir que quiconque peut venir s'établir au Canada et se déclarer une société canadienne. Les gens de la bourse vous diront qu'ils vérifient tous les propriétaires des diverses entreprises, mais le simple fait que quelqu'un comme M. Saxena puisse venir s'établir ici et créer ces entreprises semble révéler qu'il existe certains problèmes quant au processus de vérification.

    La dernière entreprise que j'ai étudiée est Talisman Energy, de Calgary. Je me suis penché sur ses activités d'exploitation pétrolière au Soudan, mais je ne vais pas parler longuement de cette société parce que j'ai l'impression que le comité en a probablement déjà entendu parler abondamment.

    Non? Je vais donc en parler un peu plus.

¹  +-(1535)  

    Il s'agit d'une entreprise beaucoup plus grande que les deux autres dont j'ai parlé. Encore une fois, c'est une entreprise qui visait à exploiter des ressources naturelles dans une zone de conflit. Elle n'a pas embauché des mercenaires; ce n'est pas de cette façon qu'elle a utilisé des forces armées. Elle a plutôt établi un partenariat avec ce qui était, et qui l'est toujours, un régime répressif au Soudan. L'entente était que Talisman fournisse l'expertise et les ressources humaines nécessaires pour aider le Soudan à produire du pétrole, et ce, en partenariat avec des Chinois, des Malaisiens et une entreprise soudanaise. De son côté, le gouvernement soudanais devait assurer la sécurité sur les lieux d'exploitation pétrolière.

    Le gouvernement soudanais a assuré la sécurité essentiellement de la même façon qu'il le fait en ce moment au Darfour. Des milices ont été armées et encouragées à garder libres certaines régions des champs pétrolifères. De nombreuses violations des droits de la personne ont été documentées. Le gouvernement a même procédé à des bombardements dans les villages.

    Contrairement aux deux autres cas précédents, il y a eu cette fois-là une réaction de la population, et le gouvernement canadien a mené une enquête. Même si le gouvernement a conclu que la présence de Talisman exacerbait la guerre au Soudan, rien d'autre n'a été fait. Le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Lloyd Axworthy, a déclaré que les outils juridiques dont il disposait ne lui permettaient pas de faire quoi que ce soit parce qu'ils pouvaient être utilisés que dans le cadre d'un effort multinational. S'il n'y a qu'une seule chose que le comité peut faire, il devrait veiller à ce que les lois canadiennes soient modifiées de façon à ce que le gouvernement ne se trouve jamais plus dans cette situation.

    Je vais terminer en exposant quatre points d'ordre général.

    Le premier, c'est que toute entreprise qui mène des activités dans une zone de conflit devient automatiquement impliquée dans le conflit, même si elle a les meilleures intentions. La raison est qu'elle verse des impôts, des redevances et des commissions à l'une des parties du conflit. Toutes les entreprises du secteur des ressources insisteront sur le fait qu'elles sont neutres, mais elles ne peuvent pas l'être dans une situation de conflit, et c'est pourquoi il faut les garder à l'oeil.

    Le deuxième point est que le Canada ne peut pas se fier uniquement au gouvernement du pays étranger pour régir les activités des sociétés canadiennes, comme l'un des témoins que vous avez déjà reçus l'a laissé entendre. On constate bien que la gouvernance est mise au rancart dans une zone de conflit. Un gouvernement qui est aux prises avec une guerre civile ou un mouvement rebelle n'a ni le temps ni l'envie de veiller à ce que les sociétés étrangères agissent de manière responsable. C'est pourquoi des mesures ont été prises dans les pays d'origine des sociétés et dans les pays à l'étranger où elles mènent des activités.

    Le troisième point est que les principes directeurs volontaires et les codes d'éthique des entreprises ne servent qu'à mener à l'établissement de codes et de lois obligatoires très musclés. Quand les entreprises veulent faire en sorte que leurs droits internationaux soient protégés, elles exercent des pressions pour que des lois soient adoptées. Alors quand il s'agit des obligations internationales des entreprises, la même norme devrait s'appliquer.

    Le dernier point est que les principes directeurs de l'OCDE, dont vous avez beaucoup entendu parler, sont trop vagues et en plus ils sont volontaires. Le non respect de ces principes n'entraîne aucune sanction; c'est ce qu'on constate lorsqu'on examine les entreprises qui mènent des activités en République démocratique du Congo. Dans son rapport, qu'a signé le ministre des Finances, Ralph Goodale, la Commission pour l'Afrique recommande que ces principes directeurs soient réécrits afin d'inclure des dispositions précises sur la façon d'éviter la création ou l'aggravation de conflits. Je ne crois pas que cela soit suffisant, mais c'est un début.

    Je dois m'arrêter ici. Je vous remercie et je serai ravi de répondre à vos questions.

¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Nous allons entendre les deux autres témoins et ensuite nous allons passer aux questions de la part des députés de tous les partis. Merci.

[Français]

+-

    Mme Diana Bronson: Je voudrais remercier le comité de m'avoir encore une fois invitée à comparaître.

    On m'a demandé de parler un peu d'un sujet dont vous avez déjà beaucoup discuté, soit les lignes directrices de l'OCDE, et de vous faire part d'alternatives qui pourraient assurer une meilleure protection à l'ensemble des droits humains touchés par les activités des sociétés canadiennes outre-mer.

    Quand on parle de  droits humains, il n'est pas uniquement question de torture et de liberté d'expression. Il s'agit aussi d'un ensemble de droits, dont les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les droits des femmes, les droits des enfants, le droit au respect de la vie privée et le droit d'accès à l'information.

    Il est important de souligner que dans l'actuel corpus de droits internationaux destinés à protéger les droits humains, ce sont les obligations des États et non du secteur privé qui sont principalement visées.

[Traduction]

    Cependant, les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l'étranger, que nous le voulions ou non, ont une influence sur le respect des droits de la personne en raison de la façon dont elles agissent avec leurs employés, les collectivités, les gouvernements et les organismes paramilitaires ou militaires. Droits et démocratie est d'avis que le gouvernement canadien a la responsabilité de veiller à ce que ces entreprises ne participent pas directement ou indirectement à des violations des droits de la personne et à ce que le soutien diplomatique, financier, politique et technique soit fourni uniquement s'il obtient l'assurance que des violations des droits de la personne n'auront pas lieu.

    Je crois que Madelaine a déjà exposé un grand nombre des problèmes que comportent les principes directeurs de l'OCDE. En ce qui concerne le respect des droits de la personne, permettez-moi de vous lire ce qu'ils stipulent : « Les entreprises devraient respecter les droits de l'homme des personnes affectées par leurs activités, en conformité avec les obligations et les engagements internationaux du gouvernement du pays d'accueil. »

    Le principal problème est le mot « devraient ». Il ne s'agit que d'une suggestion, et non pas d'une obligation. Nous avons créé le droit international en matière de droits de la personne parce qu'il défini des obligations, non seulement des résultats souhaitables.

    Deuxièmement, utiliser les obligations du gouvernement du pays d'accueil comme point de départ pourrait suffire dans certains cas. Dans d'autres cas, ce n'est pas suffisant, et dans ces cas-là, nous devons utiliser d'autres normes, notamment celles adoptées par le gouvernement du Canada et celles qui font partie du droit international coutumier.

    Troisièmement, les principes directeurs restent muets au sujet de la complicité. Par contre, le Pacte mondial des Nations Unies aborde cette question. Les principes directeurs ne sont pas suffisamment musclés; les droits de la personne constituent une question importante, dont fait état les codes d'éthique de nombreuses entreprises.

    Quatrièmement, il n'existe aucun détail au sujet des droits de la personne. On n'explique pas comment déterminer si une violation des droits de la personne a eu lieu. Je veux revenir là-dessus lorsque je parlerai du projet auquel nous travaillons, à savoir l'élaboration d'une méthode d'évaluation des répercussions sur les droits de la personne, et que j'exposerai son utilité.

    En dernier lieu, le non-respect des principes directeurs n'entraîne aucune sanction grave. J'aimerais parler d'une situation qui s'est produite. Je suis certaine que vous êtes au courant, en tant que Sous-comité des droits de la personne, de la situation désastreuse qui est survenue en République démocratique du Congo et du rapport des Nations Unies qui a été publié en 2001, lequel révélait, entre autres, que huit sociétés canadiennes ne respectaient pas les principes directeurs de l'OCDE. Naturellement, cela a beaucoup préoccupé les ONG qui se penchent sur des questions liées au développement et aux droits de la personne au Congo. Ces ONG ont d'ailleurs rédigé une lettre à cet égard. La Table de concertation sur les droits humains au Congo/Kinshasa a déposé une plainte officielle au Point de contact national du Canada, mais aucun suivi n'a été effectué et aucune enquête n'a été menée au sujet des allégations.

¹  +-(1545)  

    Même l'affaire qui était encore en instance à la fin n'a suscité aucune réponse, sauf la déclaration que le rapport final des Nations Unies n'indique aucun problème. Le rapport indiquait en fait que les allégations étaient peut-être fausses, que la situation était peut-être réglée et que l'entreprise a peut-être déclaré qu'elle allait améliorer son comportement. Quoi qu'il en soit, on n'a pas su de quelles entreprises il était question.

    À cette époque, Madelaine avait rédigé un excellent article pour le Globe and Mail, et je suis certaine qu'elle aurait des commentaires à émettre à ce sujet.

    Alors, de quoi avons-nous besoin? Nous avons besoin d'outils qui nous permettront d'évaluer, d'une façon plus complète, les répercussions sur les droits de la personne. Ce n'est pas suffisant de dire que les entreprises doivent respecter les droits de la personne. Souvent, les questions auxquelles les entreprises sont confrontées ne sont pas celles auxquelles on s'attendrait. Par exemple, les questions liées au droit au logement sont souvent importantes dans le secteur de l'exploitation des ressources. Les gens sont dépossédés de leurs terres et ils ne sont pas indemnisés correctement. Il n'existe aucun mécanisme d'appel pour eux et ils ne sont pas bien renseignés à propos de ce qui se passe. Il y a des violations des droits de la personne, et c'est le genre de chose que nous devrions examiner.

