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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 30 octobre 2003




Á 1115
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Raja Khouri (président national, Fédération Canado-Arabe)

Á 1120

Á 1125

Á 1130
V         Le vice-président (M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne))
V         Mme Sheema Khan (présidente, Council on American-Islamic Relations Canada)
V         Le vice-président (M. Stockwell Day)
V         Mme Sheema Khan

Á 1135

Á 1140

Á 1145
V         Le vice-président (M. Stockwell Day)
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne)
V         M. Raja Khouri

Á 1150
V         Le vice-président (M. Stockwell Day)
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         Mme Sheema Khan

Á 1155
V         Le vice-président (M. Stockwell Day)
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         M. Raja Khouri

 1200
V         Le président
V         M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.)

 1205
V         Mme Sheema Khan
V         M. Raja Khouri
V         Le président
V         Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)

 1210
V         Le président
V         Mme Sheema Khan
V         Le président
V         M. Raja Khouri

 1215
V         Mme Karen Redman
V         Mme Sheema Khan
V         M. Raja Khouri
V         Le président
V         M. Stockwell Day

 1220
V         Le président
V         M. Raja Khouri
V         M. Stockwell Day
V         M. Raja Khouri

 1225
V         Le président
V         Mme Sheema Khan
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.)
V         M. Raja Khouri

 1230
V         M. André Harvey
V         M. Raja Khouri
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

 1235
V         Le président
V         Mme Sheema Khan
V         M. Raja Khouri

 1240
V         Le président
V         M. Raja Khouri
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président

 1245
V         M. Stockwell Day
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 053 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1115)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): La séance est ouverte.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons aujourd'hui l'étude sur les relations avec des pays musulmans.

    Nous recevons ce matin M. Raja Khouri, le président national de la Fédération canado-arabe et Mme Sheema Khan, présidente du Council on American-Islamic Relations—Canada.

    Nous entendrons pour commencer M. Khouri. La parole est à vous.

+-

    M. Raja Khouri (président national, Fédération Canado-Arabe): Merci, monsieur le président.

    Mesdames et messieurs les députés, la Fédération canado-arabe est l'organisme national qui représente depuis 1967 les Canadiens d'origine arabe. Nous vous remercions de nous avoir invités à présenter notre point de vue et nous vous félicitons de votre rôle de premier plan dans ce dossier d'une importance critique que sont les relations du Canada avec les pays musulmans.

    Le Canada croit dans la liberté, les droits de la personne, la démocratie, la justice et l'équité, le multilatéralisme et à un ordre mondial misant sur le droit international et administré par des institutions internationales. Nous sommes une nation qui oeuvre dans le maintien et l'établissement de la paix, nous avons des antécédents d'humanitarisme et de promotion du développement humain. Nous ne déclarons pas de guerre : le Canada n'a pas fait la guerre au Vietnam et s'est abstenu en Irak. Nous sommes le pays qui a appuyé le traité international sur les mines terres et la Cour pénale internationale. C'est ce qui nous définit.

    Aujourd'hui, le Canada aspire au maintien de ses traditions dans une trajectoire qui sert à la fois ses intérêts et ses valeurs. Ce faisant, nous devons composer avec un allié de plus en plus belliqueux : notre voisin et plus important partenaire commercial au sud. Pourtant, les Canadiens ont toujours souhaité que leur gouvernement suive une approche indépendante et unique dans le cadre de nos relations avec le reste du monde. Nous sommes bien conscients que nous ne pouvons perdre ce qui nous définit. Nous nous sommes surtout distingués en tant que nation lorsque nous avons choisi de mener et non de suivre.

    Le monde musulman, territoire vaste, hétérogène et complexe, connaît de graves turbulences. En gros, il est pris entre les extrémistes qui veulent soulever l'islam pour poursuivre leurs objectifs régressifs et des régimes dictatoriaux, corrompus et incompétents. La grande majorité des arabes et des musulmans rejettent l'extrémisme et recherchent une société civile dotée d'un gouvernement représentatif. Des problèmes et des obstacles structurels demeurent, notamment la pauvreté, l'analphabétisme, l'oppression, l'inégalité et l'absence d'opportunités. Ce sont là les ferments de l'extrémisme et du fanatisme qui ne peuvent être éradiqués par la guerre contre le terrorisme, tel que nous l'avons vu en Afghanistan. Imposer la démocratie à la pointe d'un fusil, comme cela a été fait en Irak, n'apportera ni sécurité, ni stabilité dans une région en pleine tourmente. La tragédie que vit la Palestine ne continuera pas non plus à donner l'espoir aux masses qu'un jour la justice primera.

    La façon dont l'ouest réagira à la montée de l'extrémisme et à la polarisation pourrait bien être déterminante dans la façon dont le monde évoluera vers la paix ou la prospérité ou, au contraire, vers la guerre et la catastrophe. L'affrontement recherché par l'actuelle administration américaine et les extrémistes du monde musulman mènera irréversiblement vers le second scénario. Si l'on en juge par les exemples susmentionnés, le modèle américain a échoué misérablement.

    L'ouest doit donc, primo, rejeter la notion de choc des civilisations avancée par Samuel Huntington en 1998 et prônée par certains d'entre nous. Toute notion s'appuyant sur l'inégalité des besoins et des aspirations de l'homme et sur la supériorité de certaines cultures est purement raciste. Décrire les conflits d'ordre géopolitique en termes culturels ne peut qu'exacerber ce point de vue. Du même coup, notre rôle ne doit pas être de réformer le monde musulman et d'y substituer des institutions et des systèmes copiés sur les nôtres. Nous ne pouvons ni ne devons imposer une démocratie sur le modèle de celle de Washington dans une nation musulmane et s'attendre à ce qu'elle ne soit pas rejetée comme un corps étranger.

    En second lieu, l'ouest doit tendre la main aux réformistes, aux intellectuels, aux défenseurs des droits de la personne et à la société civile des pays musulmans de manière à les aider à se réformer. Nous devons aider à instaurer la démocratie en tant que solution viable aux autocraties oppressives qui dominent actuellement et aux théocraties radicales qui cherchent à les supplanter. En Iran, où la théocratie a déjà remplacé le régime dictatorial du Shah, l'ouest n'a pu rejoindre le mouvement réformiste qui a suscité un soutien extraordinaire du peuple. Au lieu d'appuyer ce mouvement en s'ouvrant au pays et en aidant le processus, les États-Unis ont placé l'Iran sur sa liste de pays faisant partie de l'axe du mal, l'isolant ainsi et poussant la population à appuyer les mullahs au pouvoir.

    En troisième lieu, nous devons condamner les dictateurs alliés comme nous condamnons tout dictateur. Que l'ouest se soit fait un allié de Saddam Hussein et l'ait armé pendant des années puis se soit retourné contre lui lorsqu'il a cessé d'aller dans le sens de ses intérêts a enlevé toute crédibilité à notre désir de voir l'Irak se tourner vers la démocratie.

Á  +-(1120)  

    Quatrièmement, nous devons défendre les droits de la personne pour tous les peuples dans tous les pays. Les droits de la personne sont universels et indivisibles et plus qu'un slogan à brandir lors de conférences et de forums internationaux. Nous devons prôner le respect des droits de la personne dans des pays comme la Tchétchénie, la Chine, l'Arabie saoudite, la Jordanie et l'Égypte. Il faudra peut-être que nos intérêts en souffrent à court terme si nous refusons de composer avec certains régimes « alliés », afin d'aider à long terme la démocratie et la stabilité à s'enraciner.

    Le rôle du Canada : la présence du Canada dans les pays musulmans est un bon exemple de la détermination de notre pays à l'égard du maintien de la paix et du développement. Lester Pearson a marqué un nouveau chapitre dans l'histoire des Nations Unies lorsqu'il a organisé la première mission de maintien de la paix des Nations Unies après la guerre de Suez en 1956. L'engagement à l'égard d'une résolution pacifique dans la région s'est poursuivi lorsque les Canadiens sont intervenus dans le Golan.

    Les Canadiens ont été félicités le jour où notre premier ministre a déclaré que nous ne participerions pas à la guerre en Irak.

    Les relations entre les peuples s'appuient essentiellement sur des images et des perceptions. Notre pays peut miser sur la bonne volonté énorme qu'il a suscitée au fil des années grâce à ses opérations de maintien de la paix et son approche globalement juste, ouverte et multilatérale en matière d'affaires internationales.

    Le travail énorme qu'a fait le Canada dans le développement international a fait de l'ACDI une institution reconnaissable pour les arabes et les musulmans.

    Les efforts humanitaires du Canada ont beaucoup aidé les plus démunis. De l'aide aux camps de réfugiés palestiniens au Liban aux jeunes Canadiens travaillant comme stagiaires pour des organismes des Nations Unies dans des pays musulmans, toutes ces interventions démontrent les valeurs, les politiques et l'identité nationales du Canada pour l'arabe et le musulman moyens.

    Tout cela pour dire que, lorsque notre pays est à l'avant-garde par ses principes, le monde et nos citoyens prêtent attention. Cette image, ainsi que notre perception d'un monde mené dans un esprit de collaboration, permettent au Canada de donner l'exemple pour ce qui est d'améliorer les relations entre l'ouest et le monde musulman, tout comme nous l'avons fait en boycottant l'apartheid en Afrique du Sud.

    On peut résumer l'approche du Canada par l'énoncé suivant : « Amorçons le dialogue ». Voici quelques mesures à prendre pour encourager ce dialogue.

    D'abord, l'incompréhension et la méfiance entre l'ouest et les pays musulmans se sont intensifiées de façon alarmante. Pour que cette tendance cesse, il faut sensibiliser les deux camps. Le Canada devrait parrainer une conférence internationale réunissant intellectuels, faiseurs d'opinion, société civile, médias et réformateurs pour amorcer le dialogue et un processus de sensibilisation multilatéral. Un tel colloque permettrait d'obtenir des propositions que des institutions et des gouvernements occidentaux, arabes et musulmans, auraient à mettre en place.

    Le Canada peut appuyer les efforts des institutions de notre pays et du monde musulman dont la mission est d'améliorer le dialogue, la compréhension interculturelle et interconfessionnelle, le pluralisme et la résolution de conflits par des moyens non violents. Comme le dit la devise du nouveau South-North Centre for Dialogue dans Development, en Jordanie, « Les personnes qui dialoguent ne sont plus en conflit, mais à la recherche de solutions ».

