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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 6 juin 2005




· 1325
V         La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.))
V         M. Walter Forsyth (directeur général, Atlantic Filmmakers Cooperative)
V         La présidente
V         M. Walter Forsyth

· 1330
V         La présidente
V         M. Michael Donovan (Halifax Film Company Limited)

· 1335
V         La présidente
V         M. Michael Donovan
V         La présidente
V         M. Bruce McKenna (Box Gang Productions)
V         M. Michael Donovan
V         M. Bruce McKenna

· 1340

· 1345
V         La présidente
V         M. Dean Leland (directeur du service des marchés, Empire Theatres Limited)

· 1350

· 1355
V         La présidente
V         M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC)

¸ 1400
V         M. Walter Forsyth
V         M. Bill Casey
V         M. Dean Leland
V         M. Bill Casey

¸ 1405
V         M. Dean Leland
V         M. Bill Casey
V         M. Dean Leland
V         M. Bill Casey
V         M. Bruce McKenna
V         M. Michael Donovan

¸ 1410
V         M. Bill Casey
V         La présidente
V         M. Bill Casey
V         La présidente
V         M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ)
V         M. Bruce McKenna
V         M. Marc Lemay

¸ 1415
V         La présidente
V         M. Walter Forsyth
V         M. Michael Donovan

¸ 1420
V         La présidente
V         M. Dean Leland

¸ 1425
V         La présidente
V         M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD)

¸ 1430
V         M. Michael Donovan
V         M. Charlie Angus
V         M. Bruce McKenna
V         M. Charlie Angus
V         M. Bruce McKenna
V         M. Charlie Angus
V         M. Bruce McKenna
V         M. Michael Donovan

¸ 1435
V         M. Walter Forsyth
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Kimberly John Smith (directeur, Creative Action Digital Video)
V         La présidente
V         M. Kimberly John Smith
V         La présidente
V         M. Kimberly John Smith

¸ 1455

¹ 1500
V         La présidente
V         M. Mario Silva (Davenport, Lib.)
V         M. Kimberly John Smith

¹ 1505
V         La présidente
V         M. Bill Casey
V         M. Kimberly John Smith

¹ 1510
V         M. Bill Casey
V         M. Kimberly John Smith
V         M. Bill Casey
V         La présidente
V         M. Charlie Angus
V         M. Kimberly John Smith

¹ 1515

¹ 1520
V         M. Charlie Angus
V         M. Kimberly John Smith
V         La présidente
V         M. Marc Lemay
V         M. Kimberly John Smith
V         M. Marc Lemay
V         La présidente

¹ 1525
V         M. Kimberly John Smith
V         La présidente
V         M. Kimberly John Smith
V         La présidente
V         M. Kimberly John Smith
V         La présidente
V         M. Kimberly John Smith
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

·  +(1325)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

    Je m'excuse de ce retard. Nous avons prolongé la séance de ce matin et l'audition de nos témoins et nous avons déjeuné le plus vite possible. Je suis désolée de vous avoir fait attendre.

    Nous demandons à nos témoins d'être le plus brefs possible dans leurs commentaires et de mettre l'accent sur ce que vous voudriez que le comité recommande pour aider la production de longs métrages au Canada, parce que nous constatons que la partie la plus productive de nos séances, et nous en avons maintenant tenu un bon nombre, c'est la discussion que nous avons ensuite avec vous pour approfondir vos réflexions et vos idées.

    Notre premier intervenant sera Walter Forsyth, directeur général de l'Atlantic Filmmakers Cooperative.

+-

    M. Walter Forsyth (directeur général, Atlantic Filmmakers Cooperative): Je vous prie de m'excuser pour mes manières peu protocolaires, mais je vous remercie beaucoup d'avoir demandé à la Atlantic Filmmakers Cooperative de faire un exposé.

    Quand vous dites que nous devons être brefs pour consacrer l'essentiel du temps à la conversation, combien de temps voulez-vous dire? Dix minutes au total?

+-

    La présidente: Je m'en remets à vous pour en décider. Mais plus vous prenez de temps au début, moins il en restera pour la véritable discussion.

+-

    M. Walter Forsyth: Et comme je constate qu'il y a un service d'interprétation, je vais essayer de ne pas parler trop vite.

    Je vous ai remis cinq exemplaires du mémoire que je vous ai fait parvenir. Je vous remercie beaucoup de l'avoir accepté et j'espère que vous aurez l'occasion de le lire attentivement.

    Je vais d'abord passer en revue le sommaire parce que je pense qu'il résume la totalité du mémoire et si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

    Premièrement, les recommandations de l'Atlantic Filmmakers Cooperative au Comité permanent du patrimoine canadien, au sujet de son examen de la politique canadienne du long métrage, sont les suivantes :

    Que le gouvernement fédéral augmente de façon permanente le financement du Conseil des Arts du Canada, afin qu'il puisse améliorer ses programmes des arts médiatiques qui développent de nouveaux talents dans le secteur de la production de films et de vidéos indépendants ainsi que dans ceux de la distribution et de la présentation.

    Que le gouvernement fédéral augmente le financement de l'Office national du film du Canada afin qu'il puisse accroître son soutien des cinéastes indépendants grâce à son programme d'aide aux cinéastes.

    Que le gouvernement fédéral accroisse le financement de Téléfilm Canada, afin qu'il puisse accorder une aide financière suffisante à la production de documentaires et de films de fiction indépendants.

    Que le gouvernement fédéral accroisse le financement de Téléfilm Canada et du Conseil des Arts du Canada au titre des programmes de soutien de la distribution et du marketing des films canadiens indépendants.

    Que le gouvernement fédéral ajoute à sa politique du long métrage des exigences spécifiques sur le soutien aux producteurs des diverses communautés culturelles et des communautés autochtones.

    Que le gouvernement fédéral continue à prendre conscience de l'importance des différences régionales dans l'industrie cinématographique et qu'il donne aux organismes culturels le mandat d'offrir plus de soutien régional.

    Et enfin, que le Parlement fasse en sorte que le financement des arts soit régi par une loi fédérale.

    Voilà donc mes principales recommandations. Je vais revenir rapidement sur les plus importantes, après quoi nous passerons aux questions, le cas échéant.

    Premièrement, je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à prendre la parole au nom de l'Atlantic Filmmakers Cooperative. Cette coopérative cinématographique, connue sous le sigle AFCOOP, est un centre de production et de présentation de films dirigé par ses membres qui existe depuis 30 ans. Au cours de ces 30 années, nous avons assisté à l'épanouissement de l'industrie cinématographique.

    Auparavant, il n'y avait rien ici dans le Canada atlantique et c'est grâce au soutien du Conseil des Arts du Canada et de l'ONF que notre coopérative a pu naître. Celle-ci continue de nous aider encore aujourd'hui en fournissant aux cinéastes indépendants un environnement favorable qui sert d'incubateur pour la création de films. Ainsi, beaucoup d'organisations semblables existent un peu partout au Canada et servent d'incubateur au cinéma indépendant.

    L'AFCOOP définit un film indépendant comme une production dans laquelle l'artiste conserve le contrôle intégral de la création et du montage de son oeuvre.

    Au sujet du Conseil des Arts du Canada, comme vous le savez déjà, le financement des coopératives de cinéma et des centres de production de vidéos qu'offre la section des arts médiatiques du Conseil des Arts du Canada a clairement contribué à la réalisation de l'objectif de développement de nouveaux talents. Nous vous félicitons d'avoir assuré ce soutien constant.

    Ces centres, qui facilitent la réalisation de films indépendants au niveau local, vont produire la prochaine génération de talents de l'industrie cinématographique canadienne. Les coopératives de production de films aident typiquement les récents diplômés des programmes universitaires de cinéma à réaliser leurs nouveaux projets. Des réalisateurs de longs métrages comme Thom Fitzgerald et Andrea Dorfman, deux des cinéastes les plus novateurs et les plus respectés de la Nouvelle-Écosse, sont directement venus à notre centre après leur sortie de l'université pour travailler dans leur discipline artistique.

    Comme le financement régional varie énormément selon la province, l'aide financière du Conseil des Arts du Canada est cruciale pour nous. Ces programmes de financement sont indispensables puisque les coopératives de cinéma et les centres de production de vidéos du Canada sont des incubateurs des talents qui oeuvrent dans l'industrie canadienne du cinéma.

    En raison de l'expansion que le secteur a connu ces dernières années, le Conseil a besoin de plus d'argent pour son programme des centres d'arts médiatiques, de même que pour ses subventions directes aux cinéastes et aux vidéastes. Bref, il faudrait accroître le financement de ces programmes.

    Je passe maintenant à la partie intitulée « Renforcement des obligations en matière de diversité culturelle ». L'AFCOOP est convaincue que la diversité culturelle du Canada devrait se refléter dans les films produits au pays et que la politique du long métrage actuelle ne va tout simplement pas assez loin pour assurer ce reflet de la réalité multiculturelle canadienne.

    Par exemple, comme le Canada a été bâti sur les terres des Premières nations, leur culture devrait être représentée dans la production cinématographique partout au pays, en tant que partie intégrante du tissu culturel canadien. Nous avons tous une part de responsabilité à cet égard, et je recommande que le comité permanent ajoute des exigences spécifiques sur le soutien des producteurs des diverses communautés culturelles minoritaires et des communautés autochtones dans la politique gouvernementale du long métrage.

·  +-(1330)  

    Enfin, la communauté des films indépendants a des liens de longue date avec l'Office national du film du Canada; plusieurs coopératives de cinéma ont démarré grâce au programme de défi du changement de l'ONF dans les années 70. L'Office national du film continue d'offrir de l'aide aux coopératives de cinéma comme l'AFCOOP ainsi qu'à beaucoup de nos cinéastes indépendants. Nous avons cherché à obtenir une augmentation de cette aide, mais le budget de l'ONF a été comprimé ces dernières années, de sorte qu'il lui est impossible d'aider davantage les cinéastes indépendants sans augmentation budgétaire. Nous recommandons donc que le gouvernement fédéral accroisse le financement de l'Office national du film du Canada pour qu'il puisse augmenter l'aide qu'il donne aux cinéastes indépendants grâce à son programme d'aide aux cinéastes. Ce programme est un moyen incroyablement efficient de mettre l'argent du fédéral dans les mains de cinéastes talentueux et méritants. L'AFCOOP reçoit et distribue directement des fonds par l'intermédiaire de ce programme, et pourtant, le montant que l'ONF est capable de nous fournir est resté constant depuis 30 ans. Il n'y a eu aucune augmentation.

    C'est tout, je crois. J'ai pris assez de votre temps et je vous remercie beaucoup.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Le suivant est Michael Donovan, de Halifax Film Company Limited.

+-

    M. Michael Donovan (Halifax Film Company Limited): Merci beaucoup.

    J'ai rédigé une courte allocution, mais je vais peut-être vous parler spontanément, au lieu de lire mon texte.

    En fait, je n'ai qu'une seule observation à faire. Au Canada, un certain nombre de structures sont en place pour la réalisation de films, et ces structures, par exemple Téléfilm et les organisations provinciales, sont très bonnes. Elles sont extraordinairement sous-financées, mais le problème de ces structures, telles qu'elles existent au Canada, est qu'elles se prêtent à un certain type de cinéma, et cela ne crée pas l'occasion de faire des films différents, des films qui n'entrent pas dans le moule, essentiellement celui des films approuvés par le gouvernement. Je pense qu'il est possible pour le gouvernement canadien d'établir des structures différentes, en particulier sur le plan fiscal, des structures qui déboucheraient sur des films d'un type différent, potentiellement davantage internationaux et compétitifs.

    Plus précisément, j'ai fait l'expérience de gagner un Oscar pour un film. Même si j'habite en Nouvelle-Écosse, ce n'est pas un film canadien. Je pense qu'il est impossible pour moi de gagner un Oscar en faisant un film canadien. C'est un film américain. Il a été financé en faisant appel à une structure fiscale de l'Allemagne. Il a été possible pour moi, à partir d'ici, à Halifax, en Nouvelle-Écosse, de faire un film américain en utilisant une structure de financement allemande, mais il m'aurait été impossible de faire un film semblable au Canada. Il n'aurait jamais été approuvé, étant donné la nature des structures que nous avons au Canada, qui sont bonnes, mais qui sont étroites et sous-financées.

    Le gouvernement canadien a maintenant l'occasion de faire éclater ces structures; plus précisément, d'accorder des avantages fiscaux qui permettraient de réaliser des films différents. Je pense que si le gouvernement canadien ne le fait pas, le Canada prendra de plus en plus de retard. Le problème fondamental est le manque de capitaux, et c'est le moyen de le surmonter.

    Il est urgent d'agir, parce que les États-Unis viennent de mettre en place une structure fiscale. Je travaille dans ce secteur depuis 25 ans. Cette structure fiscale, qui a été annoncée il y a environ six mois et qui entrera en vigueur dans un autre six mois, changera tout aux États-Unis. Elle aura au Canada l'effet d'un aspirateur géant. Il est devenu urgent pour votre comité de s'attaquer à cette question. Ne pas le faire serait rater la plus belle occasion qui s'est offerte, à mon avis, depuis un an ou deux.

    L'autre grand avantage des structures de nature fiscale, c'est qu'elles n'exigent aucune entité gouvernementale pour les administrer. Autrement dit, il n'y a aucun coût supplémentaire pour le gouvernement. Il n'est pas nécessaire d'embaucher de nouveaux employés ni de mettre sur pied un nouvel organe bureaucratique. C'est une manière très efficiente de canaliser des capitaux vers le secteur cinématographique, des capitaux que le gouvernement doit organiser.