    Diverses méthodes d'évaluation des répercussions sur les droits de la personne sont en train d'être établies. Certaines méthodes sont élaborées par des entreprises et d'autres le sont par des tribunes multilatérales. Celle qu'est en train d'établir Droits et démocratie est fondée sur les United Nations Norms of the Responsibilities of Trans-National Corporations and Other Business Enterprises with Regard to Human Rights, que j'ai déposées lorsque j'ai comparu devant le comité il y a deux mois. Il est avantageux d'utiliser ces normes parce qu'elles ont été élaborées par un organisme multilatéral. Elles traduisent la question du respect des droits de la personne en concepts et en mécanismes pertinents pour le secteur privé.

    Nous sommes en train d'élaborer une série d'indicateurs pour chaque article de ces normes. Nous allons mettre ces indicateurs à l'essai dans le cadre de trois études de cas, ou fort probablement cinq, étant donné que Droits et démocratie vient de recevoir des fonds supplémentaires grâce en partie à des recommandations formulées par des membres du comité. Nous mettrons cette méthodologie à l'essai. Elle a été élaborée par un groupe d'experts internationaux. Notre objectif est de montrer que ce n'est pas tellement difficile. Nous voulons démontrer qu'il est possible d'effectuer une évaluation complète, tout comme on peut faire une évaluation complète des répercussions des activités d'une entreprise sur l'environnement.

    Nous sommes d'avis qu'une évaluation des répercussions sur les droits de la personne devrait être effectuée dans tous les cas. Il est certain qu'une évaluation devrait toujours être faite en ce qui concerne les entreprises qui oeuvrent dans des industries qui suscitent la controverse. Si une entreprise exporte des technologies de surveillance en Chine, appuie l'exploitation minière au Congo, travaille à l'infrastructure en Colombie ou fournit du matériel de sécurité à l'Irak, il est certain qu'elle devrait faire l'objet d'une évaluation complète des répercussions sur les droits de la personne avant qu'elle ne puisse recevoir n'importe quel des nombreux services que le gouvernement canadien offre aux entreprises canadiennes qui exportent ou qui investissent à l'étranger.

    L'investissement direct à l'étranger peut contribuer à améliorer le respect des droits de la personne en créant des emplois, en transférant de la technologie et en fournissant de l'infrastructure. Mais tant que les droits de la personne ne font pas partie de l'équation et ne sont pas pris en compte à toutes les étapes du processus, il sera impossible d'améliorer la vie des gens et de leur garantir la dignité promise dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.

    J'aimerais en terminant formuler deux grandes recommandations. L'une est de renforcer les principes directeurs de l'OCDE en donnant suite aux plaintes par l'entremise d'enquêtes et de rapports publics présentant les résultats de ces enquêtes. Cela donnerait davantage de poids aux principes directeurs et les rendrait plus efficaces. C'est ce que font d'autres pays. La Suède, par exemple, mène des enquêtes au sujet d'entreprises que l'on accuse de ne pas respecter les principes directeurs. Ce pays a même fait appel à des experts et à des universitaires canadiens pour obtenir leur opinion.

    Deuxièmement, nous recommandons que le soutien offert par le Canada au commerce et à l'investissement soit offert uniquement à condition qu'une évaluation complète des répercussions sur les droits de la personne soit menée, surtout dans les secteurs et les pays à risque élevé. Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'attendre l'obtention d'un consensus multilatéral à cet égard. Il est question de fonds publics canadiens qui s'en vont à l'étranger, et il est de notre devoir de veiller à ce que nos obligations en matière des droits de la personne soient respectées.

    Merci.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Merci.

    Craig Forcese, la parole est à vous.

+-

    M. Craig Forcese (professeur de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel): Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. En préparant mon exposé, je suis tombé sur une citation d'un poète canadien qui s'appelle Robin Skelton, qui a déjà dit que, lorsque quelqu'un prétend que c'est bon pour les affaires, on peut être certain que c'est mauvais sur le plan moral. C'est une vision satirique que je ne partage pas nécessairement.

    Avant de commencer, je voudrais vous faire part d'une autre citation qui provient d'un spécialiste de la déontologie des affaires, qui s'appelle Costa. Il a dit: « Les affaires n'ont rien de parfait, mais elles constituent une des rares lueurs d'espoir pour les personnes dans le monde. » La principale question que s'est posée le comité au cours des audiences qu'il tient au sujet de la responsabilité sociale des entreprises et de l'industrie minière canadienne est la suivante: comment faire en sorte que les affaires demeurent une lueur d'espoir et ne soient pas mauvaises sur le plan moral dans les pays qui affichent de piètres résultats sur le plan des droits de la personne?

    Permettez-moi de proposer quelques thèmes qui devraient selon moi guider vos délibérations et de présenter certaines solutions.

    Premièrement, je crois qu'il est important de souligner que le respect des droits de la personne constitue un avantage concurrentiel pour la plupart des entreprises. Les entreprises deviennent prospères plus rapidement lorsque la bonne gouvernance, la démocratie et le respect des droits de la personne contribuent à créer un climat propice au développement économique durable.

    En effet, le Fraser Institute—j'aime bien pouvoir citer cet organisme—a conclu qu'il existe un lien très étroit entre ce qu'on appelle la liberté économique dans un pays, c'est-à-dire la mesure dans laquelle une personne peut mener des activités sans l'ingérence de l'État, et le rang qu'il occupe dans le classement établi par les Nations Unies en ce qui a trait au développement humain. On peut donc dire que les pays qui obtiennent un bon classement sur le plan du développement humain sont également des pays qui font bonne figure sur le plan du respect des droits de la personne.

    À l'inverse, bien entendu, les pays où l'on ne respecte pas bien les droits de la personne sont souvent des pays peu propices aux affaires. Faire des affaires dans des pays qui font mauvaise figure sur le plan du respect des droits de la personne représente un coût pour les entreprises. Les gouvernements répressifs sont souvent des régimes capricieux et peu responsables. Mener des affaires dans un tel climat peut mettre en péril non seulement les avoirs d'une entreprise, mais aussi la vie des employés.

    Par exemple, des gens d'affaires américains ont été emprisonnés et torturés dans des pays où il existe des violations des droits de la personne simplement en raison de conflits contractuels avec des entreprises locales. Certes, les entreprises peuvent tenter de minimiser les risques lorsqu'elles mènent des affaires dans des pays instables en incluant dans les ententes des dispositions en matière d'arbitrage international afin de protéger leurs contrats ou bien en contractant une assurance contre les risques politiques pour protéger leurs avoirs et leurs employés, mais cela engendre aussi un coût.

    Un article publié en mars 2003 par la compagnie d'assurance Lloyd's révélait que, dans les pays à marché émergent, le coût d'une assurance contre les risques politiques peut entraîner une diminution du taux de rendement des investissements ou, dans le pire des cas, menacer la viabilité du projet. Les entreprises qui tentent de réduire les risques en retenant les services de militaires pour assurer la protection matérielle font face à certains problèmes. Parfois, il arrive que ces militaires en question se retournent contre elles. En 2003, par exemple, on s'est interrogé on sujet du rôle de militaires indonésiens dans le meurtre de plusieurs employés d'une société américaine d'exploitation minière en Indonésie. Dans d'autres cas, le comportement intolérable des militaires entache la réputation de l'entreprise qui a recours à eux, ce qui a une incidence sur bien des choses, allant des rapports de l'entreprise avec le gouvernement de son pays d'origine jusqu'à la valeur de ses actions.

    Les droits de la personne sont donc bons pour les affaires, parce que leur respect est caractéristique d'un bon climat d'affaires, et le non-respect de ces droits par certains pays est fortement associé à un horrible contexte commercial. Pourtant, malgré les avantages commerciaux évidents que de bonnes normes en matière de droits de la personne garantissent aux entreprises, certaines entreprises canadiennes continuent leurs activités dans des contextes difficiles pour les droits de la personne, ce qui est éminemment problématique. Il arrive encore parfois que de mauvaises pratiques en matière de droits de la personne ou que la complicité avec les contrevenants engendrent des profits.

    Les autres témoins ont présenté plusieurs études de cas. Je vous recommande aussi le travail de Georgette Gagnon, Audrey Macklin et Penny Simmons, soit leur rapport intitulé Deconstructing Engagement.

    Le plus préoccupant dans les observations de ces chercheurs et d'autres, ce sont les cas de commerce qu'on qualifie de militarisé, soit des activités menées dans des zones de conflit où des entreprises en arrivent parfois à établir des relations étroites de codépendance avec les armées qui bafouent les droits de la personne. Là où il y a du commerce militarisé, la réputation du Canada risque d'être souillée. C'est une observation que partagent d'autres témoins du gouvernement qui ont comparu devant vous.

    Lorsque des entreprises canadiennes participent au commerce militarisé, il peut devenir difficile d'atteindre certains autres objectifs importants de la politique étrangère. Les efforts déployés par le Canada pour promouvoir les droits de la personne, la sécurité humaine et la responsabilité de protéger, par exemple, sont minés lorsque d'autres pays peuvent décrire le Canada comme un pays hypocrite.

    Il me semble que le Canada doit assortir sa responsabilité de protéger la doctrine d'une obligation de prévenir son non-respect. Dans ce cas-ci, il doit empêcher le commerce militarisé et faire en sorte que les entreprises canadiennes ne favorisent pas des façons de faire irrespectueuses des droits de la personne. Il n'y a rien dans les lois qui empêche le Canada de le faire. Le droit international autorise clairement les États à prescrire un comportement à leurs entreprises nationales, où qu'elles se trouvent.

    Laissez-moi aussi souligner que le Canada ne peut pas passer inaperçu dans le dossier du commerce militarisé pour plusieurs raisons. Premièrement, les groupes non gouvernementaux canadiens et la presse ont été sensibilisés au lien entre le commerce et les droits de la personne par la controverse de Talisman-Soudan à la fin des années 1990 et ils sont maintenant bien au courant du dossier du commerce militarisé.

    Deuxièmement, les entreprises canadiennes sont des joueurs importants dans l'industrie mondiale de l'extraction de ressources, particulièrement en exploitation minière. L'histoire montre que les entreprises qui exploitent des ressources sont les plus susceptibles de contribuer au commerce militarisé. Elles ont des immobilisations qui nécessitent la protection de forces de sécurité parfois violentes. De plus, les redevances générées par leurs projets aboutissent directement dans les coffres de régimes parfois répressifs, ce qui accroît leur capacité de rester au pouvoir et de perpétuer la violence.

