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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 2 novembre 2005




¿ 0910
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Robert Austin (professeur, Études européennes, russes et eurasiennes, Université de Toronto)

¿ 0915
V         Le président
V         M. Robert Austin
V         Le président
V         M. Stephen Clarkson (professeur , Science politique, Université de Toronto)
V         Le président

¿ 0920
V         M. Stephen Clarkson

¿ 0925

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)

¿ 0935
V         M. Stephen Clarkson
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. Stephen Clarkson

¿ 0940
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Stephen Clarkson
V         Le président
V         M. Robert Austin

¿ 0945
V         Le président
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         M. Stephen Clarkson

¿ 0950
V         Le président
V         M. Robert Austin
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         M. Robert Austin

¿ 0955

À 1000
V         Le président
V         M. Robert Austin
V         Le président
V         M. Robert Austin
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Stephen Clarkson

À 1005

À 1010
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Stephen Clarkson
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Stephen Clarkson
V         Le président
V         M. Stephen Clarkson

À 1015
V         Le président
V         Le président
V         Mme Danielle Goldfarb (analyste de politique principale, Institut C.D. Howe)

À 1030

À 1035

À 1040
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Mme Francine Lalonde
V         Mme Danielle Goldfarb

À 1045

À 1050
V         Mme Francine Lalonde
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Mme Danielle Goldfarb

À 1055
V         Mme Beth Phinney
V         Mme Danielle Goldfarb

Á 1100
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Danielle Goldfarb

Á 1105
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Danielle Goldfarb

Á 1110
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Mme Beth Phinney
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Mme Beth Phinney
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Le président
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Le président
V         Mme Danielle Goldfarb
V         Le président
V         Mme Danielle Goldfarb

Á 1115
V         Le président
V         Le président
V         M. Mohamed Boudjenane (directeur général, Fédération canado-arabe)

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Mohamed Boudjenane

Á 1140
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Le président

Á 1145
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

Á 1150
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Le président
V         M. Mohamed Boudjenane

Á 1155
V         Le président
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Le président
V         M. Mohamed Boudjenane
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous. Voici notre ordre du jour: Conformément à l'article 108(2) du Règlement, examen de l'Énoncé de la politique internationale. Bienvenue à cette audience du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international.

    Comme vous le savez, le gouvernement a publié en avril dernier son premier énoncé de la politique internationale. Le comité a tenu des audiences sur celui-ci depuis, à la fois à Ottawa et à travers le pays. Nous avons également mis en place un processus de consultation en ligne, que vous trouverez sur notre site Web. Une fois ces audiences et cette consultation terminées en décembre, nous préparerons un rapport sur les recommandations relatives à la politique gouvernementale, que nous espérons déposer en janvier.

    Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin, de l'Université de Toronto, le professeur Stephen Clarkson et le professeur Robert Austin du Centre des études européennes, russes et eurasiennes.

    Nous commencerons avec les remarques liminaires de M. Austin. Allez-y.

+-

    M. Robert Austin (professeur, Études européennes, russes et eurasiennes, Université de Toronto): Bonjour à tous.

    D'abord, je vous remercie de me permettre de prendre la parole au comité ce matin. Je suis également ravi de rencontrer le professeur Clarkson, qui travaille à la même université que moi. Pourtant, nous ne nous sommes jamais rencontrés. Cela vous donne une idée de la taille de l'Université de Toronto. En tant que jeune universitaire, j'ai beaucoup entendu parler de lui.

    Lorsque le comité m'a contacté, on m'a demandé de parler pendant environ cinq minutes, ce qui est parfait. Hier et avant-hier j'essayais de réfléchir à ce que je voulais dire. Je m'intéresse à la politique étrangère du Canada à divers titres. De formation, je suis spécialiste des Balkans et je travaille donc principalement dans le domaine de l'Albanie, du Kosovo et de la Macédoine.

    D'emblée je vous dirais que je suis un peu déçu par le rôle du Canada dans les Balkans, depuis nos formidables missions de maintien de la paix en Bosnie et notre rôle dans l'intervention de l'OTAN au Kosovo en 1999. Nous avons réduit notre présence dans ces pays. Comme vous le savez, nous avons fermé nos bureaux de Tirana, ainsi que ceux de Skopje, en Macédoine, et ceux de Pristina récemment. Nous n'avons plus d'ambassade en Bulgarie qui est un État membre de l'OTAN. Je pense que nous sommes sans doute le seul pays de l'OTAN qui n'ait pas au moins une mission là-bas.

    Voici ce que j'avais à dire sur le plan personnel. Je pensais également parler au comité de quelque chose qui me tiens particulièrement à coeur, soit la participation des jeunes à la politique étrangère. Depuis que je travaille à l'Université de Toronto, j'ai tenté d'internationaliser autant que possible les activités de notre centre et, de manière plus générale, de l'Université de Toronto, cette grande institution qui se considère comme l'une des meilleures du Canada et qui aime se comparer aux dix grandes universités américaines.

    Lorsque je suis arrivé à l'Université de Toronto en 1997, je ne l'ai pas trouvée si internationalisée, en réalité — surtout notre centre, qui proposait peu de programmes d'échange à l'étranger. Depuis, nos activités ont augmenté et l'un des principaux organismes qui nous a aidés dans ce projet était ce qui s'appelait à l'époque le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international que l'on appelle aujourd'hui, comme vous le savez, Affaires étrangères Canada et Commerce international Canada.

    Ce que je veux dire tout d'abord, c'est que je pense que l'examen de la politique étrangère devrait insister sur l'incidence des échanges étudiants, et quand je parle d'échanges étudiants, je parle d'échanges dans les deux sens, c'est-à-dire des étudiants qui viennent au Canada et vice versa, des étudiants canadiens qui partent à l'étranger. Selon moi, de tels échanges sont de la politique étrangère bon marché, et je sais que le Canada est très soucieux d'utiliser l'argent des contribuables à bon escient, surtout dans le domaine des affaires étrangères. Je constaté que ce qu'il en coûte d'envoyer des étudiants à l'étranger et de faire venir des étudiants au Canada est dérisoire.

    Ce qu'il nous faut, en affaires étrangères... Nous n'avons pas besoin d'argent, je ne suis pas venu ici pour vous demander de l'argent. Je ne veux pas faire un exposé pour vous dire que nous avons besoin d'argent.

    Ce dont nous avons besoin, c'est de facilitation. C'est un domaine qui nous pose beaucoup de problèmes. Je sais que ça n'est pas une question qui concerne les Affaires étrangères, mais plutôt Immigration Canada. Nous avons énormément de problèmes avec les visas. Comme vous le savez, depuis les problèmes d'immigration et de visa de séjour aux États-Unis, le Canada est très bien placé pour accueillir des jeunes. D'après ce que j'en sais, nous sommes maintenant la destination de choix, avec le Royaume Uni, pour les échanges étudiants. Notre société fait de nous une destination idéale.

    C'était mon premier point, c'est-à-dire que nous pouvons faire beaucoup plus pour valoriser ces échanges. C'est ce que fait le Royaume-Uni. Il considère que les échanges étudiants, dans les deux sens, font partie de ses échanges commerciaux, car lorsque les étudiants viennent au Royaume-Uni, ils y dépensent de l'argent, ils y vivent, et ils génèrent beaucoup d'achalandage. C'est devenu un cliché maintenant, mais l'interaction des étudiants crée des liens incroyables et reflète précisément ce qui est dit dans l'Énoncé de la politique étrangère sur les valeurs canadiennes à l'étranger. Je ne connais pas de façon plus efficace et plus abordable de favoriser le rayonnement de ces valeurs canadiennes que d'envoyer des jeunes à l'étranger.

    Comme je le disais à James Lee, les étudiants canadiens sont beaucoup plus ouverts d'esprit qu'ils ne l'étaient il y a 10 ans. Je pense qu'il y avait un esprit de clocher au sein des institutions canadiennes au sujet des voyages à l'étranger, des stages. Cela a changé. Aujourd'hui, de manière générale, les étudiants se préoccupent des questions de politique étrangère.

    La dernière chose que je voulais signaler est que depuis 1997, mon centre a mis sur pied ce qui n'était au début qu'un programme de stages internationaux pour les jeunes sous l'égide d'Affaires étrangères et Commerce international, et qui est devenu Jeunes professionnels à l'international, toujours sous l'égide d'Affaires étrangères Canada et Commerce international Canada. Je ne peux trop insister sur la valeur de ce projet pour notre centre, pour élargir nos activités. Nous travaillons exclusivement avec des entreprises canadiennes en Europe, Europe de l'Est et Europe du Sud-Est.

¿  +-(0915)  

    Depuis 1997, nous avons placé 200 étudiants à l'étranger à des postes en rapport avec leur domaine, et encore une fois, quand je vous disais qu'il s'agissait de politique étrangère bon marché — nous leur donnons 12 000 $ et ils partent pour six à huit mois; tous rentrent dans leurs frais. Nous avons réellement offert à des centaines de jeunes Canadiens des possibilités professionnelles internationales à l'étranger.

    Je vous dirais que nous avons réellement changé la nature de notre population active, car le marché du travail est extrêmement exigeant. Ce que nous perdons souvent de vue, c'est que si vous avez terminé vos études dans les années 1950 — je ne dis pas que c'était facile de trouver un emploi, mais je pense qu'on peut dire que c'était plus facile dans les années 1960. Je ne sais pas à quel moment cela a changé, mais pour les jeunes d'aujourd'hui, c'est extrêmement difficile de lancer sa carrière et cela prend beaucoup de temps. Je pense que dans un marché du travail mondialisé, nous devons fournir aux jeunes la possibilité de lancer leur carrière à l'étranger sans que cela ne coûte trop cher. Affaires étrangères a été extraordinaire et a fourni des ressources, par le biais de Développement des ressources humaines Canada, pour envoyer ces jeunes à l'étranger, et comme je l'ai dit, environ la moitié des 200 jeunes qui sont partis sont restés sur place. Quelqu'un m'a déjà demandé si l'on ne créait pas un exode des cerveaux. Ça n'est certainement pas le cas; il s'agit de 100 jeunes Canadiens qui ont lancé leur carrière à l'étranger, qui représentent le Canada et qui continuent de créer des liens avec leur pays, qu'il s'agisse de liens universitaires, culturels ou commerciaux.

    La troisième dimension dont je voulais parler est l'initiative du Corps canadien que l'on doit encore m'expliquer correctement. Et j'ai demandé à ce que l'on vienne...

+-

    Le président: J'ai assisté à une séance d'information là-dessus, et croyez-moi, c'est compliqué.

+-

    M. Robert Austin: Quelqu'un de l'AUCC, l'Association des universités et collèges du Canada, est venu pour nous mettre au courant de cette initiative, et je n'y vois pas plus clair. Mes étudiants non plus.

    Il existe à notre centre un programme de partenariat universitaire du Corps canadien pour la région des Balkans. Ce programme porte sur la gouvernance universitaire au Kosovo. Il s'agit de mettre en contact cinq étudiants canadiens, du premier ou du deuxième cycle, avec huit étudiants du Kosovo pour qu'ils conçoivent une stratégie de réforme de la structure de gouvernance universitaire à l'Université de Pristina, qui bat de l'aile. Nous essayons de trouver des façons d'intégrer ces étudiants à la structure de prise de décision de leur université, une pratique courante dans nos institutions.

    Je pense que le Corps canadien est un projet formidable. Je le souligne parce que nous menons à bien un projet qui implique 14 étudiants pour un budget total — qui comprend les billets d'avion, les repas et les transports sur place — d'environ 37 000 $, avec en plus plusieurs voyages dans la région. Cette somme couvre également les déplacements des étudiants du Kosovo et nous venons d'organiser un atelier au Monténégro avec les deux équipes, celle du Kosovo et du Canada. Je n'ai jamais vu 15 jeunes s'entendre aussi bien et travailler si fort sur un projet. C'est leur projet. Je le supervise, mais je n'interviens pas. Je pense que ce genre de petites initiatives — je suis un ardent partisan des petites initiatives. Je regarde tous les projets que j'ai pilotés depuis que je suis à l'Université de Toronto: il s'agit de petits montants, mais je suis certain que nous avons fait beaucoup avec ces quelques dollars.

    Encore une fois, notre objectif est d'envoyer à l'étranger autant d'étudiants que possible. Dans la mesure où la politique étrangère canadienne a changé et où notre présence a diminué — et je soutiens qu'elle a diminué considérablement en Europe — si un étudiant étudie, par exemple, la Roumanie ou la Roumanie-Bulgarie, je constate depuis cinq ans que sa carrière sera dans cette région aujourd'hui; elle ne sera pas au Canada. C'est un problème auquel il faut faire face: le Canada n'a pas besoin d'une douzaine de spécialistes sur la Roumanie. Mais nous avons besoin de gens qui connaissent les rouages de la Roumanie, sa situation politique et économique, etc. Ce que j'essaie de faire, c'est de former des étudiants pour qu'ils puissent se tailler une bonne carrière dans la région. Je le répète, cela renforce la présence du Canada dans la région.

    Je terminerais sur ces observations. J'espère que je m'en suis tenu aux cinq minutes. C'était cinq minutes?

+-

    Le président: C'est très bien. Il n'y a aucun problème. Nous sommes entre nous. Je n'ai pas de chronomètre avec moi ce matin. Merci, professeur Austin.

    Professeur Clarkson, vous avez la parole.

[Français]

+-

    M. Stephen Clarkson (professeur , Science politique, Université de Toronto):

    Merci, monsieur le président. Je crois que votre comité devrait recommencer à fouiller un dossier important, d'autant plus que ce comité, sous l'ancien président, M. Graham, avait l'habitude de faire des enquêtes sérieuses et bien écrites sur des questions d'actualité. L'actuel président du comité pouvant donc se voir promu au Cabinet, je m'adresserai au futur ministre Patry.

[Traduction]

+-

    Le président: Professeur Clarkson, un jour, j'ai vu le premier ministre et je lui ai dit que M. Graham avait été président du comité pendant six ans et était devenu ministre, que Mme Augustine avait été présidente six mois et était devenue ministre; j'étais président depuis six jours et il ne s'était rien passé. C'est ce que j'ai dit à M. Martin.

¿  +-(0920)  

[Français]

+-

    M. Stephen Clarkson: Ce qui me frappe dans ce rapport, c'est qu'il a été mal écrit et, en termes de continuité, je suis étonné de sa piètre qualité.

    Je désire aborder le sujet de l'Amérique du Nord, qui est la spécialité dans mes recherches actuelles. Je me servirai du document sur le commerce, parce que je n'ai que cinq minutes.

[Traduction]

    « Fierté et influence: Notre rôle dans le monde — commerce ». Le style, ce n'est pas tout, mais si un document est mal écrit, cela traduit quelque chose. Je n'attaque personne ici présent, je ne fais que donner mon avis sur le document, fruit d'un si long travail et de tant de fignolage. Il se lit mal et il ressemble à un programme électoral, il est truffé de lieux communs et de banalités.

    Je pense que vous avez une copie de mon texte. Voici une des phrases du document: « Les Affaires étrangères chercheront à appliquer avec les Africains un nouveau multilatéralisme plus souple et plus efficace afin d'atteindre des objectifs communs. » Il regorge de ce type de phrases complètement vides de sens qui compliquent les choses plutôt que de les éclaircir. Cela n'aide pas les gens comme moi qui essaient de réagir au contenu qu'il peut avoir. De plus, il y a tous ces points centrés qu'on retrouve toutes les deux pages, et qui, à mon avis, compliquent les choses plutôt que de les éclaircir.

    Quoi qu'il en soit, ça suffit. Je me suis vidé le coeur à propos du style de ce document.

    Ce qui est encore plus important et évident à propos de ce document, c'est qu'il contient beaucoup de déclarations erronées. On y trouve des contradictions qui sont des déclarations importantes déguisées, qui à mon avis, doivent être prises au sérieux par le comité. Il s'agit de mésinformation. À la page 2 de mon texte, ou à la page 3 du document sur le commerce, on lit:

La commission de l'ALENA, ses 32 groupes de travail officiels, ses divers groupes informels et les réunions tripartites des dirigeants et ministres des trois pays partenaires visent tous à assurer l'efficacité à long terme de l'ALENA comme instrument de gestion et des échanges commerciaux en Amérique du Nord et d'amélioration de la compétitivité de l'économie continentale.

    Bien sûr, tout cela a l'air formidable, mais en réalité, il n'existe pas de commission de l'ALENA. Il n'existe pas de commission avec une adresse, un édifice, ni même un bureau. Il n'y a pas de réunion et quand vous lisez ce paragraphe, vous êtes enclin à penser qu'il existe une gouvernance continentale, et c'est précisément ce sur quoi je travaille.