    En terminant, c'est très important de dire que cela n'enlève rien aux structures existantes, mais celles-ci sont tout simplement insuffisantes et insuffisamment financées, en particulier Téléfilm, qui n'a eu essentiellement aucune augmentation de son budget en 15 ans. Dans l'intervalle, les capitaux injectés dans l'industrie cinématographique partout dans le monde se sont multipliés par quatre ou cinq.

    Voilà l'essentiel du document que je vous ai remis.

·  +-(1335)  

+-

    La présidente: Vous avez dit qu'il fallait changer la structure fiscale. Pouvez-vous nous dire plus précisément ce que vous voulez dire par là?

+-

    M. Michael Donovan: Il y a dix ans, en Angleterre, l'industrie cinématographique valait au total environ 500 millions d'euros. Le gouvernement Blair a introduit une structure fiscale, que l'on appelle là-bas l'article 48. Au cours des huit années suivantes, la valeur de l'industrie cinématographique en Angleterre a décuplé pour atteindre environ cinq milliards d'euros. Le coût total pour la société a été contrebalancé par les retombées de l'industrie. Depuis dix ans, l'Angleterre a produit un grand nombre d'excellents films. Cela s'explique en partie par l'article 48, une simple innovation fiscale.

    Le gouvernement actuel peut facilement apporter quelques changements. Les structures fiscales sont essentiellement existantes, sous forme dormante. Il est possible de les réveiller en y apportant très peu de changements. C'est le seul moyen de ramener à la vie l'industrie cinématographique canadienne. Rien d'autre n'y parviendra, à part un renforcement considérable des structures existantes. Et encore, les films qui en résulteraient correspondraient à un type de film très étroitement défini. Pour que notre cinématographie puisse rivaliser avec le reste du monde, elle doit pouvoir compter sur plus d'une source de capitaux. Idéalement, elle a besoin d'une source de capitaux très efficiente, et c'est exactement ce que peut offrir une structure fiscale.

    En 1976, une série de mesures fiscales ont été mises en place. Par la suite, les bureaucrates, en particulier au ministère des Finances, ont jugé bon de les réduire à presque rien. Ces mesures n'ont pourtant pas été supprimées. Un certain nombre de règles ont été établies et en ont enrayé le fonctionnement. Mais on pourrait facilement modifier ces règles pour les ramener à la vie. Je peux vous assurer que cela aurait un impact extraordinaire et que les résultats seraient des plus fructueux pour le cinéma canadien.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur McKenna, de Box Gang Productions.

+-

    M. Bruce McKenna (Box Gang Productions): Merci.

    Je suis ici à titre de scénariste, et je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole. J'ai gagné ma vie comme scénariste au Canada pendant une brève période au cours des années 90, mais je n'ai pas gagné grand-chose depuis. J'ai demandé tout à l'heure à Michael s'il connaissait quelqu'un au Canada qui gagne sa vie comme scénariste et il a ri et a secoué la tête, il a réfléchi à la question et il a ri encore et a de nouveau secoué la tête.

+-

    M. Michael Donovan: À Los Angeles, il y a des Canadiens.

+-

    M. Bruce McKenna: À Los Angeles, il y a des Canadiens; c'est là que je veux en venir, vous comprenez? Alors si nous avons une industrie du long métrage mais que nous ne pouvons pas faire vivre le moindre scénariste, je me demande ce que cette industrie peut vraiment produire.

    J'ai rédigé de nombreuses pages et, comme Michael, je vais essayer d'improviser et de résumer tout cela, mais je vais peut-être passer du coq-à-l'âne.

    Ce qu'il y a, c'est que non seulement l'industrie du long métrage ne permet pas aux scénaristes de gagner leur vie, mais on se sert de plus en plus la ceinture dans le secteur de la télévision. Les dramatiques d'une heure ont été essentiellement éliminées en 2001, et il n'y a donc plus rien pour former les scénaristes débutants. En l'absence de cela, on peut bien avoir une magnifique industrie des services, avoir d'excellentes équipes pour tourner Stone Cold ici, avec Tom Selleck, et tourner des films à Montréal, Toronto et Vancouver pour des producteurs américains et des studios américains, mais en l'absence de scénarios canadiens et d'écrivains canadiens susceptibles d'écrire des scénarios, je trouve que l'idée même d'une industrie canadienne est plutôt chambranlante.

    L'une des questions qui se pose est celle-ci : qu'est-ce qui ne va pas dans l'industrie canadienne du long métrage pour que les Canadiens anglophones ne regardent pas de films canadiens? Peut-être que la réponse se trouvait dans une lettre adressée la semaine dernière au journal The Globe and Mail, en réponse aux récriminations de John Doyle sur les choix opérés par le Fonds canadien de télévision quant aux émissions que l'on décide de financer. L'auteur de la lettre disait que tant et aussi longtemps que les bureaucrates décideront quelles émissions produire, nous aurons des émissions que les bureaucrates veulent voir. Je ne crois pas que le problème se résume exclusivement à cela, mais c'est peut-être l'une des causes, en ce sens que les bureaucrates fréquentent peut-être davantage les festivals de cinéma que les Cineplex; or dans les festivals de film, on mesure souvent le succès selon des critères qui ne correspondent pas à ceux du grand public.

    On ajoute ensuite que nous devons contrôler notre distribution. Je ne suis pas d'accord. Je pense qu'un film doit mériter d'être distribué; nous devons mériter nos écrans grâce à notre créativité. Si les gens veulent voir un film, il finira bien par être projeté. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas eu des films d'Australie, d'Afrique et d'Asie qui ont réussi à percer et qui ont bénéficié d'une vaste distribution en Amérique du Nord.

    Je crois que si Téléfilm et quiconque dans ce monde ou au gouvernement canadien veut que 10 p. 100 de notre temps d'écran soit consacré aux films canadiens, nous devrions viser à prendre une place de 8 p. 100 sur le marché américain, parce que c'est le même auditoire. Ces arguments ne me convainquent pas. Voyez les chiffres publiés dans Variety chaque semaine; les dix premiers films aux États-Unis et les dix premiers films au Canada anglais sont identiques. Quand ce n'est pas le cas, c'est parce qu'un film n'a pas encore été diffusé au Canada, ou bien parfois, à l'occasion, un film d'un producteur canadien réussit à se tailler une place parmi les dix premiers. Mais la plupart du temps, ce sont les mêmes films.C'est donc le même auditoire et c'est en partie notre problème. C'est culturel. Nous regardons les émissions de télévision américaine, et leurs émissions sont meilleures que les nôtres. Nous regardons des films américains et ils sont meilleurs que nous là aussi.

    La question est de savoir combien de scénaristes réussissent à gagner leur vie dans notre pays. Je crois qu'il n'y a pas un seul; pas moi, en tout cas. Si quelqu'un a besoin d'un patio ou d'une clôture ou de travaux de peinture, je suis toujours prêt à prendre des contrats. Je suis sérieux. Je suis un bon écrivain, mais le secteur du long métrage ne peut pas me faire vivre ici.

    Il y a bien une forme d'assistance sociale appelée le programme d'aide aux scénaristes, mais les décisions sont prises par des comités et des jurys, et les jurys ont parfois tendance à écarter les textes les plus relevés tout autant que les moins bien écrits. C'est plus facile de viser la moyenne que de prendre le risque de défendre un texte qu'une personne membre du jury pourrait adorer tandis qu'une autre le détesterait. C'est plus facile de ne pas argumenter, de le rayer de la liste et de choisir plutôt l'un des 150 autres candidats qui visent tous à obtenir l'une des 35 subventions.

    Nous faisons donc fuir nos écrivains. Il n'y a pas assez de télévision pour tenir les écrivains occupés, et la télévision est un extraordinaire incubateur de talents, de créativité, pour les écrivains et les réalisateurs.

·  +-(1340)  

    Norman Jewison a commencé à la CBC avec des caméras en carton. Avant même que l'on reçoive ici de vrais appareils, il pratiquait son art à l'aide de maquettes en carton dans le studio en 1953.

    Je pourrais illustrer mon argument en citant le cas de Paul Haggis. Je suis certain que bien des gens ont entendu parler de lui dernièrement, parce qu'il est le scénariste de l'Ontario qui a écrit Million Dollar Baby et qui a aussi écrit un film intitulé Crash qui a pas mal de succès actuellement. Il est parti aux États-Unis en 1973 parce qu'il savait qu'il ne pourrait pas trouver de travail au Canada. Quel travail a-t-il trouvé quand il est déménagé aux États-Unis? Il écrivait des épisodes de Check It Out et de Due South, deux émissions canadiennes. Les règles sur le contenu canadien adoptées à la fin des années 80 ont trahi les écrivains. On faisait venir des Américains, et il fallait embaucher des réalisateurs canadiens, mais quant aux écrivains... « Bon, d'accord, vous pouvez embaucher des écrivains américains », ou bien, s'il vous faut des écrivains canadiens, « allez les chercher à Santa Monica, ou encore à Beverly Hills; vous n'avez pas besoin d'embaucher quelqu'un qui habite au Canada ».

    Il y a une quinzaine d'années, j'étais au volant de ma voiture quand j'ai entendu Bernard Ostry, qui était interviewé par Peter Gzowski. Bernard venait d'être congédié de TVO parce qu'il avait trop de moniteurs dans son bureau. Peter Gzowski comparait la radio et la télévision, et Bernard a dit que Peter Gzowski avait une émission qui rejoignait un vaste auditoire et qui justifiait son existence. Gzowski a répondu : « Mais ce n'est rien comparé à la production d'émissions de télévision », ce à quoi Ostry a rétorqué : « C'est vrai aujourd'hui »—c'était en 1991—« mais le coût de la saisie de l'image et du son et le coût de l'acheminement du signal vont baisser et baisser encore, jusqu'à ce que les créateurs reprennent le dessus. L'essentiel sera alors ce qu'il y a devant les caméras, et ceux qui ont imaginé tout cela ». Or nous n'avons pas su soutenir la communauté des écrivains dans notre pays, ceux qui trouvent les idées dont on a besoin.

    De nos jours, on peut ouvrir son propre studio de télévision avec 10 000 $, avec une caméra haute définition et un logiciel de montage et un jeu d'éclairage. Il en aurait coûté plus d'un million de dollars il y a 20 ans pour obtenir le même matériel, et l'image n'aurait pas été aussi bonne.

    Il y a beaucoup de chaînes spécialisées. Si nous ne pouvons pas être compétitifs au chapitre des émissions, donnez-nous au moins un coup de pouce au départ, en confiant à des écrivains canadiens des émissions diffusées sur de petites chaînes du spectre de la câblodistribution qui peuvent se permettre de réunir un petit auditoire tout en étant toujours considérées comme des succès. C'est seulement un échec quand on ne réussit pas à obtenir l'auditoire escompté. Avec un tremplin plus limité, un auditoire plus restreint, on donne à la communauté des créateurs la chance de grandir. En l'absence de cette communauté de créateurs, c'est dur parce que quand Paul Haggis s'en va à Los Angeles pour gagner sa vie et écrit un scénario intitulé Million Dollar Baby, il ne va pas le ramener à Toronto; il va l'offrir à Clint Eastwood.

    Voilà donc ma recommandation—en plus d'un soutien accru à des productions numériques de longs métrages à très petit budget.

    Quand Edison essayait de créer l'ampoule électrique, il a essayé 2 000 filaments différents et ils ont tous échoué. Quelqu'un lui disait qu'il perdait son temps et il a rétorqué : « Non, j'ai trouvé 2 000 manières de ne pas faire une ampoule électrique. » Je trouve que c'est une véritable loterie, étant donné le nombre de scénarios et le nombre de gens qui s'efforcent de survivre dans le système hollywoodien. Nous devons rivaliser avec Hollywood; si l'on veut prendre 10 p. 100 du marché, comme je le disais, je pense que nous devrions essayer de faire directement concurrence à Hollywood. Il faut un très grand nombre d'idées pour en trouver une très bonne, une bonne idée qui arrive au bon moment, qui correspond à l'époque et qui a la chance et la bonne fortune d'être transformée en un film qui marche. Je pense qu'il faut un plus grand nombre d'occasions pour permettre aux gens d'apprendre dans des médias à faible coût, en leur donnant un budget plus limité pour se faire les dents, faire leurs preuves et, comme je l'ai dit, mériter d'être distribué plutôt que de l'exiger comme un droit.

    Je vous remercie pour votre temps.

·  +-(1345)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Leland.

+-

    M. Dean Leland (directeur du service des marchés, Empire Theatres Limited): Merci. Contrairement à certains de mes amis ici présents, je vais lire mon mémoire. Autrement, j'en aurai pour une éternité, parce que j'ai parfois tendance à parler de façon décousue.

    Je remercie le comité de tenir ses audiences d'un bout à l'autre du pays. Je sais que c'est parfois répétitif, mais voici mon point de vue.

    Je m'appelle Dean Leland et je travaille pour Empire Theatres depuis un peu plus de 27 ans. J'ai été gérant de cinéma pendant des années, après quoi j'ai été promu à l'administration centrale. J'ai occupé divers postes de cadre à la compagnie, depuis la promotion et la publicité jusqu'aux opérations, en passant par la programmation de films. Je suis maintenant chef de la commercialisation et des communications. Je continue de superviser notre service de programmation de films. Je connais très bien tous les tenants et aboutissants de la problématique et la manière dont les films finissent par être projetés sur nos écrans.

    Je vais commencer par établir le contexte de la compagnie Empire Theatres. Elle a été fondées en 1978; nous avions alors une poignée de cinémas et d'écrans. Aujourd'hui, nous possédons et exploitons 176 écrans dans 26 complexes, uniquement dans la région de l'Atlantique pour le moment. Nous avons aussi conclu une entente de partenariat avec Landmark Cinemas of Canada pour ouvrir des cinémas dernier cri dans les quatre provinces de l'Ouest.