    En deuxième lieu, le Canada devrait mener une tentative dans l'ouest pour inciter, sur les plans de l'économie, du commerce et du développement, les États du monde musulman à se concentrer sur la réforme et la démocratisation et à ouvrir leurs systèmes et leurs institutions. Partant, les gouvernements qui ne procèdent pas à des réformes ne devraient recevoir ni armes ni aide économique.

    Troisièmement, les organisations non gouvernementales et les organismes des Nations Unies qui oeuvrent dans le domaine de l'alphabétisation, du développement social et démocratique et de l'enseignement dans les sociétés arabes et musulmanes devraient recevoir un financement et un appui accrus. Le radicalisme et l'attrait pour les doctrines religieuses réactionnaires sont souvent issus de l'ignorance, de la pauvreté et de l'absence de possibilités et de développement social.

    Quatrièmement, le refus manifesté cette année par le Canada et certains grands pays européens d'intervenir en Irak a rehaussé l'image de notre pays aux yeux des arabes et des musulmans. Mais l'occupation, l'absence de sécurité fondamentale et la domination exercée par les États-Unis et leurs alliés sur la conduite des affaires irakiennes demeurent très préoccupantes. Les forces d'occupation en Irak ont consolidé le pouvoir des extrémistes et leur ont donné un cri de ralliement.

    Le Canada s'est bien positionné dans le dossier de l'Irak en insistant sur le recours à des institutions multilatérales et sur la non-participation aux interventions musclées. Nous devons conserver ce cap et insister pour que les Nations Unies administrent l'Irak et remettent le contrôle au peuple irakien dès que possible.

Á  +-(1125)  

    En cinquième lieu, l'épine dans le pied des arabes et des musulmans demeure la Palestine. Que la majorité des Palestiniens continuent de souffrir d'autant d'injustice après plus de 50 ans de vie dans des camps de réfugiés ou sous occupation, malgré d'innombrables résolutions des Nations Unies, est inimaginable pour les arabes et les musulmans. Étant donné qu'une administration américaine pro-israélienne détient la presque totalité des cartes dans le conflit israélo-palestinien, le Canada devrait adhérer à l'opinion plus équilibrée de l'Union européenne qui tente de contribuer à l'instauration de la paix et d'exercer des pressions auprès d'un gouvernement israélien intransigeant afin qu'il respecte le droit international et les résolutions des Nations Unies.

    Condamner le terrorisme, comme nous devrions le faire, ne constitue pas en soi une politique saine puisqu'elle ne reconnaît pas la réalité de l'occupation par Israël ni le contexte dans lequel la violence prend place. Le gouvernement canadien ne peut être perçu comme censurant une forme de violence tout en se taisant sur une autre. Il faut donc prôner activement la fin de l'occupation en Palestine et fournir une aide économique et humanitaire aux régions dévastées. Comme les autres pays, le Canada devrait tendre la main aux réformateurs palestiniens qui rejettent les failles de l'autorité palestinienne ainsi que les mesures des groupes extrémistes comme le Hamas.

    Sixièmement, les décisions que le gouvernement canadien a prises récemment ont terni son image dans le monde musulman. Succombant aux pressions des groupes américains et pro-israéliens et sous couvert de protéger la sécurité nationale, le Canada a interdit l'aile sociopolitique du Hezbollah et annulé la liaison directe d'Air Canada entre Montréal et Beyrouth.

    Le Hezbollah est considéré par les arabes et les musulmans comme un parti politique libanais légitime ayant des représentants au Parlement national et un réseau important de fournisseurs de services sociaux fort nécessaires. Le Canada a choisi de ne pas tenir compte de ce fait, ni d'ailleurs de l'incidence que l'interdiction a eue sur les levées de fonds visant à répondre à des besoins caritatifs et humanitaires et sur la capacité des Canadiens d'envoyer des fonds aux familles pauvres. Le Canada a été le seul pays à part les États-Unis à punir le Hezbollah. Interdire la liaison d'Air Canada a été un geste maladroit pour lequel le Canada a semblé emboîté le pas aux États-Unis dans leurs efforts visant à exercer des pressions auprès des gouvernements libanais et syrien.

    Ces mesures n'ont pas profité au Canada et n'ont pas amélioré l'image de ce dernier dans le monde arabe et musulman. Étant donné que l'Union européenne n'a pas pris des mesures du même ordre, nous ne pouvons que nous demander si nous n'avons pas été influencés par des groupes de pression dont les priorités ne sont pas nécessairement dans l'intérêt du Canada.

    En septième lieu, le Canada doit sensibiliser ses propres institutions et sa population au monde musulman, à sa culture et à sa politique. Des institutions politiques canadiennes ont montré une compréhension superficielle et stéréotypée des arabes et des musulmans canadiens, ce qui est manifeste dans la manière empreinte d'ignorance et de gaucherie, et souvent aussi blessante, avec laquelle les organismes de sécurité les ont traités depuis le 11 septembre 2001. D'ailleurs, les mesures prises par le ministère de l'Immigration et le Solliciteur général envers nos communautés ont souvent été perçues comme hostiles, et l'attitude du ministère de la Justice a souvent été pour le moins indifférente.

    Il y a à peine un an, plus d'un tiers des Canadiens ont indiqué lors d'un sondage Ekos qu'ils avaient une mauvaise image des musulmans, et un sur deux estimait que les Canadiens d'origine arabe devaient avoir un traitement particulier sur le plan de la sécurité. Cette attitude envers plus d'un million d'arabes et de musulmans canadiens et un quart de la population du monde ne peut durer.

    La Fédération canado-arabe a mené après le 11 septembre une vaste étude nationale auprès de Canadiens d'origine arabe, étude qui a révélé quelques faits étonnants. Ainsi, 85 p. 100 des répondants ont estimé que les Canadiens pensent que les musulmans sont violents, 92 p. 100 ont estimé que ce que savent les Canadiens de la culture arabe provient de mythes et de stéréotypes négatifs, 91 p. 100 ont estimé que les médias canadiens véhiculent des stéréotypes négatifs sur les arabes, une famille sur quatre a fait personnellement l'objet de racisme et 14 p. 100 seulement des répondants ont estimé que le gouvernement fédéral se préoccupe de leurs besoins.

    Cette étude a également révélé que 72 p. 100 des immigrants de pays arabes avaient choisi le Canada en raison de sa réputation sur le plan des droits de la personne et des libertés. Elle a également montré que 92 p. 100 des répondants appuient le multiculturalisme du Canada et que 91 p. 100 étaient fiers de leur identité d'arabes canadiens. Il est véritablement honteux qu'une communauté aussi attachée au Canada et à ses valeurs fondamentales se sente aussi marginalisée et incomprise.

    Pour que le Canada améliore ses relations avec les pays musulmans, il doit tout d'abord mettre de l'ordre chez lui en comprenant les arabes et les musulmans qui y vivent, en les écoutant et en protégeant leurs droits. Il faut mettre fin à tout profilage racial et l'agenda de la sécurité ne doit pas primer sur l'engagement du Canada envers le multiculturalisme et le respect des droits de l'homme.

Á  +-(1130)  

    La délivrance de certificats de sécurité dont les cinq victimes actuelles sont toutes arabes, doit être abandonnée. Les musulmans et les arabes canadiens qui voyagent à l'étranger doivent être mieux protégés contre les abus d'agents d'immigration et de sécurité trop zélés. Notre culture doit être célébrée et appréciée et non satanisée.

    En conclusion, nous croyons, en tant que Canadiens, que nos traditions, nos valeurs et notre image à l'étranger nous donnent le pouvoir d'influer sur le cours des choses dans un dossier d'importance mondiale. Nous avons pris les devants pour ce qui est de tracer une trajectoire qui reflète les principes qui nous définissent. C'est l'occasion pour le Canada non seulement de faire preuve de leadership sur le plan international, mais également de réaffirmer son identité sans pareille.

    Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne)): Merci, monsieur Khouri.

    Madame Khan, vous allez également nous faire un exposé, ai-je cru comprendre.

+-

    Mme Sheema Khan (présidente, Council on American-Islamic Relations Canada): En effet.

+-

    Le vice-président (M. Stockwell Day): Lorsque vous en aurez terminé, les membres du comité aimeraient s'entretenir avec vous.

    Vous avez la parole.

+-

    Mme Sheema Khan: Merci, mesdames et messieurs, les membres du comité.

    Pour commencer, le monde musulman est-il bien monolithique? Les différences historiques, ethniques, linguistiques et culturelles sont nombreuses, et on les trouve un peu partout dans le monde arabe. Malgré cela, il existe néanmoins un « monde musulman », dans la mesure où il existe un patrimoine commun, des croyances communes, des rites communs, et dans une grande mesure aussi, un sentiment partagé de l'histoire et de la destinée.

    Il y a par exemple le rituel du Hajj, le pèlerinage à La Mecque, qui réunit chaque année deux ou trois millions de musulmans. On a beaucoup écrit sur le fait que le Hajj permettait aux musulmans des endroits des plus éloignés du globe de se réunir au même endroit, renforçant par là le sentiment d'appartenance grâce à un ensemble de rites aussi profonds que symboliques.

    Depuis, quelques années plusieurs conflits ont mobilisé l'attention et la réflexion des musulmans dans le monde entier, en raison surtout de l'inégalité qui semble poser les musulmans et leurs adversaires. En particulier, les images issues des conflits en Bosnie, en Tchétchénie, et plus récemment encore en Afghanistan, ainsi que le conflit israélo-palestinien, ont fait que de nombreux musulmans se sont sentis persécutés.

    Un tableau de la présence musulmane dans l'ensemble du monde. Il y a actuellement un très grand nombre de musulmans, environ 500 millions, qui vivent là où ils sont minoritaires. Ce nombre n'a jamais été aussi élevé. Cela représente quelque chose de relativement nouveau dans la mesure où cet état de choses n'a pas plus de 50 à 100 ans, de sorte que les expériences de vie de ces musulmans sont fort différentes de celles de leurs coreligionnaires vivant dans les pays où ils sont majoritaires.

    Qu'est-ce qui peut encore diviser davantage des pays où les musulmans sont minoritaires, mais constituent des minorités anciennes et des minorités plus récentes? Ainsi, en Inde, en Chine et en Russie, les musulmans vivent depuis plusieurs centaines d'années en situation minoritaire, alors qu'en Europe occidentale et en Amérique du Nord, on ne trouve des communautés musulmanes relativement importantes que depuis 70 ou 80 ans.