    Troisièmement, le gouvernement ne s'est tout simplement pas doté d'une véritable stratégie contre le commerce militarisé. Comme les témoins du gouvernement qui ont comparu devant vous l'ont indiqué, le gouvernement reste déterminé à promouvoir la responsabilité sociale des entreprises par des remontrances et des codes de conduite volontaires. Même là, le gouvernement n'emboîte pas le pas des États-Unis et du Royaume-Uni, qui appuient un code axé directement sur l'utilisation de forces militaires privées et publiques par les entreprises exploitantes de ressources.

    De plus, le gouvernement a indiqué à plusieurs reprises qu'il n'avait aucun moyen juridique de punir les entreprises qui refusent de se conformer aux normes volontaires qu'il recommande. Sa propre analyse de ses pouvoirs en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales est discutable pour diverses raisons que je pourrai expliquer davantage pendant la période de questions. Le gouvernement affiche l'opinion contraire à celle qu'il défendait sur cette loi lorsqu'il a comparu devant le Parlement pendant la promulgation de cette loi, en 1992.

    Nul besoin de dire que la position du gouvernement sur l'absence d'outils juridiques crée un véritable malaise. Une entreprise qui serait prête à participer au commerce militarisé ne serait pas embêtée par des querelles d'éthique. Elle ne serait pas susceptible de répondre favorablement à une demande non contraignante du gouvernement de cesser ses activités et de s'en abstenir. Comme les critiques de la politique gouvernementale le font observer souvent, le gouvernement se contente de lever les bras et de dire qu'il n'a aucun moyen de sévir contre les entreprises délinquantes.

¹  +-(1555)  

    Pour ces raisons, je pense qu'il est inévitable que l'épisode Talisman se répète. Ce n'est qu'une question de temps. Laissez-moi proposer quelques solutions.

    Premièrement, les entreprises qui se conforment à un ensemble de base de normes en matière de droits de la personne devraient être reconnues et félicitées. Dans la mesure où la loi le permet, le gouvernement du Canada devrait leur accorder une aide préférentielle pour la promotion du commerce, des fonds d'Exportation et développement Canada, l'accès aux missions d'Équipe Canada et des possibilités de marchés publics.

    Deuxièmement, les entreprises qui proposent des projets dans des pays où le gouvernement du Canada s'inquiète beaucoup des droits de la personne devraient être obligées de préparer des études d'impact sur les droits de la personne pour indiquer comment elles comptent prévenir les incidences négatives sur les droits de la personne avant d'obtenir de l'aide du gouvernement, soit directement soit par des institutions comme Exportation et développement Canada.

    Troisièmement, les entreprises délinquantes qui refusent de s'engager à adopter un comportement approprié ne devraient pas avoir accès aux mesures d'aide ni aux marchés publics du gouvernement. C'est en effet le système proposé en Belgique dans le projet de loi 648, qu'il me fera plaisir de vous remettre si vous ne l'avez pas déjà vu.

    Le gouvernement devrait lui aussi préparer une loi prévoyant des sanctions appropriées qui lui permettraient d'exercer des pressions sur les entreprises qui ne respectent pas les normes en matière de droits de la personne. Ces sanctions pourraient aller du retrait sélectif des crédits pour impôt étranger à l'obligation stricte que ces entreprises cessent leurs activités contrevenantes.

    Enfin, à l'échelle internationale, le Canada devrait travailler avec les États qui partagent ses valeurs, probablement au G-8 ou à l'OCDE, afin d'élaborer un traité international sur les multinationales et les droits de la personne, dont la portée serait comparable à celle de la convention récente de l'OCDE sur la corruption des fonctionnaires. Un tel accord international équilibrerait les règles du jeu pour tous les pays qui exportent des capitaux, limitant ainsi le risque que des violations des droits de la personne se perpétuent pour l'obtention de gains concurrentiels à court terme.

    S'il prenait de telles mesures, le gouvernement du Canada montrerait une forte volonté de favoriser un milieu d'entreprise au sens des affaires sans pareil et dont l'éthique reflète totalement les valeurs fondamentales que le Canada projette dans le monde. Avec une telle culture d'entreprise, les bonnes affaires correspondraient à une bonne moralité et même, à une bonne politique étrangère, de quoi bouleverser Robin Skelton.

    Merci.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. J'ai beaucoup de notes, et je suppose qu'il en va de même pour mes collègues.

    Nous allons commencer la période de questions avec M. Goldring.

+-

    M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je vous remercie beaucoup de vos exposés.

    Je vais commencer par les études d'impact sur les droits de la personne. Vous en avez parlé, et je suppose que cela renvoie au règlement de l'OCDE. Ces études se feraient-elles toutes selon les règles de l'OCDE? Seraient-elles toutes prévues dans ces règles?

+-

    Mme Diana Bronson: Je pense que l'étude d'impact sur les droits de la personne est une application en détail de ce que prescrit article. L'article dicte que les entreprises doivent respecter les droits de la personne, cela nous permet de dire qu'elles doivent respecter la liberté d'information, le droit à un niveau de vie adéquat, le droit à la vie privée et les droits procéduraux.

+-

    M. Peter Goldring: Oui, mais ce sont là des règles générales qui sous-entendent d'autres règles. Autrement dit, je pense que nous parlons là d'études d'impact sur les droits de la personne pour les entreprises. Je suis certain qu'il y en a déjà eues. Je suis aussi certain qu'il doit y avoir une certaine normalisation de ces études, ou du moins je l'espère. L'une des difficultés est d'établir quels règles et critères d'évaluation on utilisera et s'il ne faudrait pas utiliser les règles de l'OCDE qui existent déjà. Qui se serait responsable des formulaires et des questionnaires d'étude d'impact sur les droits de la personne auxquels les entreprises pourraient répondre?

+-

    Mme Diana Bronson: Pour les études d'impact sur les droits de la personne, nous en sommes là où nous en étions pour les études d'impact environnemental il y a 20 ans. C'est un domaine encore tout nouveau. La méthodologie n'est pas encore rodée. La Banque mondiale, l'ONU ainsi que Droits et Démocratie se penchent sur la question. Plusieurs ONG et plusieurs groupes professionnels y travaillent aussi. Entre autres, l'International Business Leaders Forum, dont le siège social se trouve à Londres, mène un projet de recherche de taille à ce sujet.

    Nous pourrions procéder de différentes façons. Il y a la régie interne d'entreprise; les entreprises pourraient avoir une liste de critères pour vérifier qu'elles ne violent pas les droits de la personne dans leurs investissements. Il y a aussi la réglementation gouvernementale, c'est-à-dire que nous imposerions des critères. Il y a ensuite l'intervention de la société civile, c'est-à-dire la façon dont une collectivité serait en mesure d'articuler et d'évaluer l'impact sur les droits de la personne d'un investissement minier, par exemple.

+-

    M. Peter Goldring: C'est là où les choses se compliquent. J'ai entendu beaucoup de « ou » et j'imagine que c'est aussi l'opinion de bien d'autres personnes.

    Le fait est que les Nations Unies ont des normes et des règles sur bien d'autres questions. N'est-ce pas à ce niveau que cela doit se produire? N'y a-t-il pas un organisme international qui est à la veille de nous proposer un ensemble de critères à suivre par toutes les entreprises dans le monde?

º  +-(1605)  

+-

    Mme Diana Bronson: Je ne pense pas qu'il y ait de désaccord, vraiment, ou très peu, sur les normes en tant que telles. En toute honnêteté, ce sont surtout les outils d'évaluation qui nous préoccupent encore. Comment établir le lien de causalité? Comment définir la responsabilité? C'est à ce type de question qu'il faut répondre, et pour être parfaitement franche, je crois qu'il serait de la prérogative du gouvernement du Canada de décider comment nous allons procéder.

    En bout de ligne, lorsqu'on adopte un code...

+-

    M. Peter Goldring: Je peux tout à fait comprendre que ce n'est que la pointe de l'iceberg, qu'il faut établir des normes et une façon de les faire appliquer, mais je pense qu'il serait nécessaire d'adopter des règles communes à tous les pays pour qu'il y ait une compréhension commune au départ, parce que ce n'est vraiment que le début. Il faut aussi se demander qui va surveiller la situation. S'agira-t-il d'une surveillance internationale? Comment procéderons-nous? Je pense qu'on a proposé qu'une demande soit présentée avant qu'une entreprise puisse obtenir de l'aide internationale. Mais dans la réalité, il doit y avoir une période de transition, même pour cela.

    Je pense que la base même serait de déterminer s'il y a des critères communs pour l'étude d'impact sur les droits de la personne, pour que diverses industries et divers pays puissent suivre une certaine méthode commune pour commencer.

+-

    Mme Diana Bronson: En toute honnêteté, je vous répondrai que nous ne sommes pas encore rendus là. Nous n'avons pas encore d'entente à cet égard, mais nous y arrivons. Il semble clair que les critères doivent se fonder sur le droit international, sur les traités négociés par les gouvernements qui ont accepté volontairement de les respecter. Il y a donc un problème de mise en oeuvre.

    Bon nombre des problèmes que vous soulevez s'appliquent aussi aux études d'impact environnemental : qui paie? Qui fait rapport à qui? Comment mesure-t-on les résultats? Quelle est la méthodologie? À quels chercheurs fait-on confiance? Cela ne signifie pas du tout que ce ne sont pas des outils utiles. Nous devons absolument nous doter de tels outils, puis nous bâtirons leur crédibilité en les utilisant et en voyant combien ils peuvent nous aider à prévenir les problèmes, pas seulement à documenter les problèmes qui s'observent déjà, mais à prévenir d'autres problèmes à l'avenir.

    Supposons que vous dirigiez une entreprise et que vous vous apprêtiez à exploiter une mine dans une région peuplée par des Autochtones qui sont très attachés à leurs terres. Si vous faisiez une étude d'impact sur les droits de la personne avant d'entreprendre votre exploration ou votre exploitation de la ressource, vous partiriez d'un bien meilleur pied. Vous établiriez une bien meilleure relation avec cette collectivité et vous éviteriez beaucoup de problèmes éventuels.

+-

    M. Peter Goldring: Je le comprends tout à fait, mais il doit bien y avoir d'autres pays qui ont leur propre forme d'étude d'impact. Ne serait-il pas important d'avoir une discussion commune? N'est-il pas présomptueux de la part du Canada d'avoir sa propre façon de faire et que chaque autre pays fasse à sa façon aussi? Il y aurait alors tout un éventail de modes d'évaluation dans le monde, plutôt qu'un modèle commun et une collaboration avec les organismes internationaux.

    Autrement dit, ne faudrait-il pas mettre l'accent sur les organismes internationaux plutôt que sur le gouvernement du Canada?

