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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er novembre 2001

• 0914

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude des répercussions sur l'économie canadienne des attentats terroristes du 11 septembre 2001.

L'objet du comité est de cerner les conséquences nombreuses mais pas très évidentes de ces événements et de conseiller le gouvernement en vue d'une action efficace dans l'après-11 septembre. Le comité a invité des porte-parole de l'industrie à définir leur situation particulière depuis le 11 septembre, à décrire les nouveaux problèmes auxquels ils se trouvent confrontés, à expliquer leurs réactions immédiates et à long terme et à préciser les mesures que les gouvernements devraient selon eux entreprendre.

Mardi, l'honorable Brian Tobin a lancé cette série d'audiences spéciales, et il a été suivi par des représentants du secteur de l'automobile, les manufacturiers et exportateurs canadiens, la Chambre de commerce, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ainsi que des représentants des secteurs sidérurgique et minier. Mercredi, nous avons rencontré des représentants de plusieurs autres secteurs, notamment ceux de la construction, de l'aluminium et du tourisme.

• 0915

Nous poursuivons aujourd'hui nos audiences spéciales en la compagnie de représentants de l'Association des chemins de fer du Canada et de l'Association du transport aérien du Canada. Nos réunions ont jusqu'ici été très intéressantes et très utiles, et il y a peu de doute que les jours et les mois à venir seront un défi pour nous tous. C'est peut-être cependant lorsque nous sommes confrontés à des défis que nous donnons ce que nous avons de mieux.

Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté de venir comparaître devant le comité. J'aimerais que les présentations soient succinctes afin que nous puissions avoir un dialogue très constructif. Cela étant dit, nous accueillons parmi nous ce matin trois groupes.

Il s'agit de l'Association du transport aérien du Canada, représentée ce matin par M. Warren Everson, vice-président, Politiques et planification stratégique, et par M. Cliff Mackay, président-directeur général; de l'Association canadienne du camionnage, représentée par M. David Bradley, président-directeur général, et par M. Ron Lennox, vice-président des affaires publiques; et de l'Association des chemins de fer du Canada, avec M. Bill Rowat, président, M. Bill Fox, vice-président principal, Affaires publiques, Chemins nationaux du Canada, et M. Dennis Apedaile, conseiller principal, Affaires gouvernementales, Chemins de fer Canadien Pacifique.

Nous allons commencer par entendre M. Mackay.

M. Clifford J. Mackay (président-directeur général, Association du transport aérien du Canada): Merci, madame la présidente. Comme vous l'avez dit, je m'appelle Cliff Mackay, et je suis président de l'Association du transport aérien du Canada. M'accompagne aujourd'hui M. Warren Everson, vice-président, Politiques.

Nous représentons l'aviation commerciale canadienne. Nous regroupons quelque 320 membres, allant de gros transporteurs à des écoles d'aviation, en passant par des exploitants de service d'affrètement, des transporteurs de fret aérien et des exploitants d'hélicoptères—soit toute la gamme d'activités au pays.

Je tâcherai d'être bref, madame la présidente.

Permettez que je commence par vous faire un synopsis de l'an 2001, de notre perspective. L'année 2001 a été épouvantable pour l'industrie aérienne, et c'était déjà le cas avant les événements du 11 septembre. Pendant les six premiers mois de l'année, les voyages d'affaires ont accusé une baise de 41 p. 100 par rapport à l'année précédente. Nous avons par ailleurs vécu une réduction générale de 10 p. 100 des ventes totales de billets. Les clients se sont montrés plus sensibles au prix et il y a eu un abandon marqué des déplacements à forte marge, notamment les voyages d'affaires, en faveur de tarifs plus économiques.

La demande dans notre secteur est très étroitement liée au produit intérieur brut. Nous sommes parfois perçus comme étant l'un des principaux indicateurs de ce qui se passe dans l'économie. Les économistes ayant prédit une baisse du PIB nord-américain, nous avions prévu des reculs, au fil de l'année, tant côté trafic passagers que côté trafic de marchandises.

Malheureusement pour nous, les coûts pour les compagnies aériennes ont augmenté en même temps que la demande baissait. Le prix du carburant a augmenté de 50 p. 100 entre 1999 et 2000. Le prix n'a pas continué d'augmenter par la suite, mais il n'a certainement pas diminué de façon sensible dans le courant de l'an 2001.

Le coût de la main-d'oeuvre a lui aussi augmenté à un rythme sensiblement supérieur à celui du taux d'inflation. Franchement, les coûts fédéraux—comme par exemple les frais de location aéroportuaire—ont augmenté de 8 p. 100 en l'an 2000 et de 7 p. 100 en l'an 2001, ce qui représente une augmentation sur deux ans de plus de 30 millions de dollars versés au gouvernement fédéral au titre de loyers d'aéroports.

Par suite de ces facteurs, les transporteurs canadiens ont perdu près de 400 millions de dollars dans la première moitié de l'an 2001. Si l'on cherche à se consoler, les chiffres comparables américains montrent que les transporteurs américains ont perdu 3,3 milliards de dollars pendant la même période. De nombreux commentateurs ont souligné soupçonneusement que l'industrie était en difficulté avant le 11 septembre. En ce qui nous concerne, cela a toujours été clair; la réponse est que oui, elle était déjà en difficulté. Mais ce qui est arrivé le 11 septembre a transformé une mauvaise année en un désastre. L'incidence des attentats terroristes a été, franchement, catastrophique pour l'industrie, et pas seulement ici au Canada, mais partout dans le monde.

Nous avons aujourd'hui rendu publics les chiffres en ce qui concerne le trafic pour le mois de septembre, et ils racontent une bien triste histoire. Tous les grands aéroports—Montréal, Toronto, Calgary, Vancouver—ont vécu en septembre des chutes de trafic de plus de 30 p. 100. L'aéroport de Toronto a essuyé en septembre une perte incroyable de 37 p. 100 de son trafic.

Les niveaux du trafic sont demeurés 15 p. 100 à 25 p. 100 en dessous de la moyenne nord-américaine pour la même période dans les années antérieures. Nous avons constaté une certaine reprise du trafic intérieur, mais les trafics international et transfrontalier sont, franchement, extrêmement faibles par rapport aux niveaux habituels.

Au Canada, il y a déjà eu plus de 11 000 mises à pied dans l'industrie. Je dois malheureusement vous rapporter que ce n'est pas fini.

Quelques mots maintenant au sujet des conséquences internationales, pour ne citer que quelques exemples... Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas d'un phénomène uniquement canadien. Vous devez savoir que la Swissair a fait faillite. La Swissair était considérée comme étant l'un des meilleurs transporteurs aériens au monde. La société belge Sabena est aujourd'hui sous protection. La société irlandaise Aer Lingus tente désespérément de trouver de l'argent pour garder ses portes ouvertes. En Australie, Ansett a interrompu ses opérations et plusieurs de ses transporteurs régionaux ont également sombré. La Korean Air a tout juste hier mis à pied 1 000 personnes. Air New Zealand est en train d'être renationalisée parce qu'il s'était avéré pour elle impossible de trouver du crédit sur le marché commercial. Le gouvernement italien vient tout juste de verser entre 500 millions et 800 millions d'euros à Alitalia. Aeroflot, bien sûr, est à la recherche d'argent. La Japanese Airlines vient de supprimer 20 p. 100 de ses vols. Et la liste se poursuit encore. Il s'agit bel et bien d'un problème mondial, planétaire. Nous n'avions jusqu'ici jamais rien vu de tel dans toute l'histoire de l'aviation moderne.

• 0920

Aux États-Unis, par exemple, les revenus des compagnies aériennes ont chuté de 45 p. 100 en septembre; le trafic passagers a essuyé un recul de 32 p. 100. Et aux États-Unis, la reprise de confiance des passagers se fait beaucoup plus lente qu'ailleurs dans le monde. Par exemple, tard en octobre, le trafic aérien aux États-Unis accusait toujours un retard de 30 p. 100, et sur certains marchés, c'était pire encore.

Mon message, madame la présidente, est donc simple. S'il y en a qui pensent que l'on s'adonne ici à un exercice de relations publiques, qu'ils se détrompent. Il s'agit d'un grave et très réel problème pour l'industrie aérienne mondiale. Aux fins de comparaison, ce qui s'en rapproche le plus, ce serait la situation à l'époque de la Guerre du Golfe. Ceux d'entre vous qui suivaient la situation à l'époque sauront que le trafic à l'époque de la Guerre du Golfe avait précipitamment chuté à près de 30 p. 100, et ce en l'espace de quelques semaines. Il est resté bas pendant deux ou trois mois pour ensuite remonter. Nous avons constaté le même genre de chute précipitée, qui a été encore plus marquée sur certains marchés. Mais ce que nous n'allons pas voir c'est une reprise. Et nous ne savons pas combien de temps cela va durer.

Ce que cela signifie pour notre industrie—pour vous expliquer très brièvement comment les choses fonctionnent du point de vue financier—c'est que nous sommes une industrie confrontée à des coûts fixes très élevés. Nos appareils sont notre plus gros coût fixe. Nos relations avec nos fournisseurs et nos ententes avec les syndicats supposent beaucoup de coûts qui sont extrêmement difficiles à gérer dans des situations cycliques à court terme. La règle de base de l'industrie est que lorsque vous voulez réduire vos coûts, vous laissez vos aéronefs dans le hangar. Vous sortez de la capacité du système. Tous les gros transporteurs dans le monde, y compris les transporteurs canadiens, à deux exceptions près, sont justement en train de faire cela, Mais chaque fois que vous enlevez du système 20 p. 100 de votre capacité, vous ne réalisez en définitive qu'une économie de 10 p. 100, étant donné vos coûts permanents, qui sont énormes. Que vos appareils décollent ou restent cloués au sol, vous devez les payer. C'est aussi simple que cela.

Voilà donc la situation économique à laquelle nous nous trouvons confrontés. Une question préoccupante est que la confiance des clients et la demande des passagers sont la seule solution à long terme au problème. Au Canada, nous venons tout juste de sonder nos dix plus gros membres. Pour parler franc, les nouvelles d'ensemble en ce qui concerne l'avenir sont plutôt troublantes. Parmi nos membres, plusieurs connaissent de très graves problèmes de liquidités. Ils font tout ce qu'ils peuvent: ils essaient d'obtenir plus de leurs actionnaires, ils négocient avec les syndicats et les fournisseurs pour essayer de réduire leurs coûts, ils garent leurs avions lorsqu'ils le peuvent. En gros, ils essaient de resserrer l'écart entre ce qu'ils envisagent côté revenus et leur structure de coûts. La vraie question est de savoir s'ils seront en mesure de faire cela sur le marché au cours des quelques mois à venir.

L'autre élément de la situation qu'il y a, je pense, lieu de souligner auprès du comité, madame la présidente, est qu'au Canada, les exploitants ne travaillent pas à l'intérieur d'un marché homogène. Pour vous donner quelques exemples... Air Transat est un transporteur de vacanciers. Il dessert exclusivement le marché du tourisme, et la plupart de ses vols sont des vols nolisés par opposition à des vols réguliers. Tout le monde sait qu'il subit d'importantes pressions côté liquidités. La WestJet, de l'autre côté—un transporteur national super-économique, sans extras, qui offre presque exclusivement des vols court-courriers—se débrouille raisonnablement bien dans un contexte de conditions de marché très difficiles. Son bilan est solide et son créneau est beaucoup moins exposé que ceux des autres transporteurs. La First Air est un autre exemple de compagnie aérienne qui résiste bien. Il s'agit d'un transporteur régional, qui est surtout actif dans le Nord, et qui a un bon mélange fret-passagers, avec une structure de coûts relativement bas, et il se débrouille raisonnablement bien.

Air Canada, d'un autre côté—et, encore une fois, cela est notoire—vit de très sérieuses pressions côté demande. Cinquante pour cent de son activité était transfrontalière et internationale, et ce marché ne rebondit pas. La compagnie a effectué beaucoup de réductions et il lui a fallu être très agressive pour diminuer ses besoins en matière de liquidités. Ici encore, il reste à savoir si cela va donner les résultats escomptés.

• 0925

Quant à ce que le gouvernement peut faire face à tout cela, il ne se dégage pas chez nos membres de consensus clair. Il y a un consensus à l'égard de certaines choses: par exemple, que nous exhortions le gouvernement à faire tout ce qu'il peut pour réduire les pressions côté coûts, car c'est là le plus urgent.

Un exemple de domaine dans lequel le gouvernement a déjà pris des initiatives—et nous lui en sommes très reconnaissants—est celui des assurances. Il nous est impossible d'obtenir une couverture d'assurance suffisante pour nous protéger contre les risques de guerre et de terrorisme. C'est pourquoi le gouvernement est intervenu en nous versant une indemnisation à court terme. Sans cela, il nous aurait fallu garer nos flottes aériennes. Nous n'aurions pas pu assurer de vols. C'est là un exemple de chose que le gouvernement peut faire et a faite, et nous en sommes très heureux. J'estime qu'il nous faut souligner cela publiquement.

Les coûts de sécurité sont encore un autre volet. Ils connaissent une croissance exponentielle. Selon nos estimations, nos coûts pour cette rubrique ont déjà augmenté de 300 p. 100, et nous ne voyons rien à l'horizon qui puisse venir contenir leur hausse à court terme.

Un autre aspect que j'ai mentionné est celui des coûts aéroportuaires. Il y a des choses pragmatiques que le gouvernement pourrait faire dans le court terme pour alléger certaines des pressions, ou en gelant ou en supprimant pendant une période donnée les loyers pour les aéroports.

Du côté des taxes sur le carburant, notre industrie—et pas seulement côté aérien—est la seule grosse industrie du Canada qui continue de verser d'importantes taxes d'accise. Ce n'est le cas d'aucune autre industrie. Côté aérien, nous finançons notre infrastructure à 100 p. 100, et nous nous demandons donc pourquoi nous payons des taxes sur le carburant.

Même si le gouvernement ne souhaitait pas prendre de décisions politiques à long terme, il y a un certain nombre de choses très utiles et très pragmatiques qu'il pourrait faire à court terme pour nous aider dans cette crise franchement sans précédent pour notre industrie.

Je vais m'arrêter là, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mackay.

Nous allons maintenant passer à l'Association des chemins de fer du Canada, ici représentée par M. Rowat.

M. Bill Rowat (président, Association des chemins de fer du Canada): Merci, madame la présidente.

Si les gens veulent suivre sur le document, l'exposé que je vais faire ce matin est couvert...

La présidente: Un instant, monsieur Rowat.

[Français]

Monsieur Bergeron, s'il vous plaît.

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Madame la présidente, je ne veux pas embêter les témoins avec cela, d'autant que je suis reconnaissant à l'industrie du chemin de fer de nous avoir fourni des documents en français et en anglais, mais je me demandais si on pouvait retrouver les mêmes versions en français et en anglais de la présentation multimédia que nous avons ici ce matin.

M. Bill Rowat: Est-ce que nous en avons des copies en français?

[Traduction]

La présidente: Non.

M. Bill Rowat: La copie papier?

La présidente: À l'écran, nous n'avons que l'anglais.

M. Bill Rowat: Il y là plusieurs cartes que je vais projeter.

[Français]

Seulement les cartes.

La présidente: En français?

M. Bill Rowat: Les cartes sont en français.

[Traduction]

La présidente: Il va alterner entre les deux.

M. Bill Rowat: J'aimerais commencer par vous indiquer qui nous sommes. L'Association des chemins de fer du Canada représente 56 membres. Nous représentons virtuellement toutes les sociétés ferroviaires actives au Canada aujourd'hui. Nous représentons celles de catégorie 1—CN et CPR, mais aussi plus de 40 lignes courtes, dont la majorité sont apparues depuis 1966. Nous représentons VIA, le chemin de fer voyageur interurbain.

Nous représentons les chemins de fer de banlieue du Canada, notamment AMT à Montréal, GO Transit à Toronto, West Coast Express à Vancouver, de même qu'un grand nombre d'exploitants de lignes ferroviaires touristiques. Au total, nous transportons la majorité du fret ferroviaire du pays et 51 millions de voyageurs, sur les grandes lignes, les lignes de banlieue et les lignes touristiques.

Depuis le 11 septembre, une journée tragique pour l'humanité, les États-Unis ne pensent pratiquement plus qu'à la sécurité, alors qu'au Canada nous sommes également préoccupés grandement par les flux commerciaux. Leur sécurité est menacée et nos échanges commerciaux le sont par voie de conséquence, étant donné la prépondérance américaine.

Quelles sont les répercussions à court terme? Le ralentissement économique, déjà entamé, va s'accentuer. Il en résultera des conséquences sensibles sur les profits des entreprises, surtout dans les secteurs du transport aérien, du tourisme et des services financiers.

• 0930

Les voyageurs sont minutieusement contrôlés aux frontières, et il en résulte d'énormes files d'attente aux postes frontaliers, touchant particulièrement les autres modes de transport. Nous voyons déjà se profiler d'importants besoins mettant à contribution le budget du gouvernement. Mais ce sont surtout les répercussions à plus long terme qui doivent retenir notre attention.

Il existe le potentiel d'un resserrement sensible des mesures de sécurité américaine à la frontière canadienne, tant à l'entrée qu'à la sortie. Étant donné que les résultats économiques à long terme du Canada sont si étroitement liés à la conjoncture américaine et à l'efficience de la frontière, il existe un risque d'un désinvestissement énorme au Canada. Vous avez déjà entendu à plusieurs reprises ces dernières semaines que les entreprises travaillant à flux tendus envisagent de déménager au sud si elles ne sont plus capables de livrer dans les délais voulus.

D'autres considérations importantes ont cours. L'économie américaine dépend de la confiance des consommateurs et cette dernière commence clairement à s'effriter. Des signes de faiblesse existaient déjà avant le 11 septembre, particulièrement au niveau des profits des sociétés. Ces dernières années, les exportations vers les États-Unis ont été le moteur presque exclusif de l'économie canadienne. De tous les pays du G-7, nous sommes le plus tributaire des échanges commerciaux. Plus de 40 p. 100 de notre PIB proviennent du commerce international et environ 85 p. 100 de nos exportations sont à destination des États-Unis.

En quoi le rail a-t-il été touché par les événements du 11 septembre? Dans l'ensemble, le chiffre d'affaires des chemins de fer de catégorie 1—CN et CPR—est resté stagnant au troisième trimestre. Le trafic ferroviaire ne s'est pas énormément ressenti des événements tragiques du 11 septembre. Nous avons été moins touchés que d'autres modes. L'inquiétude réelle des chemins de fer porte sur la durée et la gravité du ralentissement économique et, étant donné que nous sommes une industrie dérivée, sur l'effet retard potentiel sur le rail. Les sociétés de catégorie 1, CN et CPR, s'efforcent de réduire leurs coûts en proportion du ralentissement. C'est le cap qu'elles ont clairement annoncé.

L'effet du ralentissement économique sur le secteur des lignes courtes n'est pas encore connu mais pourrait être important. Cela est dû au fait que les chemins de fer de ligne courte exploités dans ce pays—et n'oubliez pas qu'il y en a plus de 40—sont situés dans des régions isolées et dépendent d'un très petit nombre de produits de base. Leur sort est intimement lié à celui de ces producteurs. Les lignes sur courte distance pourraient être fortement touchées.

Du côté du transport de voyageurs interurbain, VIA a vu augmenter la fréquentation de ses trains suite aux événements du 11 septembre.

Je vais passer très rapidement aux avantages sécuritaires qu'offre le rail, qui expliquent peut-être pourquoi nous n'avons pas connu les mêmes problèmes que d'autres modes.

Nous exploitons des axes réservés, privés et contrôlés. Les grandes sociétés ferroviaires ont leur propre service de police. L'ACFC et le gouvernement du Canada ont signé en 1997 un protocole d'entente au titre duquel chaque chemin de fer a mis en place son propre plan de sécurité et procède à des tests et des simulations en temps réel. Nous assurons le transport sur de longues distances de marchandises à haut volume, avec un petit nombre d'employés professionnels hautement qualifiés préautorisés à franchir les frontières.

Que faisons-nous d'autre pour accroître la sécurité? Nous avons été en contact régulier avec les responsables de la sécurité de Transports Canada, à Ottawa, ces dernières semaines. Nous avons pris de nombreuses mesures volontaires, coordonnées par l'ACFC. Nous sommes reliés au Centre de contrôle de la sécurité nord-américain, créé par nos homologues américains à Washington et qui fonctionne 24 heures sur 24. Nous avons accru la vigilance aux tunnels, ponts et autres installations critiques à travers le pays. Nous collaborons avec l'American Association of Railways pour assurer une coordination à l'échelle continentale.

Quelques autres considérations s'imposent dans le domaine de la sécurité. Nous devons faire en sorte que les mesures soient raisonnées et efficaces et axées sur la collaboration. Le gouvernement américain débloque de façon extrêmement proactive des fonds pour financer les nouvelles mesures de sécurité à la frontière. Le gouvernement canadien se montre un peu moins généreux. Il se doit de prendre l'initiative afin d'assurer que le flux des marchandises entre les deux pays ne soit pas compromis.

• 0935

CN et CP sont les deux plus gros transporteurs transfrontaliers et sont d'envergure véritablement nord—américaine. Ce diagramme montre que le rail transporte 44 p. 100 du volume du fret, le camionnage 56 p. 100. Ces deux modes transportent le gros du fret entre le Canada et les États-Unis. Pour ce qui est des corridors, il est intéressant de voir les flux nord-sud. Cette carte montre que les deux modes ont des réseaux parallèles nord-sud. Les principales artères routières sont parallèles aux principaux corridors ferroviaires nord-sud, et il en va de même au Canada. Je veux démontrer par là que CN et CP sont deux importants transporteurs nord-américains sur l'axe nord-sud.

S'agissant des initiatives douanières touchant le rail, déjà avant le 11 septembre les chemins de fer travaillaient de façon proactive à faciliter les mouvements transfrontaliers. Près de deux millions d'expéditions traversent la frontière chaque année. Le rail fait un large usage du commerce électronique. Nous avons lourdement investi dans les technologies informatiques et nous possédons les meilleurs systèmes de données du monde. Nous avons automatisé les transactions douanières et mis en place des systèmes de prédédouanement pour la grande partie du trafic ferroviaire.

Que peut-on faire d'autre? Au cours des dernières semaines, nous avons mis l'accent sur quatre éléments qui, à notre avis, pourraient grandement faciliter les flux de marchandises à la frontière.

Premièrement, nous pensons qu'il faudrait mieux harmoniser les politiques douanières canadiennes et américaines.

Deuxièmement, nous pensons qu'il faudrait un précontrôle des marchandises à faible risque et des personnes en règle afin de concentrer les ressources là où elles sont nécessaires. Concentrons les ressources douanières là où le risque est élevé et laissons passer plus rapidement les marchandises et les personnes à faible risque.

Troisièmement, effectuons les inspections douanières au lieu le plus efficient du pays de destination ou d'origine. En d'autres termes, déplaçons les inspections douanières de la frontière vers l'intérieur du pays, afin de faciliter le franchissement de la frontière.

Quatrièmement, ayons une base de données centrale et des systèmes informatiques communs à l'échelle de l'Amérique du Nord, à l'usage de tous les transporteurs, courtiers en douane, et importateur/exportateurs aux fins des déclarations touchant le trafic transfrontalier, afin de simplifier le système. Au lieu d'avoir deux systèmes, on aurait un seul système global à l'usage des deux services douaniers.

J'aimerais formuler quelques remarques sur la résurgence du rail.

Des progrès énormes ont été réalisés par les chemins de fer canadiens depuis la déréglementation de 1987. Les prix ont diminué de 35 p. 100 depuis le milieu des années 80. Dans la même période, la productivité a progressé de plus de 200 p. 100. Les subventions au transport de marchandises ont été éliminées et la viabilité financière rétablie—près de 10 milliards de dollars ont été investis depuis 1994. Les deux compagnies ferroviaires de catégorie 1 ont pris une envergure continentale, étant alimentées par un secteur foisonnant et très dynamique de chemins de fer de ligne courte.

Les secteurs voyageurs et banlieusards ont connu également un important accroissement de leur fréquentation au cours des dix dernières années. Les subventions d'exploitation de VIA sont tombées de 442 millions à 170 millions de dollars par an et sa fréquentation a augmenté de 20 p. 100 au cours de la même période. Au cours des cinq dernières années, le réseau de banlieue GO à Toronto a vu sa fréquentation augmenter de 40 p. 100. West Coast Express, à Vancouver affiche une hausse de 60 p. 100 du nombre des voyageurs transportés au cours des cinq dernières années. AMT à Montréal a enregistré des hausses supérieures à 10 p. 100 au cours des cinq dernières années.

Mais le rail peut faire plus encore. Sur le plan de la politique générale, le rail est très écologique. Son rendement énergétique est cinq fois supérieur à celui du camionnage intervilles. Nous avons un réseau parallèle qui peut aider à réduire l'encombrement routier et éviter la construction de nouvelles routes dévoreuses de terrains. Nous avons des couloirs exclusifs vers les États-Unis et nous pouvons réduire la congestion aux postes-frontière. Et le rail est la façon la plus efficiente de transporter le fret sur les distances moyennes et longues.

Nous sommes financés par des capitaux privés. Nous payons nous-mêmes notre infrastructure et nos frais d'exploitation. Et sur toutes ces dépenses, nous payons des taxes.

• 0940

Comment le Canada peut-il instaurer un meilleur équilibre entre les modes de transport? Nous recherchons des approches intermodales. Nous pensons, premièrement, qu'il faudrait un terrain de jeu plus égal sur le plan fiscal—harmonisation et équité fiscales—tant avec le camionnage qu'avec notre concurrent direct, le rail américain.

Nous pensons que le gouvernement fédéral pourrait mettre en place des politiques de transport novatrices dans le but de promouvoir la viabilité environnementale et l'efficience, avec des moyens tels que des redevances d'usagers imposées aux transporteurs routiers, des taxes «vertes» et des mesures d'encouragement au transport intermodal. Nous pensons que le gouvernement devrait élaborer et mettre en oeuvre une politique nationale globale du transport de surface. Le ministre Collenette a pris un bon départ avec son initiative de plan directeur.

Nous pensons que le gouvernement devrait favoriser le transport de voyageurs par rail en fournissant des capitaux et des fonds d'exploitation aux chemins de voyageurs et de banlieue.

En conclusion, madame la présidente, le commerce est essentiel au bien-être économique du Canada. Il importe d'accroître la sécurité à la frontière mais les marchandises doivent continuer à circuler. Le rail est un moyen de transport important mais pourrait faire davantage avec quelques ajustements des politiques. Les initiatives proposées par le rail peuvent contribuer à ces objectifs.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rowat.

Nous allons maintenant entendre l'Alliance canadienne du camionnage, représentée par M. David Bradley, son directeur général.

M. David Bradley (directeur général, Alliance canadienne du camionnage): Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs.

L'Alliance canadienne du camionnage est une fédération d'associations de camionnage provinciales de tout le pays. Nous représentons plus de 4 000 entreprises de camionnage. Nos membres tendent à être de petites entreprises familiales—assez représentatives du secteur, bien que nous ayons aussi quelques grands conglomérats—appartenant principalement à des Canadiens et non cotées en bourse.