    Nous pouvons également nous demander si le monde musulman est dominé par le Moyen-Orient. Dans une certaine mesure oui, en ce sens que l'adéquation entre la langue arabe et l'islam ainsi que l'importance du Hajj étant pareilles du fait que tous les musulmans se tournent vers La Mecque, qui est en Arabie-Saoudite, pendant leur cinq prières quotidiennes, dénote un attachement constant au Moyen-Orient sous une forme ou une autre.

    Enfin, il y a ce sentiment que le conflit israélo-palestinien ne vise pas uniquement les Palestiniens, mais qu'il est plutôt un genre de conflit témoin dans la mesure où, si les musulmans réussissent à l'emporter, il est certain qu'ils doivent ainsi être en passe de retrouver la place qui est la leur parmi les nations du monde.

    Le comité pourra ultimement s'inspirer d'un projet d'étude semblable qui a été récemment conduit aux États-Unis. En juin dernier, dans la foulée d'un sondage effectué à l'échelle mondiale par le Centre de recherche Pew, le Congrès a commandé une étude qui a affirmé sans détours que « le soutien accordé par le monde arabe et musulman aux États-Unis s'est évanoui ». Ainsi, cette étude révélait-elle que cette année, 15 p. 100 des Indonésiens interrogés considéraient les États-Unis d'un oeil favorable alors qu'il y a moins d'un an, 61 p. 100 d'entre eux étaient de cet avis. Par cette enquête, le Congrès voulait déterminer les raisons de cet état de choses, ce qu'il convenait de faire en réaction et de quelle façon parvenir à marginaliser l'appel des extrémistes. Je pense que nous avons quelques leçons utiles à tirer de ces résultats.

    Le groupe d'étude a consulté des musulmans dans à peu près les mêmes régions du monde que celles où votre comité s'est rendu, et ce qu'il a découvert, c'est que les musulmans aspiraient à la justice sociale, à une magistrature intègre, à des élections multipartites honnêtes, à la liberté de la presse et à la liberté d'expression. Ces résultats s'inscrivent dans le droit fil du sondage antérieur concernant la paix, lequel avait également fait ressortir un intérêt très marqué pour la liberté de culte.

    Ces résultats nous étonnent peut-être, mais si c'est le cas, c'est uniquement à cause des attentes déplacées fondées sur une rhétorique extrémiste et des autocraties, lesquelles ne représentent nullement les aspirations des musulmans au sens large. C'était la première fois qu'on tentait véritablement de tâter le pouls populaire.

    Pourquoi ce mécontentement envers l'Amérique? Principalement pour trois raisons: d'abord la politique étrangère des États-Unis, en deuxième lieu le fait que ce pays appuie des gouvernements qui ne sont pas représentatifs, et enfin parce qu'ils ne répliquent pas à la propagande véhiculée par les extrémistes.

    Comme vient de vous le dire M. Khouri, les musulmans s'offusquent de l'appui indéfectible donné à Israël au détriment des palestiniens. Ils s'offusquent des bombardements menés en Iranistan, ainsi que de dix années de guerre et de sanctions, ainsi que l'actuelle occupation de l'Irak. Les gens voient les souffrances de millions comme la conséquence directe de l'intervention des États-Unis. Malgré cela, le groupe d'étude américain a préconisé le maintien de la politique étrangère actuelle.

    Pour ce qui est du soutien accordé par les États-Unis à des régimes non démocratiques du monde arabe et musulman, cela a conduit beaucoup de gens a penser que les États-Unis voulaient la liberté et la démocratie chez eux uniquement mais pas pour les musulmans dans leur propre pays. Plus encore, leur rapport atteste les sentiments partagés des Américains quant à la possibilité que les premiers bénéficiaires de la démocratie soient les extrémistes. Les Américains redoutent des élections libres parce qu'ils craignent qu'un parti extrémiste puisse les gagner. Voilà une attitude extrêmement condescendante qui revient à dire qu'on ne peut pas faire confiance aux musulmans lorsqu'il s'agit de choisir leur propre mode de gouvernement. Cette attitude justifie également l'intervention étrangère dans les affaires internes de pays souverains.

Á  +-(1135)  

    L'essentiel du rapport porte sur les efforts destinés à faire échec à la propagande anti-américaine, et cet effort est louable. L'objectif est de sensibiliser les Musulmans aux véritables valeurs américaines—et nous pouvons en faire autant pour les valeurs canadiennes, et ainsi changer les mentalités et gagner la paix. Mais les Musulmans ont mis en évidence la coupure ou la distinction qui existe entre ce que prêchent les Américains comme idéal et leurs actes à l'étranger. Cela ne fera que renforcer la discrimination que ressentent les Musulmans sur le plan des actes. De fait, renforcer le fait que l'Amérique a des valeurs exemplaires alors qu'elle ne change rien à sa politique étrangère ne fera qu'accentuer la contradiction et fait le jeu d'Oussama ben Laden.

    Nous en Occident ne connaissons de lui que ses menaces de violence. J'ignore combien d'entre vous parlent arabe, mais si vous écoutez au complet les enregistrements remis à Al Jazeera, une des choses dont il parle avec beaucoup d'éloquence est la colère accumulée des musulmans face à l'ingérence américaine. Considérez en effet ces chiffres étonnants, voire troublants : une portion importante de la population en Indonésie, 58 p. 100, en Jordanie, 55 p. 100, au Maroc, 49 p. 100, au Pakistan, 45 p. 100, se sont dits confiants que ben Laden « fera ce qu'il faut en ce qui concerne les affaires mondiales ».

    Au moment où le comité des communes prend acte de ce qui précède, il est clair que notre politique étrangère devrait être franchement canadienne, en harmonie avec nos valeurs essentielles que sont la compassion, l'équité et la justice. Toute contradiction entre nos paroles et nos actes ne fera que susciter la méfiance.

    Voici quelques points en notre faveur. Nos efforts de maintien de la paix et nos projets de développement international nous ont gagné le respect de quantité de gens dans le monde musulman. Notre position morale contre l'invasion de l'Irak n'a fait que rehausser ce respect. Ne sous-estimons pas non plus les vertus bien canadiennes que sont l'effacement de soi et le multiculturalisme. Elles se traduisent toutes deux en une démarche en douceur qui préfère comprendre le monde qui nous entoure au lieu de le dominer. Nous sommes éminemment bien placés pour combler le fossé et, vu les tensions actuelles, c'est là une responsabilité à laquelle il ne faut pas se dérober.

    Plus précisément, on note une ambigüité de sentiments dans les pays du monde musulman. D'un côté, les musulmans de nombreux pays voient dans le Canada un pays indépendant et souverain qui prend ses décisions indépendamment des États-Unis. De l'autre, on fait souvent l'amalgame entre les deux pays.

    Par exemple, après l'attentat du 11 septembre, beaucoup d'entreprises pétrolières du Proche-Orient ont interdit tout déplacement aux États-Unis à cause du surcroît d'attention et de la perception d'hostilité de la part des agents des douanes et de l'immigration américains. Souvent, hélas, cette interdiction de voyager s'est aussi appliquée au Canada. Les rencontres se tiennent dorénavant au Proche-Orient ou en Europe plutôt que de l'autre côté de l'Atlantique.

    De même, beaucoup de malades du Proche-Orient qui avaient l'habitude d'aller se faire soigner aux États-Unis vont aujourd'hui en Europe. Les hôpitaux allemands signalent une augmentation de 30 p. 100 des consultations venant des pays du Proche-Orient. Il ne semble pas que le Canada ait profité de cette désaffection malgré l'excellence reconnue mondialement de nos soins médicaux.

    Enfin, chez les Musulmans qui font bien la distinction entre le Canada et les États-Unis, la négativité qu'ils éprouvent semble être le résultat de nos omissions plutôt que de nos actes. Comme on dit, on se demande pourquoi le Canada ne prend pas les devants et ne cherche pas davantage à être un honnête entremetteur dans le conflit palestino-israélien, et pourquoi les entreprises canadiennes n'essaient-elles pas de combler le vide laissé par le boycott des produits américains actuellement en vigueur dans beaucoup de pays musulmans?

    Même si beaucoup de pays musulmans ne sont pas gouvernés par des représentants élus, ou peut-être parce qu'ils le sont, les gouvernements sont à l'écoute du sentiment populaire. La politique étrangère de certains d'entre eux est par conséquent dictée par l'homme de la rue dans une proportion qui varie selon la situation interne de chaque pays et la question du jour.

    Pour répondre à ces questions, il faut en poser une autre : comment se fait la promotion du Canada à l'étranger? Il n'y a actuellement que quatre façons dont les populations du monde—et le monde musulman en particulier—sont mises en contact avec le Canada : premièrement, grâce aux efforts politiques comme notre action à l'ONU ou les missions de maintien de la paix; deuxièmement, les échanges culturels, y compris les séjours d'étude des étudiants étrangers au Canada; troisièmement, le commerce extérieur, y compris l'exportation de produits culturels canadiens et, quatrièmement, l'aide étrangère.

Á  +-(1140)  

    On peut se demander laquelle de ces formes parvient le mieux à faire la promotion du Canada et de ses valeurs. Il est clair en tout cas que l'activité commerciale est au moins la plus lucrative.

    À longue échéance, toutefois, la façon la plus efficace de promouvoir le Canada est d'accepter des étudiants étrangers dans les universités canadiennes. C'est aussi la recommandation du rapport du Congrès : accroître les échanges d'étudiants et de professionnels pour qu'ils puissent se familiariser directement avec l'Amérique du Nord. Il est probable que les étudiants étrangers rentreront dans leurs pays d'origine pour occuper des postes universitaires, administratifs ou de leadership en général. Par exemple, un certain nombre de ministres dans plusieurs pays ont fait leurs études au Canada.

    Ces dernières années, à cause des restrictions sur les visas, le nombre d'étudiants étrangers diplômés qui cherchent à poursuivre leurs études aux États-Unis a baissé considérablement. C'est l'occasion pour le Canada de prendre le relais, mais il faudrait pour cela investir dans des bourses d'étude. Il est possible de communiquer aux étudiants étrangers les valeurs canadiennes que sont la tolérance, l'équité, le pluralisme et le respect mutuel, pour édifier ainsi un monde meilleur.

    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

Á  +-(1145)  

+-

    Le vice-président (M. Stockwell Day): Je vous remercie tous les deux de vos exposés. Nous donnons d'abord la parole aux partis d'opposition. Normalement, cinq minutes sont réservées à la question et à la réponse afin de donner la parole au plus grand nombre de gens possible.

    Merci encore de vos exposés.

    Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je vous remercie tous les deux de vos excellents exposés. Ils nous donnent de l'espoir.

    Messieurs Cotler, Patry et moi-même revenons à peine du Proche-Orient. Nous sommes allés en Israël, en Palestine, en Jordanie et en Égypte et je parle peut-être en leur nom quand je dis que nous avons tous été très attristés par l'ampleur de la violence et le fait que la situation semble devenir incontrôlable.

    Premièrement, donc, vu les excellentes suggestions que vous avez faites concernant les rapports avec les régimes autocratiques et non démocratiques, comment proposez-vous de faire intervenir la société civile de ces pays sans qu'elles en subissent un contrecoup? Car les changements que vous proposez sont de nature à saper le pouvoir des autorités. Quelle est donc la façon la plus constructive pour quelqu'un de l'extérieur d'y parvenir?

    Deuxièmement, nous avons constaté que le conflit israélo-palestinien est au coeur du débat et que ces autocraties s'en servent comme d'un prétexte pour ne pas régler leurs problèmes intérieurs. Malgré donc la partialité des États-Unis dans ce dossier, il faut avoir avec eux une politique d'engagement. Peut-être le Canada peut-il travailler avec les États-Unis pour qu'ils interviennent de manière plus équitable, plus juste à la fois pour les Israéliens et les Palestiniens et dans le respect de leur sécurité mutuelle.

    J'aimerais connaître votre avis à tous les deux. Comment le Canada devrait-il s'employer auprès des États-Unis pour qu'ils modifient leur action dans la région de manière à amener Israéliens et Palestiniens à vivre comme deux États indépendants en toute sécurité dans leurs frontières?

    Merci.

+-

    M. Raja Khouri: Pour ce qui est de tendre la main à la société civile et aux réformateurs, je pense qu'un pays comme le Canada jouit de la confiance partout dans la région à cause de son histoire, comme nous l'avons dit, et du fait qu'il n'intervient pas dans ces pays pour les transformer ou leur imposer ses vues. Il est toujours intervenu comme pacificateur ou promoteur de développement et de paix.

    Le Canada est donc idéalement placé pour oeuvrer auprès de la société civile et des réformistes d'une manière qui ne les menace pas parce que le Canada n'est pas vu comme un ennemi potentiel, une force d'agression ou une force au passé colonial dans la région ou désireux d'imposer ses vues, comme c'est le cas des États-Unis dans bien des pays. Cette image est donc tout à notre avantage. Si nos contacts avec la société civile continuent de se situer dans le cadre du développement, du dialogue, de l'ouverture, de la compréhension, du respect mutuel, je ne pense pas que cela aura des effets négatifs sur les réformistes ou la société civile.

    Quant à la question au sujet de la Palestine, au sujet de la feuille de route, nous avons décidé de lui donner une nouvelle chance. Malgré les lacunes que chacun peut y voir, nous avons décidé de nous engager dans cette voie. Mais les États-Unis ont semblé s'en désintéresser très rapidement et la priorité a toujours semblé être la sécurité d'Israël au détriment de celle des Palestiniens.

    La sécurité, c'est davantage que des bombes qui éclatent au milieu de la foule, comme cela s'est produit dans les deux camps. C'est aussi pouvoir aller au travail, à l'école, acheter de la nourriture et trouver de l'emploi. Les gens vivent dans la précarité—vous l'avez constaté vous-même, monsieur Martin, quand vous y êtes allé—depuis des années déjà. Ils subissent la réoccupation, les entraves à la circulation d'un endroit à l'autre et, depuis peu, il y a ce mur en construction qui sectionne la Cisjordanie, de telle sorte que 40 p. 100 de la Cisjordanie est isolé des 60 p. 100 qui reste et que les gens ne peuvent même pas avoir accès à leur terre de culture, leur source de revenu.

    Que peut faire le Canada? Il faut contrebalancer la partialité des États-Unis et leur appui en faveur d'Israël. Ce contre-poids peut venir du Canada. C'est ce que fait dans une certaine mesure l'Union européenne. C'est pourquoi j'ai dit qu'il est préférable pour nous de nous aligner sur la position plus équilibrée de l'Union européenne.

    Je ne sais pas comment le Canada peut s'opposer au lobby pro-israélien aux États-Unis, pour vous dire la vérité.

Á  +-(1150)  

+-

    Le vice-président (M. Stockwell Day): Monsieur Khouri, vos cinq minutes sont écoulés. Nous allons passer à Mme Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je vous remercie tous deux.

    J'ai fait partie de la tournée qui nous a menés en Turquie, en Iran, en Arabie saoudite et en Égypte. En Iran et en Arabie saoudite, lorsque nous avons demandé comment nous pourrions empêcher qu'une division de plus en plus importante ait lieu entre l'Occident et le monde musulman, on nous a dit essentiellement qu'en laissant de part et d'autre les extrémistes continuer, le pire allait se produire, mais qu'en revanche, si les réformateurs--dans ce cas, nous étions en Iran--des deux côtés travaillaient ensemble, il serait possible d'arriver à se comprendre et de prendre une tangente favorable. Une autre personne, plutôt que de parler de réformistes et de conservateurs, a parlé des raisonnables et des non-raisonnables. Néanmoins, l'idée était la même.

    Que pensez-vous de cela?

[Traduction]

+-

    Mme Sheema Khan: Merci. Vous me demandez comment appuyer les réformateurs et je pense que vous avez vu quantité de gens passionnément engagés dans ce qui semble être une situation de plus en plus dangereuse. À propos de la marginalisation des extrémistes, comme je l'ai dit, j'ai moi-même été choquée par l'appui relativement élevé pour quelqu'un comme M. ben Laden qu'a révélé l'enquête de Pew. Ce n'est pas qu'ils appuient ses méthodes, loin de là. Il évoque ce qui est perçu comme une injustice; tant que les musulmans continueront de percevoir cette injustice dont leur peuple est victime, peu importe les efforts déployés pour aider les réformateurs dans leur propre pays, tant que ces injustices fondamentales ne seront pas éliminées, je pense que nous aurons beaucoup de mal à conquérir les coeurs, pour ainsi dire.

    Néanmoins, cela ne signifie pas qu'il ne faut rien tenter. Pour les réformateurs, évidemment, toute forme d'aide, comme M. Martin l'a dit, venant de l'occident peut être vue d'un oeil soupçonneux, se demandant s'il s'agit d'une aide véritable ou s'ils ne sont que les marionnettes de gens de l'étranger? Je pense que c'est un reproche inévitable quand on essaie de procéder à des réformes. Si cela se trouve, nous pouvons aider les gens qui essaient d'apporter des réformes grâce à notre appui moral—notre appui financier, je ne sais pas—mais je pense que nous devrions être prêts à condamner les actes des gouvernements. Par exemple, en Égypte, on a emprisonné puis finalement relâché un défenseur des droits de l'homme dont le nom m'échappe. Mais il est un des rares à lutter pour pouvoir surveiller le respect des droits de l'homme en Égypte et il a été emprisonné pour avoir contesté la régularité des dernières élections.

    Il faut élever la voix lorsque sont menacés ceux qui défendent les valeurs humaines fondamentales, qui sont universelles. Je pense qu'il faut être plus vigoureux sur ce point. Les échanges, je crois, sont une autre façon d'aider les réformateurs. Mais encore une fois, pour enlever leur attrait aux extrémistes qui ne cessent de dénoncer les injustices, il ne faut pas les oublier non plus.

Á  +-(1155)  

+-

    Le vice-président (M. Stockwell Day): Merci.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je remercie les témoins qui comparaissent aujourd'hui et je profite de l'occasion pour déclarer, de façon très publique, qu'à mon avis le leadership manifesté par vos deux associations, et par vous et d'autres, dans les jours qui ont suivi l'attentat du 11 septembre et les horreurs qui ont suivi, a été parfaitement exemplaire, et je pense qu'il est important de le reconnaître publiquement.

    Monsieur Khouri, vous avez dit que les droits de l'homme sont universels et indivisibles. Pourriez-vous nous parler davantage des certificats de sécurité, le fait qu'il s'agisse dans la pratique d'une suspension des règles de droit, de la transparence, puisqu'on voit des gens qui sont emprisonnés sans inculpation, ni explication.

    De plus, pourriez-vous nous en dire davantage à propos d'une question qui a attiré l'attention du comité, à savoir l'affaire Maher Arar, dont on peut dire peut-être qu'elle est maintenant réglée puisqu'il est de retour sain et sauf au Canada. J'aimerais savoir si vous avez des recommandations à faire. Je sais que vos deux associations souhaitent aller au fond de cette histoire. Que devrait faire le comité? Que devrait faire le gouvernement canadien pour s'assurer qu'on lui rende justice ainsi qu'à sa famille et pour que d'autres Canadiens d'origine arabe ou des Canadiens musulmans ne connaissent pas le même sort s'ils se rendent aux États-Unis ou dans d'autres pays aussi répressifs envers des arabes ou des musulmans?

+-

    M. Raja Khouri: L'attentat du 11 septembre et le programme sécuritaire qui s'est imposé depuis nous ont essentiellement distingués des autres Canadiens, d'abord parce qu'on nous a taxés de culpabilité par association, à cause de la suspicion envers les arables et les musulmans après les événements du 11 septembre, puis à cause du projet de loi C-36 et l'actuel projet de loi C-18, l'accès légal, etc., et des actions gouvernementales qui ont placé la sécurité au-dessus des droits humains et civils dans notre pays.

    Le recours au certificat de sécurité en vertu de la Loi sur l'immigration devait à l'origine s'appliquer aux étrangers, aux demandeurs de statut de réfugiés puis aux immigrants reçus. Le projet de loi C-18 l'appliquera aux citoyens canadiens eux mêmes, qui pourront en vertu de ce texte être dépouillés de leur citoyenneté et déportés sur la foi de preuves secrètes que ni eux ni leur avocat ne pourront voir.

    Mesdames et messieurs les députés, le certificat de sécurité est un affront aux Canadiens—pouvoir priver les gens de leurs droits fondamentaux dans une démocratie à toutes les formes de défense légale, à la procédure légale et au pouvoir de se défendre. C'est une pente glissante. Avec le projet de loi C-18, nous sommes en train de nous préparer à l'utiliser contre nos propres citoyens.

