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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 décembre 2001

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): Nous allons maintenant débuter la séance.

Bienvenue, Glenn et Len. Je vais vous laisser le soin de vous présenter.

• 0910

Nous nous réunissons ce matin conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour étudier la question du dumping de produits agricoles et de ses effets sur les producteurs canadiens. Certains membres de notre comité ont rencontré en privé des représentants de l'industrie de l'aquiculture il y a un peu moins d'une semaine et nous avons décidé à ce moment-là qu'il serait utile que des représentants de cette industrie viennent témoigner de façon formelle devant nous pour nous informer de tous les faits et pour que notre comité puisse traiter de la question de la façon la plus efficace possible.

Ce matin nous avons avec nous M. Glenn Cooke qui est président de l'Association des éleveurs du saumon du Nouveau-Brunswick et M. Len Stewart qui est président d'Aquaculture Strategies Incorporated. Bienvenue messieurs. La parole est à vous. Habituellement, nous écoutons un exposé pour ensuite passer aux questions. Nous vous souhaitons donc la bienvenue.

M. Glenn Cooke (président-directeur général de l'Association des éleveurs du saumon du Nouveau-Brunswick): Merci de nous avoir réservé une partie de votre précieux temps pour nous rencontrer aujourd'hui.

Je me nomme Glenn Cooke et je suis président de l'Association des éleveurs du saumon du Nouveau-Brunswick. Je suis ici avec mon collègue Len Stewart, président d'Aquaculture Strategies Incorporated. Len est un comptable agréé qui a travaillé pendant plusieurs années...

Le président: Glenn, pourriez-vous ralentir votre débit quelque peu. Les interprètes là-bas vont me lancer un saumon si vous parlez trop vite.

M. Glenn Cooke: Ils sont pingres.

Len est un comptable agréé qui a travaillé pendant plusieurs années comme directeur des finances pour une importante entreprise d'aquiculture internationale opérant au Chili, dans l'est du Canada, dans l'est des États-Unis et dans l'ouest du Canada. Il a aussi acquis une expertise considérable en matière de questions commerciales sur lesquelles nous souhaitons nous pencher aujourd'hui et il répondra à toute question que pourrait soulever cet exposé.

Nous sommes ici aujourd'hui en tant que représentants de l'industrie aquicole du poisson dans les provinces maritimes canadiennes. Il y a 4 000 personnes qui travaillent dans des piscicultures de saumon et de truite arc-en-ciel dans les communautés côtières de Terre-Neuve, de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Ces emplois sont menacés par le dumping continuel des producteurs chiliens sur notre principal marché, les États-Unis.

Pour conjuguer cette menace, les aquiculteurs qui élèvent des truites arc-en-ciel et du saumon au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve demandent au gouvernement canadien d'intervenir en leur nom auprès du gouvernement du Chili en invoquant l'Accord de libre-échange des Amériques ou les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il s'agit d'empêcher le Chili de vendre son saumon et sa truite arc-en-ciel à un prix inférieur à celui pratiqué aux États-Unis, principal marché du Canada atlantique. Si des interventions bilatérales énergiques n'ont aucun effet notable, le gouvernement du Canada devrait alors recourir à tous les mécanismes qu'offre l'Organisation mondiale du commerce, notamment l'article 14 de l'Accord antidumping.

Permettez-moi de commencer en décrivant les Canadiens des provinces maritimes que nous représentons. L'Aquaculture Association of Nova Scotia représente un secteur en croissance qui chapeaute 25 zones d'engraissement de poisson, huit nourriceries et huit écloseries. La production totale annuelle avoisine les 10 000 tonnes métriques et sa valeur est supérieure à 40 millions de dollars. Ce secteur procure des emplois à environ 300 personnes dans les collectivités rurales et côtières.

La Newfoundland Aquaculture Industry Association représente l'ensemble de ce secteur d'activité de la province. Elle regroupe notamment six entreprises d'élevage de saumon et de truite arc-en-ciel. En 2000, il s'est produit 895 tonnes métriques de saumon atlantique et 1 700 tonnes métriques de truite arc-en-ciel dont la valeur s'établit à 600 millions de dollars et à 11 millions de dollars respectivement. Cette industrie procure 133 emplois directs. Elle destine au marché américain 90 p. 100 de toute sa production sous la forme de filets.

