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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 10 février 2003




¿ 0940
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.))
V         M. Charles Bosdet (À titre individuel)

¿ 0945

¿ 0950

¿ 0955
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Peggy Ann Bosdet (À titre individuel)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Peggy Ann Bosdet

À 1000
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne)

À 1005
V         M. Charles Bosdet

À 1010
V         Mme Peggy Ann Bosdet
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.)

À 1015
V         M. Charles Bosdet

À 1020
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)
V         M. Charles Bosdet
V         Mme Peggy Ann Bosdet
V         M. Charles Bosdet
V         Mme Peggy Ann Bosdet
V         M. Charles Bosdet
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Charles Bosdet
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

À 1025
V         M. Charles Bosdet
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Charles Bosdet
V         Mme Peggy Ann Bosdet

À 1030
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         Mme Peggy Ann Bosdet

À 1035
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Charles Bosdet
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Don Chapman (À titre individuel)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Don Chapman
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy

À 1045
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Don Chapman
V         M. Charles Bosdet
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Charles Bosdet
V         M. Don Chapman

À 1050
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Mark Fernando (À titre individuel)

À 1055
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Dick Smyth (vice-président, Nouvelle-Écosse, Manufacturiers et exportateurs du Canada)

Á 1100
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Mark Fernando
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Dick Smyth
V         Mme Diane Ablonczy

Á 1105
V         M. Dick Smyth
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Dick Smyth
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Dick Smyth
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

Á 1110
V         M. Yvon Charbonneau
V         M. Dick Smyth
V         M. Yvon Charbonneau
V         M. Dick Smyth
V         M. Yvon Charbonneau
V         M. Dick Smyth
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

Á 1115
V         M. Dick Smyth
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Dick Smyth
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Wendy Lill

Á 1120
V         M. Dick Smyth
V         Mme Wendy Lill
V         M. Mark Fernando
V         Mme Wendy Lill
V         M. Dick Smyth

Á 1125
V         Mme Wendy Lill
V         M. Dick Smyth
V         Mme Wendy Lill
V         M. Dick Smyth
V         Mme Wendy Lill
V         M. Dick Smyth
V         Mme Wendy Lill
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

Á 1130
V         M. Dick Smyth
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Dick Smyth
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 019 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 10 février 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0940)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): Mesdames et messieurs, les députés sont ici, les témoins également, nous allons donc commencer nos travaux. Nous sommes un petit peu en retard, mais nous essaierons de nous rattraper.

    Le comité de la Chambre des communes est très heureux que les témoins soient venus le rencontrer aujourd'hui.

    Je dois vous signaler qu'il existe un petit problème de langue. En effet, les règlements de comité stipulent souvent que tout document présenté à un comité doit l'être dans les deux langues officielles; cependant tous les députés ont convenu de faire une exception...nous accepterons donc votre document.

    Tous les comités de la Chambre essaient de collaborer dans la mesure du possible avec les témoins, mais il est préférable, cependant, que tous les documents soient déposés dans les deux langues officielles. Pour ceux dont la langue maternelle est le français comme pour ceux dont la langue maternelle est l'anglais, avoir les documents dans les deux langues officielles simplifie les choses.

    Il serait bon que vous teniez compte de cette situation la prochaine fois que vous aurez à comparaître devant un comité. Je sais que ce n'est pas toujours facile, mais nous vous en serions reconnaissants.

    Bienvenue. Nous vous remercions d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Je vais vous demander de nous présenter les points saillants de votre présentation, soit les questions les plus importantes que vous y abordez. Vous pouvez prendre à peu près 10 minutes pour le faire, puis les députés pourront vous poser des questions afin d'obtenir de plus amples renseignements.

    Vous avez la parole.

+-

    M. Charles Bosdet (À titre individuel): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de venir discuter de cette importante mesure législative sur la citoyenneté, le projet de loi C-18.

    J'appartiens à la cinquième génération de Canadiens dans ma famille; j'ai la citoyenneté américaine et je désire rentrer de Californie au Canada comme citoyen canadien, car je crois être citoyen canadien. J'ai une maison en Nouvelle-Écosse, région où mes ancêtres sont arrivés vers 1842.

    Vous avez un diagramme couleur que j'ai présenté comme pièce à l'appui— appelons ce document la pièce A—qui résume tout compte fait l'histoire de ma famille, qui a commencé en France.

    J'ai demandé une carte de citoyenneté au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en février 2001 et j'avais cru comprendre qu'il faudrait attendre de sept à douze semaines.

    Le gouvernement conteste ma demande disant que je ne suis plus canadien. Ce qui compte ici ce n'est pas simplement qu'on refuse de reconnaître ma citoyenneté canadienne et un droit que j'ai acquis en naissant, mais la façon dont on a fait les choses. Je suppose que je suis ici en partie parce que la façon dont on a fait les choses pourrait toucher d'autres personnes—en fait tous ceux qui sont dans cette salle.

    J'aimerais aborder deux questions, l'inéquité en ce qui a trait aux droits acquis de naissance et ce qui semble être la nature accusatoire des procédures touchant la citoyenneté.

    Le projet de loi C-18 ne corrige pas, et je crois que c'est délibéré, une omission plus qu'évidente de la Loi sur la citoyenneté de 1977, qui rendait cette loi non conforme à la Charte des droits, une omission qui est bien connue de CIC; il s'agit d'une omission qui touche les enfants nés entre 1947 et 1977 et dont les parents les ont amenés à l'extérieur du Canada, comme mes parents l'ont fait.

    Je laisserai le prochain témoin vous donner de plus amples détails sur cette question, mais le fait est, qu'en raison du problème, le projet de loi C-18 protège la citoyenneté de certains enfants tout en écartant d'autres enfants du revers de la main tout simplement.

    Je crois que ceux qui doivent se prononcer sur la citoyenneté des demandeurs n'essaient pas d'évaluer les raisons pour lesquelles vous êtes un citoyen, mais plutôt les raisons qui expliqueraient pourquoi vous n'êtes pas un citoyen. C'est une façon accusatoire de procéder qui serait plus justifiée dans les procédures d'immigration que dans les procédures qui visent à protéger les droits des citoyens.

    Permettez-moi de vous expliquer comment les choses se sont déroulées pour moi et vous pourrez décider si, vous aussi, vous pourriez vous retrouver dans la même situation, parce que ce n'est pas impossible.

    La Loi sur la citoyenneté de 1947 protégeait la citoyenneté des enfants mineurs dont le parent principal changeait sa citoyenneté sans changer celle de son enfant en même temps. Habituellement on jugeait que le parent principal était le père.

    Mon père est devenu citoyen mexicain sans changer ma citoyenneté au même moment. Ainsi, du point de vue de la citoyenneté, mon père est alors devenu un étranger qui ne pouvait pas plus tard répudier ma citoyenneté canadienne comme il l'a fait neuf ans plus tard lorsque lui et ma mère sont devenus citoyens américains.

    Cependant, au lieu de reconnaître cette situation assez simple, quoique les faits soient un peu plus compliqués, l'évaluatrice de ma demande de citoyenneté s'est donnée beaucoup de mal pendant quelque 18 mois pour refuser de reconnaître à plusieurs reprises ce droit. On m'a dit qu'elle était une évaluatrice d'expérience et très respectée du bureau de Sydney de CIC, où se trouvent tous les responsables de l'évaluation des demandes de citoyenneté, c'est ce qu'on m'a dit. Au début, je pensais qu'elle était simplement minutieuse.

    Il importe que vous compreniez bien que ce que je vais vous raconter s'est passé alors que le pupitre de l'évaluatrice était couvert de documents sur ma famille, documents provenant de gouvernements, en fait plus de 50 documents, en plus des traductions, comme les passeports mexicains et canadiens, les documents d'enregistrement comme citoyens britanniques, des cartes d'identité émises par le gouvernement, des documents d'enrôlement dans les Forces armées canadiennes, et toutes sortes de documents de ce genre. En fait, le cartable que j'ai en main contient tous les documents présentés à l'appui de ma demande de citoyenneté.

    Mon évaluatrice a commencé par dire que mon père était citoyen mexicain quand il était enfant, car son père canadien travaillait au Mexique, et que de cette façon j'aurais perdu automatiquement ma citoyenneté canadienne. Je lui ai expliqué que conformément à la Loi sur la citoyenneté du Mexique de 1917, quiconque né de parents étrangers ne pouvait devenir citoyen mexicain que lorsqu'il en présentait la demande une fois adulte. Il était évident que mon évaluatrice n'avait jamais vu ou lu la Loi sur la citoyenneté du Mexique qui était un document bien simple de deux pages.

¿  +-(0945)  

    Je pensais qu'elle s'y intéresserait simplement parce cela touchait son domaine. Pas du tout. Elle a commencé par rejeter mon explication, puis se tenant sur la défensive, elle m'a dit qu'elle faisait ce métier depuis très longtemps; elle a essayé d'écarter du revers de la main toute cette explication—tout au moins de façon temporaire—disant que peu importe, le Canada ne faisait pas la distinction entre nationalité et citoyenneté.

    Pour moi c'était très important. Cela déterminerait si j'étais citoyen ou pas, et elle essayait à tort d'interpréter une loi étrangère à mon détriment. Cela m'inquiétait de penser que cette évaluatrice principale avait peut-être imposé la citoyenneté mexicaine à des gens depuis des décennies alors que, conformément à la loi, même le gouvernement mexicain ne m'aurait pas accordé cette citoyenneté. Des dispositions sont prévues à cet égard dans la Constitution de ce pays et mon évaluatrice n'avait qu'à lire le document.

    J'aimerais signaler que je lui ai fait parvenir une traduction de cette constitution. C'était une des pièces présentées.

    Elle m'a demandé à plusieurs reprises d'obtenir une décision officielle du gouvernement mexicain quant à la citoyenneté de mon père. Un fonctionnaire mexicain—nous avons parlé à un si grand nombre d'entre eux que nous ne savions plus où nous en étions—m'a dit que ce gouvernement ne présente pas de décision officielle, mais qu'il essaierait de nous aider, une fois, évidemment, qu'ils auraient reçu une lettre du gouvernement canadien quant à la citoyenneté de mon père. Évidemment, le gouvernement du Canada n'allait pas envoyer cette lettre.

    Mon évaluatrice m'a demandé à plusieurs reprises une copie du certificat de naissance de mon grand-père, né en Nouvelle-Écosse, un document qui n'existe tout simplement pas parce que la Nouvelle-Écosse n'a pas d'archives sur les naissances ou les décès pour la période où mon père est né. Il s'agit d'une période d'environ 20 ans. Cela est indiqué en caractères gras sur le site du gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

    J'ai fait parvenir par fac-similé copie de cette page Internet à mon évaluatrice. Elle a demandé une lettre officielle du gouvernement de la Nouvelle-Écosse indiquant qu'il n'existait «aucun dossier» et a dit que ça lui permettrait alors d'étudier ce que CIC appelle des preuves «secondaires», comme le passeport canadien qui montrait que mon grand-père était un Canadien de la Nouvelle-Écosse.

    J'ai fourni cette lettre, mais mon évaluatrice n'a même pas étudié les autres éléments de preuve secondaires fournis par les gouvernements, des documents qui indiquaient bien que mon grand-père venait de la Nouvelle-Écosse. En passant, ces pièces d'identité venaient du gouvernement britannique et du gouvernement canadien.

    Plutôt, elle a dit qu'il n'y avait peut-être pas de certificat de naissance parce qu'il se pouvait fort bien que mon grand-père soit né ailleurs, comme à Pueblo, au Mexique. Elle m'a demandé de faire des recherches dans les archives de Pueblo, au Mexique pour voir si je pouvais retrouver son nom.

    Je ne savais même pas où se trouvait Pueblo, au Mexique, et j'ai immédiatement étudié l'arbre généalogique pour voir si un membre de ma famille avait même été dans cette ville—était peut-être né là-bas, avait travaillé là-bas, je ne sais pas—et je n'ai rien trouvé. Je ne sais pas où elle avait pris cette idée.

    Il y a déjà eu une colonie britannique à Pueblo. Je pense qu'il y a encore des ressortissants britanniques là-bas. Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle a posé la question.

    Puis elle a dit que peut-être mon grand-père était né au Mexique parce que mon arrière-grand-père, un ingénieur canadien, était mort dans ce pays. Elle fondait ces suppositions sur l'avis mexicain que j'avais fourni à CIC le jour même où j'avais présenté ma demande. Elle n'a cependant pas mentionné que sous son nom dans cet avis de décès on disait qu'il venait de la Nouvelle-Écosse.

    Elle a écarté du revers de la main la déclaration sous serment de mon père qui signalait avoir répudié sa citoyenneté canadienne en 1956, mais elle a demandé plus tard que mon père déclare sous serment où son père était né. Pourquoi quelqu'un refuserait-il de croire la déclaration sous serment d'une personne qui explique ce qu'elle a fait puis dire qu'elle serait prête à croire une déclaration sous serment de cette même personne pour un événement qui s'était passé des décennies avant sa naissance? Ce n'était tout simplement pas logique.