    Au sujet des 32 groupes de travail officiels, à titre d'exemple, je connais deux étudiants qui ont travaillé toute une année pour les trouver. Cela a été extrêmement difficile et il se trouve qu'en réalité, il n'en existe qu'un ou deux. La plupart ont disparu. Un ou deux de ces groupes ont travaillé pendant un moment et ont ensuite disparu parce qu'ils avaient fait ce qu'ils avaient à faire.

    Au sujet des réunions tripartites des dirigeants et ministres des trois pays partenaires, c'est assez incroyable de penser que, avec tout l'effort voué à l'ALENA, les trois chefs de gouvernement ne se rencontrent pas de façon régulière. Ils ne se sont même pas réunis après le 11 septembre 2001, alors que les frontières étaient fermées, ce qui a mis en danger le principe même de l'ALENA.

    Ensuite, on parle d'un instrument de gestion des échanges commerciaux en Amérique du Nord.

    Je souligne tous ces points négatifs, parce qu'il est évident que le rapport aura des incidences positives, en matière de gouvernance en Amérique du Nord, par exemple. Mais en ce qui concerne cet instrument de gestion des échanges commerciaux en Amérique du Nord, l'ALENA est manifestement inefficace. Il n'y a pas de mécanisme institutionnel permettant de gérer ce problème et il faudrait pour cela que les trois gouvernements négocient une nouvelle entente, démarche lourde, complexe et difficile, dans la mesure où elle exige l'assentiment des organes législatifs des trois pays. L'ALENA est dépourvu d'un moyen pouvant lui permettre d'adapter ses règles aux changements.

    Voilà donc un exemple des sérieux problèmes analytiques de ce rapport. Et pour mettre les points sur les « i », la visite de la secrétaire d'État Condoleezza Rice — il y a deux semaines, je crois? — a montré les lacunes du système nord-américain en matière de gouvernance, car elle n'est venue ici que pour répéter et défendre les politiques du président.

    Je ne dis pas que c'est plus grave, mais je crois qu'il y a une question très importante à la page 9 du document sur le commerce. On parle de l'harmonisation des règlements. Il s'agit du paragraphe sur les frontières intelligentes. Je ne vais pas m'étendre sur la question parce que je veux être bref, mais j'aimerais vous le lire:

Réglementation intelligent — Dans le monde d'aujourd'hui, la réglementation est un avantage concurrentiel appréciable et un important instrument dans la poursuite de nos objectifs sociaux, environnementaux et économiques; le document intitulé La réglementation intelligente: Rapport sur les initiatives et les projets, publié en mars 2005, expose comment le gouvernement entend s'y prendre pour atteindre ces objectifs, donner suite aux recommandations du Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente et, en intériorisant une perspective globale, éliminer les différences qui ne sont pas nécessaires.

¿  +-(0925)  

    Si je comprends bien, c'est une question très importante ici. Cela étant dit, on peut aimer ou ne pas aimer, mais il est important de rappeler qu'il s'agit ici du programme du Conference Board et du Conseil canadien des chefs d'entreprise, qui ont réclamé cela et qui ont réussi à atteindre leurs objectifs lors de la rencontre trilatérale de mars à Waco, au Texas, avec le président Bush et le président Fox.

    On a donc fait des choses. Je ne dis pas que c'est un complot contre le public, étant donné qu'il y a eu un processus, et que maintenant, le partenariat pour la sécurité et la prospérité produit des rapports régulièrement.

    Je pars de l'hypothèse que l'harmonisation réglementaire, qui a pour objet de libéraliser le commerce et d'améliorer la compétitivité, n'est en fait qu'un mot de code pour l'affermage des responsabilités du gouvernement canadien aux États-Unis, parce qu'il est impossible que le Canada modifie sa réglementation pour qu'elle réponde aux normes nord-américaines. Il ne s'agit que de normes américaines. Et si l'on supprime des différences qui ne changent rien, j'inviterais le comité à s'intéresser à cela rien que pour savoir ce que cela veut dire, parce que ce qui indiffère les Américains pourrait représenter une grande différence pour nous, par exemple, le contrôle des armes à feu ou les règlements de la Food and Drug Administration comparativement aux règlements sur la santé au Canada. Cela signifie que nous accepterions ainsi des règlements s'appuyant sur les informations fournies par les grandes pharmaceutiques créées pour régler des problèmes sociaux aux États-Unis comme la dysérection chez les hommes âgés, plutôt que des règlements traitant de médicaments qui intéresseraient un système de santé public, qui a besoin de médicaments à faible coût, préférablement génériques.

    Ce n'est qu'un exemple. La réglementation traite de tous les aspects de l'activité gouvernementale, mais je tiens à signaler que dans ce petit paragraphe, il y a un énorme projet de gouvernance pour toute l'Amérique du Nord. Donc, dans un sens, je me contredis parce que je sais que, d'une part, il y a un magnifique système gouvernemental, qui n'existe pas, mais d'autre part, c'est qu'on introduit un grand projet pour les gouvernements d'Amérique du Nord que nous, le public, ne comprenons pas parce que ses ramifications sont infinies et le processus secret. Je ne dis pas qu'on cache des choses, étant donné qu'on les a annoncées, mais je dis qu'il est très difficile pour nous, le public, à moins d'être les fonctionnaires qui vont réécrire les règlements, de savoir quel effet cela aura sur nous.

    Je crois que c'est un paragraphe très important, mais je crois aussi que c'est de la dynamite.

    Je vais peut-être m'arrêter sur une dernière critique, puis je passerai de là à des propositions constructives.

    Cette critique porte sur une contradiction, et c'est un problème de style important et qui concerne aussi le fond. À la page 1 de ce rapport, il est dit: « Nous sommes un chef de file en matière d'innovation, et nous avons beaucoup investi dans la recherche et le développement. » Comparez cela à la page 9: « Le Canada se classe 12e parmi les pays de l'OCDE pour ce qui est du ratio des dépenses vouées à la recherche-développement par rapport au PIB. » C'est une contradiction importante, et je crois qu'on pourrait y voir.

    Je m'arrête sur une note positive, et elle a trait au Mexique étant donné que nous parlons de l'Amérique du Nord. Il est fait mention du Mexique à maints endroits dans l'énoncé de la politique internationale, et je crois qu'on en parle suffisamment, on reconnaît son importance, mais je crois que ce pays est essentiellement marginalisé en même temps. On y dit que nous avons une relation bilatérale avec le Mexique, et je crois que votre comité aurait intérêt, étant donné qu'il dispose de moyens de recherche importants qui sont personnifiés par M. Lee et M. Schmitz, à relire ses rapports précédents où il a fait état des rapports avec le Mexique. Il est dit que le Mexique fait en quelque sorte partie de l'horizon canadien et de l'horizon américain, même si ce n'est pas pour nous évidemment une dimension aussi importante.

¿  +-(0930)  

    Si le gouvernement du Canada veut prioriser son approche désordonnée en matière de relations internationales, je crois que le Mexique est un excellent sujet d'intérêt. Bien sûr, toute personne originaire de l'Europe orientale dira que nous devons porter notre attention sur l'Europe orientale. Je vois bien que la question est difficile, mais le Mexique a désormais sa place chez nous. Si l'Ontario exporte ses tomates, c'est parce que nous importons des travailleurs du tiers monde chaque année, pendant huit mois. Des Mexicains viennent travailler à Leamington; sans eux, notre production de tomates ne serait pas concurrentielle à l'échelle continentale.

    Nous avons avec le Mexique des rapports qui doivent prendre une expansion considérable pour de nombreuses raisons. C'est un pays du tiers monde et donc, moralement parlant, qui a besoin d'aide, mais il fait désormais partie de notre horizon nord-américain, avec l'ALENA, et si nous voulons accroître notre fierté et notre influence à Washington, je crois que nous avons besoin des Mexicains, étant donné que le Canada s'affaiblit. Notre influence décline. Notre PIB par rapport au PIB mondial est en déclin. Nous recevons moins d'investissements étrangers. Je ne veux pas brosser un portrait sinistre de la situation, mais le fait est que le reste du monde connaît une croissance supérieure à la nôtre. Nous prenons de moins en moins de place. Le Mexique va finir par nous dépasser; sa population dépasse déjà les 100 millions. Si ce pays arrive à remédier à sa pauvreté croissante et scandaleuse et aux problèmes de chômage qui sont causés en partie par l'ALENA, il va devenir le partenaire dont nous aurons besoin pour traiter avec les États-Unis.

    En conclusion, monsieur le président, je crois que, pour ce qui concerne le volet nord-américain de cet énoncé de politique, le comité devrait proposer une approche beaucoup plus intégrée par rapport au Mexique, pour qu'on le considère non pas comme un pays comme les autres, mais comme un pays qui joue un rôle très important pour notre bien-être.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Clarkson.

    Lorsque nous avons fait notre étude sur l'ALENA, vous avez témoigné devant le comité. Nous avions recommandé entre autres que les leaders, soit le premier ministre et les présidents du Mexique et des États-Unis, se réunissent au moins une fois par année. C'était une de nos recommandations. Nous rencontrons les responsables de l'Union européenne deux fois par année, et nous ne rencontrons même pas une fois par année nos homologues de l'Amérique.

    Vous avez aussi une recommandation concernant les sommets annuels sur la frontière, et vous recommandez la création d'un comité du Cabinet sur l'Amérique du Nord. Vous recommandez l'ouverture d'un plus grand nombre de consulats aux États-Unis. On y est quelque peu favorable, mais cela prend beaucoup de temps.

    Je suis heureux que vous l'ayez dit aujourd'hui. Hier, l'ambassadeur Gotlieb disait que la mondialisation, c'est l'Amérique. Je crois qu'il faut y inclure le Mexique, sachant que l'Amérique, ce n'est pas seulement les États-Unis, si vous voulez dire les choses ainsi.

    Nous allons passer aux questions et nous allons commencer avec Mme Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup à tous les deux. C'est très intéressant et stimulant, tôt le matin.

    Monsieur Clarkson, la fin de votre intervention m'apparaît extrêmement importante, parce que vous allez plus loin que ce que nous avons dit dans notre rapport sur l'ALENA.

    En effet, vous osez dire ce que plusieurs intervenants au Mexique, et même au Canada, nous ont suggéré: pour avoir l'attention des États-Unis, le Canada dépense une grande énergie qui souvent n'est pas porteuse de fruits.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Stephen Clarkson: Oui.

+-

    Mme Francine Lalonde: Nous avons constaté, au Canada, le refus de reconnaître l'importance du Mexique et de la jalousie face à un rapport d'abord bilatéral et qu'on ne croyait pas devoir devenir trilatéral. On a eu des débats très intéressants entre députés sur cette question. On dit que le Mexique est un pays en émergence et qu'il devient fort. Au cours de notre voyage au Mexique, nous avons constaté que, si certaines entreprises mexicaines sont petites et travaillent avec les moyens du bord, il y a aussi de très grandes entreprises. Un très grand nombre de jeunes étudient. Le Mexique peut surpasser le Canada. Alors, le Canada ne veut pas s'asseoir sur ses lauriers. Les entreprises du Québec et du Canada ne peuvent pas prétendre être un pays développé et...

    Ensuite, il est difficile d'obtenir l'attention des États-Unis, c'est évident. Or, les États-Unis portent de l'attention au Mexique pour des raisons manifestement différentes de celles qui définissent les rapports entre eux et le Canada. Ce que vous avez dit m'enthousiasme, monsieur Clarkson.

    Selon vous, comment peut-on convaincre les gens d'affaires et la classe politique de resserrer les liens entre le Canada et le Mexique, afin de transformer les rapports entre le Mexique, les États-Unis et le Canada?

    Monsieur Austin, vous avez commencé en disant que vous étiez déçu de la diminution de la présence du Canada au Kosovo, entre autres. Cette question m'intéresse puisque j'ai accompagné le ministre Axworthy à Pristina, où j'ai vu le travail accompli par les militaires canadiens. C'était la première fois que je voyais des militaires qui, en dehors de leurs heures de service, allaient rebâtir une école, réparer le toit et la plomberie. Je voyais tout ce qu'a apporté cette présence. Malheureusement, je n'ai pu suivre l'évolution de la situation et j'aimerais savoir quelles sont les conséquences, selon vous, de cette « absence » du Canada.

+-

    Le président: M. Clarkson.

+-

    M. Stephen Clarkson: Merci de votre question, madame Lalonde.

    Je n'ai pas de solution magique pour modifier notre approche au Mexique, mais je constate qu'il y a un changement. Par exemple, j'ai fait remarquer au président et chef de la direction du Conseil canadien des chefs d'entreprise, M. d'Aquino, qu'il a agi de façon trilatérale lors de sa dernière initiative. L'ex-ambassadeur Andres Rozenthal...

¿  +-(0940)  

+-

    Mme Francine Lalonde: Oui, je le connais bien.

+-

    M. Stephen Clarkson: Sans doute lui avez-vous parlé.

    M. Rozenthal vient de créer là-bas l'équivalent du Canadian Institute of International Affairs. Cet organisme, le Council on Foreign Relations et le CIIA au Canada ont formé une alliance ou une coalition. Ce sont eux qui ont fait les propositions que les gouvernements ont acceptées.

    Je crois que l'élite du monde des affaires canadien comprend que ce dernier a commis une erreur au lendemain du 11 septembre 2001 en renforçant les liens canado-américains comme si le Mexique n'existait pas.

    Elle a compris qu'il vaut mieux utiliser une approche trilatérale, parce que ce que vous avez dit est vrai, surtout sous l'administration Bush. Quand il pense à l'extérieur, M. Bush pense au Mexique, puisqu'il était gouverneur du Texas. Plus important encore, aux États-Unis, il y a de 4 à 6 millions de Mexicains illégaux dont les enfants sont des citoyens américains et il y a 5, 6, voire 10 millions de Mexicains légaux. Cela forme un bloc politique bien plus important que Wayne Gretzky ou — que sais-je? — Galbraith.

    Notre présence aux États-Unis est invisible, tandis que la présence mexicaine au sein du système politique américain est visible et importante. Or, le gouvernement mexicain a développé des moyens d'utiliser ce pouvoir. Il a créé la carte Matricula Consular pour légitimer les Mexicains illégaux aux États-Unis.

    Ce sujet d'importance est très intéressant, et j'ai l'impression que le Mexique a maintenant plus de pouvoir que nous à Washington.

    Récemment, j'ai passé trois hivers à notre ambassade à Washington, où j'ai eu des conversations avec nos diplomates. Ils disent vouloir coopérer avec le Mexique, mais vouloir préserver notre rapport spécial avec l'oncle Sam. Ils continuent à parler de l'OTAN et de notre rôle durant la Deuxième Guerre mondiale. On essaie de renforcer quelque chose qui est révolu.

    Comment changer? Je ne sais pas.

    Dans mon enseignement, qui est orienté sur les rapports canado-américains, je parle maintenant des rapports canado-américains-mexicains. J'ai dû apprendre l'espagnol pour mes recherches, parce que cela fait partie de mon travail. Je suis un spécialiste, et il nous faut orienter notre enseignement dans cette direction.

    De plus, il nous faut encourager l'immigration. J'ai une étudiante qui, le jour même où elle a obtenu sa maîtrise en littérature comparée, a aussi reçu une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada lui annonçant qu'elle devait quitter le pays. Elle essayait d'immigrer ici et elle avait commencé à travailler illégalement trois heures par semaine. Elle attend maintenant au Mexique depuis six ou sept mois, et on vient de lui dire qu'elle doit passer un nouvel examen d'anglais, même si elle le parle bien.

    On n'encourage pas leur participation à notre société. Tout le reste du monde arrive ici plus facilement. Il faut travailler à cela.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Austin, voulez-vous répondre à la question de Mme Lalonde?

+-

    M. Robert Austin: Oui, et merci beaucoup pour la question.

    Malheureusement, j'étais moi aussi à Pristina en 1999. Pour le Canada, c'était une époque très intéressante, après ce qui s'était passé en 1998 et 1999. Au cours des cinq années où nous avions un bureau là-bas, nous avons vécu des moments très intéressants.

    Nous étions très influents au Kosovo parce que, dans les Balkans, les Canadiens sont considérés comme étant des arbitres impartiaux dans une situation très compliquée. Je me rappelle que nous avions un bureau là-bas qui était dirigé par Sean Barber, qui était devenu le diplomate comptant le plus d'ancienneté au Kosovo lorsqu'il est parti, en 2003, je crois. Il était vraiment devenu le porte-parole de la communauté internationale lorsque celle ci agissait en marge de la mission des Nations Unies au Kosovo. Il y avait beaucoup de conflits entre les Nations Unies et la communauté internationale lorsque celle-ci agissait séparément au lieu de constituer un corps uni.