Avant d'aborder mon exposé proprement dit, on a beaucoup dit ces dernières semaines que nous pouvons trouver inspiration dans la ville et la population de New York, qui ont souffert des événements insupportables et horrifiants et fait preuve d'une merveilleuse résilience. On trouve dans le numéro du 29 octobre du magazine New Yorker, un article assez instructif, s'agissant des transports.

J'aimerais vous en lire quelques passages. L'auteur, James Surowiecki, écrit:

    La nouvelle infrastructure de prévention a mis en lumière l'une des contradictions économiques les plus flagrantes de cette ville: New York, qui dépend singulièrement des camions, leur est singulièrement hostile.

    Il est incontestable que, sans les camions, la ville mourrait de faim. New York exporte des conseils financiers, des produits audiovisuels et le sens de la mode, et importe à peu près tout le reste [...]

    Pourtant, les camions sont méprisés [...]

    Depuis la Seconde Guerre mondiale, New York rend la vie impossible aux camions tout en dépendant d'eux pour à peu près tout.

Nous, dans le secteur du camionnage, trouvons cela assez intéressant et peut-être peut-on établir quelques parallèles.

Environ un tiers du PIB canadien dépend des échanges commerciaux avec les États-Unis, et environ 70 p. 100, en valeur, de ces marchandises sont transportées par camion. Près de 14 millions de camions franchissent la frontière canado-américaine chaque année, soit un toutes les deux secondes et demie. Le secteur emploie directement 400 000 Canadiens, dont environ 70 000 sont des chauffeurs traversant la frontière.

Il est évident que tout ce qui entrave directement la fiabilité de l'approvisionnement, autrement dit la capacité des camions à franchir la frontière pour se rendre à leur destination, aura un impact immédiat et direct, non seulement sur notre secteur, mais surtout sur les fabricants, détaillants et autres expéditeurs du pays.

Il ne fait nul doute que les événements du 11 septembre ont freiné l'activité économique à court terme, mais peut-être pas de façon aussi radicale qu'on aurait pu le craindre, jusqu'à présent. S'il y a encore des files d'attente occasionnelles à la frontière, le déploiement d'effectifs renforcés des deux côtés du 49e parallèle, particulièrement avec l'arrivée de nouveaux douaniers américains et le déploiement de la Garde nationale, a effectivement réduit la congestion à court terme.

Donc, s'il survient encore des problèmes sporadiques, la plupart de nos transporteurs nous disent que les choses sont revenues à peu près la normale. Mais les autorités frontalières restent encore en état d'alerte avancé et ce serait une erreur de croire que tout est redevenu comme avant.

• 0945

En effet, le principal facteur expliquant la diminution des délais d'attente est le recul sensible du trafic de voyageurs—c'est-à-dire de voitures—et, dans une mesure moindre mais néanmoins manifeste, une diminution du trafic commercial, c'est-à-dire des camions.

Toutefois, c'est l'impact à plus long terme qui nous préoccupe le plus. L'effet le plus inquiétant concerne l'investissement direct au Canada. Comme nous le savons tous, la frontière entre le Canada et les États-Unis a été virtuellement paralysée dans les jours qui ont suivi immédiatement les attaques terroristes. Les retards alors ne se mesuraient pas en minutes, mais en heures et souvent en jours. Cette situation sans précédent a engendré des problèmes graves pour les industries qui dépendent des livraisons juste-à-temps pour faire tourner leurs chaînes de montage, ainsi que pour les camionneurs transportant des marchandises périssables et du bétail.

Il faut savoir que les camions transportent 90 p. 100 des produits de consommation et alimentaires utilisés et consommés chaque jour dans notre pays. Nous estimons que les retards ont coûté probablement de l'ordre de 20 à 25 millions de dollars par jour, pendant les trois jours suivant le 11 septembre. Ce chiffre est basé sur une estimation conservatrice des seuls frais d'exploitation en période normale, multipliés par la longueur des retards. Ce chiffre n'englobe pas des éléments tels que les surcroîts de salaire, le manque à gagner ou le coût du déroutement vers d'autres postes frontaliers et ce genre de choses.

Mais il est difficile de distinguer l'impact du 11 septembre du malaise général dont souffre l'économie, et en particulier l'économie américaine, depuis quelques mois. Nos transporteurs considèrent que le ciel ne nous est pas encore tombé sur la tête mais que la situation est extrêmement fragile. Comme je l'ai dit, notre activité est quelque peu en recul—d'environ 10 p. 100 s'agissant du trafic transfrontalier, en moyenne—et si le ralentissement économique se poursuit, nous devrons nous attendre à un déclin plus prononcé.

Les répercussions sur notre secteur, à ce jour, ne sont manifestement pas aussi prononcées que sur d'autres modes. Le trafic transfrontalier ne s'est pas arrêté. Il faut bien voir également qu'il se posait déjà des problèmes à la frontière avant le 11 septembre. Mais ces événements ont engendré un nuage d'incertitude qui plane sur les perspectives économiques et, particulièrement, comme je l'ai dit, sur l'investissement direct au Canada.

La fiabilité de l'approvisionnement est maintenant mise en question. Des secteurs comme la fabrication automobile, qui dépendent de livraisons juste-à-temps ou dans des délais rigoureux, ont dû accroître leurs stocks. Cela coûte cher à ces compagnies et il ne fait aucun doute qu'elles en tiendront compte dans leurs décisions d'investissements futures. Nous craignons beaucoup que lorsque les contrats de fourniture actuels viendront à expiration, nos investisseurs américains se poseront la question de la fiabilité de l'approvisionnement et de la fiabilité de la frontière.

Ainsi, le 11 septembre a mis en lumière et attiré l'attention sur quelques problèmes frontaliers qui se posent de longue date. Avant le 11 septembre, on considérait en gros que ces problèmes ne concernaient guère que les camionneurs. Mais les événements ont fait ressortir l'importance du transport au Canada et souligné l'avantage spécifique que confère à notre pays notre accès au marché américain, un avantage manifeste sur nos concurrents. Ils ont souligné en même temps notre vulnérabilité. Aucun pays du G-7 ne dépend autant que le Canada des échanges commerciaux.

Il est donc essentiel de prendre les mesures suivantes.

Premièrement, nous avons besoin immédiatement d'un plan bilatéral de gestion de crise à la frontière, conçu pour faire face aux situations d'urgence. Six ou sept semaines se sont écoulées depuis le 11 septembre et si d'autres attentats terroristes ou situations d'urgence se produisaient, nous serions toujours dans un mode de réaction.

Nous devons restaurer la confiance de notre principal partenaire commercial envers notre sécurité nationale et internationale. Je pense que le Canada a quelque chose à offrir sur ce plan, avec le projet de loi récemment introduit à la Chambre qui vise à introduire au Canada un système d'auto-évaluation douanière. Je pense que c'est le genre de programme qui devrait, en principe, recevoir un accueil favorable du côté américain. Il comporte la collecte de données et le contrôle anticipé de chauffeurs préaccrédités, d'importateurs préaccrédités et de transporteurs routiers préaccrédités.

Le souci des États-Unis pour leur sécurité nationale n'est pas nouveau. De fait, en dépit d'une certaine coordination, le Canada et les États-Unis ont jusqu'à présent adhéré à deux philosophies divergentes. Les Américains ont toujours eu davantage le souci de la sécurité nationale. Nous en comprenons aujourd'hui les raisons. La fixation du Canada, tout naturellement, portait davantage sur la facilitation des échanges.

• 0950

Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est une nouvelle approche bilatérale. Plus tôt nous pourrons nous asseoir autour d'une table avec nos homologues américains, mieux cela vaudra. Nous sommes très encouragés par le fait que le ministre de l'Immigration, le ministre du Revenu et le ministre des Affaires étrangères ont tous déjà eu ou sont en train d'organiser des réunions de cette sorte avec leurs homologues.

L'accent est certainement mis davantage sur la sécurité aujourd'hui que par le passé. L'une des tâches les plus pressantes, voire la plus impérative de toutes, à laquelle nous devons nous atteler est de chercher à concilier ce besoin de sécurité accru avec le maintien de l'activité économique.

Un concept qui suscite le tir croisé de nombreux détracteurs ces derniers temps est ce que l'on appelle la stratégie du périmètre. Il semble que ce soit devenu le mot à ne pas prononcer à Ottawa. Les uns dénoncent ce concept comme étant simpliste et les autres comme un abandon de souveraineté, nos lois étant dictées par Washington. Mais il n'y a réellement là rien de nouveau. L'idée a été lancée il y a quelques années déjà par l'ambassadeur du Canada aux États-Unis de l'époque, Raymond Chrétien. Et, bien entendu, Paul Celucci, l'ambassadeur américain au Canada, l'a récemment reprise à son compte.

Les partisans de cette stratégie y voient une meilleure façon de pallier les menaces extérieures à notre sécurité, d'empêcher l'entrée des indésirables, en concentrant nos ressources au premier point d'arrivée—nos aéroports et nos ports maritimes—ce qui nous paraît très sensé. Cela nous permettrait ainsi de laisser circuler plus facilement, avec moins de contrôles, les voyageurs et marchandises à faible risque à travers nos frontières terrestres.

Il est intéressant—en dépit du débat politique qui fait rage à ce sujet—que les mesures envisagées par Douanes Canada ressemblent étrangement à l'approche du périmètre. Nous pensons que les entretiens récents de la ministre de l'Immigration avec son homologue américain vont également dans ce sens.

Donc, même si le terme est quelque peu chargé, nous pensons qu'il faut regarder au-delà de la sémantique et s'attaquer sérieusement à ce problème. À notre sens, une stratégie de périmètre ne serait pas un effacement du 49e parallèle.

La véritable perte de souveraineté, à notre avis, interviendrait si les États-Unis décidaient unilatéralement de ce que sera la frontière. Si vous avez suivi un peu ce qui se passe au Congrès, il y a une dizaine de jours a été adoptée la U.S. Patriot Act, qui rétablit à toutes fins pratiques l'article 110 de la Illegal Immigration Act—ou en tout cas en soulève la perspective. Toute une série d'autres projets de loi sont actuellement étudiés au Congrès selon une procédure accélérée et qui vont dans le même sens—des exigences de documentation imposées au Canada, etc.

En fait, le sénateur Ted Kennedy est sur le point d'introduire un projet de loi dont toute une partie est consacrée à un programme de périmètre de sécurité national. Il y est question d'une «coopérative nord-américaine de sécurité nationale» et stipule directement que le groupe de travail rencontrera «les représentants appropriés du Canada, du Mexique et des États-Unis afin d'élaborer, mettre en place et superviser un système international en vue d'évaluer et déterminer l'admissibilité de ressortissants étrangers en fonction des impératifs de sécurité nationale, englobant le contrôle de l'entrée et de la sortie des ressortissants de ces pays».

Il est intéressant que ces projets de loi prennent également souvent une forme bilatérale. Donc...

La présidente: Monsieur Bradley.

M. David Bradley: ...plus longtemps nous... Je vais aller plus vite.

La présidente: Eh bien, vous avez déjà dépassé. Je vous laisse 60 secondes pour conclure.

M. David Bradley: D'accord. Nous sommes toujours juste à temps dans notre industrie.

Il nous faut donc avancer vite. En outre, et c'est l'aspect qui importe le plus à votre comité, nous devons veiller plus que jamais à ce que notre économie et nos industries soient aussi productives et compétitives qu'elles peuvent l'être.

Nous devons veiller à avoir des corridors commerciaux efficients. Cela met en jeu non seulement l'infrastructure à la frontière, mais également l'infrastructure des accès à ces postes frontières. Nos routes sont aujourd'hui ce qu'étaient les fleuves jadis, nos axes de pénétration. Le secteur du camionnage ne demande pas à être renfloué, ne demande pas de subventions. Nous demandons simplement que les impôts que nous payons soient réinvestis dans l'infrastructure. Le Canada est actuellement le seul grand pays industrialisé de la planète à ne pas avoir de politique routière nationale.

Il faut réexaminer les taxes sur les intrants qui continuent à peser sur notre secteur, autres que la TPS. Comme Cliff l'a signalé, nous sommes l'un des rares secteurs à payer encore la taxe sur l'accise. Les taxes sur le carburant n'ont absolument aucune raison d'être.

• 0955

Tous les secteurs devraient recevoir des encouragements à l'investissement, afin de se doter des équipements les plus productifs, les plus efficients, les plus sûrs et les plus écologiques—pas seulement ceux qui, un jour donné, sont considérés comme les plus dans le vent ou qui produisent le produit ou service à la mode. Je pense que nous pouvons tous à cet égard nous inspirer du secteur de la haute technologie.

Tout bien pesé, le camionnage est une industrie à demande dérivée. Si nos entreprises clientes ne sont pas concurrentielles, notre industrie n'aura plus de raison d'exister. Mais on ne peut plus considérer le transport comme un mal nécessaire. On ne peut plus le considérer comme séparé des procédés de fabrication et des systèmes logistiques continentaux. Il est une industrie légitime et essentielle, inséparable de ces autres secteurs. Notre pays a été construit sur les moyens de transport—sur la nécessité de transporter les hommes et les biens avec efficience. Quiconque perturbe cet équilibre fragile qui existe aujourd'hui entre ressources frontalières et volumes de trafic pourrait boucher nos points d'accès vitaux au commerce international.

Je pense avoir terminé juste à temps. Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bradley.

Je tiens à remercier tous nos témoins de leurs déclarations liminaires. Elles étaient très détaillées et pleines d'intérêt.

Nous avons pas mal de questions et je rappelle aux membres et signale à nos témoins que la concision, tant des questions que des réponses, serait appréciée.

Monsieur Penson, s'il vous plaît.

M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

Je suis heureux de voir ce groupe ce matin, chacun venu nous parler de ses perspectives et de ses problèmes, tous très sérieux. Ce que j'ai retiré des vos propos ce matin, c'est que nous nous trouvons à un moment où nous avons l'occasion d'influencer la politique américaine concernant les modalités à la frontière.

J'ai remarqué que vous êtes tous membres de la Coalition pour une frontière sûre et propice au commerce. Nous avons tous entendu la déclaration de Perrin Beatty ce matin. Ce que je retire de son communiqué de presse, c'est que les Canadiens et l'industrie canadienne attendent une démonstration de leadership.

Vous avez indiqué que certains ministres rencontrent leurs homologues américains. J'ai remarqué également que le ministre de l'Industrie n'a pas été mentionné, ce qui semble assez étrange étant donné que c'est principalement son domaine de compétence.

Mais j'aimerais vous demander si vous ne pensez pas que le problème réel... Vous avez tous dit que votre industrie n'est pas réellement le problème. Vous êtes à peu près tous une industrie à faible risque, mais est-ce que cela importe dans le contexte d'ensemble? Si les Américains ne sont pas convaincus que nous agissons et prenons la sécurité au sérieux, n'allez-vous pas en ressentir les conséquences de toute façon? Ma question est donc de savoir si chacun de vos secteurs ne court pas un risque sérieux.

La présidente: Bien. Nous allons commencer avec M. Mackay.

M. Clifford Mackay: Pour donner une réponse brève, oui, absolument. Si, pour quelque raison que ce soit, le gouvernement américain décide que nous présentons un risque sécuritaire, les répercussions de ce jugement seront très graves.

Comme vous le savez, dans le secteur aérien, nous avons des mécanismes de prédédouanement dans les principaux aéroports, qui permettent d'effectuer les formalités de douanes et d'immigration américaines au Canada, avant le départ, un système que l'on envisage maintenant d'appliquer à d'autres modes. Si nous perdions cela, il en résulterait des retards et des difficultés horribles, car de nombreuses villes américaines que nous desservons n'ont pas de services de douanes et d'immigration. Cela obligerait tous les Canadiens à entrer aux États-Unis par un nombre très limité d'aéroports.

Oui, c'est un problème très sérieux et je dois dire que dans notre industrie—et je félicite franchement le ministre Collenette, car il travaille sur ces problèmes directement avec Mineta, son homologue américain—un certain nombre d'initiatives sont en cours pour accroître la confiance entre les deux gouvernements, s'agissant de prédouanement des passagers et de sécurité.

La présidente: Monsieur Rowat.

M. Bill Rowat: Je demanderais à M. Fox de répondre.

La présidente: Monsieur Fox.

M. Bill Fox (vice-président principal, Affaires publiques, Chemins de fer nationaux du Canada; Association des chemins de fer du Canada): Nous sommes d'accord, mais c'est pourquoi nous sommes encouragés par la multiplication des contacts entre divers membres de l'administration Bush, du Congrès et de notre gouvernement—et entre groupes, comme dans le cas de M. Beatty—visant à parvenir à une vision commune de la meilleure façon d'assurer la sécurité tout en autorisant la bonne circulation des marchandises et voyageurs à travers la frontière.

M. Charlie Penson: Je vous remercie, monsieur Fox.

La présidente: Monsieur Bradley.

M. David Bradley: Je pense que le Canada reste encore, malheureusement—et je suis heureux des développements de la semaine dernière—largement dans un mode réactif. Notre approche, à l'échelle nationale, reste encore quelque peu diffuse. Je pense que le monde des affaires commence réellement à se rassembler et nous parlons à nos homologues américains.

Mais je persiste à penser qu'il est indispensable que le Canada présente un plan détaillé à Washington et je ne soulignerais jamais assez que nous avons réellement des choses à offrir. Ce que l'on appelle facilitation des échanges consiste en grande partie à classifier les niveaux de risque, soit contrôler qui passe la frontière et accorder un passage privilégié aux voyageurs, expéditeurs et transporteurs à faible risque. C'est exactement le genre de choses dont parlent les Américains. Nous devons prendre du recul, regarder ce que nous faisons, examiner ce qu'il faut changer afin de rassurer les Américains, puis leur soumettre ces propositions et les défendre. Sinon, si nous temporisons, ils vont nous dicter leurs règles.

• 1000

Nous avons déjà le prédouanement. Nous l'avons déjà aux postes frontaliers terrestres. Toutes ces idées sont en place.

M. Charlie Penson: J'aimerais m'attarder là-dessus, monsieur Bradley. Je suis désolé de vous interrompre, mais mon temps est compté et j'aimerais parler de la question du contrôle préalable et de la manière dont il serait effectué. Je sais que c'est également important pour les chemins de fer.

J'étais récemment dans le port de Vancouver. Le trafic de conteneurs y a énormément augmenté au cours des sept dernières années. Vancouver a maintenant détrôné Seattle comme premier port d'escale de la China Ocean Shipping Corporation. N'y a-t-il pas là un risque si l'on va avoir un système de précontrôle minutieux à la frontière américaine, avec les retards que cela suppose? N'est-ce pas un problème, en ce sens que le terminal pourrait tout aussi bien être déménagé au sud, à Seattle? Il existe exactement le même risque de perdre du trafic dans le cas de Halifax.

Je n'ai pas détecté dans votre intervention de votre association et de votre compagnie, monsieur Fox, le sentiment d'urgence que j'attendais. Est-ce que la fenêtre n'est pas très étroite et ne devons-nous pas réagir rapidement?

M. Bill Fox: Si je ne vous ai pas donné l'impression qu'il y a urgence, alors j'ai piteusement échoué. Permettez-moi de dire d'abord que beaucoup de travail a déjà été effectué dans ce domaine avant le 11 septembre. Il faut le souligner, car ces idées qui vont être proposées dans les jours et semaines prochains n'ont pas été conçues à la hâte et en réaction à quelque chose. Il y a eu beaucoup de travail très sérieux au préalable.

Ce qui a changé, c'est que le sujet a fait irruption à l'avant-scène politique. Nous avons l'intention de présenter des suggestions très précises, très concrètes, littéralement dans les jours qui viennent, pour nous attaquer à ce problème très urgent.

La présidente: Merci.

Monsieur Penson, je vais devoir passer à quelqu'un d'autre. Désolée. Votre temps de parole est écoulé.

Monsieur Bagnell, je vous prie.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

Je vois que l'Association des chemins de fer est là. Je tiens à exprimer ici publiquement mon appui au grand projet de chemin de fer nord-américain, qui relierait le chemin de fer de l'Alaska à celui de la Colombie-Britannique.

Ma question s'adresse à Cliff Mackay. Tout d'abord, un certain nombre de députés ont été effarés de voir ce que les compagnies d'assurance ont fait aux compagnies aériennes après le désastre. Nous nous demandons si ce secteur n'est pas une oligarchie trop étroitement contrôlée et s'il ne faudrait pas l'examiner de plus près.

Je serais intéressé par tout ce que vous pourrez nous dire sur la sécurité, autre que le problème du financement de la sécurité, car c'est en rapport avec la frontière. Tout ce que vous pouvez nous dire en rapport avec la sécurité nous intéresse car il s'agit de faire en sorte que les touristes, les voyageurs d'affaires et le fret puissent continuer à circuler librement, de manière efficiente et sûre. S'il vous plaît, dites-nous tout ce que vous pourrez concernant la sécurité aérienne qui pourrait nous être utile.

M. Cliff Mackay: Je vais commencer et je demanderais à mon collègue de dire aussi quelques mots car Warren s'occupe de ce que nous appelons la «facilitation», c'est-à-dire la façon de faire circuler les passagers dans le système.

La sécurité est la grande préoccupation depuis le 11 septembre, cela ne fait aucun doute. Ce que nous avons cherché à faire d'abord, c'est de trouver un bon compromis entre la nécessité de renforcer la sécurité par des centaines de moyens différents et le désir de minimiser la gêne pour le public voyageur. Deuxièmement, nous avons cherché à concentrer nos ressources dans le domaine où les besoins sécuritaires sont les plus forts, et ce n'est pas facile.

Nous avons travaillé sur toute une série de choses, qui vont d'un contrôle beaucoup plus strict lors du prédédouanement et le déploiement de nouveaux équipements de sécurité qui vont probablement coûter des centaines de millions de dollars—de 50 millions à 60 millions de dollars ont déjà été annoncés, mais il en faudra beaucoup plus—jusqu'à toute une série de mesures se déroulant dans les coulisses et que les clients ne voient pas. Nous travaillons en collaboration très étroite avec les autorités chargées de la sécurité, non seulement Transports Canada mais aussi d'autres organismes, tels que les Douanes, l'Immigration et les services de sécurité sur ce que nous pouvons faire pour améliorer le flux d'information entre les compagnies aériennes et les autorités, particulièrement aux points d'entrée clés.

Un exemple—et je demanderais à Warren d'en parler—est un système appelé Information préalable sur les passagers. Warren, vous voudrez peut-être en dire un mot.

• 1005

M. Warren Everson (vice-président, Politique et planification stratégique, Association du transport aérien du Canada): Très brièvement, la grande mode en matière de sécurité aérienne aujourd'hui est d'accéder aux renseignements sur les passagers avant même le départ du vol, afin que les États puissent vérifier les noms, adresses et méthodes de paiement par juxtaposition avec leurs bases de données, afin d'identifier les personnes qu'il conviendra de contrôler soigneusement, et ce avant même que l'avion décolle ou atterrisse.

Les États-Unis mettent en place ce système de façon très agressive en ce moment même, et cela représente une bonne illustration de notre situation. Le Canada suit avec son propre système. Les systèmes ne sont pas actuellement compatibles. Nous risquons donc de devoir transmettre deux ensembles différents de données sur les vols, de part et d'autre de la frontière.

Les Britanniques auront accès à une partie de ces renseignements, et leur système pourrait bien être différent lui aussi. Nous devons non seulement harmoniser notre système avec celui des États-Unis, nous devons être le demandeur et mettre au point un système qui marchera pour nous. Nous ne pouvons survivre économiquement si nous sommes obligés de nous contenter du système qui sera imposé aux autres transporteurs internationaux. Nous ne pouvons survivre avec ce qu'Air France et l'Allemagne devront faire sur le marché américain. Notre système, nos volumes, nos types d'avion, la durée des vols, tout est différent. Si l'on nous met simplement dans le même sac que le restant du monde pour ce qui est du partage des données, ce sera catastrophique pour nous. Nous avons besoin d'un système propre et nous devons être présents à Washington en ce moment même, pour trouver un accord qui réponde à nos besoins.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bergeron, s'il vous plaît.

M. Stéphane Bergeron: Merci, madame la présidente. Je poserai des questions en cascade à l'intention de chacune des industries.

Pour ce qui est de l'industrie des chemins de fer, je voulais demander à ses représentants quel avait été l'impact des événements du 11 septembre dernier au niveau du transport de passagers, mais je crois qu'ils ont répondu à cette question dans leur présentation.

Au niveau du transport aérien, hier, en fin de journée, nous avons reçu notamment les représentants de l'industrie des agences de voyages qui, je pense, ont illustré avec beaucoup d'éloquence le fait que l'industrie aérienne et celle des agences de voyages étaient interreliées. Curieusement, dans toutes les revendications de l'industrie aérienne, il n'y a jamais de mention directe ou indirecte de l'importance des agences de voyages pour l'industrie aérienne.

Ma question est fort simple. Est-ce que l'industrie aérienne considère qu'elle peut très bien s'en sortir avec une aide gouvernementale sans que, parallèlement à cela, l'industrie des agences de voyages soit également appuyée par le gouvernement ou sans que quelque forme d'aide soit accordée à l'industrie des agences de voyages, considérant le fait que les deux industries sont interreliées?

Pour ce qui est du camionnage, le National Post a rapporté, il y a quelques jours, que les Américains réfléchissaient à l'idée d'établir un système de check-in, check-out à la frontière. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette suggestion qui semble trotter dans la tête de nos voisins du Sud.

[Traduction]

La présidente: Pourquoi ne pas commencer avec M. Rowat? Nous continuerons ensuite dans l'ordre des places à la table.

Monsieur Rowat.

[Français]

M. Bill Rowat: Serait-il possible que Paul Côté, le chef de l'exploitation de VIA Rail, réponde à votre question concernant les passagers?

[Traduction]

La présidente: Il pourrait s'asseoir à côté de M. Apedaile.

Veuillez vous nommer, monsieur, je vous prie.

[Français]

M. Paul Côté (chef de l'exploitation, VIA Rail Canada): Je m'appelle Paul Côté et je suis chef de l'exploitation chez VIA Rail Canada.

Monsieur Bergeron, dans un premier temps, dans les six ou sept jours qui ont suivi le 11 septembre, nous avons eu un achalandage accru incroyable, d'abord parce que beaucoup de gens étaient pris dans les aéroports et que nous avons dû les amener à leur destination finale.

Si je peux me le permettre, je vais vous décrire rapidement les trois grands groupes de produits que nous avons.

Dans l'Est du pays, dans les Maritimes, les événements du 11 septembre ont permis de renverser une tendance qu'on observait depuis le début de l'année et qui était en grande partie causée par la guerre tarifaire des compagnies d'aviation. Nous constations une diminution du nombre de passagers par rapport à nos prévisions. Cela a complètement changé. Donc, cela a été positif pour l'Est.

Dans le corridor entre Québec et Windsor, au moment où je vous parle, dans la classe affaires, les déplacements sont à la hausse par rapport à nos prévisions, et de beaucoup par rapport à la tendance avant le 11 septembre. Donc, c'est bon signe. Dans la classe économie, c'est à peu près la même chose. C'est revenu à la normale après la première semaine.