    Nous employons plus de 1 300 Canadiens de l'Atlantique, dont beaucoup de jeunes. Comme beaucoup le savent sans doute déjà, nous sommes une filiale à part entière de Empire Company Limited de Stellarton, en Nouvelle-Écosse, dont les divisions d'exploitation comprennent non seulement Empire Theatres, mais aussi quelque 1 300 supermarchés Sobey's, les pharmacies Lawton's Drugs et Crombie Properties. Au total, plus de 34 000 personnes dans l'ensemble du pays sont à l'emploi de Empire. Cela vous donne une petite idée de la structure et du succès de notre entreprise qui est un chef de file dans de nombreux secteurs.

    Pour commencer, je dirai que Empire Theatres appuie absolument la position défendue par l'Association des propriétaires de cinéma du Canada, dont vous avez déjà entendu les représentants. Nous sommes membres de longue date de cette organisation; par conséquent, ce que je vais dire au cours des prochaines minutes sera calqué en grande partie sur la position de l'association, mais cela permet à Empire Theatres d'exprimer notre appui à cette position.

    Je m'engage à être le plus bref possible, puisque nous sommes lundi, après tout, et que je dois retourner au bureau et réserver avec les membres de mon équipe les films, qui sont de la première importance.

    Comme vous l'avez entendu à maintes reprises de la part des divers intervenants de notre communauté, les exploitants de salle sont les détaillants dans notre secteur. Comme nous le savons tous, l'industrie du long métrage consiste en la production, la distribution et la projection. À titre d'exploitants de salle, nous sommes le rayon de la roue qui est le plus proche du consommateur qui paye de sa poche. Nous connaissons de très près la réalité du marché de la diffusion cinématographique en salle et nous savons ce que les consommateurs recherchent, ce qu'ils sont prêts à acheter, et surtout ce qu'ils refusent d'acheter.

    Ce qui est également très important pour le cinéphile, c'est la salle dans laquelle il regarde un film. Les clients ont des attentes très élevées de nos jours, et nous, en tant qu'exploitants de salle, à toutes fins pratiques, avons répondu à la demande avec l'explosion des salles de cinéma à la fine pointe de la technologie d'un bout à l'autre du pays. Il nous a fallu pour cela assumer des risques considérables et nous dépendons tout à fait des films qui sont réalisés et du public, qui doit être disposé à dépenser les maigres dollars que les gens réservent aux loisirs et à consacrer leurs heures de loisirs de moins en moins nombreuses dans nos salles. Les investissements en immobilisations viennent de notre plan d'entreprise et de nos réinvestissements à l'interne pour assurer l'avenir de notre compagnie. Nous ne sommes pas un secteur subventionné par le gouvernement. J'insiste sur le fait que Empire Theatres ne recherche aucunement des subventions.

    Je pense qu'il est important d'insister dès le départ sur le fait que Empire Theatres appuie les initiatives de notre gouvernement pour bâtir un auditoire pour les films canadiens. Nous voulons atteindre 5 p. 100 des recettes aux guichets au Canada d'ici la fin de 2006 et nous voulons que cette croissance se poursuive à l'avenir.

    Nous félicitons Téléfilm, qui récompense financièrement les producteurs qui font des films que les gens sont prêts à payer pour voir. Nous applaudissons également aux objectifs pour ce qui est de promouvoir le talent et les créateurs, d'améliorer la qualité des films canadiens et de diffuser et de préserver les longs métrages canadiens.

    Nous sommes entièrement d'accord—j'insiste là-dessus—avec la position énoncée par tous selon laquelle l'auditoire répondra présent si des films sont écrits, produits et surtout mis en marché en tenant compte de l'auditoire.

    Pour ce qui est du mémoire de notre association nationale, Empire Theatres voudrait faire ressortir ce que vous avez déjà entendu et lu, afin de faire comprendre l'importance vitale de chacun des points. Premièrement, nous croyons fermement que la clé du succès du secteur du cinéma au Canada à long terme, c'est de faire des films que le grand public veut voir. Il ne faut pas faire des films qui n'intéressent qu'une poignée de gens.

    La performance médiocre des films au Canada anglais est souvent comparée aux succès éclatants obtenus au Canada français. Il n'y a pas si longtemps, la performance des films produits au Québec était très mauvaise. C'est seulement lorsque les écrivains et les producteurs au Québec ont pris du recul et se sont dit « Ma foi, peut-être devrions-nous faire des films que les gens veulent voir au cinéma et pour lesquels ils sont prêts à payer, sinon nous ferions mieux de chercher du travail ailleurs ». Nous ne croyons pas que ce soit un concept tellement difficile à comprendre. Quant à savoir pourquoi les cinéastes au Canada anglais ne visent pas cet objectif, cela nous échappe.

·  +-(1350)  

    Nous croyons fermement qu'en continuant de faire des films spécialisés qui intéressent seulement une poignée de gens dans les grandes villes, nous n'atteindrons jamais l'objectif global de 5 p. 100 ou plus du marché—jamais.

    Nous pensons qu'il serait utile de passer beaucoup de temps à écrire et à retoucher des scénarios, et à les faire passer par un processus d'acceptation rigoureux. Il faut écarter implacablement ceux qui ont été écrits uniquement pour donner libre cours à la passion de l'auteur et de sa famille immédiate.

    Deuxièmement, nous croyons fermement qu'il faut insister sur la diffusion de l'information—on n'insistera jamais assez là-dessus. Il nous apparaît absolument évident, chez Empire Theatres, que les gens prennent la décision de sortir de chez eux pour aller voir un film en fonction de certains facteurs très élémentaires : le désir de vivre une expérience cinématographique divertissante qui constitue une sortie mémorable, le fait d'avoir le temps de se livrer à ce passe-temps, et aussi de savoir ce que le marché a à offrir pour satisfaire leur soif de cinéma.

    Nous savons bien que, de nos jours, l'expérience cinématographique fait l'objet d'une commercialisation préalable. Il suffit de voir le temps, l'énergie et les ressources qu'il faut pour lancer une nouvelle salle de cinéma. Les gens ont choisi ce qu'ils veulent voir avant d'arriver au cinéma. Ils ont bien d'autres possibilités et ils peuvent choisir une foule d'autres activités, au lieu d'aller voir un film. Ils peuvent venir dans nos salles ou bien ils peuvent aller au concert ou aller voir une épreuve sportive. Ils peuvent aussi faire une foule d'activités à la maison : regarder un film à la télévision, jouer à un jeu vidéo sur leur ordinateur, faire du jardinage, ou ne rien faire du tout. Les consommateurs choisissent la manière dont ils vont dépenser leur argent et leur temps en fonction de ce qui les intéresse.

    Voici où nous voulons en venir : les films canadiens doivent compter sur des budgets de marketing et de promotion suffisants pour faire connaître leur existence aux cinéphiles qui ne demandent pas mieux que d'aller au cinéma, et c'est le facteur « je veux voir ça » qui les attire vers notre salle de cinéma où le film est projeté. C'est la réalité du commerce du film, et quiconque sous-estime l'impact de cette réalité le fait à son propre péril.

    Troisièmement, quand un cinéaste ou scénariste collabore avec le système et produit un film qui touche une corde sensible chez un auditoire prêt à payer pour voir le film, il faut récompenser cette personne et reconnaître son mérite pour que l'on comprenne bien les avantages économiques. Ce que les gens veulent voir, ce sont de belles et grandes histoires au sujet des Canadiens. Il faut raffiner et améliorer l'excellent travail que Téléfilm fait déjà. Des mécanismes fiscaux pour récompenser certains comportements donnent de bons résultats, comme Michael l'a dit.

    Au sujet des technologies visuelles—c'est un autre de nos arguments—, nous allons bientôt transformer l'expérience cinématographique. C'est un fait, et cela s'en vient vite. La transition vers la technologie numérique au niveau des salles de cinéma, à un seuil de rentabilité acceptable, demeure encore à notre avis éloignée de quelques années, mais cela exigera en fin de compte la compatibilité de programmes de logiciels concurrentiels, l'interopérabilité de divers matériels et logiciels, et la mise à niveau à la fois du matériel et des logiciels. Autrement, il faudrait peut-être du matériel différent pour faire jouer les produits de chacun des studios. C'est déjà arrivé lors du passage à l'audionumérique dans les années 90. Il ne faut pas faire preuve de précipitation dans ce processus.

    Enfin, un dernier point que nous soulevons partout au Canada—vous l'avez déjà entendu—, c'est que la communauté des exploitants de salle n'appuie aucunement l'imposition de quotas sous une forme ou sous une autre dans notre modèle d'entreprise. Comme bien d'autres l'ont dit, et comme nous le réitérons ici, les quotas de temps d'écran ne fonctionnent pas et ne fonctionneront jamais dans notre secteur. C'est bien connu et bien compris par tous que l'on ne peut pas légiférer ce que les cinéphiles veulent voir; les contingents à l'écran n'amèneront pas un plus grand nombre de Canadiens à regarder des films canadiens plus nombreux. Le seul moyen d'atteindre cet objectif de bâtir un auditoire de consommateurs plus nombreux prêts à regarder des films canadiens, c'est de produire de meilleurs films canadiens qui sont mieux mis en marché.

    La projection de films, ce n'est pas la même chose que la radio, la télévision et l'édition. Nous ne recevons aucune subvention gouvernementale et ne bénéficions d'aucune intervention du gouvernement dans notre secteur, et nous n'en voulons pas. Il faut bien comprendre que le rôle de la production et de la distribution au Canada est crucial pour le succès global d'un film, qui ne dépend pas seulement du nombre d'écrans disponibles.

    En tant qu'exploitants de salle, nous voulons que tous les films, quelle que soit leur origine, connaissent le succès. Peu nous importe de savoir dans quel pays ils ont été faits. Nous voulons que des gens prennent place dans nos fauteuils. Notre activité consiste à montrer des films au plus grand nombre possible de gens, c'est aussi simple que cela. Plus il y a de gens dans nos salles, mieux c'est pour tous les secteurs de l'industrie.

    Un distributeur ne peut pas s'attendre à avoir automatiquement droit à un bloc d'écran chez un exploitant en particulier en téléphonant deux semaines avant la sortie prévue d'un film et penser qu'on lui fournira les écrans sans poser de questions. Cela ne fonctionne pas, ne peut pas fonctionner et ne fonctionnera pas. Il faut des mois de préparation et de planification. Comme nous le savons tous, nous sommes au service de nombreux fournisseurs, pas seulement les distributeurs canadiens.

    Enfin, à notre grand regret, les exploitants sont souvent critiqués parce qu'ils ne favoriseraient pas la projection d'un plus grand nombre de films canadiens sur les écrans canadiens. Heureusement, c'est une idée fausse que seulement une poignée de gens répandent à tort et à travers.

    Je voudrais en terminant vous faire part de quelques observations sur les initiatives et les collaborations que Empire Theatres a menées et continue de mener dans notre région et à l'échelle nationale. Nous, chez Empire Theatres, fonctionnons de manière tout à fait stratégique et à titre de partenaire et de parrain du groupe Atlantic Film Festival. Notre partenariat comprend la commandite du festival principal; la commandite du festival pour les jeunes appelé ViewFinders International Film, qui a lieu chaque printemps; et la commandite des salles dans lesquelles sont projetés les films de la série Signature, qui connaissent beaucoup de succès et qui mettent en vedette des oeuvres de cinéastes canadiens de l'Atlantique et d'ailleurs.

·  +-(1355)  

    Empire Theatres est le principal commanditaire du Festival du film français à Dieppe, connu sous le sigle FICFA, un partenariat qui existe depuis plus de 15 ans. Empire Theatres entretient des relations de longue date avec la Nova Scotia Film Development Corporation, ce qui lui permet de présenter tous les mois des films de la région Atlantique. Il s'agit là d'un partenariat fort réussi très bien vu dans le milieu.

    Empire Theatres s'associe également à la Atlantic Filmmakers Cooperative. Toutes les semaines, nous organisons des visionnements célébrant de grands films provenant du Canada et d'ailleurs. Empire Theatres adhère aussi solidement au The Film Circuit. Nous collaborons à cet événement dans plusieurs collectivités de la région en vue de présenter dans les petites collectivités des films qui ne pourraient bénéficier d'une diffusion à long terme dans ces marchés. À notre avis, c'est là un exemple d'engagement communautaire à son meilleur.

    Nous avons aussi travaillé main dans la main avec des groupes communautaires pour présenter des films français dans les marchés dont la population est largement composée de francophones. Des groupes communautaires locaux, de concert avec notre équipe locale de gestion, s'occupent de la commercialisation sur le terrain nécessaire pour assurer la réussite de cette initiative.

    Tous les ans, nous faisons un don en espèces important au Canadian Film Centre. Cet argent est destiné à de jeunes auteurs et cinéastes de la relève du Canada atlantique. En outre, Stuart Fraser, le président de notre société, est membre du conseil d'administration du Centre.

    Empire Theatres a toujours présenté des films canadiens, assortis des affiches et des bandes-annonces pertinentes, dont l'importance n'est plus à démontrer, chaque fois que nous avons pu avoir accès à ces matériaux et à ces copies. Dans le document que vous avez en main, je dresse une liste des films que nous avons présentés depuis deux ans, deux ans et demi.

    Comme nous sommes l'intervenant le plus près des consommateurs, ils nous disent bien souvent ce qu'ils veulent et ne veulent pas voir.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Leland. J'ai oublié de m'excuser du dérangement que le comité vous a causé lorsqu'il a été forcé d'annuler sa venue il y a un peu plus d'un mois. Nous sommes heureux d'être de retour et d'avoir la possibilité de vous entendre tous.