    C'est au coeur de notre problème aujourd'hui, à notre avis. Comment pouvons-nous demander aux syriens de libérer Maher Arar parce qu'il n'a été inculpé de rien alors qu'il y a ici des arabes qui sont en prison depuis plus de deux ans sans avoir été inculpés de quoi que ce soit non plus? Comment pouvons-nous dire à d'autres pays qu'ils devraient suivre les règles de droit alors que nous ne le faisons pas nous mêmes? C'est une honte dont il faut se débarrasser le plus tôt possible ici.

    Dans l'affaire Arar, malheureusement, il a fallu des mois avant que le Canadien moyen sache ce qui se passe et que des appuis soient mobilisés en faveur de sa libération, qui vient à peine de survenir, après environ un an de prison en Syrie. La tragédie a commencé le jour où il a été arrêté à New York sur le chemin du retour vers le Canada. Notre gouvernement n'a rien fait pour obtenir sa libération des États-Unis. On apprend aujourd'hui que la GRC était au courant et n'a rien fait.

    Dix jours plus tard, nous n'avions pas d'accès consulaire pour lui aux États-Unis. Notre gouvernement, aux yeux de nos concitoyens, est coupable d'une énorme lacune en n'ayant pas su protéger ses citoyens arabes ou musulmans. C'est un constat d'échec de notre société multiculturelle un énorme constat d'échec qui va à l'encontre des valeurs de notre pays. L'affaire Arar l'a bien montré.

    Il faut voir quel message nous transmettons aux Canadiens lorsque nous agissons ainsi et laissons nos citoyens musulmans ou arabes être traités comme des criminels à la frontière des États-Unis sans vraiment nous plaindre publiquement. Le premier ministre n'a jamais rien dit à ce propos.

    Jusqu'à aujourd'hui, si vous êtes arabe ou musulman et que vous vouliez entrer aux États-Unis, vous pouvez être interrogés pendant des heures. Nous l'avons vu récemment dans le cas bien connu de deux imams qui avaient quitté Toronto pour se rendre en Floride où ils ont été détenus pendant 16 heures sans la moindre raison. On prend vos empreintes digitales, votre photo, etc.

    Il ne faut donc pas autoriser ces choses dans notre pays, à nos frontières avec les États-Unis. Il faudrait que nos citoyens soient mieux traités à l'étranger et nous devrions avoir l'échine de dire que les États-Unis ou tout autre gouvernement ne peuvent pas traiter nos citoyens de cette façon.

    Mais avant tout, il faut mettre fin à ces pratiques honteuses nous mêmes ici au Canada, sans quoi nous n'avons aucune autorité morale pour faire la leçon à d'autres pays.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Khouri.

    Monsieur Eggleton.

+-

    M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.): Comme vous j'estime que l'affaire Arar exige des réponses. J'espère que nous les obtiendrons prochainement et que pourrons mieux protéger les libertés civiles.

    Comme mes collègues, je reviens d'un voyage dans les pays musulmans. J'ai fait une tournée en Asie du Sud-Est : Indonésie, Malaisie, Inde et Pakistan. Dans votre exposé, monsieur Khouri, vous avez parlé d'aider les réformateurs, les intellectuels, les défenseurs des droits de l'homme ainsi que la société civile dans les pays musulmans, pour que nous puissions les aider à se réformer eux-mêmes. Vous avez dit que nous devons les aider à faire de la démocratie une solution de rechange viable aux autocraties oppressives en place et aux théocraties radicales qui cherchent à les remplacer. Je suis avec vous de tout coeur et c'est un message que j'ai moi-même entendu tout au long de mon voyage.

    Madame Khan, ce que vous avez dit à propos du fait que moins d'étudiants vont aux États-Unis nous donne effectivement une occasion que nous pourrons saisir j'espère. On m'a dit en Indonésie que les liens avec l'Université McGill étaient très solides—il s'agit de gens qui avaient fait des études islamiques, par exemple. Il faut multiplier ces liens avec d'autres universités et dans d'autres programmes.

    Pour ce qui est du Proche-Orient, ma position est un peu différente de la vôtre. En 1997, lorsque j'étais ministre du Commerce international, j'ai alors offert un accord de libre-échange à Israël. Je me suis ensuite rendu à Ramallah pour offrir la même chose et j'ai vu une interaction, entre gens d'affaires et la population locale que j'ai trouvé très encourageante. C'était en 1997. J'y suis retourné cette année, et la situation avait changé du tout au tout. C'était très décourageant, très décevant de voir combien tout s'était dégradé dans les deux camps.

    Qu'est-il arrivé dans l'intervalle? Eh bien, nous savons que le sommet de Bill Clinton à Camp David et celui qui a suivi à Taba ont abouti à une proposition très complète des Israéliens que Yasser Arafat a refusé sans faire de contre-offre. Sa réaction a été l'intifada et les attentats suicide.

    Quand je vois votre position, je ne peux m'empêcher de penser que vous êtes beaucoup trop indulgents vis-à-vis de l'Autorité palestinienne. À mon avis, la direction de l'Autorité palestinienne est profondément corrompue, à commencer par Yasser Arafat. Si elle mettait fin aux activités d'organisations terroristes comme le Hamas—ce qu'elle pourrait faire, elle en a le pouvoir et les capacités—cela contribuerait à une solution pacifique.

    Mais nous pouvons chacun rester sur nos positions relativement à certains de ces points.

    Je veux toutefois vous poser une question dans un esprit tout à fait positif à propos de ce qui a émergé récemment de Genève, où des gens auparavant associés avec l'Autorité palestinienne et avec le gouvernement israélien ont préparé un plan qui pourrait être un plan pour sortir de la crise. Je ne l'ai pas encore lu dans tous ses détails, mais je suis intéressé de voir qu'il y a des gens qui essaient de trouver quelque chose pour sortir de l'impasse parce que, à mon avis, ce qui compte, quelle que soit leur perception de la situation, c'est que la population d'Israël et celle de la Palestine vivent en paix, connaissent la prospérité et tout ce que méritent des gens qui souffrent depuis si longtemps.

    Avez-vous une position sur cette proposition que l'on appelle l'Initiative de Genève, je crois?

  +-(1205)  

+-

    Mme Sheema Khan: Malheureusement, je ne l'ai pas lue. Je vais donc céder la parole à M. Khouri.

+-

    M. Raja Khouri: Il y a plusieurs plans de paix qui ont déjà été proposés. Il y a celui de Genève et puis l'autre qui a été proposé à Jérusalem, par Sari Nusaiba et un ancien colonel israélien—son nom m'échappe. Tous ces plans sont possibles. La solution est connue, elle l'est en fait depuis déjà plusieurs années. Le problème n'est pas celui de choisir un plan de paix plutôt qu'un autre.

    Vous ne pouvez cependant pas... Je ne peux pas sentir Yasser Arafat. Il est corrompu. A-t-il favorisé les actes de terrorisme? Nous ne le savons pas. Ni vous ni moi ne le savons. Je ne crois pas qu'il pouvait peser sur un bouton pour forcer les gens à devenir des bombes humaines. Ce qui s'est passé à Taba était fort encourageant, et les Palestiniens n'ont pas rejeté ce qui était proposé, mais tout ça a été coupé court simplement en raison des élections israéliennes.

    Quant à Camp Davis, à ma connaissance, aucune offre officielle n'y avait été présentée. Il y avait eu des négociations. Après tout, même Bill Clinton était revenu sur sa déclaration à l'époque lorsqu'il avait dit que Yasser Arafat était responsable de l'échec des négociations.

    Si vous étudiez ce qui s'est passé depuis les accords d'Oslo, soit entre ces accords et 1997, vous constaterez qu'il n'y a probablement eu que deux incidents de bombes humaines parce que les gens étaient plein d'espoir. Ils attendaient que la paix se réalise. Il y avait une certaine prospérité économique. Les tueurs suicidaires ont repris leurs activités lorsque le processus de la paix a commencé à chanceler.

    Nous devons nous garder lorsque nous étudions le terrorisme de le blâmer pour tous les problèmes qui existent. Comme je l'ai dit, vous ne pouvez pas simplement condamner carrément le terrorisme. Oui, il faut condamner les actes terroristes, parce qu'ils ne règlent pas le problème. Mais la violence de l'occupation n'est pas pire que les actes de terrorisme. Aucun d'entre nous ne sait comment nous réagirions si nous avions vécu en territoire occupé pendant 37 ans, territoire où l'oppression nous prive de toute dignité,parfois de notre gagne-pain et nous empêche de vivre comme des êtres humains.

    J'ai beaucoup de compassion pour les victimes de ces attentats suicides; j'ai aussi beaucoup de compassion pour ces tueurs parce qu'il s'agit de jeunes, parfois de jeunes femmes, qui se transforment en bombes humaines. C'est ce qui se produit lorsqu'on ne voit aucune autre possibilité. Quelqu'un a dit l'autre jour que si vous ne vouliez pas que les gens se transforment en bombes humaines, il fallait leur donner des chars d'assaut, des F-16 et à ce moment-là ils ne se transformeraient plus en bombes humaines. Malheureusement, certains pensent que c'est la seule façon d'agir, aussi regrettable que ce soit.

    Je crois qu'il nous faut faire la distinction entre le type de terrorisme auquel se livre ben Laden et celui auquel a recours le groupe Hamas. Oui, c'est vrai, aucun acte terroriste n'est une bonne chose, mais le type de terrorisme auquel se livre ben Laden n'est pas le résultat d'une situation politique légitime. Ce groupe veut simplement déstabiliser l'Arabie saoudite, alors il fait sauter des bombes à New York. Ce n'est pas un contexte politique légitime. Cependant, pour ce qui est du groupe Hamas, même si ces méthodes à nos yeux sont absolument inacceptables, il existe quand même un contexte politique légitime, soit celui de la résistance à l'occupation. Il faut être conscient de cette différence et il faut la reconnaître.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Madame Redman.

+-

    Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je vous prie de m'excuser, mais j'ai dû m'absenter quelques instants. Dites-moi donc si les questions que je vais poser l'ont déjà été.

    Je parlais à un de mes amis—je suis de Kitchener et il est Irakien mais vit au Canada depuis très longtemps—il m'a dit exactement ce que vous avez dit dans votre premier exposé, c'est-à-dire qu'il sera parfaitement impossible d'imposer un mode de démocratie de type occidental aux pays du monde islamique ou musulman. Vous en avez touché quelques mots dans votre exposé, mais quelles sont les balises, comment concilier ces aspirations pour un état de droit et les droits de la personne si nous utilisons une balise différente?