• 1010

Dans l'Ouest, on a observé des annulations de la part de touristes étrangers. Les Japonais, les Allemands et les Américains ont annulé leurs voyages. Dans une stratégie à court terme, on a tenté de les remplacer. Évidemment, l'Ouest étant un marché touristique, il est assez difficile de les remplacer. Mais en général, cela se maintient quand même.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Mackay, s'il vous plaît.

M. Cliff Mackay: Pour ce qui est des agences de voyages, vous avez tout à fait raison, monsieur. Les agents de voyages sont une partie intégrante du tout, de ce que nous appelons «l'industrie du voyage». Nous en sommes un élément, si l'on veut s'inscrire dans cette optique, particulièrement sur le plan des voyages d'agrément. Les agences en sont un autre élément important, étant jusqu'à ce jour le principal véhicule de distribution, soit la vente des billets, surtout s'agissant des voyages d'agrément. Toutefois, je dois dire que la technologie est en train de transformer cette combinaison; l'Internet, en particulier la faculté des voyageurs d'acheter leurs billets directement, altère la combinaison. C'est un facteur à ne pas perdre de vue pour l'avenir.

Vous avez demandé pourquoi le gouvernement n'a pas indemnisé les agences de voyages pour la période de fermeture de l'espace aérien. Je laisse au ministre le soin de s'expliquer, mais d'après ce que nous croyons savoir, le raisonnement est que notre gouvernement, comme beaucoup d'autres dans le monde, a reconnu le caractère extraordinaire de la situation. Nous avons été contraints à l'inactivité pendant plusieurs jours. C'était propre aux compagnies aériennes. Aucune autre industrie touchée par la crise n'a jamais reçu un tel ordre. Je crois que c'est pour cela que la décision a été prise de limiter l'indemnisation aux détenteurs d'un certificat d'exploitation de transport aérien. C'est pourquoi la décision a été prise de nous indemniser. Cela n'a pas été étendu aux hôtels, par exemple, ni à toute une gamme d'autres acteurs de l'industrie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mackay.

Enfin, nous écoutons M. Bradley, brièvement, je vous prie.

M. David Bradley: Comment se fait-il, parce que je suis en troisième position, qu'on me demande toujours d'être le plus bref?

La présidente: Non, vous disposez d'une minute, comme tout le monde. Je voulais simplement vous le rappeler.

M. David Bradley: Nous sommes très préoccupés par ce que nous voyons se profiler au Congrès et dans l'administration américaine. Cela fait à peine un an que le gouvernement et les milieux d'affaires canadiens ont obtenu l'abrogation de l'article 110 de la Loi sur l'immigration, et ces nouvelles mesures y ressemblent étrangement.

Toutefois, nous allons devoir confronter la réalité, c'est-à-dire répondre aux inquiétudes américaines pour leur sécurité. La collecte de données sur les personnes et les marchandises va devenir de plus en plus incontournable. Encore une fois, le Canada a quelque chose à offrir à cet égard, car toute la difficulté va résider dans l'application. Il est question de biométrie, par exemple la lecture de la rétine, et tout ce genre de choses, pour les chauffeurs de camion. Va-t-on pouvoir transmettre électroniquement ces données depuis le camion, ou faudra-t-il faire un arrêt à la frontière pour un balayage de carte? La manière dont cela sera mis en pratique déterminera largement les délais à la frontière.

Il faut avoir conscience qu'actuellement tout est perçu à travers le prisme de la sécurité aux États-Unis. Bien que l'administration dise ce que nous voulons entendre au sujet de la facilitation des échanges, etc., le Congrès n'en fait qu'à sa tête. Encore une fois, nous allons devoir être présents, et veiller à ce que les mesures mises en place soient praticables pour nous, si l'on va aller dans cette direction.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bradley. Merci, monsieur Bergeron.

M. St. Denis, je vous prie.

M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, madame la présidente. J'apprécie la présence de nos témoins ce matin.

J'aimerais faire usage de la sagesse collective réunie au bout de la table pour discerner l'attitude générale des Américains vis-à-vis du Canada, au niveau de l'industrie et des acteurs politiques, d'après ce que vous constatez. On a déjà dit qu'actuellement la sécurité est la considération primordiale aux États-Unis, alors que chez nous c'est surtout le commerce. CNN contribue à façonner une certaine vision du monde, surtout aux États-Unis, et cela se répercute évidement sur l'attitude des hommes politiques.

Vous êtes en rapport avec vos homologues américains. M. Fox a des homologues aux États-Unis qui traitent avec leurs membres du Congrès et sénateurs. Certains d'entre vous pourraient-ils nous décrire ce qu'ils voient ou anticipent, pas seulement dans l'immédiat, mais dans six mois ou un an. C'est là que l'on verra les résultats concrets des attitudes américaines. Quelle sera l'importance accordée par les dirigeants au Canada et au maintien des échanges avec nous? Nous avons beau en souligner l'importance, mais cela les préoccupe-t-il eux-mêmes?

• 1015

M. Bill Fox: Si je puis formuler deux observations, tout d'abord il faut bien voir qu'il existe des divergences d'attitude entre l'administration et le Congrès et je suis bien placé pour le savoir en tant qu'ancien journaliste à Washington. Du côté de l'administration, nous avons, je pense, d'excellentes relations et il se fait de l'excellent travail aux niveaux les plus élevés des deux gouvernements. Le Congrès est souvent... Les opinions de ses membres sont façonnées par les médias américains lesquels sont manifestement attirés par la notion qu'il y a des problèmes à la frontière nord des États-Unis. Celle-ci n'a pas beaucoup suscité l'attention ces dernières années et ils vont donc chercher à monter en épingle les incidents isolés qu'il a pu y avoir. Ce n'est pas sans risque pour nous. C'est pourquoi nous pensons que nous devons être très actifs en tête de ce défilé: nous pensons que le Congrès, en particulier, va chercher à restaurer la confiance des Américains dans la sécurité de leur frontière et/ou du périmètre. La seule question pour nous est donc de savoir si nous allons contribuer à trouver les solutions ou bien attendre qu'on nous les impose. À l'évidence, notre préférence est que le Canada participe à la mise au point des solutions.

M. Dennis Apedaile (conseiller principal, Affaires gouvernementales, Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique; Association des chemins de fer du Canada): Pour ajouter quelques mots à cela, vous avez peut-être entendu récemment que les États-Unis ont commencé à étudier où il est impératif de renforcer les contrôles à la frontière. Ils sont beaucoup plus soucieux de les renforcer à la frontière nord qu'à la frontière sud, ce qui en dit long sur les attitudes. Mais si nous ne réglons pas les craintes sécuritaires, nous n'obtiendrons rien au niveau de la facilitation des échanges. Voilà le son de cloche que nous entendons.

La présidente: Monsieur Mackay.

M. Clifford Mackay: Je suis du même avis, madame la présidente. Je formulerais quelques observations propres au mode aérien. Nos collègues du sud, les transporteurs américains, ne sont pas aussi soucieux que nous d'avoir un système aussi perméable que possible. C'est néanmoins un enjeu pour elles, s'agissant de leurs lignes reliant les États-Unis et le Canada. Nous avons donc des alliés. Je partage l'avis que nos relations de travail, au niveau administratif, avec le gouvernement américain sont bonnes, mais l'ingérence du Congrès est très réelle et inquiétante.

Le deuxième aspect est que, à mon avis, les États-Unis considèrent le transport aérien selon une optique très différente de la nôtre, ici au Canada, ou ailleurs dans le monde. Pour eux, il est une partie intégrante de leur appareil de défense. Par conséquent, ils vont faire un certain nombre de choses dans ce contexte, prendre des décisions politiques se répercutant sur cette industrie, pour des raisons purement de défense nationale, indépendamment de toute considération de politique économique ou commerciale. Nous devons en avoir conscience lorsque nous discutons avec eux. Ce n'est pas la réalité au Canada, mais c'est la réalité aux États-Unis.

La présidente: Merci. Monsieur Bradley.

M. David Bradley: Nous ne devons jamais oublier que le public américain ne pense pas au Canada. Nous ne faisons pas partie du tableau. Le Congrès ne se préoccupe pas du Canada. Un ancien consul général à Los Angeles m'a dit que seuls 40 p. 100 des membres du Congrès possèdent un passeport valide. Il faut donc en avoir conscience. Je trouve que mes homologues américains, tout en étant partisans du libre-échange, se montrent extrêmement prudents ces jours-ci et ne tiennent pas à être perçus comme privilégiant la libre circulation des marchandises au détriment de la sécurité. C'est une réalité incontournable.

Dans le domaine du camionnage, les Américains concentrent leur attention sur le Mexique beaucoup plus que sur la frontière nord, depuis déjà quelques années. En effet, la part mexicaine des importations aux États-Unis va croissant, alors que la part canadienne stagne. Donc, s'il est question d'intérêt économique, je ne suis pas sûr que le sud ne va pas être privilégié. Le Canada souvent ne figure pas dans le tableau, et c'est un facteur que nous allons devoir confronter.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur St. Denis.

Madame Desjarlais, s'il vous plaît.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Oui, je voudrais apporter une petite précision. M. Bradley a souligné que les Américains ont longtemps mis l'accent sur la sécurité de leur frontière avec le Mexique. C'est pourquoi ils ont commencé à renforcer les effectifs à la frontière canadienne. Jusque-là, les États-Unis pensaient que ce n'était pas nécessaire parce qu'il n'y avait pas de problème de sécurité majeur. Donc, cela n'est pas dû au fait que tout d'un coup le Canada est considéré comme une menace horrible. C'est simplement qu'ils renforcent les contrôles de sécurité en général. Je pense qu'ils vont quand même accroître encore plus les effectifs à la frontière mexicaine, mais ils vont aussi le faire à la frontière canadienne parce qu'ils les avaient réduits depuis pas mal d'années. Les Américains avaient beaucoup moins d'effectifs à la frontière canadienne que les Canadiens; voilà ce que je voulais préciser.

• 1020

La question que j'adresse à chacun d'entre vous est de savoir comment fonctionnerait à vos yeux le contrôle préalable. Au lieu qu'il se fasse aux postes-frontière, envisagez-vous—prenons Chicago, par où transitent énormément de marchandises ou de voyageurs—qu'un agent des douanes va effectuer les contrôles à un point donné ou bien va-t-il les faire dans les locaux d'une certaine entreprise à Chicago? J'aimerais simplement savoir comment chacune de vos industries conçoit le fonctionnement d'un mécanisme de contrôle préalable.

La présidente: Monsieur Apedaile.

M. Dennis Apedaile: Merci.

Dans le cas du rail, ce pourrait être à proximité ou même assez loin de la frontière. L'élément clé est d'effectuer le dédouanement à un endroit où existe une gare de triage de façon à pouvoir scinder les trains si les douanes veulent retenir un wagon pour une raison ou une autre; cela permet de composer les trains d'une manière qui convient aux douaniers; ensuite, une fois que l'on arrive à la frontière, il n'y aura plus de retards intempestifs. En effet, parfois il faut immobiliser tout un train pour l'inspection d'un wagon, et même séparer celui-ci du convoi. Ces choses arrivent car les douanes effectuent des contrôles aléatoires dont nous ne sommes naturellement pas prévenus.

Vous pouvez imaginer qu'arrêter un train de 120 wagons, ou plus, près de la frontière, et d'en extraire un wagon est énormément difficile, du point de vue logistique et du point de vue de la circulation des marchandises, mais est également plus dangereux que si on peut le faire dans une zone sûre éloignée de la frontière.

En tout cas, si l'on adopte le concept du périmètre, une bonne partie des marchandises traversant la frontière auront déjà été inspectées au périmètre, peut-être déjà au moment de la composition des trains.

Donc, aussi bien du point de vue de la sécurité que de la logistique du transport ferroviaire, il vaudrait mieux que ces opérations de prédédouanement se fassent dans une gare de triage loin de la frontière.

M. Clifford Mackay: Nous avons déjà le prédédouanement dans le transport aérien. Dans six grands aéroports du Canada, les formalités américaines, tant de Douanes que d'Immigration, sont effectuées avant l'embarquement.

Notre grand souci est d'amener le gouvernement américain à maintenir et accroître les effectifs consacrés à cela.

M. Mineta a annoncé l'autre jour 500 nouveaux inspecteurs, et les services d'immigration annoncent la mise en place d'agents supplémentaires à la frontière nord. Il s'agit donc pour nous, franchement, d'obtenir qu'une partie de ces effectifs soit allouée aux aéroports canadiens pour le contrôle préalable.

Cela fait déjà quelque temps que nous demandons aux Américains de faire passer de huit à dix le nombre de ces aéroports. C'est une façon très efficiente de gérer les choses.

Sur le plan du fret aérien, je dirais la même chose que le témoin précédent. Nous faisons du prédédouanement de fret, mais un certain nombre de mesures permettraient d'améliorer grandement le système.

Une remarque que je ferais, intéressant le côté canadien, est que nous avions un programme pilote à l'aéroport de Vancouver intitulé «En transit» permettant à un voyageur en provenance de Tokyo de prendre une correspondance à Vancouver pour Chicago. Jusqu'au 11 septembre, on pouvait transiter par l'aéroport sans subir les formalités d'entrée au Canada avant de repartir.

Malheureusement, le Canada a décidé d'annuler ce programme pour le moment. Donc, le voyageur qui atterrit à Vancouver en transit pour Chicago doit passer les douanes canadiennes avant de ressortir aussitôt. Franchement, ce n'est pas très raisonnable. Nous ne voyons aucune bonne raison de le faire, du point de vue de la sécurité, et nous encourageons le gouvernement à revoir cela. Je pense que si nous pouvions obtenir des zones de transit dans d'autres aéroports, cela facilitera beaucoup les choses aux voyageurs sans compromettre en rien la sécurité.

La présidente: Monsieur Bradley.

M. David Bradley: D'un point de vue opérationnel, je dirais la même chose que les chemins de fer. Mais il ne faut pas oublier qu'il n'existe actuellement que des possibilités limitées de prédédouanement vers les États-Unis. Ils se sont toujours montrés plutôt réticents et formulent des réserves à l'égard du système.

L'une des préoccupations des Douanes américaines est que, une fois un chargement prédédouané quelque part, que se passe-t-il entre ce point et la frontière, quelle garantie a-t-on, quel sceau peut-on apposer sur ce camion entre le point de contrôle et la frontière?

Je pense donc que cela va être difficile à vendre aux Américains. C'est pourquoi il est important également pour nous de réfléchir au dédouanement intérieur, en sus du prédédouanement.

• 1025

Le Canada applique depuis longtemps un système de dédouanement intérieur où un camion cautionné passe la frontière et est inspecté dans un entrepôt d'attente plus loin à l'intérieur du pays. Ces entrepôts peuvent être situés jusqu'à 100 milles de la frontière. C'est également quelque chose dont nous voulons parler aux Américains. Nous voulons leur parler du prédédouanement mais le dédouanement au-delà de la frontière pourrait également les intéresser.

La présidente: Merci beaucoup, madame Desjarlais.

J'ai maintenant une réelle difficulté. Trois députés encore souhaitent poser des questions. Je vais autoriser chacun d'entre vous à en poser seulement une.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Peut-elle comporter deux parties?

La présidente: Madame Torsney, une question, s'il vous plaît.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Monsieur Fox, vous mettez en lumière tout le travail effectué au niveau administratif et les influences différentes s'exerçant au Congrès, de la part des médias ou autres.

Vous avez parlé dans vos exposés de ce que vous faites vis-à-vis de vos homologues américains, pour assurer que les entreprises avec lesquelles vous traitez régulièrement transmettent les messages voulus au Congrès, et obtenir que celui-ci prenne des décisions avisées. J'aimerais en savoir plus à cet égard.

Il me semble qu'il n'y a pas seulement les impératifs de sécurité; vous devez également veiller à ce que les fondamentaux soient bons dans vos entreprises. Certains d'entre vous ont effleuré le sujet. Mais personne n'a réellement parlé des employés et du rôle qu'ils jouent dans le succès de l'entreprise.

Les expériences que j'ai faites dans le transport aérien depuis quelques semaines font que je vais probablement devenir cliente de M. Côté à l'avenir. Que faite-vous au niveau interne? Les employés connaissent beaucoup de stress. Il se passe toutes sortes de choses. Très peu de sociétés qui défilent ici nous parlent de l'élément humain.

La présidente: Monsieur Mackay.

M. Clifford Mackay: Vous avez tout à fait raison. Les employés dans notre secteur vivent sous une tension énorme. Je crois avoir mentionné que 11 000 employés ont déjà été mis à pied. Je crains que ce ne soit pas fini. Ce n'est pas ce que l'on pourrait appeler un milieu de travail propice. Nous faisons tout ce que nous pouvons, dans une période incroyablement difficile, pour préserver le moral des employés. Ce n'est pas facile.

Dans le même temps, nos employés sont assujettis à une myriade de changements de procédure et réglementaires, dont certains très pesants. On leur demande un contact avec les clients en première ligne beaucoup plus poussé qu'auparavant. Cela recouvre une multitude de choses, depuis les portes de cabine de pilotage verrouillées et renforcées jusqu'à la surveillance vidéo. Vous êtes un employé à votre poste de travail et l'on va vous filmer en vidéo en permanence. Vous n'y échappez pas. Nous sommes confrontés à une difficulté majeure et je ne veux pas la minimiser, loin de là. C'est un problème grave.

L'autre élément du puzzle est que les employeurs et les syndicats dans notre secteur mènent des négociations tendues. Comme je l'ai dit, plusieurs compagnies ont des difficultés de trésorerie et pour tenter de les surmonter s'assoient pour négocier avec leurs syndicats.

Nous sommes très conscients des problèmes. Non seulement les dirigeants, mais aussi nos employés font de leur mieux au milieu d'une crise sans précédent. Tout ce que je peux vous dire c'est que nous espérons que nos clients seront patients. J'espère que dans la plupart des cas vous obtenez le service auquel vous avez pleinement droit.

La présidente: Merci.

Je dois passer au suivant sur la liste.

Mme Paddy Torsney: M. Fox n'a pas...

La présidente: Madame Torsney, je vais donner 30 secondes à M. Fox, puis je passe à quelqu'un d'autre. Merci.

Monsieur Fox.

M. Bill Fox: Dans les quatre domaines dont j'ai parlés et où nous visons quelques propositions—les systèmes d'inspection à l'intérieur, l'intégration, le prédédouanement et les périmètres douaniers—tout ce travail est effectué par nos employés. Ce sont des hommes et femmes qui font tourner le système.

Nous offrons un service de lignes régulières et il s'agit pour nous de faire en sorte que la marchandise parvienne au client dans les délais voulus. Si un train se fait arrêter à la frontière et qu'on nous demande de séparer un wagon de ce train, quantité de clients, par voie de répercussion, sont touchés et il devient difficile de maintenir les horaires.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Drouin, une seule question, s'il vous plaît.

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vais poser une question rapide.

On a dit qu'on était plus réactif que proactif au niveau de ce qui se passe depuis le 11 septembre. Je voudrais vous rappeler que le ministre du Revenu avait pris des mesures avant le 11 septembre pour améliorer le passage au niveau américain. Les Américains sont très axés sur la sécurité présentement, mais ils ont toujours été très axés sur le protectionnisme, et cela se poursuit depuis le 11 septembre. C'est une complication que nous avons et que nous devons travailler à régler.

• 1030

Madame la présidente, le ministre des Transports a affecté 600 millions de dollars, pour les cinq prochaines années, à l'amélioration des axes nord-sud au niveau du transport. Si les provinces font de même, il y aura 1,2 milliard de dollars.

Monsieur Mackay, vous avez parlé de l'augmentation de 50 p. 100 du coût de l'essence. Est-ce que cela inclut ce qu'on vient de vivre dernièrement? On sait qu'il y a eu des baisses importantes. Étant donné les diminutions importantes que vous avez consenties aux agences de voyage... C'est comme si on demandait à des vendeurs de ne pas prendre leur auto pour aller vendre leur marchandise parce que c'est bon pour l'industrie du transport. Vous avez dit que la problématique d'avant le 11 septembre était mondiale. Est-ce qu'on a fait une analyse pour savoir pourquoi, avant le 11 septembre, l'industrie aérienne mondiale avait des problèmes? Je pense que c'est important de faire une telle analyse. J'ai peut-être mal saisi et j'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Mackay, s'il vous plaît.

M. Clifford Mackay: Il y en a eu quelques-unes, mais peut-être pas donnant toutes les réponses, mais nous restons en contact avec l'IATA et nos collègues américains. L'IATA est l'Association du transport aérien international. La situation au Canada que j'ai décrite existe dans d'autres régions du monde. Elle vaut certainement aussi pour les États-Unis. Aux États-Unis, le ralentissement économique a eu des répercussions encore plus dramatiques qu'au Canada. En Europe aussi on voit se multiplier les licenciements, les faillites, toutes ces choses.

Je ne sais pas trop quelle était votre question concernant les agences de voyages, mais la réduction des commissions est un phénomène mondial. On le constate aux États-Unis, en Europe et en Asie. C'était déjà commencé avant le 11 septembre, en partie par réaction au ralentissement de l'économie et en partie suite à l'introduction de technologies nouvelles.

Aux États-Unis, où ces coupures ont été les plus profondes, certaines compagnies aériennes vendent plus de 50 p. 100 de leurs billets par l'Internet et par ce que l'on pourrait appeler plus généralement le commerce électronique, plutôt que par le réseau traditionnel des agences de voyages. Les transporteurs à tarif réduit, en particulier, vont dans ce sens car les économies sont considérables.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Volpe, s'il vous plaît.

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier tous les invités de leur participation. Il s'agit pour nous d'avoir un meilleur tableau de ce qui se passe à la frontière.

Juste quelques réflexions. Je trouve que les Américains sont tout comme les Canadiens—ils ont un esprit de clocher très développé. Nombre d'entre nous, lorsque nous parlons de commerce international, songeons à Cleveland. La plupart des gens, lorsqu'ils songent au commerce international, pensent à un autre endroit. Mais je ne suis pas sûr que les inquiétudes et préoccupations apparues ces derniers mois soient directement liées aux événements du 11 septembre eux-mêmes et si ces derniers ne sont pas utilisés comme prétexte pour une série d'autres décisions.

Par exemple, sur le plan de la sécurité, les Américains, lorsque j'étais aux États-Unis à la fin de juillet, ont pris sur eux de fermer la frontière mexicaine à tous les piétons. La décision a été présentée comme un geste de pur harcèlement par l'Association des camionneurs américaine, parce qu'ils n'aiment pas la concurrence de leurs homologues mexicains. C'est tout. Ils ont trouvé une raison, un prétexte.

Mais d'après ce que j'entends aujourd'hui, vous préféreriez traiter avec l'administration plutôt qu'avec le Congrès, parce que cette dernière est une autorité linéaire un peu plus réceptive à la dynamique des flux nord-sud et internationaux. Les membres du Congrès et sénateurs sont davantage à l'écoute des intérêts purement locaux. C'est là-dessus que j'aimerais me concentrer un instant. Je me sens un peu embarrassé car je vais devoir m'attaquer à l'industrie de M. Mackay un instant.

Vous connaissez sans doute, monsieur Mackay, cet article—je pense de Newsweek—qui décrivait ce qu'a fait l'industrie du transport aérien américaine dès après le 11 septembre. En gros, l'article brossait le tableau d'une industrie connaissant de graves difficultés avant le 11 septembre, et qui est tombée comme un nuage de sauterelles sur le Congrès et l'administration dès après le 11 septembre pour obtenir une solution étatique à ses problèmes économiques, et cette solution a pris la forme de subventions et garanties d'emprunt.

• 1035

Vous avez pris soin d'indiquer que vous subissez un ralentissement de même ampleur que pendant la Guerre du Golfe persique. J'étais ici alors. Je me souviens de certaines choses, même si ma mémoire n'est plus aussi bonne qu'elle l'était. N'est-il pas un peu trop tôt pour décider que les choses ne vont jamais revenir à la normale?

La présidente: Je vous demande d'être bref, monsieur Mackay.

M. Clifford Mackay: Tout d'abord, j'espère ne pas avoir donné l'impression que nous n'allons jamais reprendre le dessus. Nous allons nous en sortir. Il ne fait aucun doute qu'à long terme l'avion, particulièrement pour les voyages de plus de 500 milles de distance—cela semble être le seuil—sera le mode de transport préféré. Nous transportons 80 p. 100 du trafic international au Canada et je n'imagine pas que cela change. Donc, la situation va évoluer et les choses vont revenir à la normale.

Ce que j'essayais de communiquer, c'est que nous sommes dans des circonstances très particulières et l'analogie la plus proche que j'ai pu trouver est celle de la Guerre du Golfe. Le problème est que le niveau d'incertitude est plus fort que tout ce que nous avons vu pendant la Guerre du Golfe. Nous ne savons tout simplement pas ce qui va arriver et c'est là notre grand dilemme.

Je ne peux donc pas vous dire si cela prendra six mois, 12 mois, 24 mois ou trois mois. Je peux vous dire avec assez grande certitude que nous ne sortirons pas de ce trou dans trois mois et cela cause de graves problèmes de liquidités à certains transporteurs—pas tous, mais certains. C'est un fait avéré et c'est tout ce que j'essayais de communiquer.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Volpe.

Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus nous rencontrer ce matin. Nous avons apprécié non seulement vos exposés, mais également le dialogue que nous avons eu. Chacun de vos secteurs joue un rôle très important dans l'économie canadienne.

Je peux vous assurer, monsieur Bradley, lorsque vous dites que le camionnage n'est pas respecté, qu'il l'est énormément dans ma circonscription, comme dans beaucoup d'autres. Je comprends vraiment l'importance du transport des marchandises au-delà de la frontière—tant par rail que par camion et nous apprécions vos présentations. J'espère que le secteur aérien retrouvera sa vigueur et que cela permettra de remettre en service les vols directs entre Windsor et Ottawa.

Cela dit, nous allons continuer à travailler sur ce problème et formuler quelques recommandations et nous vous serons reconnaissants de continuer à dialoguer avec notre comité à cet effet.

Je vous remercie tous d'être venus ce matin.

Je vais demander aux membres du comité de rester à leur place car je ne vais pas suspendre la séance pendant que les témoins suivants s'installent.

Je rappelle aux membres du comité que nous avons prévu plusieurs groupes de témoins ce matin.

Nous allons entendre maintenant le Conseil canadien des chefs d'entreprise, qui sera suivi par la Fédération canadienne de l'agriculture, l'Association canadienne de la technologie de l'information, l'Association canadienne de production de films et télévision puis la Detroit Regional Chamber of Commerce, qui nous fera part de la perspective américaine, une perspective du plus haut intérêt.

Je m'adresse maintenant aux témoins qui ont pris place à la table. Je les remercie de leur patience. Nous sommes heureux d'accueillir les représentants du Conseil canadien des chefs d'entreprise, soit M. Thomas d'Aquino, président-directeur général; M. David Stewart-Patterson, vice-président principal chargé de la politique et des communications et M. Sam T. Boutziouvis, vice-président chargé du commerce international et de l'économie globale.

Je donne la parole à M. d'Aquino, pour sa déclaration liminaire.

• 1040

M. Thomas d'Aquino (président-directeur général, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Madame la présidente, permettez que je commence par remercier le comité de l'occasion qui nous est ici donnée d'évaluer les conséquences économiques des attentats terroristes du 11 septembre et la façon dont le Canada pourra avancer à partir d'ici.