    Mon évaluatrice m'a demandé à plusieurs reprises que je produise les documents que mon grand-père avait dû présenter pour obtenir son passeport en 1936 et les documents que mon père avait dû présenter pour obtenir sa citoyenneté mexicaine en 1956.

    Les ambassades et consulats canadien, américain, britannique et mexicain m'ont dit ainsi qu'à ma femme—et nous avons appelé nombre de ces institutions, partout en Amérique du Nord et en Australie—qu'ils ne conservent simplement pas ce genre de documents. Ils inscrivent dans un dossier qu'un document a été émis et puis environ cinq ans plus tard ils détruisent les pièces à l'appui. Mon évaluatrice le savait sans aucun doute.

    En fait, tout ce qu'elle faisait pendant cette période c'était de déterrer des cadavres. Elle écartait du revers de la main des pièces et contestait les évaluations et décisions d'il y a 50, 60 et 80 ans, des décisions prises par les fonctionnaires britanniques, canadiens et américains. Elle le faisait sans aucune raison valable sans expliquer pourquoi elle écartait toutes ces pièces, et je suppose que c'est ce qui m'inquiète le plus.

¿  +-(0950)  

    Peu importe qui on est, comment peut-on avoir l'assurance de pouvoir conserver sa citoyenneté quand celle-ci, qui fait partie de notre identité, peut être rejetée, niée ou annulée? On m'a dépouillé de la citoyenneté à laquelle ma naissance me donnait droit. Pourquoi n'était-elle pas protégée? Qui s'occupe de faire respecter le droit à la la citoyenneté canadienne des enfants nés au Canada et qui ont perdu cette citoyenneté sans avoir fait quoi que ce soit? Comment le Canada peut-il souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants, comme il le fait sur le site Internet de CIC? Il souhaite la bienvenue à des immigrants qui n'ont jamais mis les pieds au Canada, mais il refuse d'accueillir ses propres enfants qui souhaitent rentrer au pays. Comment les autorités canadiennes peuvent-elles, sans rire, dire aux nouveaux arrivants que le Canada protégera leurs droits?

    En dernière instance, CIC a rejeté ma demande de citoyenneté pour deux raisons qui n'avaient rien à voir avec les preuves que j'avais présentées ni avec la loi. Le ministère n'a pas contesté les éléments de preuve et les dispositions de la loi. Permettez-moi de vous citer un extrait de la première lettre de rejet que j'ai reçue. Dans un premier temps, les fonctionnaires de CIC ont dit qu'il semblait que mon père avait acquis sa citoyenneté principalement pour faciliter son établissement aux États-Unis. Comme je n'y étais pas, je ne le sais pas, et je me demande comment les fonctionnaires de CIC pouvaient le savoir. Mais même si était, qu'est-ce que cela changerait?

    Ensuite, ils m'ont dit que rien dans leurs dossiers n'indiquait que mon père avait formellement répudié sa citoyenneté canadienne en 1956. J'en suis persuadé car, que je sache, mon père n'a jamais transmis de documents quels qu'ils soient et, du reste, on n'était pas tenu de signer une déclaration de répudiation avant 1977. Cette déclaration était prévue dans la loi de 1977, mais elle ne figure nulle part dans la loi de 1947.

    Enfin, voici ce qu'on m'a finalement écrit, après toutes ces démarches: «Nous ne pouvons statuer que vous n'avez pas perdu votre statut de citoyen canadien». Si je comprends bien le sens de cette phrase, cela revient à dire: comme nous ne savons pas si vous êtes ou non citoyen canadien, nous ne voulons pas nous prononcer.

    Existe-t-il un système de deux poids deux mesures au Canada en matière de justice? La Charte des droits et libertés ne s'applique-t-elle qu'à certains des fils et filles du Canada, comme on pourrait le croire à la lecture de la loi de 1977? Quel intérêt national le ministère de la Citoyenneté prétend-il protéger quand il déploie autant d'efforts pour empêcher des gens comme moi de revendiquer la citoyenneté canadienne à laquelle ils avaient droit de par leur naissance? Comme je l'ai déjà dit, je suis né au Canada de parents canadiens.

    La semaine dernière, le ministre de la Citoyenneté a déclaré que notre identité est ce qu'il y a de plus important pour chacun de nous. CIC ignore peut-être qui je suis, mais moi je le sais. Je suis un homme vaillant né au Manitoba qui n'a jamais tourné le dos au Canada, qui n'a jamais demandé la citoyenneté d'un autre pays et qui a vivement souffert quand sa famille a quitté le Canada en l'emportant avec elle. Ma femme le sait, mes plus proches amis le savent et maintenant vous aussi le savez.

    Je me suis accommodé de ma nouvelle vie à l'extérieur du pays et j'ai bien réussi. Maintenant, je suis prêt à revenir au pays et à faire profiter la collectivité où je m'installerai de mes connaissances et de mes compétences. Et je sais à quel point cette collectivité a besoin d'aide. Mes amis et clients américains savent tous d'où je viens et ils savent où j'ai l'intention de m'établir. Ils ne comprennent pas ma décision, mais ils la respectent parce qu'ils me respectent.

    Comment pourrait-on régler ce problème? Premièrement, le législateur pourrait corriger l'injustice de la Loi sur la citoyenneté de 1977 en ce qui concerne le droit à la citoyenneté canadienne des enfants nés au Canada. Il suffirait d'amender le projet de loi C-18 pour y inclure un bref paragraphe très simple tiré du projet de loi C-343, projet de loi d'initiative parlementaire présenté par M. John Reynolds. Ce paragraphe étend la protection prévue par la Loi actuelle sur la citoyenneté aux personnes nées à l'extérieur du Canada, comme mon plus jeune frère qui est né à Long Beach, en Californie, aux gens qui sont nés au Canada, comme moi-même. Je ne réclame que ce qui me revient de droit. Je réclame quelque chose qui, en mon for intérieur, m'a toujours appartenu. Je demande que l'on reconnaisse la personne que j'ai toujours été.

    Deuxièmement, le législateur pourrait émettre une directive législative à l'intention de CIC pour garantir que les personnes dans mon cas ne sont pas traitées comme des ennemis de la patrie lorsqu'elles demandent leur carte de citoyenneté.

    Je vous remercie.

¿  +-(0955)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, monsieur Bosdet.

    Peggy Ann, êtes-vous prête à continuer?

+-

    Mme Peggy Ann Bosdet (À titre individuel): Oui.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Si vous pouviez être un peu plus concise, je crois que cela nous aiderait. Nous avons tous votre documentation devant nous, et nous pouvons la lire, de sorte que si vous pouviez en faire ressortir les points importants, cela nous serait utile.

+-

    Mme Peggy Ann Bosdet: Exactement.

    J'aimerais que tout le monde lise ce qui se trouve au bas de la page 2, toute la page 3 et en haut de la page 4. Je ne le lirai pas. C'est une lettre que Charles m'a écrite.

    Nous sommes mariés depuis environ sept ans. Je tentais de comprendre pourquoi il se considérait toujours comme Canadien et il m'a écrit une lettre qui était personnelle. Une partie de cette lettre se trouve ici, et je vous invite à la lire. J'y ferai allusion, mais je ne lirai pas ces pages, et je pense que je pourrai terminer à temps. D'accord?

    Je m'appelle Peggy Ann Bosdet. Je ne suis pas Canadienne. Je vis en Californie avec mon mari, Charles, qui vient tout juste de s'adresser à vous, et je suis honorée de comparaître devant votre comité. Étant de l'extérieur, j'espère que j'apporterai une perspective différente à ce débat.

    Charles vous a parlé de la longue et vaine lutte qu'il a menée afin de retrouver le droit qu'il a acquis à la naissance et revenir au Canada. Charles est un ancien journaliste et rédacteur de journal, et il fait maintenant de la publication commerciale. Il peut certainement vous dire ce qu'il pense de la question, mais je voudrais que vous m'écoutiez ici avec votre coeur en tant que Canadiens et législateurs lorsque je vous parlerai de citoyenneté et de loyauté.

    Nous sommes au beau milieu d'un processus qui est un véritable cauchemar et qui se poursuit encore aujourd'hui. Les gens demandent: «Pourquoi continuer d'essayer? Pourquoi est-ce si important?» Eh bien, pour moi, c'est très simple: c'est important car c'est important pour mon mari. Mais pour Charles, la réponse à cette question est plus complexe.

    Si vous parlez à Charles, vous saurez immédiatement que vous vous adressez à une personne qui admire et aime ce pays et son peuple et qui leur fait confiance. J'ai lu de nombreux articles et débats sur ce qui constitue la citoyenneté canadienne, la fierté du pays et le sentiment d'appartenance.

    J'ai lu le témoignage d'un professeur devant le Parlement lorsqu'il a raconté combien il était difficile d'enseigner à vos étudiants le concept de citoyenneté et de déterminer ce qui fait qu'une personne a le sentiment d'être Canadienne. On devrait tout simplement demander à Charles d'en parler.

    Il y a quelques années, il a écrit cette lettre pour m'expliquer pourquoi il n'avait jamais abandonné le Canada sur le plan émotionnel. Combien j'aurais aimé lui dire en retour que le Canada ne l'avait jamais abandonné.

    Vous pouvez lire vous-mêmes cette lettre. Je vous demanderais cependant de ne pas oublier ce qu'il dit dans cette lettre lorsque vous pensez à l'exil des propres enfants du Canada. Le Canada approuve officiellement cette discrimination qui se poursuit, et rien n'a encore été écrit. Comme Charles l'a mentionné, M. John Reynolds a préparé un projet de loi qui corrigerait la situation, mais on ne semble pas y avoir accordé beaucoup d'attention.

    On dit souvent que les États-Unis tentent d'être les policiers du monde, mais que le Canada est la conscience du monde. Qui aurait si peu de conscience pour tout simplement oublier certains de ses enfants qui sont perdus quelque part dans le monde? Qui tournerait le dos à un enfant prodigue qui voudrait revenir chez lui? Et qui, lorsque cet enfant parti depuis longtemps veut rentrer au bercail rejetterait sa demande et l'empêcherait de revenir? Comment qualifier un pays qui abandonnerait ses enfants par milliers?

    Excusez-moi, je sais que je suis une étrangère ici. Je ne comprends pas et c'est pourquoi je suis ici. Vous acceptez presque tout le monde au Canada. Vous débattez des conséquences morales de l'expulsion de certaines personnes, de criminels de guerre nazis, la révocation de la citoyenneté pour les gens qui l'ont obtenue de façon frauduleuse.

    J'admire depuis longtemps le Canada et les Canadiens pour leur position sur les droits de la personne et les questions sociales, et j'ai toujours été impatiente de devenir membre de cette société, mais ces derniers temps, j'ai vraiment des doutes.

    Pourquoi le Canada ne protège-t-il pas ses propres enfants alors qu'il se fait le défenseur des droits d'autres personnes? Dans certains cas, le labyrinthe des lois sur la citoyenneté au Canada divise les enfants qui ont les mêmes parents: un enfant est un citoyen, sa soeur ne l'est pas; un frère l'est, l'autre ne l'est pas. Cela est absurde. Pourquoi certains enfants nés Canadiens ont-ils moins d'importance que d'autres?

    Le Canada a dépouillé de leur citoyenneté certains de ses enfants nés au Canada entre 1947 et 1977 pour des raisons qui seraient aujourd'hui inacceptables. Pourquoi sont-ils alors toujours exclus? Pourquoi la Charte ne s'applique-t-elle pas? Pourquoi ce problème n'a-t-il pas été résolu il y a des années? D'autres iniquités ont été corrigées; toutes ces iniquités concernant les femmes ont été résolues à trois différentes reprises. Et il y a maintenant une nouvelle exception en vertu du projet de loi C-18.

    Ce n'est pas que personne n'était au courant du problème. Je peux vous assurer que Don Chapman, que vous avez rencontré lorsqu'il a témoigné devant votre comité il y a deux semaines à Ottawa, a fait tout ce qu'il a pu pour raconter son histoire. Magali Castro-Gyr a porté l'affaire devant les tribunaux, et John Reynolds a déjà déposé une fois auparavant un projet de loi d'initiative parlementaire, mais rien n'a été fait.

    Le ministre Coderre a été interviewé à la télévision il y a deux semaines après ces audiences à Ottawa. Il a dit au journaliste qu'il n'allait pas aborder cette question sauf au cas par cas.

    En tant que membres dirigeants de ce pays, comment ne pouvez-vous ne pas être furieux lorsque le ministre Coderre dit avoir le dernier mot au sujet de ce groupe de personnes? Accepteriez-vous cette discrimination de la part du gouvernement si elle était dirigée contre toute autre minorité?

    Le Parlement doit ordonner à CIC de faire quelque chose immédiatement pour remédier à ce problème.