+-

    Mme Diana Bronson: Nous mettons l'accent sur le droit international, que le Canada enjoint d'autres pays d'endosser. Ce sont les normes que nous allons évaluer. En fait, il y a beaucoup d'exemples d'études d'impact social. L'un des problèmes de ces études, que les grandes entreprises font de façon routinière, c'est qu'elles manquent de rigueur. Le droit international sur les droits de la personne leur apporte une norme acceptée à l'échelle internationale, des normes juridiques acceptées par les gouvernements. Je suis donc d'avis que l'étude d'impact sur les droits de la personne nous aide à systématiser ces connaissances et à fonder notre évaluation non pas sur l'opinion d'une personne, mais sur la conformité au droit international.

+-

    Le président: Votre temps est écoulé. Vous pourrez reparler au prochain tour.

+-

    M. Peter Goldring: D'accord.

+-

    Le président: Madame Bourgeois.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Merci, monsieur le président.

    Mesdames, messieurs, merci de nous donner votre point de vue sur ce dossier qui m'intéresse énormément.

    D'abord, j'aimerais savoir si vous allez nous laisser vos textes afin que nous puissions nous y référer ultérieurement. Deuxièmement, votre jugement sur les lignes directrices de l'OCDE semble être le même. L'une d'entre vous dit que les lignes directrices sont trop vagues et qu'elles devraient être remaniées, alors que Mme Bronson croit que les obligations appartiennent aux États et non aux entreprises privées. Finalement, M. Forcese nous dit que le Canada n'a pas de loi contre le commerce militarisé.

    Vous faites un tableau bien sombre de ces principes directeurs dont je me suis servie pour rédiger une motion que j'aurais aimé que nous étudiions aujourd'hui. En lisant ces principes directeurs, j'ai vu qu'on y parlait des points de contact nationaux. Le comité pourrait demander au gouvernement canadien de mettre de l'avant le travail de ces points de contact nationaux. Cependant, vous semblez dire que, finalement, c'est tellement vague qu'on ne devrait pas s'attendre à grand-chose quant aux principes directeurs de l'OCDE. Est-ce exact?

º  +-(1610)  

[Traduction]

+-

    Mme Madelaine Drohan: J'aimerais mentionner une chose sur les points de contact nationaux dont vous parlez, parce que même si les lignes directrices que nous avons sont vagues, il y a certains domaines dans lesquels nous pourrions utiliser les points de contact nationaux. Il y a toutefois un problème d'attitude.

    Je sais que vous avez reçu Vern MacKay des Affaires étrangères, qui est un point de contact. Lorsque la plainte sur les huit entreprises canadiennes au Congo a été déposée et qu'il l'a examinée, lorsqu'il a répondu aux demandes des gens à ce sujet, il a essentiellement donné l'impression qu'il voyait son travail comme un travail d'information sur les lignes directrices, mais pas nécessairement d'intervention.

    Il y a des groupes internationaux qui se sont penchés sur la question afin de déterminer ce que les points de contact nationaux pouvaient faire, et ils estiment qu'ils peuvent aller plus loin que cela. Ce n'est toutefois pas l'attitude qui prévaut au Canada. Donc, même si les lignes directrices sont vagues, nous pourrions en faire plus, mais il serait certainement préférable que nous resserrions les règles et que nous les rendions plus explicites.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Si je comprends bien, premièrement, il faudrait que le comité lui-même élabore, à partir des recommandations de M. Forcese, des actions qui pourraient être mises de l'avant.

    Deuxièmement, le Canada n'a pas de loi pour sévir en matière d'exploitation dans d'autres pays. J'essaie de trouver mes mots. Vous êtes habitués à ce type de dossier, alors que nous avons un peu plus de difficulté. Bien que le Canada n'ait pas de loi, a-t-il quand même des principes directeurs? Existe-t-il une base sur laquelle les députés pourraient s'appuyer pour élaborer une loi qui permettrait d'arrêter les entreprises canadiennes qui ne respectent pas les droits humains dans les autres pays?

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: Je vais répondre à votre deuxième question sur l'absence d'une loi.

    D'abord, la loi qui autorise le gouvernement du Canada à obliger une entreprise à cesser certaines activités se nomme la Loi sur les mesures économiques spéciales. Elle a été utilisée une fois pour obliger des entreprises canadiennes à cesser certaines de leurs activités. C'était en ex-Yougoslavie, et nous l'avons utilisée parce qu'un organisme international dont nous faisions partie nous avait demandé faire cesser les activités des entreprises canadiennes en ex-Yougoslavie pendant le conflit au Kosovo.

    Le gouvernement a refusé d'utiliser le même pouvoir au Myanmar, où il y a une entreprise canadienne qui mène des activités conjointes avec le régime myanmar. Il a refusé de faire appliquer cette loi à Talisman. Les deux fois, il a dit ne pas pouvoir utiliser cette loi unilatéralement, à moins qu'il n'y ait un conflit international de l'envergure de la première Guerre du golfe. C'est une conclusion discutable, parce que lorsque cette loi a été adoptée au Parlement en 1992, le conseiller juridique des Affaires extérieures d'alors a dit qu'il n'y avait aucune disposition juridique empêchant le gouvernement d'utiliser la Loi sur les mesures économiques spéciales unilatéralement, à sa discrétion. Aujourd'hui, le gouvernement affirme le contraire.

    J'ai les transcriptions du Hansard. J'ai écrit un rapport à ce sujet il y a cinq ans. Rien n'a changé depuis. Je pense que c'est honteux.

    L'une des possibilités serait donc de dire simplement au gouvernement qu'il est ridicule, qu'il a ce pouvoir. La seconde possibilité serait de lui dire que si nous n'avons pas ce pouvoir, comme il le dit, nous devrions changer la Loi sur les mesures économiques spéciales afin d'y prescrire clairement que le gouvernement a le pouvoir d'imposer unilatéralement des sanctions d'investissement aux entreprises canadiennes qui bafouent gravement les droits de la personne. Dans ce rapport, je propose même une modification pour le faire. En fait, la formule que j'utilise se fonde sur un amendement que Lloyd Axworthy a tenté de faire adopter en 1992, lorsque la loi a été promulguée.

    Il y a donc un manque de volonté politique. C'est ce que je conclus.

º  +-(1615)  

+-

    Mme Diana Bronson: Si je peux ajouter un mot sur les points de contact nationaux et les lignes directrices de l'OCDE, je pense que nous devons absolument renforcer ces lignes directrices. Il le faut. La majorité des organisations et des sociétés civiles aux prises avec ces problèmes ne les aiment pas parce qu'elles constituent un code volontaire, mais il y a tout de même quelque chose à faire avec les lignes directrices de l'OCDE. Je pense qu'il faut en approfondir le contenu, définir ce que nous voulons dire par cette phrase sur les droits de la personne.

    Rien ne nous empêche d'adopter une politique gouvernementale pour déterminer ce que cela veut dire et ce que nous allons en faire; nous pourrions préciser notre interprétation. Je ne sais pas très bien comment il faudrait procéder juridiquement, mais je suis certaine qu'il y a de bonnes âmes qui pourraient nous aider en sens.

    Il est intéressant de souligner qu'un organisme appelé OECD Watch s'est réuni le printemps dernier en Europe; des ONG de partout dans le monde se sont réunis pour évaluer leurs points de contact nationaux et toute l'information à ce sujet a été publiée sur Internet. Le Canada a marqué de très bons points en matière de promotion. Une bonne chose que nous faisons de ce point de contact, c'est de le promouvoir. Nous diffusons beaucoup de dépliants. Beaucoup de personnes en connaissent l'existence. Nous en entendons beaucoup parler. Ce qui cloche, c'est la fonction d'enquête, de suivi, et nous pourrions probablement rendre conditionnels au respect des lignes directrices de l'OCDE les programmes d'EDC, de l'ACDI et les autres activités de promotion du commerce. Ce n'est pas l'option la plus solide, mais ce pourrait être une solution immédiate.

    Si l'on rendait notre financement conditionnel, il faudrait évidemment mettre en place un mécanisme pour décider qui respecte ou non un éventuelle entente contractuelle signée avec les entreprises afin qu'elles s'engagent à respecter ces dispositions, mais je ne pense pas qu'il soit constructif en ce moment de vouloir intensifier nos activités de promotion, parce que je pense que nous le faisons déjà très bien. Le Canada était le pays donné en exemple pour la fonction de promotion. Il a son propre site Web. Il a beaucoup de dépliants. Cette partie se fait très bien.

+-

    Le président: Merci infiniment.

    Madame Torsney.

+-

    L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Il y a au moins une chose que nous faisons bien.

    Nous parlons de divers niveaux d'intervention, et je pense que la question ne se pose pas seulement dans les régions où sévissent des conflits. M. Forcese, je pense que vous nous avez parlé surtout des régions où il y a des conflits pour ce qui est de l'application de la Loi sur les mesures économiques spéciales, mais je pense que notre comité veut aller plus loin. Ce sont certainement des circonstances spéciales, et si nous avons une loi, nous ferions bien de nous demander pourquoi nous ne l'utilisons pas.

    Pour revenir à la structure existante et au pouvoir d'enquête du PCN, le point de contact national, est-ce lui qui devrait faire enquête, madame Bronson, ou est-ce que ce devrait être quelqu'un d'autre, si ce n'est pas fait de façon satisfaisante?

+-

    Mme Diana Bronson: D'autres peuvent avoir des avis différents à ce sujet. Tout ce que je dis, c'est que le PCN a actuellement le mandat pour ce faire et d'ailleurs, d'autres PCN le font. De toute évidence, si je devais mettre sur pied ou proposer un cadre plus global d'enquête sur toute atteinte aux droits de la personne, je serais beaucoup plus ambitieuse et en ferais beaucoup plus.

    J'aimerais vous renvoyer toutefois en particulier à—il s'agit d'un document qui pourrait vous intéresser de toute façon, rédigé par une professeur de sciences politiques à l'UQAM, Bonnie Campbell, qui a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères le 19 avril. Presque tout son exposé porte sur les sociétés minières canadiennes en Afrique. Elle est l'universitaire dont j'ai parlé qui reçoit des appels du point de contact national de Suède pour l'informer de ce que font les sociétés dans les pays dont elle est spécialisée.

    Je pense tout simplement que nous pouvons être plus agressifs à cet égard, et également transparents lorsque l'on rend compte au public de ce qui se fait.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Oui, certainement je recommanderais que l'on distribue cette information.