Je laisserai aux représentants des différentes compagnies qui comparaissent devant vous le soin de vous présenter des aperçus détaillés des défis auxquels ils se trouvent, chacun dans leur domaine, confrontés. Je vous soumettrai néanmoins que les entreprises canadiennes ont été touchées à trois niveaux distincts, dont chacun exige des réactions différentes sur les plans affaires et politiques publiques: premièrement, il y a les effets choc ponctuel des attaques terroristes et les pertes économiques qui peuvent être directement attribuées aux attentats terroristes eux-mêmes et à leurs suites; deuxièmement, il y a les effets cycliques temporaires du fléchissement économique qui, comme vous le savez, avait déjà commencé à se faire sentir avant les attaques; et, troisièmement, il y a les problèmes structuraux persistants de la compétitivité canadienne, problèmes qui pourraient être masqués si la conjoncture était plus porteuse mais qui sont aujourd'hui exacerbés.

Les industries liées au voyage ont été les plus durement frappées par les effets choc, et vous en avez entendu certains porte-parole il y a quelques instants, madame la présidente. Les gouvernements ont agi rapidement pour offrir aux compagnies aériennes des dédommagements pour les pertes directement liés aux événements et pour assurer aux aéroports une assurance de secours temporaire. Le ralentissement cyclique était cependant bien engagé avant le 11 septembre. Il avait débuté avec le secteur de la haute technologie et il avait déjà déclenché des dizaines de milliers de mises à pied ainsi que des réductions dans les dépenses des sociétés et dans les déplacements pour affaires. Le choc du 11 septembre a accéléré le ralentissement, frappant un nombre toujours croissant de sociétés et de travailleurs, mais les banques centrales du monde entier avaient déjà pris des mesures pour contrer ses effets. Elles ont réagi aux attaques terroristes en réduisant encore davantage les taux—la Banque du Canada les a baissés de 1,25 point de plus.

L'incidence des plus bas taux d'intérêt n'a pas été immédiate, mais elle est généralisée et puissante. Nous tenons à souligner que la politique monétaire demeure le meilleur moyen d'alléger les problèmes cycliques auxquels se trouvent confrontés et les compagnies et les consommateurs canadiens.

Au cours des dernières semaines, nous avons entendu quelques appels lancés de ci de là pour d'importants stimulants fiscaux. Au mieux, nous pensons que cela serait contre-productif; au pire, ce serait désastreux. Premièrement, les consommateurs bénéficient déjà des importantes réductions d'impôts annoncées l'an dernier par le ministre des Finances, Paul Martin. Deuxièmement, l'expérience américaine avec les remises d'impôt laisse deviner que dans la conjoncture actuelle, le gros de cet argent récupéré serait économisé plutôt que dépensé. Troisièmement, les nouvelles dépenses en matière de sécurité que le gouvernement devra consentir constitueront en elles-mêmes un important stimulant.

Plus que tout, nous nous attendons à ce que ces actuelles mesures de dépenses essentielles avalent le gros, voire la totalité, du surplus pour l'exercice en cours. En l'absence de réductions compensatoires et de dépenses moins essentielles, ces besoins pourraient fort bien plonger le gouvernement dans une position déficitaire au cours du prochain exercice financier. Le gouvernement ne pourra peut-être pas éviter de connaître une position déficitaire pendant une année ou deux, quoi qu'il fasse. Cependant, et nous tenons à insister très fortement là-dessus, madame la présidente, il doit à tout prix résister à la tentation de dépenser jusqu'à ce que déficit s'ensuive. Nous ne connaissons aucune politique qui puisse davantage nuire à la confiance des consommateurs et des entrepreneurs qu'un retour aux énormes déficits qui ont fait augmenter les impôts année après année pendant plus de deux décennies.

Nous convenons que la politique fiscale n'est pas le meilleur moyen de combattre les effets temporaires du cycle économique, mais elle aura une profonde incidence sur la capacité du Canada de faire face aux défis structuraux auxquels les entreprises canadiennes sont confrontées dans toute une gamme d'industries. L'environnement d'affaires que les gouvernements créent par leurs choix en matière d'impôts, de dépenses et de réglementation déterminera dans quelle mesure les entreprises canadiennes réussiront à évoluer et à croître dans les années à venir.

Dans un ouvrage récent intitulé Northern edge: how Canadians can triumph in the global economy, mon collègue, David Stewart Patterson et moi-même arguons—et je sais que nous avons partagé ce livre avec nombre d'entre vous—que l'objectif du Canada peut et devrait être ambitieux: faire du Canada le lieu privilégié pour entreprises et citoyens du monde. Nous disons que le Canada est le meilleur endroit au monde où vivre, travailler, investir et croître. Cependant, pour réussir, nous devons être infatigables dans nos efforts visant à améliorer l'environnement économique, en cherchant des avantages par le biais d'un régime fiscal compétitif, de règlements plus transparents et d'investissements publics plus efficients en matière de recherche, d'éducation et de compétences, et à investir dans l'infrastructure et les autres moteurs de la croissance future.

Comme le ministre de l'Industrie, Brian Tobin, l'a dit au comité mardi, nous ne devons pas laisser la crise à court terme nous amener à négliger les bases d'une croissance à long terme côté possibilités, emplois et revenus. Le gouvernement a déjà marqué d'importants progrès grâce, par exemple, à une réduction sensible des taux d'imposition applicables au revenu des particuliers et des sociétés et à une augmentation de son investissement dans la recherche.

• 1045

Le pays peut et doit cependant faire plus, et j'encouragerais fortement le gouvernement à aller de l'avant avec une stratégie axée sur l'avenir qui continue de miser sur l'innovation et les compétences. Les priorités et l'échéancier de ce programme doivent cependant être adaptés à l'époque que nous vivons. Ce n'est pas le moment de lancer d'importants nouveaux programmes de dépenses. C'est le moment de réfléchir à la question de savoir comment mieux dépenser les ressources existantes. C'est le moment d'examiner des moyens de réformer le régime fiscal canadien de façon à ce que notre fardeau fiscal soit plus concurrentiel sans pour autant réduire les revenus, et c'est également le moment de nous attarder sur les mécanismes de réglementation qui sont susceptibles d'avoir une forte incidence sur la croissance sans pour autant exiger de nouvelles dépenses.

À plus long terme, le Canada doit faire beaucoup plus, et nous devons encore réduire de beaucoup les impôts de façon à accorder au pays un avantage convaincant en vue d'attirer de nouveaux investissements. Cependant, pour l'heure, il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites pour rendre notre régime fiscal plus concurrentiel sans pour autant occasionner de pertes de revenu. De la même façon, nous devrons, au fil du temps, augmenter l'investissement dans la recherche et améliorer l'accès à l'apprentissage continu, mais en attendant, il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites pour rendre plus efficient le soutien existant à la portée des particuliers, des collectivités et des régions.

Madame la présidente, étant donné les contraintes financières actuelles, un programme d'innovation efficace doit également s'attaquer aux principales questions de réglementation. Les gouvernements pourraient améliorer l'efficience de l'économie canadienne en mettant par exemple pleinement en oeuvre et en élargissant l'accord sur le commerce international; en renouvelant ses efforts visant à réformer l'assurance-emploi, ce qui aurait une forte incidence sur la mobilité de la main-d'oeuvre; et en remaniant la politique sur la concurrence et les restrictions en matière de propriété étrangère, ce qui pourrait relancer l'investissement.

L'innovation n'est pas synonyme de maintien du statu quo; l'innovation c'est mieux faire les choses. Le gouvernement devrait vigoureusement poursuivre ses efforts visant à encourager l'innovation dans les secteurs tant public que privé, mais je dirais que pour qu'un plan pour l'avenir soit crédible il faudrait à tout le moins qu'il fasse ressortir que les principaux ministères fédéraux sont prêts à faire une meilleure utilisation des ressources dont ils disposent déjà.

Je conclurai, madame la présidente, en traitant du problème structural le plus urgent auquel le Canada se trouve aujourd'hui confronté, soit notre accès continu au marché américain. L'effet immédiat des événements du 11 septembre a été de créer de longues files d'attente à la frontière. Ces files d'attente ont rétréci pour le moment parce que les gouvernements ont affecté davantage d'inspecteurs à la frontière et parce que moins de personnes et de marchandises arrivent à la frontière. Ce qu'il faut maintenant c'est veiller à ce que l'incidence temporaire des mesures visant à assurer la sécurité à la frontière ne cause pas à l'économie canadienne des dommages structuraux persistants.

De nombreuses mesures peuvent être prises rapidement pour améliorer la sécurité et l'efficience à la frontière. Ces mesures sont traitées dans un document qui a été diffusé ce matin par une coalition de groupes de gens d'affaires dont fait partie le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Ces efforts, bien qu'utiles, ne suffiront pas à notre avis. La santé de l'économie canadienne et, partant, la clé à la souveraineté du pays, réside dans sa capacité de livrer concurrence pour des investissements dans les secteurs qui desserviront les marchés continentaux et mondiaux. L'accès au marché américain est tout particulièrement important. Étant donné les événements survenus dans le monde, le Canada doit prendre un certain nombre de décisions fondamentales quant à la façon de gérer sa relation d'ensemble avec les États-Unis, et cela presse.

C'est dans ce contexte que le CCCE a pris l'initiative de réunir un comité de PDG canadiens qui travailleront en étroite collaboration avec leurs homologues américains ainsi qu'avec le gouvernement et les parlementaires canadiens. Notre but est de veiller à ce que les gouvernements à tous les paliers, et ce dans les deux pays, soient pleinement au courant de notre intérêt commun à l'égard d'une frontière ouverte et de nous assurer que les malentendus ne débouchent pas sur des actes mal réfléchis susceptibles d'entraver le commerce ou les flux d'investissement futurs.

En temps de crise et de confusion, l'unicité du but et la clarté du message sont essentielles. Les efforts du Canada doivent être déployés de façon vigoureuse et visible, car même l'impression que la frontière puisse devenir un sérieux obstacle pourrait commencer à exercer une influence sur les décisions d'affaires, par exemple les décisions relativement aux usines à fermer et aux endroits où seront implantées de nouvelles usines. Tout ce que nous pourrons faire pour améliorer le contexte pour les affaires au Canada sera défait si nous permettons que le 49e parallèle soit perçu comme une sérieuse entrave au commerce et à l'investissement.

En conclusion, madame la présidente, les entreprises canadiennes souffrent sur de nombreux fronts et pour toute une gamme de raisons. Certaines des conséquences des événements du 11 septembre ont été ponctuelles et sont maintenant choses du passé. Les plus graves problèmes à court terme sont surtout de nature cyclique, mais ils ont exposé de sérieuses faiblesses structurales que nous devrons corriger collectivement. Aujourd'hui plus que jamais, les Canadiens peuvent travailler ensemble tant pour veiller à notre sécurité collective à court terme que pour établir les bases d'un avantage concurrentiel pour l'avenir.

• 1050

Merci, madame la présidente. Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur d'Aquino.

Nous allons commencer par M. Penson. Allez-y, je vous prie.

M. Charlie Penson: Merci beaucoup, et merci au CCCE d'être venu nous rencontrer et d'avoir ainsi fait une importante contribution à notre discussion.

Monsieur d'Aquino, je pense que le dernier gros choc externe que nous ayons vécu en Amérique du Nord était sans doute le cartel de l'OPEP en 1973. Je suppose que nous ne savons pas très bien quels seront les effets, car le scénario dans son entier n'a pas encore été réalisé, mais vous dites très clairement qu'il nous faut faire ce que nous pouvons pour assurer un accès au marché américain. Il nous faut donc travailler étroitement avec les Américains sur les questions de sécurité. Plus important encore, je pense, il nous faut mettre l'accent sur ce que nous pouvons faire ici, chez nous.

Ma question traite donc d'un sujet que vous avez soulevé, soit le problème de commerce interne que nous avons dans ce pays, où il semble que nous ayons de meilleurs accords commerciaux internationaux qu'internes. Il semble que sur ce plan les choses ne bougent pas. Faute d'un processus débouchant rapidement sur des discussions avec les provinces, recommandez-vous que le gouvernement fédéral recoure à ses pouvoirs constitutionnels pour intervenir unilatéralement en vue de régler le problème?

M. Thomas d'Aquino: Cela est non seulement une très bonne question, mais également une direction qui pourrait être très utile.

Permettez que je souligne ici une chose. Le problème auquel nous nous trouvons confrontés ne va pas être corrigé même avec un écrasement rapide des Talibans. Nous sommes ici confrontés à un sérieux problème dont les ramifications, au pire, pourraient amener une récession ou de très bas niveaux de croissance pendant deux ou trois ans. Partant, la crise du pétrole offre un très bon point de comparaison.

C'est pourquoi il nous faut utiliser toutes les ressources imaginables pour corriger les problèmes qui doivent être corrigés ici chez nous. Vous tous qui travaillez depuis pas mal de temps au comité avez cerné nombre des problèmes. Vous avez évoqué celui des barrières commerciales internes. Nous, nous avons parlé d'une réforme fiscale. Il y a de nombreuses politiques qui pourraient être améliorées.

J'espère ardemment que vous userez de toute l'influence dont vous jouissez en tant que comité pour bâtir au sein du gouvernement un consensus, car l'époque de sectarisme politique est révolue; le moment est venu pour chacun de s'atteler à la tâche et de dire: «Avançons le plus rapidement possible en cette période de difficultés, et ne commençons même pas à essayer d'imaginer que cela va s'arrêter d'ici six mois».

Cela me ramène au point que nous avons souligné dans le mémoire et qui est un thème permanent du CCCE. Même avant le 11 septembre, nous perdions des gens. Nous perdions des industries et des sièges sociaux. Le dollar canadien ne cesse de baisser, battant tous les records. Cette tendance va se poursuivre et la situation va continuer de s'aggraver à moins que nous ne décidions d'adopter dans ce pays des politiques telles que nous serons le meilleur pays au monde dans lequel investir. C'est la seule façon de réagir au manquement que nous connaissons. L'accord sur le commerce intérieur est un élément dans une longue liste de questions au sujet desquelles j'oserais espérer que les premiers ministres diraient: le moment est venu, sous le leadership du gouvernement fédéral, de passer à l'acte. Dans les cas où le premier ministre et les premiers ministres des provinces ne parviennent pas à s'entendre, j'invoquerais sans réserve le pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral.

M. Charlie Penson: Merci. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense qu'il y a là les pouvoirs nécessaires pour ce faire. Selon beaucoup d'estimations, le coût de ce problème se chiffrerait à entre 6 et 8 milliards de dollars par an.

Monsieur d'Aquino, vous avez parlé des difficultés que nous avons eues et de la nécessité d'améliorer la situation de base ici chez nous. Comme vous l'avez dit, nous sommes déjà confrontés chez nous à un certain nombre de difficultés, notamment à une baisse à long terme de l'investissement étranger au Canada. Même les Canadiens semblent investir à l'extérieur du pays plus que ce qui est directement investi dans ce pays de l'étranger.

Vous avez parlé des règles en matière de propriété étrangère. De quelle façon cela cadre-t-il selon vous dans l'équation en matière d'investissement? Y a-t-il des catégories d'activités ou des entreprises particulières pour lesquelles nous devrions selon vous changer les règles en matière de propriété étrangère?

M. Thomas d'Aquino: Permettez que je réponde très directement à cette question.

• 1055

Encore une fois, si en tant que pays nous étions plus sérieux dans notre détermination à être des chefs de file, à faire mieux que les Américains, pour attirer du talent, conserver chez nous le talent canadien, bâtir des industries concurrentielles partout dans le monde à partir d'une base canadienne et augmenter notre niveau de vie, sans parler d'augmenter la valeur du dollar canadien, alors cela exigerait un changement de direction très marqué dans notre programme, un changement d'attitude voulant que nous puissions être les meilleurs.

En ce qui concerne la question de la propriété étrangère, et vous avez également mentionné celles des obstacles internes au commerce et de la réglementation, les économies les plus efficaces et les plus efficientes au monde sont des économies ouvertes, des économies qui sont véritablement concurrentielles pour ce qui est de leurs travailleurs et de leurs industries. Tant et aussi longtemps que le Canada maintient un important niveau de protection pour les industries canadiennes à l'égard de l'investissement étranger, cela aura pour effet, primo, de décourager l'investissement et, deuzio, de rendre nos industries moins concurrentielles.

Dans le meilleur des mondes, donc, voici ce que je dirais. Si je pouvais faire les lois, si j'étais Salomon, je dirais qu'il faudrait d'ici cinq ans éliminer toutes les mesures de protection en matière de propriété étrangère; toutes les industries devraient être averties du fait qu'il leur faut en l'espace de cinq ans devenir concurrentielles. Cela serait-il bon pour Air Canada? Bien sûr que oui. Cela serait-il bon pour le secteur bancaire? Bien sûr que oui. Cela serait-il bon pour les transports? La liste serait fort longue. Cela engagerait le Canada dans une économie ouverte, à l'intérieur de laquelle nous pourrions être véritablement concurrentiels et avoir les meilleures chances de bâtir le genre de monde que nous voulons. Et savez-vous quoi? Si nous ne le faisons pas, nous en paierons le coût, à cause du désinvestissement.

Deuxièmement, je ne pense pas que le rythme de la mondialisation et que la recherche d'économies ouvertes vont être stoppés à cause d'une poignée de personnes cachées dans des cavernes et de terroristes qui nous menacent. Mais un jour, comme nous l'avons déjà vu, des organes de réglementation internationaux comme l'OMC nous obligeront à démanteler ces règlements. Alors pourquoi ne pas être proactifs et dire que nous allons prendre ces mesures comme cela nous arrange au lieu qu'on nous les impose?

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Bagnell, s'il vous plaît.

M. Larry Bagnell: Merci, et, dans l'esprit de votre suggestion voulant que nous ne soyons pas partisans, je suis heureux que M. Penson et vous-même ayez soulevé la question des barrières commerciales internes. Je pense que nous convenons tous qu'il importe de les démanteler, et j'ai été ravi par votre mention tout à l'heure de l'importance du programme d'innovation. Je me réjouis à l'idée que vous ayez ce comité de pairs pour travailler au dossier de la frontière, car nous avons besoin de toute l'aide possible pour régler cela.

Certains de vos commentaires semblent laisser entendre que le problème est contenu ou à court terme, mais si vous regardez ce que font les agences de sécurité, vous verrez qu'en ce qui concerne ces terroristes, ces événements ne constituent que la pointe de l'iceberg. Ces terroristes sont présents dans la quasi-totalité des pays du monde et ont un vaste réseau. Si vous avez suivi le Dow Jones et tout le reste, vous savez que les milieux d'affaires ont été très gravement atteints et cela a une grave incidence sur les revenus du gouvernement.

Par ailleurs, comme l'a dit le dernier intervenant, on parle de 11 000 emplois dans une seule industrie. C'est un fardeau social énorme pour le gouvernement. Les effets sur la capacité du gouvernement de faire certaines choses sont donc immenses. Je ne pense pas que nous puissions minimiser l'incidence de tout cela.

La présidente: Monsieur d'Aquino, avez-vous quelque chose à dire en réaction à cela?

M. Thomas d'Aquino: Non.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bagnell.

[Français]

Monsieur Bergeron, vous avez la parole.

M. Stéphane Bergeron: Merci, madame la présidente. Monsieur d'Aquino, j'ai peut-être mal compris vos propos, mais j'ai été pour le moins interloqué par votre suggestion d'utiliser les pouvoirs constitutionnels dévolus au gouvernement fédéral pour forcer les provinces à faire certaines choses. Je veux d'abord dire qu'il ne faut pas surestimer les pouvoirs constitutionnels dévolus au gouvernement fédéral. Nous devons nous rappeler que ce sont les provinces qui, en s'associant, ont créé le gouvernement fédéral pour le bien de la fédération et non pas l'inverse.

Cela étant dit, je voudrais vous poser deux questions. La première touche les baisses d'impôt. Il semble que lors de votre présentation, vous ayez suggéré que le gouvernement fédéral ne décrète pas de nouvelles baisses d'impôt sous prétexte que les consommateurs avaient plus tendance à épargner qu'à consommer, acheter ou investir.

• 1100

Je me demande sur quoi vous vous basez pour en arriver à cette conclusion, étant donné que les taux d'intérêts sont tellement bas en ce moment qu'il n'y a presque aucun avantage à épargner et à investir dans des fonds d'épargne. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos commentaires à ce sujet.

Je voudrais aussi vous poser une question que j'ai déjà posée à des intervenants de chambres de commerce que nous avons reçus mardi.

Vous savez que la prospérité économique passe par la consommation. Pour qu'il y ait consommation, il faut qu'il y ait des salaires. Actuellement, lorsqu'une entreprise de trois ou quatre employés met un employé à pied, bien que cette situation soit dramatique pour l'employé remercié, cela n'a qu'un impact limité en termes économiques. Il y a aura beaucoup plus de répercussions si 1 000 entreprises de petite taille mettent toutes à pied un employé. Vous représentez les grandes entreprises du Canada, et depuis déjà un certain nombre de semaines, elles ont recours à des mises à pied massives. Vos entreprises ont-elles comme mot d'ordre de viser à limiter au maximum les mises à pied afin de ne pas accélérer le ralentissement économique?

Je sais pertinemment que vos entreprises ne sont pas des organismes philanthropiques, mais comme nous avons tous comme objectif commun le dynamisme et la croissance économique, je pense que l'entreprise doit participer à l'effort collectif, et non pas simplement demander au gouvernement de tout faire pour mettre en place les mesures positives requises pour maintenir un niveau économique appréciable.

[Traduction]

La présidente: Monsieur d'Aquino.

[Français]

M. Thomas d'Aquino: Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Si vous permettez, je vais tâcher de réagir très rapidement aux trois points que vous soulevez.

Premièrement, en ce qui concerne la question des pouvoirs constitutionnels, le moment est mal choisi pour avoir un débat sur les origines de la Confédération. J'ai énormément de respect pour les pouvoirs des provinces, et j'ai toujours argué—comme l'a d'ailleurs fait notre organisation—que la division des pouvoirs devrait être respectée, peut-être beaucoup plus qu'elle ne l'a été au cours des 25 ou 30 dernières années. Cela étant dit, vous et moi savons qu'en vertu de la Constitution canadienne le pouvoir commercial est un pouvoir qui revient au gouvernement fédéral. Si les pères de la Confédération ont, dans leur sagesse, décidé qu'il devait en être ainsi c'est qu'ils bâtissaient un pays dans lequel ils savaient que le commerce allait devoir traverser des frontières.

Je travaille toujours à partir de l'hypothèse voulant que l'on tiendra compte des intérêts du pays dans son entier, et si l'on accepte les déclarations faites par nombre des premiers ministres voulant qu'eux aussi considèrent que c'est le pays tout entier qui les intéresse au premier plan, alors ils doivent prendre des mesures qui aillent au-delà des intérêts de leurs provinces respectives pour s'engager à veiller à ce que le Canada soit un pays dans lequel il n'y a pas d'obstacles au libre mouvement de marchandises, de biens, de services et de personnes. C'est là la définition d'un vrai pays et je pense que c'est ce genre de pays que veulent la plupart des Canadiens.

Le pouvoir constitutionnel ne devrait être utilisé que si cela est nécessaire, mais à mon avis, cela ne devrait pas être nécessaire, car le leadership de toutes les provinces et de tous les premiers ministres des provinces devraient veiller à ce que ces entraves soient éliminées.

En ce qui concerne la deuxième question, celle des réductions d'impôt, aucune organisation dans ce pays n'a plaidé plus vigoureusement que nous en faveur de telles réductions. Nous avons d'ailleurs attiré la colère de l'actuel gouvernement il y a de cela un peu plus d'un an lorsque nous avons réclamé des réductions d'impôt massives, et l'on nous avait alors dit que nos suggestions n'étaient pas réalistes du tout. M. Martin a annoncé une réduction d'impôt de 100 milliards de dollars l'automne dernier. Nos suggestions n'étaient donc pas irréalistes, et ces mesures, annoncées par M. Martin, ont été fermement appuyées par les Canadiens.

Ce qui nous préoccupe c'est que l'application aujourd'hui de réduction d'impôts, à une époque qui va connaître une importante augmentation des dépenses, va inévitablement plonger le pays dans une situation déficitaire. Ni vous ni l'un quelconque d'entre nous autour de cette table ne souhaite accrocher au cou des Canadiens un albatros plus grand que celui qui leur tire déjà dessus, et qui coûte chaque année aux contribuables plus de 42 milliards de dollars en intérêts, divers prédécesseurs ayant commis l'erreur de ne pas contenir les dépenses gouvernementales.

Nous disons donc oui aux réductions d'impôts, mais plus tard. L'actuel programme de réduction d'impôts de M. Martin devrait être mis en oeuvre. Les dépenses doivent être examinées de très près, mais nous avons accepté, comme nous l'avons déjà dit au comité des finances, que les dépenses d'infrastructure, de sécurité et militaires vont connaître une hausse très marquée qui n'avait pas été prévue au départ.

• 1105

Troisièmement, en ce qui concerne les mises à pied, aucun PDG d'entreprise que je connaisse prend plaisir à mettre des gens à pied. Ce sont les employés qui font que les sociétés sont rentables. La décision de mettre du personnel à pied est la décision la plus difficile que mes collègues puissent être amenés à prendre, et nombre d'entre eux disent «Gardons nos gens aussi longtemps que possible, car si nous les perdons, il sera à la fois difficile et coûteux de les faire revenir». Je suis très sensible à vos propos, mais je peux vous assurer que c'est également le cas de mes collègues.

La présidente: Monsieur Boutziouvis, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

M. Sam T. Boutziouvis (vice-président, Commerce international et économie globale, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Oui, merci. Vu que la question des barrières interprovinciales au commerce a été soulevée deux fois, j'aimerais dire que les milieux d'affaires sont de façon générale très heureux des commentaires faits par le nouveau gouvernement de la Colombie-Britannique à l'égard des barrières internes au commerce et de son désir d'y faire quelque chose. Comme le sait, je pense, tout le monde dans cette salle, l'ancien gouvernement de la Colombie-Britannique avait bloqué les efforts visant à faire avancer le dossier des barrières internes au commerce côté énergie et côté secteur MUSH—municipalités, universités, écoles et hôpitaux. Nous sommes en fait encouragés et croyons qu'il y a peut-être moyen de progresser en ce qui concerne les barrières internes au commerce et d'améliorer au cours des quelques années à venir l'accord existant, étant donné certains des commentaires prononcés par le premier ministre Campbell et par d'autres membres du gouvernement.

Deuxièmement, en ce qui concerne les réductions d'impôt, monsieur Bergeron, le gouvernement américain a, en juillet, mis en oeuvre une réduction fiscale temporaire ponctuelle de l'impôt sur le revenu des particuliers. L'on connaît aujourd'hui les résultats; l'on sait ce que la plupart des Américains ont fait de cette réduction d'impôt et des chèques de remboursement qu'ils ont touchés. Le gros de l'argent qui est retourné dans la poche des contribuables, un peu moins de 50 p. 100, a été versé à des comptes d'épargne. La deuxième rubrique, en ordre d'importance, a été la réduction de l'endettement personnel. Enfin, les Américains ont dépensé une partie de ces remboursements d'impôt. Voilà qui est parlant. Même les Américains, qui souffrent manifestement un petit peu plus que nous du ralentissement économique, ont choisi, dans l'ordre, et ce avant le 11 septembre, d'économiser, de réduire leur endettement, puis de dépenser.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

La parole est maintenant à M. Volpe.