Je suis président de l'Association des éleveurs du saumon du Nouveau-Brunswick qui travaille pour le compte des salmoniculteurs du Nouveau-Brunswick. Cette industrie regroupe 94 pêcheries, 13 écloseries et 10 usines de transformation. Nous produisons 35 000 tonnes métriques de saumon annuellement dont la valeur est supérieure à 200 millions de dollars. Cette industrie procure plus de 3 000 emplois directs au Nouveau-Brunswick, soit le quart de la population active du comté de Charlotte.

Nos employés ont des compétences très variées, y compris dans les domaines de la recherche, des sciences, des sciences vétérinaires, de la haute technologie et de la gestion des affaires. Ce sont pour la plupart de jeunes personnes qui occupent ces emplois. Une récente analyse économique a démontré que 75 p. 100 des employés ont moins de 40 ans. Notre industrie a investi des sommes considérables dans les nouvelles technologies et les nouvelles techniques de gestion ces cinq dernières années de façon à ce que nous puissions être concurrentiels à l'échelle mondiale.

• 0915

Grâce à l'accent que nous mettons sur la santé du poisson, à nos pratiques de gestion environnementale et à la proximité du marché des États-Unis, nous pouvons fournir au consommateur un produit de première qualité, pourvu que n'ayons pas à faire face à une concurrence déloyale. Nos entreprises se sont avérées rentables dans le passé et nos bilans ont toujours été très positifs. Par contre, cette stabilité pourrait être rapidement ébranlée si la situation actuelle persiste sur le marché.

Par le passé, 70 p. 100 du saumon élevé en aquiculture dans la province était vendu aux États-Unis. Les prix en Amérique du Nord ont subi une chute importante à cause des importations chiliennes—soit un dollars US la livre ou une diminution de 30 p. 100 au cours des 12 derniers mois. Les prix sont en baisse constante depuis le mois de juin 2001.

Les prix du saumon et de la truite arc-en-ciel fluctuent en fonction de la saison et de l'offre, mais cette année la tendance à la baisse a été remarquable. Le Chili a réduit son prix pour le marché des États-Unis de 45 p. 100 au cours des 17 derniers mois et sa part du marché des États-Unis a marqué une hausse substantielle. Les ventes de saumon d'aquiculture du Chili sur le marché des États-Unis ont augmenté de 50 p. 100 cette dernière année seulement. Il s'agit d'une hausse de 40 000 tonnes à 60 000 tonnes de filets, ou, si l'on parlait de poisson entier, il s'agirait d'une augmentation de 67 000 tonnes à 100 000 tonnes.

Le Chili vend bien en deçà du coût de production aux États-Unis. En conséquence, il est difficile pour nous de faire concurrence sur ce marché. Le dumping chilien inquiète aussi grandement nos concurrents—la Norvège, les pêcheurs commerciaux de l'Alaska et les salmoniculteurs américains.

Suite à la publication de communiqués de presse par l'industrie du Canada Atlantique, nous avons reçu des messages d'appui de l'Ontario, de la Saskatchewan et de pays aussi éloignés que l'Écosse et l'Australie. Nous savons aussi qu'un ministre du Parlement irlandais a récemment rencontré certains hauts fonctionnaires au Chili pour leur exprimer ses préoccupations pour l'industrie irlandaise.

Le 11 septembre, l'attentat terroriste a exacerbé une situation déjà pénible. Il y a eu des retards dans les livraisons en provenance du Canada. Les produits de salmoniculture sont destinés principalement à la restauration, et les Américains ne sortent plus. On remarque une baisse de 80 p. 100 sur les principaux marchés comme celui de New York. Cette récente réduction de la demande a fait chuter les prix de 16 à 20 p. 100 de plus.