    Le rapport de Marcus traite des contacts établis par le PCN avec les sociétés. Mais vous avez raison, il ne précise pas vraiment qui a fait quoi; toutes ces sociétés sont considérées comme un groupe et peut-être n'est-ce pas assez précis.

º  +-(1620)  

+-

    M. Marcus Pistor (attaché de recherche auprès du comité): J'aimerais préciser que le document qui est distribué aujourd'hui fait partie de la réponse du gouvernement au rapport sur l'Afrique.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Oui, il s'agit de la réponse du gouvernement au dernier rapport, particulièrement au sujet du Congo et de ce que les huit sociétés dont vous parlez soi-disant font... Le sous-comité « exhorte le groupe à poursuivre son travail sur la complicité des entreprises dans le pillage des richesses naturelles du pays ». La réponse du gouvernement à cet égard indique le fait que le PCN a eu des rencontres de suivi avec les sociétés, etc. Il y est également indiqué qu'il « envisage actuellement de faire une meilleure promotion des principes directeurs de l'OCDE », par conséquent, nous allons peut-être l'inciter à mettre l'accent sur le processus d'enquête, peut-être.

    Même si Vern MacKay a en quelque sorte comparu ici, le processus du comité ne s'est pas nécessairement poursuivi à cause d'autres engagements ce jour-là. Je me demande s'il pourrait ramener son équipe pour que nous ayons une discussion plus approfondie.

+-

    Le président: Il va falloir vérifier notre calendrier, mais j'en prends note. Nous en parlerons à huis clos.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: D'accord.

    Madame Bronson, vous décrivez le processus et certains des choix qui pourraient se faire dans la réponse de M. Goldring, et vous dites que vous pourriez faire ceci ou cela ou encore autre chose. Toutes ces propositions ne s'excluent pas l'une l'autre. Ne pourriez-vous pas prendre une série de mesures? Certaines pourraient être davantage applicables aux pays qui vivent des conflits et certaines de celles proposées par M. Forcese pourraient les compléter. Vous pourriez lancer tout un ensemble d'initiatives qui renforceraient les objectifs et obligations des sociétés au chapitre des droits de la personne, que nous recherchons, n'est-ce pas?

+-

    Mme Diana Bronson: Absolument. Lorsque nous comparaissons devant des comités comme le vôtre, le danger c'est que nous arrivons avec 45 recommandations, si bien que j'ai essayé de me limiter à cet égard. Il y a bien sûr toute une liste assez longue de mesures qui peuvent être prises. Beaucoup de documents ont été rédigés par des universitaires et des spécialistes ONG au sujet des diverses façons permettant d'accroître la responsabilité des entreprises et de renforcer les mesures juridiques. Craig, a d'ailleurs un tel document.

    Peut-être voulez-vous en parler, Craig.

+-

    M. Craig Forcese: Le document de 1997?

+-

    Mme Diana Bronson: Le document AJCRDPM, effectivement, qui date de 2000 peut-être.

+-

    M. Craig Forcese: Il vise essentiellement le scénario Birmanie-Soudan, mais je peux vous en laisser un exemplaire pour que vous puissiez vous informer au sujet des mesures juridiques.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: D'accord.

+-

    M. Craig Forcese: Puis-je faire une observation à propos de ce que vous avez dit en premier lieu au sujet de la capacité d'agir du point de contact national?

    Si j'étais représentant d'une société et que je recevais une petite lettre du point de contact national, mes avocats me diraient probablement que ce dernier ne dispose d'aucun pouvoir—il n'a aucun pouvoir d'enquête, d'assignation, il ne peut pas exiger de témoignage, etc.

    Si vous voulez que le point de contact national soit efficace, il devrait à tout le moins disposer de pouvoirs d'enquête, du même ordre peut-être que ceux liés à une enquête publique. Par contre, je pense que votre comité a fait un travail très important puisqu'il s'est véritablement penché sur ces questions, qu'il a convoqué des sociétés et qu'il dispose de pouvoirs d'assignation à témoigner; vous avez la capacité d'exiger une certaine reddition de comptes.

    Je vous encouragerais à donner au point de contact national un fondement législatif plus important peut-être. Je vous encouragerais également à continuer de jouer ce rôle de surveillance. Je vous dirais aussi qu'il vaudrait peut-être la peine de faire comparaître chaque année le point de contact national afin qu'il rende compte de ses activités, car elles se perdent en quelque sorte aux Affaires étrangères. Avec un peu de chance, vous pouvez trouver sa page Web et consulter son rapport annuel, mais aucun examen véritable de ce rapport n'est prévu.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Ma dernière question...

+-

    Mme Diana Bronson: Si vous permettez, les points de contact nationaux ont également mis sur pied des groupes de référence de la société civile et de l'entreprise pour accroître la transparence et avoir un processus un peu plus large auquel participent tous les intervenants. C'est une autre proposition de ce qui pourrait se faire.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Monsieur Forcese, vous avez parlé de certaines des façons qui nous permettraient d'obliger les entreprises à agir d'une certaine manière ainsi que des mesures que nous pourrions prendre contre elles. De toute évidence, il est plus facile de ne pas leur accorder de financement SEE si elles ne font rien au plan social ou en matière de droits de la personne, que de prendre certaines des autres mesures dont vous avez parlé.

    Qu'est-ce qui empêcherait toutefois une société de déménager son siège social aux États-Unis, ou ailleurs, pour que nous ne puissions plus prendre de mesures contre elle? Iriez-vous jusqu'à dire qu'il est possible de prendre des mesures contre les sociétés qui ont des filiales au Canada, si elles ne respectent pas les principes directeurs, ou cela dépend-il du lieu où se trouve son siège social?

+-

    M. Craig Forcese: Je répondrais pour commencer qu'il serait préférable d'avoir un genre de régime multilatéral pour éviter tout ce ramassis de règlements, mais ce n'est pas le cas.

    Faut-il s'inquiéter du fait qu'une société canadienne déménage ailleurs pour éviter notre processus de réglementation relatif à la conduite des sociétés à l'étranger? Je ne suis pas sûr de perdre le sommeil à cause de certaines de ces petites entreprises minières qui sont essentiellement des entreprises « sous pavillon de complaisance ».Elles se trouvent là car elles ont un accès facile aux capitaux relatifs à nos échanges.

    Si ces sociétés déménagent ailleurs, elles ne donnent plus d'avantage concurrentiel au Canada. Pire encore, elles salissent notre réputation. Si telle était la réponse, elle me conviendrait.

º  +-(1625)  

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Que se passerait-il s'il s'agissait d'une société qui avait des filiales au Canada? Je préfère ne pas n'en nommer, mais disons par exemple que la société a une mine à Sudbury, mais transfère son siège social ailleurs... Le président me fait signe que mon temps de parole est écoulé.

    Comment fonctionnerait-on en pareil cas? Irait-on jusqu'à prévoir des mesures juridiques contre ses biens au Canada, même si son siège social est ailleurs?

+-

    Le président: Désolé de vous interrompre, mais dans la mesure du possible, répondez le plus brièvement possible.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Oui, c'est ce qu'il va faire.

+-

    Le président: Sinon, nous pouvons bien sûr revenir sur la question. Nous allons faire ce qui convient le mieux.

+-

    M. Craig Forcese: C'est une question complexe et tout dépendrait en fait des faits et du scénario. La société a-t-elle effectivement déménagé sa constitution en société? N'est-elle plus constituée en société au Canada, indépendamment du lieu de son siège social? Ce serait une réponse complexe et il faudrait que j'y réfléchisse.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: D'accord.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Broadbent, s'il vous plaît.

+-

    L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Je voudrais également intervenir au sujet des exposés des trois témoins.

    J'aimerais revenir sur la distinction faite à propos des sociétés qui sont présentes dans des zones de conflit. Selon moi, vous avez tous eu à dire des choses utiles et importantes à ce sujet. Pour en revenir cependant à ce que l'on pourrait décrire comme une situation normale, c'est-à-dire, une situation où il n'y a pas de conflit, vous avez parlé de la Suède, de la Belgique, du R.-U. et des É.-U. dans divers contextes, qui disposent tous, en quelque sorte, d'une loi supérieure à celle qui existe au Canada en ce qui concerne les sociétés dont la conduite laisse à désirer.

    Plus précisément, au chapitre du respect des normes internationales ou relatives aux droits de la personne, ou des normes de santé et de sécurité—et parfois ces deux genres de normes se chevauchent, parfois non—savez-vous si certains pays ont mis en place une loi stricte pour s'assurer du respect de ces normes par leurs sociétés?

+-

    M. Craig Forcese: Je peux vous dire que la proposition de la Belgique dont j'ai parlé plus tôt englobe les normes de santé, de sécurité et de travail dans le cadre des droits de la personne, ce qui lui permet de déterminer si elle va accorder un soutien public à une société pour ses opérations à l'étranger. Je ne connais pas par contre de pays qui ait pris de règlement extraterritorial direct à cet égard, ce qui peut-être témoigne des limites de mes connaissances.

+-

    Mme Madelaine Drohan: Puis-je ajouter quelque chose? Je suis préoccupée par un point soulevé un peu plus tôt. Nous parlons de sociétés dans des zones de conflit en disant que c'est l'exception; je ne crois pas vraiment, dans le contexte des travaux de ce comité, que ce soit le cas.

    D'après le témoignage précédent, les petites sociétés posent beaucoup de problèmes et elles tendent d'ailleurs à être présentes dans des zones de conflit. La fin de la guerre froide et la chute de l'Union soviétique a ouvert la porte à des régions du monde auxquelles on ne pouvait pas avoir accès auparavant, mais il suffit de penser à l'ancienne Union soviétique, à l'Afrique, à des régions d'Amérique latine, à l'Asie du Sud-Est pour s'apercevoir que l'on y retrouve toutes sortes de conflits. Je ne voudrais donc certainement pas dire que c'est l'exception, puisque que c'est quasiment la règle.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Je ne suis pas en désaccord au plan factuel. Je dis simplement qu'au plan conceptuel, il me semble que c'est une distinction importante à faire. Je veux que les sociétés canadiennes, par exemple, respectent les normes internationales en matière de droits de la personne, de santé et de sécurité, qu'elles se trouvent dans une zone de conflit ou non.