    Je ne crois pas un instant que le ministre Coderre rendra une décision en faveur d'une de ces personnes. On a déjà refusé d'examiner le dossier de mon mari. Pourquoi? Nous croyons que c'est tout simplement parce que c'est la politique.

    Le Canada permet aux enfants Benner de ce monde, qui sont des enfants nés à l'extérieur du Canada de mères canadiennes, de demander la citoyenneté, même s'ils ont des antécédents criminels. On a accordé la citoyenneté à M. Benner, un criminel, parce qu'il est né à l'extérieur du Canada d'une femme canadienne. La citoyenneté a été refusée à un homme honnête parce qu'il est né au Canada d'une mère canadienne.

À  +-(1000)  

    Y a-t-il quelqu'un ici qui trouve cela logique? Est-ce vraiment dans l'intérêt supérieur du Canada?

    Contrairement à M. Benner, mon mari n'est pas un criminel. Il a la cote de sécurité secret. Il est très respecté dans son domaine. De nombreux pays seraient très heureux qu'il vienne s'installer chez eux, mais le Canada, sa mère patrie, ne l'est pas.

    En conclusion, je voudrais tout simplement vous raconter une histoire. Au cours de la première année qu'il a passée en Californie lorsqu'il était enfant, lorsqu'il avait le mal du pays, Charles prenait un grand pavillon rouge de la marine marchande cousu main—c'était le drapeau à l'époque—qu'il avait apporté avec lui de Winnipeg et le regardait pour se sentir rassuré.

    À l'occasion de son premier 4 juillet aux États-Unis, ses parents l'ont amené voir une parade. Lorsqu'une fanfare est passée à côté de lui, Charles a sorti son drapeau de sa manche et l'a agité. Son père était mortifié. Il ne trouvait pas cela drôle du tout et il s'est fâché contre Charles. Charles a toujours le drapeau. Il le gardera toujours. Ce drapeau était pour lui une source de réconfort lorsque, enfant, il se sentait seul et loin de son pays.

    Au cours de ce voyage, je suis arrivée avant Charles à Halifax. Je voulais lui faire la surprise. Depuis des années il rêve de revenir comme citoyen, non pas comme visiteur, de porter sa petite épingle en forme de feuille d'érable. Cela ne s'est pas réalisé. Lorsque je suis allée le chercher à l'aéroport, je l'ai accueilli avec le vieux drapeau fané. Lorsqu'il est descendu de l'avion, je l'ai agité le plus haut possible. Il était gêné, mais il était heureux, vraiment heureux.

    En conclusion, si Don Chapman, Magali Castro-Gyr et Charles Bosdet ne sont pas canadiens, alors qu'est-ce qu'un Canadien exactement? Si ces trois exemples de nos enfants perdus n'étaient pas suffisamment loyaux, alors qui l'était? Si ces trois personnes ne sont pas assez bonnes, qui l'est? Si ces trois n'ont pas suffisamment fait de sacrifices sur le plan financier, émotionnel et en temps, alors qui en a fait? Si ces trois n'ont pas le courage, la force et la volonté de continuer leur lutte pour tous les enfants perdus du Canada, le Canada laisserait-il cette injustice se poursuivre à tout jamais?

    Maintenant que vous êtes au courant de cette situation, vous ne pouvez pas laisser les choses se poursuivre ainsi. Je vous supplie d'inclure les enfants perdus nés au Canada dans votre projet de loi et de leur redonner leur identité. Permettez à ceux qui le souhaitent de rentrer au pays, en tant que Canadiens, tout comme ils l'étaient lorsqu'on les a fait sortir du pays.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci à tous les deux pour vos exposés. Nous vous en savons gré.

    Diane, voulez-vous commencer à poser des questions?

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Oui. Merci, monsieur le président.

    Je voudrais moi aussi vous remercier, Peggy, pour votre éloquente intervention devant notre comité aujourd'hui. J'ose dire qu'il y a très peu de Canadiens qui aient écrit une lettre aussi poignante que celle que Charles a écrite, en ce sens qu'ils n'ont jamais eu les difficultés que vous avez eues. Toute la situation, telle que vous la décrivez, donne un tout nouveau sens à ce qu'on appelle un cauchemar bureaucratique.

    Je crois, monsieur le président, que c'est un cas typique. C'est tout particulièrement une nouvelle façon de refiler la responsabilité. De revenir en arrière et de laisser le Mexique prouver que la citoyenneté n'a pas été accordée est en quelque sorte intéressant.

    Je pense, cependant, que le point le plus révélateur dont vous nous avez parlé aujourd'hui est le fait que l'identité est la chose la plus importante dans nos vies. Notre ministre de l'Immigration l'a souligné devant notre comité la semaine dernière. C'est ce qu'ont dit également Magali Castro-Gyr et Don Chapman lorsqu'ils ont témoigné devant notre comité.

    Je trouve intéressant que le Canada accorde automatiquement la citoyenneté aux enfants nés à l'extérieur du Canada de parents canadiens, mais ne l'accorde pas automatiquement aux enfants nés au Canada de parents canadiens qui veulent garder cette citoyenneté. À mon avis, le principe qui devrait nous guider, c'est que l'on ne devrait dépouiller personne de sa citoyenneté, sauf si cette personne décide elle-même d'y renoncer ou a commis des actes qui justifient que l'on révoque son droit à la citoyenneté canadienne.

    Vous n'avez fait ni l'un ni l'autre, Charles. Ma question est donc la suivante: J'aimerais que vous me fassiez part de vos observations sur deux choses. Le ministre, en réponse à cette situation, a laissé entendre que l'affaire serait réglée au cas par cas. Pourquoi cela ne serait-il pas approprié puisque chaque cas est en quelque sorte différent? Vous avez certains rapports avec le Mexique que d'autres, dirions-nous, n'ont pas.

    J'ai une deuxième question à vous poser. À votre avis, y aurait-il des désavantages à ce que le Canada fasse ce que vous proposez? En d'autres termes, inclure dans cette nouvelle loi sur la citoyenneté une disposition qui rectifie le régime qui était en place au cours de ces années, et selon lequel lorsqu'un parent renonçait à sa citoyenneté, cela touchait automatiquement à la citoyenneté de ses enfants. Il semblerait qu'environ 10 000 enfants soient touchés par cette disposition.

    Pouvez-vous nous expliquer en quoi consisterait le problème si nous recommandions une telle disposition?

À  +-(1005)  

+-

    M. Charles Bosdet: Étendre la citoyenneté à la période comprise entre 1947 et 1977... appelons-les les «enfants perdus» pour faciliter notre discussion.

    D'abord, pour ce qui est du cas par cas, je ne pense pas que la Charte des droits et libertés, qui reprend les valeurs qui nous tiennent à coeur, ait été rédigée pour que la citoyenneté puisse être attribuée, tel un prix, en fonction de circonstances particulières. Je ne pense pas que la Charte ait été conçue dans cet esprit-là...

    Excusez-moi, mais il s'agit d'un sujet délicat.

    Je ne pense pas qu'on ait voulu attribuer les droits à un groupe entier de personnes au cas par cas. Je ne sais pas quelle est la source des problèmes de la loi de 1977, ni pourquoi on a décidé qu'il serait plus facile pour mon frère cadet, par exemple, que pour moi de redevenir citoyen canadien. Je pense que cela montre que le système n'attrape pas tout. Pourquoi certaines personnes qui sont nées à l'étranger auraient-elles droit à la citoyenneté alors que d'autres personnes, qui sont pourtant nées au Canada...?C'est tout à fait illogique.

    Toutes les personnes avec qui nous avons pu nous entretenir à l'échelle du Canada nous ont indiqué qu'il s'agissait là d'une situation très bizarre. En fait, on pense en général que si on est né au Canada, on est Canadien pour le restant de ses jours. C'est un véritable choc que de découvrir que ce n'est pas le cas. Dans le cas de Magali Castro-Gyr, c'était d'autant plus bouleversant qu'elle l'a découvert relativement tard et qu'elle ne s'y attendait pas du tout. Si je me souviens bien, elle a fait une demande pour ses enfants et a reçu une lettre lui apprenant que, comme elle n'était pas citoyenne, ce n'était pas la peine d'entreprendre les démarches pour ses enfants. Que s'est-il produit exactement?

    Au cas par cas... prenons mon exemple. Mon dossier est passé par tous les niveaux. Quelles sont les données qu'il faut présenter pour que les évaluateurs attribuent la citoyenneté, jusqu'où faut-il aller? Mon classeur contient une quantité invraisemblable de documents. À la pièce B figurent la liste de ces documents ainsi que leur contenu.

    En plus d'être très long et très frustrant, le traitement au cas par cas n'offre pas de garantie même quand les preuves sont irréfutables. J'ai bien peur que dans mon cas, la décision n'ait pas été fondée sur les preuves. Les conclusions dans la lettre de refus n'étaient pas fondées sur les preuves. Les justifications avancées étaient discutables, mais les demandeurs de cartes de citoyenneté sont dans une position d'infériorité et facilement mis à l'écart.

    On m'a dit que bien des personnes auraient abandonné avant d'en arriver là et, qu'effectivement, nombreux sont ceux qui ont abandonné l'idée de retrouver leur citoyenneté. Ce sont des avocats, des parlementaires qui tiennent ces propos.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Peggy Ann Bosdet: J'aimerais me prononcer sur le traitement au cas par cas.

    S'il existe un groupe de personnes qui ne bénéficient pas d'un droit dont jouissent les autres, il est illogique de penser qu'on peut traiter les membres de ce groupe individuellement, en disant «vous, ça va, mais vous, vous n'êtes pas à la hauteur». Je pense que nous approuvons tous le système d'attribution de cotes de sécurité. C'est logique dans le contexte actuel. Je sais que ça n'a pas toujours entré en ligne de compte lors des processus de réparation visant les autres enfants, mais à notre époque, ça ne pose aucun problème. Ce qui est problématique, par contre, c'est que si on est un candidat admissible à l'immigration, alors son dossier se retrouve derrière tous les autres et il faut attendre pendant des années.

    Pour ce qui est de Charles, les employés de CIC lui ont dit qu'il n'avait jamais perdu sa citoyenneté en raison du «problème mexicain». Nos consultations avec des avocats et nos propres recherches semblaient le confirmer. Par conséquent, au lieu de faire une demande d'immigration, nous avons entrepris des démarches pour obtenir une carte de citoyenneté. On nous a dit de procéder ainsi, que ça permettrait de confirmer ou d'infirmer la perte de citoyenneté. Charles ne l'a pas mentionné, mais au bout d'un moment on a retiré le dossier à l'évaluatrice de Sydney car elle ne cessait de demander des documents comme l'extrait de naissance manquant de la Nouvelle-Écosse. D'après les autorités de cette province, ce document n'existe pas.

    Il a fallu qu'un sénateur, un député, un ancien greffier de la citoyenneté et un ancien premier ministre écrivent une lettre au ministre Coderre soutenant la cause de Charles. On a retiré le dossier à l'évaluatrice pour l'attribuer à une employée du bureau de M. Coderre, à Ottawa. On lui avait donné cinq jours pour passer en revue les preuves et décider si Charles était effectivement toujours citoyen canadien.

    C'est moi qui lui ai parlé au téléphone la première fois, et je me souviens clairement de notre conversation. Elle était prête à trancher et à décider que Charles n'était plus citoyen canadien, mais l'évaluatrice ne lui avait envoyé qu'environ un tiers des preuves. On a discuté au téléphone pendant quelques heures et je lui ai faxé environ 100 pages du document en plus de la correspondance que ne lui avait pas envoyée l'évaluatrice de Sydney. Après cinq jours et de nombreuses conversations téléphoniques, elle a décidé que Charles n'avait en fait jamais perdu sa citoyenneté.

    La décision a été posée sur le bureau du ministre Coderre, dont un des assistants, ayant pris connaissance de la décision, a cru bon de tenir une réunion pour déterminer si Charles était effectivement citoyen canadien. Il a donc fallu qu'on patiente pendant quelques semaines, en attendant la réunion du comité. On ne sait pas exactement ce qui s'est passé lors de cette réunion, on sait seulement que cinq personnes étaient présentes. Puis, la femme qui avait étudié le dossier à Ottawa nous a envoyé une lettre nous indiquant qu'elle était vraiment désolée—je pense qu'elle était sincère parce que c'est elle qui avait décidé que Charles n'avait jamais perdu sa citoyenneté. Elle nous a indiqué que le comité avait tranché en notre défaveur et que la prochaine étape, ce serait le recours au tribunal.

    On aurait pu se présenter devant un tribunal. Mais il nous aurait été alors interdit de faire une demande d'immigration. Je ne sais pas si c'est vrai, les avocats ne nous n'ont pas donné de réponse claire. Ça fait maintenant près de trois ans qu'il essaye de retourner dans sa patrie, et où en sommes-nous? Notre dossier d'immigration a rejoint les autres dossiers dans la file d'attente parce que nous attendions que soit résolue la question de citoyenneté et les deux ne sont pas traités en même temps. Nous allons devoir attendre encore au moins deux ans avant que le dossier d'immigration soit traité.