    Votre question portait sur les conséquences, n'est-ce pas? Malheureusement, nous ne pouvons pas rétablir pour le moment notre influence au Kosovo. C'est malheureux parce que nous avons dépensé beaucoup d'argent au Kosovo. Je me rappelle un chiffre qui était d'environ 120 millions de dollars, et je ne crois pas que cela comprenait le coût de l'intervention de l'OTAN. Je crois qu'une bonne partie de cet argent a été dépensée par l'Agence canadienne de développement international, mais dans les Balkans, c'est important étant donné que cette région est le théâtre du dernier conflit qui fait rage en Europe continentale.

    L'année 2006, qui approche à grands pas, sera une année critique pour les Balkans. Il reste deux questions à régler. La première, c'est le Kosovo; l'autre, c'est le Monténégro. Le Monténégro doit tenir un référendum, vers la fin mars ou au début d'avril de 2006. Ce sera une année très difficile pour la Serbie, et sans une Serbie démocratique, il n'y a pas d'avenir dans les Balkans; tout dépend vraiment de la Serbie.

    Je crois qu'il nous appartient maintenant à nous, Canadiens, de rétablir notre présence là-bas. Soit dit en passant, les États-Unis ont repris pied dans la région. Les États-Unis s'étaient quelque peu éloignés de la crise des Balkans pour s'occuper d'autres choses. Si l'on en croit les déclarations émanant des États-Unis, ceux-ci vont intervenir de nouveau.

    Je crois qu'il serait logique pour le Canada d'intervenir de nouveau, modestement, parce que je ne prévoie pas de nouveaux conflits dans le Sud-Est de l'Europe. Je n'exclus pas non plus entièrement cette possibilité parce que si le Kosovo accède à l'indépendance, et je m'attends à ce que cela se produise en 2006, il faudra y maintenir une présence internationale forte pour le long terme. Si le Monténégro devient indépendant en 2006, ce à quoi je m'attends aussi, ce sera deux coups très durs pour la Serbie.

    Comme on sait, la Serbie, même si elle a fait des gains, demeure une société très divisée. Des politiciens très radicaux y exercent encore une influence profonde. Il faut se rappeler que le Parti radical serbe, dont le chef est à La Haye, recueille environ 40 p. 100 des votes. Je m'aventure très loin en disant cela, mais les gens qui regrettent le bon vieux temps de Milosevic, qui idolâtrent des criminels de guerre comme Radovan Karadzic ou Ratko Mladic, sont très dominants dans cette société.

    Je suis étonné de voir à quel point le Canada a joué un petit rôle là-bas sachant combien on y a investi au départ. C'est pour moi très illogique. La seule question que les gens me posent là-bas, et j'y vais très souvent, est celle-ci: qu'est-ce qui vous est arrivé? Vous êtes venus ici, vous nous avez fait la leçon, vous nous avez fait la morale, vous étiez critiques au départ — puis vous êtes disparus. Nous nous apprêtions vraiment à....

    Ce sont de petits pays. Un pays comme le Canada qui, comme l'a dit le professeur Clarkson, a vu son influence décliner, est très influent dans ces petits pays, et c'est encore le cas. Je crois que c'est une chose dont nous devrions profiter, particulièrement en 2006.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui, particulièrement si tôt le matin — pour moi en tout cas, ça semble très tôt.

    J'aimerais demander à M. Clarkson s'il est disposé à nous parler un peu des Nations Unies et de leur avenir. De même, comment entrevoyez-vous le rôle du G-20 sur la scène politique internationale?

+-

    M. Stephen Clarkson: Merci beaucoup.

    J'imagine que vous parlez des Nations Unies et du rôle que le Canada y joue, et si c'est le cas, nous avons beaucoup investi dans les Nations Unies. Je ne suis pas vraiment expert dans ce domaine, je parle donc davantage à titre d'observateur et en tant que personne qui écoute ce que ses collègues disent.

    Mais j'ai l'impression que l'ONU continue de jouer un rôle essentiel — je ne devrais peut-être pas dire essentiel — mais très important dans l'action du Canada. Le rôle qu'a joué l'ambassadeur Heinbecker en 2003 dans les événements qui ont conduit à la guerre malheureuse en Irak a démontré, à mon avis, que même si nous ne siégions pas au Conseil de sécurité, nous pouvions exercer beaucoup d'influence. Cette influence n'a pas donné les résultats escomptés, mais elle demeurait néanmoins importante, et en fait, la position du Canada a eu une influence sur ce que M. Blair a proposé à Washington. Stephen Lewis est une personnalité canadienne importante, tout comme Louise Fréchette et David Malone, qui vient de rentrer à Ottawa.

    Je crois que la participation canadienne aux Nations Unies a été importante dès le départ et elle demeure importante. Je crois donc que votre comité doit absolument encourager le gouvernement à soutenir cet intérêt important parce qu'après tout, les Nations Unies demeurent le premier instrument de la gouvernance globale, en dépit de tous les problèmes qui se posent.

    Posons maintenant une question qui demeure toujours difficile pour les Canadiens, comment le Canada doit-il résister ou contourner...? Comme Robert McNamara l'a dit, le monde doit contourner les États-Unis à cause de sa politique suicidaire en matière de prolifération nucléaire. Comment le Canada aide-t-il le reste du monde en contournant les États-Unis et en contenant les dégâts que cause l'administration actuelle dans de nombreuses régions? Eh bien, l'ONU est l'endroit tout indiqué pour cela. On peut y faire des choses même si les États-Unis s'y opposent, même s'ils y envoient un ambassadeur qui est décidé à châtrer l'ONU.

    Je pense donc que les Nations Unies ont joué un rôle très important dans la politique étrangère du Canada, et il faut absolument qu'il en demeure ainsi.

    Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question.

    Merci.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Merci.

    En réponse à la même question, voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Austin?

+-

    M. Robert Austin: Non, disons que je ne sais pas grand-chose des Nations Unies.

+-

    Le président: D'accord.

    Mme McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais qu'on reparle des Nations Unies, mais je pourrais peut-être commencer avec M. Austin.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de la décision du Canada de jouer un rôle beaucoup moins considérable, et je parle de notre participation dans les Balkans. Vous avez dit que les gens là-bas vous demandent, à titre de participant aux programmes d'échanges étudiants et le reste, et dans les autres rôles que vous jouez probablement étant donné votre domaine d'expertise, ce qui est arrivé au Canada. Je me demande si vous avez une idée des raisons pour lesquelles le Canada, après s'être engagé si profondément, s'est désengagé si complètement.

    L'autre chose qui m'intéresse et dont j'aimerais discuter un peu, c'est le cauchemar des visas pour les étudiants étrangers. Cette question a déjà été soulevée devant le comité, tout récemment — et très efficacement, par l'Association des universités et collèges du Canada, qui était représentée par M. McLaughlin et Mme McBride, celle-ci étant responsable des programmes internationaux.

    Je sais que dans ma propre province, l'une de nos universités, le Nova Scotia Agricultural College — et il s'agit ici d'un microcosme de ce dont vous parlez — avait approuvé l'inscription de 20 étudiants étrangers à un programme particulier. Cela avait nécessité beaucoup de travail. Il s'agit en fait d'un très gros contingent d'étudiants pour une université aussi petite. Seulement cinq de ces étudiants ont pu obtenir un visa, ce qui a causé des problèmes immenses des deux côtés.

    Avez-vous des suggestions sur ce que le gouvernement devrait faire, et sur ce que nous devrions recommander au gouvernement, pour résoudre ce problème? C'est un problème pour les étudiants qui veulent venir au Canada. Le cours de leur vie est littéralement suspendu parfois, avec des résultats désastreux, et ils finissent par ne jamais venir chez nous. C'est aussi un problème pour les établissements de notre côté, et une occasion perdue des deux points de vue.

    Troisièmement, j'ai participé récemment à une table ronde lors d'une conférence parrainée par l'ACEDI, l'Association canadienne d'études du développement international. Je sais que ce n'est qu'un des groupes étudiants qui s'intéressent vivement au travail outre-mer, mais on a fait valoir que non seulement nous avons très peu d'étudiants qui travaillent à l'étranger, mais ce faible taux de participation compromet aussi les perspectives d'emploi des diplômés canadiens parce qu'il y a des ministères, des sociétés et des ONG qui hésitent beaucoup à embaucher les diplômés de ces programmes s'ils n'ont pas d'expérience à l'étranger.

    Avez-vous des commentaires sur ces trois problèmes? Je poserai plus tard mes questions à M. Clarkson.

    Merci.

+-

    M. Robert Austin: Je vais commencer par le Kosovo.

    Au sujet de notre présence au Kosovo — et par après en Albanie et en Macédoine, faisant suite au conflit au Kosovo — je pense que la principale raison pour laquelle nous sommes partis était d'ordre financier; nous avons simplement décidé que nous n'avions plus les moyens d'être là, ce que j'ai trouvé étrange étant donné que notre présence dans ces pays ne coûtait pas bien cher.

    Moi je suis pour. Si c'est une politique étrangère flexible qu'on veut, je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi nous ne pouvons pas faire ce que fait l'Autriche — un pays beaucoup plus petit que le nôtre, tant sur le plan géographique que démographique — et qui a été très efficient. L'Autriche a à son service un certain nombre de diplomates passe-partout, comme on dit, qui ne font qu'assurer une présence en la personne d'un diplomate qui est dynamique, très présent, etc. et qui représente le pays.

    Pour ce qui est du Kosovo, nous sommes partis parce que nous avons décidé que nous ne voulions plus dépenser un sou là-bas, même si nous avions déjà dépensé, comme je l'ai dit, 100 millions de dollars. Je crois que le Canada a décidé que le sud-est de l'Europe — cette région qu'on appelle maintenant les Balkans occidentaux, où l'on trouve les derniers problèmes de la région — relève désormais de l'Union européenne. Je tiens à souligner que l'Union européenne n'est pas capable de régler ces problèmes parce que l'Union européenne n'a aucune crédibilité dans la région. Sa crédibilité est zéro, particulièrement parmi les Albanais, qui pensent que l'Europe est toujours de mauvaise foi et qu'il y a trop de vieilles alliances en Europe qui entravent le droit à l'autodétermination en Albanie.

    C'est la même chose pour le Monténégro. Les Monténégrins et les Albanais, dans une large mesure, se tournent vers les États-Unis, mais nous avons aussi beaucoup d'influence là-bas parce que, comme je l'ai dit plus tôt, on nous considère totalement impartiaux.

    Je le répète, comme on l'a remarqué, l'Union européenne est tout simplement incapable de rendre des décisions. Lorsqu'il s'agit de résoudre la crise des Balkans, elle s'en remet toujours aux Nations Unies pour dire que ça suffit.

    Je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas rétablir notre présence là-bas, mais je le rappelle, le Canada a décidé que c'était un problème qui relevait de l'Union européenne — problème qu'elle ne peut pas résoudre, soit dit en passant, je le répète — et que nous avons simplement décidé que nous n'avions plus les moyens d'être là. Je sais aussi que nous nous défendons contre des poursuites judiciaires à la Haye étant donné que la Serbie nous poursuit pour avoir bombardé le pays, donc on a probablement déplacé des crédits d'un dossier à l'autre, et certains bureaux ont dû être fermés, mais nous pourrions être de nouveau présents là-bas pour pas cher avec des diplomates passe-partout.

    Pour la question des visas, je crois comprendre que si vous invitez 20 étudiants, il se peut que deux restent. Je m'y résigne. C'est une réalité. Je ne vois pas ce que je peux dire d'autre. Le Canada n'est pas le genre de pays qui peut adopter une loi disant que si nous acceptons l'étudiant A, celui-ci est obligé de rentrer chez lui. Mais étant donné le nombre de personnes qui entrent chez nous par le biais des programmes de réfugiés, par le biais de la filière normale de l'immigration, nous recommandons de prendre un peu plus de risque ici. Je crois que c'est vrai. Si je prends chez moi 24 Kosovars, j'admets au départ que certains d'entre eux vont rester — et disons-le franchement, je ne les blâmerai pas; la situation est assez tragique chez eux.

    Je pense que nous sommes très prudents, surtout lorsqu'il s'agit des jeunes gens. Le message qu'on envoie à la personne qui ne peut pas obtenir de visa — le message qu'on envoie rien qu'avec le processus d'obtention du visa — est parfaitement humiliant. C'est une humiliation absolue, et je ne crois pas que ce soient les Canadiens qui humilient ces gens; c'est le personnel engagé sur place. Les gens les plus durs envers ces gens-là sont leurs propres compatriotes. Les Canadiens ne sont pas durs envers les Albanais à Belgrade ou d'ailleurs, c'est le personnel engagé sur place qui l'est.

    Un étudiant kosovar m'a dit: « Mon but dans la vie, c'est que toi, Robert, tu aies mon passeport pour une journée, rien que pour une journée, pour que tu puisses voir toutes les épreuves que je dois traverser. » Étant donné que nous n'avons aucune présence là-bas, pour ces jeunes gens, c'est presque impossible. Un Albanais doit se rendre à Belgrade pour obtenir un visa. Ce qui l'oblige à rester pour la nuit. Ce qui veut dire qu'il doit aller à l'hôtel ou à l'auberge. Ce qui veut dire qu'il doit faire la queue.

    Je suis d'accord pour dire que nous nous sommes montrés plus efficients au cours des quelques dernières années, mais nous sommes très prudents lorsqu'il s'agit de visas. Je crois que nous pourrions admettre qu'un certain nombre d'étudiants vont rester chez nous. Les États-Unis semblent accepter cela aussi, soit dit en passant — à savoir qu'un certain nombre d'étudiants vont rester là-bas.

    On pourrait accélérer le processus en éliminant ces fardeaux financiers onéreux — que, soit dit en passant, les étudiants canadiens ne pourraient pas supporter. Si on imposait les mêmes conditions à nos propres étudiants qui demandaient les visas, si ces pays appliquaient le même processus, nos étudiants n'obtiendraient pas de visas parce qu'ils devraient avoir un certain montant d'argent à la banque, et la plupart des étudiants n'ont pas autant d'argent à la banque. En fait, je n'ai pas moi-même autant d'argent à la banque.

    La question de l'expérience à l'étranger me ramène à ce que je disais, à savoir que nous devons trouver un moyen dans notre politique étrangère de faire travailler nos jeunes à l'étranger parce que — vous avez raison — ils ne peuvent pas obtenir ces emplois-là chez nous sans expérience à l'étranger, et comme je l'ai dit auparavant, nous avons tout à fait les moyens financiers de faire cela.

    Ce qui m'a impressionné le plus, comme je l'ai dit, c'est que nous avons fait plus que simplement créer ce réservoir de jeunes gens qui travaillent à l'étranger. C'est une chose que d'entreprendre une carrière dans un nouveau milieu, dans un bureau où il faut rencontrer des centaines de personnes nouvelles — c'est très énervant — mais imaginez le type de personne que nous créons en ce moment, grâce à Jeunes Professionnels à l'international. Ils se lancent non seulement dans une nouvelle carrière, mais ils entreprennent une nouvelle carrière dans une nouvelle culture, dans un nouveau milieu. Nous formons ainsi un employé aux capacités très diverses, très adaptables, qui peut avoir un pied en Europe, par exemple, où nous étions, ou en Amérique du Nord.

¿  +-(0955)  

    Je ne peux trop insister sur le caractère facile et bon marché de cette composante de la politique étrangère, parce que je vois mes jeunes qui travaillent à l'étranger... Encore une fois, pour 12 000 $, ce qui est beaucoup moins cher que d'avoir un ambassadeur — et je ne compare pas un ambassadeur à un stagiaire — et c'est une expérience formidable, quand je vois ces jeunes dans leurs entreprises, surtout lorsqu'il s'agit de sociétés isolées.

    Par exemple, la Macédoine, que nous étudions beaucoup, est une société très fragile. Elle est prise dans un étau géographique et son territoire est mis en question. Avoir un Canadien sur place a une incidence énorme, pas juste pour son expérience, mais parce que l'on envoie un message à la Macédoine à l'effet que le Canada a fermé ses missions, mais il y a un Canadien sur place. Pour les entreprises avec lesquelles nous travaillons, cette notion de projeter nos valeurs à l'étranger est très importante. Si j'étais une entreprise, je vous dirais, envoyez-moi un Canadien pour qu'il ou elle nous montre comment les Canadiens ou les Canadiennes travaillent. J'ai une liste d'attente de compagnies qui veulent participer à ce programme, pas simplement pour avoir un employé relativement bon marché, mais parce qu'elles connaissent l'incidence que ces jeunes Canadiens ont sur place, l'incidence sur leurs jeunes employés, les liens qui se créent, les projets, etc., qu'il s'agisse de commerce, de culture, ou autre.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Monsieur Austin, j'ai une question à vous poser, et ensuite nous garderons M. Clarkson pour quelques minutes supplémentaires, car je lui ai promis qu'il pourrait partir à 10 heures. Je sais que vous avez un autre engagement.