    Permettez-moi d'entrer dans le vif du sujet. Je pense que vous trois savez que le Parlement a adopté l'année dernière ce qui s'appelle le projet de loi Westray, qui impose des normes de conduite aux sociétés canadiennes au Canada, y compris des exigences de conformité au Code criminel. Selon moi, c'est un excellent exemple en ce qui concerne la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs canadiens; si c'est bon pour eux, pourquoi ne le serait-ce pas pour n'importe quel travailleur dans des régions du monde où se trouvent des sociétés canadiennes?

    Peut-être devrais-je poser cette question à Craig, qui est le juriste parmi vous. Il me semble—je crois que vous l'avez souligné—que rien n'empêche au Canada de prendre des mesures unilatérales. J'aimerais que vous développiez ce point. J'ai pensé, entre autres choses, à l'internationalisation du projet de loi Westray, de manière que les mêmes conditions soient imposées à d'autres pays qu'au Canada. Qu'en pensez-vous?

º  +-(1630)  

+-

    M. Craig Forcese: En ce qui concerne le droit international, rien n'empêche au Canada de le faire. Le droit international autorise la prise de règlements extraterritoriaux par un État à l'égard de ses ressortissants, purement et simplement, et c'est ce que le Canada a déjà fait à propos de certains articles du Code criminel . C'est également prévu par la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption ainsi que par les dispositions du Code criminel relatives au tourisme sexuel. C'est un choix que fait l'État, et les États européens, ceux qui disposent d'une tradition de droit civil, tendent à avoir recours à cette réglementation extraterritoriale de leurs ressortissants de manière beaucoup plus agressive que les États de tradition de common law—le Canada, les États-Unis.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Y en a-t-il parmi eux qui l'aient appliqué aux sociétés?

+-

    M. Craig Forcese: Je ne dispose pas des données pour répondre à cette question; je n'en suis pas sûr.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Est-ce que les autres témoins voudraient intervenir à ce sujet?

+-

    Mme Diana Bronson: J'aimerais simplement dire que de mon point de vue, il serait extrêmement important, symboliquement parlant, de prendre une telle mesure, car elle ferait bien comprendre que le gouvernement ne s'attend pas à ce que les sociétés fassent à l'étranger ce qu'il est interdit de faire au Canada, surtout lorsqu'intervient... De mon point de vue, le projet de loi Westray souligne que c'est le droit à la vie qui intervient; en effet, des mineurs ont perdu la vie au bout du compte. Prendre une telle mesure revêt donc une importance symbolique, d'après moi.

+-

    Mme Madelaine Drohan: Tout cela me fait penser à la Foreign Corrupt Practices Act des États-Unis, pays qui a ainsi ouvert la voie dans ce domaine, en prohibant la corruption par des sociétés américaines n'importe où au monde.

    Fait intéressant toutefois, c'est qu'avant que l'OCDE ait adopté le même genre de réglementation que les États-Unis, les sociétés américaines se plaignaient constamment du fait qu'elles se sentaient handicapées par rapport à leurs concurrents à l'étranger.

    Par conséquent, même si j'aimerais que le Canada prenne de telles mesures, il faudra s'attendre à des plaintes du même genre de la part des sociétés canadiennes et il faudra trouver une façon d'y réagir à ce moment-là.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Permettez-moi de continuer, si j'ai encore du temps.

    Deux d'entre vous ont recommandé d'obliger dans certains cas les sociétés à faire des évaluations de l'impact sur les droits de la personne, puis nous nous sommes lancés dans une discussion sur les normes à retenir. Il me semble que les normes existent déjà et qu'il revient à un État démocratique comme le Canada de fixer ses propres normes, de s'inspirer des lois internationales, mais de prévoir un cadre juridique canadien, si vous voulez, vis-à-vis les sociétés. La société TVI Pacific qui a comparu devant le comité a suscité beaucoup d'inquiétudes parmi nos membres.

    J'aimerais vous poser la question suivante. Ne serait-il pas pratique de donner au ministère pertinent trois mois pour déterminer les exigences à imposer aux sociétés canadiennes à l'étranger, ce que l'on accepterait dans l'évaluation de l'impact sur les droits de la personne? Serait-il si compliqué de le demander au gouvernement?

+-

    Le président: Je vous demanderais de nouveau de répondre brièvement à cette question. Nous voulons céder la parole au suivant.

+-

    Mme Diana Bronson: D'après mon expérience, trois mois risquent d'être un peu court. Vous obtiendrez probablement un document de recherche rédigé par un consultant et pas beaucoup plus, mais...c'est ainsi que ça se passe. Nous pouvons soit être leader en la matière ou rester à la traîne. On observe certainement un mouvement. Je peux vous dire que j'ai parlé à des gens très haut placés dans le milieu des affaires, à la Banque mondiale et à la Société financière internationale. Les institutions financières progressives, les banques, se penchent sur la question et c'est la raison pour laquelle nous nous y intéressons—parce que, en tant qu'institution vouée aux droits de la personne, nous avons quelque chose à offrir dans l'établissement de ces normes et de la méthodologie à adopter.

    Par conséquent, ces recommandations existent et elles se multiplient. Le conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies, par suite de la résolution de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, a le mandat, entre autres choses, de se pencher sur le développement des évaluations de l'impact sur les droits de la personne.

    Je pense donc que ce devrait bien sûr être une recommandation de votre comité. On pourrait facilement établir un processus interministériel pour ce faire, et Droits et Démocratie participerait certainement volontiers à une telle initiative.

º  +-(1635)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je pense que Mme Torsney voudrait préciser un point rapidement, après quoi nous passerons à l'intervenant suivant.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Oui, j'aimerais simplement préciser à l'intention de Mme Drohan que je ne pense pas que ce soit nécessairement l'exception. J'essayais de dire que le comité s'intéressait à l'application la plus vaste possible. On nous a parlé en fait des Philippines, qui n'est pas une zone de conflit. Je comprends que Craig disait que certaines lois visaient les conflits en particulier; nous nous intéressons davantage à cet aspect plus vaste, mais bien sûr, nous nous intéressons également à la zone de conflit.

+-

    Le président: Merci, madame Torsney.

    Nous passons maintenant à Mme Smith.

+-

    Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC): J'ai quelques questions à poser après vous avoir entendu. Lorsque j'ai examiné toute la documentation... D'où provient-elle? Comment avez-vous obtenu cette information sur ce que font exactement les sociétés? Est-ce documenté par des gens sur le terrain? Par des fonctionnaires? D'où provient-elle en fait?

+-

    Mme Madelaine Drohan: Cette recherche provient de plusieurs sources. Elle provient de... Je ne sais même pas par où commencer. J'ai été chercheure universitaire pendant un an à Oxford. J'ai examiné le recours aux mercenaires et à partir de là, j'ai commencé à m'intéresser au financement des mercenaires par les sociétés.

    J'ai ensuite obtenu une autre subvention de recherche qui m'a permis de me rendre à plusieurs reprises en Afrique. J'ai interviewé des gens au Canada, en Afrique et en Europe. J'ai parlé à des sociétés là-bas, mais aussi à certains des mercenaires et chefs de guerre utilisés en Afrique également, ainsi qu'aux collectivités touchées. J'essaye d'obtenir de l'information à ce sujet auprès du plus grand nombre de sources possibles.

+-

    Le président: Vous avez encore quelques minutes.

+-

    Mme Joy Smith: Merci.

    Avons-nous une copie de votre exposé, une copie écrite? Pouvons-nous obtenir une copie documentée écrite des exposés d'aujourd'hui? On y retrouve en effet des renseignements très convaincants. Habituellement, une bibliographie à la fin de l'exposé nous permet de faire un suivi de la recherche, tout comme un suivi de certaines des allégations faites ici. Elles sont très probantes et très graves et auront un impact majeur sur les lois, ainsi que sur les décisions du comité.

    Quelqu'un veut-il intervenir à ce sujet?

+-

    Mme Diana Bronson: C'est peut-être anecdotique, mais il y a dans les trousses d'information que je vous ai distribuées les appels de propositions que nous avons lancés pour les études de cas destinées à mettre à l'épreuve notre méthodologie d'évaluation des répercussions sur les droits de la personne—dont la diffusion a été assez restreinte. Nous n'avons pas fait de publication dans les journaux et nous n'avons pas véritablement... Nous avons obtenu 45 réponses de partout dans le monde.

    Vous savez, votre comité a visé juste parce que la plupart des affaires qui ont été portées à notre attention concernaient l'industrie extractive, que ce soit dans le secteur minier, pétrolier ou gazier. Nous avons également eu des cas dans les TIC, l'agriculture et ailleurs, mais la grande majorité concernaient les sociétés d'extraction. Nous avons réduit cette liste à environ une dizaine de cas actuellement. Ils ont été dénoncés par des ONG, des groupes représentant des peuples autochtones.

    D'après mon interprétation, tout ce projet concernant l'évaluation des répercussions sur les droits de la personne trouve un écho particulier auprès de groupes de partout dans le monde qui sont témoins de violations de ces droits et qui sentent également le besoin de se faire aider pour énoncer leurs problèmes. Tout le monde ne comprend pas la situation internationale et tout le monde n'a pas lu la déclaration universelle. Ces gens-là veulent donc obtenir de l'aide à cet égard.

    Certaines des propositions qui nous sont parvenues émanaient, par exemple, de femmes péruviennes qui nous disaient: « Nous lavons nos vêtements dans une rivière polluée. Nos enfants contractent des maladies de peau et nous ne savons pas ce qui arrive. Nous essayons de parler à des représentants de la compagnie, mais nous ne pouvons pas obtenir d'information ». Il y a toutes sortes de cas différents. Celui-là n'en est qu'un parmi d'autres. Certains adoptent des approches très professionnelles, très rigoristes, mais il y a manifestement une volonté d'agir. Il se passe beaucoup de choses dans le monde.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci.

    Avez-vous d'autres questions?

+-

    Mme Joy Smith: J'aimerais simplement savoir si nous allons obtenir la documentation à l'appui de l'exposé d'aujourd'hui. Ce serait très important que nous l'ayons. Sera-t-elle envoyée au comité?

+-

    Mme Diana Bronson: Oui, absolument.

+-

    Mme Joy Smith: Merci.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Vous pouvez acheter le livre de Madelaine.

+-

    Mme Diana Bronson: Que je vous recommande d'ailleurs; c'est le meilleur ouvrage que l'on puisse trouver pour bien comprendre la situation.

+-

    Le président: J'avais l'intention de faire la promotion des livres en fin de séance, mais je suis tenté de la faire maintenant.