    Monsieur Casey, nous allons vous laisser commencer.

+-

    M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC): Merci de vos mémoires et de vos exposés.

    J'ai certainement beaucoup appris ce matin et cet après-midi. Je parlerai d'abord du mémoire de M. Forsyth. Celui-ci recommande d'augmenter le financement du Conseil des Arts du Canada, de l'Office national du film et de Téléfilm Canada, tout en prévoyant des montants spéciaux pour Téléfilm Canada et le Conseil des Arts pour des programmes d'appui à la distribution et à la commercialisation.

    Le problème, c'est qu'on nous a dit aujourd'hui que 1,6 p. 100 seulement des films produits étaient présentés au grand écran. Comment régler ce problème? Quel intérêt y a-t-il à investir davantage d'argent dans la réalisation d'un plus grand nombre de films si 1,6 p. 100 d'entre eux seulement sont présentés en salle?

    Comment faire pour régler ce problème? Quelqu'un veut-il m'aider?

¸  +-(1400)  

+-

    M. Walter Forsyth: Le volet commercialisation et distribution de la production cinématographique est problématique au Canada. Financièrement, nous ne faisons pas le poids face à nos homologues américains qui, même dans le secteur indépendant, sont en mesure de recueillir suffisamment d'argent, grâce aux méthodes dynamiques et agressives qui leur sont propres, pour assurer la commercialisation et la promotion de leurs films auprès de la population. Voilà pourquoi l'une de nos recommandations est de s'assurer que l'on se penche sur la distribution et sur le financement de la commercialisation au Canada.

    À l'heure actuelle, l'un des problèmes tient au fait qu'au niveau local, les distributeurs vivent des temps difficiles. Cinéma Libre, un distributeur québécois de longue date, a dû fermer ses portes récemment parce qu'il n'avait pas suffisamment d'argent pour poursuivre ses activités. C'est vraiment malheureux.

    La distribution et la commercialisation sont des éléments importants pour assurer la sortie des films. Le Conseil des Arts du Canada a d'ailleurs réagi au problème en créant un nouveau programme. Ses dirigeants se sont rendus compte qu'ils contribuaient à la création de nombreux films mais que ceux-ci n'étaient pas diffusés à cause des carences de la distribution. Ils ont donc mis sur pied un programme grâce auquel la coopérative a pu avoir accès à des fonds et s'associer à un distributeur ou à un festival de cinéma. Ainsi, les films pourront être vus davantage. Résultat, nous avons réalisé un projet d'une heure qui sera présenté à l'échelle nationale sur la chaîne du film indépendant, à Radio-Canada localement et ensuite de nouveau sur la scène nationale, grâce à une troisième vente, sur Bravo.

    Le Conseil a pu fournir une modeste somme d'argent, soit 45 000 $ pour la réalisation d'un projet qui nous a coûté 180 000 $. Nous avons pu commander des courts métrages à des cinéastes comme Tom Fitzgerald et Andrea Dorfman. Grâce au financement de Téléfilm, nous les présenterons dans les provinces de l'Atlantique. Et nous espérons qu'une contribution du Conseil des Arts du Canada nous permettra d'organiser une tournée nationale. De plus, ces films seront présentés à la télévision au réseau national, tout ça simplement parce qu'ils ont eu accès à un fonds de démarrage. Un grand nombre de personnes verront ces films parce qu'ils ont pu bénéficier d'un peu d'argent pour lancer le processus.

+-

    M. Bill Casey: Monsieur Leland, vous qui êtes l'intervenant le plus près du client qui achète un billet—comme je le fais souvent moi-même dans les cinémas Empire—, y a-t-il quelque chose que votre entreprise puisse faire?

    Je sais que vous êtes un homme d'affaires et que vous devez présenter des films qui font recette C'est un peu comme la question de savoir ce qui vient en premier, l'oeuf ou la poule? Si les films ne sont pas disponibles, les gens ne vont pas acheter de billets pour aller les voir; il n'y aura pas de bouche à oreille, ni aucune autre information ou communication au sujet du film.

    Y a-t-il quelque chose que peuvent faire les propriétaires de salles de cinéma, sans quotas?

+-

    M. Dean Leland: Sans quotas? Absolument. Il y a d'excellents exemples. Notre travail consiste à présenter des films. Nous faisons notre part à cet égard, et nous offrons à notre clientèle les meilleures salles de cinéma. Nous consacrons énormément de temps à transmettre notre message au sujet de notre programmation, de l'horaire des films, et ainsi de suite. La pierre d'achoppement, c'est la distribution. Les distributeurs sont propriétaires du film. Ce sont eux qui le connaissent le mieux. On s'attend à ce qu'ils en fassent la commercialisation. On s'attend à ce qu'ils nous les vendent.

    Bien souvent, nous devons aller trouver les distributeurs canadiens et les supplier. Nous leur demandons ce qu'ils ont dans leurs cartons qu'ils voudraient voir sur nos écrans. Il est rare qu'ils viennent frapper à notre porte, à moins qu'il s'agisse d'un film jouissant d'une haute visibilité, comme Men With Brooms, ou de longs métrages de ce genre. La plupart du temps, c'est l'inverse. Nous les talonnons. Nous leur disons que c'est un bon moment de l'année pour offrir une brochette de films, que nous avons les écrans pour cela, etc. C'est un peu l'inverse, à notre avis. Je ne peux me rappeler d'un seul exemple où un distributeur serait venu nous voir pour nous dire qu'il a un film, qu'il investit dans sa commercialisation, dans les bandes-annonces et tout ce qui s'ensuit, et que nous ayons dû refuser. Je ne peux vous citer un seul exemple.

+-

    M. Bill Casey: Ce matin, des producteurs nous ont dit que des maisons de distribution recevaient de l'argent de Téléfilm à des fins de distribution, mais qu'ils ne faisaient aucun effort à cet égard. Est-ce typique?

¸  +-(1405)  

+-

    M. Dean Leland: C'est ce qui a été dit, et je ne suis pas en désaccord avec cette affirmation. Certains distributeurs au Canada sont bien meilleurs que d'autres. Parmi les petits joueurs, certains sont encore en mode d'apprentissage, ce à quoi il faut s'attendre. Nous sommes prêts à partager notre expérience et à leur expliquer comment fonctionne notre secteur, mais bien souvent, on ne nous pose même pas la question.

+-

    M. Bill Casey: Empire Theatres a-t-il un plan en vue de présenter des films canadiens, tout en sachant pertinemment qu'ils sont moins connus et qu'ils risquent d'attirer moins de monde?

    Avez-vous une stratégie en vertu de laquelle vous apportez une contribution de temps à autre en produisant...? Je ne me souviens pas d'avoir vu un film canadien à Amherst. Peut-être en présente-t-on. Avez-vous une stratégie en vue de faire cela? Est-ce possible?

+-

    M. Dean Leland: Bien souvent, particulièrement dans certains petits marchés—car nous ne sommes pas nécessairement comme Famous Players ou Cineplex Galaxy Cinemas, qui sont présents dans les grandes agglomérations urbaines—notre clientèle, ce sont de petites collectivités où le bassin des consommateurs qui veulent voir certains de ces films n'est pas aussi vaste.

    Voilà pourquoi nous nous associons à des gens comme Walter, au The Film Circuit, pour offrir des écrans à des groupes communautaires qui ont réuni un noyau de fervents cinéphiles qui tiennent à voir ce genre de films. Nous travaillons en étroite collaboration avec ces groupes également.

+-

    M. Bill Casey: Quelqu'un d'autre veut-il partager sa réflexion à ce sujet?

+-

    M. Bruce McKenna: J'aimerais répondre à cette question.

    En tant qu'écrivain, bien des gens pensent que je suis très loin de l'auditoire étant donné que très souvent, je ne vois pas les cinéastes et que je me borne à dire adieu à mon scénario; mais en fait, j'essaie de rester très près. J'essaie de deviner ce que veut l'auditoire car à ma connaissance, d'après les normes en vigueur dans l'industrie, il semble que les auteurs reçoivent environ 3 p. 100 du budget. Cela met les choses en perspective quant à l'importance du rôle de l'auteur.

    À mon avis, il n'existe pas encore ici d'industrie du long métrage. Nous avons plutôt un État-providence du long métrage. Et tant que nous produirons des oeuvres dans le contexte d'un État-providence, leur qualité ne sera pas la même que dans le contexte d'un libre marché, un libre marché mu par les idées.

    Je vais vous donner un exemple de la façon dont les choses se passent au Canada et aux États-Unis pour moi. Si je présente la même idée, le même matériel et que je le soumets au marché américain, mon scénario sera lu en l'espace de trois à quatre jours. Lorsque je le mets sur le marché ici—et je ferai ici une mimique à la Jon Stewart—, cela peut prendre des mois.

    La différence, c'est qu'une nouvelle idée pour un producteur d'ici, c'est encore une fois l' obligation de remplir de la paperasse et d'envoyer des documents au service du contentieux pour essayer de surmonter les obstacles bureaucratiques.

    Une idée soumise dans le contexte de la libre entreprise est accueillie de la façon suivante : « Wow, si Jackie Chan veut faire cela, j'embarque; je vais réunir des fonds. » Et il n'aura fallu que deux coups de téléphone.

    Dans le système américain, il existe une pression énorme, en ce sens que tout le monde veut un bon scénario et que personne ne veut en lire un mauvais. Par conséquent, des milliers de personnes gagnent bien leur vie en lisant des scénarios. Si ces lecteurs en lisent un un mois après que quelqu'un d'autre l'a acheté, ils seront renvoyés. Par conséquent, ils ont tendance à les lire rapidement et à répondre. À tout le moins, cela encourage l'auteur à persister et à soumettre davantage d'idées alors qu'à l'heure actuelle, dans le système canadien, c'est comme si les producteurs atteignaient un certain niveau de tolérance, comme s'ils disaient : « Nous avons suffisamment de projets et non, peu importe que ce soit l'idée du siècle. Mes tiroirs sont pleins de documents juridiques, et c'est ça qui est ça. »

    Aussi longtemps qu'il y aura peu d'idées en concurrence, nous n'aurons pas de grandes histoires. On a besoin d'un riche bassin d'histoires et de scénarios dans lequel puiser pour dénicher ceux qui trouveront leur auditoire et feront un malheur.

    Shakespeare est mon auteur préféré parce qu'il a présenté ses pièces devant la Reine et devant le peuple et que cela a fonctionné à différents niveaux. Au cinéma, on peut être élitiste ou populiste, ou encore les deux. Je préconiserais un système qui soutient les deux volets. Cela suscite des idées et encore des idées, et la poignée qui survit se fraie un chemin; des films sont réalisés, et il faut espérer qu'ils trouvent des distributeurs parce qu'ils le méritent et non pas parce qu'ils pleurent pour en avoir.

+-

    M. Michael Donovan: Je pense que vous avez mis le doigt sur le bobo lorsque vous avez cité ce chiffre de 1,6 p. 100 qui représente, si je ne m'abuse, l'espace réservé aux films canadiens sur les écrans. Cela signifie qu'on y présente 98,4 p. 100 de films non canadiens.

    Soit dit en passant, je crois savoir qu'il s'agit là des pires statistiques du monde et que presque tous les autres pays accordent davantage de temps d'écran au cinéma local. Le Canada est unique du fait qu'il n'a presque pas de cinéma. Autrement dit, jusqu'à maintenant, l'industrie cinématographique canadienne a été un échec complet.

    Le Canada a le pouvoir d'agir pour changer les choses, mais rien n'a jamais été fait. De façon générale, les mécanismes instaurés n'ont pas donné de résultats, en partie parce qu'ils n'étaient pas appuyés par une volonté politique. S'il existait une volonté politique, le problème serait résolu, mais cette volonté politique n'existe pas au Canada.

    J'oeuvre dans ce milieu depuis 25 ans. Je fais surtout des films dans d'autres pays. Je n'ai jamais constaté de volonté politique au Canada. Ici, au pays, on ne sent pas ce désir d'avoir un cinéma canadien qui prenne sa place. Le problème s'articule autour de l'argument de la libre entreprise : « Pourquoi devrions-nous investir des fonds publics dans ce secteur? »

    La Nouvelle-Zélande a décidé de créer un cinéma néo-zélandais, ce qui a eu un impact considérable. The Lord of the Rings est une conséquence directe de la volonté et de la décision du gouvernement de la Nouvelle-Zélande de se doter d'une industrie cinématographique.

    Le tourisme a doublé en Nouvelle-Zélande depuis la sortie du film The Lord of the Rings. C'est ahurissant. Je me suis rendu en Nouvelle-Zélande récemment et à l'aéroport international Wellington, on peut voir un Gollum géant, Gollum étant un personnage du film The Lord of the Rings, qui rampe à quatre pattes au-dessus de l'aéroport. Il y a des millions de touristes qui viennent dans la foulée de ce phénomène découlant de la décision du gouvernement de la Nouvelle-Zélande, un gouvernement très conservateur, un gouvernement prudent sur le plan financier, qui a néanmoins fait du cinéma une priorité et qui a su concrétiser sa volonté.

    Le Canada doit aussi faire preuve de volonté. S'il était animé par cette volonté, les mécanismes sont là.

    Dans mon exposé, j'ai parlé des mécanismes, mais j'ai oublié de dire que la volonté faisait défaut et que, par conséquent, il ne sert vraiment pas à grand-chose d'en discuter.

¸  +-(1410)  

+-

    M. Bill Casey: Ai-je encore quelques secondes?

+-

    La présidente: Non. Vous avez largement dépassé votre temps de parole. Je suis trop généreuse envers vous, monsieur Casey.