    Ma question porte également sur les Balkans. Vous avez dit que l'année prochaine sera une année difficile, mais également une année importante en raison des deux référendums au Kosovo et au Monténégro. Vous voulez également augmenter la présence canadienne dans cette région. De quel type de présence parlez-vous? Nous avons déjà parlé de cette question. Parlez-vous de l'ACDI? D'une présence militaire? Si vous le pouvez, j'aimerais que vous nous donniez une recommandation sur le genre de présence qui devrait exister au Kosovo et dans cette région.

+-

    M. Robert Austin: Au Monténégro et au Kosovo, ça n'est pas la présence militaire qui est la plus importante. Cette époque est révolue. En fait, la présence militaire diminue.

+-

    Le président: C'est ce que je pensais.

+-

    M. Robert Austin: Il reste encore 18 000 soldats au Kosovo, surtout des Américains et des soldats d'autres pays. Le Canada ne fait pas partie de ceux-là.

    L'ACDI s'est véritablement retirée de cette région et c'est décevant. Il serait utile d'avoir une présence modeste de l'agence. Elle a mis sur pied un programme géré par le biais de l'Association des universités et collèges du Canada, appelé Programme Partenariat pour l'avenir, qui est un mécanisme de voyages de petite envergure pour mettre sur pied des programmes. Nous pouvons aujourd'hui faire venir des gens du Kosovo en vertu de ce programme, mais il a beaucoup changé. Nous ne pouvons plus faire venir d'Albanais, ni de Macédoniens. Je ne sais pas pourquoi ces choses ont changé.

    Soit dit en passant, le message que l'on envoie dans cette région, c'est que nous avons abandonné. C'est un message terrible, lorsqu'un jeune va sur le site Web et se rend compte que l'Albanie ou la Macédoine ne sont pas admissibles. D'autres pays ne sont pas admissibles non plus mais c'est parce qu'ils font partie de l'Union européenne. Les pays de l'Union européenne, évidemment, ne sont pas admissibles à l'aide canadienne au développement. Je pense donc qu'il faut que l'ACDI réinvestisse des efforts dans le cadre de partenariats.

    Je pense également que l'Agence doit jouer un rôle dans le référendum qui s'annonce. Le Canada a une grande expertise électorale. Il y aura un référendum et je pense qu'il est important que le Canada joue le rôle d'observateur lors du référendum au Monténégro.

+-

    Le président: Merci, monsieur Austin.

    Nous allons continuer avec M. Clarkson. Vous avez quelques minutes. Pouvez-vous rester, monsieur Clarkson, pour cinq ou dix minutes supplémentaires? Oui? Merci.

    Vous pouvez répondre à la question de Mme McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Il faut que j'envoie cette transcription à ma tante qui a 94 ans et est déménagée au Mexique en 1937. C'est la soeur de ma mère. Elle vit toujours là-bas et elle suit de près les relations entre le Canada, les État-Unis et le Mexique. Elle exprime constamment les mêmes préoccupations que vous, que vous venez de formuler devant le comité. Elle ne comprend tout simplement pas pourquoi le Canada n'intensifie pas ses relations à la fois avec les État-Unis et le Mexique, mais plus particulièrement avec le Mexique, pour toutes sortes de raisons. J'aimerais en savoir davantage.

    Je trouve très troublant qu'une initiative aussi importante que celle qui a eu lieu à Waco, au Texas, ait été menée et financée à l'avance par les grandes entreprises, surtout des multinationales.

    Je ne dis pas qu'il n'y a pas là un rôle à jouer. Bien entendu, quand on parle de commerce, il convient tout à fait de participer. Mais je me demande si le Canada n'est pas plus proactif dans ce dossier pour deux raisons.

    La première, c'est que les État-Unis ne le souhaitent surtout pas. Ils ne veulent pas que le Canada et le Mexique travaillent ensemble. Ils veulent des relations bilatérales avec chacun de nous, de manière à diviser pour régner. Je pense que nous avons eu de nombreux exemples de cela.

    La deuxième raison, c'est que le Canada, peut-être, ne joint pas le geste à la parole, et est tout à fait prêt à éviter de mettre sur pied des infrastructures concrètes, de vrais mécanismes, pour une prise de décision continentale responsable envers les citoyens et réellement fondée sur l'intérêt public. Au lieu de cela, sourire en coin, on ne se gêne pas pour envoyer d'Aquino et sa bande — je le dis péjorativement, mais ce n'est pas la première fois qu'il l'entend — travailler vraiment à des ententes qui se feront surtout dans l'intérêt des entreprises et des élites.

    Je sais que c'est toute une question, mais je me demande vraiment si vous pourriez me répondre.

+-

    M. Stephen Clarkson: Dans la mesure où nous parlons de commerce, ce sont les entreprises canadiennes qui ont dominé le programme. Les syndicats de métiers n'ont pas participé aux négociations du premier accord de libre-échange. La société civile dans son ensemble a été à l'écart alors que les entreprises y participaient. C'est une décision prise délibérément par le gouvernement Mulroney, à l'époque, parce qu'il voulait un accord dont le cadre aurait été décidé par le milieu des affaires.

    En réalité, les gens d'affaires sont branchés, mais pas le reste du Canada, pour tout ce qui se rapporte au commerce. Jusqu'à l'an dernier, c'était intégré à l'institution même, grâce à la prise de contrôle inversée du secteur des affaires extérieures par les délégués commerciaux, que MM. Trudeau et Pitfield ont amalgamés en 1982. Bizarrement, le petit groupe de responsables du commerce a pris les rênes du programme dans le cadre de la Commission Macdonald, même si c'était un processus assez compliqué.

    Notre politique étrangère a été axée sur le commerce. En gros, c'est toujours vrai, et nous avons une réalité canadienne double. Nous avons le Canada du commerce, mené surtout par les gens d'affaires, et le Canada humanitaire, qui parle du Kosovo, des Nations Unies, de l'aide à l'étranger et de toutes les bonnes choses que nous pensons faire. Nous avons donc une position très hypocrite par rapport au monde et il est très difficile pour nous de le reconnaître.

    Nous parlons de la difficulté d'élaborer un véritable trilatéralisme. Je ne pense pas que ce soit simplement parce que les État-Unis ne veulent pas d'une collaboration entre le Canada et le Mexique. Le Canada ne voulait pas d'institutions d'importance dans l'accord commercial initial, dans l'ALENA. Elles ont été rejetées, même avec M. Fox.

    Le président Salinas a accepté le mot d'ordre selon lequel nous ne voulions pas d'une Amérique du Nord institutionnalisée, bureaucratique avec trop de pouvoir au sommet, comme l'Union européenne. Il a adopté cette idée. M. Fox, à son élection, ainsi que son ministre des Affaires étrangères, M. Castañeda, avaient adopté la position de Robert Pastor selon laquelle l'Amérique du Nord avait besoin d'institutions pour bien fonctionner. Il était trop tard, bien entendu, et quand M. Fox est arrivé à Ottawa avec cette idée, M. Chrétien l'a rejetée du revers de la main. M. Fox en a reparlé récemment et M. Martin n'a pas fait autrement que M. Chrétien.

    Le gouvernement canadien lui-même est donc coupable d'avoir rejeté les aspects positifs de l'institutionnalisation de nos relations. On la craint.

    Au sujet des institutions, nos idées sont très simplistes. Il y a quelques années, M. d'Aquino avait avancé l'idée de prendre comme modèle la Commission internationale mixte, lorsqu'on lui a demandé comment on pourrait mettre sur pied des institutions. Je l'ai rencontré par hasard dans une mercerie de la rue Bloor récemment, et je lui en ai parlé. Il a dit qu'il essayait seulement de prouver aux Américains que nous avions déjà des institutions. Mais l'idée qu'il y ait une organisation paritaire où le Canada et le Mexique, comme les État-Unis, auraient un droit de vote ne saurait être acceptée par les État-Unis et nous sommes donc dans une impasse.

    Il est vrai que nous avons des institutions, mais elles sont invisibles. Le secteur de l'acier a été américanisé d'une façon très intéressante. Nous n'avons probablement pas suffisamment de temps pour une digression sur ce sujet, mais le secteur de l'acier est un exemple intéressant. Il y a eu beaucoup d'investissements canadiens aux État-Unis, en grande partie parce que le libre-échange n'a pas réussi à mettre fin aux mesures antidumping et aux représailles contre les exportations canadiennes. Quoi qu'il en soit, la présence des sociétés sidérurgiques canadiennes aux État-Unis est telle qu'elles participent à son principal lobby, le American Iron and Steel Institute. Elles ont donc une influence au Congrès, ce qui devrait faire pencher le Congrès du côté du Canada.

À  +-(1005)  

    On a parlé de mesures de protection contre les importations d'acier, mais le Canada et le Mexique en ont été exemptés en grande partie à cause de la présence importante du Canada au sein du secteur américain de l'acier. Il y a maintenant aussi une présence américaine. Dans ce secteur particulier, il y a une sorte d'institutionnalisation du secteur privé. En outre, par coïncidence, le chef du syndicat américain des métallos est un Canadien, depuis deux mandats.

    Il y a donc eu une sorte d'américanisation, ou ce que j'appellerais, que cela vous plaise ou non, une hégémonisation de l'Amérique du Nord, par laquelle les États-Unis sont devenus de plus en plus puissants, grâce à ces processus.

    Je ne sais pas si le comité veut se pencher là-dessus, mais je crois que le vide institutionnel en Amérique du Nord ne fait que perpétuer les problèmes. Nous ne réglerons pas la question du bois d'oeuvre. Nous ne réglerons pas de nombreuses questions parce qu'il n'y a aucune façon d'en traiter d'une manière globale. Il faut procéder au cas par cas. Bien entendu, certains prétendront qu'il est préférable de procéder au cas par cas, mais le problème, c'est que même quand on a une institution comme la Commission internationale mixte, les États-Unis s'en retirent. Comme vous le savez, ils ont refusé que la question de Devils Lake soit renvoyée à la CIM, et en général, à Washington, on répugne à accepter toute contrainte qui pourrait être imposée par le droit international.

    Je ne sais pas. Encore une fois, l'énoncé de la politique internationale ne veut pas appeler un chat un chat. il faut être diplomatique. Mais en évacuant des questions comme la tendance générale des États-Unis à ne pas se conformer à des décisions ou aux règles dont ce pays est signataire, ont subi de graves conséquences.

    Revenons à votre question sur la collaboration avec le Mexique. Ce pays aurait nettement avantage à ce que les États-Unis respectent les règles. Même si les règles sont injustes, il est préférable qu'on s'y conforme, plutôt que de les ignorer. Le Mexique veut travailler avec nous. J'ai toujours l'impression qu'il voudrait se rapprocher du Canada.

    Je pense avoir oublié votre question, mais si je...

À  +-(1010)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Vous avez dit que vous y travailliez. Vous y avez certainement réfléchi. Avez-vous écrit des textes que vous pourriez transmettre au comité?

+-

    M. Stephen Clarkson: J'ai un document manuscrit qui est bien trop volumineux pour être lu, mais il ne paraîtra que dans quelques années.

+-

    Mme Alexa McDonough: Est-ce qu'il aborde ce sujet?

+-

    M. Stephen Clarkson: Le manuscrit porte sur l'acier, sur les industries financières, sur la sécurité frontalière. Il porte sur un vaste nombre de questions nord-américaines.

    Oui, et j'ai écrit sur des sujets spécifiques, et cela a été publié. Je pourrais en parler avec M. Lee.

+-

    Le président: J'aurais une dernière question à vous poser, elle porte sur la Chine.

    Certaines personnes ont suggéré que le récent accord du Canada avec la Chine sur les ventes d'énergie est en fait un moyen d'exercer des pressions sur les États-Unis relativement à la question du bois d'oeuvre, entre autres. Êtes-vous en train de nous dire qu'il s'agit d'une manière de diversifier les échanges? Hier, l'ambassadeur Gotlied nous a dit que nous avions déjà tenté de faire cela dans les 1970. Ce fut un échec, ça ne fonctionnait pas du tout.

    Qu'en pensez-vous? Est-il réaliste ou non de procéder de la sorte?

+-

    M. Stephen Clarkson: Je crois qu'il s'agit d'une réalité concrète d'une part, et virtuelle de l'autre. Elle est concrète car la Chine prend de l'expansion. Elle génère une demande qui pourrait-être partiellement comblée par les ressources canadiennes. C'est une réalité virtuelle, car, si nous voulons que l'oncle Sam nous écoute, nous n'avons qu'à épeler le mot Chine, car les Américains ont peur du « péril jaune ». Il est dans notre intérêt d'encourager la participation chinoise dans l'économie pétrolière de l'Alberta, puisque ça permettra aux États-Unis de se rendre compte qu'ils ne peuvent tenir le Canada pour acquis.

    Cela nous rapporte à un autre problème, soit celui de savoir si le Canada doit prendre au sérieux ces négociations avec les États-Unis, alors que ce pays contrevient à ses engagements. Songez au Brésil, qui représente une puissance relativement égale à celle du Canada, quoique, pour être tout à fait honnête, le Brésil ne dépende pas autant que le Canada des exportations et importations, ainsi que du capital des États-Unis. C'est moins risqué pour le Brésil, car il n'est pas à côté des États-Unis.

    Comme vous l'avez peut-être appris — j'espère ne pas vous dire ce que vous savez déjà — les États-Unis ont refusé de se soumettre à une décision de l'OMC, selon laquelle les États-Unis ont enfreint leurs obligations internationales en refusant de donner au coton brésilien un accès au marché américain. En contrepartie, le Brésil se retire de la DPIC, l'entente portant sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, entente conclue avec les États-Unis sur les médicaments. C'est une mesure de rétorsion. Le Brésil a décidé de ne pas user de rétorsion en matière de tarif, mais de le faire plus tôt dans un domaine qui leur permettra de développer leur industrie de médicaments génériques. D'un point de vue moral, ils développeront des médicaments pour lutter contre le VIH et le sida. Le Brésil a reçu l'autorité de l'OMC pour procéder de la sorte, ils ont été très rusés.

    Le Canada pourrait faire la même chose en imposant une taxe d'exportation sur nos exportations pétrolières. Cela violerait l'ALENA de la même manière que le fait les États-Unis. L'argent, pour faire écho à l'amendement Byrd, serait redistribué à l'Alberta, pour nettoyer le dégât environnemental des sables bitumineux.

    Nous devons être plus rigides. J'espère que le comité saura donner du tonus à la Promenade Sussex.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Clarkson. C'est toujours fort intéressant de vous écouter.

    La séance est suspendue pour deux ou trois minutes.

À  +-(1015)  


À  +-(1025)  

+-

    Le président: La séance reprend.

    Notre témoin suivant est Mme Danielle Goldfarb, analyste politique principale de l'Institut C.D. Howe.

    Bienvenue. Vous avez la parole.

+-

    Mme Danielle Goldfarb (analyste de politique principale, Institut C.D. Howe): Bonjour, et merci beaucoup de me donner l'occasion de vous faire part de mes opinions sur l'énoncé de la politique internationale du Canada.

    L'énoncé aborde diverses questions, mais étant donné mon domaine de recherche, je vais m'en tenir au commerce et au développement. On trouve, dans plusieurs parties de l'énoncé de politique, les priorités et les principales initiatives. Je pense que c'est un bon point de départ, mais que le Canada devrait concentrer ses ressources limitées à un nombre moins élevé de dossiers et de pays que ce qui est prévu dans le document. Je ne pense pas que le gouvernement ait bien établi les priorités et les domaines, et les pays où nous concentrons nos efforts devraient être ceux qui procureront le meilleur rendement aux Canadiens.

    Commençons par le commerce. L'énoncé de la politique internationale dit que le Canada va concentrer ses efforts dans plusieurs régions: les États-Unis; l'Europe; la Chine, l'Inde et le reste de l'Asie; l'Amérique latine et les Caraïbes; l'Australie et la Nouvelle-Zélande; la Russie, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Ce n'est pas ce qu'on appelle établir des priorités. L'énoncé de politique n'a pas d'orientation claire et dit que le Canada va conclure des ententes de libre-échange avec l'Association européenne de libre-échange, l'Amérique centrale, Singapour et la Corée. Nous allons également engager des négociations avec les pays des Caraïbes, peut-être la communauté andine et peut-être avec la République dominicaine en plus de conclure une entente plus restreinte avec l'Union européenne. Mise à part l'Union européenne, les exportations de tous ces pays représentent moins de 2 p. 100 des échanges commerciaux du Canada.