    À la lumière de cette expérience, je dois dire que je m'oppose au traitement au cas par cas parce que c'est un peu comme si on demandait à une personne de décider: Cette personne est admissible, mais cette autre personne, on n'en veut pas.

    La même raison explique le fait que ces quatre personnes ne soient pas canadiennes alors pourquoi serait-il acceptable d'agir de la sorte? C'est tout à fait illogique.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, madame Bosdet.

    À vous, Yvon.

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, j'ai été très touché par les témoignages de M. et Mme Bosdet; nous n'entendons pas souvent ce genre de choses au cours des audiences de comités parlementaires. Il s'agit là d'un exemple de difficultés personnelles que les gens peuvent rencontrer face à l'administration.

    Je voudrais savoir s'il n'y a pas une forme d'appel à laquelle ils pourraient recourir en vertu de procédures reliées non pas à l'immigration mais à la citoyenneté. Cette possibilité n'existe-t-elle pas à l'heure actuelle?

À  +-(1015)  

[Traduction]

+-

    M. Charles Bosdet: Si, elle existe, et je me fonde, pour l'affirmer, sur les manuels des politiques de CIC. Nous avons lu le manuel des politiques de la citoyenneté à quelques reprises. En théorie, du moins, le jugement sur une demande de citoyenneté est rendu par un juge de la citoyenneté qui évalue le dossier en fonction du résumé rédigé par l'évaluateur.

    Le danger, à ce niveau, c'est que le requérant dépend de l'évaluateur. J'essaye d'étudier mes dossiers aussi objectivement que possible, et j'affirme que la procédure se déroule sans véritable explication. Il semble que le système se soit emballé et pourtant, c'est le résumé de mon dossier par l'évaluateur qui va être soumis au juge de la citoyenneté.

    À ma connaissance, le juge ne reçoit pas l'intégralité du dossier. Il ne reçoit le dossier que si quelque chose pique son intérêt et qu'il décide de le demander. Il peut rendre sa décision au pied levé, sur la base du résumé et, selon la façon dont les faits sont présentés, ce résumé sera ou non objectif.

    Quand mon dossier est arrivé à Ottawa, nous avons eu nettement l'impression que le coup de téléphone de l'évaluatrice d'Ottawa serait une intervention de pure forme et qu'en cinq minutes, elle allait aligner quelques arguments avant de décider que la citoyenneté n'existait plus. Mais petit à petit, nous avons constaté qu'elle ignorait l'existence de plusieurs documents essentiels. Elle a dit: «Attendez un instant; je ne connais pas ceci ni cela. Renseignez-moi». Nous l'avons donc renseignée. Une chose en amenant une autre, j'ai fini par lui envoyer cette photocopie. C'est ce que le service de Sydney n'avait pas transmis.

    Comment un droit acquis à la naissance peut-il se retrouver à la merci d'une telle procédure? Cela me semble injuste et dangereux. Je trouve aussi que cela coûte très cher. Évidemment, il existe un recours devant les tribunaux. L'affaire pourrait se retrouver devant la Cour fédérale, mais pourquoi faut-il qu'il en soit ainsi? Est-ce tout simplement parce que, à n'importe quel niveau, un bureaucrate peut rejeter un élément de preuve provenant du gouvernement pour lequel il travaille?

    Tout cela me sidère. Cela veut dire que le même bureaucrate pourrait revenir devant les membres de ce groupe, et décider que le passeport canadien de l'un de vos ancêtres n'était pas en bonne et due forme et que par conséquent, votre citoyenneté est contestable. Je ne vois pas qui peut dormir tranquille dans un tel système, et c'est pourtant le nôtre. Le problème, c'est que personne n'en parle. Il est mal connu, même s'il n'est pas nouveau.

    Je connais bien le cas de Magali Castro-Gyr. Peut-être ne vous l'a-t-on jamais dit, mais lorsque les procureurs de la Couronne sont arrivés aux premiers jours d'audience, ils se sont excusés de leur présence et ont déclaré qu'ils avaient recommandé que la citoyenneté de la requérante soit reconnue, mais qu'on leur avait ordonné de saisir la justice. Peut-on trouver cela juste? J'en doute. Je ne connais pas tous les faits, mais je connais trois des personnes qui étaient présentes dans la salle d'audience lorsque les procureurs de la Couronne se sont excusés et ils ont affirmé qu'ils ne savaient pas pourquoi on leur avait ordonné de porter l'affaire en justice.

    Je ne veux pas aller devant les tribunaux. Quelqu'un de CIC m'a dit que j'avais un dossier gagnant et que je devais porter l'affaire en justice. Pourquoi? ai-je répondu. Pourquoi faut-il que j'aille en justice? Je me bats pour obtenir un retour. J'ai tout simplement demandé une carte de citoyenneté.

    Les dispositions de la Loi sur la citoyenneté de 1947 sont très claires et si je ne suis pas admissible, je me demande qui peut l'être. La procédure d'appel existe; il y a plusieurs possibilités. Pourquoi toutes ces actions en justice? Toutes ces affaires disparaîtraient si les enfants perdus nés avant 1977 étaient considérés comme ceux qui sont nés après. On éviterait tous ces appels.

À  +-(1020)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour, Charles; bonjour, Peggy Ann.

    J'ai plusieurs questions à poser, mais avant de le faire, j'aimerais vous parler d'un cas qui s'inscrit dans la réalité de la citoyenneté. Il y a actuellement au Québec des parents haïtiens qui n'ont pas obtenu la citoyenneté canadienne. Ils sont arrivés au Canada, plus particulièrement au Québec, avec de jeunes enfants et ils étaient convaincus que leurs jeunes enfants avaient acquis le statut de Canadiens. Or, ce n'était pas le cas; il aurait fallu pour cela qu'ils fassent une demande de citoyenneté. Au Canada, on ne donne pas la citoyenneté automatiquement aux enfants. C'est un geste à caractère volontaire.

    Vous êtes nés au Canada, mais vos parents sont partis pour un autre pays, ce qui était entièrement leur droit, selon moi. Vous voulez revenir mais, d'une certaine façon, vous êtes jugés indésirables.

    Lorsque vos parents ont demandé la citoyenneté américaine, ou mexicaine, les enfants sont-ils devenus automatiquement mexicains ou américains, ou a-t-il été nécessaire de faire une demande de citoyenneté?

[Traduction]

+-

    M. Charles Bosdet: Quand mon père a changé de citoyenneté en 1956, il n'avait pas présenté de demande et, selon la loi mexicaine, je n'acquérais pas automatiquement la citoyenneté. De la façon dont je comprends les lois canadiennes, je n'aurais pas changé de citoyenneté quand il a effectué ce changement.

+-

    Mme Peggy Ann Bosdet: Ta mère non plus.

+-

    M. Charles Bosdet: Ma mère est demeurée canadienne, tout comme mon frère et moi.

    Aux États-Unis—mes parents ont acquis la citoyenneté américaine en 1965—il faut présenter une demande dans le cas des enfants. Les enfants n'acquièrent pas automatiquement la citoyenneté. Les parents obtiennent ce qu'on appelle un certificat de naturalisation, et s'ils font la demande pour vous en même temps ou à peu près à la même époque, les enfants reçoivent ce qu'on appelle un certificat de citoyenneté s'il s'agit de mineurs. Je crois que s'ils ont atteint l'âge adulte, ils obtiennent une certificat de naturalisation.

    Selon la loi de 1947 quand le père changeait de citoyenneté, celle des enfants ne changeait pas automatiquement, et c'est pourquoi il y a dans la loi de 1947 cette disposition sur la perte automatique de citoyenneté. Il y est dit que si votre parent—ce pourrait être votre mère si elle était veuve, divorcée, ou avait un autre statut—changeait de citoyenneté sans modifier celle de l'enfant, alors l'enfant a, en droit, survécu à la première occasion de perdre sa citoyenneté et, de ce fait, ne peut pas la perdre par après.

    En ce qui me concerne—cela peut paraître un peu étrange, mais c'est ce que dispose la loi—mon père est devenu un étranger, et dans l'intérêt du Canada, cette disposition de 1947 dispose qu'un étranger ne peut pas priver un de nos citoyens de sa citoyenneté.

+-

    Mme Peggy Ann Bosdet: C'était neuf ans plus tard.

+-

    M. Charles Bosdet: Ai-je répondu à votre question?

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui.

    J'ai une deuxième question. Certains États, notamment la Belgique, ne reconnaissent pas la double citoyenneté. Un Belge qui vient au Canada et qui devient citoyen canadien perd sa citoyenneté belge. S'il veut récupérer cette dernière, il peut le faire seulement en renonçant à sa citoyenneté canadienne. La loi belge est ainsi faite.

    Par contre, sauf erreur, je crois que les Américains autorisent la double citoyenneté. Est-ce exact?

[Traduction]

+-

    M. Charles Bosdet: C'est le cas maintenant, oui.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Croyez-vous que l'attitude un peu méfiante qu'on note dans l'intervention de M. Coderre--dont vous nous avez fait mention, Peggy Ann, mais que je n'ai pas lue--est reliée au 11 septembre?

    On peut penser, par exemple, à des actes terroristes qui ont été commis aux États-Unis avant le 11 septembre par des gens nés aux États-Unis ou y vivant depuis fort longtemps. À votre avis, le fait de favoriser cette approche de cas par cas plutôt que d'envisager d'inclure dans la loi une disposition s'appliquant à une partie de population peut-elle expliquer ce comportement?

À  +-(1025)  

[Traduction]

+-

    M. Charles Bosdet: Non, parce que tout ce que j'ai dit dans mon témoignage s'est produit bien avant le 11 septembre.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, bien sûr, mais M. Coderre est devenu ministre après le 11 septembre, et en outre, le regard qu'on porte sur les événements a changé, qu'on le veuille ou non. Si on avait étudié C-18 en 1999, on aurait peut-être senti moins de résistance.

    Pour ma part, je crois qu'on devrait réfléchir très sérieusement avant d'adopter une position qui va dans le sens de ce que vous demandez. On a eu l'occasion d'entendre des témoignages qui nous ont laissés plutôt surpris. Bref, on va devoir travailler fort.

[Traduction]

+-

    M. Charles Bosdet: Je comprends que cela pourrait poser un problème. L'après-11 septembre pose un problème. La seule chose que fera le gouvernement dans les cas d'immigration, c'est de procéder à une vérification de sécurité. On le fait pour les immigrants, pour les anciens patriotes de retour, peu importe, et ça ne pose pas du tout de problème. Rien ne les empêche de le faire.

    Je ne pense pas du tout que le 11 septembre ait quoi que ce soit à voir dans mon cas.

    Né de parents canadiens au Canada... ils ne savaient rien à mon sujet. Ils ne savaient pas que j'avais occupé un poste de confiance au gouvernement américain, j'avais une autorisation de sécurité pour effectuer un certain travail. Personne ne s'est donné la peine de me poser de questions, non plus. En fait, c'est renversant le nombre de questions qu'on ne m'a pas posées.

    Pourtant on se sent libre, sans rien savoir du tout de la personne, d'y aller et de décider si cette personne pose ou non un risque pour la sécurité. Ça n'a aucun sens à mes yeux.

+-

    Mme Peggy Ann Bosdet: Puis-je ajouter quelque chose aussi à ce propos?

    Je pense que cela n'a rien à voir. S'ils avaient dit: «Eh bien, obtenez une autorisation de sécurité, au plus haut niveau possible», je pense que tous ceux que je connais qui veulent revenir auraient dit: «D'accord, nous sommes d'accord. C'est raisonnable.»

    Alors, non, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense qu'ils ont une autre raison pour ne pas vouloir changer cette loi.

    Voici un petit exemple qui montre bien, je pense, un autre problème de documentation que nous avons eu, mis à part l'acte de naissance du grand-père de Charles, et c'était le certificat de mariage de son grand-père. Après avoir constaté que son père et son grand-père étaient en réalité canadiens—ils ont finalement cédé, son grand-père était né en Nouvelle-Écosse—elle a alors essayé de nier la citoyenneté canadienne de son père en jetant un doute sur la légalité du mariage de ses grands-parents, et par conséquent, a posé la question de savoir si son père était un enfant légitime ou non?

    Eh bien, nous avions toutes sortes de documents dont ils disposaient. C'est aussi ridicule que cela. C'est pourquoi je ne pense pas que cela ait quelque chose à voir avec le 11 septembre. Nous avions déjà des documents et des certificats de décès où il était fait mention de sa femme, de son mari, de sa femme, de son mari, et nous avions envoyé le certificat de mariage religieux qui datait, il me semble, de 1887. L'évaluatrice a insisté pour que nous trouvions le certificat de mariage civil. Nous avions déjà eu assez de mal à trouver le certificat de mariage religieux. Quelqu'un de la parenté à Vancouver l'avait toujours, Dieu merci. Nous avons dû trouver le certificat de mariage civil de l'époque pour prouver qu'ils étaient bel et bien mariés, et cela a pris pas mal de temps.