M. Joseph Volpe: Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour, messieurs. Merci beaucoup de vos exposés.

J'ai relevé que vous avez abordé la question dont voulait traiter le comité très rapidement en soulignant que vos opinions rejoignent celles exprimées par les milieux d'affaires dans un mémoire présenté ce matin. Il y avait là au moins quatre idées. Il me semble qu'il était question qu'il y en ait sept.

Monsieur d'Aquino, vous avez axé votre exposé sur la question plus vaste et sur les préoccupations que vous-même et votre organisation ont tendance à soumettre au gouvernement, l'objet étant, j'imagine, de veiller à ce que le gouvernement ait toujours présent à l'esprit les orientations que vous aimeriez qu'il poursuive. Cela est tout à fait louable venant d'un bon citoyen conscient de ses responsabilités sociales en tant qu'entreprise.

J'ai été particulièrement intrigué par votre désir et celui de mon collègue M. Bergeron d'aborder la question du pouvoir fédéral et du leadership fédéral, non pas parce que j'aime un bon débat, mais parce que dans leurs exposés, les personnes qui vont ont précédé à la table, de vos collègues de l'industrie, ont parlé du décalage entre les besoins réels des intérêts d'affaires plus grands, en croissance et en évolution constante, et ceux des opposants aux règlements, qui sont plutôt locaux—je dirais même paroissiaux—et l'infrastructure que vous avez évoquée, qui est essentiellement politique.

Comme je l'ai indiqué—et vous étiez sans doute dans la salle lorsque j'en ai parlé—il me semble que vos collègues qui vous ont précédé à cette table ont préféré aborder les problèmes dans le contexte d'une administration verticale et linéaire dans son processus décisionnel par opposition à latérale et, je dirais, confédérale.

Monsieur d'Aquino, vous avez passé beaucoup de temps à parler d'incitatifs que le gouvernement pourrait offrir sans dire qu'il faudrait qu'il y ait une contribution monétaire. Ces incitatifs, d'après ce que j'ai compris de vos propos, viseraient davantage le côté réglementation et mise en place d'infrastructure pour les entreprises. Êtes-vous en train de dire que le système politico-économique en place est un obstacle à la croissance et au développement?

• 1110

M. Thomas d'Aquino: Mon collègue, David Stewart-Patterson, a sans aucun doute lui aussi des idées là-dessus. Mais permettez que je dise très rapidement que nous avons un pays qui se débrouille très bien selon n'importe quelle norme mondiale. À ceux d'entre vous qui suivent le travail du Forum économique mondial à Genève, cela fait à peine deux semaines que celui-ci a publié son rapport sur la compétitivité, et le Canada a été classé au troisième rang parmi les économies les plus compétitives au monde. Ce n'est pas une mince affaire. Nous avons réussi à afficher ce résultat grâce à quantité de réformes apportées au cours des dix dernières années.

Je rappellerai à toutes les personnes dans cette salle qu'il y a dix ans, si j'avais été ici avec vous, nous aurions eu en face de nous un pays animé par un débat sur la question de savoir si nous n'allions pas frapper le mur d'endettement et si nous n'allions pas devoir faire appel au FMI. Les déficits s'emballaient, la dette crevait le plafond, et les niveaux de confiance étaient à leur plus bas.

M. Joseph Volpe: Je me souviens de cela.

M. Thomas d'Aquino: Nous avons fait d'énormes progrès en l'espace de dix ans. Cependant, dans cet intervalle de dix ans, nous avons constaté les effets de la mondialisation et de l'ouverture du commerce mondial. Dans ce genre de monde, bien que nous ayons marqué d'importants pas en avant, nous sommes toujours dans une certaine mesure désavantagés par rapport à l'économie la plus dynamique au monde, celle des États-Unis. C'est pourquoi nous disons depuis longtemps maintenant, et nous en avons déjà discuté ici, qu'à moins de nous attaquer de façon plus agressive non seulement aux questions cycliques à court terme mais également aux problèmes structuraux, nous ne figurerons plus au nombre des leaders.

Je prévois que d'ici cinq ans nous serons toujours un pays relativement aisé, mais le nombre de sièges sociaux au Canada aura de beaucoup rétréci. D'ici là, les plus brillants et les meilleurs éléments que nous aurons perdus se compteront non plus en milliers mais en millions. Voilà ce que cela va nous coûter.

L'appel que nous vous lançons est que nous puisions dans cette énorme masse d'énergie, d'engagement et de courage résultant de la crise du 11 septembre pour veiller à ce que nous bougions sur le front changement structurel.

Nous disons dans notre mémoire que nous sommes de fervents défenseurs du programme d'innovation et de l'initiative axée sur l'innovation, mais il nous faut en même temps veiller à ne pas aller trop vite et dépenser 1 milliard ou 2 milliards de dollars puisés dans la poche des contribuables à une époque où il y a de fortes chances que le gouvernement se retrouve en situation déficitaire. Ce que nous disons c'est qu'il faut savoir attendre, car nous ne voulons pas nous tirer dans le pied ni déshabiller Saint-Pierre pour habiller Saint-Paul, pour reprendre cette analogie.

En conséquence, nous disons qu'il nous faut examiner toutes les choses que nous pouvons faire à faible coût, et il y en a beaucoup. Allons-y franchement. Si nous parvenions à faire cela, le Canada sortirait de cette crise plus fort et plus grand. J'ose espérer que je pourrai un jour comparaître devant vous, madame la présidente, et déclarer ceci: n'est-il pas merveilleux que nous puissions maintenant aller de l'avant avec le programme de réductions d'impôts supplémentaires et de dépenses accrues au titre de l'innovation? N'oubliez pas que la raison pour laquelle nous n'avons pas pu consacrer d'argent à l'innovation au cours des dernières années est que nous n'avions pas d'argent à dépenser.

M. Joseph Volpe: Monsieur d'Aquino...

La présidente: Merci. Il nous faut passer au suivant. Je m'en excuse.

Monsieur Strahl, s'il vous plaît.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Merci, et merci à vous tous d'être venus aujourd'hui.

Ma lecture de Northern Edge avance lentement. Je pense qu'il sera peut-être nécessaire d'y ajouter un petit chapitre sur l'après-11 septembre. Bien sûr, une partie importante du commentaire économique est toujours opportun, et l'ouvrage est de lecture agréable.

J'aurais plusieurs commentaires à faire. Il a été dit que l'ancien gouvernement de la Colombie-Britannique avait bloqué des initiatives visant à faciliter le mouvement de biens et de services. Je peux vous assurer qu'il a bloqué beaucoup plus que cela, et qu'en Colombie-Britannique nous sommes très heureux d'avoir un nouveau gouvernement.

Il y a plusieurs choses que j'aimerais dire. Je ne souhaite pas rouvrir tout le débat sur le commerce interprovincial, sauf pour dire que l'une des choses que j'ai toujours appréciées au sujet du Québec, du gouvernement québécois et du peuple québécois a été leur leadership en matière de commerce international et de libre-échange et leur capacité d'expliquer et de décrire pour nous tous ce pour quoi c'est une bonne chose non seulement pour le Québec mais pour tout le Canada. Ils ont fait preuve de réel leadership là-dessus. Une chose qui me trouble est que le premier ministre du Québec et les autres premiers ministres provinciaux ne se soient pas consacrés à démanteler les barrières internes au commerce. Ils ont fait preuve d'un si bon leadership à l'échelle internationale. Il nous faut ce même leadership à l'échelle nationale, sans quoi ce problème de 6 à 8 milliards de dollars va demeurer.

• 1115

J'espère que le débat se poursuivra. Je crois comme vous qu'il faut qu'il avance. Mais je ne pense pas que ce soit cette question qui mobilise le pays dans un proche avenir. La plus grosse question sera notre accès en passant par la frontière canado-américaine.

La question que j'ai pour vous est la suivante: Si vous aviez une liste de voeux, monsieur d'Aquino—vous avez déjà dit «Si j'étais premier ministre»... Cela ressemble à une dissertation. Cela fait penser au début d'une rédaction au retour des vacances d'été.

J'aimerais savoir quelle est la priorité. Nous avons entendu d'autres dirigeants industriels déclarer qu'il y a un peu trop de gens qui disent que tout roule comme d'habitude et pas assez qui sont saisis par la nouvelle réalité. En d'autres termes, les gens picorent. Ils disent qu'il y a un petit problème ici—le pont Ambassador est un problème. Le pont Ambassador est un problème, mais il est symptomatique d'un besoin massif d'être saisi de la question. Toute l'industrie du juste-à-temps a dit que si nous ne corrigeons pas les choses, et ce très bientôt... Cette industrie est passée d'une valeur de 500 millions de dollars à une valeur de 30 milliards de dollars, et elle va régresser si nous ne prenons pas les choses en mains.

Si donc vous étiez premier ministre et deviez donner au gouvernement un ensemble de priorités, serait-ce, par exemple, de créer ou un super-ministère, ou un super-comité ou une indication à nos amis Américains et aux Canadiens que ceci est important et que nous allons nous attaquer agressivement au problème?

Ma crainte, encore une fois, est que l'une de deux choses arrive: ou nous perdrons ce qui pourrait être une occasion d'augmenter notre commerce, ou nous laisserons les Américains imposer les conditions—parce qu'ils vont foncer, et si nous n'avons pas de suggestions proactives à mettre de l'avant, ma crainte est que nous sombrions.

M. Thomas d'Aquino: Monsieur Strahl, lorsque vous arriverez dans le livre au chapitre intitulé «Marching Tall Among Nations», vous verrez qu'il y a là toute une partie qui traite de la façon de faire face à une stratégie américaine, dans le contexte de l'avant-11 septembre.

L'une des recommandations que nous prônons vigoureusement est que la structure du gouvernement reflète l'importance de cette relation, et nous recommandons, par exemple, que le premier ministre préside un comité de ministres qui se consacre entièrement au dossier canado-américain.

La raison à cela est très claire. Vous savez tous que nous avons des ministres de l'Agriculture, de la Culture, du Commerce, de la Défense et ainsi de suite qui sont tous très capables et qui, étant donné l'ampleur de la relation, ont tendance à faire des choses chacun de leur côté.

Ce qui a fait défaut c'est une certaine cohésion. S'il n'y a pas eu cette cohésion ce n'est à mon avis pas faute d'idées brillantes dans l'édifice de l'Est ou dans l'édifice Langevin; c'est parce qu'une partie de l'ADN de ce pays veut que si nous faisons des choses qui donnent l'impression d'être trop axées sur les États-Unis, les Canadiens ne seront pas contents.

J'estime que sondage après sondage ce que manifestent les Canadiens c'est que ce n'est pas ce qu'ils pensent. Les Canadiens veulent une plus grande sécurité. Les Canadiens veulent un accès sûr aux États-Unis. Les Canadiens ont appuyé le libre-échange et, chose intéressante, parmi les trois pays partenaires—Mexique, États-Unis et Canada—c'est au Canada que l'on constate le soutien le plus élevé. Sur le plan structural, il nous faut veiller à ce que l'importance de cette relation se trouve reflétée de façon tout à fait non ambiguë dans l'appareil gouvernemental.

La deuxième chose que nous devons faire c'est corriger un grand nombre des problèmes qui auraient dû être corrigés bien avant le 11 septembre. Il faudra notamment investir dans les ponts et tunnels. Il faudra avoir une approche plus originale à l'égard de la frontière, et vous avez beaucoup entendu parler—nous n'allons pas approfondir cette question maintenant, mais vous avez entendu d'autres témoins évoquer cela, vous avez entendu cela dans la déclaration de la coalition ce matin et vous allez en entendre davantage parler de notre bouche à l'avenir—de la nécessité pour nous de jeter un regard neuf sur cette frontière.

Que nous aimions ou non le mot «périmètre», il y a déjà au Canada et en Amérique du Nord un engagement de collaboration qui a débuté avec la guerre, qui s'est poursuivi et qui se trouve maintenant reflété dans l'ALENA, et dans ce contexte, l'examen de ces sujets de préoccupation commune fait partie intégrante de ce envers quoi nous nous sommes engagés.

• 1120

La troisième chose qu'il faut c'est être prêts—monsieur Strahl, pour revenir sur ce que vous avez dit—à reprendre le flambeau et à montrer la voie. Ce qui me préoccupe beaucoup c'est qu'à moins de pouvoir élaborer une stratégie qui serve l'intérêt du Canada en matière d'immigration, de lutte antiterroriste, de commerce, d'investissement, de trafic transfrontalier, de sécurité et d'engagements militaires, à moins de définir ce que nous sommes prêts à faire et de foncer, ou cela nous sera imposé dans une grande mesure de l'extérieur ou nous serons condamnés à rester à l'extérieur de la tente. En conséquence, nous ne devrions pas dire ce que nous demandent les Américains, mais plutôt élaborer des politiques qui disent voici comment nous aimerions que l'Amérique du Nord fonctionne. Et savez-vous quoi? Un grand nombre de ces politiques seraient très bien reçues par les Américains. Toutefois, je pense que ces politiques devraient venir de nous.

M. Chuck Strahl: Très bien. Merci.

La présidente: Merci, monsieur Strahl.

Monsieur d'Aquino, pour enchaîner, que l'on parle d'avoir un périmètre ou de ne pas en avoir un, j'ai en vérité aimé les paroles que j'ai entendues plus tôt ce matin. Je pense que cela cadre mieux avec ce que vous voulez en fait promouvoir, que ce soit par le biais de votre livre ou dans le contexte de déclarations politiques, d'idées ou d'initiatives passées: une zone de confiance.

Je pense que lorsqu'on évoque cela, il est plus facile pour les Canadiens de comprendre que nous parlons d'une confiance à l'égard de notre sécurité, à l'égard de notre commerce et à l'égard du mouvement de personnes et de marchandises. J'espère que nous pourrons diffuser ce message, car je pense que parler d'une zone de confiance envoie un message beaucoup plus positif, alors que lorsqu'on parle de périmètre, les gens sont troublés.

J'ose également espérer que vous livrez à nos collègues provinciaux le même message, que vous autres du CCCE et les membres que vous représentez communiquez ces mêmes messages aux premiers ministres des provinces. Peut-être pourriez-vous nous entretenir brièvement de cela.

M. Thomas d'Aquino: Madame la présidente, premièrement, lorsque vous parlez de zone de confiance, je sais que votre proximité historique de la grande frontière vous permet d'en parler avec une certaine autorité.

Tous nos messages sont livrés non seulement au premier ministre, aux parlementaires de la Chambre, mais également aux premiers ministres des provinces. Une part importante de l'activité économique canadienne et des règlements canadiens, sans parler de volets extrêmement importants comme les soins de santé, relèvent clairement des premiers ministres des provinces. C'est pourquoi nous leur avons lancé un appel et continuerons de multiplier nos efforts en vue d'obtenir des premiers ministres qu'ils travaillent ensemble entre eux ainsi qu'avec leurs homologues fédéraux.

Il me faut néanmoins vous dire, sur la base des contacts que nous avons eus, certainement avant le 11 septembre mais tout particulièrement après, qu'il y a chez les gens un appétit énorme pour le travail conjoint. Je pense que c'est là l'un des grands avantages dont jouit le pays à l'heure actuelle: les gens s'intéressent à ce qui se passe. Souvenez-vous que le 10 septembre il y avait beaucoup de Canadiens qui trouvaient que les gouvernements n'étaient plus très pertinents et un nombre significatif de citoyens qui ne faisaient pas confiance à leur gouvernement. Tout cela a commencé à changer, et c'est une occasion pour les gouvernements de montrer que non seulement ils ont un rôle à jouer, mais que ce rôle peut être très constructif.

Une chose que vous pouvez faire c'est prendre toutes ces questions—et même si certaines d'entre elles, comme par exemple les barrières internes au commerce, ne sont peut-être pas, comme cela déjà été dit, très sexy, nous ne devrions pas nous permettre de dire «La réforme de la réglementation, l'élimination des obstacles au commerce, tout cela est si ennuyeux; parlons donc de ce qu'il faudrait faire pour attraper ben Laden». C'est maintenant qu'il nous faut vraiment nous attarder sur ces autres questions, même si elles ne sont pas terriblement séduisantes.

J'estime que le rôle des parlementaires, en faisant avancer ces dossiers, est extrêmement important, car si vous ne le faites pas, beaucoup d'autres Canadiens vont penser qu'ils ne sont pas importants. Après tout, la question des barrières intérieures au commerce fait dans ce pays l'objet de discussions depuis 25 ans et nous n'avons toujours pas dans ce grand pays un marché interne totalement ouvert, ce qui devrait être en place depuis bien longtemps.

La présidente: Eh bien, je tiens à vous assurer, monsieur d'Aquino, que le comité ici réuni va justement s'attaquer à ces questions dès que nous aurons terminé nos audiences sur les conséquences économiques immédiates des événements que l'on sait, car nous croyons qu'il est important de faire avancer le programme du pays, et nous apprécions vos commentaires.

Nous vous sommes également reconnaissants d'avoir réorganisé votre emploi du temps de façon à vous libérer pour pouvoir être des nôtres ce matin. Nous savons que vous êtes très occupés et nous sommes reconnaissants à vous tous d'être venus ici.

Nous allons maintenant suspendre la séance pendant trois minutes, 180 secondes, en attendant que les témoins suivants s'installent. Nous avons d'autres témoins qui attendent déjà, et nous accusons un petit retard.

Merci beaucoup.

• 1124




• 1128

La présidente: J'invite les membres à regagner leur place. Notre prochain groupe de témoins est installé et nous allons reprendre la séance.

Nous souhaitons la bienvenue à notre prochain groupe de témoins. Il s'agit de la Fédération canadienne de l'agriculture, représentée par Mme Brigitte Rivard, directrice générale. Nous avons également à la table l'Association canadienne de la technologie de l'information, représentée par Mme Linda Oliver, directrice des relations gouvernementales et M. Pierre Boucher, vice-président, customer advocacy, Entrust, ainsi que l'Association canadienne de production de films et télévision, en la personne de Mme Elizabeth McDonald, présidente-directrice générale. Mme Rivard, de la Fédération canadienne de l'agriculture est également accompagnée de Mme Jennifer Fellows, analyste en politique agricole.

Je propose d'entendre vos exposés respectifs et je vais inverser l'ordre et commencer par Mme McDonald.

Je rappelle à tous que nous espérons que les déclarations liminaires seront limitées à cinq minutes et nous aurons ensuite une période de questions.

Merci.

• 1130

Mme Elizabeth McDonald (présidente-directrice générale, Association canadienne de production de films et télévision): Merci beaucoup de votre invitation à comparaître devant le comité permanent.

Je suis Elizabeth McDonald et je suis la présidente-directrice générale de l'Association canadienne de production de films et télévision. Pour gagner du temps, j'emploierai dorénavant le sigle «ACPFT» pour nous désigner.

L'ACPFT est une association professionnelle qui représente les intérêts de plus de 400 sociétés s'occupant de production et de distribution de programmes de télévision de langue anglaise, de films de long-métrage et de produits multimédias interactifs dans toutes les régions du Canada. L'Association possède également une importante responsabilité sur le plan de nos relations avec les guildes et les syndicats de créateurs, s'occupant en particulier du suivi des droits et de la distribution des droits de suite.

C'est la première fois que nous comparaissons devant votre comité et nous apprécions cette occasion de vous entretenir de notre industrie dans le sillage des événements du 11 septembre. Nous avons conscience que les événements tragiques récents ont eu des répercussions profondes dans le domaine de la sécurité internationale et de la stabilité économique, des conséquences dont on ne connaît pas encore la pleine mesure. Nous reconnaissons que le gouvernement canadien doit maintenant réévaluer ses plans de dépenses pour répondre aux priorités fondamentales que sont la sécurité nationale et internationale, tout en continuant à favoriser la croissance économique et l'épanouissement de la société canadienne.

Qui sont les producteurs indépendants? Il s'agit d'entrepreneurs qui mettent en oeuvre une combinaison singulière de savoir-faire commercial et de talents créatifs pour créer des programmes. Ils prennent un concept ou une idée de programme et lui font suivre une myriade de phases de développement et de production, jusqu'au produit final. Ils élaborent le montage financier. Ils constituent l'équipe, recrutant acteurs, scénaristes, metteurs en scène, maquilleuses, décorateurs et techniciens. Tout cela doit se faire en conformité avec les conventions que nous négocions pour le compte de nos membres avec les guildes et syndicats.

Ils négocient également les droits de distribution télévisuelle, exercent le contrôle financier et créatif sur tous les aspects du programme ou du film, du début jusqu'à la fin, et portent la pleine responsabilité de toute la production. Ils assument tout le risque. En échange, ils sont détenteurs des droits d'auteur sur cette production. Ce dernier élément est la clé qui leur permet d'exploiter le produit sur le marché tant national qu'international.

Je vous ai fait cette description afin que vous connaissiez l'ampleur du champ d'activité des producteurs et sociétés de production indépendants. La plupart d'entre vous connaîtrez quelques noms, tels que Alliance-Atlantis et Nelvana, tous deux membres en vue de notre association, mais la majorité de nos membres sont des petites et moyennes entreprises.

Je vous ai apporté des exemplaires de Profil 2001, notre cinquième profil annuel de l'industrie, sous-titré «La production indépendante canadienne: Perspectives de croissance dans une période de consolidation». C'est une brochure produite par l'ACPFT et

[Français]

et l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec

[Traduction]

en conjonction avec le ministère du Patrimoine canadien et en association avec PricewaterhouseCoopers. Nous publierons la prochaine édition de notre Profil en février 2000. Nous espérons disposer alors de chiffres plus concrets sur l'impact des événements récents.

J'ai apporté des copies d'une étude que nous avons commandée en juin à PricewaterhouseCoopers sur le poids économique du Fonds canadien de télévision. Nous l'avons publiée le 3 août 2001. Elle démontre clairement que ce fonds constitue l'un des partenariats entre secteurs public et privé les plus fructueux. En effet, pour chaque dollar de fonds FCT investi, deux dollars d'autres provenances ont été investis dans la production canadienne. Les indicateurs financiers et de performance de notre industrie font ressortir une croissance de l'activité totale de production au cours des sept dernières années, avec un chiffre passant de moins de 2 milliards de dollars à plus de 4,4 milliards de dollars en 1999-2000. C'est l'un des secteurs les plus dynamiques de l'économie canadienne, avec un taux de croissance annuel moyen de 9,1 p. 100 entre 1995 et 1999.

L'emploi a cru au rythme moyen de 13,4 p. 100 au cours des cinq dernières années, ce qui fait du secteur un important contributeur à la création d'emplois. En 1999-2000, notre industrie employait près de 46 000 personnes directement, à quoi s'ajoutent 73 000 emplois indirects répartis dans toutes les régions du pays. Nous avons toutes les raisons croire qu'aussi longtemps que les mesures d'encouragement de la production canadienne resteront en place, nous pourrons continuer à créer encore davantage d'emplois.

La production indépendante représente la majeure partie de l'activité de production totale de 4,4 milliards de dollars, avec une part supérieure à 2 milliards de dollars. Les tournages en extérieur de réalisations étrangères—des productions tournées au Canada principalement pour des studios et des producteurs indépendants américains—ont représenté en 1999-2000 1,5 milliard de dollars d'activité économique. Nous escomptons que les chiffres que nous publierons en février 2002 pour ce segment de l'industrie dépasseront sensiblement 2 milliards de dollars.

• 1135

La production interne des radiodiffuseurs représente moins de 800 000 $ et est restée relativement constante jusqu'à aujourd'hui.

Toronto, Vancouver et Montréal sont les principaux centres de production, mais une activité de production non négligeable se déroule dans toutes les régions du Canada. Le Canada atlantique et les Prairies se sont également dotés de fortes infrastructures provinciales et régionales. Le contenu canadien exerce un large attrait sur des auditoires unis par la culture et la géographie.

Les productions de qualité et à valeur sociale que nous créons intéressent également le marché international. En 1998-1999, les pré-ventes et avances de distribution à l'étranger de productions indépendantes canadiennes ont totalisé plus d'un demi-million de dollars.

Ce secteur apporte une contribution croissante à la nouvelle économie de haute technologie fondée sur l'information. Le secteur de la production devient hautement technologique, avec d'importants développements technologiques dans le domaine de la production traditionnelle et de la post-production, ainsi qu'avec la création de nouveaux médias. Les emplois créés dans ce secteur sont hautement qualifiés, bien rémunérés et créatifs. Ils ouvrent des possibilités nouvelles, principalement aux jeunes gens, dans une économie fondée sur le savoir—et en tant que mère d'un fils de 21 ans, lorsque je dis que ces emplois sont du genre que l'on souhaite pour ses enfants, je sais ce que je dis.

La présidente: Madame McDonald, je vais devoir vous demander de conclure. Désolée.

Mme Elizabeth McDonald: Désolée.

Le soutien de l'État à la production cinématographique et télévisuelle reste essentiel pour nous, et alors que le niveau des crédits publics consacré aux productions accréditées n'a pas sensiblement augmenté, le volume de l'activité engendrée est en hausse.

Le partenariat que nous avons avec le gouvernement est devenu encore plus important depuis le 11 septembre. Un affaissement du marché, tant au niveau de la télévision que des journaux, se répercutera sur la façon dont les radiodiffuseurs canadiens achètent leurs programmes. Les studios américains et la convergence des médias en cours dans l'industrie, tant au nord qu'au sud de la frontière, ont accru le niveau d'endettement de ces nouvelles sociétés, laissant moins de disponibilité pour les achats de programmes et déclenchant une première vague de licenciements.

Nous sommes énormément préoccupés par la perspective d'une baisse des tournages en extérieurs étrangers—ce que l'on appelle communément la production de service. Le regain de patriotisme aux États-Unis amène Hollywood à vouloir garder pour soi les productions actuellement filmées au Canada. Jusqu'à présent, ce créneau a été extrêmement bénéfique pour le Canada, l'emploi au Canada et l'infrastructure. De fait, elle a représenté 44 p. 100 de l'activité de production totale.

Les récents changements fiscaux annoncés le 18 septembre ont engendré une incertitude supplémentaire qui, jointe à la réticence des Américains à voyager, pourrait être très problématique. Nous exhortons le gouvernement à maintenir les encouragements financiers aux tournages en extérieurs et à revoir son soutien à ce secteur afin que nous puissions maintenir le niveau d'activité.

Je signale qu'il s'agit là d'un secteur extrêmement concurrentiel. L'Australie vient d'introduire un nouveau stimulant fiscal visant directement à attirer ce genre de travail et, sur le plan du maintien de la compétitivité, l'an dernier le programme de cession-bail britannique a engendré pour quatre milliards de livres d'activité économique.

La présidente: Merci, madame McDonald. Je dois vous arrêter là car nous devons passer aux autres témoins. Nous vous avons demandé de vous limiter à cinq minutes et vous êtes presque arrivée au double. J'espère que nous pourrons revenir à vous pendant la période des questions.