Dans les provinces maritimes, près de 4 000 emplois sont en jeu. Si le prix actuel de 1,50 $ U.S. la livre de saumon se maintient, ce secteur pourrait perdre 50 millions de dollars au cours de la prochaine année dans les provinces maritimes. Nous risquons aussi de perdre l'énorme potentiel que représente cette industrie pour les communautés rurales et côtières de l'Atlantique.

Les ventes de saumon d'élevage sur le marché américain augmentent de 20 p. 100 par année. La pêche au saumon sauvage diminuant et la population mondiale augmentant, l'aquiculture aura de plus en plus l'occasion de fournir un apport sain et sûr en protéines.

Les provinces maritimes canadiennes peuvent profiter de cette tendance mondiale, à condition que le Chili ne pratique pas le dumping. À proximité des marchés américains, le secteur du saumon et de la truite arc-en-ciel des provinces maritimes bénéficie de coûts de transport moins élevés. Nous pouvons facilement offrir un approvisionnement constant en produits de qualité supérieure à un prix concurrentiel.

Les États-Unis ont récemment remis en vigueur la mesure antidumping découlant d'une enquête entamée en 1997. Le 31 juillet 2001, L.R. Enterprises du Maine a demandé que 86 fournisseurs chiliens de saumon atlantique fassent l'objet d'un examen. Les Canadiens des régions atlantiques appuient cette mesure et espèrent qu'elle permettra de mettre un terme aux activités de dumping des Chiliens.

Il est de toute évidence préférable d'entamer ces procédures directement aux États-Unis, où le Chili vend bien en deçà du coût de production. Par contre, la demande de L.R. Enterprises comporte de lacunes importantes. Premièrement, cette enquête ne porte que sur les prix pendant la période de juillet 2000 à juin 2001 et ne tient pas compte des faibles prix pendant la période du 1er juillet au 30 novembre 2001.

• 0920

Qui plus est, l'un des pires contrevenants au Chili n'est pas visé à l'heure actuelle par l'enquête antidumping. Voilà qui nous amène à discuter de solutions possibles à la crise provoquée par le dumping du saumon sur le marché américain par les Chiliens et à notre demande d'aide de votre part et de la part du gouvernement du Canada.

Au cours des derniers mois, nous avons collaboré en tant que représentants du secteur avec des hauts fonctionnaires gouvernementaux à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, afin de préparer un document d'information à l'intention du ministre Pettigrew. Le document en question a été envoyé par les trois associations du secteur au début de novembre. Quant aux autorités de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, elles ont également envoyé des lettres d'appui. Une délégation de l'industrie s'est rendue à Ottawa la semaine dernière et a rencontré des hauts fonctionnaires du bureau du ministre Pettigrew, le ministre Dhaliwal, le ministre Thibault, des fonctionnaires du bureau de la ministre Bradshaw, du bureau du ministre Tobin, des membres du comité permanent et des députés du Parlement du Canada Atlantique.

Le ministre Dhaliwal s'est engagé à envoyé en notre nom des lettres au ministre Manley et au ministre Pettigrew, tout comme d'autres députés du comité.

Nous souhaitons que votre comité fasse également état de nos préoccupations à la Chambre des communes et au ministère des Pêches et des Océans. Il est nécessaire que vous appuyiez les mesures ou les pressions commerciales que nous pourrions exercer sur le gouvernement chilien pour mettre un terme au dumping de ce produit sur les marchés canadien et américain.

On nous a suggéré de lancer une initiative en vue de freiner le dumping du saumon chilien au Canada, notre marché domestique. Nous allons soumettre des preuves de cet état de fait aux Affaires étrangères. Nous espérons que toutes nos démarches au Canada engendreront des résultats concrets, même si nous savons que le récent accord de libre-échange entre le Canada et le Chili n'autorise pas l'imposition de droits compensateurs, et cela même si nous sommes en mesure de prouver de façon convaincante qu'il y a effectivement dumping ici.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les fonctionnaires du gouvernement à l'échelle nationale et provinciale afin de mettre au point des mesures d'aide provisoire pour soutenir les agriculteurs confrontés aux difficultés considérables qu'apporteront au cours des 18 prochains mois, le dumping effectué par le Chili. Nous vous demandons d'appuyer les solutions proposées lorsqu'elles seront rendues publiques.