+-

    Mme Diana Bronson: Vous pouvez toujours remettre un exemplaire du livre à chaque membre du comité.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Tout le monde pourrait se l'acheter.

+-

    Mme Diana Bronson: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Khan.

+-

    M. Wajid Khan (Mississauga—Streetsville, Lib.): Ma question sera un peu plus fondamentale.

    Selon vous, dans quelle mesure la complicité des sociétés canadiennes dans les violations des droits de la personne est-elle systémique, et quelle est l'étendue de ce problème parmi les compagnies canadiennes? C'est ma première question.

    Madame Bronson, il me semble que vous avez mentionné que les États-Unis étaient contre la Foreign Corrupt Practices Act ou se plaignaient du fait que cette loi était très contraignante pour eux. Est-ce exact?

    À votre avis, quelle sera l'incidence probable de la mise en oeuvre unilatérale d'une loi concernant les droits de la personne auprès des compagnies canadiennes?

+-

    Mme Diana Bronson: Allez-y. C'est pour vous.

+-

    Mme Madelaine Drohan: En fait, c'est moi qui ai parlé des contraintes imposées par la Foreign Corrupt Practices Act dont les Américains ont l'habitude de se plaindre. Tous les ans, le Forum économique mondial se réunit à Davos. J'y ai assisté pendant plusieurs années et, à chaque fois, il y avait un représentant américain pour dénoncer cette loi.

    Ce que les États-Unis ont fait, essentiellement, c'est travailler très fort auprès des autres pays membres de l'OCDE jusqu'à l'obtention d'une entente multinationale en la matière. Ils ont fait beaucoup d'efforts pour rallier le reste du monde à leur cause. Il me semble que si le Canada décidait de faire unilatéralement quelque chose au sujet des évaluations concernant les droits de la personne auprès des sociétés, rien ne nous empêcherait de travailler sans relâche au sein de l'OCDE pour rallier également les autres pays à notre cause.

    C'est aussi un argument difficile à défendre pour les compagnies. Vous savez, nous devons pouvoir violer les droits de la personne pour conserver notre avantage concurrentiel, n'est-ce pas? Elles pourraient donc ne pas parler...même si la corruption était toute aussi mauvaise à l'époque.

    Je ne voulais pas dire par là qu'il s'agit d'un argument valable, mais plutôt que vous auriez dû vous attendre à cela de la part des sociétés. Ces choses, les ententes qui visent les compagnies, réussissent mieux quand le secteur des affaires prend une part active au processus, se sent concerné et peut signaler les choses qui ne fonctionneront pas correctement. Ainsi, je vous suggère, si c'est l'orientation que vous entendez prendre, de vous assurer qu'il y a une place pour les entreprises dans le processus.

+-

    M. Wajid Khan: Vous n'avez pas encore répondu à la deuxième partie de la question au sujet de l'étendue du problème pour les entreprises canadiennes.

    Il y a autre chose. Est-il possible d'aboutir à l'adoption de lois ou de règlements pour les pays et pas seulement pour les compagnies? Je peux citer l'exemple de Bhopal. Union Carbide était là-bas...dévastation. Aujourd'hui encore, les gens continuent de boire la même eau, les enfants naissent... Vous connaissez toute l'histoire. C'est terrible et rien ne se passe. Je ne sais pas si le Canada peut faire quelque chose. Il nous faut des lois ambitieuses pour pouvoir éventuellement influencer les pays qui ne prennent pas les dispositions nécessaires en dépit des règlements, etc.

    Qu'en pensez-vous?

+-

    Mme Diana Bronson: Il est difficile d'en connaître la portée et d'avancer des chiffres.

    Quant à savoir jusqu'à quel point le problème est systémique, permettez-moi de faire la remarque suivante: Nous avons créé, à l'échelle internationale, un cadre illégal au sein duquel nous avons—et je suis désolée si cela peut vous sembler incompréhensible—des droits relevant clairement de la compétence des tribunaux, des droits en vertu desquels vous pouvez être indemnisés, pour les investissements et les échanges, pour la propriété intellectuelle. Il existe actuellement autour de 2 000 traités bilatéraux sur les investissements dans le monde qui donnent aux sociétés le droit de poursuivre des gouvernements lorsque ceux-ci prennent des mesures qui compromettent leurs chances de réaliser des bénéfices.

    Je simplifie un peu, mais comme quelqu'un le disait, nous avons retiré le droit à la propriété de la déclaration universelle, et nous avons dit que nous allions accorder cette protection extraordinaire, mais nous n'avons pas réussi à le faire pour la plupart des autres droits qui y figurent. C'est donc là que réside le problème systémique, et c'est la même chose pour la promotion des échanges et des investissements à l'échelle internationale.

    Je crois que lorsque les fonctionnaires ont comparu devant vous la semaine dernière, ils ont dit plus ou moins qu'un millier de personnes travaillent à la promotion des échanges dans le monde. Pourquoi n'y en a-t-il pas autant pour la promotion des droits de la personne? Le ministère des Affaires étrangères ne compte qu'environ 12 employés s'occupant de ces questions et nous n'avons qu'une personne travaillant sur la responsabilité sociale des sociétés avec un comité interministériel qui se consacre à mi-temps à ce dossier. Nous devons donc renforcer nos équipes; nous avons besoin de faire un rattrapage important.

    Bien sûr, la bonne nouvelle, tant en ce qui concerne l'applicabilité de ces droits que la capacité du Canada à jouer un rôle de chef de file, malgré l'opposition d'autres gouvernements—en l'occurrence, celui des États-Unis—, c'est l'existence de la Cour pénale internationale. Celle-ci doit encore prouver de quoi elle est capable et elle devra faire face à d'énormes défis, mais qui aurait pu penser, il y a 10 ans, que nous aurions une Cour pénale internationale qui s'occuperait de juger les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre?

    Je suis sûre que Craig voudra ajouter quelque chose.

º  +-(1645)  

+-

    Le président: Je vous demanderai encore, pour des questions de temps, de répondre brièvement.

    Nous allons passer au prochain membre, s'il vous plaît.

+-

    M. Craig Forcese: Pour ce qui est du niveau de complicité, la dernière fois que j'ai fait le décompte, à la fin des années 1990, je suis arrivé à environ 10 exemples de sociétés minières canadiennes accusées de différents actes infâmes. Les rapports n'étaient pas tous de la même qualité; je ne peux donc en évaluer la validité. Est-ce la pointe de l'iceberg? Parfois, lorsque je m'ennuie vraiment, je me mets à feuilleter quelques rapports annuels d'entreprises. J'y trouve très peu d'informations indiquant, par exemple, qu'une compagnie minière a retenu les services de l'armée ougandaise pour assurer la sécurité de ses installations. Si c'est dans le rapport annuel, dans une version édulcorée et embellie, on peut se demander quelle doit être la réalité sur le terrain.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Monsieur Goldring, vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. Peter Goldring: Madame Bronson, vous avez dit plus tôt, à propos du Congo, que huit compagnies avaient violé les lignes directrices de l'OCDE puis, quelques minutes plus tard, vous avez ajouté qu'il s'agissait d'allégations. Ensuite, nous avons parlé du fait que les lignes directrices de l'OCDE sont très vagues. J'espère que vous pouvez comprendre qu'avec tout le flou et...après, on a dit qu'il existe de très nombreux traités bilatéraux. J'aurais pensé que ces traités seraient très bien détaillés et qu'ils comporteraient beaucoup de précisions et très peu de lacunes.

    Alors peut-être serez-vous d'accord pour reconnaître que nous devons nous concentrer en premier lieu sur les initiatives destinées à étoffer les lignes directrices de l'OCDE dans le but de les clarifier. Je n'ai aucune idée de ce que disent ces lignes directrices actuellement, mais il serait bon de les rendre plus claires pour pouvoir faire quelque chose dans ce sens.

    Comme nous l'avons dit précédemment, il faudrait préciser dans le détail ce que devrait comprendre une évaluation des répercussions, parce que cela aussi en fait partie. Ensuite, pour encourager les sociétés à agir, il faudrait établir une sorte de système auquel les compagnies adhéreraient, pour qu'elles y trouvent leur compte, que ce soit au moyen de l'aide gouvernementale ou je ne sais quoi d'autre. Il faudrait trouver un moyen, un peu sur le modèle ISO-9000, pour permettre à une compagnie de se distinguer dans son domaine de compétences et de se qualifier, et cela signifierait véritablement que le gouvernement canadien l'appuie dans ses démarches. Il pourrait y avoir des inspections pour suivre l'évolution de la situation, parce qu'évidemment il faudra effectuer un contrôle et un suivi, et puis il y aura des procédures de règlement des différends.

    Nous avons ici un exemple très clair illustrant en quoi huit compagnies auraient commis des violations, et puis il y a les allégations. Il y a certainement quelqu'un capable de nous dire, en connaissance de cause, si ces allégations sont fondées ou pas, et puis il y a toute une structure d'exécution des lois. Mais nous prenons tous comme base les lignes directrices vagues de l'OCDE. Ne faut-il pas commencer par apporter des clarifications au contenu de ces lignes directrices?

+-

    Mme Diana Bronson: Mon commentaire au sujet de l'imprécision des lignes directrices de l'OCDE portait spécifiquement sur les dispositions relatives aux droits de la personne. Celles-ci traitent également de la taxation et de la corruption et d'un certain nombre d'autres questions. J'en conviens, nous devons détailler davantage les lignes directrices de l'OCDE. Toutefois, je ne voudrais pas que nous soyons pris dans une procédure interminable consistant à peaufiner quelque chose qui, au bout du compte, ne sera appliqué que de façon volontaire. C'est là ma réserve.

    Permettez-moi de vous lire une phrase au sujet des droits de la personne. C'est très bref quand vous pensez à ce que contient la législation sur les droits de la personne. Cela dit: « Les entreprises devraient »—pourquoi pas « devront »?—« respecter les droits de l'homme des personnes affectées par leurs activités ». Et puis on ajoute: « en conformité avec les obligations et les engagements internationaux du gouvernement du pays d'accueil ». Peut-être que la norme serait de dire: « ou de ceux du pays d'origine, selon les plus contraignants des deux ». On pourrait proposer toutes sortes de solutions créatives, mais le fait est que les lignes directrices de l'OCDE ont déjà été négociées et revues.