    La négociation de ces ententes n'est pas sans coût. C'est un processus qui accaparera énormément de ressources qui pourraient être utilisées pour d'autres priorités comme l'OMC et les relations Canada-États-Unis. Les négociateurs doivent se déplacer et faire beaucoup d'analyses. Il y a à l'heure actuelle un certain nombre de fonctionnaires qui font ce travail.

    Malgré toutes les ressources affectées à la négociation de ces ententes, dans la plupart des cas le Canada n'a pas fait de progrès parce qu'il refuse d'éliminer les protections douanières dans certains secteurs et parce que les États-Unis offrent maintenant des ententes à ces mêmes pays qui sont donc moins intéressés à négocier avec le Canada. Malgré toute l'attention que nous leur avons accordée, ces négociations n'aboutissent à rien.

    L'énoncé reconnaît avec raison que le Canada continuera à dépendre principalement du marché américain dans un avenir prévisible. Mais, ce qu'il y a de trompeur, d'après moi, dans ce rapport c'est qu'il semble annoncer que la Chine, l'Inde et le Brésil sont les véritables clés de l'avenir économique du Canada. Il y a sans aucun doute d'importantes possibilités dans ces marchés, mais le rapport néglige d'expliquer que les Canadiens n'ont pas engagé de discussion sérieuse avec la Chine et l'Inde. Le rapport néglige également de reconnaître que le gouvernement a peu de chance de changer cet état de fait. Après tout, ce sont finalement les entreprises qui décident où vendre et où investir.

    Je suis sûre qu'on vous a probablement déjà dit que les exportations canadiennes vers la Chine représentaient moins de 2 p. 100 de la totalité de nos exportations l'an dernier. Nos exportations vers l'Inde ne représentent qu'un cinquième de 1 p. 100 et l'investissement direct réciproque est également insignifiant comparativement aux investissements entre le Canada et les États-Unis.

    Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'importantes possibilités dans ces économies à croissance rapide, bien au contraire, mais la plupart des entreprises canadiennes n'en ont tout simplement pas profité. L'énoncé de politique ne reconnaît pas cela et il ne trace pas non plus la voie à suivre pour accroître de manière considérable notre présence dans ces pays, ni notre participation aux chaînes d'approvisionnement mondiales.

    En dernière analyse, la plupart des emplois, des revenus, des investissements canadiens et, par conséquent, des biens sociaux que nous procure la prospérité dépendent d'un accès sûr et prévisible à l'économie américaine. C'est ça la réalité, que ça nous plaise ou non. Ainsi, assurer, maintenir et rehausser l'accès au marché américain doit être la priorité et ce doit se refléter dans notre façon d'affecter les ressources gouvernementales. Je serai heureuse de discuter de ce que nous devons faire dans un contexte canado-américain

À  +-(1030)  

    À partir de cela, qui doit être la priorité absolue car cela ne va guère changer au cours des prochaines années, pour en venir maintenant à l'OMC, le Canada est fortement partie prenante dans les règles commerciales internationales, et l'OMC, loin d'être négligeable parce que le Canada dépend essentiellement du marché américain, peut à mon avis être utile au Canada dans ses transactions avec les États-Unis et d'autres pays.

    L'énoncé de politique recommande que le Canada fasse énergiquement pression pour que les négociations de l'OMC à Doha débouchent sur un résultat ambitieux et équilibré mais il y a tellement de gens au gouvernement qui travaillent sur des ententes régionales et bilatérales qu'on ne s'occupe pas tellement de l'OMC. Il est donc pratiquement impossible pour le Canada de poursuivre un programme aussi ambitieux, d'apporter une contribution constructive ou de militer pour l'ouverture des marchés ailleurs quand sa position dans les négociations est sérieusement compromise par exemple par la décision de défendre des droits de douane de 300 p. 100 sur les produits laitiers soumis au régime de la gestion de l'offre.

    Si vous suivez les négociations actuelles, vous savez qu'on n'invite pas le Canada aux grandes réunions où se prennent les décisions. Le Canada n'a pas présenté une seule proposition agricole dans le cadre du cycle actuel, alors qu'il est le quatrième exportateur de produits agricoles au monde. Le Canada peut donc difficilement poursuivre un programme aussi ambitieux à l'OMC, comme le prétend l'énoncé de politique, quand en même temps il affirme dans ce même énoncé de politique qu'il va défendre ses pratiques de gestion de l'offre et autres qui vont à l'encontre de la recherche d'une ouverture des marchés.

    Pour passer du commerce au développement maintenant, je pense que le document de politique recommande à juste titre que les politiques de développement et d'aide étrangère du Canada soient plus ciblées au niveau des pays et des thèmes. Je pense que c'est un point de départ important. Dans le passé, le Canada a saupoudré son aide étrangère en poursuivant une myriade d'objectifs, de sorte que son aide a été beaucoup moins efficace qu'elle n'aurait pu l'être. Et ce que nous avons apporté aux pays bénéficiaires ne nous a pas permis d'avoir une présence bien sérieuse à l'étranger. Seul un de ces pays reçoit 10 p. 100 de son aide du Canada, c'est Haïti. Pour tous les autres, cette part est bien inférieure, même les neuf autres parmi les dix premiers bénéficiaires de notre aide.

    Le Canada est d'ailleurs une anomalie chez les petits bailleurs de fonds du fait de la dispersion de ses interventions. La Norvège concentre son aide sur sept principaux pays et 18 autres pays secondaires. L'Australie et la Nouvelle-Zélande se concentrent sur l'Extrême- Orient et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le Japon se concentre sur l'Asie, l'Espagne sur l'Amérique latine, et je pourrais vous donner une multitude d'autres exemples du même genre.

    Si le Canada concentre plus son aide, cela veut dire qu'il pourra consacrer plus de ressources à comprendre certains pays précis, à comprendre les défis du développement dans ces pays, et à programmer son aide de façon efficace dans ces pays dont le contexte est difficile, au lieu de s'occuper superficiellement d'une multitude de projets comme cela a été principalement le cas jusqu'ici. Si nous voulons vraiment inciter les gouvernements des pays récipiendaires de cette aide à progresser sur la voie du développement grâce à nos politiques d'aide, nous avons probablement de meilleures chances d'y parvenir si nous faisons partie des quelques bailleurs de fonds les plus importants de ces pays, ce qui est impossible si nous nous dispersons.

    La suggestion de concentrer plus notre aide qui est formulée dans le document est excellente, mais quand on y regarde de plus près, je crois que cette prétendue politique d'aide plus ciblée n'est rien d'autre que le maintien de la routine ordinaire.

    J'ai analysé la question. Dans le document, on dit qu'au moins deux tiers de l'aide bilatérale du Canada sera concentrée sur 25 pays d'ici 2010. Or, qu'a fait le Canada jusqu'ici? Si nous prenons l'année 2003-2004, nous constatons que l'ACDI donnait déjà presque les deux tiers de son aide bilatérale aux 25 premiers pays bénéficiaires de son aide. On n'est donc pas encore aux deux tiers, mais pas loin. Ensuite, si vous prenez le nouveau groupe de 25 pays dont il est question, ils touchaient déjà environ 42 p. 100 de l'aide bilatérale du Canada en 2003-2004. L'énoncé de politique dit qu'un tiers de l'aide ira aux autres pays. Donc, selon moi, nous n'avons pas, sauf de façon marginale, vraiment progressé vers une politique d'aide plus ciblée.

    Très rapidement, sur le plan thématique, l'ACDI déclare qu'elle va se concentrer sur des secteurs prioritaires et là encore je pense que c'est un bon point de départ. Malheureusement, je pense que les secteurs qui sont déjà... On dit dans l'énoncé de politique qu'on va se concentrer sur cinq secteurs prioritaires, en faisant de l'égalité des sexes un thème central. Si vous prenez ces secteurs, je crois qu'ils représentent un ensemble très divers et très inclusif de prétendues priorités.

À  +-(1035)  

    Il n'est pas évident que nous nous orientions vers une politique d'aide plus ciblée. Je crois qu'il faudrait que le gouvernement choisisse quelques pays ou quelques dossiers dans les domaines où il est bon et qu'il s'y concentre.

    La partie consacrée au développement présente un certain nombre de recommandations utiles sur lesquelles je vais m'étendre un peu pour en souligner l'importance. Je crois qu'il faut que l'ACDI renforce sa présence sur le terrain, car c'est seulement à ce niveau que nous pouvons savoir si l'aide est efficace dans ces pays.

    Je crois qu'il est important d'avoir une bonne cohésion des politiques d'aide et des autres politiques. Le document lui-même ne montre pas vraiment comment on va le faire.

    Et je crois qu'il y a une excellente chose dans cet énoncé, c'est le fait qu'on y dit qu'il faut mieux intégrer les pratiques exemplaires et les recherches stratégiques du Centre de recherche pour le développement international à la programmation de l'ACDI, car bien qu'il semble y avoir une certaine interaction actuellement, elle est loin d'être aussi poussée qu'elle le pourrait.

    L'énoncé précise aussi qu'il est important de délier l'aide des achats de biens et services canadiens. De nombreuses recherches ont montré que l'aide non liée permettait d'atteindre beaucoup plus efficacement l'objectif de réduction de la pauvreté. Le Canada est en retard sur les autres pays à cet égard. Presque tous les autres pays du l'OCDE ont supprimé leur aide liée ou l'ont réduite à des proportions minimes.

    L'énoncé de politique formule une bonne intention, ce qui est très bien, mais ne fixe pas de date ou d'étapes de réduction de l'aide liée, ce qui serait à mon avis utile.

    J'ai encore quelques brèves remarques à propos du développement futur et ensuite je conclurai. Pour rétablir la réputation du Canada dans le domaine du développement — il était autrefois un chef de file dans ce domaine — je crois qu'il faut étayer les décisions de l'ACDI au moyen d'une capacité de recherche analytique perspicace et dynamique. Il faut aussi encourager une culture de l'ouverture et du dialogue. Certains ont signalé le fait que l'ACDI n'était pas très réceptive à la critique et aux opinions extérieures, et qu'elle n'encourageait pas le débat interne. Je pense que si nous ne pouvons pas cibler plus efficacement l'aide bilatérale du Canada, il faudrait envisager d'acheminer notre aide par des canaux multilatéraux en fonction non pas des sautes d'humeur de la politique canadienne, mais plutôt des travaux de recherche montrant où l'aide est vraiment efficace.

    Pour l'avenir, en matière d'aide et de développement, je crois qu'il faut que le Canada concentre ses ressources limitées sur les pays et les thèmes les plus susceptibles d'être les plus fructueux dans l'optique de nos intérêts nationaux. L'énoncé de politique soulève diverses questions et idées importantes, mais je pense que les décideurs de la politique canadienne doivent être prêts à affronter des compromis délicats et à fixer les priorités de notre politique. Je n'ai pas toutes les réponses voulues pour dire sur quoi exactement nous devons nous concentrer, mais c'est à Ottawa d'énoncer les critères et de prendre les décisions difficiles sur les priorités, ce que le document ne fait pas correctement, à mon avis.

    Par ailleurs, si cela peut vous intéresser, j'ai remis à la greffière du comité un exemplaire d'un texte que j'ai écrit sur l'accord de libre-échange bilatéral avec les États-Unis et la politique commerciale canadienne. Je travaille aussi sur un texte dans lequel je compare l'ACDI aux autres organismes d'aide dans des pays comme les pays scandinaves et la Grande-Bretagne. Il devrait sortir au début de l'année prochaine. Si cela vous intéresse, je pourrais peut-être en faire parvenir une version préliminaire au comité.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Tout ce que vous pourrez nous communiquer au sujet de l'ACDI sera très intéressant. Vous pourriez faire parvenir ces documents à notre attaché de recherche, M. Lee, ou au ministère. Je crois que cela nous intéressera tous.

    Merci beaucoup. Il y a de la matière dans tout cela.

    Nous allons passer aux questions. Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup, madame Danielle Goldfarb.

    Nous venons d'entendre M. Clarkson dire qu'à cause de l'absence d'institutions qui pourraient mieux faire fonctionner l'ALENA, le Canada doit créer une alliance plus forte avec le Mexique afin d'avoir plus d'influence et plus d'écoute aux États-Unis. Le traité actuellement en vigueur est l'ALENA, une entente entre les trois pays. Pourtant, vous ne parlez que de libre-échange en général.

    Que pensez-vous de l'idée de resserrer les liens avec le Mexique afin d'augmenter notre influence sur les États-Unis? J'aimerais aussi avoir votre avis sur des institutions pour mieux faire fonctionner l'ALENA.

    Par ailleurs, ce que vous dites sur l'aide est extrêmement intéressant. Vous nous avez promis un article. Pourriez-vous déjà nous dire ce qui caractérise l'aide internationale des pays scandinaves et ce que l'ACDI pourrait en retenir?

[Traduction]

+-

    Mme Danielle Goldfarb: J'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous répondre en anglais.

+-

    Mme Francine Lalonde: Non, je suis heureuse de toutes les réponses.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Si je n'ai pas parlé du Mexique, bien sûr, c'est parce que je voulais que mes remarques soient brèves. En fait, j'ai écrit un essai sur le Canada et le Mexique et sur ce qui... Je serais heureuse de vous transmettre cela également. Vous en avez probablement un exemplaire.

    Je crois qu'il y a un certain nombre de questions importantes. Tout d'abord, lorsqu'on voit ce qui est advenu de l'ALENA en ce qui concerne les échanges, l'investissement et d'autres types de liens, le fait est qu'en réalité nous avons deux relations bilatérales. Il y a la relation Canada-États-Unis et la relation États-Unis-Mexique. Lorsqu'on parle de l'ALENA au Canada, les gens pensent que l'on parle en général du Canada et des États-Unis ou du moins de dossiers généraux intéressant le Canada et les États-Unis. Lorsqu'on en parle aux États-Unis, les Américains pensent généralement aux dossiers qui intéressent les États-Unis et le Mexique. Au Mexique, en général, on pense plutôt aux dossiers américano-mexicains. Voilà donc la réalité qui sert de point de départ.

    La relation canado-mexicaine en matière d'échange et d'investissement est relativement faible. Nous aurions pu nous attendre à ce qu'il en soit ainsi. Elle a connu une certaine croissance, mais elle est partie de très bas. J'imagine que c'est là notre réalité de départ.

    L'autre problème, c'est que le Canada et le Mexique sont confrontés à des difficultés radicalement différentes. À la frontière du Mexique et des États-Unis, bien sûr, il y a l'immense problématique du développement à laquelle le Mexique est confronté. Cela entraîne beaucoup de préoccupations relativement au problème de la migration vers les États-Unis. À la frontière canado-américaine, les problèmes sont différents. Là encore, il s'agit de la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

    Cela dit, n'oublions pas que le Mexique joue un rôle relativement important à Washington et qu'il peut y avoir certains dossiers pour lesquels la collaboration avec le Mexique peut nous aider à obtenir de meilleurs résultats que si nous travaillons seuls. Nous devons examiner où cette collaboration pourrait être fructueuse. Par exemple, les États-Unis proposent d'exiger des passeports pour le passage à la frontière. Je ne sais pas ce qui se passe actuellement au sein du gouvernement canadien, mais ce serait peut-être un dossier pour lequel nous pourrions nous associer au Mexique pour faire valoir que cela va nuire au tourisme dans nos deux pays; cela va avoir une incidence énorme.

    Il y a probablement des domaines d'intervention ponctuelle où nous pouvons collaborer avec le Mexique pour transmettre notre message et défendre nos intérêts plus vigoureusement à Washington. Cela dit, en même temps, il existe des préoccupations au sujet de la frontière. Le Canada ne veut pas avoir des contrôles de frontière semblables à ceux qui existent le long de la frontière États-Unis-Mexique. Les problèmes sont très différents, et nous avons réalisé beaucoup de progrès le long de la frontière canado-américaine. Beaucoup de gens estiment que nous devons à tout prix éviter la mexicanisation de la frontière canadienne et trouvent que si les deux frontières sont traitées de la même façon, le Canada sera assujetti à des contrôles frontaliers beaucoup plus stricts, qui vont nuire à notre capacité de commercer et d'investir des deux côtés de cette frontière. Toutefois, si les États-Unis font face à des attentats terroristes, ils vont probablement traiter les deux frontières de la même façon.