En conclusion, je vous remercie encore une fois de votre temps. J'apprécie l'intérêt et le soutien que vous apportez à ce secteur vital du Canada atlantique et je vous offre les services de nos trois associations afin de trouver des solutions à court et à long terme.

Len Stewart et moi-même sommes maintenant disposés à répondre aux questions que vous pourriez avoir ce matin.

Le président: Merci, Glenn.

Avez-vous quelque chose à ajouter, Len, avant que nous commencions?

M. Len Stewart, (président, Aquaculture Strategies Incorporated): Non.

Le président: Avant de céder la parole à Andy, quelqu'un peut-il nous faire un topo sur l'industrie chilienne, sur son mode de fonctionnement?

Je pose la question parce qu'à l'occasion d'une conversation avec des représentants de l'industrie de l'alimentation animale ce matin, ces derniers m'ont dit qu'au Chili, la constitution interdit la réglementation des entreprises, ce qui complique encore davantage les choses. Je crois savoir que les principaux acteurs de l'industrie, auxquels est attribuble environ 60 p. 100 de la production, se proposent de conclure une entente. En effet, ils conviendraient par contrat de ne pas augmenter la production pour les 28 prochains mois environ. Ils signeraient cet accord aux États-Unis et le gouvernement du Chili veillerait à en assurer l'observance. Cependant, d'après ce qu'on me dit, les autorités chiliennes ne peuvent concrètement réglementer l'industrie.

Il y a donc quelque chose qui se prépare, mais cela ne réglera pas le problème. Cela me semble plutôt compliqué, mais c'est ce qu'on m'a dit au téléphone ce matin.

Len ou Glenn.

M. Glenn Cooke: Les autorités chiliennes ne sont peut-être pas en mesure de contrôler l'industrie de cette façon, mais à l'heure actuelle, il y a quelque 1 200 demandes de nouveaux sites pour les cages dans le collimateur. Je crois savoir que le gouvernement déploie des efforts vigoureux pour accélérer l'autorisation de ces 1 200 sites. Dans les faits, cela revient à autoriser une augmentation de la production. Je suis sûr que le gouvernement pourrait contrôler la délivrance des permis concernant les sites piscicoles, c'est-à-dire les emplacements consacrés à l'aquaculture. Je ne vois pas ce qui empêche les autorités de freiner ce processus. C'est un mystère.

Len, avez-vous d'autres observations?

Le président: Len.

• 0925

M. Len Stewart: La seule autre chose que je voudrais dire, c'est qu'au cours de l'enquête américaine sur le saumon du Chili, les représentants de l'industrie chilienne ont affirmé qu'elle avait un rythme de croissance de 15 p. 100. Or, cela leur a été reproché. À l'heure actuelle, nous constatons que le rythme de croissance du secteur est plutôt de 50 p. 100, et je ne suis pas certain que toutes les parties respecteraient nécessairement un accord quelconque.

Le président: D'accord, nous allons maintenant passer à Andy pour les questions.

Monsieur Burton.

M. Andy Burton (Skeena, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Je dois avouer que je ne connais pas tellement bien ce dossier. Il semble qu'il y ait indéniablement de graves problèmes dans l'industrie.

Premièrement, comme je suis de la côte Ouest et qu'il n'y a pas de représentants ici de l'industrie de la Colombie-Britannique, j'aimerais savoir si nos producteurs sont dans une situation analogue ou s'ils ont d'autres marchés qui ne sont peut-être pas aussi sérieusement menacés?

M. Glenn Cooke: Il ne fait aucun doute que l'industrie de la Colombie-Britannique est affectée durement. Nous avons un dialogue avec les gens de la côte Ouest et nous continuerons de dialoguer avec eux pour coordonner notre réaction.

M. Andy Burton: L'industrie chilienne hausse-t-elle sa production à un tel niveau uniquement pour accroître ses liquidités—en dollars américains—ou est-ce vraiment rentable pour elle? Quelle est sa position à cet égard? De toute évidence, on accélère la cadence. Fait-elle de l'argent grâce à cela?