    Je me demande comment vous vous sentiriez si soudainement quelqu'un venait vous dire: «Vous avez demandé un passeport. Je vais avoir besoin du certificat de mariage civil de vos grands-parents pour prouver que vous êtes effectivement un Canadien, parce que peut-être vous ne l'êtes pas.» C'est absurde.

    Le 11 septembre n'est qu'un prétexte, je dirais. Effectuez une vérification de sécurité et inscrivez cette exigence dans la loi. Ce serait raisonnable.

À  +-(1030)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Wendy.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci. Je suis ravie d'avoir pu entendre ce que vous aviez à nous dire. Je remplace aujourd'hui Mme Judy Wasylycia-Leis, députée néo-démocrate qui siège à ce comité.

    Je ne prétends pas m'y connaître autant que les autres sur cette question. Néanmoins, en tant que députée, il m'arrive souvent à mon bureau de rencontrer des gens qui viennent demander de l'aide pour leurs dossiers au ministère de l'Immigration; ils ne ressemblent pas à celui-ci, mais ils sont tout aussi renversants quant aux allégations qu'on semble faire et qui semblent aller à l'encontre de cette nouvelle loi de l'immigration.

    Cette loi est censée donner le ton, être accueillante, présenter la vision de ce qu'est le Canada. Elle devrait être hospitalière, inclusive. Nous avons besoin d'immigrants au Canada. Nous n'avons certainement pas la population qu'il faut pour répondre à nos besoins à moins que nous ne joignions le geste à la parole et nous montrions ouverts envers les immigrants.

    Cela dit, ce n'est pas ce qui se passe en ce moment, puisque Charles est un Canadien. Il est né ici, et il a, que je sache, tout lieu de penser pouvoir revenir ici compte tenu de tout ce qui a été discuté aujourd'hui.

    J'aimerais, Peggy, que vous nous parliez du sujet abordé auparavant. J'aimerais savoir qu'est-ce que cela coûte de ne pas laisser ces enfants perdus entrer maintenant dans notre pays? Je veux dire par là les coûts financiers, culturels et sociaux qu'il nous faudra payer à moins que nous changions cette politique pour permettre aux enfants perdus de revenir dans leur pays.

    Peut-être pourriez-vous nous parler de certaines des choses que vous m'avez dites avant que ne commence la séance.

+-

    Mme Peggy Ann Bosdet: Oui, c'est une bonne question.

    Nous avons une théorie, à ce propos, soit que si le gouvernement ne veut pas réparer cette iniquité qui subsiste dans cette loi, c'est qu'il en redoute le coût. Il craint que ces enfants nés entre 1947 et 1977 veulent revenir et profiter du système—profiter de soins de santé gratuits, bénéficier de toutes les prestations qu'on peut obtenir ici.

    Je soutiens, comme Charles et tous ceux que nous connaissons dans cette situation, qu'on doit se trouver dans une certaine situation, à moins de simplement se contenter de vivre dans la rue par exemple, pour vouloir revenir au Canada. Cela coûte très cher de changer de pays. Cela coûte très cher de déplacer son entreprise. Charles a une entreprise très florissante en Californie. Il avait l'intention de l'implanter dans une région très défavorisée de la Nouvelle-Écosse, où il aurait eu des employés et aurait fait de l'argent. Curieusement, son entreprise s'occupe de projets d'entreprise. Il est un spécialiste de ces projets et effectue de la recherche de nouveaux contrats d'affaires pour des petites et des grandes sociétés. Certainement que la Nouvelle-Écosse, entre toutes les provinces, pourrait bénéficier d'un peu d'aide à ce sujet.

    Je pense que le coût est bien supérieur à celui qu'on peut imaginer. Ça finit presque par me déranger quand j'y pense. Comparativement à ce qu'ils craignent que nous fassions—dépendre des services médicaux ou autres, je ne sais quoi—ils perdent des possibilités d'emploi, au moins dans ce cas-là. Ils renoncent ainsi à nos dollars; ils renoncent ainsi aux impôts que nous pourrions payer.

    J'écris des livres. Or on m'a appris que je ne suis pas autorisée à publier mon prochain ouvrage chez un éditeur canadien. Je l'ai appris quand je me suis présentée aux douanes, parce que j'avais un petit ordinateur avec moi et qu'ils voulaient savoir, puisque je n'étais pas résidente, si j'allais faire du travail ici. J'ai dit que j'étais en train d'écrire un livre, parce que c'est ainsi que je gagne ma vie. L'homme m'a demandé qui allait le publier. J'ai dit que ma maison d'édition se trouvait aux États-Unis. Il a répondu: «C'est bien. Je suppose que vous pouvez écrire ici, puisque vous possédez une maison et que nous ne pouvons pas vous empêcher d'écrire, mais vous ne pouvez pas faire publier ce livre ici.» Je lui ai demandé: «Savez-vous qui fait de l'argent? Pensez-vous que c'est l'auteur? C'est la maison d'édition qui fait de l'argent.»

    Avec mon dernier livre, ma maison d'édition aux États-Unis a fait 500 000 $ de profits au moins. Est-ce qu'il ne serait pas au fond beaucoup plus sensé de dire: «Bon sang, venez avec votre mari. Il va implanter son entreprise; vous allez écrire. Faites appel à une maison d'édition canadienne». Mes lecteurs vont acheter les livres, peu importe la maison d'édition.

    Voilà le genre de bêtises auxquelles nous faisons face. Quand on parle de laisser entrer des gens et de la peur suscitée par le 11 septembre, rappelez-vous ce qu'ils ont cherché à savoir au sujet de Charles. Ils ne savent même pas comment il gagne sa vie. Ils se sont interrogés sur son père, son grand-père, son arrière-grand-père, les bulletins scolaires de son grand-père. Si la suite du 11 septembre les préoccupe, pourquoi est-ce qu'ils n'examinent pas eux-mêmes la situation de la personne? Est-ce un terroriste? A-t-il eu des démêlés? Est-ce un criminel? A-t-il un dossier criminel? Y a-t-il des raisons de ne pas le laisser entrer? Peut-être qu'il y a toutes sortes de raisons pour le laisser entrer.

    Ce que je dis, c'est que les gens qui veulent revenir ont à en payer le coût financier et aussi le coût émotif parce qu'ils quittent le pays où ils ont vécu, par exemple. Vous ne pouvez pas imaginer la quantité d'argent que nous aurions probablement dépensé ici en Nouvelle-Écosse pendant toute cette affaire. En supposant que nous soyons deux ou trois cents, combien d'argent cela ferait-il, quel apport cela aurait-il représenté pour l'économie? Cela n'a aucun sens. L'aspect financier est finalement assez futile. Mais surtout, pensez simplement aux conséquences qu'il y a à rejeter des gens sans même savoir qui on rejette. Ça n'a aucun sens.

À  +-(1035)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Charles et Peggy.

    Je crois que tous les membres du comité reconnaissent les efforts que vous faites pour nous présenter votre situation. Vous avez mentionné le fait que Don Chapman et Magali Castro-Gyr ont fait des exposés la semaine dernière, et il est bien certain que le comité a pris ces exposés très au sérieux. Nous devons examiner attentivement ce qui se fait et essayer de proposer une solution répondant aux besoins de tous les Canadiens et de tous les enfants nés de parents canadiens pour qu'ils soient traités équitablement. C'est bien sûr ce qu'ont dit tous les membres du comité la semaine dernière, et les membres ici présents réaffirment cette opinion aujourd'hui. Nous devons poursuivre notre travail et tenter d'en arriver à une solution.

    Évidemment, votre témoignage sera très attentivement pris en compte et examiné au cours de nos délibérations finales. Nous vous remercions de tout ce que vous avez fait pour venir présenter votre point de vue et nous vous félicitons du grand effort que vous avez fait pour vous assurer que votre point de vue soit bien présenté, non seulement au comité mais aussi à la population canadienne.

    Merci beaucoup.

+-

    M. Charles Bosdet: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard) Je pense que le prochain témoin est attendu pour 11 heures. Nous avons un peu d'avance. Si vous le voulez nous pouvons faire une pause de 10 minutes, puis revenir et entendre ensuite les prochains témoins.

À  +-(1038)  


À  +-(1040)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Don, nous vous accordons de cinq à dix minutes pour que vous puissiez présenter l'information que vous voulez nous livrer. Tâchez d'être aussi précis que possible. Merci.

+-

    M. Don Chapman (À titre individuel): Merci. Pour répondre à votre question, je n'aime pas trop faire cela, parce que ça ne concerne pas l'argent. Vous avez posé une question sur ce que nous avons à offrir au Canada.

    Hier, à Antigonish, en Nouvelle-Écosse, je suis allé me recueillir sur la tombe de mes arrière-grands-parents, de mes arrière-arrière-grands-parents, et de mes arrière-arrière-arrière-grands-parents. Mon arrière-arrière-grand-père était le cofondateur de la St. Francis Xavier University. Un autre de mes arrière-grands-pères a fondé l'Université de Toronto.

    Je dirige une fondation caritative qui redistribue en dons des millions de dollars. Le Canada en a souvent bénéficié. J'ai des lettres du chancelier de l'Université de Toronto, du recteur de l'Université de Toronto, de l'ancien recteur de l'Université de Toronto, et du recteur de l'Université de la Colombie-Britannique.

    J'ai pris la parole au comité il y a 10 ou 15 jours. Je suis souvent allé en Colombie-Britannique et j'ai remis des bourses d'étude à de nombreux Canadiens. Il y a partout au Canada des gens qui vont à l'école parce que ma famille leur a assuré des bourses d'étude. Nous n'avons pas tourné le dos au Canada.

    Il y a la chaire Chapman en sciences cliniques à la Faculté de chirurgie dentaire de l'Université de Toronto. Il y a le Chapman Learning Commons, et un don de 2 millions de dollars a été versé à l'Université de la Colombie-Britannique. L'Université de Toronto a reçu 1,5 million de dollars.

    Ce n'est que le début. J'ai ici en main des lettres de Canadiens qui demandent des dons. Pour la toute première fois cette année, j'ai répondu non.

    Le Canada m'a tourné le dos. C'est incroyable. Ma tante a été la première femme d'affaires au Canada.

    M. Pickard vient des alentours de London, en Ontario. Mon oncle était le président du conseil d'administration du plus gros employeur de cette ville il y a des années.

    Je pourrais vous en parler longuement. Nous donnons plus que nous ne prenons. Tous ceux que je connais qui sont dans cette situation ne viennent pas ici pour l'argent. Cela me coûtera beaucoup plus cher. Nous venons ici parce que nous sommes canadiens.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Don. Nous vous en remercions. Compte tenu du témoignage que vous aviez présenté au comité à Ottawa, nous apprécions d'autant plus les efforts que vous avez faits.

    Je suis certain que la présidence vous a alors indiqué que c'était une question qui préoccupait sérieusement tous les membres du comité. Nous allons l'examiner.

+-

    M. Don Chapman: Cela dit, j'ai été écarté, tout comme M. Bosdet. Je me suis soumis à tout ce qu'on m'a demandé. Je suis allé de ministre en ministre. Ce supplice dure depuis 30 ans. J'ai été rejeté à chacune des étapes.

    Cela n' a rien à voir avec le 11 septembre, non plus, j'ai demandé une vérification de sécurité aux États-Unis. Je ne peux pas entrer parce qu'on ne veut pas de moi.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Oui, Diane.

+-

    Mme Diane Ablonczy: J'aimerais faire un commentaire qui sera peut-être utile. Comme vous le savez, le comité s'est déplacé l'année dernière pour visiter les missions canadiennes à l'étranger, et j'étais de ceux qui se sont rendus en Asie. Nos fonctionnaires à l'étranger nous ont dit qu'en raison du nombre de demandes, ils doivent prendre quelque 100 décisions ou même plus à tous les jours, soit décider si on acceptera les demandes ou pas. Ces décisions sont prises très rapidement, après un examen superficiel des documents fournis.

    Je suis simplement renversée du temps et des efforts consacrés à la demande présentée par Charles. Cette dame a dû prendre des mois pour passer en revue tous... un peu comme un avocat de Philadelphie. Peut-être vos grands-parents n'étaient-ils pas mariés... Voyons! Il me semble que ce n'est clairement pas là une utilisation appropriée et judicieuse du temps ou des ressources.

    Si nous réglions le problème, je ne crois pas qu'un très grand nombre de gens demanderaient à récupérer leur citoyenneté canadienne ou à être reconnus comme canadiens. Je crois qu'ils ne seraient pas plus nombreux. Par exemple, le gouvernement américain dit à ceux qui sont devenus citoyens canadiens entre 1947 et 1977, vous êtes allés au Canada, vous êtes devenus citoyens canadiens, vous avez répudié votre citoyenneté américaine, mais si vous le désirez vous pouvez présenter une demande et récupérer votre citoyenneté américaine et avoir une double citoyenneté. Je connais cependant beaucoup de gens qui ont décidé de ne pas le faire.