+-

    M. Bill Casey: Je sais. Merci.

[Français]

+-

    La présidente: Monsieur Lemay, c'est votre tour.

+-

    M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Merci.

    Merci d'être là. J'ai écouté avec beaucoup d'attention et je suis d'accord sur la majorité des remarques. Je dirai immédiatement à M. McKenna que je connais quelqu'un qui vit en faisant des scénarios.

[Traduction]

+-

    M. Bruce McKenna: Travaille-t-il en anglais?

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Non, en français. Mais il ne fait pas que des scénarios de films. Il fait aussi des scénarios à la télévision et des scénarios de dramatiques, ce qui est une partie de la solution. Il faudrait qu'il y ait plus de dramatiques, ce qui permettrait à des personnalités comme vous de mettre leur génie sur papier et aussi dans les dramatiques.

    J'ai une question très précise pour M. Forsyth. Je vous signale que j'ai lu tous les mémoires. J'ai lu le vôtre en anglais et en français, et votre dernière recommandation m'a accroché. Je vais vous la lire en français: « Que le Parlement fasse en sorte que le financement des arts soit régi par une loi fédérale. » Sur ce point, vraiment, je ne vous suis pas. Vous devrez me l'expliquer, parce que j'ai beaucoup de difficulté à accepter que le fédéral s'ingère de plus en plus dans le financement des arts. On a déjà assez de difficulté avec lui. Je voudrais que vous m'expliquiez cela. C'est une question précise.

    J'ai une question très précise pour M. Donovan également. Vous devrez me donner un exemple précis. Quelles sont les déductions sur le plan fiscal? Vous savez qu'au niveau fédéral, nos amis libéraux ont énormément de difficulté à donner des déductions fiscales. J'essaie de comprendre. Je ne veux pas que vous parliez des Américains, parce qu'il y a 40 États qui donnent des déductions différentes. Par contre, j'aimerais que vous nous donniez un exemple comme celui de la Nouvelle-Zélande ou d'un petit pays qui nous ressemble, par exemple la Norvège, la Finlande ou la Suède, quitte à ce que vous nous fassiez parvenir un document à la suite de nos audiences. J'aimerais avoir quelque chose de concret.

    Je m'adresse maintenant à M. Leland. Que penseriez-vous si on vous demandait à vous, les propriétaires de théâtres et de cinémas, de donner plus de place aux bandes-annonces des films canadiens, sans forcément afficher le beau gros drapeau pour que tout le monde le sache? Par exemple, pour des films comme Le violon rouge ou Séraphin: Un homme et son péché, vous donneriez 10 ou 20 p. 100 d'espace supplémentaire aux bandes-annonces. Je ne sais pas comment vous verriez cela. Ce serait peut-être une partie de la solution.

    Je vous donne rapidement l'exemple du Québec, et je terminerai là-dessus. Le Survenant a eu de meilleures salles que Star Wars. Je peux vous dire que les Américains se sont posé de sérieuses questions. Les deux films sont sortis en même temps, et Le Survenant a eu les meilleures salles au Québec. Le film Star Wars a été obligé d'attendre une semaine. Les Américains n'en reviennent pas encore. Il y a eu une bande-annonce à la télévision, partout. Elle a été diffusée pendant des semaines.

    Ce sont mes trois questions, madame la présidente.

¸  +-(1415)  

+-

    La présidente: Merci. Vous pouvez répondre.

[Traduction]

+-

    M. Walter Forsyth: Merci, Marc.

    Je vais commencer par répondre à la question que vous avez posée au sujet de la possibilité que le Parlement ordonne au gouvernement, par le biais d'une loi, d'inclure les arts dans son mandat. Ce que je voulais dire, premièrement, c'est qu'advenant un changement de gouvernement, le nouveau gouvernement pourrait supprimer immédiatement le Conseil des Arts du Canada. Il n'est stipulé nulle part qu'il doit y avoir une politique pour protéger des institutions aussi essentielles à notre culture artistique que le Conseil des Arts du Canada ou l'Office national du film, qui servent toutes deux depuis longtemps les intérêts de notre pays. Après ses deux premières années d'existence, un programme comme « Un avenir en arts » devra tous les ans demander au gouvernement s'il est disposé à l'appuyer encore une fois à l'aide de fonds publics.

    Il est donc très difficile pour des organisations artistiques comme celle où je travaille de planifier leur avenir ou de prévoir une stratégie à long terme en vue d'aider des cinéastes indépendants à réaliser les films qui donneront naissance à une industrie cinématographique locale, quand nous consacrons une bonne partie de notre temps à faire du démarchage auprès du gouvernement pour nous assurer de continuer à recevoir l'argent qui nous permet d'exister. C'est une première chose.

    Deuxième chose, le problème est le même pour les sociétés cinématographiques. J'en possède personnellement trois, comme d'autres personnes ici présentes. Il est difficile pour une organisation d'élaborer un plan d'entreprise à long terme si la politique gouvernementale change. Cela est très courant dans la plupart des autres secteurs, mais dans l'industrie cinématographique, il est très difficile d'élaborer un plan d'entreprise lorsque les politiques fiscales et autres changent énormément.

    Voilà ma réponse à cette question, que je vous remercie d'avoir posée.

+-

    M. Michael Donovan: Je vais répondre à la question. Merci.

    Premièrement, je tiens à dire que s'il existe une volonté politique d'avoir une industrie cinématographique digne de ce nom au Canada, le problème fondamental est un manque de capitaux.

    Dans différents pays, on a adopté de multiples façons d'injecter des capitaux dans ce secteur, et presque chaque pays du monde a un mécanisme différent. D'après mon expérience, ceux qui ont connu le plus de succès sont les pays qui font appel à une myriade de mécanismes. Autrement dit, des agences comme le FCT ou Téléfilm sont d'excellents mécanismes, mais ils souffrent d'un sous-financement flagrant.

    Qui plus est, un certain nombre de pays ont d'autres mécanismes, y compris des mécanismes fiscaux. Environ la moitié des pays dans le monde ont des mécanismes fiscaux, et la moitié donnent de bons résultats. L'initiative britannique a été couronnée de succès. L'Allemagne n'a pas eu autant de succès, mais il n'en demeure pas moins que son mécanisme a eu une influence énorme. Le secret de la dynamique industrie cinématographique d'Australie depuis les 15 dernières années est une structure fiscale appelée Division 10BA.

    Le problème des structures fiscales, c'est qu'elles ont un cycle de vie d'environ dix ans, et la raison en est que les ministères des Finances des gouvernements concernés les trouvent extrêmement dérangeants. J'ai une théorie à ce sujet. Je crois que c'est parce que les fonctionnaires sont incapables de faire des prévisions précises et de mettre un chiffre dans le budget au début de chaque année. Pour cette raison, ils ont tendance à être plutôt contre et, au fil des ans, les orientations évoluent, et l'excellente industrie cinématographique d'Australie est perçue comme un phénomène naturel plutôt que le fruit de la planification du gouvernement et de la structure qu'il a mise en place.

    En conséquence, même si la Division 10BA existe toujours, il est impossible de financer un film en Australie en y faisant appel étant donné que le ministère des Finances fait une vérification de toute personne qui s'en prévaut. Comme personne ne veut faire l'objet d'une vérification, le ministère des Finances a torpillé cette initiative. En conséquence, il a tué l'industrie cinématographique australienne. Autrement dit, une poignée de comptables ont torpillé l'industrie cinématographique australienne parce qu'ils ne pouvaient la chiffrer correctement.

    Le secteur pétrolier et gazier du Canada est un parfait exemple de la façon dont fonctionne une structure fiscale. Grâce au puissant lobby du pétrole et du gaz de l'Alberta, et en dépit des efforts que mène depuis dix ans le ministère des Finances pour faire disparaître les structures fiscales en Alberta, grâce aussi aux pressions efficaces exercées par Ralph Klein et ses collaborateurs, ces structures fiscales ont été maintenues. Le ministère des Finances a eu beau faire des pieds et des mains, il a échoué. Grâce au maintien de ces structures, lorsque le prix du pétrole a rebondi, le Canada s'est retrouvé en tête du peloton parce qu'il avait continué à investir dans le secteur pétrolier en Alberta, qui est maintenant un chef de file mondial. Les sociétés albertaines dominent le jeu en Russie, en Afrique, en Asie du Sud parce que le ministère des Finances n'a pas pu torpiller ces structures fiscales. Autrement dit, c'était là une bonne politique gouvernementale qui a vu le jour grâce à un démarchage efficace.

    En somme, de façon générale, les structures fiscales ont donné de bons résultats, mais pratiquement dans chaque cas, après une dizaine d'années, le ministère des Finances y a mis un terme. Un peu partout dans le monde, divers pays traversent un cycle de vie.

    Pour répondre spécifiquement à votre question, la Belgique vient d'introduire l'an dernier une structure fiscale qui a permis à l'industrie cinématographique de doubler son chiffre d'affaires, et elle continuera de le faire—en tout cas jusqu'à ce que les brillants fonctionnaires du ministère des Finances y mettent un terme d'ici sept ou huit ans.

    J'invite instamment le gouvernement à se doter de la volonté de créer une industrie cinématographique au Canada et pour cela, il ne faut pas croire qu'on a uniquement besoin de structures fiscales, mais ces dernières viennent compléter le portrait. Cela signifie que l'on se rend compte qu'essentiellement, le manque de capitaux est un problème crucial.

    Permettez-moi de vous en donner un exemple. J'étais récemment au Festival de Cannes, auquel j'assiste depuis un certain nombre d'années. Le principal film lancé là-bas était la dernière mouture de La guerre des étoiles. Ce qui importe au Festival de film de Cannes, c'est d'organiser la meilleure soirée, et le meilleur endroit pour tenir la meilleure soirée est le plus gros navire puisque tout cela fait partie de la promotion.

¸  +-(1420)  

    C'est ainsi que pour ce film, le plus gros paquebot du monde, le Queen Mary, a été utilisé pour la soirée. George Lucas, le promoteur, a jugé que pour promouvoir son film efficacement, il avait besoin du plus gros paquebot au monde.

    Comprenez-moi, c'est la concurrence. Téléfilm a littéralement moins d'argent maintenant qu'il n'en avait il y a 15 ans. Voilà pourquoi ses films ne représentent que 1,6 p. 100 des films présentés sur les écrans, à tout le moins au Canada anglais. Et c'est précisément pourquoi on constate un manque de capitaux. Le Canada, au niveau politique... C'est ce qui est nécessaire pour le cinéma. Il faut que la contribution politique soit unique dans le monde. C'est une industrie qui exige une volonté politique, notamment pour constituer des montages financiers de multiples façons. Autrement, impossible de livrer concurrence. Comme l'a démontré la Nouvelle-Zélande, c'est une industrie qui peut transformer l'image de marque de toute la société, si vous voulez.

    Je ne sais pas si cela répond à votre question.

+-

    La présidente: Merci. Y a-t-il d'autres commentaires? Pouvons-nous passer à M. Angus et peut-être intégrer votre réponse à M. Lemay?

    Monsieur Leland.

+-

    M. Dean Leland: Je voulais simplement faire un commentaire sur la question de Mark concernant les bandes-annonces. Vous faites sans doute allusion au succès que l'on connaît au Québec. Comme je l'ai mentionné, il y a dix ans, ce grand succès n'existait pas. C'est un processus qui évolue. Indubitablement, tout le monde convient qu'il n'y a pas de façon meilleure, plus efficiente et plus rentable de commercialiser un film auprès d'un auditoire qu'une bande-annonce de deux minutes et demie. En ce moment, le volet de la programmation des bandes-annonces est en pleine explosion. Toutes les semaines, nous recevons des demandes de tous les studios. Mais nous ne recevons pas de demandes de distributeurs canadiens qui nous disent qu'ils veulent que leurs bandes-annonces soient programmées en même temps que tel ou tel film, qu'ils ont fait des recherches, qu'ils connaissent leur auditoire, qu'ils ont besoin de le familiariser avec leur film. Non seulement ne recevons-nous pas de requêtes, mais si nous les appelons, sachant qu'un film canadien doit sortir sous peu, bien souvent on nous répond : « Nous n'avons pas encore fait de bande-annonce, devrions-nous en faire une? »

    Je vais vous raconter une petite anecdote. Il y a environ deux mois, j'ai rencontré au Nouveau-Brunswick un cinéaste qui m'a parlé d'un film qu'il avait fait. Il était très passionné, très enthousiaste. Il m'a dit qu'il serait ravi que son film soit vu à Moncton, à Fredericton, sur nos écrans. Je lui ai dit que nous devrions discuter en vue d'arranger cela. Avait-il un film de 35 mm terminé? Il m'a répondu qu'il avait deux copies. Je lui ai dit que c'était formidable, que cela fonctionnerait.

    Lorsque je suis revenu à mon bureau, il m'a appelé pour me demander s'il était possible de passer son film à certaines dates. Il croyait pouvoir faire venir les acteurs de la distribution et recueillir l'appui de certains médias. Je lui ai répondu que c'était possible, mais que nous devrions faire cela deux semaines plus tard pour pouvoir présenter au préalable la bande-annonce à l'écran et placarder l'affiche dans le foyer du cinéma. La relâche de mars s'en venait et il y aurait énormément de spectateurs. Une bande-annonce? Il n'avait pas de bande-annonce. Pouvait-il en faire une? Non, parce que c'est trop cher m'a-t-il dit. Cela n'était pas prévu dans son budget. Personne ne lui avait dit qu'il avait besoin d'une bande-annonce. Personne ne lui avait expliqué que c'était là une façon très efficiente de promouvoir un film.