Je donne la parole à Mme Oliver, de l'Association canadienne de la technologie de l'information.

Mme Linda Oliver (directrice générale, Relations gouvernementales, Association canadienne de la technologie de l'information): Merci de nous avoir invités, madame la présidente. Je suis Linda Oliver. Je représente l'Association canadienne de la technologie de l'information. Je suis accompagné de l'un de nos membres, Pierre Boucher, vice-président d'Entrust.

Les membres de l'ACTI contribuent de façon importante à l'économie canadienne. Nous représentons 70 p. 100 des 512 000 emplois en informatique. Nous représentons 116,4 milliards de dollars de chiffre d'affaires, 4,4 milliards de dollars de dépenses de R-D et 27,4 milliards de dollars d'exportations annuellement dans l'économie canadienne. Nous n'avons pas de mémoire écrit aujourd'hui mais j'ai remis à votre greffier, M. Radford, un exemplaire de notre étude sur l'innovation qui vient d'être publiée au début de la semaine. Elle résume les recommandations de notre industrie concernant les mesures à prendre dans le domaine de l'informatique suite au 11 septembre.

• 1140

Cependant, pour répondre plus directement à votre question sur l'impact des événements sur le secteur informatique, je donnerai la parole à M. Pierre Boucher.

[Français]

M. Pierre Boucher (vice-président, Customer Advocacy, Entrust, Association canadienne de la technologie de l'information): Merci beaucoup, madame la présidente. Je m'appelle Pierre Boucher et je travaille pour la compagnie Entrust.

Entrust développe des produits de sécurité qui permettent la mise en place de services sûrs pour les gouvernements et pour l'entreprise sur les réseaux Internet.

[Traduction]

Nous avons observé après les événements du 11 septembre un arrêt presque total des transactions commerciales, particulièrement dans les secteurs publics et des finances d'Amérique du Nord. Habituellement, les grosses ventes de logiciels sont conclues vers la fin du trimestre, ce qui a entraîné cette fois-ci des baisses importantes de revenus nord-américains d'un grand nombre de sociétés de logiciels.

Dans un marché déjà difficile avant les événements, nous nous attendons à voir un grand nombre de petites et moyennes entreprises de logiciels fermer leurs portes. Celles qui n'ont pas de bonnes réserves financières ne sont tout simplement pas équipées pour survivre dans la tempête.

Nous n'avons pas observé le même effet en Europe, ce qui a permis à ma société, Entrust, d'afficher de très bons chiffres pour ce trimestre.

Sur le plan positif, nous avons observé un regain d'intérêt pour la sécurité, comme en témoigne l'article de l'Ottawa Citizen du 29 octobre décrivant le fort intérêt suscité à Washington par le discours de notre PDG aux membres du Congrès et sénateurs américains.

Nous avons observé un intérêt similaire de la part du secteur financier, les institutions financières se rendant compte soudainement que leur intégrité physique est menacée et que leur capacité à fonctionner en cas de désastre serait améliorée par des outils tels que les réseaux privés virtuels et la messagerie protégée. Ces moyens permettraient à leur personnel de travailler à distance et de continuer à fonctionner même lorsque les locaux ne sont pas accessibles.

Nous constatons un intérêt très vif pour la sécurité informatique. La menace très présente de l'anthrax, par exemple, rend beaucoup plus attrayantes les transactions électroniques—par le biais notamment d'applications telles que la messagerie protégée, la prestation des services électroniques administration-administrés, etc.

C'est très évident aux États-Unis, où des pourparlers sont en cours pour créer un fonds de 1 milliard de dollars comme encouragement à la mise en place d'une capacité de communication électronique entre administrations et administrés. On nous a demandé de participer à la planification et de proposer au gouvernement américain une approche de la mise en oeuvre d'un tel système. Cela est en grande partie fondé sur le travail que nous faisons déjà au Canada pour le programme de canal protégé dans le cadre de l'initiative Gouvernement en direct.

Nous voyons de telles initiatives et cet intérêt se développer dans de nombreuses autres régions du monde à l'heure où les pays s'équipent d'infrastructures informatiques capables de résister au cyberterrorisme. Aujourd'hui, le Canada est le leader mondial s'agissant de mettre en place un environnement sûr pour la prestation de services aux entreprises et au public. Nous espérons que le Canada tiendra son engagement de parachever le service électronique d'ici 2004.

Toutefois, nous voyons certains signes qui nous amènent à croire que cette initiative recule dans l'ordre des priorités. Si nous comprenons l'intérêt pour les activités de contre-terrorisme directement liées aux forces armées et aux services de renseignements, nous pensons également que le programme de canal protégé, dans le cadre du Gouvernement en direct, joue un rôle clé dans le dispositif de sécurité canadien, offrant un environnement sûr dans lequel conduire les affaires.

Comme l'illustre l'intérêt soudain du gouvernement des États-Unis et d'autres pays pour la sécurité de l'infrastructure, nous pensons que réduire les dépenses pour l'initiative Gouvernement en direct aura un impact négatif sur le dispositif de sécurité d'ensemble de notre pays. Nous voyons en effet des avantages au système Gouvernement en direct.

Tout d'abord, il fournit un environnement robuste et sûr à l'épreuve du cyberterrorisme. Il donne aux administrés un véhicule alternatif d'accès aux services, à l'abri du bioterrorisme. Une fois en place, il permettra d'importantes économies dans les dépenses de fonctionnement en accroissant l'efficience des opérations administratives. En soi, il représente un stimulant non négligeable pour l'industrie informatique car cette initiative montre la voie à d'autres niveaux de gouvernement du Canada, qu'il s'agisse des provinces, des régions ou des municipalités, et au secteur commercial, avec tous les emplois engendrés par la mise en place et l'amélioration de ces infrastructures.

• 1145

D'autres gouvernements canadiens tirent déjà partie du travail effectué au niveau fédéral. Si celui-ci peut démontrer le succès de ce programme, d'importants débouchés s'ouvriront à l'industrie informatique.

J'aimerais aborder brièvement un autre aspect, les contrôles à l'exportation. Le contrôle des exportations est un moyen par lequel le gouvernement limite l'exportation de certains produits dont on ne souhaite pas qu'ils tombent en de mauvaises mains. Au cours des quatre à cinq dernières années, le régime de contrôle de l'exportation de logiciels cryptographiques canadiens a été considérablement amélioré. Bien que certaines pressions s'exercent aux États-Unis pour un retour vers un contrôle des produits de cryptage, nous n'avons aucune indication qu'il en sera ainsi. Au contraire, les autorités américaines nous ont donné l'assurance qu'il n'y aura pas de retour au régime antérieur.

Nous ne voyons pas de telles pressions au Canada, mais il est important de réitérer cette préoccupation. Un resserrement du contrôle des exportations aurait un effet négatif immédiat sur notre industrie. Nous avons collaboré avec les autorités canadiennes et américaines à la mise au point d'une approche très équilibrée propre à assurer que nos produits ne tombent pas en de mauvaises mains. Ces mesures se sont avérées efficaces jusqu'à présent et nous ne voyons donc aucune nécessité de modifier le régime.

La présidente: Monsieur Boucher, je vous demande de conclure, s'il vous plaît.

M. Pierre Boucher: En résumé, nous avons constaté un impact immédiat depuis le 11 septembre, avec une chute immédiate des dépenses de technologie. Cet événement va inévitablement conduire des entreprises à la faillite, particulièrement celles qui n'ont pas de réserves financières pour résister. Cet impact a été essentiellement limité à l'Amérique du Nord.

Sur le côté positif du bilan, nous constatons un vif intérêt pour le renforcement de la sécurité informatique, afin de protéger les pouvoirs publics et les entreprises contre le cyberterrorisme.

Le dernier point est que, à nos yeux, le programme canadien de Gouvernement en direct et de canal protégé est essentiel pour aider l'industrie à surmonter cette crise tout en assurant au Canada et à ses citoyens un environnement sûr pour la prestation et la réception des services.

Merci, madame.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à la Fédération canadienne de l'agriculture. Madame Rivard, s'il vous plaît.

Mme Brigitte Rivard (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci, madame la présidente. Je vous remercie d'avoir invité la Fédération canadienne de l'agriculture à faire part au comité des effets du 11 septembre sur l'agriculture canadienne.

Je me nomme Brigitte Rivard; je suis la directrice générale de la FCA. Je suis accompagnée aujourd'hui d'une de mes collègues, Jennifer Fellows, analyste de politique à la FCA.

Permettez-moi de dire d'abord que nous, à la FCA, avons suivi avec effroi, en même temps que le reste du monde, les événements du 11 septembre. Les attentats terroristes contre les États-Unis ont eu des répercussions réelles et potentielles sur l'agriculture canadienne. Mais notre présence ici, et les préoccupations que nous exprimons, ne cherchent en rien à minimiser l'horreur et la tragédie vécues de première main par les habitants de New York et de Washington. Notre intention ici est de mettre en lumière certains des effets tangibles, ainsi que d'attirer l'attention sur les conséquences potentielles à long terme sur l'agriculture.

Les effets immédiats ont été généralement limités à l'impact de la quasi-paralysie des frontières. Les répercussions à moyen et long termes sont moins évidentes, bien que les agriculteurs nourrissent plusieurs préoccupations. Il s'agit en particulier d'éventuelles modifications des règlements d'importation et d'exportation et autres enjeux commerciaux, d'exigences accrues adressées aux producteurs sur le plan de l'innocuité des aliments et les effets du ralentissement économique sur le secteur agricole.

Un autre effet est le déplacement de l'attention vers les problèmes de sécurité. Si tout le monde admet l'importance nouvelle de la sécurité, des problèmes qui étaient pressants avant le 11 septembre ne se sont pas évaporés. Le secteur agroalimentaire est confronté à maintes difficultés, notamment les conséquences de la sécheresse de cette année et l'impact cumulatif du prix extrêmement bas de certaines denrées depuis quelques années. Les agriculteurs ont l'impression que ces problèmes, au centre de l'attention du public et du gouvernement, ont maintenant été fermement relégués à l'arrière-plan, bien que la nécessité de trouver des solutions n'ait pas diminué.

Dans les journées qui ont suivi les attentats du 11 septembre, l'impact le plus dramatique pour l'agriculture canadienne s'est fait sentir à la frontière américaine. En 2000, le Canada a exporté pour 21,7 milliards de dollars de produits agroalimentaires, dégageant un excédent commercial de 5,2 milliards de dollars. Les chiffres de 1996 montrent que près de 70 p. 100 de la valeur de la production agricole canadienne ont été exportés, dont 51 p. 100 à destination des États-Unis. À l'évidence, le marché américain est d'importance énorme pour le secteur agricole canadien et un accès fiable à ce marché est vital pour notre industrie.

• 1150

Dans les journées qui ont suivi le 11 septembre, les contrôles de sécurité à la frontière ont été considérablement renforcés. Comme vous ne l'ignorez pas, les délais d'attente aux douanes américains ont fait un bond. Si cela a certes touché tous les exportateurs canadiens, ceux de produits agricoles ont connu des difficultés propres. Outre la nature périssable de nombreux produits alimentaires, il y avait également le problème du bien-être des animaux transportés vivants. Les représentants à la frontière de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et leurs homologues américains méritent des félicitations pour le zèle qu'ils ont mis à réduire le délai d'attente des envois d'animaux sur pied.

Bien que le ralentissement à la frontière soit un problème, nous sommes encore plus préoccupés à plus long terme par la possibilité de restrictions accrues à l'importation de produits alimentaires aux États-Unis. Par exemple, l'Imported Food Safety Act exigerait que les aliments importés soient testés, limiterait le nombre de points d'entrée aux États-Unis des aliments et permettrait la perception de redevances pour défrayer le coût des inspections. Si ce projet de loi a été déjà déposé avant le 11 septembre, la situation actuelle pourrait accélérer les pressions en vue de son adoption.

Les attaques terroristes aux États-Unis font que la plupart des Canadiens sont davantage préoccupés par la sécurité, avec d'éventuelles retombées sur le système alimentaire. Déjà, un certain nombre de chaînes de restauration ont demandé aux agriculteurs de renforcer la sécurité dans leurs exploitations et de rendre compte des mesures prises. Si les producteurs font de leur mieux pour se conformer à ces exigences, il n'en demeure pas moins que les fermes canadiennes ne sont pas des forteresses armées.

La prévention est la meilleure solution et l'intérêt du programme de sécurité alimentaire actuellement élaboré par l'industrie en collaboration avec le gouvernement fédéral est plus évident que jamais. Toutefois, la nécessité de sanctions sévères contre ceux qui trafiquent les produits alimentaires est évidente. Le Canada doit également veiller à mettre en place les ressources voulues pour les programmes de pistage et de traçage afin de pouvoir faire face à un éventuel problème de contamination de grande envergure.

Les produits agroalimentaires canadiens sont expédiés dans le monde entier. En raison de la situation actuelle, l'assurance de transport devient de plus en plus coûteuse et impossible à souscrire dans certains cas. Les expéditions passant par ou à destination de pays entourant l'Afghanistan sont particulièrement touchées.

L'économie américaine a été secouée par les événements du 11 septembre. On admet généralement qu'il y aura un ralentissement économique et celui-ci pourrait avoir un impact énorme sur les agriculteurs, sur le plan du prix et de la demande de produits agricoles, ainsi que du prix des intrants. Il y aura probablement une baisse de la demande de produits sensibles au revenu, tels que la viande. De fait, on a assisté à une chute immédiate et très évidente du prix de l'agneau en Ontario, par exemple, après le 11 septembre, bien que le prix ait depuis remonté. La baisse du dollar canadien signifiera probablement une hausse du prix des intrants importés des États-Unis; par exemple, une grande partie des machines agricoles sont importées des États-Unis.

En résumé, le 11 septembre a entraîné un certain nombre de répercussions immédiates sur le secteur agricole, principalement reliées au passage de la frontière américaine. Les effets à moyen et long terme sont plus difficiles à anticiper à ce stade. Les agriculteurs sont inquiets à plusieurs égards, notamment le risque accru pour la sécurité alimentaire, la majoration des coûts des échanges et les effets d'un ralentissement économique. Le budget de décembre alimente la plus grande crainte et représente la plus grande inconnue.

À Whitehorse, les ministres de l'Agriculture fédéral et provinciaux ont signé un plan d'action destiné à sortir l'agriculture de la gestion de crise et à assurer un financement stable à long terme des filets de sécurité, ainsi que des initiatives en matière d'environnement et de sécurité alimentaire. La FCA souscrit à ce plan.

Nous avons conscience du caractère horrible des événements du 11 septembre qui ont représenté, à bien des égards, un rappel nécessaire de l'impératif sécuritaire, mais il ne faut pas perdre de vue pour autant les problèmes et préoccupations continus de l'agriculture canadienne.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente: Merci beaucoup, madame Rivard.

Nous aurons maintenant une période de questions d'une vingtaine de minutes.

M. Penson, s'il vous plaît.

M. Charlie Penson: Oui, merci.

Je tiens à dire combien je suis heureux que les témoins soient venus ce matin nous parler de leurs préoccupations et donner des conseils au gouvernement sur la façon de réagir à la situation engendrée par le 11 septembre, particulièrement à la frontière canado-américaine.

Je pense que la Fédération canadienne de l'agriculture est confrontée à un énorme défi sur le plan de la sécurité alimentaire. La production alimentaire est disséminée sur un très vaste territoire. Vous avez évoqué le fait que l'Association des restaurants vous a déjà demandé des garanties de sécurité. La plupart des agriculteurs cherchent déjà à assurer l'innocuité, mais s'il s'agit de donner des garanties, comment cela va-t-il fonctionner? Est-ce que l'Agence canadienne d'inspection des aliments fera le travail pour vous? Si oui, le recouvrement des frais doit représenter un énorme problème pour vous.

• 1155

J'ai relevé que plus d'un tiers de la production agricole et agroalimentaire canadienne est aujourd'hui exportée aux États-Unis. Vu l'ampleur de ce volume, n'allez-vous pas rencontrer d'immenses difficultés si l'on vous demande davantage de garanties?

La présidente: Madame Rivard.

Mme Brigitte Rivard: Oui, c'est certainement un énorme défi et la question est très pertinente. La FCA travaille en ce moment, en rapport avec un certain nombre de nos membres et le gouvernement fédéral, sur ce que nous appelons le PCSAF, le Programme canadien de salubrité des aliments à la ferme. C'est un système qui permet de retracer l'aliment jusqu'au producteur, donnant l'assurance au niveau de la transformation et du détail de pouvoir remonter à l'origine et...

C'est fondé sur la méthode ARMPC, l'analyse des risques et maîtrise des points critiques, un système approuvé à l'échelle internationale. On peut ainsi démontrer que les mesures de sécurité sont en place et suivies. Le système n'est pas encore universellement répandu, et il s'agit donc de débloquer des ressources afin de le mettre en place plus largement.

Mais vous avez raison, c'est un énorme défi. La difficulté est très réelle, s'agissant d'indemniser les agriculteurs qui mettent en place ces systèmes, car ils coûtent cher. C'est pourquoi nous sommes venus vous dire aujourd'hui qu'il faut maintenir cette assistance, particulièrement sur le plan de la sécurité alimentaire après le 11 septembre, afin que nous puissions continuer à mettre en place plus largement ces programmes.

M. Charlie Penson: S'agissant de denrées en vrac comme les céréales, il doit être très difficile d'en retracer l'origine, n'est-ce pas? Les lots individuels sont mis en commun et transportés en vrac. Avez-vous des recommandations à cet égard ou bien la difficulté est-elle si grande que ce serait impossible à faire?

Mme Brigitte Rivard: J'avoue franchement que je n'ai pas personnellement de recommandations à ce sujet. Il faudrait que je me renseigne auprès des personnes qui ont travaillé là-dessus. Je me ferai un plaisir de transmettre à votre bureau des renseignements plus détaillés sur ce programme.

M. Charlie Penson: D'accord, c'est bien.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Bergeron, la parole est à vous.

M. Stéphane Bergeron: Merci, madame la présidente.

J'aimerais adresser une question rapide à chacun des groupes d'intervenants. Je tiens à ce que chacun de vous sache qu'il peut très bien me répondre en français s'il le souhaite. Ma première question s'adresse à la Fédération canadienne de l'agriculture.

On a pu penser, après les événements du 11 septembre et compte tenu de la coalition, que les États-Unis se montreraient davantage conciliants envers le Canada quant à plusieurs questions d'ordre commercial. Or, au cours des derniers jours, on a constaté que ce n'était pas le cas pour l'acier et le bois d'oeuvre. Est-ce que vous sentez qu'il y a eu un changement d'attitude chez les Américains quant à la contestation devant l'OMC de la validité du maintien, au Canada, du système de gestion de l'offre dans le domaine des produits laitiers, de la volaille, des oeufs, ou s'ils ont toujours, à ce stade-ci, la même attitude intransigeante à l'égard du Canada?

Ma deuxième question s'adresse à l'Association canadienne de la technologie de l'information. Mardi matin, M. Penson, avec le ministre de l'Industrie, cherchait à mettre en contradiction ou en opposition le fait d'ouvrir les frontières ou de mettre en place des mesures qui garantiraient l'accès au marché américain, et la volonté du ministre de mettre rapidement sur pied le système d'accès au service à large bande partout au Canada. Voyez-vous une même contradiction ou une même opposition entre ces deux objectifs ou si, selon vous, il vaut mieux mettre en veilleuse l'objectif de l'établissement du système de service à large bande partout au Canada?

Ma troisième question s'adresse à l'Association canadienne de production de film et télévision. Pensez-vous que les événements du 11 septembre ont eu un impact, au Canada, sur les productions américaines qui devaient être tournées à Montréal ou à Toronto, par exemple? Pensez-vous qu'ils auront un impact à moyen ou à long terme?

[Traduction]

La présidente: Madame McDonald.

Mme Elizabeth McDonald: Je vais répondre en anglais car ce sera moins douloureux pour vous.

Il nous est difficile à ce stade de quantifier cet effet mais tous les indicateurs montrent qu'il y aura un impact sur le niveau de production à Montréal, Vancouver et Toronto. Le premier facteur est la réticence des Américains à voyager, bien que les studios considéreront toujours le Canada comme un peu leur banlieue. Ils n'ont pas peur lorsqu'ils sont au Canada, mais ils ne veulent pas s'approcher d'un aéroport. C'est donc un élément intangible difficile à surmonter.

• 1200

Le deuxième facteur est la controverse sur la production extérieure. Elle a été montée en épingle à Hollywood et le regain de patriotisme exacerbe le débat. J'ai même dû rappeler à des journalistes du Los Angeles Times qui m'interviewaient après la première émission avec les vedettes que la tête d'affiche était Céline Dion, une Canadienne, entourée de David Foster, un Canadien, et de Mike Myers, également Canadien. Il a fallu faire ce rappel, qui est encourageant pour ceux qui craignent de perdre les emplois au profit du Canada.

La réalité est que le cours du dollar est faible en ce moment. Nous sommes probablement l'un des rares secteurs à prospérer lorsque cela est le cas. En revanche, il y a aujourd'hui une réticence à voyager, et aussi la modification du régime fiscal. Celui-ci nous paraissait approprié et il n'y a pas de plan à long terme pour garantir que le crédit de taxe sur les services produise les effets voulus.

Nous avons besoin d'un plan à long terme, sinon, en avril prochain, les habitants de Vancouver, Montréal et Toronto ne seront plus dérangés par les équipes de tournage. Les films de long-métrage—The Score a été tourné à Montréal, et d'autres aussi—sont les plus menacés. Ils font une grosse différence pour les acteurs et actrices, les metteurs en scène, et les équipes techniques, et cela les fixe au Canada.

Je suis donc désolée de ne pouvoir quantifier l'impact. Très franchement, les studios prennent leurs décisions en novembre et décembre. Ces événements n'auraient pu arriver à un pire moment et deux facteurs nouveaux sont en jeu. L'un est le nouveau régime fiscal dont il faudra voir les résultats, en l'absence de plans à long terme qui les garantissent. Je ne dis pas qu'il ne faut pas remédier aux faiblesses du régime fiscal lorsqu'il en existe, mais il faut aussi trouver le moyen de préserver cette assistance afin de conserver ces emplois.

Heureusement, nous avons pu conclure un accord avec l'Association des acteurs de langue anglaise, l'ACTRA, vendredi dernier, qui devrait montrer aux studios américains que le Canada leur tend les bras. Mais la situation est très difficile et si nous ne trouvons pas de solution, la perte d'activité économique sera lourde.

La présidente: Madame Oliver.

Mme Linda Oliver: Je vais essayer de répondre à la question sur l'accès à la large bande et Pierre pourra parler du problème transnational.

En ce qui concerne le débat sur l'accès à large bande, l'ACTI est en faveur du programme d'extension de l'accès aux régions rurales et isolées du Canada. Cela fait partie de l'engagement du gouvernement de mettre en ligne tous les Canadiens d'ici 2004.

Sur le plan du financement qui paraît un problème si crucial, le gouvernement pourrait réaliser des économies en assurant cet accès projet par projet, particulièrement dans le Nord. On pourrait, par exemple, offrir des consultations médicales en ligne, aux fins de diagnostic, et diminuer le coût des soins. Je n'ai pas les chiffres avec moi car je ne suis pas experte de ce dossier. Mais tout indique que le gouvernement pourrait réaliser des économies au niveau des soins de santé, particulièrement au niveau des diagnostics, grâce au système de communications à large bande. Nous sommes donc tout à fait en faveur de cela.

S'agissant des dépenses, il faut les considérer projet par projet, année par année. Tout n'a pas besoin d'être fait la première année. Il faudra longtemps avant que tout le pays soit couvert, mais le gouvernement s'y est engagé. Nous disons simplement qu'il faut maintenir cet engagement et peut-être faire preuve d'un peu de créativité quant aux modalités de prestations des services publics.

Cela me ramène à ce que disait mon collègue au sujet du plan Gouvernement en direct. C'est l'un des services que le gouvernement pourrait offrir en ligne à moindre coût. Nous préconisons donc de poursuivre ces dépenses. Nous y sommes tout à fait favorables.

J'espère que cela répond à votre question.

Pierre, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

La présidente: Monsieur Boucher, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Pierre Boucher: Par rapport aux problèmes entre les frontières, je n'ai pas été mis au fait du commentaire en question. Je suis désolé.

Par contre, je peux vous dire que des initiatives considérables ont été entreprises, tant au Canada qu'aux États-Unis, pour assurer que les communications, surtout via l'Internet, puissent se faire de façon sûre et sécuritaire. Alors, les outils qui sont mis en place... Le nouvel intérêt du gouvernement américain à favoriser l'installation ou la mise en place de ces outils provient du fait qu'il veut protéger son réseau contre les menaces extérieures. Je pense qu'il s'est maintenant rendu compte que, peu importe qu'il existe ou non une communication à large bande vers l'extérieur, il a un problème et il doit mettre en place des mesures pour se protéger contre ce phénomène.

• 1205

Le réseau Internet est un réseau international. Je ne pense pas que l'on puisse penser que l'on peut faire marche arrière avec cela. Je pense qu'on va toujours continuer dans cette direction.

[Traduction]

La présidente: Madame Rivard.

Mme Brigitte Rivard: Pour ce qui est de l'attitude américaine à l'égard de la gestion de l'offre, c'est intéressant. La FCA et ses membres ont assisté à la conférence Amérique du Nord-États-Unis sur l'agriculture, une conférence annuelle réunissant les producteurs tenue il y a deux semaines en Autriche. Ensuite, nous sommes allés à Genève rencontrer les représentants de l'OMC. Nos membres ont saisi cette occasion pour défendre la gestion de l'offre, particulièrement sous l'angle de la sécurité alimentaire.

Les Européens se sont montrés très intéressés, contrairement aux Américains. La même chose était vraie au niveau des négociateurs à Genève. Donc, rien ne semble avoir changé depuis le 11 septembre.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

Madame Torsney, s'il vous plaît.

Mme Paddy Torsney: Merci. Je m'adresse d'abord à Mme McDonald. J'espère certainement que les Américains qui doivent tourner à l'étranger, penseront au Canada d'abord et le considéreront comme un endroit sûr.

La présidente: Des films.

Mme Paddy Torsney: Des films. Qu'est-ce que j'ai dit?

La présidente: Tourner des films.

Mme Paddy Torsney: Oui, des films. J'espère qu'ils considéreront le Canada comme un lieu sûr, sachant que nous avons accueilli tous ces avions déroutés vers le Canada. Je pense que cela devrait constituer un argument pour votre industrie.

Mais ma principale question s'adresse à Mme Rivard. Ma première crainte a été pour la sécurité alimentaire. Je suis une femme de la ville et lorsque je me promène à la campagne je me demande quelles sont ces cultures dans les champs. Cela étant dit, il m'importe réellement d'avoir l'assurance que les produits dans mon placard n'ont pas été trafiqués quelque part le long de la chaîne. J'ai l'impression que les possibilités ne manquent pas pour des gens mal intentionnés d'altérer nos aliments.

Recevez-vous du ministère de l'Agriculture le soutien dont vous avez besoin? Les systèmes sont-ils en place, les conversations voulues se déroulent-elles et adaptons-nous dans les délais voulus les mécanismes qu'il faut changer? Les Canadiens ont-ils lieu de s'inquiéter?