    Nous devons reconnaître le fait incontournable que le Canada a tout intérêt à défendre la sécurité de la région. Tout ce qui se produit le long de la frontière Mexique-États-Unis va en définitive se répercuter sur les politiques que les États-Unis vont adopter pour leurs deux frontières. Nous devrions donc à tout le moins prêter attention à ce qui se passe au Mexique et prendre les moyens nécessaires pour que nos politiques en tiennent compte. Dans le document de l'initiative nord-américaine de sécurité et de prospérité, on constate que beaucoup des questions abordées concernent d'une part le Canada et les États-Unis et, d'autre part, les États-Unis et le Mexique. C'est l'état des lieux et nous allons manifestement devoir agir dans beaucoup d'autres dossiers que ceux qui concernent uniquement le Canada et les États-Unis, mais nous devons tenir également compte de nos intérêts pour l'ensemble de la région.

À  +-(1045)  

    Une petite observation à ce sujet, à savoir, si vous faites des choses... bien, il s'agit peut-être en fait de deux petites observations. Je m'en tiendrai à cela, et je dirai qu'à mon avis, nous devons aller de l'avant avec la relation canado-américaine et puis ensuite songer à des possibilités d'intervention ponctuelle nous permettant d'aller de l'avant avec le Mexique aussi.

    Vous m'avez posé une question sur les caractéristiques de l'aide étrangère dans les pays scandinaves et sur ce qui pourrait être utile pour l'ACDI. Tout d'abord — et j'en parle dans mon mémoire — ces pays, au cours des quelques dernières années, ont décidé de concentrer leur aide sur un certain nombre de pays. Ils ont également augmenté leur capacité de recherche, et ils ont aussi fait plus de...

À  +-(1050)  

+-

    Mme Francine Lalonde: La recherche porte sur ce qui marche et sur ce qui ne marche pas?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Sur ce qui fait que l'aide est efficace et sur les programmes qui marchent et ceux qui ne marchent pas. Ils ont tendance à être plus transparents lorsqu'ils montrent leurs résultats.

    J'inclurais aussi le Royaume-Uni, qui est un exemple très important et qui contient des leçons pour l'ACDI. Quand on lit leurs rapports, on voit qu'ils reconnaissent les échecs des politiques passées et proposent des moyens d'améliorer les choses à l'avenir. Les Britanniques ont donc investi beaucoup dans leur capacité de recherche. Ils envoient aussi plus de monde sur le terrain. L'ACDI a un effectif d'environ 1 500 personnes; 120 d'entre elles sont sur le terrain, à quoi s'ajoute environ 170 employés qui sont engagés sur place. Pour le Royaume-Uni, c'est 50-50. On investit donc beaucoup dans la présence sur le terrain, ce qui vous permet de vous assurer que votre aide est utilisée plus efficacement et de concevoir des programmes d'aide plus efficaces.

    L'autre chose qu'ils ont faite, et c'est mentionné aussi, c'est que l'aide n'est plus liée à l'achat de produits et de services canadiens.

    Il faut aussi mentionner que bon nombre de ces services ont une structure institutionnelle différente. Il faut le mentionner. Dans la plupart des pays scandinaves, l'agence responsable de l'aide étrangère fait partie du ministère des Affaires étrangères. Le Royaume-Uni est le seul pays où l'agence d'aide est séparée du ministère des Affaires étrangères, mais cela s'est fait dans un contexte où le Royaume-Uni a investi beaucoup dans cette agence. Cette agence est considérée comme un chef de file mondial et une innovation au niveau gouvernemental, et je dirais qu'à l'heure actuelle, l'ACDI est probablement... J'imagine que vous avez votre propre avis sur la question aussi, mais j'avancerais qu'à l'heure actuelle, l'ACDI n'est pas considérée comme un chef de file. Bon nombre de pays scandinaves ont intégré l'aide à l'étranger au ministère des Affaires étrangères afin de se doter d'une politique d'aide plus cohérente.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Merci d'être venus aujourd'hui.

    M. Clarkson a dit lui aussi qu'il nous fallait nous rapprocher un peu plus du Mexique si nous voulons que les État-Unis nous écoutent, et que nous devrions parler un peu plus souvent de la Chine et faire davantage d'affaires avec elle, peut-être avec notre pétrole. Cela obligerait les État-Unis à écouter ce que nous avons à dire.

    Vous avez dit que vous parleriez de la nécessité où nous sommes d'assurer notre accès au marché américain, et que vous nous donneriez plus de détails si nous vous posions une question en ce sens. Cette question, je vous la pose.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: D'accord. Je ne sais pas si j'ai toutes les réponses à ces questions.

    À mon avis, la suggestion qui a été faite par le professeur Clarkson et d'autres, à savoir, que nous devrions imposer une taxe sur nos exportations de pétrole et des choses de ce genre, n'est pas très constructive.

    Il y a une chose qu'il faut dire à propos du contentieux du bois d'oeuvre et qu'il faut contextualiser. De toute évidence, c'est un contentieux très important pour la région et pour ces personnes qui sont touchées. La réalité, c'est que c'est un tout petit élément du commerce canadien. La plupart des échanges canadiens ne font l'objet d'aucune contestation, et les contestations qui subsistent sont dans une large mesure restreintes au secteur des ressources naturelles. Il est évident que nous devons résoudre ces différends, mais je crois que nous ne devrions pas prendre en otage d'autres secteurs de l'économie canadienne, particulièrement un secteur qui est responsable d'une bonne part de la richesse et de la prospérité du pays et qui est plus valable...

    Une voix : [Note de la rédaction: inaudible]

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Excusez-moi, l'Alberta. Mais le gouvernement fédéral profite lui aussi des puits de pétrole.

    Je crois donc qu'il est contraire à nos intérêts de prendre en otage un secteur de l'économie afin de régler des problèmes dans un autre secteur.

    Au sujet de ce qu'on dit à propos de la Chine, je répéterai ce que j'ai dit plus tôt lorsque je disais qu'on induisait un peu en erreur le public canadien. Si l'on demande au public canadien, qui nous écoute, lorsque nous disons... Par exemple, il y avait un article en première page du The Globe and Mail il y a quelques semaines où le premier ministre disait que nous devrions vendre plus de bois d'oeuvre à la Chine. C'est tout simplement irréaliste. Nous pourrions peut-être vendre plus de bois d'oeuvre à la Chine, mais les Chinois ne bâtissent pas de maisons en bois. À l'heure où la Colombie-Britannique exporte 5 p. 100 de son bois d'oeuvre vers la Chine, il nous sera impossible de remplacer le débouché américain du bois d'oeuvre. Ce n'est tout simplement pas réaliste.

    Même s'il y a un débouché très important en Chine pour notre énergie et nos ressources, et qu'on s'y intéresse beaucoup là-bas, je ne crois pas qu'il est constructif pour le premier ministre de se servir du débouché chinois comme atout de négociation. Je pense que les Américains savent que notre principal débouché va continuer d'être les États-Unis, et c'est peut-être bien beau de dire au public canadien que la Chine va devenir un débouché important; mais si l'on regarde les vrais chiffres, les États-Unis vont continuer d'être notre principal débouché. Je pense que nous devons tirer parti des possibilités qui s'offrent là-bas, mais en ce qui concerne nos échanges, ce n'est pas réaliste de laisser entendre que nous allons durcir le ton, que nous n'allons pas travailler en étroite collaboration avec les Américains et que nous allons à la place porter toute notre attention sur la Chine. Je le répète, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de débouchés importants en Chine, et il est sûr que nous devons nous pencher sur ces débouchés et en tirer parti, mais il faut aussi reconnaître la réalité.

    Votre deuxième question porte sur le marché canado-américain. Eh bien, il reste des tas de choses à faire dans le contexte canado-américain. J'en mentionnerai quelques-unes.

    La première est que nous nous retrouvons maintenant dans une situation où, de concert avec les États-Unis, nous avons renforcé les points d'entrée pour les produits et les personnes qui entrent en Amérique du Nord. Nous faisons des vérifications plus intelligentes autour du périmètre, et nous faisons aussi des vérifications plus diligentes à la frontière entre le Canada et les États-Unis. Si vous voulez contrôler comme il faut les personnes qui entrent dans le périmètre, vous devrez aussi alléger le fardeau de travail à la frontière canado-américaine en instituant davantage de vérifications au hasard et fondées sur des renseignements à la frontière canado-américaine.

    Je crois que nous renforçons aussi bien le périmètre que la frontière au même moment, et que cela ne nous procure aucun des avantages que nous pourrions obtenir en alléguant le fardeau de travail à la frontière.

    De même, étant donné le niveau élevé d'intégration à la frontière et le fait que nous produisons diverses choses qui traversent la frontière américaine, nous devons procéder à un examen très sérieux des secteurs — et je parle ici de l'initiative pour la sécurité et la prospérité — où nous n'avons pas besoin d'avoir de réglementation différente si nos objectifs sont les mêmes. Si nous avons des raisons valides, qui ont trait à la santé ou la sécurité, d'avoir une réglementation différente, eh bien, c'est une chose, et le Canada doit prendre la décision qui correspond à son intérêt supérieur. Mais je crois qu'il y a de nombreux règlements où nos objectifs sont les mêmes, mais nous avons des règlements quelque peu différents qui imposent des coûts importants à ces personnes qui franchissent la frontière canado-américain.

À  +-(1055)  

+-

    Mme Beth Phinney: Pouvez-vous nous donner un exemple?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Non, mais nous allons probablement publier un texte à ce sujet à l'Institut C.D. Howe bientôt. Je peux en envoyer une copie à la greffière aussi. Ce n'est pas un secteur sur lequel j'ai fait une recherche moi-même, mais j'ai tant de choses à lire sur mon bureau.

    Il y a d'autres choses à dire, de nature plus générale, sur la gestion respectueuse de la relation canado-américaine. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas être en désaccord avec les Américains, mais que nous devons gérer cette relation à tous les niveaux gouvernementaux d'une manière respectueuse.

    Je crois que nous devons nous entendre à l'avance dans certains secteurs sur la manière dont nous allons gérer les perturbations, ou la prochaine attaque terroriste, par exemple, parce que s'il y a une attaque terroriste aux États-Unis qui présente un lien quelconque avec le Canada, ou une attaque terroriste au Canada qui touche les intérêts américains, la frontière sera fermée, ce qui posera... Si cela se répète souvent, il sera moins tentant d'investir du côté canadien de la frontière parce qu'il n'y aura plus de prévisibilité; si la faculté que vous avez de franchir la frontière n'est plus certaine du tout, alors pourquoi ne pas tout simplement tout produire aux États-Unis, au lieu d'avoir une partie de la production du côté canadien de la frontière?

    Je crois donc que nous devons conclure certains accords à l'avance, et c'est la raison pour laquelle je crois qu'il est très important de s'éloigner... Au lieu d'examiner chaque chose qui passe la frontière, nous devrons procéder à davantage de vérifications à tout hasard et fondées sur des renseignements à la frontière, et resserrer la sécurité du périmètre, afin qu'il s'installe une véritable confiance entre les agences canadiennes et américaines responsables de la sécurité et de la frontière; ainsi, si une attaque se produit, cette confiance sera déjà là.

    Il y a beaucoup d'autres choses à dire sur la relation canado-américaine, mais je ne veux pas prendre tout le temps du comité.

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Merci.

    Mme McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup pour cet exposé très savant et cohérent.

    Je vais vous poser cinq questions rapidement pour que vous ayez le temps d'y répondre. J'aimerais d'abord savoir ce que vous pensez de la scission ou de la non-scission du ministère, question qui n'est toujours pas réglée.

    Deuxièmement, je crois que vous étiez ici lorsque Stephen Clarkson a fait état de l'absence d'une véritable reddition de comptes et d'une infrastructure encadrant les relations commerciales nord-américaines, et ainsi de suite, et j'aimerais savoir si vous avez des choses à nous dire à ce sujet.

    Je crois avoir dit — mais je ne suis pas sûre que vous étiez ici lorsque je l'ai dit — que dans ce vide, nous avons un véritable problème au niveau de la reddition de comptes démocratique, parce que si les décisions sont prises essentiellement par les PDG des grandes sociétés multinationales ou transnationales ou sont impulsées par eux, il est assez évident que ces décisions ne seront pas prises dans l'intérêt des emplois canadiens, des ressources canadiennes ou de notre intérêt public, mais plutôt — et ils n'ont pas à s'excuser pour cela, étant donné que c'est la réalité — ces désirions sont très souvent prises dans l'intérêt des sociétés multinationales que ces PDG représentent. Même s'il s'agit peut-être de PDG canadiens, l'intérêt de leurs entreprises pourrait en fait les obliger à affermer des emplois, à transférer des emplois, et tout cela dans le but de faire des profits, mais non dans l'intérêt de l'économie canadienne et des emplois canadiens.

    Je veux donc savoir si vous pouvez nous parler de cela.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: L'infrastructure et l'ALENA n'ont rien à voir avec la reddition de comptes...

+-

    Mme Alexa McDonough: Eh bien, j'imagine que je vois l'autre côté de la médaille. En l'absence d'une infrastructure, n'est-ce pas cela qui arrive? Et cela va arriver de plus en plus souvent.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: D'accord, je comprends. Merci.

+-

    Mme Alexa McDonough: Troisièmement, au sujet de la réforme de l'ACDI qui assurerait plus de transparence, une meilleure reddition de comptes et, on l'espère, une plus grande efficacité, vous savez peut-être que notre comité, et le Parlement à la fin juin, ont voté une motion invitant le gouvernement à déposer une loi traitant de l'aide internationale du Canada. Je me demande si vous en avez pris connaissance et si vous avez des commentaires à faire à ce sujet.

    Il serait sûrement très utile pour notre comité de prendre connaissance des recherches que vous avez faites sur la gestion du portefeuille du développement international en Scandinavie et au Royaume-Uni, les deux que vous avez mentionnés.

    J'imagine que pour répondre à cette question, il vous faudra probablement plus de temps que vous en avez. J'aimerais entendre vos commentaires sur n'importe laquelle de ces questions.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Pour ce qui est de savoir si le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international aurait dû être scindé, je crois que le commerce international est un élément essentiel de notre politique étrangère; c'est la réalité. Je crois que la scission et l'incertitude qui en a résulté ont été un véritable désastre pour ces personnes qui sont chargées d'articuler notre politique commerciale et notre politique étrangère; c'est très difficile pour eux. Je ne connais pas la raison pour laquelle on aurait voulu opérer une telle scission. D'autres personnes vous l'ont probablement dit aussi. Voilà donc ce que j'en pense.

    Pour ce qui est de l'absence de reddition de comptes ou d'une infrastructure encadrant les rapports découlant l'ALENA, en réponse à cette question que vous m'avez posée, tout d'abord, c'est délibérément qu'on a voulu faire de l'ALENA une expérience différente de celle de l'Union européenne, dans la mesure où l'on a décidé de ne pas avoir cette infrastructure supranationale. Je ne crois pas que l'on tienne beaucoup à doter cette relation d'une plus grande infrastructure. Je répondrai que les États-Unis n'y tiennent probablement pas tant que ça étant donné que certains y verraient une cession de leur souveraineté en faveur d'une institution supranationale.

    Le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA avait pour objet d'assurer une certaine reddition de comptes, et l'on se retrouve avec un vrai problème lorsque les États-Unis décident de ne pas respecter ce genre de décision.

Á  +-(1105)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Avez-vous des recommandations à nous faire sur ce que le Canada devrait faire à ce propos? Peut-être modifier le mécanisme...?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Eh bien, je répondrais que le problème ne se pose pas au niveau du mécanisme lui-même. Je crois que le mécanisme fait ce qu'il devait faire. Le problème se situe au niveau du respect — ou du non-respect — du mécanisme. Je dois aussi rappeler que le nombre de différends en proportion du volume des échanges est en baisse. Écoutez, nos volumes d'échanges ont énormément augmenté et le nombre de différends a baissé. Donc lorsqu'on se retrouve avec une économie beaucoup plus intégrée, c'est ce qui arrive, c'est un résultat naturel. Mais cela ne devrait pas miner l'intégralité de la relation commerciale entre les deux pays.

    La question a été soumise au Comité de contestation extraordinaire, et celui-ci a également donné gain de cause au Canada. Le Comité de contestation extraordinaire a été inscrit dans l'ALENA à la demande des États-Unis, donc sachant cela, c'est une chose qui est particulièrement difficile à comprendre.

    Je crois que c'est un vrai problème. Je n'ai pas de réponse facile à cela, sauf pour dire que ce n'est pas en durcissant le ton que nous allons élargir nos créneaux sur le marché américain, pour la bonne et simple raison que nous ne posons pas vraiment une menace crédible. Il est dans notre intérêt de négocier un accord sur le bois d'oeuvre. Nous n'avons jamais exercé de représailles contre les Américains par le passé, et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui ils ne s'attendent pas à ce que nous en exercions.