    Tout ce processus d'éducation est nécessaire car bon nombre de ces productions cinématographiques n'ont même pas un agent de publicité qui sait comment commercialiser et publiciser un film.

    Quelqu'un comme Michael, bien entendu, qui est dans le milieu depuis toujours et qui en connaît tous les tenants et les aboutissants, ne permettrait jamais qu'une chose pareille se produise, mais certains cinéastes qui sont jeunes ou moins expérimentés ont besoin de conseils. Nous sommes prêts à les aider à cet égard.

    Chose certaine, j'ai vraiment ouvert les yeux de ce cinéaste ce jour-là. Il a accepté de reporter la sortie du film d'une quinzaine de jours. Il a fait faire des bandes-annonces et son film a obtenu un succès raisonnable. Je n'aurais pas voulu voir ce qui se serait passé s'il n'avait pas bénéficié d'un peu de publicité préliminaire.

    Merci.

¸  +-(1425)  

+-

    La présidente: Merci.

    M. Angus est le prochain.

+-

    M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD): Merci.

    Je vais prendre une voie longue et tortueuse pour revenir à un sujet que M. McKenna a abordé, de même que M. Leland, si je ne m'abuse, soit les efforts que nous faisons pour créer des superproductions au Canada.

    Ma femme et moi avons décidé de faire un grand film canadien—, plus précisément, d'en écrire le scénario. Nous nous sommes dit que si c'était un film canadien, il fallait que l'action se déroule au centre du pays. Par conséquent, le film se passerait en Saskatchewan. Et nous aurions aussi besoin de deux soeurs, l'une plutôt rebelle, mais très Canadienne, de sorte qu'elle vivrait à Vancouver, et l'autre, qui ne s'est jamais mariée, une bibliothécaire, qui résiderait quelque part au nord de Toronto. Les deux soeurs reviendraient en Saskatchewan pour régler la succession de leur père après sa mort. Ce serait une histoire d'amour, de deuil et de regrets tranquilles. Et bien entendu, il obtiendrait un financement considérable et personne n'irait jamais le voir parce que—évidemment, maintenant je sais qu'il n'y aura pas de bande-annonce... Mais lorsqu'on dit aux Canadiens qu'un film raconte une histoire d'amour, de deuil et de regrets tranquilles, cela signifie que personne ne s'éclate et que personne ne s'envoie un verre derrière la cravate. C'est tellement Canadien qu'il n'y aura absolument rien qui se passe alors, pourquoi les gens iraient-ils voir cela, je vous le demande?

    Je lance cette idée parce que si nous proposons une autre suggestion, soit de faire une superproduction hollywoodienne fondée sur l'histoire de trois types avec l'accent d'Halifax qui font pousser de la marijuana, avec des références strictement locales, je parierais qu'on ne trouverait pas même un dollar de financement pour cela. Et pourtant, le film fondé sur la série Trailer Park Boys sera une superproduction et tous les Canadiens iront le voir. Mes filles vont faire la queue pour le voir parce qu'elles en connaissent déjà la trame.

    Le problème, c'est qu'on parle de faire des superproductions alors que nous ne disposons pas d'un terrain fertile pour ce genre de production. À mon avis, c'est un peu comme si on demandait aux artistes d'aller gagner la loterie.

    Je voudrais aborder votre argument, monsieur McKenna, au sujet du caractère peu coûteux du numérique, du fait que nous avons des milliers de chaînes de télévision pratiquement vides et de l'idée de s'inspirer de nos succès, comme SCTV. SCTV a probablement été l'émission télévisée la moins coûteuse jamais réalisée et pourtant, si l'on considère la série de superproductions américaines inspirée des personnes de SCTV, c'est...

¸  +-(1430)  

+-

    M. Michael Donovan: Bruce a travaillé sur SCTV.

+-

    M. Charlie Angus: C'est bien ce que je disais.

+-

    M. Bruce McKenna: Tous ces accessoires et ces effets quétaines.

+-

    M. Charlie Angus: C'était imparable, mais je pense que la même chose se répète avec Trailer Park Boys, une des émissions de télévision les moins chères jamais produites. Elle débouchera sur une superproduction parce que nous avons déployé des efforts pour créer une émission amusante, que les gens voulaient écouter, et que nous avons réussi à bâtir un auditoire pour l'émission.

    Par conséquent, ma question est la suivante : Procédons-nous à l'envers? Devrions-nous accepter votre suggestion, c'est-à-dire déployer des efforts pour permettre à nos cinéastes de faire énormément de films différents, intéressants, mais à budget modeste, et commencer ainsi à créer certains marchés, à créer une génération future d'artistes, ou allons-nous continuer à miser tous les ans sur trois ou quatre personnes en espérant que l'une d'elles fasse The Full Monty?

+-

    M. Bruce McKenna: En un mot, les deux, si nous pouvons nous le permettre. Mais chose certaine, ce phénomène n'est pas unique au Canada. Voyez The Goons, qui a nourri des gens comme Spike Milligan et Peter Sellers, ainsi que divers groupes de comédie dans le monde, des groupes qui ont donné naissance à The Groundlings ou à Saturday Night Live, qu'un Canadien, Lorne Michaels, a réunis.

    Il faut prendre tous les moyens pour créer, produire des choses, faire rire les gens, les intéresser à une histoire, et si vous le faites avec 00,50 $—et on en est vraiment là—, chapeau. En ce moment, je réalise une dramatique d'une demi-heure avec un budget totalisant 100 $. Autrement, 50 $ pour le ruban et 50 $ pour les artisans. Très bientôt, un élève de 11e année pourra avoir son propre réseau sur la Toile. Cela ouvre la porte à la possibilité de créer quelque chose et éventuellement, de gagner sa vie en le faisant. Et c'est pourquoi, on continue de travailler, simplement pour apprendre et se perfectionner.

    Lorsque j'ai commencé à faire SCTV, le décor se limitait à un rideau et une plante en plante en plastique. C'est la première émission qui a été diffusée sur tout le réseau NBC aux États-Unis. Mon budget a augmenté. Le budget de tous les participants a augmenté. Les heures de travail aussi. Ce fut une période folle. Mais l'émission a été un tremplin pour Bob et Doug McKenzie étant donné que la CBC voulait une minute de plus que les États-Unis. C'est ainsi que Bob et Doug McKenzie ont eu leur chance et que leur émission est devenue un succès culte aux États-Unis, de même qu'au Canada.

    Voilà pourquoi je dis que notre marché, le Canada anglophone, et le marché américain sont étroitement liés parce qu'ils sont tellement près l'un de l'autre et que nous ne sommes pas protégés par une langue différente. Le Mexique est tout aussi près, mais on y parle l'espagnol. Le Québec est lui aussi tout près, mais l'auditoire est largement francophone. Et c'est cette différence de langue qui protège la culture. Nous sommes des anglophones et nous avons pour voisin le plus grand producteur de spectacles au monde, Hollywood. D'ailleurs, lorsqu'Hollywood a ouvert ses portes, New York aussi a perdu son industrie cinématographique, pas seulement le Canada. Hollywood a tout avalé. Il y avait à New York une industrie cinématographique importante, dynamique, qui a disparu en 1917. Elle a migré à l'Ouest.

    Par conséquent, je pense que oui, c'est une bonne idée de donner à de multiples créateurs la possibilité de mener à bien quantité de projets à faible budget... Comme vous dites, de mettre sur pied l'émission de télévision la moins chère... Mais si vous pouvez aller chercher les gens et élargir votre auditoire et ensuite obtenir des budgets plus considérables parce que vous l'avez mérité, parce que vous avez réussi à atteindre une masse critique de spectateurs, et non pas parce que vous avez attendu en ligne le plus longtemps ou que vous avez le mieux rempli vos formules ou encore que vous avez le meilleur... vous comprenez ce que je veux dire.

+-

    M. Charlie Angus: Cela nous ramène à l'argument—et nous survolons un certain nombre de domaines ici—selon lequel pour que le cinéma soit couronné de succès, il faut que la télévision ait du succès, parce que nous devons commencer à créer. Nous devons créer des étoiles identifiables. Les gens partout dans le monde iront voir John Candy, mais si John Candy ne s'était pas fait aller les babines semaine après semaine dans une émission de télévision à petit budget... Il n'aurait jamais acquis cette expérience s'il avait eu un rôle dans un film une fois par année. C'est toute la différence.

    Devrions-nous envisager de promouvoir une télévision innovative, intéressante et à petit budget comme moyen de commencer à créer un marché pour que notre industrie cinématographique puisse prendre son envol? N'importe lequel d'entre vous peut répondre.

+-

    M. Bruce McKenna: Je suis tout à fait d'accord. Si nous ne pouvons aller chercher notre auditoire avec des émissions aux heures de grande écoute, à tout le moins trouver un auditoire... comme avec Trailer Park Boys. Trailer Park Boys n'aurait jamais survécu sur les grandes chaînes de diffusion; l'émission est présentée sur le câble. Elle attire suffisamment de spectateurs pour justifier son existence et être un succès de la câblodistribution; autrement dit, elle a trouvé sa niche; cela fonctionne et l'équipe peut évoluer. Les auteurs s'améliorent et maintenant, ils vont faire le saut dans le long métrage. Oui, c'est un incubateur.

    Si l'incubateur est vide, si, au Canada, le mécanisme semble consister à réclamer des budgets plus considérables, c'est peut-être parce que les producteurs sont ceux qui poussent dans cette direction. Plus le budget est gros, plus leur chèque de paye sera gros, et il est toujours préférable d'avoir un gros chèque qu'un petit chèque. En réalité, plus il y aura de créateurs qui seront autorisés à échouer, plus il y en aura qui réussiront.

+-

    M. Michael Donovan: Vous avez parfaitement raison. C'est l'une des façons de permettre la croissance. En particulier, le numérique permet la réalisation de films à très petit budget. C'est l'une de ces percées formidables qui débouchera—et le processus est en cours—sur une démocratisation de la cinématographie.

    Mais voilà le problème qui se pose. Comme M. Casey l'a dit, 1,6 p. 100 du temps d'écran au Canada est consacré à des films canadiens. Les Canadiens voient des films américains; en tout cas, les Canadiens anglophones voient surtout des films américains. On peut dire que cela ne nous dérange nullement, ou on peut décider de faire quelque chose et à ce moment-là, il est certes possible d'agir. Nous pouvons faire passer ce pourcentage à 20 p. 100, auquel cas, nous pourrons présenter un grand nombre de films à petit budget, à moyen budget ou même à passablement gros budget que les gens voudront vraiment voir et qui auront été soutenus grâce à divers mécanismes.

    Pour ce qui est des grosses superproductions, elles ne seront probablement jamais à notre portée, comme elles ne sont pas vraiment à la portée des cinéastes qui oeuvrent en France ou en Italie. Néanmoins, ces deux pays ont un cinéma légitime et les gens font la queue pour voir des films légitimes réalisés avec une gamme de budgets différents et dans des styles différents.

    Cela dit, il faut se garder d'élaborer des politiques qui se veulent modestes, qui visent intentionnellement de petits auditoires et de petits résultats car à ce moment-là, les résultats seront petits, ce qu'ils sont aujourd'hui, même si c'est un élément très important de l'évolution et de l'acquisition d'un bagage pour les cinéastes et pour les cinéphiles.

¸  +-(1435)  

+-

    M. Walter Forsyth: Puis-je attirer votre attention sur le fait que le gouvernement britannique a récemment annoncé qu'il entend subventionner la projection de films vidéo numérique dans les nombreux cinémas du pays? Le gouvernement s'est entendu avec les propriétaires de salle qui seraient tenus ou qui accepteraient de présenter un certain pourcentage de films britanniques. Étant donné qu'avec le numérique, il n'est pas nécessaire de faire des copies, il est peu coûteux de présenter de tels films dans les salles de cinéma.

    À mon avis, c'est là une approche très novatrice. Le gouvernement en assumera les frais, qui ne sont pas négligeables, mais j'estime que c'est une initiative très judicieuse de sa part et nous devrions nous intéresser aux résultats de cette démarche.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons faire une pause d'une dizaine de minutes et ensuite, nous reviendrons pour entendre Lowenbe Holdings, Creative Action Digital Video et Collideascope Entertainment.

¸  +-(1436)  


¸  +-(1452)  

+-

    La présidente: À l'ordre, je vous prie. La séance du Comité permanent du patrimoine canadien se poursuit.

    Notre témoin est Kimberly John Smith, directeur de la société Creative Action Digital Video.

+-

    M. Kimberly John Smith (directeur, Creative Action Digital Video): Bonjour. Comment allez-vous?

+-

    La présidente: Très bien, merci.

+-

    M. Kimberly John Smith: J'ai soumis un mémoire très succinct, même si vous aurez un CD comportant une cinquantaine de pages de notes bibliographiques qui vient l'étayer. Je l'ai remis au greffier.

    Pourrais-je avoir la permission de simplement le lire?

+-

    La présidente: Bien sûr. C'est votre temps. Vous pouvez l'employer comme bon vous semble.

+-

    M. Kimberly John Smith: Très bien.

    Madame la présidente, honorables députés et collègues, c'est un honneur pour moi de me présenter devant votre comité en tant que citoyen concerné qui adore faire des films. J'avoue humblement que mes exploits professionnels en tant que cinéaste sont relativement peu connus comparativement à ceux de nombreux témoins éminents que vous avez entendus jusqu'ici. Cependant, j'aurais une douzaine d'observations à faire dont certaines seront brèves et dramatiques et, je l'espère, des suggestions.