    Je suis d'accord avec vous, je ne pense pas qu'on puisse s'ingérer dans la politique intérieure d'un État, mais il est certain que, même aux États-Unis, il y a une coupure entre l'actuelle administration et un grand nombre d'Américains. Aux États-Unis aussi, il y a eu des manifestations contre la guerre. Et au Canada, il y avait des factions qui sont montées aux barricades contre le premier ministre lorsqu'il a affirmé la position du Canada.

    Alors, sachant que même dans des démocraties relativement anciennes, les avis divergent souvent quant à la façon de trouver le bon moyen d'arriver à une solution, dans quel sens faut-il aller?

  +-(1210)  

+-

    Le président: Madame Khan.

+-

    Mme Sheema Khan: Malheureusement, dans de nombreux pays musulmans, il est impossible d'être en désaccord avec les dirigeants, du moins c'est le cas dans certains pays. Dans d'autres, la situation est différente, où la population musulmane est assez importante. Si vous préférez, les institutions politiques qui permettent une diversité d'opinions ou une divergence d'opinions n'existent pas partout pour les musulmans. Il faut donc considérer chaque cas, chaque pays, sur un plan différent, en fonction de son histoire et de l'évolution de ce que nous appelons les principes démocratiques.

    Par contre, il existe un principe qu'on retrouve partout dans le monde musulman, et c'est ce qu'on appelle la shura, la consultation. Ce principe fait partie de notre système de croyances; le Coran consacre d'ailleurs tout un chapitre à la shura, à la consultation. Cela vaut au niveau de la famille, mais cela peut également s'appliquer à d'autres niveaux, à des niveaux supérieurs, pourrait-on espérer. Ce serait à mon avis la forme la plus reconnaissable de participation politique ou de démocratie selon les canons occidentaux. Si nous encourageons les gens et les institutions à respecter ce principe de la shura, un principe qu'eux-mêmes comprennent et défendent, ils ne considéreraient pas cela comme une intervention venue de l'extérieur.

    Je pense qu'il serait utile de demander aux gens de continuer à accorder foi à leurs propres systèmes historiques de valeurs, à leurs propres institutions qui ont toujours, lorsqu'elles fonctionnaient bien, produit des résultats extraordinaires. Il ne faut donc pas intervenir avec une formule à l'occidentale, mais nous pouvons plutôt étudier leur histoire et constater qu'on peut y trouver des éléments que nous comprenons, et encourager ainsi ces pays à y revenir pour trouver des solutions à leurs problèmes.

    Je ne sais pas si cela répond à votre question.

+-

    Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Khouri?

+-

    M. Raja Khouri: J'aimerais ajouter que le processus d'éducation des deux côtés est très important. Je crois que les événements du 11 septembre nous ont prouvé, quoique nous en étions déjà conscients, que notre société sait très peu sur les arabes et les musulmans. Après tout, ces derniers représentent près de 25 p. 100 de la population mondiale, et font partie de notre avenir. Il a fallu qu'une explosion se produise près de chez nous pour que nous reconnaissions qu'il y a quelque chose qui cloche dans cette région du monde.

    Nous devons absolument mieux comprendre ce qui se passe dans cette région. Nos universités, enfin un plus grand que ce n'est le cas actuellement, doivent avoir des centres d'études arabes et musulmanes. Il incombe à notre gouvernement d'aider les Canadiens à mieux connaître les arabes et les musulmans, au Canada et dans le monde arabe.

    Il n'y a pas de solution facile à ce problème, mais le dialogue doit être amorcé. Nos politiques, pas simplement canadiennes, mais les politiques occidentales, doivent devenir justes et paraître justes dans cette région du monde.

    Il faut établir un rapprochement entre ces deux cultures. Le problème le plus grave qui se pose aujourd'hui est simplement que cet écart ne fait que croître. Les choses allaient beaucoup mieux avant, mais soudain, le fossé s'élargit. Comme le démontrent les chiffres que vous a présentés Sheema, c'est là le plus grave problème, et il faut absolument combler cette lacune. Cela ne sera possible que grâce au dialogue et à l'éducation, l'éducation encore et toujours.

  +-(1215)  

+-

    Mme Karen Redman: J'aimerais poursuivre dans la même veine et vous demander en fait dans quelle mesure l'autre camp veut connaître le Canada comme nation distincte plutôt que comme un membre de cette masse qu'on appelle le monde occidental?

    Je m'excuse de ne pas avoir été ici pour entendre en entier l'exposé de Mme Khan, mais j'ai noté avec beaucoup d'intérêt que vous avez signalé à juste titre d'ailleurs que lorsque les mesures prises par le Canada étaient différentes de celles des États-Unis, ces mesures ont été assez bien accueillies... À l'occasion nos décisions ont peut-être été attribuables à notre désir d'avoir une certaine sécurité et cela a eu un impact sur nos contacts avec les Américains en ce qui a trait au traitement des citoyens canadiens qui sont Canadiens par choix si ce n'est de naissance.

    Il faut que cette soif de connaissance existe également de l'autre côté. Je sais parfaitement que les États-Unis sont un pays distinct du Canada mais hélas souvent le reste du monde ne voit pas toujours les choses de cette façon. Je suppose que nous sommes souvent simplement identifiés dans la mesure où nous reflétons les valeurs américaines qui par définition deviennent les valeurs occidentales, mais il ne faut pas oublier qu'elles ne sont pas nécessairement les valeurs canadiennes.

+-

    Mme Sheema Khan: D'après ce rapport du Congrès, c'est la politique étrangère américaine qui a un impact sur les résidents du monde arabe et musulman. Nombre des personnes consultées ont dit « Nous aimons les Américains, mais nous n'aimons pas ce que fait le gouvernement américain ». Les gens ne sont pas stupides. Ils savent faire la distinction entre les qualités humaines d'un peuple et la politique de ses dirigeants.

    La même chose vaut pour le Canada dans la mesure où notre politique étrangère sera la première impression que nous projetons à l'étranger. Notre politique étrangère n'est pas interventionniste, `notre pays ne déclare pas de guerre et ne décide pas d'occuper des pays. Notre politique étrangère est beaucoup plus que ça... Je ne vais pas employer le qualificatif « bienveillante ». Je crois qu'il est très important d'intervenir pour aider la société civile à se rétablir, pour offrir de l'aide, pour offrir une infrastructure.

    Je me souviens d'avoir parlé à une amie qui faisait partie de la Commission des droits de la personne du Québec et qui se rendait en Indonésie pour aider ce pays à mettre sur pied sa propre commission. Je crois que notre corps judiciaire, nos juges, nos forces de l'ordre aident à constituer des structures civiles dans diverses régions du monde. C'est justement ce genre de choses qui a un impact sur la vie quotidienne des gens, sans faire les manchettes mais qui a un impact réel sur la population—la façon dont nous aidons ces gens à s'organiser, à instaurer la règle de droit et à contribuer à leur éducation.

    Une des grandes lacunes du monde musulman ce sont les établissements d'enseignement. Ils sont simplement les vestiges des institutions coloniales et devront être largement remaniés.

+-

    M. Raja Khouri: Monsieur le président, puisse-je vous raconter une anecdote? Ma femme travaillait à contrat pour l'UNESCO récemment au Liban. Elle a visité un camp de réfugiés palestiniens à Beyrouth et elle a dit qu'elle représentait l'UNESCO. On lui a réservé un accueil plutôt tiède. Lors de la discussion qui a suivie elle a précisé qu'elle était canadienne, alors tout a changé. Les gens étaient beaucoup plus réceptifs à ses suggestions et commentaires parce qu'elle était canadienne. L'ACDI est très appréciée dans ces camps de réfugiés. Tout le monde connaît les Canadiens, absolument tout le monde, et c'est fort utile.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons maintenant à M. Day et à M. Harvey, Mme Mcdonough, et la dernière question sera posée par Mme Carroll.

+-

    M. Stockwell Day: Je désire remercier nos témoins de leurs exposés.

    Je rentre d'un voyage ou j'ai visité quatre nations musulmanes, et je crois pouvoir parler au nom de mes collègues en disant que nous avons été très très bien accueillis. Ces gens sont très généreux. Nous avons beaucoup aimé notre voyage, même si nous avons été confrontés à un monde un peu différent.

    J'aimerais qu'un bon nombre des questions que vous avez soulevées figurent dans notre rapport, car je peux les appuyer sans équivoque. On abordera aussi évidemment d'autres sujets.

    Vous avez parlé d'un écart culturel. J'espère que vous ne croyez pas, ni les musulmans du monde entier, que l'ouest est à l'origine de ce problème. Je pense que cet écart culturel deviendra de plus en plus évident au fur et à mesure que nous en apprendrons plus long sur cet autre monde parce par exemple si vous allez en Arabie-Saoudite il existe une loi qui interdit aux femmes de conduire une voiture. Je ne pense pas que nous puissions exiger que ces choses ne changent—nous n'avons pas le droit de le faire—mais c'est quand même là un écart culturel.

    On nous a montré la place où cette année 50 personnes ont été décapitées. C'est la loi en Arabie-Saoudite. C'est un autre écart culturel. Nombre de groupes représentant les femmes en Égypte nous ont dit que 90 p. 100 des femmes égyptiennes ont subi une mutilation génitale. Cet un autre signe de cet écart culturel. Je ne dis pas que le Canada devrait envahir ce pays et changer cette pratique, mais plus nous deviendrons conscients des différences qui existent entre nos deux mondes, nous deviendrons conscients de l'écart culturel; nous faisons cependant tout ce que nous pouvons pour favoriser la tolérance de ces différences.

    Parlons tout d'abord de la condamnation des dictateurs alliés—je suis d'accord avec vous, nous avons été hypocrites; je crois que nous n'avons pas du tout été honnêtes. Compte tenu du fait que la majorité des 22 pays qui entourent la démocratie d'Israël sont gouvernés par un régime dictatorial au sens classique, devrions-nous condamner ces dictatures musulmanes ou arabes?

    De plus, pouvez-vous nous en dire un peu plus long pour la question des réfugiés? Au fil des ans, lorsqu'il y a eu des conflits dans votre région du monde, des terres en litige, un exode dramatique de réfugiés, le Canada et d'autres nations occidentales ont toujours dit qu'ils étaient prêts à accueillir, tout compte fait, des milliers et des milliers de réfugiés qui voulaient quitter les camps de réfugiés; d'autres pays occidentaux ont fait de même. Pourquoi les nations arabes n'ont-elles pas proposé la même chose dans le dossier palestinien? Nombre de ces pays sont riches, d'autres ne le sont pas, mais ils ne semblent pas prêts à faire la même offre aux réfugiés. Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre la situation?