º  +-(1650)  

+-

    M. Peter Goldring: En l'absence de mesures contraignantes ou de lois, qui pourraient prendre énormément de temps à voir le jour, quel moyen avez-vous à votre disposition? Autrement dit, quel type de services gouvernementaux pourriez-vous refuser, ou proposer de refuser, à des compagnies qui ne se conforment pas à notre vision des droits de la personne? Quelle forme prend la contribution du gouvernement canadien? Y a-t-il quelque chose que vous pourriez faire pour exercer une sorte de pression en cas de non-respect de ces droits?

+-

    M. Craig Forcese: Eh bien, nous avons mentionné différents marchés publics. Nous avons parlé d'EDC. Il y a un autre exemple : les compagnies canadiennes qui font des affaires à l'étranger paient des impôts dans les pays où elles développent leurs activités. D'après la loi canadienne de l'impôt sur le revenu, ces entreprises obtiennent un crédit pour les impôts qu'elles paient, et ce, indépendamment de toute convention fiscale entre le Canada et l'autre pays. Cela leur permet de déduire de leur déclaration de revenus canadienne les taxes qu'elles paient à l'étranger. Ainsi, une compagnie canadienne travaillant au Soudan et payant des taxes au gouvernement soudanais reçoit en quelque sorte une subvention financée par les contribuables canadiens pour ses activités au Soudan.

+-

    M. Peter Goldring: Les moyens de pression peuvent être considérables, sans recourir pour autant aux lois, à l'élaboration de mesures législatives et à je ne sais quoi d'autre. Il s'agit principalement de leur donner ce que j'appellerais une certification ISO-9000. C'est courant dans l'industrie; la plupart des compagnies se servent de cette certification pour se faire de la publicité. Il s'agit d'un indicateur des normes qu'elles se sont fixées. Si elles n'atteignent pas ces normes, cela peut leur coûter cher pour leurs activités futures. Si c'était une norme approuvée par le gouvernement, ce serait un élément de poids, et nous n'aurions pas besoin de faire des lois.

+-

    M. Craig Forcese: Il faudrait changer la Loi de l'impôt sur le revenu. Un autre exemple est tout simplement la visibilité. Une partie de la raison pour laquelle la compagnie Talisman est le meilleur exemple documenté de commerce militarisé tient au fait que le gouvernement a choisi d'envoyer une mission au Soudan. Pourquoi ne pas faire en sorte que le point de contact national soit, d'une certaine manière, une Commission permanente Harker? La Commission Harker s'est rendue au Soudan. Ce point de contact national irait à l'étranger pour parler aux gens sur le terrain et produirait ensuite un rapport qui serait rendu public.

+-

    M. Peter Goldring: Vous avez dit que l'une des compagnies avait embauché des militaires pour assurer sa sécurité ou sa protection. Je ne suis pas sûr que ce soit un acte répréhensible; elle avait peut-être une bonne raison de le faire. C'est à ce moment-là qu'intervient le processus de règlement des différends et qu'il convient d'établir des règles et de comprendre les implications.

+-

    Le président: Merci.

    Y a-t-il d'autres remarques pour conclure?

    Madame Torsney.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Nous avons surtout parlé des mauvaises compagnies et de la nécessité de se montrer intraitables envers elles. Mais n'y a-t-il pas aussi des entreprises qui font du bon travail et qui ne veulent pas être mises dans le même sac que toutes les sociétés minières qui ont des conduites répréhensibles. Ne serait-il pas dans l'intérêt de l'industrie de l'extraction de se doter d'un régime juridique qui établirait une distinction plus claire entre les bonnes et les mauvaises compagnies, de façon à permettre aux entreprises accusées à tort de blanchir leur nom?

+-

    Mme Diana Bronson: Oui, bien sûr. Il existe toutes sortes d'incitatifs, des incitatifs gouvernementaux, pour pousser les compagnies à bien se comporter. En même temps, je ne pense pas que nous ayons nécessairement à récompenser les compagnies qui respectent la loi, n'est-ce pas? Je tenais à ce que ce soit clair.

    Je pense que le rôle des organismes de crédit à l'exportation, comme EDC, est absolument d'imposer ce genre de conditions au soutien public. C'est ce qu'étudie actuellement le Parlement belge : il veut que son organisme de crédit à l'exportation, qui s'appelle Ducroire, soit assujetti à ce genre de normes. C'est devant le Parlement; on en débat; les différents partis ont pris position. On n'a pas encore adopté de loi, mais c'est certainement un moyen de pression non négligeable.

    Un autre élément important est ce que font les ambassades canadiennes à l'étranger en terme de facilitation. C'est incroyable la quantité de services que peut obtenir une entreprise qui cherche à exporter. À mon avis, on ne devrait pas obtenir ces services si on a, d'une façon ou d'une autre, violé les droits de la personne. On doit prouver son innocence. Actuellement, il n'y a pas de loi ou de politique empêchant les fonctionnaires, les ministres ou les ambassadeurs canadiens d'aider des sociétés canadiennes impliquées dans des violations des droits de la personne.

º  +-(1655)  

+-

    Le président: Merci.

    Très rapidement.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Mais c'est vous, madame Bronson, qui parliez d'une forme de récompense; ce n'est pas moi.

+-

    Mme Diana Bronson: En fait, je pense que c'était Craig.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Je crois que le simple fait de profiter du régime actuel constitue en soi une récompense, tout comme le fait de pouvoir éloigner les malfaiteurs du bureau de l'ambassadeur et d'avoir accès à ces services.

    Mais en réalité, ce serait aussi le contraire. Admettons qu'il y ait eu une procédure selon laquelle, si quelqu'un vous avait accusé de quelque chose et que nous avions d'importants pouvoirs d'enquête, nous pourrions véritablement présenter un rapport disant que nous nous sommes rendus sur place et que nous avons constaté que ce n'était pas exactement le cas. Ce serait utile pour certaines compagnies. La situation serait ainsi plus claire pour celles qui veulent investir dans la région, qui pensent pouvoir y faire des affaires, s'il y avait la possibilité de faire une distinction entre les différentes compagnies et s'il existait un régime dans lequel croient les gens.

    Merci.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Il ne nous reste que quelques minutes.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois: Ma question s'adresse aux trois témoins.

    Notre recherchiste nous a envoyé cette semaine le rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de juin 2003. C'est un rapport sur le VIH-sida et la catastrophe humanitaire en Afrique subsaharienne.

    À cette époque, le comité avait recommandé que le gouvernement prenne tous les moyens juridiques ou autres possibles afin que les entreprises canadiennes respectent les normes internationales de bonne conduite. De plus, il faisait état des huit entreprises dont vous parliez précédemment. Le gouvernement du Canada a répondu qu'on avait communiqué régulièrement avec six des huit entreprises canadiennes en question, puisque l'une avait disparu et que l'autre avait cessé d'être active dans le secteur minier.

    Pouvez-vous me dire s'il y a eu des changements positifs dans ces six entreprises? Savez-vous si les six entreprises se sont conformées après que le Canada ait communiqué avec elles? Il semble que le Canada ait fait énormément de travail avec ces six entreprises.

[Traduction]

+-

    Mme Madelaine Drohan: Je suis allée au Congo l'année dernière pour voir comment fonctionnaient les compagnies minières canadiennes établies là-bas, et j'ai vu qu'il n'y avait en fait qu'une seule compagnie qui fonctionnait réellement, je veux parler de First Quantum. Les autres, qui ont été dénoncées par un panel d'experts de l'ONU, n'étaient là que pour faire de l'exploration. Elles ont été citées pour les actions qu'elles avaient prises pendant qu'elles faisaient de l'exploration, mais elles n'étaient pas réellement en activité à l'époque.

    En ce qui concerne First Quantum, je crois que le panel d'experts de l'ONU en a parlé en raison d'allégations concernant le versement de pots-de-vin à un responsable du gouvernement. La compagnie n'avait pas offert ces pots-de-vin directement, mais par l'intermédiaire d'un agent.

    Diana expliquait précédemment—cela semblait être un processus compliqué—qu'un panel d'experts de l'ONU s'est rendu sur place durant la guerre et qu'il a produit un rapport dans lequel il dresse toute une liste de compagnies. Je pense qu'il y en a plusieurs centaines soupçonnées d'avoir enfreint les lignes directrices de l'OCDE, et ces experts ont demandé un suivi. Ensuite, on a créé un second panel, qui comprenait très peu des membres du premier, qui est allé sur place pour examiner la situation. Il a étudié tous les cas et a indiqué que certains avaient été « résolus » parce que les compagnies avaient cessé leurs activités. Eh bien, si vous aviez offert un pot-de-vin, c'était un événement isolé et vous pouviez passer dans la colonne « affaire classée » si rien de plus n'était arrivé; vous voyez? C'est en cela que consistait le suivi.

    Le rapport du panel d'experts de l'ONU était très vague. Ces derniers disaient qu'ils ne voulaient pas nécessairement dire que ces compagnies n'avaient pas fait ce que le panel prétendait, mais qu'elles avaient cessé leurs agissements. En fin de compte, le résultat était très insatisfaisant.

    Cela répond-il à votre question?

»  -(1700)  

+-

    Le président: Oui. Merci beaucoup.

[Français]

+-

    Mme Diana Bronson: Il y a aussi une lettre qui a été écrite en octobre 2004 par la Table de concertation sur les droits humains au Congo/Kinshasa et qui pose des questions très précises auxquelles, à mon avis, on n'a pas répondu. Je pourrais vous en laisser une copie.

+-

    Mme Diane Bourgeois: Merci beaucoup.

[Traduction]

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Comme vous le voyez, il ne nous reste plus de temps.

    Nous vous sommes reconnaissants d'être venus aujourd'hui et de nous avoir fourni des informations très utiles qui nous donneront, je crois, énormément matière à réflexion. En ce qui concerne l'ébauche de rapport que nous avions préparée pour aujourd'hui, je pense que les recommandations que vous avez formulées nous aideront certainement. Je tiens à vous remercier, monsieur Forcese et Madelaine Drohan.

    Je vais en profiter pour faire une petite réclame. Elle m'a donné deux exemplaires de son livre. L'un d'eux a obtenu le National Business Book Award et a également été le gagnant du Ottawa Book Award. Si vous voulez une bonne lecture, je vous le suggère fortement.

    Diana Bronson, je vous remercie aussi beaucoup. Je vous suis reconnaissant de nous avoir fait don de votre temps.

    Nous allons maintenant poursuivre nos travaux à huis clos. Je vous propose donc que nous fassions une pause; nous reprendrons dans quelques minutes.

    Merci.

    [La séance se poursuit à huis clos.]