    Je crois donc qu'un nombre limité de gens demanderaient à être reconnus à nouveau comme citoyens canadiens; je ne pense pas qu'il y aurait des milliers et des milliers de gens qui, du jour au lendemain, revendiqueraient la citoyenneté canadienne si nous améliorions la loi en corrigeant le problème. Même s'ils le faisaient, je suis convaincue que compte tenu du temps et des efforts qu'on a consacrés au ministère pour rejeter la demande de Charles, on trouverait certainement des ressources pour étudier les demandes de ceux qui profiteraient de la modification apportée à la loi.

À  +-(1045)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Il existe clairement bon nombre de problèmes. Pourquoi une catégorie de gens doit-elle avoir une approbation personnelle? La question a été soulevée très clairement et je crois que Charles y a répondu. Don et d'autres témoins ont également abordé la question.

    De plus, il existe un certain illogisme en ce qui a trait au sort de celui qui est d'origine canadienne, qui a des parents canadiens, soit la mère ou le père. Pour être honnête, pourquoi est-ce la nationalité du père qui devrait décider de tout. Ce n'est pas un principe canadien, mais je suppose que c'est la façon dont on a fait les choses par le passé.

    De plus, lorsque vous êtes né à l'étranger de parents canadiens, pourquoi devriez-vous être traité d'une façon différente de ceux qui sont nés au Canada?

    Il y a toute une kyrielle de questions. Lorsqu'on étudie les appels et décisions, il faut se demander comment les évaluer. Je crois que Charles et Peggy ont posé ces questions très clairement aujourd'hui.

    Il y a donc beaucoup de choses que le comité doit étudier en détail afin d'expliquer pourquoi les choses se passent de cette façon et de trouver les modifications qui devraient être apportées pour que le système soit plus équitable. Je crois que c'est question fort importante. Nous vous remercions d'être venus nous faire part de la situation; le comité s'intéresse vivement à la question.

+-

    M. Don Chapman: Merci beaucoup.

+-

    M. Charles Bosdet: Puis-je ajouter quelque chose au commentaire qu'a fait Mme Ablonczy?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): D'accord.

+-

    M. Charles Bosdet: On a parlé de ce qu'il pourrait en coûter pour réadmettre des gens, mais je vous affirme qu'il y a aussi des coûts de l'autre côté. Je suis travailleur autonome et je surveille toujours le temps qui passe, car c'est ce temps que je vends à mes clients. D'après mes estimations, les démarches que j'ai décrites ce matin nous ont coûté plusieurs milliers de dollars d'investissement en recherche de documents et en conversation avec des fonctionnaires des différents gouvernements pour essayer de trouver à qui parler. C'est une interminable litanie. Disons simplement que cette affaire nous a déjà coûté très cher.

    Ce n'est pas comme si la décision avait été prise selon l'inspiration du moment. En définitive, nous nous sommes retrouvés avec une décision prise, à mon avis, en dépit du bon sens. On a vérifié les coches inscrites dans les différentes cases et je ne vois vraiment pas ce qu'il faut pour répondre aux exigences du système.

    Certains s'inquiètent de ce que coûte la reconnaissance de la citoyenneté. Je tiens à signaler publiquement que ce ne sont pas les seuls coûts à prendre en compte.

+-

    M. Don Chapman: Une dernière chose. J'ai voyagé dans le monde entier; je suis pilote de ligne. Je n'ai jamais rencontré de clochards canadiens à l'étranger. Les Canadiens peuvent en être très fiers. Ils se débrouillent bien dans le monde entier.

    Merci.

À  +-(1050)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci à tous.

    Nous avons encore des témoins. Mesdames et messieurs, nous accueillons Mark Fernando, qui va nous présenter un exposé. Dick Smyth, vice-président de la division de Nouvelle-Écosse de l'Association canadienne des manufacturiers et exportateurs, devrait arriver plus tard; nous l'inviterons à s'installer et à prendre la suite.

    Merci beaucoup de votre présence, Mark. Nous sommes heureux que vous soyez venu présenter votre point de vue au comité. Je vous cède la parole en vous demandant de nous donner un bref aperçu de votre point de vue. La plupart des sujets pourront sans doute être évoqués à l'occasion des questions des membres du comité.

    Soyez le bienvenu, Mark; nous vous écoutons.

+-

    M. Mark Fernando (À titre individuel): Je m'appelle Mark Fernando. Je vous remercie de m'accueillir. Je tiens en particulier à remercier mon député, Peter Stoffer, et ses collaborateurs, qui m'ont informé de cet événement.

    Je m'occupe d'établissement des immigrants depuis une dizaine d'années. Je suis moi-même immigrant. Je suis arrivé au Canada il y a 14 ans et depuis, j'ai acquis une certaine expérience en aidant de nouveaux immigrants à obtenir leur accréditation professionnelle; j'ai aussi fait notamment, à l'occasion, de la traduction pour eux. Lorsque j'ai appris que le comité allait tenir cette audience, j'ai pensé qu'il pouvait être intéressant d'y aborder divers sujets.

    En ce qui concerne le programme des candidats provinciaux, lorsque de nouveaux immigrants qualifiés arrivent en tant que candidats d'une province, est-ce qu'ils peuvent travailler dans le même domaine que...? Par exemple, nous connaissons tous plusieurs immigrants qualifiés qui arrivent au Canada et qui, bien qu'ayant leur diplôme d'ingénieur, de mécanicien ou de comptable, se retrouvent à faire le ménage, la vaisselle ou à conduire un taxi. Dans la situation où nous sommes, il n'est pas souhaitable qu'un cuisinier fasse la vaisselle ni qu'un soudeur devienne manoeuvre. Y a-t-il des mécanismes de reconnaissance des titres de compétence et de la capacité professionnelle? Dans certains domaines d'activités, des compétences professionnelles sont exigées, et pas dans d'autres. Qui surveille tout cela?

    J'ai rencontré des cas de nouveaux venus qui connaissaient des problèmes avec leurs employeurs, qui ne respectent pas toujours les normes de sécurité, la réglementation du travail et la législation sur les droits de la personne. Par ailleurs, lorsque vous sélectionnez des requérants, est-ce que vous tenez compte de la représentation des deux sexes et des minorités? Est-ce qu'il existe un contrôle dans ces domaines? De quel soutien peuvent bénéficier les candidats des provinces et les membres de leurs familles en matière de formation linguistique, d'établissement, de scolarisation, etc.?

    Comme je n'ai que cinq minutes, je vais m'en tenir à ces sujets, qui me préoccupent.

À  +-(1055)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je crois que M. Smyth est arrivé. Monsieur Smyth, nous sommes un peu en avance et si cela vous convient, vous pourrez présenter un bref exposé aux membres du comité, puis nous passerons aux questions. Si vous voulez, allez-y. Sinon, nous pourrions poser quelques questions avant de vous donner la parole.

+-

    M. Dick Smyth (vice-président, Nouvelle-Écosse, Manufacturiers et exportateurs du Canada): Je suis vice-président de la branche de Nouvelle-Écosse des Manufacturiers et exportateurs du Canada. La première page de notre mémoire vous présente notre association. Il s'agit d'un organisme national, qui n'est pas présent dans toutes les provinces. Mais nous sommes représentés notamment au Manitoba. Ici, en Nouvelle-Écosse, nous comptons environ 105 membres, dont certains de dimension locale, et d'autres de dimension nationale.

    Il y a deux ou trois ans, nous avons reconsidéré toute la question de l'immigration du point de vue des compétences. C'est pourquoi j'ai ajouté cet autre document, qui présente les résultats de notre sondage annuel. On voit que nous avons besoin de personnel qualifié. C'est pourquoi le Programme des candidats de la province est très utile à nos membres, car il leur permet d'obtenir des travailleurs qualifiés grâce à l'immigration.

    Actuellement, le vieillissement des gens de métier pose un problème à un grand nombre de nos membres. La moyenne d'âge est d'environ 50 ou 55 ans et ces travailleurs devront être remplacés d'ici quelques années. Les remplaçants devront venir des collèges communautaires, non seulement de Nouvelle-Écosse, mais aussi des autres provinces canadiennes. On pourrait aussi aller les chercher à l'étranger, et certains de nos membres se rendent régulièrement au Royaume-Uni et dans d'autres pays pour trouver des travailleurs qualifiés.

    Le Programme des candidats de la province offre une solution pour trouver des travailleurs dont l'industrie a besoin. Nous avons des emplois pour les 10 ou 20 prochaines années. Il s'agit d'attirer des travailleurs qualifiés dans notre province.

    L'étude présentée dans notre mémoire résulte d'un travail collectif, car nous collaborons avec la Metropolitan Immigrant Settlement Association depuis une dizaine d'années, ainsi qu'avec la Chambre de commerce, et de cette collaboration résultent ce document ainsi que deux autres documents qui devraient vous être communiqués d'ici quelques jours.

    Je passe maintenant à nos recommandations.

    Tout d'abord, nous avons demandé qu'on organise une réunion des parties intéressées afin d'arrêter la meilleure politique d'immigration pour la Nouvelle-Écosse. Ce forum s'est tenu pendant un an et demi, puis il s'est terminé. Nous essayons de reconstituer le groupe, car il réunissait des personnes qui s'occupent d'établissements, des immigrants, des représentants de l'industrie et divers autres groupes, ainsi qu'un certain nombre de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Nous attendons par conséquent la reconstitution de ce groupe, qui est une sorte de conseil de l'immigration de la province.

    Ensuite, nous demandons l'adoption d'une politique qui inciterait les nouveaux venus à s'établir ici et qui inciterait également les entreprises à leur donner de l'emploi. Il va falloir attendre les résultats du Programme des candidats de la province, auquel nous pourrons collaborer.

    Nous avons présenté également une recommandation concernant la responsabilité de l'immigration, qui devrait être confiée à un seul ministère provincial. Actuellement, elle relève de deux ministères. Et à ma connaissance, au sein de l'un de ces ministères, la responsabilité est séparée entre plusieurs services, ce qui n'est pas très pratique. Il serait préférable qu'un seul ministère soit responsable de tout, c'est-à-dire des immigrants, des travailleurs qualifiés et des contacts avec les entreprises.

    Nous avons aussi analysé les compétences professionnelles dont les entreprises de Nouvelle-Écosse auront besoin au cours des prochaines années. Nous avons fait cette étude il y a quelques années, en collaboration avec un collège communautaire. Cette étude est échue. Il faudrait la mener de nouveau. Je crois savoir qu'un nouveau service du ministère de l'Éducation a promis de mener un sondage pour déterminer le nombre d'ajusteurs, de machinistes et autres ouvriers spécialisés dont nous aurons besoin au cours des cinq ou dix prochaines années.

    Évidemment, il faut une procédure de sélection des immigrants. Le Programme des candidats de la province a été signé en août dernier. Malheureusement, dans notre province, on a confié à une seule personne l'élaboration des procédures d'application du programme. Je crois qu'ils sont 40 au Manitoba. D'après ce que me dit mon homologue de Winnipeg, les fonctionnaires manitobains ont beaucoup mieux réussi.

Á  +-(1100)  

    En gros, je demanderais au comité de faire pression sur les gouvernements provinciaux. Je sais qu'il n'aimeront pas ça, mais une entente a été signée relativement au Programme des candidats de la province, alors pourquoi ne pas aller de l'avant? Il a fallu deux ans et demi d'effort pour conclure et signer cette entente, mais combien de temps faudra-t-il encore attendre avant qu'on la mette en oeuvre? La situation est sur le point devenir critique.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie de votre exposé et je vous remercie particulièrement d'avoir fait preuve de concision et d'être passé directement aux recommandations.

    Diane, voulez-vous poser la première question?

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie d'être venu nous faire part de vos opinions, monsieur  Fernando.

    Pourriez-vous résumer ce que nous devrions faire à votre avis pour aplanir les difficultés que vous avez décrites?

+-

    M. Mark Fernando: Tout d'abord, vous pourriez transmettre nos préoccupations à vos homologues provinciaux et aussi mettre sur pied un organisme ou un mécanisme de contrôle chargé de veiller au respect des normes de sécurité, des règlements du travail et des droits de la personne.

    À l'heure actuelle, un employeur qui a commis des infractions aux règles de sécurité ou aux normes du travail est encore autorisé à embaucher. Qui va assurer une surveillance à cet égard? En ce moment, je l'ignore. Un intervenant quelconque, le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral ou un organisme indépendant se penche peut-être sur cette question. Une personne, un établissement ou une organisation pourrait peut-être se renseigner sur la façon de procéder et recueillir l'information pertinente.