    Premièrement—et je suis heureux de dire que dans sa réponse récente le gouvernement a réglé ce problème, mais je le mentionnerai quand même—le terme « dramatique » ne figure nulle part dans la Loi sur la radiodiffusion de 1991. On emploie le terme « programmation », qui me semble beaucoup trop général. Nous devons répartir les émissions en catégories spécifiques dans la Loi sur la radiodiffusion et les règlements du CRTC. Les dramatiques se distinguent des autres formes d'émissions comme les actualités, les jeux, les émissions-débats, les documentaires ou la téléréalité.

    Deuxièmement, l'Avis public de radiodiffusion CRTC 2002-61 n'emploie jamais le terme « dramatique » en tant que forme distincte de la programmation de la télévision communautaire.

    Troisièmement, la cinématographie, telle que je la comprends, est plus qu'un ensemble de technologies et de métiers complexes. Elle implique toute une gamme d'hypothèses intellectuelles et culturelles qui sont rarement remises en question et que l'on pose en principe comme les normes de l'industrie.

    Quatrièmement, les intervenants qui oeuvrent dans le milieu du cinéma et de la télévision actuel affirment généralement qu'il faut sortir des sentiers battus pour tenter de résoudre des problèmes artistiques ou de création. Ironiquement, c'est à ce milieu du cinéma et de la télévision, qui nous est familier, que nous nous raccrochons.

    Cinquièmement, la communauté des citoyens qui vit et travaillent à l'extérieur du petit monde qu'est le milieu canadien du cinéma et de la télévision est beaucoup plus vaste que la communauté des citoyens qui vit à l'extérieur de ce monde.

    Sixièmement, d'après Rich Schmidt, cinéaste indépendant américain primé et auteur de Feature Filmmaking at Used-Car Prices,dont la troisième édition a été publiée par Penguin Books en 2000, il est possible de produire un long métrage de fiction pour moins de 15 000 $US.

    Septièmement, Lars von Trier et Thomas Vinterberg, les architectes du mouvement cinématographique danois Dogme 95 et son célèbre Voeu de chasteté, ont prouvé qu'il est possible de produire des oeuvres de fiction primées à l'aide d'une mini-caméra vidéo à la portée du premier consommateur venu.

    Huitièmement, de nombreux élèves de niveau secondaire au Canada ont l'occasion de faire au moins un court film pour obtenir un crédit solaire. J'ai vu plusieurs courts métrages et un long métrage filmés par des élèves dans ma communauté de Kings County, en Nouvelle-Écosse. Je les ai trouvés d'une imagination rafraîchissante et techniquement corrects.

    Neuvièmement, le Comité consultatif sur le long métrage canadien ne compte pas d'artistes parmi ses membres. Je propose que le gouvernement nomme trois représentants de chaque organisation de créateurs—la Guilde canadienne des réalisateurs, l'ACTRA, la Guilde des écrivains, etc. et permette à leurs membres de voter pour un représentant parmi les candidats. Ainsi, le comité réunirait des créateurs sélectionnés avec soin et démocratiquement élus. Le même processus pourrait aussi s'appliquer au sein des organisations de diffusion, de distribution et de câblodistribution canadiennes. Le mandat des représentants devrait être limité à cinq ans.

¸  +-(1455)  

    Dixièmement, les Canadiens anglais et français n'entendent pas suffisamment les histoires les uns des autres, et les personnes handicapées sont exclues. Je recommande que les deniers publics servent à financer le sous-titrage codé pour les malentendants, les produits en audiovision et la traduction. Une telle initiative favoriserait l'unité nationale canadienne, l'inclusion et notre identité internationale distincte. Toutes les émissions de télévision ou les films de fiction canadiens devraient être offerts dans les deux langues officielles, cela va sans dire.

    Onzièmement, dans la plupart des écoles publiques canadiennes, les arts et les sciences humaines sont mal compris et sous-financés. Nous devons reconnaître et valoriser le lien vital entre l'éducation dans le domaine des arts et des sciences humaines et le succès dans les entreprises de création en tous genres. Toutes les écoles au Canada doivent avoir des professeurs compétents à temps plein qui enseignent les arts, le théâtre, la musique et les multimédias. Plus que jamais, notre avenir culturel et entreprenarial en dépend.

    Douzièmement, voici ma suggestion maîtresse. Il existe au Canada 180 chaînes de câblodiffusion communautaires. Si l'on créait un fonds communautaire permanent de programmation de dramatiques doté d'un budget annuel de 5 400 000 $ qui serait divisé également entre les 180 chaînes communautaires, on pourrait lancer, à partir de la base, un nouveau genre de films de fiction unique au Canada. J'appelle ce nouveau genre de film les films NDM, pour numérique, démocratique, distinct, direct et modeste.

    Ces films à petit budget humbles, mais porteurs au plan culturel, seraient réalisés par des acteurs, des metteurs en scène, des auteurs et des équipes de tournage professionnels qui uniraient leurs talents pour créer des collaborations communautaires inclusives de type coopératif. Les talents amateurs locaux et les artistes de la relève y gagneraient une exposition professionnelle inestimable au processus de création d'un film, sans compter que les économies locales s'en trouveraient stimulées.

    Lorsque de tels films auront des créneaux exclusifs de choix aux heures de grande écoute sur les chaînes communautaires locales, je prévois une hausse spectaculaire du nombre de téléspectateurs locaux. Les films qui auraient ainsi du succès pourraient être vendus aux réseau nationaux ou à des fins de distribution internationale. Tous les profits financiers reviendraient aux collaborateurs de ces oeuvres cinématographiques.

    Voilà, c'était mes 12 points.

    Y a-t-il des questions?

¹  +-(1500)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Votre exposé était très concret et précis.

    Monsieur Silva.

+-

    M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci beaucoup de votre exposé. J'ai trouvé intéressants vos commentaires sur le terme « dramatique ». Je voudrais savoir pourquoi vous estimez qu'il est tellement important qu'il soit inclus dans une programmation.

+-

    M. Kimberly John Smith: Il est très important que le terme « dramatique » soit inclus dans la Loi sur la radiodiffusion et dans les règlements du CRTC. À l'heure actuelle, comme on emploie le terme général « programmation » ou « programmation de télévision communautaire », les directeurs de la programmation et les dirigeants de réseaux de câblodistribution et autres diffuseurs peuvent décider de faire des dramatiques ou non. Étant donné que les émissions de téléréalité se sont avérées populaires tout en étant peu coûteuses à produire, ils ont tendance à en produire davantage. C'est malheureux.

    Dans mon optique, les dramatiques sont essentielles. C'est un genre essentiel pour toutes les collectivités du Canada. Qu'on les produise à des fins commerciales ou non, ce type d'émission est fondamental puisqu'il donne aux gens l'occasion de partager leurs histoires les uns avec les autres. Dans le contexte de ma proposition concernant les films NDM, les gens auraient la possibilité d'exprimer leurs talents de créateurs sur leur chaîne communautaire. Ils ne réaliseraient pas uniquement des documentaires, des bulletins de nouvelles, des émissions-débats; il ne serait pas uniquement question du club Rotary local, de bingos, de sports ou d'ordinateurs. Ces artisans créeraient des dramatiques.

    Dans mon coin de pays, Wolfville, en Nouvelle-Écosse, un groupe avant-gardiste fort positif fait du théâtre de participation. Les femmes de Wolfville ont créé une pièce de théâtre. D'abord, elles ont joué Les monologues du vagin, il y a trois ans. Cette initiative a eu tellement de succès qu'elles ont décidé d'écrire elles-mêmes une pièce portant sur les mères. Toutes les femmes de Wolfville ont joué cette pièce sur la scène du Festival de théâtre de la région Atlantique. Elles ont rempli la salle de 500 places trois soirs d'affilée et ont recueilli plus de 15 000 $ pour des oeuvres de bienfaisance. Voilà un indicateur sérieux qui montre à quel point une communauté veut voir ses propres membres faire du théâtre, jouer des oeuvres de fiction.

    C'est la même chose avec la télévision communautaire ou les émissions nationales. Je crois que les citoyens d'une communauté et leurs voisins ont tout à gagner à partager leurs histoires de cette façon. Le réseau des chaînes communautaires permet de faire cela. D'ailleurs, l'Avis public de radiodiffusion CRTC 2002-61 rend la chose encore plus faisable. Maintenant, les entreprises locales peuvent commanditer ces productions et obtenir en contrepartie un maximum de 12 minutes de publicité pendant le spectacle. Évidement, c'est entièrement local, mais ce n'est pas négligeable. Il faut que vous compreniez cela.

    Si, en tant que cinéastes, nous étions davantage disposés à travailler en partenariat avec les chambres de commerce dans les petites collectivités où nous vivons, nous pourrions contribuer à stimuler l'économie dans notre propre région. Nous pourrions créer une dramatique exclusivement à l'intention de notre télévision communautaire locale. Nous pourrions alors donner aux entreprises locales la possibilité de faire de la publicité aux heures de grande écoute. C'est une possibilité qu'ils n'ont pas sur les chaînes spécialisées, les réseaux nationaux ou sur les stations de télédiffusion sans frais. Les entreprises locales ne peuvent faire concurrence aux multinationales qui moussent leurs produits sur les chaînes de câblodistribution locale que les clients des entreprises locales écoutent. Je pense qu'il est essentiel d'exploiter les chaînes communautaires plus que nous l'avons fait jusqu'ici.

    J'ai parlé à divers intervenants des milieux de la câblodistribution. Lorsque j'ai proposé de faire une dramatique pour la chaîne communautaire, ils m'ont d'abord ri au nez avant d'ajouter que ce serait trop cher. Je leur ai répondu que non, ce ne l'était pas. J'ai aussi ajouté qu'on ne pouvait se permettre de ne pas faire cela. Si l'on compare un investissement de 5,4 millions pour réaliser une telle dramatique aux 150 millions, ou à peu près, du FCT, cela me paraît une somme très raisonnable.

¹  +-(1505)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Casey.

+-

    M. Bill Casey: Merci.

    Vous dites que vos oeuvres en tant que cinéaste sont relativement inconnues. Qu'avez-vous fait? Quels sont vos antécédents?

+-

    M. Kimberly John Smith: Je suis titulaire d'un baccalauréat en beaux-arts de l'Université de Toronto. J'ai obtenu mon diplôme en 1981, et j'ai commencé à travailler comme acteur dans le milieu du théâtre, au Fringe de Toronto. En 1985, j'ai été directeur artistique d'un groupe semi-professionnel appelé Plays Reflecting Ordinary People Surviving, constitué à St. Catharines, en Ontario. Notre travail était subventionné par Jeunesse Canada au travail, et nous jouions nos pièces gratuitement un peu partout pour les citoyens de la communauté. Ensuite, j'ai commencé à travailler dans l'industrie cinématographique en 1986, et j'ai gravi les échelons.

    En 1989, je suis déménagé en Nouvelle-Écosse avec ma femme, qui est originaire de la province et nous avons eu un fils atteint de déficience intellectuelle. Je suis un membre fondateur du Conseil de district de la Guilde des directeurs de la Nouvelle-Écosse et de l'IATSE 849. Je suis aussi membre de l'ACTRA. Dans toutes ces organisations, je suis pratiquement devenu un membre honoraire étant donné que je vis maintenant à Wolfville, en Nouvelle-Écosse.

    Depuis que je me suis installé là-bas, soit depuis 1997, j'ai lancé ma propre entreprise de vidéo numérique, Creative Action Digital Video, et j'ai appliqué tout le bagage de connaissances que j'avais acquis au théâtre et au cours de mes années de travail dans l'industrie de la télévision et du cinéma. J'ai mis ces connaissances au service d'organisations caritatives et d'organismes sans but lucratif de ma communauté. C'est ainsi que moyennant une commission, j'ai pu aider diverses organisations à communiquer les mesures créatives qu'elles prennent au plan social. J'ai abordé des thèmes comme la justice réparatrice, les relations parents-adolescents, la création d'une culture d'intégration, l'éducation des enfants atteints de déficience intellectuelle, l'intégration en milieu de travail et la défense des droits. Voilà le genre de films non diffusés que j'ai réalisés.

    Cela dit, j'en ai fait un qui a été diffusé à l'échelle nationale. Il s'agit d'un documentaire artistique intitulé Ash Dreams qui est présentement diffusé à l'échelle nationale sur Bravo. J'ai réalisé ce documentaire en solo pour 5 000 $.

¹  +-(1510)  

+-

    M. Bill Casey: Il faut absolument que j'intervienne. Vous avez dit que toutes les écoles au Canada devraient avoir des professeurs compétents à temps plein qui enseigneraient les arts, le théâtre, la musique et les multimédias. Cela ne relève absolument pas de notre compétence. D'ailleurs, je suis sûr que vous le savez.

+-

    M. Kimberly John Smith: Je le sais. À mon avis, c'est là un autre des défis auxquels le gouvernement doit faire face. Il est courant d'avoir de multiples ministères qui travaillent séparément. Je pense qu'il faut qu'il y ait davantage de partenariats, à tout le moins un partage de l'information, entre les divers ministères, que ce soit le ministère de l'Éducation ou le ministère du Développement économique de la Nouvelle-Écosse. Toutes ces entités différentes pourraient faire un effort plus concerté pour unir leurs forces et s'entraider pour remédier aux carences.

    À vrai dire, si nous n'enseignons pas ces divers arts et les sciences humaines dans les écoles, il sera très difficile pour nos jeunes de prendre leur place et même de fonctionner dans un monde moderne axé sur la communication multimédia. Il faut qu'ils sachent comment se servir de ces outils et ils n'y arriveront pas simplement en étant exposés à des images électroniques car ainsi, ils n'acquerront pas une voix distincte. Il faut apprendre comment devenir un initiateur de ce genre de communication. Cela signifie que pour apprendre comment communiquer par vidéo, par Flash, par Internet, etc., il faut avoir une certaine compréhension de l'art, de la musique et du théâtre. Tous ces éléments s'intègrent pour permettre aux gens de faire des affaires au cours du présent siècle. Or, nous ne les enseignons pas. Nous ne valorisons pas suffisamment l'art. Nous sommes à la remorque dans ce domaine, et c'est dangereux.