    Pour ce qui est d'un appui à ben Laden, monsieur Khouri, je crois que vous serez confronté à un dilemme moral si vous condamnez les actes terroristes d'Oussama ben Laden mais pas ceux du groupe Hamas, par exemple. Vous vous heurterez à un problème. Nous condamnons tous les actes terroristes, la destruction délibérée d'innocents—des femmes, des enfants, et des non-combattants. Nous condamnons tous les actes de terrorisme. Toutes les situations ne sont pas les mêmes, mais je crois que vous aurez des problèmes. Ben Laden et ses disciplines jugent que leurs actes sont parfaitement légitimes; je ne suis pas d'accord. Nous condamnons tous les actes de terrorisme.

    J'aimerais connaître vos réflexions à ce sujet.

  +-(1220)  

+-

    Le président: Monsieur Khouri.

+-

    M. Raja Khouri: Je commencerai par votre dernier commentaire. Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas condamner les actes terroristes du groupe Hamas. Nous devrions, c'est vrai, condamner tous les actes terroristes. Je ne crois pas que chez les terroristes il y a les bons et les méchants.

    La distinction que j'ai faite touchait le contexte politique. Je crois que lorsque nous condamnons les actes terroristes du groupe Hamas, nous devrions étudier le contexte politique où tout cela se déroule, soit un mouvement de résistance contre l'occupation. Nombre de Palestiniens jugent que c'est là la seule façon de résister à cette occupation, et c'est regrettable. Les choses étaient bien différentes lorsque le processus de paix avançait.

    Quant aux réfugiés, il y a déjà nombre de réfugiés palestiniens au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Égypte et dans les pays avoisinants. On compte au Liban près de 400 000 réfugiés palestiniens, si je ne me trompe, et cela représente un lourd fardeau pour ce pays. Il existe dans ce pays un équilibre sectaire très délicat. Comme vous le savez, il y a eu une guerre civile au Liban qui a duré 17 ans, et les Palestiniens ont joué un rôle dans cette affaire. Il faut tenir compte de ces facteurs sociologiques. Ces pays accueillent des réfugiés palestiniens depuis 1948. Ce n'est pas nouveau.

    Aux yeux des gens de la région, la question la plus délicate, en ce qui a trait aux réfugiés, est celle du droit de retourner chez eux en Israël, et clairement cela a été un obstacle dans le processus de paix. Aux termes du droit international, les réfugiés ont le droit de retourner à l'endroit qu'ils ont dû quitter, et ce droit doit être reconnu. On ne sait pas combien décideront de retourner, et on pourra négocier du dédommagement qui leur sera accordé.

    L'ouest décrit souvent Israël comme étant la seule démocratie de la région. Israël est une démocratie si vous êtes juif. Ce n'est pas une démocratie si vous êtes israélien-arabe. Ces derniers devraient également pouvoir voter.

+-

    M. Stockwell Day: Je pensais qu'ils pouvaient voter.

+-

    M. Raja Khouri: Ils ont le droit de voter, mais ils vivent comme des citoyens de deuxième ordre. Ils n'ont pas accès aux mêmes sources de financement. Il existe un état de quasi apartheid dans ce pays. Vous parlez aux gens là-bas, et ils vous le disent. Les Palestiniens de Cisjordanie et de ces régions n'ont absolument aucun droit.

    Devons-nous simplement condamner les 22 pays arabes parce qu'ils ne sont pas des démocraties? Que voulons-nous accomplir? Si nous voulons les aider à parvenir à la démocratie, nous devons alors certainement reconnaître que ces gouvernements sont des dictatures, non pas des démocraties, et venir en aide aux habitants qui veulent changer le système.

    J'aimerais signaler que je ne voulais pas dire que nous avions créé l'écart culturel, ou que l'ouest l'avait fait. Ce n'est pas du tout ce que je voulais faire, je m'excuse si c'est là votre impression.

    Les femmes ne peuvent pas conduire en Arabie saoudite. Je ne pense pas que ce soit une question de culture. C'est une décision politique visant à opprimer d'autres membres de la société. Tout le monde est opprimé en Arabie saoudite, pas seulement les femmes—quoique les femmes sont plus souvent visées que les hommes. La mutilation génitale des femmes n'est pas nécessairement une coutume islamique; c'est simplement une tradition qui existe depuis très longtemps et...

  +-(1225)  

+-

    Le président: Madame Khan, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Sheema Khan: Oui, je serai brève.

    Monsieur Day, vous avez peut-être lu le rapport de la Commission Orr qui a été rendu public le mois dernier, où l' on critiquait vertement l'expérience « démocratique » des arabes israéliens, signalant qu'ils ne reçoivent pas les services ni ne sont traités comme devrait le faire une vraie démocratie envers tous ses citoyens.

    Deuxièmement il est question de l'écart culturel. Vous avez dit que les femmes ne conduisent pas. C'est un écart culturel qu'on retrouve dans nombre de pays musulmans. Ce problème ne se pose pas ailleurs.

    La mutilation génitale des femmes n'est pas une pratique islamique ou musulmane. C'est une pratique que l'on retrouve dans la région sub-saharienne, une pratique qui touche les chrétiens, les animistes et les musulmans, principalement dans la Corne de l'Afrique.

    Quant à la condamnation des dictatures entourant Israël, nation « démocratique », on ne semble pas s'inquiéter outre mesure de la présence de 400 000 Israéliens dans les colonies de peuplement dans la région de Gaza et en Cisjordanie, ce qui est tout à fait contraire à toutes les normes de droit international; votre parti n'en a certes pas parlé. Tout ce que l'on fait c'est condamner ce qu'ont fait les Palestiniens. Les Canadiens de descendance arabe israélienne aimeraient bien entendre l'opposition s'opposer aux injustices dont sont victimes les Palestiniens de la part du gouvernement israélien. L'Alliance ne défend qu'un des partis.

+-

    M. Stockwell Day: Précisons—et je n'ai aucun contrôle sur les reportages des médias, mais nous avons officiellement fait connaître notre position—nous voulons qu'il y ait un règlement issu de négociations pacifiques à ce problème de sorte que les Palestiniens et les Israéliens puissent vivre dans leur propre territoire en paix, en toute tranquillité dans un climat qui offre de réelles possibilités d'avenir.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Harvey.

+-

    M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Merci, monsieur le président. Je remercie nos deux témoins.

    Monsieur Khouri, j'ai eu l'occasion de lire votre texte. Pour notre part, en plus d'étudier de près certains problèmes, nous écoutons attentivement les propos de nombreux témoins. Or, dans votre texte, deux éléments ont retenu mon attention. D'abord, vous dites que les relations entre les peuples sont basées sur des images et des perceptions. Il s'agit là d'une déclaration importante. Ensuite, au chapitre des solutions, vous parlez d'une conférence internationale.

    Pourriez-vous nous parler des effets constructifs que pourrait avoir une conférence internationale dans le cadre de laquelle le gouvernement canadien pourrait jouer un rôle déterminant?

[Traduction]

+-

    M. Raja Khouri: La conférence internationale devait être le premier jalon d'un nouveau dialogue. Pour toutes les raisons que j'ai énoncées dans mon document, le Canada se trouve dans une position idéale pour se faire le chef de file de l'Occident dans ce qu'on pourrait appeler ce nouveau dialogue amélioré. La conférence serait un premier pas dans cette direction. Elle permettra non seulement aux représentants élus comme vous mais également aux universitaires, aux chercheurs, à la société civile canadienne—à des gens qui peuvent en fait jouer un rôle dans le développement de la démocratie et le respect des droits de la personne dans les pays musulmans et arabes—d'entrer en contact avec les gens de cette région. Ils pourront ainsi mieux comprendre ce que vivent ces gens et trouver de meilleures façons de les aider.

    Dans le domaine de l'aide internationale, nous avons tendance à dire : « Voici un million de dollars, et voici comment le dépenser », au lieu de demander à la population locale quels sont ses besoins et de l'aider à y répondre. C'est ce que nous permettra de faire une conférence internationale.

    Nous devons étudier les solutions offertes par les gens de la région. Ça nous permettra de rejoindre directement tous ces réformistes dans l'autre camp pour qu'ils nous disent comment nous pouvons les aider. Je crois que ça c'est le dialogue.

  +-(1230)  

[Français]

+-

    M. André Harvey: Si je comprends bien, la solution au malaise relié à la lutte contre le terrorisme n'est pas de source encyclopédique; il s'agit beaucoup plus de bonnes relations humaines et de contacts, ainsi que de la possibilité de s'exprimer et d'échanger.

[Traduction]

+-

    M. Raja Khouri: La meilleure façon de faire disparaître le terrorisme c'est de faire disparaître l'appui que lui accorde la population. Le terrorisme ne saura survivre longtemps en vase clos.

    Ce qu'il y a de tragique c'est que le terrorisme reçoit l'appui de la population. On le constate chez les Palestiniens dans la bande de Gaza, pour des raisons bien évidentes. On retrouve aussi ce soutien chez certains musulmans, pour les raisons que Sheema vous a données. Une politique étrangère juste, ainsi que des efforts visant à éliminer les problèmes sociaux qui poussent les gens à appuyer le terrorisme, sont les meilleures façons de lutter contre le terrorisme. Si nous ne nous attaquons pas aux sources mêmes du problème, il nous faudra continuer à emprisonner des gens jusqu'à la fin du monde.

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough, vous poserez la dernière question.

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, je ne sais pas si nos témoins ou mes collègues ont eu l'occasion de lire un rapport très intéressant publié dans le Globe and Mail d'aujourd'hui; on y dit que le chef d'état-major militaire israélien aurait dit que, et je cite « les politiques d'intransigeance actuelles à l'égard des Palestiniens allaient à l'encontre des intérêts stratégiques d'Israël » . Il signale que les restrictions générales en matière de déplacement et les couvre-feux imposés aux Palestiniens nuisent en fait à la sécurité d'Israël et ne font qu'accroître la haine d'Israël et renforcer les organisations terroristes.

    J'ai cité cet article pour deux raisons. J'ai visité le Moyen-Orient cette année, et j'ai noté, tout particulièrement en Palestine et en Israël, que les Juifs ou les Israéliens arabes qui soulèvent la question sont carrément condamnés. En fait, je ne crois pas être la seule personne qui ait soulevé le problème consciente du fait qu'on semble en fait créer des extrémistes et des terroristes, simplement en adoptant toutes ces mesures de répression... Très souvent ces commentaires suscitent une réaction fort défavorable même ici au Canada de la part des membres de la collectivité israélienne ou de la collectivité juive...