    Je pense que cela pourrait se faire assez facilement avec le ministère du Travail de la Nouvelle-Écosse, avec le ministère de l'Éducation et le gouvernement provincial.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, tous les membres du comité sont au courant des énormes difficultés liées à la reconnaissance des titres de compétence et à l'octroi aux immigrants de documents les autorisant à exercer leur métier ou leur profession au Canada. Le comité presse depuis un certain temps les organismes compétents d'agir à cet égard, et votre comparution devant nous aujourd'hui fait ressortir la nécessité de remédier à ce problème.

    Monsieur Smyth, votre association a-t-elle également constaté des difficultés de cet ordre? Je sais que certains des employeurs que vous représentez essaient parfois de choisir des employés et de les faire venir au Canada pour qu'ils puissent occuper un emploi précis. La reconnaissance des titres et des attestations de compétence a-t-elle posé des problèmes?

+-

    M. Dick Smyth: Oui, en effet. C'est un peu plus facile pour les membres des professions libérales, parce que certaines associations professionnelles, notamment celle des ingénieurs, font plus d'efforts maintenant et reviennent sur certaines de leurs décisions. Cependant, pour les gens de métier ou les travailleurs qualifiés, cela reste difficile. Je pense qu'on a mis sur pied au ministère de l'Éducation un nouveau service qui s'occupe des questions de compétence et d'apprentissage et qui se penche sur la reconnaissance des titres de compétence. Mais qui sait combien de temps il faudra attendre—six mois, un an ou même deux ans—pour que l'on remédie au problème?

+-

    Mme Diane Ablonczy: Qui sait, en effet?

    J'ai rencontré des fonctionnaires de Nouvelle-Écosse qui m'ont parlé du Programme des candidats de la province et je peux confirmer ce que vous dites: La planification et la portée de cette activité en sont effectivement au stade préliminaire. Vous dites dans vos recommandations que le gouvernement fédéral devrait presser ses homologues provinciaux pour qu'ils accélèrent le mouvement, mais comme vous le savez, ces études prennent toujours un certain temps.

    J'aimerais savoir si vous avez des propositions à faire aux fonctionnaires provinciaux en ce qui concerne la définition des besoins de la province en travailleurs qualifiés, et la façon dont on pourrait faire appel aux candidats provinciaux. Que pourrions-nous faire pour accélérer le mouvement chez nos homologues provinciaux?

Á  +-(1105)  

+-

    M. Dick Smyth: Le programme fonctionne bien au Manitoba, comme me l'a confirmé mon homologue de Winnipeg. Un programme manitobain s'intéresse à la population mennonite, et c'est sans doute plus facile, par rapport à nous, qui sommes en présence de candidats venus du monde entier. Au moins, le Manitoba propose un modèle. Je connais aussi la situation à l'île-du-Prince-Édouard, mais le programme n'y est pas très avancé. Seuls quelques fonctionnaires s'en occupent.

    Mais déjà, des provinces consultent le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard pour savoir ce qui s'y passe. Récemment, je vous ai proposé de consulter le Nouveau-Brunswick, qui applique lui aussi ce programme. La réponse n'a pas été bonne, il faut donc attendre.

    Nous sommes prêts à vous aider. À chaque fois que je rencontre la fonctionnaire provinciale responsable du programme, je lui dis qu'elle peut venir me voir en tout temps, que ma porte est toujours ouverte. Je viens de lui envoyer un courriel ce matin lui demandant de m'envoyer une ébauche du programme, car je ne l'ai toujours pas vu.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je sais, comme vous l'avez dit, que le Manitoba a remarquablement réussi dans l'application du programme des candidats provinciaux, et je crois savoir que le programme de Colombie-Britannique est lui aussi en bonne voie. Les autres provinces viennent tout juste de signer, comme la Nouvelle-Écosse.

    Voici ma question: Si vous étiez responsable du programme, où situeriez-vous les besoins les plus pressants de la Nouvelle-Écosse en travailleurs qualifiés, aussi bien dans votre secteur que dans les autres?

+-

    M. Dick Smyth: Nous avons réalisé une étude il y a six ans avec le collège communautaire, et nous avons découvert de nombreux secteurs où des travailleurs qualifiés sont en demande. L'étude est arrivée à échéance l'année dernière et il faudrait en entreprendre une nouvelle pour les cinq prochaines années. Elle indiquait exactement l'ampleur des besoins, non seulement pour nos membres, mais pour tout le secteur manufacturier de la Nouvelle-Écosse. C'était dix ouvriers dans un secteur, vingt dans un autre, une centaine dans un troisième. Malheureusement, les chiffres sont très modestes, et c'est ce qui nous désavantage. Nous n'avons pas besoin de centaines d'ajusteurs, il nous en faut dix.

    Mais cette étude devrait être relancée prochainement par le ministère de l'Éducation. Elle fait partie de notre mandat, et nous collaborons très étroitement avec lui.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je crois que les tentatives visant à faire appel à des travailleurs étrangers pour combler les besoins en main-d'oeuvre des entreprises de Nouvelle-Écosse ont suscité une certaine frustration, pas nécessairement dans votre secteur d'activité, mais dans d'autres. On se plaint du temps qu'il faut pour traiter ces demandes et pour faire venir ces travailleurs. C'est particulièrement vrai dans le secteur des ressources, mais ça l'est aussi ailleurs.

    Est-ce que vous connaissez les problèmes administratifs qui surviennent lorsqu'on veut faire venir des travailleurs? Est-ce que vous pouvez nous en parler, car c'est un domaine sur lequel nous pourrions intervenir directement.

+-

    M. Dick Smyth: Je crois que DRHC propose une procédure accélérée à ceux qui veulent faire venir un travailleur étranger pour un emploi précis; c'est une façon de procéder. On peut aussi faire appel à son sénateur pour faire accélérer les choses. Mais dans le cadre du Programme des candidats de la province, on va rechercher les travailleurs étrangers qui sont actuellement dans la province—je crois qu'il y en a 18 ou 24—et que l'on pourrait persuader de rester ici. C'est un groupe de candidats intéressants dont il faudrait s'occuper avant de chercher ailleurs.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Il faut commencer par le début. C'est logique.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): À vous, Yvon.

Á  +-(1110)  

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, nous avons pris bonne note du fait que le nombre d'immigrants venant en Nouvelle-Écosse avait diminué radicalement dans les cinq dernières années, et même en trois ans. Entre 1996 et 1999, ce nombre est passé de 3 223 à 1 608. C'est donc une diminution de 50 p. 100 en trois ans. Quelles sont, d'après vous, les causes qui expliquent une chute aussi radicale en trois ans? Est-ce qu'il y a des choses qui fonctionnaient bien auparavant et qui ont cessé de bien fonctionner? Je vois que vous êtes à la recherche de solutions pour l'avenir. Mais on ne voit pas clairement quel est votre diagnostic et quelles sont les causes de cette chute radicale qu'il y a eu en l'espace de trois ans. On ne parle pas de 10 p. 100 ou de 20 p. 100 en cinq ans; on parle de 50 p. 100 en trois ans. Il doit s'être passé quelque chose. Il y a un tuyau qui s'est brisé quelque part. Qu'est-ce qui s'est passé?

+-

    M. Dick Smyth: Est-ce que je peux répondre en anglais?

[Traduction]

    En fait, la diminution se poursuit. Nous préparons une conférence de partenariats sur l'immigration et dès que possible, nous commencerons à attirer du monde, afin que la province bénéficie d'une certaine base de population. Si un immigrant russe arrive en Nouvelle-Écosse, il ne faut pas l'installer à Digby, car il y sera tout seul. Il lui faut quelqu'un à qui parler. Les immigrants ont besoin d'une certaine population de base avec qui ils pourront converser.

    En fait, nous avons des immigrants russes, mais ils sont ici à Halifax. C'est là que se trouve le groupe.

    En ce qui concerne l'intégration dans la communauté, il est toujours avantageux d'avoir un certain nombre de personnes du même groupe ethnique. Mon ami Fernando sera d'accord avec moi sur ce point. C'est encore une question sur laquelle il faut travailler.

    Nous avons déjà progressé dans ce domaine. On vous parlera peut-être de la question de l'établissement et de l'aide à l'intégration. Nous voulons évidemment que notre province devienne un endroit de prédilection, même si de nombreux nouveaux venus lui préfèrent Montréal, Toronto ou Vancouver.

    J'ai moi-même été sans doute responsable, ces derniers temps... nous avons accueilli certains travailleurs spécialisés dont les compétences n'étaient pas requises en Nouvelle-Écosse. On avait besoin d'eux à Oshawa, mais pas en Nouvelle-Écosse. Ces gens-là s'en vont. Ils vont à Toronto ou ailleurs, là où il faut aller pour travailler.

    Les trois éléments doivent être abordés conjointement. Nous allons tenir une conférence vers la mi-avril pour étudier toute la question, pour faire un bilan et pour trouver des solutions. Le problème est difficile à expliquer et il va falloir en venir à bout l'année prochaine, autrement, notre province va mourir.

    Le dernier recensement de Statistique Canada a indiqué que la Nouvelle-Écosse était à la limite de la croissance, voire même qu'elle était en déclin, à 0,1 %. Pour autant que je me souvienne, c'est très peu, et il va donc falloir trouver de nouvelles techniques.

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau: J'aimerais poser une deuxième question pour comprendre le phénomène. Est-ce qu'à votre connaissance, on trouve la même situation dans l'ensemble des trois provinces Maritimes, c'est-à-dire au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, ou est-ce un phénomène particulier à la Nouvelle-Écosse que vous décrivez?

[Traduction]

+-

    M. Dick Smyth: La population diminue dans toutes les provinces. Je suppose que dans les trois autres provinces, l'immigration pose les mêmes problèmes, de même qu'à Terre-Neuve. C'est sans doute ici qu'elle pose le problème le plus grave.

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau: Il y a le déclin démographique, d'accord, mais qu'en est-il du déclin de l'immigration?

[Traduction]

+-

    M. Dick Smyth: Je crois que la plupart des immigrants viennent ici, d'après les chiffres que j'ai vus.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): À vous, madame Dalphond-Guiral.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il est certain que c'est difficile pour des provinces comme la Nouvelle-Écosse ou les autres provinces Maritimes d'attirer des immigrants et de les garder. Je sais que vous êtes plus au courant de ce qui se passe en Nouvelle-Écosse, mais vous devez avoir une idée de la façon dont les choses se déroulent dans les provinces voisines. Est-ce que d'après vous, les gouvernements de ces provinces font des investissements économiques suffisants pour faciliter l'intégration? Il est facile de vous dire de parler à vos homologues provinciaux et de les pousser dans le dos, mais nous, du Québec, savons que ce n'est pas exactement comme ça que ça marche.

    Le Québec a déjà une longue expérience avec des programmes d'immigration qui lui sont spécifiques, et on se rend compte que ça va plutôt bien. Le Québec est responsable du choix de ses immigrants. Bien sûr, le critère du français est déterminant compte tenu de la spécificité du Québec, mais il y a aussi une attitude extrêmement agressive à l'extérieur pour parler aux immigrants éventuels de ce que ça veut dire que de vivre au Québec, de ce que ça signifie, et pour leur expliquer pourquoi on a besoin d'eux. Les relations publiques sont vraiment intenses et donnent des résultats; je pense qu'Yvon Charbonneau pourra confirmer ce que je dis. Mais pour ça, il faut de l'argent et de la volonté. Est-ce que les gouvernements ont cette volonté? Bien sûr, la démographie est à la baisse comme partout au Canada. Il y a de moins en moins d'immigrants, et cette source de vitalité est donc moins dynamique qu'elle ne l'était.

    Les lois sont utiles, mais elles ne peuvent jamais remplacer la bonne volonté, qui est démontrée non seulement par des paroles mais aussi par des gestes.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Dick Smyth: Peut-être que... [Note de la rédaction: inaudible] ...est différent. Je... [Note de la rédaction: inaudible].

[Traduction]

    Je pense que vous avez raison. Le Québec fait sans doute un effort de relations publiques qui n'existe pas ici. Ceux qui sont à l'étranger dans nos ambassades et nos consulats trouvent des brochures sur le Québec, mais rien sur la Nouvelle-Écosse. C'est bien dommage.

    Nous essayons d'ajouter une référence à l'immigration sur le site Web du gouvernement. Dans l'immédiat, le défi consiste à trouver le site du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Il est bien caché.

    Quand j'ai consulté un autre site pour la dernière fois—c'est celui de Terre-Neuve—il était question d'immigration dès la page 1 ou 2. L'internaute peut voir qu'on y parle d'immigration et peut appeler la page. Ici, il n'y a encore rien de tel, mais nous y travaillons.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'imagine qu'il y a des organisations similaires à la vôtre au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard. Est-ce qu'il y a des rencontres qui se font entre ces groupes de pression, entre ces organisations qui sont importantes pour essayer de trouver des solutions, ou êtes-vous vraiment chacun dans votre province, à l'intérieur de vos frontières? Quand je vois cela de l'extérieur, il me semble que vous avez probablement des choses en commun, et souvent, quand on mélange nos idées, on arrive à en faire émerger quelques-unes. Est-ce que cette option est réalisable ou plutôt exclue? Autrement dit, la Nouvelle-Écosse, c'est la Nouvelle-Écosse, et le Nouveau-Brunswick, c'est le Nouveau-Brunswick.