+-

    M. Bill Casey: Vous avez raison.

    Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Angus, allez-y, je vous prie.

+-

    M. Charlie Angus: Merci. Mon intervention sera brève et ciblée. Je pense que c'est là une recommandation très précise pour nous. À mon avis, la question des dramatiques est très importante. À Toronto, nous avons entendu Sarah Polley exposer très clairement comment les grands diffuseurs se sont servis des règlements du CRTC pour offrir ce qui passe pour du contenu canadien, alors que cela ne respecte absolument pas l'esprit de cette exigence. Par conséquent, j'estime qu'il est impératif que le CRTC définisse très clairement le terme « dramatique ».

    Deuxièmement, j'ai été très impressionné par votre argument concernant le sous-titrage codé pour malentendants. C'est une question que je soulève sans relâche car nous ne regardons jamais de films canadiens chez moi. C'est contre nos principes parce qu'aucun film canadien n'est sous-titré pour malentendants, et ma fille est sourde. Nous en avons parlé pendant le lunch. En venant ici, j'ai acheté la nouvelle version de luxe de Hard Core Logo. Ce logiciel comporte tous les gadgets possibles. Il y a même tout un CD d'extra fait pour le film. Il a tout ce qu'on peut souhaiter sauf le sous-titrage codé en anglais et en français. Je pense que n'importe quel film américain est sous-titré dans trois langues au moins. Les Américains reconnaissent l'existence de ces marchés; pas nous. Par conséquent, je pense que c'est très important.

    Troisièmement—et c'est ce qui amène ma question—cette idée de film NDM me plaît énormément. Je suis un fervent partisan du passage de l'analogique au numérique. Ce que je voudrais savoir, c'est comment vous en êtes arrivé à ce chiffre de 5,4 millions pour les 180 chaînes communautaires? C'est très précis. Je serais curieux de le savoir.

+-

    M. Kimberly John Smith: Dans mon exposé, vous remarquerez que j'ai cité l'ouvrage de Rick Schmidt Feature Film Making at Used-Car Prices, dans lequel il dit—et cela remonte à l'an 2000—qu'il est possible de faire un long métrage pour moins de 15 000 $US. Lorsqu'un client m'appelle pour me demander de faire un documentaire vidéo de 30 minutes, je sais que cela exigera au minimum 100 heures de travail. À 50 $ l'heure, la réalisation du projet coûtera 5 000 $. Cependant, je sais aussi que pour faire une dramatique, je devrai recourir à une équipe. Lorsque je fais des documentaires, c'est facile; il n'y a que moi et ma caméra. Il n'y a pas d'éclairage, pas de son, simplement moi, ma caméra, mon équipement, les gens avec qui je travaille et des bénévoles. C'est ainsi que cela fonctionne.

    Si l'on envisage de tourner une dramatique au niveau communautaire, il faut prévoir un peu plus pour payer pour des éclairages et rémunérer certains acteurs. Dans le contexte de ma suggestion, il serait très facile de faire appel à des membres de l'ACTRA, de la Guilde canadienne des réalisateurs et de l'IATSE, qui se soucient vraiment de maintenir leur taux. L'ACTRA, par exemple, a un accord sur les curriculum vitae et un accord coop qui permettent à ses membres de faire ce genre de choses. D'autres organisations pourraient en discuter. Il faudrait peaufiner les modalités, mais essentiellement, je calcule que si l'on peut recueillir 30 000 $, cela peut financer 600 heures de travail, soit 3,4 mois. Mon estimation se fonde essentiellement sur ce que cela me coûte, sur ce que j'ai lu dans le livre de Rick Schmidt et sur ce que j'ai appris du mouvement cinématographique danois Dogme. Il s'agissait dans tous les cas de longs métrages filmés sur mini DV qui sont ensuite transférés sur une bande 35 mm pour la projection.

    D'ailleurs, cela ne se fera plus beaucoup de cette façon car tout sera strictement numérique. L'élève de niveau secondaire dont j'ai parlé dans mon exemple a fait un long métrage de fiction avec une caméra vidéo de la grosseur d'un paquet de cartes. Il s'est servi d'un ordinateur portable pour en faire le montage et lorsqu'il l'a présenté au cinéma local de Wolfville, il s'est servi d'un projecteur d'image-écran et d'un système stéréo pour le projeter à partir de son petit caméscope mini DV. C'était un film d'une heure qui était très bien fait.

    À d'autres égards, je suis sûr que vous savez que la technologie évolue rapidement. Et le rythme va s'accélérer encore davantage, ce qui rend possible ce processus démocratique. Toutefois, il faut se rappeler que même si l'on a accès à la technologie, il n'en reste pas moins qu'un encadrement intellectuel est nécessaire. En l'absence de cet encadrement intellectuel, on peut fournir aux gens tous les moyens technologiques imaginables, ils feront quand même des navets. Cela se produit fréquemment à Hollywood pour des films qui coûtent plus de 50 millions de dollars. J'ai travaillé sur des films de plus de 50 millions de dollars qui sont... comment dirais-je, je ne sais pas. Qu'est-il arrivé à cet investissement? Il a tout simplement disparu.

    Ce genre de choses se produit fréquemment dans le monde des gros budgets. On dépense des tonnes d'argent pour faire d'énormes superproductions alors qu'elles sont... sans appartenance. À mon avis, notre industrie a mis la charrue devant les boeufs. Au Canada, nous entretenons avec Hollywood une relation d'amour-haine.

    Personnellement, je suis très fier de l'industrie cinématographique québécoise. J'ai de nombreux amis au Québec dont j'admire le travail et le souci de maintenir leur culture et leur courage pour défendre leur façon de faire. Certaines des choses que je suggère sont très semblables à ce qui se fait déjà au Québec, notamment pour ce qui est d'appuyer la création de dramatiques au niveau communautaire et d'assurer la visibilité des talents locaux à la télévision locale. C'est ce que nous devons faire au Canada anglais. Nous devons faire la même chose. Je pense avoir suggéré une façon vraiment viable d'amorcer le processus en faisant appel aux 180 chaînes de câblodistribution communautaires dont nous disposons.

¹  +-(1515)  

    Premièrement, l'infrastructure est déjà là. Il ne serait pas nécessaire de payer pour; elle est là. Deuxièmement, les câblodistributeurs sont en manque de contenu canadien. Ces oeuvres afficheraient un contenu canadien local intégral. Il ne serait pas permis de faire venir un acteur de Toronto pour jouer dans un film à Wolfville. Cela ne serait pas permis. Cela contreviendrait aux règlements du CRTC. Le but de l'exercice serait de stimuler la culture et l'économie locales.

    L'autre volet, c'est qu'en tant que cinéastes, nous oublions souvent qu'il existe en dehors de notre milieu tout un monde auquel on ne pense pas. Lorsqu'on se plaint de ne pas avoir d'auditoire au Canada anglais, c'est peut-être qu'on n'a pas suffisamment réfléchi à la vie des citoyens, à leur lutte pour survivre, à la difficulté de gagner sa vie en milieu rural en Nouvelle-Écosse lorsque Wal-Mart s'amène et qu'on est forcé de fermer son magasin parce qu'on ne peut faire concurrence à ce géant, ou encore parce qu'on ne peut ouvrir un restaurant étant donné que tout le monde veut aller chez McDonald's.

    Si l'on pouvait créer des dramatiques au niveau local, on pourrait à tout le moins, avec un certain humour, permettre au capitalisme de fonctionner de façon efficace car ainsi, grâce à des partenariats avec des artistes locaux, on nourrirait la communauté des gens d'affaires locaux. C'est en tout cas mon propos.

¹  +-(1520)  

+-

    M. Charlie Angus: Merci.

+-

    M. Kimberly John Smith: De rien.

+-

    La présidente: Monsieur Lemay.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: J'ai lu votre mémoire au complet. Je voudrais m'attarder sur les 12 recommandations.

    Votre recommandation 10 me pose un peu de difficulté. Vous recommandez que toutes les dramatiques soient traduites de l'anglais vers le français, ou du français vers l'anglais. Cela me préoccupe, parce que ce ne sont pas toutes les dramatiques qui sont intéressantes. Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une dramatique  que nos amis anglophones vont aimer ce que le Québec fait.

    J'aurais préféré que l'on traduise de l'anglais vers le français ou du français vers l'anglais les films produits. Traduire toutes les dramatiques, que ce soit pour la télévision ou le cinéma, coûterait une fortune. Qui payerait? Bien évidemment, le payeur poserait des questions. Est-ce le producteur qui payerait? On a déjà des réponses négatives. Cela règle donc le problème. Si c'est le gouvernement, il faudra nous dire comment. Ne croyez-vous pas que le minimum serait que les films bénéficient d'une traduction décente?

    La même question s'applique à votre recommandation 12. Qui va créer le fonds de 5,4 millions de dollars? C'est ce que vous recommandez. Qui va le gérer surtout? Créer un fonds à l'échelon fédéral ne pose pas trop de problèmes, car il y a là beaucoup d'argent, mais qui va administrer ce fonds? Est-ce que ce sera une fois de plus administré par le centre, qui oublie souvent les régions?

    Je voudrais vous entendre à ce sujet. Ce sont mes deux seules questions, et elles portent sur ces deux points importants.

[Traduction]

+-

    M. Kimberly John Smith: Merci beaucoup. Ce sont là de très bons arguments. Je pense qu'ils sont valables. Je suis d'accord avec vous. Lorsque j'ai rédigé le point numéro 10, je voulais certes davantage. C'est là l'idée. Mais je vous irais que si nous pouvions lancer cette révolution de petits films au niveau communautaire que je suggère, si ,sur les 180 films produits localement on en tire 10 surprises qui obtiennent une distribution nationale ou même internationale, alors cela vaut le coup. Je suis d'accord avec vous à ce sujet et je serais disposé à modifier la formulation de ce point pour rendre la chose possible.

    Quant à votre question au sujet du point numéro 12, je pense que l'organisation compétente pour administrer ce fonds d'au moins 5,4 millions de dollars serait le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants. Je crois qu'on doit procéder à un examen de son financement l'année prochaine, si je ne m'abuse, et ses dirigeants réclament de récupérer les trois millions qu'on leur a retirés. Je préconise fortement que cet organisme continue son oeuvre et qu'il continue de recevoir sa subvention de trois millions de dollars mais qu'en outre, on lui verse aussi les 5,4 millions nécessaires pour lancer cette initiative de petits films dans le réseau des chaînes communautaires. C'est ma recommandation.

+-

    M. Marc Lemay: Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Permettez-moi d'intervenir.

    Au point 9, vous abordez une question qui a été soulevée à maintes reprises au cours de nos audiences, soit l'absence de représentants de la communauté artistique au sein du Comité consultatif sur le long métrage. Certaines personnes ont aussi fait référence à d'autres organismes. En fait, à l'heure actuelle, le comité compte trois metteurs en scène, deux acteurs, trois auteurs et quatre producteurs dont certains sont aussi metteurs en scène et ont d'autres intérêts artistiques. Je sais que le comité consultatif n'a peut-être pas fonctionné aussi bien qu'on l'aurait souhaité, mais de là à dire qu'il ne compte pas de membres de la communauté artistique, c'est tout simplement faux.

¹  -(1525)  

+-

    M. Kimberly John Smith: C'est une méprise de ma part. J'ai cité un document vieux de quatre ans. C'est mon erreur. Je suis heureux de l'apprendre.

+-

    La présidente: Quelqu'un a aussi dit ce matin que le ministre avait démantelé ce groupe consultatif. À vrai dire, c'est la première fois que j'en entends parler. Je le tiens de l'un de nos témoins de ce matin. Mais je crois savoir que l'un des problèmes, c'est qu'il n'a pas très bien fonctionné. Il ne se réunissait pas régulièrement et chose certaine, la participation des représentants de la communauté artistique a été compliquée à cause de l'horaire des réunions. C'est certes un dossier qu'il faudra fouiller davantage, mais il n'en reste pas moins qu'on a l'impression que ce conseil et d'autres organes de décision ou de recommandation n'incluent pas de membres de la communauté artistique, alors qu'en fait, c'est le cas.

+-

    M. Kimberly John Smith: Je vous remercie d'avoir remis la pendule à l'heure. C'est quelque chose que j'ignorais.

    D'après mon expérience, ayant travaillé au niveau local au sein de The Alliance of Kings Artists, il est très difficile d'obtenir que les artistes participent à des réunions, surtout parce qu'ils ont souvent un maigre revenu et qu'ils tentent tant bien que mal de joindre les deux bouts. Je le sais pertinemment pour en avoir fait l'expérience. Il est très difficile de réserver du temps pour participer à des réunions en l'absence de toute rémunération.

+-

    La présidente: Oui. Voilà pourquoi nous devons examiner d'un peu plus près comment le comité fonctionne, quels sont les problèmes et comment assurer la participation efficace du milieu artistique dans l'élaboration des politiques et la prise de décision.

    Merci beaucoup.

+-

    M. Kimberly John Smith: Je vous en prie.

+-

    La présidente: Le fait que vous soyez le seul qui êtes venu cet après-midi nous permet d'ajourner nos travaux un petit peu plus tôt et de ne pas partir en quatrième vitesse pour arriver à temps à l'aéroport.

+-

    M. Kimberly John Smith: J'en suis heureux.

    Je vous remercie beaucoup de votre attention. C'est fort apprécié.

-

    La présidente: La séance est levée.