    Ils s'attendent à ce que nous revenions un jour à la table de négociation, et je n'ai pas de solution brillante à vous offrir, sauf pour dire qu'il faudra en arriver à un règlement négocié. Pardonnez-moi si je n'ai pas de réponse facile à cette question, mais je dirais que je ne crois pas non plus que cela doit compromettre les autres relations commerciales que nous avons avec eux, et celles-ci sont très importantes.

    Donc vous vouliez savoir comment, en l'absence de ce genre de reddition de comptes, les multinationales peuvent, si je vous ai bien comprise, prendre des mesures qui ne répondent pas nécessairement à l'intérêt des Canadiens. Ai-je bien compris votre question?

    D'accord, j'ai peut-être une opinion différente sur l'affermage. Je ne crois pas que cette question soit nécessairement liée à la relation canado-américaine. Je crois que les entreprises vont prendre les décisions qui répondent à leurs propres intérêts, mais les entreprises qui sont situées au Canada, si elles veulent rester concurrentielles, devront peut-être affermer une partie de leurs activités dans d'autres pays. Cela permettra à ces entreprises de rester concurrentielles et d'obtenir d'autres commandes, ce genre de choses.

    Je crois donc que cela est dans l'intérêt du Canada. Écoutez, je crois que c'est dans l'intérêt du Canada et des entreprises canadiennes et nord-américaines de prendre les décisions qui répondent à leurs propres intérêts parce que c'est ce qui nous donnera au bout du compte des entreprises plus concurrentielles ici, ce qui est essentiel pour la création de la richesse qui nous permet de donner aux Canadiens une vie de qualité.

    J'espère que cela répond à votre question. Je ne suis pas sûre que ce soit le cas.

    En réponse à la question sur la réforme de l'ACDI, je dois malheureusement vous avouer que je n'ai pas lu la loi dont vous parlez, et je devrais en obtenir une copie. Certains pays sur lesquels nous nous sommes penchés ont en effet une loi qu'ils ont votée pour faire en sorte que l'aide étrangère soit plus indépendante, dans la mesure où leurs agences d'aide étrangère peuvent prendre des décisions qui portent strictement sur la réduction de la pauvreté, et non des décisions qui sont plus assujetties à d'autres enjeux politiques. Donc je ne sais pas de quoi il est question dans cette loi, mais je vais y jeter un coup d'oeil.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Mme Phinney a une autre question.

+-

    Mme Beth Phinney: C'est une toute petite question.

    Vous avez dit qu'il serait inutile de scinder les affaires étrangères et le commerce international et que cette question complique de beaucoup la vie des personnes qui doivent formuler notre politique commerciale. De qui voulez-vous parler? Parlez-vous des bureaucrates hors du pays, des gens d'affaires canadiens, de l'Institut C.D. Howe? De qui parlez-vous?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Eh bien, cela complique de beaucoup la vie de tous ceux qui analysent ce qui se passe, mais j'imagine que je parle des fonctionnaires qui essaient de faire leur travail mais qui ne savent pas très bien où leurs bureaux seront situés et qui, en outre, ne comprennent pas très bien pourquoi, tout à coup, après avoir essayé d'intégrer le commerce international à la politique étrangère, on leur demande de séparer les deux mais de conserver le contact.

+-

    Mme Beth Phinney: Pouvez-vous nous dire comme ça si l'idée vient de quelqu'un ou quelle en est l'origine?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: La raison de le faire?

+-

    Mme Beth Phinney: Oui. Pourquoi a-t-on fait cela? Nous ne connaîtrons peut-être jamais la réponse, mais qui a eu cette idée? Est-ce un rêve que quelqu'un a fait? Y avait-il une entreprise qui le réclamait? Est-ce ce que les États-Unis voulaient?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: La seule hypothèse qui me vient à l'esprit, c'est que l'on voulait donner plus d'importance aux personnes oeuvrant dans chacun des deux ministères.

+-

    Mme Beth Phinney: Très bien. Réponse intéressante.

+-

    Le président: J'ai une dernière question à vous poser. J'ai été un peu surpris d'apprendre que le Canada n'a pas vraiment été invité aux réunions importantes portant sur l'agriculture, même si, comme vous l'avez dit, nous sommes le quatrième pays en importance en matière d'agriculture.

    Voici donc ma question: quelles sont vos attentes à l'endroit de la conférence ministérielle de l'OMC à Hong Kong, le mois prochain?

    En outre, s'agissant de la même question, nous savons que l'agriculture est le dossier le plus important pour la plupart des pays du globe. L'ACDI avait un programme d'agriculture rurale qui a été supprimé. Pensez-vous que certaines des ONG auraient dû nous dire de demander que l'ACDI rétablisse ce programme puisqu'il était très important?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Lorsque vous parlez d'attentes, qu'entendez-vous par cela?

+-

    Le président: Je parle entièrement d'agriculture, à cause des subventions et de tous les dossiers connexes.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Quels seront les résultats selon moi?

+-

    Le président: Oui, quel sera le résultat des négociations? Actuellement, nous sommes plongés dans l'obscurité la plus totale.

+-

    Mme Danielle Goldfarb: Bon. Il est très difficile de se prononcer pour l'instant, mais les États-Unis ont fait une proposition relativement ambitieuse concernant l'agriculture, et l'Union européenne a répondu à cela au moyen d'une proposition moins ambitieuse. Si l'on peut donc parvenir à une entente qui convienne à toutes les parties, il pourrait y avoir une évolution importante qui permettrait de réduire les subventions agricoles. Cela dit, aucune entente ne les éliminera entièrement. Voilà donc ce à quoi je m'attends. Si les pourparlers réussissent, il va se produire quelque chose de ce genre, et il restera ensuite à voir quels progrès peuvent être réalisés dans d'autres secteurs, tels que les services. Il ne semble pas y avoir beaucoup de progrès dans le secteur des services, qui est important pour les intérêts canadiens.

    Je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre. Je n'ai pas une perception très claire de la situation. Je serai peut-être plus éclairée dans quelques mois.

+-

    Le président: Qu'en est-il du programme agricole de l'ACDI?

+-

    Mme Danielle Goldfarb: En ce qui concerne l'ACDI, je ne connais pas le programme particulier dont vous parlez et je ne sais pas pourquoi il a été supprimé. Tout ce que je peux dire, là encore, c'est qu'il y a toujours moyen de défendre un programme donné ou des intérêts particuliers, et je crois qu'il y a des choix difficiles à faire. Ce n'est pas parce qu'un domaine est moins important qu'un autre, mais il doit y avoir des priorités.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous vous savons gré d'être venue nous rencontrer.

    Nous prenons une pause de quelques minutes et nous recevrons le témoin suivant après cela.

    Merci.

Á  +-(1115)  


Á  +-(1125)  

[Français]

+-

    Le président: Nous allons reprendre notre étude.

    Nous avons le plaisir d'accueillir M. Mohamed Boudjenane, directeur général de la Fédération canado-arabe.

    Bienvenue, monsieur. Nous attendons vos remarques.

+-

    M. Mohamed Boudjenane (directeur général, Fédération canado-arabe): Je vais présenter brièvement la fédération. Je m'exprimerai dans les deux langues, si vous êtes d'accord.

    La Fédération canado-arabe est une organisation nationale qui existe depuis 1967. Elle regroupe plusieurs associations membres à l'échelle du pays. C'est une organisation qui a pour principal mandat de faire la promotion des intérêts et de faire ainsi avancer les dossiers des Canadiens d'origine arabe.

    Je serai assez bref aujourd'hui. Je parlerai de quelques éléments qui nous intéressent concernant la politique étrangère du Canada. Je ferai quelques recommandations, et si vous avez des questions, il me fera plaisir d'y répondre.

[Traduction]

    Depuis l'époque de Lester Pearson, le Canada a la réputation d'être un gardien de la paix par excellence, un protecteur des droits de l'homme, un promoteur du droit international et un fournisseur d'aide humanitaire. C'est cette réputation qui a attiré autant d'immigrants au Canada, particulièrement des pays arabes.

    Les valeurs qui sous-tendent l'excellente réputation du Canada ont également été la force motrice qui a persuadé la communauté internationale d'adopter la responsabilité du Canada de protéger le principe aux Nations Unies, une initiative qui vise à empêcher les catastrophes humanitaires. Un autre aspect de la politique étrangère du Canada qui mérite d'être souligné est l'aide en Irak, au Soudan et dans les territoires palestiniens.

    Bien que la politique étrangère du Canada ait été élaborée dans le cadre du droit international en matière de droits de la personne, ce qui est louable, il est devenu apparent que la ferme attitude du Canada à l'égard du Moyen-Orient, de la Palestine et d'Israël en particulier, n'est pas conforme à ses actions sur la scène mondiale pour ce qui est des accords commerciaux, de sa façon de voter à l'ONU et de ses déclarations publiques. Cette politique de deux poids deux mesures est problématique et remet en question le caractère équitable et neutre de la position du Canada.

    L'une des premières questions que j'aimerais soulever est le manque d'uniformité du Canada dans la façon dont il applique les politiques et les principes en ce qui a trait au Moyen-Orient. La Fédération canado-arabe est d'accord avec bon nombre des politiques écrites du Canada en ce qui concerne Israël, la Syrie et l'Iran. Cependant, la Fédération canado-arabe déplore le manque d'uniformité avec lequel le Canada applique ses propres politiques et principes en ce qui a trait à Israël.

    Par exemple, la Fédération canado-arabe s'inquiète de plus en plus du fait que le Canada ait deux poids deux mesures lorsqu'il choisit d'appuyer ou non des résolutions des Nations Unies. La ferme position prise par le Canada contre la présence de la Syrie au Liban est conforme à la promotion des droits de la personne et du droit international. C'est la même chose en ce qui concerne l'initiative ferme du Canada aux Nations Unies contre les antécédents de l'Iran en matière de droits de la personne. Par contre, il est troublant de constater que le Canada ait adopté une position si faible au sujet de la présence d'Israël dans les territoires palestiniens et des antécédents d'Israël en matière de droits de la personne, notamment lorsque des résolutions sont présentées devant les Nations Unies pour condamner les violations israéliennes.

    Le Canada au cours de l'histoire récente s'est soit abstenu de voter soit a voté avec les États-Unis et Israël. Les gentillesses et les disputes diplomatiques au sujet du choix de guerre et des résolutions des Nations Unies sont une position triviale pour un État comme le Canada qui se veut défenseur des droits de la personne. Cet éloignement par rapport à sa position de neutralité est particulièrement déconcertant à la lumière des politiques écrites du Canada, des résolutions de l'ONU et de la décision de la Cour internationale de justice selon lesquelles le mur qui a été construit par Israël en territoire palestinien occupé est illégal et contrevient au droit international. Le Canada n'a pas appuyé la décision de la Cour internationale de justice à cet égard.

    Ce que la Fondation canado-arabe recommande, c'est que le Canada présente une résolution aux Nations Unies contre les antécédents d'Israël en matière de respect des droits de la personne, une résolution dont le libellé serait semblable à celle qui a été déposée aux Nations Unies concernant les antécédents de l'Iran en matière de droits de la personne. Le Canada doit constamment appuyer les résolutions de l'ONU qui visent à protéger les droits de la personne de tous les civils, et insister sur le respect des droits de la personne plutôt que sur la polémique.

    Enfin, le Canada doit s'engager davantage à résoudre le conflit palestino-israélien en appuyant sa propre politique et en exigeant le respect du droit international et des résolutions de l'ONU.

    Le deuxième point concerne les relations et le libre-échange entre le Canada et Israël. Alors que le Canada s'oppose officiellement à l'occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, de Jérusalem-Est, et du plateau du Golan par Israël ainsi qu'à l'établissement de peuplements juifs dans ces territoires — quelque chose qui est considéré comme étant contraire au droit international et comme allant à l'encontre du processus de paix — il récompense Israël en lui accordant le statut de commerce en franchise de droits qui ne fait absolument aucune distinction entre les produits faits en Israël et ceux qui sont faits dans des peuplements juifs qui se sont illégalement établis sur des terres palestiniennes qui ont été confisquées.

    Ce que nous recommandons, c'est l'appui du projet de loi présenté par Pierre Paquette, le député de Joliette. Le projet de loi C-326, Loi modifiant la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël, interdira l'entrée des produits originaires des colonies de peuplements juifs qui sont étiquetés comme étant d'origine israélienne. L'Union européenne a adopté cette politique en 2001. Le projet de loi C-326 sera en fait lu une seconde fois ce mois-ci.

    Le troisième point que je voulais aborder concerne la reconstruction de l'Irak et la fin de l'occupation. La situation actuelle en Irak continue de préoccuper la communauté internationale. On doit absolument faire quelque chose au sujet de l'intensification de la violence et du nombre accru de victimes civiles qui est intenable.

Á  +-(1130)  

    Le Canada mérite d'être félicité et reconnu pour son programme d'aide et de construction de 300 millions de dollars, pour être resté neutre, pour travailler à l'avantage des Irakiens, pour la sécurité de la région et la sécurité mondiale. Ce que nous recommandons, c'est d'affecter davantage de fonds à l'aide humanitaire de base et au développement de l'infrastructure en Irak, d'appuyer les organisations internationales irakiennes afin de les aider à reconstruire la société civile irakienne et à demander au gouvernement américain d'accélérer la stratégie de sortie qui mènera à la stabilité en Irak et à la fin de l'occupation.

    Le quatrième point est le débat diplomatique sur la Syrie et le Liban. Le Canada doit continuer de demander à toutes les parties intéressées de coopérer avec la Commission du Moyen-Orient sanctionnée par les Nations Unies. Au nom de la justice et de la stabilité régionale, la communauté internationale devrait permettre à la commission de terminer son enquête et insister pour que toutes les parties coopèrent. Ce que nous recommandons, c'est que le Canada continue d'appuyer le travail de la Commission du Moyen-Orient et cherche une solution grâce à un débat diplomatique lorsque le rapport final aura été rendu public.

    Merci.

Á  +-(1135)  

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Madame Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde: Bienvenue, monsieur Boudjenane. C'est un plaisir de vous recevoir ici. Vous nous apportez un menu substantiel pour faire un débat surtout, je crois, sur des politiques.

    Votre première affirmation et le coeur de vos propos sont à l'effet que les politiques canadiennes, que vous approuvez dans l'ensemble, ne sont pas appliquées de façon consistante au Moyen-Orient. Vous avez repris la présence israélienne en Palestine, les votes aux Nations-Unies, l'abandon de la neutralité, le fait que le Canada n'a pas appuyé la décision de la Cour internationale sur le mur et le fait qu'il faudrait s'engager davantage dans le règlement de la situation d'Israël et de la Palestine.

    Vous citez le projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue Pierre Paquette, qui veut que les biens produits dans les territoires occupés, qui profitent aux entreprises israéliennes jouissant de l'entente de libre-échange avec le Canada, ne soient pas admissibles aux mêmes termes.

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Tout à fait.

+-

    Mme Francine Lalonde: Les Palestiniens qui travaillent approuvent-ils cette mesure? C'est ma première question. Je comprends que l'on défende cette mesure. Cependant, je veux juste savoir si les Palestiniens là-bas l'appuient.

    Qu'attendez-vous du Canada par rapport à la Feuille de route pour la paix au Proche-Orient? Le Canada ne fait pas partie du quartet. On sait qu'il a retiré 8 000 colons de Gaza depuis son départ, mais à présent, ces colons s'établissent ailleurs en Cisjordanie, accroissant ainsi le nombre d'Israéliens en Cisjordanie. Vous n'avez pas parlé des maisons qui sont détruites dans Jérusalem-Est près du mur.

+-

    M. Mohamed Boudjenane: D'abord, pour répondre à votre première question, effectivement, nous avons vérifié avec l'Autorité palestinienne et des organisations des droits de la personne qui oeuvrent dans les territoires occupés que le fait d'imposer, par exemple, une limite à l'entente de libre-échange aux produits qui sont fabriqués dans ces régions occupées n'aura aucun impact économique sur les Palestiniens eux-mêmes. La majorité des produits vont bénéficier d'abord aux sociétés israéliennes qui sont établies en Israël et qui font des affaires dans ces territoires occupés. Pour répondre à votre question, cela ne changera rien dans la vie de ces gens.

    Le deuxième élément par rapport à la Feuille de route est celui-ci. Nous demandons au Canada de revenir à la position, comme je l'ai dit au début quand j'ai parlé de Lester B. Pearson, qui a fait la renommée du Canada, c'est-à-dire un joueur qui s'est impliqué dans les dossiers internationaux, comme celui qui avait d'abord à coeur les droits de la personne, le respect des humains et la justice sur le plan international.