La présidente: Madame Rivard.

Mme Brigitte Rivard: Je ne pense pas que les Canadiens aient à s'inquiéter. Je ne suis certainement pas venue tirer la sonnette d'alarme. Mais c'est vrai que l'agriculture est vulnérable. On a beaucoup parlé, après le 11 septembre, de l'emploi d'avions pulvérisateurs et dit que, pour frapper rapidement une population importante, on pourrait contaminer la chaîne alimentaire.

La FCA intervient au niveau de la production et nous avons les mécanismes en place pour assurer que les aliments sont produits dans de bonnes conditions de sécurité. Au niveau de la transformation, la collaboration est très étroite avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Le Canada possède l'une des réglementations les plus strictes du monde et jouit de la réputation méritée d'avoir l'approvisionnement en nourriture le plus sûr du monde grâce à cela.

Nous sommes en communication constante avec l'ACIA pour assurer qu'il en reste bien ainsi, surtout depuis le 11 septembre. Lorsque nous avons vu ce qui s'est passé en Europe il y a peu, avec la maladie de la vache folle, ces contacts ont été incroyablement intensifiés pour assurer que... Rien n'est jamais garanti à 100 p. 100, mais ces plans d'urgence sont en place.

Nous pensons donc avoir tout le soutien voulu, mais il doit être maintenu. Étant donné que les priorités vont aux problèmes de sécurité, il est essentiel de préserver la sécurité alimentaire et de la privilégier.

Mme Paddy Torsney: Absolument.

La présidente: Merci. Merci, madame Torsney.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente. J'ai trois courtes questions pour la Fédération canadienne de l'agriculture. Je remercie ses représentants d'être venus nous rencontrer, ainsi que les autres témoins.

D'aucuns ont dit que les Américains, suite au 11 septembre, vont prélever des milliards de dollars dans les programmes de soutien à l'agriculture pour les consacrer plutôt à la défense, à la sécurité, ce genre de choses. Pourtant, la Chambre des Représentants américaine a adopté pour plus de 171 milliards de dollars d'aide additionnelle aux agriculteurs américains depuis le 11 septembre.

Ma première question est de savoir ce que la Fédération canadienne de l'agriculture pense que le gouvernement Bush fera de cette initiative de la Chambre des Représentants?

Deuxièmement, l'OMC se réunit la semaine prochaine à Qatar et l'agriculture sera un des principaux points à l'ordre du jour. Est-ce que la FCA pense que l'Union européenne et les États-Unis se mettront d'accord pour réduire les subventions à l'exportation et les aides nationales?

• 1210

Troisièmement, je serais surpris, dans le budget de décembre auquel vous avez fait allusion, de trouver des dépenses supplémentaires conséquentes pour l'agriculture, en dépit de la chute brutale du revenu agricole net réalisé prévue pour l'an prochain, mais j'aimerais savoir si vous-même prévoyez une assistance sensiblement accrue pour les agriculteurs canadiens.

Merci.

La présidente: Madame Rivard.

Mme Brigitte Rivard: Oui, merci.

Je répondrai d'abord à vos deux dernières questions, si vous le permettez, car je ne suis pas sûre d'avoir un avis sur la première.

S'agissant de savoir si nous prévoyons des réductions réelles à Qatar, comme je l'ai mentionné, nous étions récemment en Autriche et à Genève et nos pourparlers à Genève avec un certain nombre de pays européens et les États-Unis ont été un peu déconcertants. Il semble tout à fait qu'ils recommencent à s'aligner, comme ils l'ont fait par le passé, et n'envisagent pas de réduction des subventions nationales.

Il y a donc lieu d'être inquiet. Nous avons transmis ces inquiétudes au ministre Vanclief et au ministre Pettigrew. Bob Friesen, notre président, sera à Qatar et pourra, je l'espère, faire comprendre les besoins de l'agriculture canadienne. Mais nous sommes inquiets et n'espérons guère que des réductions réelles seront consenties par les États-Unis et l'UE.

S'agissant du budget, nous aurions été plus optimistes si celui-ci était tombé en février, absolument. Nous espérons toujours y voir les engagements espérés afin d'aider l'agriculture à sortir du mode de gestion de crise et concrétiser le plan d'action arrêté à Whitehorse; de pouvoir réfléchir à long terme et avoir les 1,1 milliard de dollars en place pour les filets de sécurité à long terme et travailler sur les problèmes environnementaux et de sécurité alimentaire et mettre en place des programmes de transition pour faire passer l'agriculture de sa situation actuelle, avec toutes les difficultés que nous connaissons, à la stabilité à long terme. Nous continuons à diffuser ce message auprès des députés et du gouvernement et du cabinet de M. Martin, mais je n'ai pas de boule de cristal et nous allons donc devoir attendre le mois de décembre pour savoir.

M. Dick Proctor: D'accord, merci.

La présidente: J'aimerais poser une question. Je ne sais pas si je devrais l'adresser à M. Boucher ou à Mme Oliver.

En ce qui concerne le groupe de travail sur la large bande et ses recommandations, est-ce qu'un certain nombre de choses devraient être faites impérativement dans l'immédiat et est-ce que certaines autres pourraient être mises en suspens, s'il fallait revoir l'ordre de priorité des dépenses? Certains éléments doivent-ils être réalisés immédiatement et y en a-t-il d'autres qui pourraient être reportés?

Mme Linda Oliver: Merci, madame la présidente. Je ne suis pas experte dans ce domaine et je n'ai pas travaillé sur ce projet particulier, mais je crois savoir que la mise en place de l'accès à large bande est une entreprise très longue. C'est un programme intensif, qui pourrait être réalisé région par région. C'est une des possibilités actuellement envisagées. Le travail physique prend beaucoup de temps, mais nous avons toutes les fibres optiques voulues et l'approvisionnement ne sera pas un problème.

Notre suggestion serait de commencer par le Nord, car c'est là où les avantages seraient les plus grands sur le plan des priorités de dépenses et de la réalisation d'objectifs tels que la prestation de services médicaux.

Je ne sais pas trop comment le groupe de travail sur l'accès à large bande envisageait de procéder, mais je sais que cela peut être fait sur une base régionale. Le matériel est disponible, et il s'agit donc d'effectuer l'installation physique. C'est une affaire de priorité gouvernementale, mais tout n'a pas besoin d'être fait la même année.

Le coût du programme a été chiffré entre 1 et 3 milliards de dollars, et notre recommandation serait donc de faire le travail par petits bouts, un peu chaque année, et de respecter l'engagement pris par le gouvernement. Mais vous n'y arriverez pas si vous ne commencez pas maintenant. Voilà donc notre recommandation. Mais je peux vous faire parvenir des compléments d'information, si vous voulez.

La présidente: Je l'apprécierais.

Mme Linda Oliver: D'accord.

La présidente: M. Boucher devait également nous fournir des renseignements. Si vous voulez bien transmettre tout cela au greffier pour distribution au comité, ce serait excellent.

Je vous remercie tous d'être venus. En particulier, je veux remercier Mme McDonald et Mme Oliver des mémoires détaillés qu'ils ont présentés au Comité des finances—et je sais que la FCA a également présenté un mémoire à ce comité. Ils sont très fouillés et il nous faudra un moment pour les absorber, et je regrette d'avoir eu si peu de temps à vous consacrer. Nous aurons peut-être d'autres questions à vous soumettre par écrit.

• 1215

Nous serons ravis de vous revoir à l'avenir lors de nos consultations avec l'industrie au sujet de la réglementation et du commerce interprovincial, sujet que nous attaquerons dès que nous aurons fini les audiences sur cet impact économique. Merci d'être venus.

Je vais demander aux témoins suivants de prendre place, sans que les membres ne bougent. Je ne vais pas suspendre la séance.

Nous avons encore un groupe de témoins. S'ils veulent bien prendre place à la table, nous allons commencer sans tarder.

Nous distribuons des documents et je veux remercier M. Bergeron d'avoir accepté qu'ils soient distribués. Les notes sont en anglais et en français mais, vu le court préavis, tous les documents n'ont pas pu être traduits. Nous apprécions que les témoins soient venus de si loin pour nous rencontrer, à si bref préavis, et j'apprécie la collaboration des membres du comité.

Tout le monde devrait donc avoir maintenant un paquet de documents. Je vais donner la parole aux témoins.

Il s'agit de M. Daniel Cherrin, directeur de la politique publique à la Detroit Regional Chamber of Commerce, et de M. Gordon Jarvis, directeur de la Detroit & Canada Tunnel Corporation. Je vous invite à faire vos exposés liminaires et nous vous poserons ensuite des questions.

M. Daniel J. Cherrin (directeur, Politique publique, Detroit Regional Chamber of Commerce): Merci, madame la présidente et membres du comité. Je vous remercie de votre invitation à vous parler aujourd'hui de l'impact économique des événements récents sur les économies canadienne et américaine. C'est réellement un honneur et un privilège de comparaître devant vous aujourd'hui.

La Detroit Regional Chamber est la deuxième plus importante chambre de commerce des États-Unis, comptant plus de 15 000 membres. Nous représentons également une région particulière qui s'étend jusque dans le sud de l'Ontario, englobant la ville de Windsor et le comté d'Essex.

Suite aux événements tragiques du 11 septembre, la Detroit Regional Chamber a créé un groupe de travail, intitulé Northern Border for Economic Security and Trade, afin de conseiller les décideurs sur la crise actuelle aux postes-frontière critiques. Il est important de souligner que cette crise n'est pas née d'hier. Depuis plus de dix ans, notre frontière souffre d'un manque d'effectifs, de technologie et d'infrastructures.

On ne dira jamais assez l'importance de notre frontière pour la santé économique du pays. De l'État de Washington au Maine, les Américains achètent pour des milliards de dollars en biens et services qui doivent leur existence même au commerce entre les États-Unis et le Canada. En effet, ce commerce entre les États-Unis et le Canada est le plus important au monde: plus de 1,3 milliard de dollars de biens et services traversent chaque jour la frontière. Pour mettre ces chiffres en perspective, c'est presque 50 p. 100 de plus que les transactions américaines avec le Japon, notre deuxième plus grand partenaire commercial. L'industrie automobile à elle seule représente plus de 300 millions de dollars de ces échanges commerciaux quotidiens. Plus de 160 000 emplois au Michigan et 1 800 000 emplois à l'échelle du pays sont liés à l'exportation de produits manufacturés vers le Canada seulement.

Au plan plus local, le Michigan est le premier partenaire commercial américain du Canada. Quarante-trois pour cent de tous les échanges américano-canadiens passent par le corridor Michigan-Ontario. Nous avons également les postes frontaliers qui voient passer le plus grand nombre de camions et de voitures particulières. Mais les problèmes à notre frontière retentissent loin au-delà des collectivités frontalières jusqu'au coeur de nos deux pays. Trente-huit États américains, et Porto Rico en sus, ont le Canada pour premier partenaire commercial, et la moitié des exportations américaines vers le Canada sont produites dans 14 États.

Il ne fait aucun doute que les récentes attaques terroristes ont modifié pour toujours les conditions dans lesquelles les marchandises et personnes traversent la frontière américano-canadienne. Cela prouve aussi que les préoccupations sécuritaires peuvent être néfastes pour le commerce. Des délais d'attente prolongés à la frontière ont un effet en cascade sur toute une industrie. Par exemple, un retard de livraison de pièces de seulement 20 minutes peut entraîner l'arrêt de chaînes de montage, l'immobilisation de camions et des coûts de transport accrus du fait de la nécessité de dérouter les camions ou de transporter les marchandises par rail, barge ou air. Le résultat, est une perte de production et des millions de dollars de manque à gagner pour les entreprises des deux pays.

Comme vous pouvez le voir, nous sommes touchés par le ralentissement de la circulation à la frontière. Les fournisseurs de services vitaux sont également touchés. Rien que dans la région de Detroit, les hôpitaux signalent des files d'attente, et l'imprévisibilité à la frontière a amené de nombreux employés canadiens de nos hôpitaux à démissionner, par frustration. Près de 10 000 personnes franchissent la frontière entre le Michigan et l'Ontario pour aller travailler, dont 1 600 infirmières canadiennes travaillant à Detroit.

• 1220

Les industries du tourisme et du divertissement souffrent également. Des milliers de Canadiens qui normalement viendraient à Detroit ou Buffalo pour faire des courses ou assister à des matches d'équipes professionnelles préfèrent rester chez eux plutôt que de subir les embouteillages et les longues attentes à la frontière.

Il en va de même pour nos voisins canadiens. Les casinos, les restaurants, magasins et prestataires de services à Windsor, Toronto, Niagara Falls et d'autres régions, dont 80 p. 100 de la clientèle vient des États-Unis, signalent une chute vertigineuse de leur chiffre d'affaires. L'infrastructure de notre frontière n'est simplement pas conçue pour faire face à ce problème. Les installations n'ont pas été construites pour des volumes aussi importants encombrant les plates-formes d'attente. Les temps d'attente actuels sont en moyenne de 45 minutes et le volume de trafic moyen est en baisse de 35 p. 100.

Il existe des mesures que nous pouvons et devons prendre pour assurer la sécurité de notre frontière sans paralyser la circulation des marchandises et des touristes entre nos pays. Notre but est de mettre en oeuvre une stratégie de gestion frontalière plus intelligente et efficiente, assurant une circulation sans heurts des marchandises et des voyageurs à travers notre frontière commune. Il faut pour cela poster davantage d'inspecteurs et d'agents, mettre en place de meilleures technologies et améliorer l'infrastructure actuelle à la frontière et dans les environs. Toutefois, la sécurité doit primer dans tout plan visant à résoudre nos problèmes frontaliers.

Même avec l'aide de Washington, la situation à notre frontière n'est pas brillante. Même si les divers organismes frontaliers doivent recevoir bientôt des crédits pour embaucher le personnel supplémentaire nécessaire, il faudra à U.S. Immigration de 9 à 12 mois pour recruter et former les agents et les déployer. Dans l'intervalle, la Garde nationale du Michigan et la police locale suppléent de leur mieux à ce manque d'effectifs et supportent les coûts économiques correspondants.

Pour les deux pays, l'essentiel est de travailler ensemble afin d'améliorer la sécurité et l'efficience frontalières en utilisant des méthodes plus intelligentes pour effectuer les contrôles et en repensant les modèles traditionnels de gestion des frontières. Il est de notre intérêt à tous deux d'assurer que notre frontière commune soit sûre tout en autorisant la circulation sans heurts des échanges commerciaux. Nous devons veiller à ce que nos deux pays engagent des ressources suffisantes pour cela et en fassent le meilleur usage.

Enfin, nous devons continuer à chercher des approches novatrices pour rendre notre frontière plus intelligente. Conformément à l'esprit qui anime nos deux pays, nous devons nouer des partenariats entre secteurs public et privé, avec les villes frontalières et entre nos gouvernements. Après tout, nous sommes partenaires, voisins, amis et membres d'une même famille.

La tradition américaine et canadienne de collaboration et de coordination est ancienne et vitale pour la sécurité de notre frontière du nord. Nous devons accroître la sécurité et améliorer nos systèmes, mais ce faisant nous ne devons pas oublier ce qui fait la grandeur de nos deux nations: notre ouverture aux idées nouvelles et aux nouveaux arrivants et notre engagement envers la liberté individuelle, les valeurs communes, l'innovation et le libre marché. Si, en réaction aux événements du 11 septembre, nous réagissons avec excès et abandonnons ou ralentissons ce qui a fait la grandeur de nos deux pays, alors nous donnerons aux terroristes une victoire beaucoup plus importante qu'ils n'auraient jamais pu espérer.

Ce n'est pas seulement le problème d'une ville, d'un État ou d'une province, c'est le problème de nos deux pays. Notre sécurité nationale mutuelle dépend de notre sécurité économique et notre sécurité économique dépend du fonctionnement de notre frontière.

Je vous remercie, ainsi que le gouvernement canadien, de cette invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Jarvis, avez-vous des remarques liminaires?

M. Gordon Jarvis (directeur, Detroit & Canada Tunnel Corporation; Detroit Regional Chamber of Commerce): Merci de votre invitation, madame la présidente et membres du comité.

J'ai pris mes fonctions de président du Tunnel Windsor-Detroit le 12 septembre. Jusque-là, moi, comme beaucoup de Canadiens, considérais le passage de la frontière comme une incommodité mineure les longues fins de semaine. Aujourd'hui, comme beaucoup d'autres Canadiens, je vois dans ces points de passage des liaisons économiques vitales. Le 12 septembre, j'ai trouvé un passage frontalier qui ne marchait pas.

Je peux vous expliquer sans mal les répercussions du 11 septembre sur le Tunnel Windsor-Detroit. Notre trafic est en baisse de 30 p. 100 les jours ouvrables et de 50 p. 100 les fins de semaine. Ceux qui sont obligés de voyager voyagent, ceux qui n'y sont pas obligés s'abstiennent.

Mais les millions de dollars que perd notre société n'est pas le message que nous voulons vous transmettre. J'ai deux messages: premièrement, nous devons collaborer afin de protéger les liaisons économiques vitales et nous avons besoin de collaborer pour faire en sorte que si nous perdons l'une de ces liaisons, celles qui restent seraient capables de répondre aux besoins de notre économie.

Depuis le 11 septembre je me débats avec le problème de la sécurité dans et pour notre tunnel. On me dit chaque jour que nos usagers ne se sentent pas en sécurité et veulent savoir comment je vais les protéger et éviter qu'ils soient dans le tunnel si l'impensable se produit.

Je suis parti en quête de réponses. Nous avons engagé des sociétés de sécurité pour nous aider à trouver les réponses. Nous avons engagé des sociétés de sécurité pour renforcer la sécurité. Nous avons demandé et obtenu l'assistance des services de police locaux. Au final, nous avons amélioré les choses, mais nous ne pouvons donner à nos clients de qu'ils demandent car nous n'avons pas les moyens voulus. Il est devenu évident à mes yeux que nous ne pouvons pas régler ce problème sans la coopération et l'aide des gouvernements fédéraux, provinciaux, d'État et municipaux.

Ce qui m'a réellement troublé dans ma quête de solutions, ce sont des affirmations telles que «la sécurité d'une installation comme notre tunnel ou d'un pont est la responsabilité de l'administration du passage». Nous entendons également: «Ce n'est pas notre responsabilité» ou «Ce n'est pas mon travail». Tout en admettant que nous avons une part énorme de responsabilité, ces installations sont beaucoup trop importantes pour notre pays pour que quiconque puisse nous ignorer. Nous devons collaborer pour protéger ces équipements vitaux.

• 1225

On me dit qu'avant le 11 septembre nos passages frontaliers fonctionnaient—pas bien, mais ils fonctionnaient. Après le 11 septembre, pendant un certain temps, nos passages frontaliers étaient pratiquement paralysés, et ce à un moment où nous avions réellement qu'ils fonctionnent exceptionnellement bien. Un mois et demi s'est maintenant écoulé depuis le 11 septembre et nos frontières fonctionnent de nouveau—pas bien, mais elles fonctionnent.

Le tunnel Detroit-Windsor comporte deux voies de circulation pouvant recevoir plus de 5 000 véhicules à l'heure. En raison de contraintes d'infrastructure et de ressources locales, nous n'avons même jamais approché 2 000 véhicules à l'heure. Le pont Ambassador, avec ses quatre voies, a une capacité bien supérieure à la nôtre et il est gravement entravé par des limites infrastructurelles et une pénurie de ressources. Or, ce pont est la liaison économique la plus importante du Canada. On me dit que c'est la même histoire à tous les postes frontaliers très fréquentés.

Essayez d'imaginer ce qui arriverait si nous perdions l'une de ces importantes liaisons. Les Canadiens auront alors besoin que les passages frontaliers restants fonctionnent exceptionnellement bien. Je peux vous dire que c'est impossible. Non seulement les moyens nécessaires pour faire face à l'exception n'existent pas, mais on n'en parle même pas. Perdre l'une de ces liaisons par suite d'un acte terroriste serait un crime terrible. Mais que cet acte paralyse notre économie alors que les ressources qui permettraient de surmonter la crise sont bien connues mais non disponibles serait une catastrophe qui aurait pu être évitée.

Ce qu'il nous faut pour nos passages frontaliers est une combinaison d'infrastructures, de ressources, de personnel, de technologie et de changement. Tout cela ne se trouve pas réuni au même endroit et, comme dans le cas de la sécurité, il faudra une coopération entre les autorités à tous les niveaux—fédéral, provincial, État, municipal—pour que les administrations des passages comme celle du Tunnel Windsor-Detroit puisse répondre aux besoins du pays. Nous pouvons faire beaucoup pour améliorer les choses dans l'immédiat et beaucoup dans un avenir proche, mais nous aurons besoin de travailler main dans la main pour garantir que si nous perdons l'un de ces équipements vitaux, les autres pourront garder notre économie en état de fonctionner.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jarvis.

Nous passons maintenant aux questions. Monsieur Rajotte, je vous prie.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente. Je veux remercier nos deux invités d'être venus nous rencontrer. J'apprécie grandement d'entendre votre point de vue sur la situation depuis les horribles attentats.

Vous pouvez certainement répondre tous deux à cette question, mais elle s'adresse peut-être davantage à M. Cherrin. Vous avez parlé de certaines de vos suggestions, particulièrement le déploiement d'inspecteurs et d'agents supplémentaires à la frontière. Vous avez mentionné ensuite que le président Bush a promulgué sa législation antiterroriste, qui prévoit un triplement du nombre des agents. Vous avez parlé ensuite de renforcer les moyens technologiques mis en oeuvre et d'améliorer l'infrastructure existante.

En prenant pour exemple la région de Detroit-Windsor, avez-vous estimé le montant qu'il faudrait pour améliorer l'infrastructure dans cette région frontalière pour la mettre à niveau, particulièrement du point de vue du renforcement de la sécurité et de la bonne circulation du trafic?

M. Daniel Cherrin: Je pense qu'en tant qu'exploitant du tunnel, M. Jarvis serait plus équipé que moi pour répondre à cette question.

Mais je peux vous dire que, s'agissant des effectifs requis à cette frontière, un autre projet de loi a été adopté hier à la Chambre des Représentants. Il s'agit d'une loi d'affectation budgétaire qui prévoit 285 millions de dollars pour financer des douaniers supplémentaires, en sus de la technologie à la frontière nord. Mais la question est de savoir où ces effectifs seront disposés. Quelle est la norme? Nous sommes le point de passage le plus fréquenté de la frontière américano-canadienne mais le gouvernement américain n'a pas de normes valides pour répartir ces ressources. Je ne peux chiffrer le coût financier, mais les crédits sont débloqués. Il s'agit maintenant de les répartir convenablement.

M. James Rajotte: Monsieur Jarvis, pourriez-vous répondre à la question sur les montants requis?

M. Gordon Jarvis: Eh bien, nous cherchons justement à déterminer certains de ces coûts. Ce que je peux dire est que le coût de la mise à niveau de nos installations, pour les porter à leur pleine capacité, est nettement inférieur au coût de la construction, par exemple, d'un troisième passage. Une bonne partie du problème est que nous avons des terrains de la taille d'un timbre-poste, alors que nous avons six voies de circulation dans la région de Detroit entre le Canada et les États-Unis, sans pouvoir les utiliser à leur pleine capacité. Nous travaillons d'arrache-pied pour calculer ces coûts. Je peux simplement vous assurer qu'il existe, à notre avis, des solutions à court terme beaucoup moins coûteuses que certaines des solutions envisagées par le passé pour régler certains de ces problèmes frontaliers.

• 1230

La présidente: Monsieur Rajotte.

M. James Rajotte: Il ressort des témoignages des divers invités que nous avons entendus ici plusieurs thèmes communs, notamment la nécessité d'effectifs accrus à la frontière et l'amélioration de la technologie. Mais les exportateurs et manufacturiers canadiens ont également préconisé la mise en oeuvre de programmes de prédédouanement pour les marchandises et voyageurs à faible risque. J'imagine que vous seriez en faveur de cela. Peut-être, en tant qu'exploitant de tunnel, vous pourriez nous décrire en détail comment cela fonctionnerait concrètement.

M. Gordon Jarvis: Je vais répondre sur le prédédouanement. Le tunnel n'est pas un gros point de passage pour les camions, mais le pont oui. Les responsables de celui-ci pensent qu'une partie des formalités douanières pourrait être effectuée à une certaine distance du point de passage lui-même. Le trafic pourrait alors emprunter des voies ou routes spéciales jusqu'au pont, ce qui permettrait d'utiliser pleinement toutes les voies de circulation entre le Canada et les États-Unis.

La BTOA a évoqué récemment un certain nombre d'autres mesures, notamment que les exploitants pourraient exiger des transporteurs commerciaux que toute leur documentation soit en ordre et prête à être présentée à la frontière afin de ne pas bloquer le trafic. Cela pourrait être mis en place assez rapidement et un certain nombre de points de passage le font déjà.

La présidente: La BTOA étant l'Association des exploitants de ponts et tunnels.

M. James Rajotte: Je suis un député de l'ouest du Canada et je dépends de mes collègues du centre pour me tenir à jour. Nous n'avons que des grands champs chez nous.

La dernière question que j'aimerais poser est de portée assez vaste. Un grand débat se déroule sur le degré d'intégration qu'il faudrait établir entre le Canada et les États-Unis, et au Canada cela tend à mettre en jeu la question de la souveraineté. Nous sommes nombreux à dire qu'une plus grande intégration renforcerait en fait notre souveraineté. Il existe d'ailleurs une alliance d'environ 50 groupes d'industriels qui font pression en vue d'un périmètre commun. J'aimerais demander à chacun de vous si vous êtes en faveur de cette idée et, dans l'affirmative, pourquoi.

M. Gordon Jarvis: Je peux vous dire que, pour ma part, et en ce qui concerne le conseil d'administration que je représente, nous sommes pleinement en faveur de cela. L'une des raisons est que si cela nous permet de mieux assurer la sécurité des installations et de nos clients, nous sommes tout à fait pour.

La présidente: Peut-être M. Cherrin veut-il ajouter quelque chose.

M. Daniel Cherrin: Notre chambre de commerce n'a pas de position précise sur la création d'un périmètre ou d'une zone frontalière. Toutefois, nous appuyons les politiques de part et d'autres de la frontière qui visent à assurer la sécurité aux postes frontaliers, de même que la circulation fluide des marchandises. Il importe donc d'être ouvert à toute idée susceptible de rendre notre frontière plus sûre et plus efficiente.

S'agissant de la souveraineté, lorsqu'il est question de partager l'information, cela ne devrait pas poser de problème entre voisins. Il conviendrait d'intégrer nos technologies respectives afin que les douanes américaines et les douanes canadiennes, et les services d'immigration américains et canadiens soient sur la même page. Il importe d'avoir cette communication, cette intégration, et de mettre toutes les questions sur la table.

• 1235

Des idées telles que l'inversion des inspections sont également sur le tapis et cela soulève beaucoup d'autres questions, telles que la légalité, la souveraineté, l'union ou les considérations politiques. C'est là une solution parmi d'autres auxquelles il faut réfléchir.

Nos gouvernements partagent l'information. Nous avons déjà un dialogue, surtout en matière d'immigration, mais il convient de l'élargir, notamment à la technologie.