    Tout cela m'a amené à conclure qu'il nous faut absolument tout faire pour amorcer un dialogue ici au Canada pour au moins favoriser une discussion ouverte et franche entre les juifs, les musulmans, les chrétiens et les autres groupes confessionnels sur ce problème insoluble.

    Je sais, madame Khan, que vous avez dit en quelque sorte que le conflit Israël-Palestine révélera si la condition des pays musulmans parviendra à s'améliorer. Pouvez-vous me dire si grâce à vos organisations ou à diverses initiatives des communautés canado-arabes, canado-musulmanes, on a pu lancer ce genre de dialogue avec la communauté juive au Canada. Le gouvernement canadien pourrait-il faire quelque chose dans ce dossier? À titre de parlementaires, devrions-nous faire certaines choses pour essayer d'amorcer ce genre de dialogue?

    Je suppose qu'il y a à la fois le dialogue qui se déroule au sein d'une communauté particulière, entre les citoyens, et celui qui nous l'espérons se déroulerait à l'échelle nationale entre les leaders des communautés arabes, musulmanes, juives, chrétiennes, et j'en passe. Pouvez-vous nous dire ce qui se passe à cet égard, pouvez-vous nous parler des initiatives qui ont été lancées et des résultats qu'on en attend? Croyez-vous que la situation est encourageante? Les attentes sont-elles réalistes?

  +-(1235)  

+-

    Le président: Qui veut répondre?

    Madame Khan.

+-

    Mme Sheema Khan: Quant aux efforts qui sont faits dans ce secteur, je sais qu'il y a des dialogues à l'échelle locale entre les groupes musulmans et juifs. Le problème c'est que je crois qu'il faut des gens qui... Personne n'est vraiment objectif dans ce dossier, mais je crois qu'il y a des gens qui sont un peu plus calmes que d'autres. Comme vous l'avez dit, il est très important que les gens puissent... Les deux parties ont souffert, ceux qui sont juifs et qui défendent ardemment la cause d'Israël et il y a ceux évidemment qui défendent avec tout autant d'ardeur la cause des palestiniens. Il nous faut créer davantage, si je peux m'exprimer ainsi, « de groupes qui pourraient vraiment dialoguer. »

    Je ne peux pas parler au nom de la communauté juive, mais je sais qu'au sein de la communauté musulmane il y a deux camps très distincts quand on parle des bombes humaines. Il y a beaucoup de gens qui s'y opposent carrément et il y en a d'autres qui appuient cette pratique comme forme de résistance; il existe donc des divergences d'opinion au sein de la collectivité. Il en va de même pour l'Autorité palestinienne. Nombre de gens pensent qu'il s'agit d'une institution absolument corrompue, mais on se demande comment la remplacer?

    Je n'ai pas vraiment de solutions pratiques à offrir sur la façon de combler cet écart. Je conviens avec vous qu'il nous faut trouver une façon de rapprocher les gens, de créer des espaces neutres où vous ne serez pas accusés d'être antisémites ou islamophobes. Si on peut se défaire de toutes ces accusations et simplement dialoguer, tout d'abord pour entendre la douleur qu'ont vécue les autres...parce que si les gens reconnaissent que la perte d'un enfant, qu'il s'agisse d'un enfant palestinien ou israélien est une chose très douloureuse, on aura déjà un point commun. Ça pourra être le début de ce dialogue.

+-

    M. Raja Khouri: J'aimerais ajouter quelques petites choses, madame McDonough. Clairement, il n'y a pas de dialogue. Les choses allaient assez bien quand le processus de la paix avançait au Moyen-Orient. Il y avait beaucoup de dialogue ici à la même période. Je me souviens qu'après la signature de l'accord d'Oslo je voulais justement aller en discuter avec les Juifs.

    Malheureusement, la polarisation au Moyen-Orient a entraîné une certaine polarisation ici au Canada. Le fait qu'une organisation comme B'nai Brith, qui est reconnue au Canada comme étant une organisation qui défend les droits de la personne, ait tenu certains propos ou fait certaines choses qui n'ont fait qu'accroître la polarisation n'a certainement pas facilité les choses.

    Je vais vous en donner un exemple. Il y a environ un an, B'nai Brith a fait publier une annonce dans l'Ottawa Citizen dans laquelle on montrait un canado-arabe qui avait un passeport canadien et portait un T-shirt canadien avec une mitraillette et un guide sur le terrorisme sous le bras et on voyait à l'arrière-plan une mosquée. C'était pendant la campagne visant à interdire Hezbollah. Alors nous on regardait ça et on se disait oui mais pourquoi font-ils cela? Si on faisait la même chose en présentant le stéréotype d'un Juif dans une annonce d'une pleine page dans un journal, ça serait la fin du monde. Cela n'aide pas les choses. J'ai essayé de communiquer avec ce groupe à plusieurs reprises pour lui parler de ce genre de choses, mais rien à faire.

    Je crois que les Canadiens devraient envoyer un message à ces organisations pour leur dire que ce n'est pas la façon dont on fait les choses ici, que ce n'est pas acceptable.

    J'aimerais également signaler que la semaine dernière dans le Globe and Mail Shira Herzog signalait qu'il y avait un manque de dialogue au sein de la communauté juive sur ce qui se passait dans la région. La communauté ici, dans l'ensemble, se sent forcée d'appuyer Israël, peu importe les circonstances. Je crois que les canado-juifs ont tort d'agir de cette façon. S'ils amorcent ce dialogue, il sera ensuite plus simple pour eux et pour nous de dialoguer.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je désire remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer ce matin.

[Français]

Madame Khan, merci beaucoup. Je remercie également M. Khouri d'avoir comparu devant notre comité ce matin.

[Traduction]

+-

    M. Raja Khouri: Merci beaucoup.

[Français]

+-

    Le président: Cela a été grandement apprécié.

[Traduction]

    Soyez certains que nous vous ferons parvenir une copie de notre rapport dès qu'il sera disponible.

    J'aimerais signaler aux députés qui sont toujours dans la salle qu'aucun témoin n'est prévu pour la réunion de mardi prochain mais nous nous réunirons quand même. Nous discuterons alors du rapport sur les relations commerciales avec la région de l'Asie-Pacifique, préparé par le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Nous étudierons ce document.

    Je désire également vous signaler que l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a demandé à rencontrer le comité la semaine prochaine. Nous avons habituellement chaque automne une réunion organisée de concert avec le Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire mais ce dernier rencontrera ce groupe mercredi après-midi; je recommande donc aux députés intéressés de participer à cette réunion.

    Jeudi prochain, le professeur Noah Feldman, auteur de After Jihad, comparaîtra devant notre comité. De plus, le comité organisera peut-être une réunion spéciale, probablement mercredi si c'est possible, pour entendre le directeur de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine, M. Peter Hanson. Il s'agit toujours de notre étude des relations avec les pays musulmans.

    Je désire également vous signaler que le président et les membres du Comité parlementaire brésilien des affaires étrangères seront à Ottawa la semaine prochaine. Je vous demande votre aval s'il était nécessaire d'organiser un repas de travail pour qu'ils puissent nous rencontrer vu leur horaire.

    De plus, M. Bergeron du Bloc québécois m'a dit que M. Sampson sera peut-être au Canada la semaine prochaine. Cela n'a pas encore été confirmé. Nous verrons ce que le programme nous permet parce que nous ne savons pas ce qui se passera au Parlement, et les comités ne siégeront plus après vendredi prochain. Je voulais simplement vous signaler quels seraient nos travaux futurs. Nous aviserons selon les circonstances.

    Oui, madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président. Merci de nous avoir mis à jour sur ces questions. Je voudrais aborder deux sujets.

    J'ai bien distribué à tous les députés, par les bons offices du bureau du greffier, un avis de motion qui, j'espère, amènera le Comité des affaires étrangères à sommer le gouvernement du Canada de lancer une enquête publique indépendante dans l'affaire Maher Arar.

    Il est vraiment regrettable qu'en seulement une heure et quelques minutes après le début de cette réunion, nous ayons perdu le quorum. Je pense qu'à un moment donné nous...

+-

    Le président: Nous avons perdu le quorum pendant environ une demi-heure.

+-

    Mme Alexa McDonough: Alors nous avons perdu le quorum au bout d'une demi-heure. Il faut dire que ça me déçoit beaucoup, si l'on considère toutes les questions urgentes qu'étudie notre comité, sans parler du profond manque de respect, franchement, envers deux éminents chefs de la communauté arabe et musulmane au Canada.

    En tout cas, on ne peut évidemment pas étudier cette motion aujourd'hui, mais je voudrais vous aviser que je la présenterai lors de la prochaine réunion.

+-

    Le président: Pour que vous le saviez, mardi prochain, comme il n'y aura pas de témoins, nous pourrons étudier toutes les motions. Nous aurons plus de temps mardi prochain.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, je vous en remercie.

    Il y a une autre chose que je n'arrive pas à croire, et je voudrais vous demander, monsieur le président, si vous pouvez y faire quelque chose. Lors de la toute première réunion que nous avions tenue en tant que sous-comité, nous avions présenté un projet de travaux au comité principal que ce dernier a ensuite accepté, priant le ministre des Affaires étrangères de venir témoigner. La tradition veut absolument que le ministre des Affaires étrangères comparaisse. Il y a beaucoup de sujets de préoccupation. On en a reparlé à maintes reprises à propos de l'affaire Arar. Même s'il est sain et sauf au Canada après avoir subi les pires sévices pendant 374 jours, il n'en reste pas moins que nous devons entendre les explications du ministre des Affaires étrangères à propos de cette affaire et d'autres. Je veux savoir où en sont les demandes réitérées pour que le ministre des Affaires étrangères comparaisse devant le comité.

+-

    Le président: À ce sujet, je veux vous dire que hier, ou avant-hier, notre greffier a écrit une lettre au ministère pour savoir quand le ministre sera disponible pour comparaître devant le comité. Nous insistons pour qu'il essaie de venir.

    Mme Carroll est présente aujourd'hui. Elle va lui rappeler qu'il doit comparaître devant notre comité. C'est une obligation. Je suis d'accord avec vous.

  -(1245)  

+-

    M. Stockwell Day: Monsieur le président, j'abonde dans le sens de Mme McDonough.

-

    Le président: Merci beaucoup.

    C'est fini.

[Français]

La séance est levée.