    Aujourd'hui, le problème du Canada est que sa politique, notamment quand il s'agit de voter des sanctions contre Israël, est assez floue et mitigée. Nous ne comprenons pas comment un pays qui se dit respectueux des instances internationales comme la Cour internationale de justice, ayant même des membres qui siègent au sein des plus grandes instances, comme Mme Arbour, etc., qui sont des gens renommés, continue à être timide quand il s'agit de dénoncer des actions qui touchent la violation des droits humains et qui vont à l'encontre des résolutions des Nations Unies. Je ne vais pas toutes vous les citer, car il y a une multitude de résolutions des Nations Unies contre Israël. Certaines ont été appuyée par le Canada; d'autres pas. Nous nous demandons ce qui se passe.

    Pour avoir une crédibilité d'intervenant à l'échelle internationale, le Canada devrait revenir à cette position claire: soit qu'il supporte le droit international et les instances internationales, soit qu'il ne les supporte pas. Si nous revenons à cette position claire qui a fait la renommée du Canada, nous pourrons jouer un rôle beaucoup plus productif et efficace.

    Toujours par rapport à la Feuille de route, l'avantage que nous avons comme voisins des Américains est que, comme le disait M. Trudeau, être à côté des Américains, c'est comme dormir avec un éléphant: on ne sait jamais quand est-ce qu'il se retournera, et s'il se retourne, il peut vous écraser. Il y a donc des avantages et des inconvénients. L'avantage est que nous sommes apparemment un des alliés privilégiés des Américains. Nous devons essayer de pousser les Américains à jouer un rôle beaucoup plus déterminant et à pousser M. Sharon et l'État d'Israël à s'engager dans un processus de paix crédible.

    Aujourd'hui, les Palestiniens — je ne suis pas un expert de cette région — ne comprennent pas les enjeux de cette Feuille de route. On refuse d'abord le retour des réfugiés qui sont dans les camps un peu partout et qui vivent même ici, au Canada, qui n'ont pas de terre. On refuse éventuellement de compenser certaines personnes pour les territoires qui ont été pris et confisqués. On ne connaît pas l'échéancier pour concrétiser cette Feuille de route.

    Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Á  +-(1140)  

+-

    Mme Francine Lalonde: Oui, merci.

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup de comparaître devant le comité aujourd'hui. Il y a une large gamme de questions que nous pourrions examiner dans le temps qui nous est alloué.

    Je me demande si la Fondation canado-arabe s'occupe toujours de la surveillance et de la recherche des faits entourant l'incidence du profilage racial, de la bigoterie religieuse et des formes de discrimination auxquelles les gens sont soumis, à l'encontre de notre propre législation en matière de droits de la personne et certainement à l'encontre de la motion unanime du Parlement selon laquelle nous devrions jouer un rôle de leadership — lorsque je dis « nous », je veux parler des dirigeants de la société civile, des dirigeants religieux, des dirigeants élus, etc. — afin de tenter de mettre fin à cette horrible situation qui perdure depuis le 11 septembre. Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Absolument. Cela représente la grande partie de notre travail depuis le 11 septembre.

    Comme je l'ai dit en réponse à Mme Lalonde, en tant que Canadiens, nous avions la réputation d'être en première ligne lorsqu'il s'agit de défendre les droits de la personne, le droit international et la dignité humaine, mais il semble que notre réputation diminue de plus en plus, pour différentes raisons. Naturellement, l'une des raisons est notre propre politique ici au Canada, c'est-à-dire notre loi antiterroriste, l'application des certificats de sécurité, le profilage racial, etc.

    Oui, la Fondation canado-arabe surveille toujours toutes ces questions, et nous sommes toujours très préoccupés par la politique canadienne. Nous avons fait de nombreux exposés et présenté divers documents de politique devant le comité sur la loi antiterrorisme et devant le Sénat. Nous avons rencontré à plusieurs reprises Mme Anne McLellan, la ministre responsable de la sécurité.

    Nous sommes toujours beaucoup préoccupés par le fait qu'aucune mesure concrète n'a été prise pour communiquer avec notre communauté, car il faut bien le reconnaître, depuis le 11 septembre, et chaque fois qu'une bombe éclate quelque part, nous nous sentons visés. Les communautés arabes et musulmanes au Canada se sentent de plus en plus marginalisées, insécures et privées de leurs droits.

    Vous ne voulez pas faire cela. Il faut tirer une leçon des expériences des autres pays. Par exemple, en Europe, l'un des plus gros problèmes qu'ils ont à l'heure actuelle, particulièrement en France, en Hollande et même en Angleterre, comme nous avons pu le constater récemment, c'est qu'une bonne partie de la population provient de communautés raciales immigrantes qui ne font pas partie de la société dominante, elles n'ont pas de modèle dans la société et n'ont aucun rôle à jouer sur le plan de la politique et de l'économie.

    Au Canada, nous avons la chance d'accéder à la citoyenneté très rapidement par rapport à ces pays. Naturellement, nous avons une histoire d'immigrants.

    Tirons donc des leçons des erreurs commises par ces autres pays afin de nous assurer de ne pas marginaliser toute une partie de la communauté et peut-être commettre les mêmes erreurs que nous avons commises par le passé avec les communautés japonaise, italienne ou ukrainienne.

    Oui, nous sommes toujours préoccupés. Comme vous l'avez dit, cela n'aide pas l'image du Canada sur la scène internationale lorsqu'on a des cas comme celui de Maher Arar, d'Abdullah Almalki ou d'El Maati, d'innocents Canadiens qui ont été envoyés à la torture dans un pays étranger.

+-

    Le président: Mme McDonough.

Á  +-(1145)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Je pense que l'Association canado-arabe mérite des félicitations pour tout le travail que vous avez effectué dans ce domaine et plus particulièrement, pour avoir fait preuve de leadership et d'impartialité en condamnant des incidents d'antisémitisme et d'autres bigoteries religieuses, etc.

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Absolument.

+-

    Mme Alexa McDonough: J'espère que vous allez continuer de le faire, car l'une des choses qui ressort très clairement des études qui ont été faites par l'Association canado-arabe c'est jusqu'à quel point les Arabes et les musulmans du Canada partagent les valeurs canadiennes qui nous lient en tant que nation expressive.

    Je voudrais maintenant parler de la situation entre Israël et la Palestine. Je pense que c'est en février que le porte-parole des Affaires étrangères a eu l'occasion de se rendre en Palestine et en Israël, à l'époque très historique où Sharon et Abbas ont signé leur accord, et a eu l'occasion de rencontrer les chefs politiques et de la société civile d'Israël et de Palestine. Je dois dire qu'il y avait un sentiment d'espoir. Par exemple, j'ai été agréablement surprise par la fermeté avec laquelle les gens d'affaires canado-israéliens ont voulu faire comprendre aux Israéliens que l'ouverture de possibilités économiques était extrêmement importante si l'on voulait s'engager à aider à reconstruire l'infrastructure, etc.

    Étant donné certaines déceptions et certains reculs, est-ce que vous êtes d'avis que le Canada pourrait faire davantage à cet égard en vue de réellement tenir ses promesses et ses engagements d'aider les gens à reconstruire leur vie, alors qu'on continue de chercher à vraiment établir une paix durable?

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Définitivement. Pour répondre à vos premières observations, je peux dire que la Fondation canado-arabe s'est clairement engagée, comme vous l'avez dit, à l'égard des droits de la personne, de la Loi antiterroriste et, naturellement, de la promotion des valeurs fondamentales que nous partageons comme Canadiens. Pour ce faire, nous travaillons avec différentes organisations — la communauté canado-africaine, la communauté juive — afin de dénoncer tout acte d'antisémitisme, de racisme, de xénophobie ou de bigoterie au Canada. Je pense qu'en tant que Canadiens, nous méritons de vivre dans un pays pacifique et harmonieux, et Dieu merci pour notre tissu multiculturel. Nous pouvons nous comprendre les uns les autres peut-être mieux que d'autres gens ailleurs dans le monde.

    Comme on l'a dit, il est certainement important que le Canada joue un rôle plus actif pour tenter de régler le problème en Israël et en Palestine. Par exemple, récemment, un jeune Canadien né à Jérusalem est allé devant les tribunaux pour contester la loi canadienne qui ne reconnaît pas, naturellement, toute propriété de Jérusalem aux termes du droit international; Jérusalem n'appartient ni à la Palestine ni à Israël. Mais ce jeune Canadien voulait obliger le Canada à changer cela et à inscrire « Israël » dans son passeport, car il était né en Palestine. Nous étions heureux de constater que le gouvernement a maintenu fermement sa position et n'a pas cédé à ce genre de pression, car cela aurait toutes sortes de conséquences si nous décidions de changer cette politique établie depuis 1948.

    Par conséquent, le Canada joue parfois un rôle actif et intéressant, et nous le reconnaissons et nous l'en félicitons, mais il doit jouer ce rôle avec plus de constance. Il doit respecter davantage les règles et les résolutions des Nations Unies.

    L'avantage que nous avons ici au Canada, c'est que nous avons une société civile très active au sein de la communauté musulmane-arabe-palestinienne, mais aussi au sein de la communauté juive. Il y a de nombreux Juifs canadiens et israéliens qui sont contre la situation actuelle en Palestine et nous travaillons avec ces gens. Même en Israël, ces gens sont déterminés à trouver une solution pacifique au conflit, à dénoncer régulièrement les abus des droits de la personne par l'État d'Israël. Nous demandons à ces gens , ou sont impulsées parde travailler en partenariat, et je pense que le Canada devrait peut-être ouvrir les bras à ce genre de société civile plus progressive en Israël et à l'extérieur d'Israël afin de trouver une solution pacifique au conflit.

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Madame Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur le président.

    Je voulais ajouter à ma question une demande de clarification sur ce qui se passe au Liban en regard de la Syrie.

    Nous étions au Liban et en Syrie, Alexa, le ministre Pettigrew et moi-même, la semaine avant les incidents. Nous étions là une semaine avant, à Casablanca.

    Nous allons rester ici, monsieur le président. Nous allons vite quitter Toronto!

    Le président: J'en ai des frissons, madame!

    Mme Francine Lalonde: Donc, tout le monde célébrait le retour de la paix au Liban, à Beyrouth, ville reconstruite. Tout à coup, il y a eu cette bombe, et Hariri, une figure si importante... Franchement, je ne pensais pas que les Syriens étaient impliqués dans cette affaire. Je pensais que ce n'était pas tellement dans leur intérêt de l'être.

    J'aimerais savoir quelle est la situation en ce moment. Quelles sont vos revendications relativement à cette situation, étant entendu qu'il y a une forte présence de réfugiés palestiniens qui avaient des liens avec la Syrie?

Á  +-(1150)  

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Aujourd'hui, nous considérons que les Nations Unies ont mandaté la Commission Mehlis... M. Mehis, un diplomate allemand, est en train de faire une enquête. Il y a quelques jours, il a fait des déclarations qui pourraient éventuellement impliquer les services secrets syriens et libanais, mais pour l'instant, rien n'est encore très défini à ce sujet. Donc, il n'a pas juste pointé le doigt à la Syrie.

    Si un processus international est mis en oeuvre, laissons ce processus se compléter. Laissons d'abord la commission arriver à ses fins. Laissons-là éventuellement trouver les preuves, s'il y en a, et faire son rapport. Ensuite, le Canada pourra éventuellement décider clairement de la position. Bien sûr, il faut condamner tout acte de terrorisme, surtout dirigé contre des figures qui sont porteuses de paix et d'espoir dans cette région.

    Également, il ne faut pas tomber dans les erreurs du passé et céder à l'agressivité. Je pense, par exemple, aux Américains, qui n'ont pas laissé la Commission de contrôle, de vérification et d'inspection des Nations Unies — dont le responsable a d'ailleurs reçu un prix Nobel récemment — compléter son enquête. Donc, il y a les Nations Unies. Soit on respecte leur mandat et on se donne des commissions et des mesures pour enquêter, soit on ne le fait pas. Alors, c'est un peu cela que le Canada devrait éventuellement clairement définir.

+-

    Mme Francine Lalonde: J'imagine que vous avez condamné vivement les propos du nouveau président de l'Iran.

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Tout à fait. D'ailleurs, on a émis un communiqué à cet égard, disant que cela ne servait, en aucun cas, la situation des Iraniens en Iran eux-mêmes, d'abord, ni le contexte de la paix dans la région. De la même façon, on condamne des propos extrémistes de M. Bush ou d'autres élus, comme ce sénateur américain qui a dit qu'il fallait envoyer une bombe nucléaire sur La Mecque afin de faire taire les actes terroristes saoudiens. Donc, on condamne tous les extrêmes.

+-

    Le président: Je veux poursuivre dans la même ligne de pensée que Mme Lalonde au sujet de la Feuille de route. Lorsqu'elle vous a demandé ce que le Canada pouvait faire de plus, vous avez répondu qu'il fallait qu'il revienne dans le monde comme un joueur important. Vous avez parlé de la timidité du Canada, de sa crédibilité internationale. Vous parliez beaucoup, à ce moment-là, des votes aux Nations Unies. D'autres personnes sont venues ici, au comité, et nous ont dit complètement l'opposé.

    Or, en pratique, que pourrait faire le Canada afin d'être respecté par Israël, les Nations Unies et les Palestiniens, sur le terrain?

    En ce qui concerne les votes, c'est autre chose. En fait, il y a eu des modifications qui ne plaisent ni d'un côté ni de l'autre concernant les votes aux États-Unis. On sait que sur le terrain, il y a les Nations Unies, l'Union européenne, la Russie, le quartet. Alors, que peut faire le Canada, pratiquement, sur le terrain là-bas?

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Sur le terrain, de façon pratico-pratique, si on laisse tomber les négociations diplomatiques, il y a un drame humain incroyable — vous l'avez peut-être vu lorsque vous êtes allés en Palestine — en rapport avec la misère, les difficultés économiques de cette population dense qui vit dans un petit espace serré, les mauvaises conditions sanitaires, les enfants qui sont traumatisés régulièrement, qui voient passer des hélicoptères Apache ou qui sont endoctrinés pour devenir des bombes vivantes.

    Il y a ce drame humain, qu'on ne peut laisser passer. Comme société qui se respecte et qui prétend respecter les droits humains, on peut s'engager sur le terrain. D'abord, on peut commencer par investir; on commence timidement à le faire. Récemment, le Canada a accordé quelques sommes d'argent pour l'éducation et la gouvernance, etc. Cependant, on pourrait faire mieux pour ces enfants; on pourrait faire mieux pour ces femmes qui aujourd'hui se retrouvent mères seules, sans mari parce que ce dernier a été tué, et sans enfant parce qu'ils sont devenus des bombes humaines. Il y a un drame humain incroyable qui se vit. Il y a une société traumatisée là-bas.

    Alors, si on s'implique sur le terrain, en prenant des mesures humaines, en aidant les associations humanitaires sur place, en aidant ces pauvres Palestiniens à regagner éventuellement une dignité humaine, on pourrait peut-être éviter qu'il y ait des bombes humaines et que ces gens soient endoctrinés.

    En fait, c'est le désespoir qui pousse ces jeunes enfants à sortir de chez eux endoctrinés par des zélotes, des imams ou des idéologues. Ils n'ont aucune chance, ils n'ont rien. Ils ne peuvent même pas dire qu'ils vont se réveiller le lendemain, qu'ils iront à l'école et qu'ils sortiront pour aller jouer dans la cour de l'école. Cela n'existe pas, et c'est malheureux. Alors, comme société qui se respecte, on devrait peut-être travailler en ce sens.

Á  -(1155)  

+-

    Le président: Hypothétiquement, pensez-vous que le terrorisme international diminuerait s'il y avait une reprise importante des négociations avec le quartet?

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    M. Mohamed Boudjenane: Le terrorisme est une réaction qu'il faut condamner fortement, et nous le condamnons à chaque occasion. Aucune cause ne justifie l'assassinat d'innocentes victimes civiles. Néanmoins, le terrorisme est aussi une manifestation du désespoir. C'est aussi l'arme du pauvre. Le terrorisme n'a pas été créé par les Palestiniens, les Musulmans ou les Arabes. Il a existé à travers les siècles.

    Il est certain que s'il y avait plus de justice ou d'équité sociale, il y aurait moins de violence dans les rues. Si les gens avaient tous accès à un revenu et à un logement acceptables dans notre société, il n'y aurait peut-être pas de trafiquants de drogue ou de prostitution. Certes, il y aurait peut-être moins de terrorisme si on rendait une certaine forme de dignité aux personnes qui se sentent marginalisées par la presse internationale ou par les pays les plus riches. C'est possible.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres questions?

    Merci beaucoup de nous avoir rendu visite ce matin.

+-

    M. Mohamed Boudjenane: Merci de m'avoir entendu déblatérer.

-

    Le président: Non, c'était intéressant. Merci.

    La séance est levée.