+-

    M. Dick Smyth: Non, on se rencontre deux ou trois fois par année à différents endroits au Canada. On était à Ottawa il y a un mois. On discute ensemble de l'immigration, on échange des expériences, etc.

[Traduction]

    C'est très utile. Notre bureau d'Ottawa, où se trouve Perrin Beatty, intervient auprès des fonctionnaires d'Ottawa. Il y a des discussions sur cette question et sur la question des travailleurs qualifiés, et il y a un échange d'information avec DRHC. Quand je rencontre les gens du gouvernement provincial, je sais que le problème ne concerne pas uniquement la Nouvelle-Écosse. Il se pose aussi ailleurs. Je ne suis pas aveugle. Je m'intéresse à l'immigration depuis des années. Mais il serait certainement utile de faire un effort en relations publiques.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    À vous, Wendy.

+-

    Mme Wendy Lill: Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

    Marc, vous avez parlé au début de l'appui aux candidats lorsqu'ils arrivent ici. Vos propos m'ont intéressée. Tout à l'heure, nous allons entendre des représentants de la Metro Immigrant Settlement Association et du Centre de santé communautaire du quartier nord. Ils vont sans doute nous parler davantage de problèmes de santé, de famille et de formation linguistique, mais il serait bon que vous les rencontriez, si vous le pouvez.

    Comment peut-on faire de la Nouvelle-Écosse un endroit plus accueillant? Et que faire pour que ceux qui sont choisis pour travailler ici reçoivent un soutien, pour que leurs familles s'intègrent dans la société, dans le système scolaire, dans la communauté et que tous se sentent chez eux?

    Nous aimerions entendre parler des omissions flagrantes qu'on peut déplorer actuellement, de toutes les situations d'échec qui se produisent en Nouvelle-Écosse et qui rendent la société moins accueillante. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

    J'ai ici un document du service de recherche de la Bibliothèque du Parlement sur l'accord signé entre la Nouvelle-Écosse et le ministère de la Citoyenneté et de l'immigration. D'après un fonctionnaire provincial, le processus de sélection utilise un système de points, exige une connaissance fonctionnelle de l'anglais et du français ainsi qu'une visite dans la province.

    J'aimerais avoir votre avis sur ces critères d'admissibilité, monsieur Smyth. Peut-être pourriez-vous...

Á  +-(1120)  

+-

    M. Dick Smyth: Maintenant, et avant Mark...?

+-

    Mme Wendy Lill: Eh bien, laissons d'abord parler Mark. Il est également dit que le programme des candidats provinciaux de la Nouvelle-Écosse sera le premier à comporter une disposition relative à la langue de la minorité francophone. Cela signifie que les autorités provinciales seront tenues de consulter les représentants des francophones lorsqu'elles discuteront de questions liées à l'immigration. À cet égard, j'aimerais que vous me disiez comment les choses se passent de façon concrète.

+-

    M. Mark Fernando: Le gouvernement fédéral appuie certains aspects du processus d'immigration par le soutien financier à des organismes d'établissement. Ainsi, il y a des réfugiés pris en charge par le gouvernement, ceux de la catégorie des investisseurs ou les travailleurs spécialisés. C'est surtout à Halifax, pas à Dartmouth, qu'ils peuvent profiter de telles mesures. À Dartmouth, il y a une seule école de langue, et elle est située de l'autre côté de la baie. En raison du soutien, beaucoup de gens n'y vont pas, tous les organismes d'établissement et les écoles d'enseignement de l'anglais étant surtout conçus en fonction des besoins de Halifax.

    À l'extérieur dans la province, je doute qu'il y ait la moindre organisation. Je sais que parfois, un service d'enseignement itinérant a offert des cours d'anglais dans la vallée et ailleurs. Pour ma part, lorsque je suis arrivée, je vivais surtout à Antigonish. Je n'avais accès à aucun cours du fait de l'absence de structure à cette fin. J'avais donc le choix entre me rendre à l'université ou aller ailleurs pour trouver une école, c'était tout. Le voyage à Halifax prenait deux heures en voiture, je le faisais en profitant d'une occasion ou en faisant de l'autostop. C'est ainsi que j'essayais de prendre rendez-vous à l'école.

    L'emploi a aussi été l'un des facteurs qui m'ont attiré à Halifax, et je m'y suis donc installé. Cela n'a pas mis fin à tous mes problèmes, mais la plupart des activités d'établissement sont quand même conçues en fonction de Halifax, non de Dartmouth ou d'ailleurs.

    Aussi, le programme de candidats provinciaux ne relèvera pas directement du fédéral. J'ignore donc comment la police l'envisagera, si on sera disposé à consacrer du temps et de l'argent aux services linguistiques et autres, qui sont essentiels à l'établissement.

    Ainsi que Dick Smyth le précisait, il n'y a qu'une personne chargée de la mise en oeuvre de ce programme. Je pense même qu'elle a raté une des classes. Les ressources de mise en oeuvre sont donc très limitées.

+-

    Mme Wendy Lill: Très bien, je vous remercie.

+-

    M. Dick Smyth: Oui, Mark a raison. Là où le bât blesse habituellement, c'est qu'on annonce la disponibilité des services partout dans la province. Toutefois, qui va assumer les coûts que tout cela entraînera? Certainement pas les gouvernements provinciaux à eux seuls. Leur participation est d'ailleurs très modeste. Quoi qu'il en soit, les services sont probablement surtout offerts à Halifax plutôt qu'à l'extérieur de municipalité régionale de Halifax.

    Tous ces services modestes sont indispensables si l'on veut vraiment intégrer les gens. Autrement, il faudra encore que les gens fassent la navette entre Antigonish et Halifax. C'est ainsi.

    Le problème tient probablement au manque d'argent. Il y a bien des années, j'ai été président du MISA. À l'époque, l'organisme recevait des subventions et autres formes de soutien qui totalisaient quelque 250 000 $. À présent, on lui en accorde quatre fois plus, mais je crois que lorsque j'en faisais partie, nous recevions proportionnellement beaucoup plus qu'aujourd'hui. De toutes façons, ça ne suffit pas. C'est une des nombreuses organisations de la Nouvelle-Écosse qui reçoit du soutien du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et d'autres sources pour effecteur son travail.

    Si c'est de la Nouvelle-Écosse que nous proviendront les fonds, comme par exemple, le programme des candidats provinciaux ou d'autres, il faudra que nous attendions l'annonce du prochain budget dans quelques mois. Je n'ai cependant jamais vu un seul crédit affecté au programme des candidats provinciaux. On en a bien accordé à l'immigration des gens d'affaires, mais au fond il s'agit d'un salaire accordé à une personne.

    Je connais le système des points, car nous en avons discuté avec le représentant provincial il y a quelques semaines. Le sujet a d'ailleurs été étudié par un comité de la Chambre de commerce. Il s'est montré très enthousiaste, mais il a demandé à voir cela par écrit. Il tenait à disposer au moins d'une ébauche afin de pouvoir faire certaines remarques, car l'initiative comporte certainement des aspects problématiques.

    Quant à l'intention de limiter cela aux deux langues, elle pose problème, car tout le monde ne parle pas l'anglais ou le français.

    Pour ce qui est de l'autre aspect, la Francophonie, c'est probablement une bonne chose. J'ignore si on a déjà tenu des discussions avec les Acadiens là-dessus, mais leur organisation étant assez nombreuse, elle mériterait qu'on la consulte.

    Cela dit, vous ne trouverez jamais des immigrants prêts à s'installer à .... [Note de la rédaction—Inaudible]... où que ce soit. Pour ma part, je sais où c'est. Je reconnais aussi que certaines personnes voudrait peut-être s'installer dans des régions acadiennes.

Á  +-(1125)  

+-

    Mme Wendy Lill: Pour éclairer ma lanterne, vous n'avez donc pas pu voir le système des points tel qu'il est à l'heure actuelle, celui qui est en cours d'élaboration.

+-

    M. Dick Smyth: Non. J'en ai seulement entendu parler lors de discussions. Je n'ai encore rien vu sous forme écrite.

+-

    Mme Wendy Lill: Vous avez mentionné la nécessité de mettre sur pied un conseil.

+-

    M. Dick Smyth: La proposition est venue d'un autre groupe d'intervenants, d'ailleurs assez efficace. Il comptait une vingtaine de représentants de divers secteurs de la société. La réunion comme telle a été très utile, on y a discuté ferme. Les premières réunions ont vraiment été des séances d'information, les gens ont pu y apprendre ce que font les ministères comme Développement des ressources humaines, Citoyenneté et Immigration, et le ministère de l'Éducation.

+-

    Mme Wendy Lill: Par conséquent, si l'on est en train d'élaborer un système de points, il serait normal que ce genre d'organisme participe à l'entreprise.

+-

    M. Dick Smyth: Très juste. C'est une très bonne idée.

+-

    Mme Wendy Lill: Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup.

    Je vous remercie vivement tous les deux d'être venus aujourd'hui. Les problèmes d'établissement dans les provinces sont d'une grande importance pour nous tous. Ils se retrouvent d'ailleurs en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique et dans toutes les régions rurales, car en matière d'immigration au Canada, il est manifeste qu'on assiste à une opposition entre les milieux ruraux et urbains, à un mouvement vers les centres urbains comme Toronto, Montréal et Vancouver, pour des raisons bien évidentes.

    D'abord, les grands centres sont dotés de réseaux de services sociaux qui appuient les nouveaux venus, ainsi que vous l'avez précisé, monsieur Smyth. On y trouve également un système de soutien de l'emploi, ce qui facilite l'obtention de travail pour beaucoup de gens, y compris les professionnels.

    Le ministre a annoncé très clairement qu'il fera tout en son pouvoir pour venir en aide aux provinces qui cherchent à attirer des travailleurs. Il a d'ailleurs énergiquement défendu cette position. On peut donc affirmer qu'il vous appuie tout à fait à cet égard.

    Vous avez parlé des grands succès obtenus au Manitoba par rapport à cette question. Ainsi que vous le rappeliez, cela tient en partie à la participation des mennonites, qui ont créé un très bon réseau d'entraide sociale dans la province. Je crois aussi que ces succès s'expliquent par la mise en oeuvre énergique du programme par les autorités provinciales, et cela dure d'ailleurs depuis quelque temps déjà. En outre, elles ont affirmé vouloir poursuivre en ce sens.

    Chacun des membres de ce comité tient énormément à voir les milieux ruraux offrir de plus vastes possibilités aux immigrants et des conditions de vie et de travail épanouissantes dans les dix provinces et les territoires. Cet objectif nous tient vraiment à coeur.

    Il existe toutefois des problèmes d'organisation lorsqu'il s'agit d'offrir les systèmes de soutien social et les conditions de développement qui amèneraient les gens dans les collectivités rurales. Ce sont des réalités que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent prendre au sérieux et qui nécessitent leur action. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on mette sur pied de tels mécanismes d'appui. Ils favoriseront l'émergence de nouvelles possibilités pour les immigrants, dans tous les secteurs de la société canadienne. Par le passé, nous n'avons pas obtenu de très bons résultats, et je pense que chacun des membres de notre comité tient à ce que nous améliorions les choses à cet égard dans l'avenir.

Á  -(1130)  

+-

    M. Dick Smyth: Oui. Autrement, Halifax va demeurer le port d'entrée pour les années à venir, tout comme il était à l'époque du quai 21.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): On trouve la même chose à Toronto, Vancouver et Montréal. Chacun de nos membres se rend bien compte que ce n'est pas dans l'intérêt du Canada. C'est au contraire l'expansion qui l'est.

    Franchement, compte tenu de nos faibles taux de natalité et des autres problèmes de notre pays, certains de nos membres estiment qu'il faudrait que nous étudions le nombre d'immigrants et les possibilités qui s'offrent à eux. Les immigrants vont certainement jouer un rôle décisif dans notre développement et dans tous les aspects de notre avenir. Tenez bon, et espérez qu'en collaboration avec des organismes comme le vôtre et avec tous les Canadiens, nous réussissions à concevoir des propositions susceptibles d'élargir les possibilités pour tous.

    Je vous remercie encore beaucoup de votre participation aujourd'hui. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.

+-

    M. Dick Smyth: Je vous remercie.

-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nous allons certainement étudier très attentivement vos remarques.

    Mesdames et messieurs, je crois que nous venons d'entendre les derniers témoins de ce matin. Nous allons donc reprendre cet après-midi, à partir de 13 h 30. La séance durera jusque vers 17 heures, et sera donc légèrement plus longue que celle de ce matin. Nous allons prendre les choses comme elles viendront.

    Je vous remercie. La séance est levée.