M. James Rajotte: Merci.

La présidente: Monsieur Jarvis, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Gordon Jarvis: En ce qui concerne l'inversion des contrôles douaniers et d'immigration, c'est un concept populaire auprès des administrations des passages et il est facile à tout le monde de le visualiser. Si cette idée fait augmenter la pression jusqu'au point où l'on va trouver la bonne solution au problème de la frontière, alors nous sommes tout à fait pour.

Ce que je trouve frustrant... et vous savez peut-être que le 11 septembre, à l'un des postes frontaliers proches de nous, le pont Blue Water, les autorités américaines ont jugé bon d'inspecter les véhicules sortant des États-Unis. Cela a encore davantage paralysé la circulation sur le pont. Nous avons réussi à faire entendre raison aux autorités américaines et à les convaincre de collaborer pour faciliter la circulation ce jour-là.

J'ai donc du mal à croire que nos deux grands pays ne pourraient pas trouver moyen de s'entendre rapidement pour régler les problèmes et assurer la sécurité que recherchent nos citoyens.

La présidente: Merci.

M. Gordon Jarvis: Merci.

La présidente: Monsieur Bagnell, je vous prie.

M. Larry Bagnell: Merci. Je n'ai qu'une question, mais avant de la poser je tiens réellement à vous remercier d'être venus de Detroit. C'est fantastique.

Lorsque nous avons décidé de la liste des témoins, j'ai dit que le plus important serait d'avoir une participation américaine, car c'est vous qui contrôlez la frontière par laquelle doivent passer nos produits et services. Nous avons réellement besoin de votre aide et il est merveilleux que vous soyez ici... et aussi parce que vous exprimez de façon si éloquente les avantages que vous apporte le commerce avec nous et notre interdépendance. Dans notre système démocratique, vos politiciens sont plus susceptibles de vous écouter, vous, que nous; nous apprécions donc réellement toute l'aide que vous pourrez nous apporter à cet égard.

Du fait que notre système fonctionne différemment du vôtre, que nous avons du mal à comprendre, vous pourrez peut-être nous donner quelques conseils sur la façon d'obtenir l'oreille de vos responsables politiques et autres. Nous sommes confrontés à un immense problème au Canada. Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire, en collaboration avec vous, à l'intérieur de ce système, pour régler ce problème de la frontière? Vous avez un système politique très complexe et il nous serait très utile d'obtenir quelques conseils sur la manière de s'y prendre avec lui.

M. Daniel Cherrin: Tout d'abord, c'est moi qui vous dois des remerciements. C'est un grand honneur pour moi que de comparaître ici.

S'agissant de travailler à l'intérieur de notre système, je dois dire que le gouvernement canadien a beaucoup fait pour sensibiliser les gens à Washington à l'importance du commerce bilatéral entre nos deux pays. Depuis de nombreuses semaines déjà, les ministres canadiens défilent à Washington. Ils vont aussi à Detroit. Nous en rencontrerons quelques-uns demain. Il est important de maintenir ce dialogue.

Je vous encourage, en tant que députés, à nouer des contacts avec vos homologues et à instaurer une relation avec un membre du Congrès. Les membres du Congrès, comme les députés, sont très abordables. Ils représentent, tout comme vous, la population de leur district. Il est important pour vous de rechercher le contact avec ces homologues afin de les informer de votre système de gouvernement et de votre situation.

Nous sommes deux pays différents, mais à Detroit nous ne visualisons pas une frontière internationale. Une rivière sépare Detroit de Windsor, mais l'ensemble constitue certainement une région; il importe de le faire savoir aux membres du Congrès.

Pour ce qui est d'autres moyens, notre gouvernement est très fragmenté. Les douanes américaines ne parlent pas avec les services d'immigration américains et, même à l'intérieur d'un même ministère, il y a énormément de distance. Nous avons quantité de lois très désuètes. Le monde des affaires s'adapte en temps réel, mais l'administration utilise encore des lois et des règlements vieux de 50 ans.

• 1240

Il importe donc que nous ayons des échanges. Peut-être faudrait-il des échanges entre nos gouvernements respectifs, entre les parlementaires et les membres du Congrès. Des membres du Congrès pourraient venir à Ottawa, et ce sera le cas de quelques-uns lundi, et des députés pourraient également se rendre à Washington.

Voilà donc ma stratégie.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Cherrin.

[Français]

Monsieur Bergeron, c'est à vous.

M. Stéphane Bergeron: Merci, madame la présidente.

Je trouve absolument fascinant de voir que, lors du débat qui a suivi les tragiques événements du 11 septembre dernier, mes compatriotes canadiens ont redécouvert les vertus de la souveraineté. Cela m'amène à m'interroger sur les raisons pour lesquelles ils s'évertuent tant à empêcher les autres d'en jouir, mais cela est un tout autre débat.

J'aimerais savoir ce que vous pensez des rumeurs qui circulent actuellement, selon lesquelles les autorités américaines seraient enclines à vouloir établir un système de check-in, check-out aux frontières. L'Alliance canadienne du camionnage s'est prononcée sur cette éventualité ce matin, mais je crois savoir que cette mesure aurait pour effet de ralentir considérablement la circulation entre les deux pays. Vous qui vivez une situation tout à fait particulière, Windsor étant si près de Détroit, comment envisageriez-vous l'établissement d'un tel mécanisme à Détroit et à Windsor, par exemple?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Cherrin.

M. Daniel Cherrin: Je peux vous parler de mon expérience récente à Washington. Nous étions à Washington il y a quelques semaines pour rencontrer des membres du Congrès, l'ambassade du Canada et la Maison Blanche.

Les gens à Washington n'imaginent pas ce que c'est que de vivre dans une ville frontalière. Ils ne réalisent pas l'importance de notre frontière pour la sécurité du pays, tant physique qu'économique. Il importe de sensibiliser les gens à Ottawa et à Washington et ailleurs à l'importance de chaque frontière et de la libre circulation des personnes et marchandises.

Mais il importe également de ne pas perdre de vue que nous sommes deux pays distincts; nous devons chacun assurer notre sécurité, et en même temps collaborer. À Washington, on parle de sécurité. Pour eux, la frontière n'est pas la clé de notre économie nationale. Pour eux, c'est simplement une question de sécurité. Il s'agit donc de leur faire comprendre l'importance de cette frontière.

Sur le plan de l'immigration, je peux vous dire que l'INS s'attache actuellement à modifier, évaluer ses politiques et structures, à mettre à jour le système, en quelque sorte.

J'espère avoir répondu à la question.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Vous avez bien exprimé, de façon générale, l'importance que revêt pour vous la fluidité de la circulation entre les deux pays. Quel serait l'impact pour votre région, selon vous, de l'adoption éventuelle d'un système de check-in, check-out entre Détroit et Windsor?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Jarvis.

M. Gordon Jarvis: Oui. Si vous parlez du mécanisme qui était en place et fonctionnait jusqu'au 11 septembre, tel que des entreprises comme DaimlerChrysler scellaient leurs chargements—ayant effectué les opérations de dédouanement au préalable—et le passage de la frontière devient alors très simple. Est-ce cela dont vous parlez?

La présidente: Non. Je pense que M. Bergeron parle du débat, il y a quelques années, sur l'article 110, qui refait surface à Washington et qui exigerait des visas d'entrée et de sortie et le contrôle de tout un chacun.

• 1245

Lors de ce débat sur l'article 110, on avait dit qu'il en résulterait d'énormes temps d'attente, comme ceux que nous avons connus, par exemple, à Windsor et Detroit les 12 et 13 septembre. Différents membres du Congrès parlent de mettre en place cela, peut-être sous forme d'autres lois. Ils demandent ce que vous en pensez.

M. Gordon Jarvis: C'est manifestement l'une des raisons du ralentissement aux postes frontaliers. Nous ne connaissons pas de longs temps d'attente en ce moment uniquement parce que les volumes de trafic sont tellement inférieurs à ce qu'ils étaient.

Les Douanes canadiennes, évidemment, demandent maintenant une ou deux pièces d'identité à la sortie du Canada. Les agents des Douanes et d'Immigration du côté américain ont constaté qu'ils peuvent accélérer le rythme des formalités parce que tout le monde a déjà en main les documents que les autorités canadiennes leur ont demandés.

Dans une certaine mesure, ce concept est déjà appliqué à la frontière en ce moment, mais une fois que le volume de trafic remontera—et nous espérons tous que ce sera bientôt—si nous n'avons pas les ressources additionnelles, tant l'infrastructure que les effectifs, nos postes frontaliers vont ralentir de nouveau à cause de cette exigence.

La présidente: Monsieur Cherrin, pourriez-vous ajouter quelque chose à cela, s'il vous plaît?

M. Daniel Cherrin: Je peux. Si l'article 110 n'a pas été abrogé aux États-Unis, vous auriez vu des files d'attente de plus de 150 kilomètres de long du côté canadien. C'est parce que l'article 110 a été abrogé que notre frontière fonctionne mieux, et c'est le message que nous adressons à Washington.

Immédiatement après les attaques du 11 septembre, la presse nous a contactés au sujet de l'article 110 car nous avions joué un rôle si important dans son abrogation. Ils disaient que c'est à cause de cela que les terroristes avaient pu passer la frontière, mais ce n'est tout simplement pas le cas. Cela rend la frontière plus sûre et pas seulement plus efficiente.

Avant le 11 septembre, le président Bush avait parlé avec le président Fox du Mexique d'une plus grande facilité de circulation des personnes à la frontière mexico-américaine et d'une réforme des règles d'immigration en général. Je ne pense pas que l'on va faciliter la circulation des personnes dans un proche avenir, mais l'article 110 restera abrogé. Je ne pense pas qu'il devienne un enjeu dans le débat des mois à venir sur la réforme du système d'immigration.

La présidente: Merci, monsieur Bergeron.

Monsieur Volpe, s'il vous plaît.

M. Joseph Volpe: Merci, madame la présidente.

Merci d'être venus de si loin, monsieur Cherrin et monsieur Jarvis. J'apprécie particulièrement d'entendre une optique et une perception de la frontière différente de celle que nous avons eue jusqu'à présent.

Je dois confesser une certaine perplexité car nous avons été nombreux à nouer des contacts avec nos homologues américains, membres du Congrès et sénateurs et tout le monde semble bien saisir le problème, mais cela ne se traduit pas par des actes concrets.

Je pense que vous étiez là plus tôt ce matin lorsque les témoins précédents ont parlé des difficultés économiques engendrées par les délais à la frontière. Il est encourageant de vous entendre dire que, du côté américain, vous désirez tout autant que nous une circulation facile. Mais si tout le monde voit les problèmes et a la volonté de les résoudre—je ressens la même frustration que M. Jarvis—comment se fait-il qu'il faille encore sensibiliser. Qu'est-ce qui bloque? Que pouvons-nous faire?

Je sais qu'un groupe doit venir ici lundi, et certains d'entre nous aimerions nous rendre avec eux à Windsor-Detroit lundi. Est-ce un manque de collaboration? Qu'est-ce qui coince?

La présidente: Monsieur Cherrin.

M. Daniel Cherrin: Encore une fois, les membres du Congrès sont tellement axés sur la représentation de leurs électeurs, qu'ils soient du Kansas rural ou de Manhattan, qui ne voient pas les problèmes à la frontière qui nous touchent au quotidien. C'est pourquoi il faut faire ce travail de sensibilisation. Il faut leur faire comprendre l'importance de la frontière, non seulement pour l'économie du Michigan, mais aussi leur économie locale.

• 1250

Il y a également cette cloison entre le Congrès et les organismes fédéraux, l'absence de communication. En outre, les organismes ne communiquent pas non plus entre eux. Chacun a sa chasse gardée et veut la préserver. Ils ne veulent pas apparaître comme faibles ou comme manquant de personnel ou de ressources. De ce fait, il n'y a pas de partage de l'information et c'est ce manque de communication qui cause le problème. Une fois les liaisons établies, on pourra commencer à chercher des solutions.

J'ai rencontré encore ce matin des gens de l'ambassade américaine, qui m'ont aussi fait part de leur frustration devant le fait que les services de Douanes et ceux d'Immigration aux États-Unis, par exemple, ne communiquent même pas entre eux. C'est parce qu'ils ne se parlent pas que nous avons ces problèmes. Il faut les pouvoirs d'enquête du Congrès pour imposer ce dialogue et des solutions. Mais il faut pour cela des gens comme M. Jarvis, comme moi, comme nos 15 000 membres, pour faire réaliser le problème aux membres du Congrès.

Nous travaillons là-dessus depuis le 11 septembre. De nombreux membres du Congrès ne savaient même pas que la frontière était ouverte. Une semaine après le 11 septembre, ils croyaient encore qu'elle était fermée. C'est triste à dire, mais il faut un appel téléphonique, une visite à la frontière, pour que ces gens se rendent compte du problème et agissent.

La présidente: Monsieur Jarvis.

M. Gordon Jarvis: J'aimerais ajouter un mot à ce que Dan a dit. Si l'opinion d'un lobbyiste novice vous intéresse, j'ai fait quelques voyages à Washington le mois dernier. J'ai constaté—et cela confirme ce que Dan a dit—une ignorance complète des questions frontalières. Mon conseil d'administration était indigné qu'un certain nombre de membres du Congrès demandent: «Tunnel de quoi? Tunnel qui?» Ils ne savaient même pas qu'il y a un tunnel reliant nos deux pays.

L'autre facteur, c'est que tout le monde est obnubilé par la sécurité. J'ai remarqué là-bas, lorsque nous parlons aux membres du Congrès et à leurs collaborateurs, si nous parlons de sécurité, ils nous écoutent. Si nous utilisons des termes comme «facilitation», «vitesse de passage à la frontière», ils ne veulent pas en entendre parler. Ils veulent entendre parler de sécurité.

La présidente: Monsieur Cherrin.

M. Daniel Cherrin: C'est une question de perception. Lorsque le public en Amérique entend le mot «frontière», la première image qui leur vient à l'esprit est celle de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, de gens qui traversent à pied. Même les membres du Congrès et les responsables de diverses régions ne savent pas qu'il y a un tunnel ou un pont enjambant la frontière. C'est pourquoi ils n'ont pas conscience de l'impact réel. Ils pensent que ce qui est bon pour la frontière avec le Mexique est également applicable à la frontière avec le Canada. Ce sont pourtant deux situations différentes.

M. Joseph Volpe: Merci beaucoup de ces réponses, monsieur Cherrin.

J'ai pris part ce matin à une émission de radio. L'un des participants, un député, m'a fait remarquer que 34 des 50 États américains ont l'Ontario comme premier partenaire commercial. Sauf mon respect pour mon collègue du Québec, ce n'est pas une donnée insignifiante lorsqu'on a à coeur les intérêts de sa région. Si nous sommes leur partenaire commercial prédominant, il semblerait logique que les représentants de 34, soit 62 p. 100 des États américains, sachent ce qui est bon pour leurs électeurs. Il y a là une source de frustration que nous partageons, je suppose.

Monsieur Jarvis, vous avez dit dans votre exposé que vous êtes confiné sur des terrains de la taille d'un timbre-poste. Certaines de vos difficultés, du côté canadien, ne pourront être réglées tant que vous n'aurez pas un territoire plus grand, manifestement, car vous n'êtes qu'à 40 p. 100 de la capacité.

La présidente: Monsieur Jarvis.

• 1255

M. Gordon Jarvis: C'est juste. Il y a de gros problèmes d'infrastructure aux points de passage. Je suis relativement nouveau dans ce domaine, mais lorsque je parle à mes homologues ils me disent tous qu'ils ont des problèmes similaires, que ce soit à Niagara Falls, Fort Érié ou du côté de Detroit-Windsor.

Si nous ne pouvons faire un certain nombre de choses pour atténuer ces problèmes d'infrastructure, si rien n'est fait pour les régler de concert avec les collectivités concernées... Par exemple certaines préféreraient ne pas avoir de camions au centre-ville ou voudraient des volumes de trafic moindres. Je dois rencontrer demain un groupe fâché par le fait que les files d'attente à notre tunnel remontent jusque dans les rues, ce qui nuit à ces commerces. C'est pourquoi je dis qu'il faudra un effort concerté de tous les niveaux de gouvernement pour que ces postes frontaliers fonctionnent mieux, jusqu'à ce que nous ayons des solutions à plus long terme.

M. Joseph Volpe: Je me demande si nous pourrions vous inviter à revenir plus tard, car aujourd'hui nous nous occupons surtout des suites du 11 septembre. Vous pourriez peut-être nous parler alors des mesures plus générales à prendre pour que la frontière fonctionne mieux.

Mais dans l'immédiat, divers groupes nous ont soumis sept—je crois que c'était sept; était-ce sept, madame la présidente?—idées, quatre ce matin présentées par une coalition d'entreprises sur ce qu'il conviendrait de faire et de ne pas faire pour éliminer ces embouteillages aux postes frontaliers. Êtes-vous au courant de cela?

La présidente: Monsieur Volpe, M. Jarvis est membre de l'Association des administrations des ponts et tunnels, qui a également publié lundi un plan en sept points. Certaines de ces propositions sont parallèles à ce que nous avons vu ce matin, sans être identiques. Je ne pense pas qu'il était au petit-déjeuner de ce matin. Je ne sais donc pas s'il a connaissance de ce que la coalition a préconisé.

M. Joseph Volpe: D'accord. Je vous prends au dépourvu, mais...

La présidente: Vous pourriez peut-être expliquer votre point en sept points publié lundi.

M. Gordon Jarvis: D'accord. En gros, les éléments du plan... Il y avait l'idée de l'inversion des contrôles douaniers et d'immigration—la nécessité d'un prétraitement avant la frontière. Comme je l'ai indiqué, certains postes frontaliers le font déjà. Il s'agit d'assurer des effectifs suffisants à court terme pour faire face aux besoins de sécurité accrus, puis veiller que ces effectifs soient maintenus à plus long terme.

M. Joseph Volpe: Puis-je vous interrompre un instant? Vous avez dit il y a un instant, et vous y revenez, que vous ne pouvez retenir l'attention de personne, que ce soit au Canada ou aux États-Unis—mais principalement aux États-Unis—si vous ne prononcez pas le mot «sécurité» au départ.

Je n'ai pas été au poste frontière de la région Windsor-Detroit, mais j'étais récemment dans la région de Fort Érié-Buffalo. Il me semble que l'attitude est la même là-bas que celle décrite par M. Cherrin à Detroit-Windsor. La frontière est un obstacle pour les frontaliers qui la passent et la repassent, qui sont majoritairement des Canadiens, mais pas seulement. Je parle là des personnes et pas nécessairement des camions.

Il me semble donc que c'est la question sécuritaire qui prime car il me semble que les agents des Douanes et de l'Immigration sont beaucoup plus préoccupés par les personnes que par les marchandises qui traversent la frontière.

Tout d'abord, cette observation est-elle exacte? Deuxièmement, comment pourrait-on séparer les deux flux, de façon à ne pas entraver la circulation des camions?

M. Gordon Jarvis: Demandez-vous quelle est la différence entre ce qui se passe actuellement à la frontière sur le plan de la sécurité et le problème des installations et des structures?

M. Joseph Volpe: Oui, en quelque sorte.

M. Gordon Jarvis: En gros, si j'ai bien saisi, les Douanes s'intéressent aux marchandises et l'Immigration est censée contrôler les personnes. Si vous regardez les contrôles actuellement effectués aux postes frontaliers, particulièrement du côté américain, on arrête et on fouille les véhicules. Mais les fouilles ne vont pas vous donner le genre de sécurité que nos clients recherchent et que l'on peut résumer ainsi: je paie 3,50 $ canadiens et une bombe pourrait sauter dans le tunnel. Si les gens sont pris dans le tunnel pendant une heure, dans une file d'attente, ces usagers craignent qu'une bombe n'y explose. Donc, les fouilles de l'autre côté ne les protègent en rien contre cette éventualité, d'autant que tout le monde considère ces points de passage comme des liaisons vitales et donc des cibles potentielles pour les terroristes.

• 1300

L'inversion des contrôles de Douanes et d'Immigration ne protégerait pas nécessairement ces installations. Par exemple, la plupart des vérifications faites à la frontière ne sont pas aussi minutieuses que si l'on cherchait de la drogue ou sondait le réservoir d'essence pour voir si quelque chose y est caché. Si on faisait ce genre de vérifications, le trafic serait paralysé. Par une combinaison de renseignements et de mesures de sécurité... J'aimerais mieux que l'on détermine si un individu donné devrait être admis au Canada avant qu'il soit engagé dans le tunnel qu'à la sortie, et inversement.

La présidente: D'accord.

Merci beaucoup, monsieur Volpe.

J'aimerais simplement revenir au plan publié au début de la semaine, monsieur Jarvis. Un besoin manifeste, je pense, est la nécessité de séparer les voyageurs à faible risque et à haut risque et d'essayer de réactiver et amplifier le précontrôle des voyageurs, ainsi que du trafic commercial.

J'aimerais savoir combien de temps il faudrait, à votre avis, pour mettre en place des dispositifs de précontrôle des voyageurs—avec des moyens comme la biométrie, par exemple.

M. Gordon Jarvis: Dans la mesure où les technologies ou les logiciels pour cela sont disponibles, il faudrait compter six mois pour la mise en oeuvre—juste la mise en place de l'équipement. Ensuite il faut compter un certain délai avant que les clients l'utilisent. Il faudrait probablement compter un an au total.

La présidente: Ne pensez-vous pas qu'une mise en oeuvre accélérée serait possible, à la lumière du 11 septembre? C'est exactement le délai qu'il a fallu à Amsterdam pour mettre en place sa procédure, et elle fonctionne déjà. Je suis donc portée à croire, étant donné l'urgence depuis le 11 septembre, et sachant qu'Amsterdam a réussi à le faire en un an, sans savoir que le 11 septembre allait se produire...

M. Gordon Jarvis: Je peux vous assurer que l'administration du tunnel trouverait le moyen de mettre les technologies en place en beaucoup moins d'un an. Je crois que c'est possible.

La présidente: S'agissant de l'inversion des inspections, je crois qu'il y a déjà un précédent à cela, si j'ai bien compris. Est-ce entre la Grande-Bretagne et la France?

M. Gordon Jarvis: Apparemment le Tunnel de la Manche utilise le processus.

La présidente: Monsieur Cherrin, vous avez dit tout à l'heure que les crédits ont été débloqués aux États-Unis pour des agents et équipements supplémentaires, mais il n'y a pas de normes valides pour les répartir. C'est un souci, en particulier pour moi, qui suis de la région de Windsor, et sachant combien ce point de passage est fréquenté. Mais je crois qu'il y a également la perception actuellement qu'il n'y a plus de problème, puisque la frontière fonctionne en ce moment.

Nous étions en alerte à Windsor ces derniers jours, avant l'annonce faite hier que la Garde nationale resterait en place pendant encore 30 jours. Je m'inquiète un peu du temps qu'il faut pour faire comprendre aux deux gouvernements l'urgence de la situation. Oui, des crédits ont été débloqués aux États-Unis pour des effectifs accrus, mais il va falloir du temps pour former ce personnel. Dans l'intervalle, nous continuons à vivre dans cette atmosphère de crise. Nous savons maintenant qu'ils seront là pendant encore 30 jours, mais que se passera-t-il le 30 novembre?

• 1305

Avez-vous des idées ou des suggestions sur la façon de surmonter ces problèmes immédiats qui semblent prendre le pas sur ce à quoi nous devrions réfléchir, soit le long terme?

M. Daniel Cherrin: Je pense tout d'abord qu'il faudrait remettre en service les mécanismes suspendus peu après le 11 septembre. Les programmes CANPASS et NEXUS devraient être remis en vigueur—pas seulement rétablis, mais élargis. Cela devrait être fait immédiatement. Cela atténuerait considérablement les problèmes de sécurité et d'efficience à la frontière.

Sur le plan du personnel, le Michigan est le seul État américain ayant déployé la Garde nationale à la frontière. Ce n'est pas encore le cas à Buffalo. Même chez nous, elle ne fait qu'aider les Douanes américaines à diriger la circulation—en d'autres mots, c'est une présence militaire.

Je crains que nous devions continuer au cours des 30 prochains jours à faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il finance la Garde nationale. Le gouvernement américain a décidé de financer la Garde nationale pour encore 30 jours. Mais nous aimerions que cela soit prolongé à neuf ou 12 mois, jusqu'à ce que les nouveaux agents soient formés et déployés.

Les services de police locaux nous aident également à diriger le trafic. Du côté du Michigan, au pont Blue Water, au tunnel et au pont Ambassador, ils font volontairement des heures supplémentaires. Nous devons veiller à ce que ces services de police locaux soient indemnisés pour le temps qu'ils consacrent à la frontière.

Je pense donc que la technologie, jointe à ces solutions provisoires de personnel supplémentaire, est ce qu'il nous faut à titre temporaire, en attendant que l'on trouve des solutions à plus long terme et que de nouveaux agents soient déployés. Nous travaillons avec le gouvernement fédéral et notre délégation au Congrès pour assurer que la norme soit le volume de trafic, tant de voyageurs que commercial, aux postes frontaliers. Nous pensons que ce serait un critère équitable, pour assurer un personnel suffisant en fonction du trafic.

Il faut que les gens se rendent compte qu'une attente de 40 minutes est excessive. Ce n'est pas seulement une incommodité. Comme je l'ai dit dans mon exposé, pour les entreprises, un retard de 20 minutes peut entraîner l'arrêt d'une usine qui compte sur des livraisons juste-à-temps. Dans la mesure où l'on n'entrepose plus les pièces, les usines du Michigan, du Tennessee ou d'ailleurs dépendent de l'arrivée juste à temps des pièces venant des chaînes de montage au Canada et qui doivent passer la frontière américaine. Il importe d'en avoir conscience.

Il faut voir aussi que les entreprises comme les constructeurs automobiles transportent maintenant leurs marchandises par barge ou rail, plutôt que par camion. Cela représente un surcoût, non seulement pour le constructeur, mais en bout de chaîne pour le consommateur. Le volume de trafic est toujours inférieur de 30 p. 100 à 35 p. 100. Les gens restent chez eux et ne voyagent plus comme avant.

La présidente: Je veux également vous dire, monsieur Cherrin, que je trouve rafraîchissant d'avoir une organisation aussi importante que la vôtre—qui représente tant d'intérêts commerciaux—qui ne tombe pas dans le piège tendu par les médias et ne saute pas sur le concept du périmètre et qui reconnaît qu'il faut envisager tout l'éventail des solutions. Il s'agit de renforcer notre sécurité et, pour cela, séparer les flux à faible risque et à haut risque et faciliter la circulation des biens et des personnes à la frontière. Je suis d'accord avec vous, je pense que nous pourrons accomplir beaucoup en collaborant.

Je suis sûr que dans les jours à venir des rencontres auront lieu entre nos autorités et nos milieux d'affaires pour tenter de résoudre certains de ces problèmes. Nous, parlementaires, espérons coopérer avec les membres de votre Congrès et aussi vos sénateurs, pour essayer de progresser et régler ces problèmes.

Nous allons maintenant lever la séance. Je vous remercie infiniment de votre comparution, d'avoir pris le temps, tous deux, de venir nous rencontrer ici, à Ottawa. Nous espérons vous revoir.

Merci beaucoup.

La séance est levée.

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