M. Glenn Cooke: Non, elle n'en fait pas. Dans certaines séances d'information que nous avons eues, des analystes nous ont dit qu'en fait, elle perd jusqu'à 85c US la livre, soit 284 millions de dollars cette année.

Les prix étaient très vigoureux en 1999 et au début de l'an 2000 et un grand nombre de multinationales du Chili—il y a là-bas d'importantes multinationales, contrairement à la baie de Fundy, où il n'y en a que deux grandes, les autres acteurs étant des petites exploitations familiales—ont connu une forte expansion sans injecter d'argent dans la commercialisation auprès du marché américain. Même si la consommation de saumon a augmenté de 25 ou 26 p. 100 par année sur le marché américain, les Chiliens ont outrepassé l'expansion du marché sans investir dans la commercialisation. Ce qui s'est passé, à mon avis, c'est que le gouvernement a délivré de nouveaux permis à tire-larigot. Un grand nombre d'entreprises n'étaient pas au courant de ce que faisaient d'autres entreprises, ce qui a causé une surexpansion.

M. Andy Burton: Monsieur le président, à ce moment-ci, je vais céder la parole à quelqu'un d'autre.

Le président: Qui veut être sur la liste?

Loyola.

M. Loyola Hearn (St. Jean-Ouest, PC/RD): Merci, monsieur le président. Nous étions présents lors de la première séance d'information et je pense qu'il y a peu de questions que nous pourrions poser aux représentants de l'industrie que nous n'avons pas déjà posées à cette séance la semaine dernière.

Cependant, si l'on considère l'autre côté de l'équation, les gens du secteur aux États-Unis, qui apprécient énormément le prix intéressant du bois d'oeuvre canadien sont nos alliés. Ils soutiennent nos efforts pour soustraire notre bois d'oeuvre à destination des États-Unis aux tarifs douaniers.

Comme vous pourrez le voir, si le prix du saumon augmente soudainement, il y aura un phénomène de rejet chez les consommateurs américains qui jouissent sans aucun doute à l'heure actuelle de très bons prix pour ce produit. Combien de temps le Chili pourra-t-il tenir le coup? On peut vendre en deçà de son coût de production pendant un certain temps seulement avant que quelqu'un en souffre. Le gouvernement va-t-il continuer à subventionner cette initiative?

Comment perçoit-on l'industrie canadienne? Dans une certaine mesure, l'industrie de Terre-Neuve a bénéficié de subventions relativement généreuses. Comment tout cela s'inscrit-il dans l'équation?

M. Glenn Cooke: Comme vous le savez, le Nouveau-Brunswick compte des exploitations familiales, tout comme la Nouvelle-Écosse et sans doute Terre-Neuve, et bon nombre d'entre elles ne sont pas généreusement subventionnées. Un financement de niveau acceptable, comme celui de l'APECA, est aussi disponible aux États-Unis et au Chili.

Len, je ne sais pas si vous voulez commenter certains des paramètres commerciaux.

M. Len Stewart: Je ne suis pas certain que le prix payé par le consommateur américain ait tellement changé au cours de cette période. Le prix du saumon au détail et dans les restaurants est demeuré le même qu'avant.

M. Loyola Hearn: Qui empoche l'argent?

• 0930

M. Len Stewart: Je peux vous dire que ce ne sont pas les salmoniculteurs en ce moment.

M. Loyola Hearn: Non, mais quelqu'un doit s'en mettre plein les poches.

M. Glenn Cooke: Je pense que ce sont les grossistes et les distributeurs qui profitent probablement le plus de la situation.

Les compagnies chiliennes sont de très grosses multinationales. Ce sont des multinationales de Norvège, de Hollande, et elles ont les reins solides. Elles ont d'autres composantes. Elles sont présentes dans le milieu de l'agriculture, de l'alimentation animale, et ainsi de suite, contrairement aux salmoniculteurs de la Baie de Fundy , de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, qui sont plutôt à la tête de petites entreprises familiales.

Ces grosses entreprises perdent de l'argent. Elles peuvent sans doute se le permettre car ce sont des sociétés publiques. Elles peuvent probablement être dans le rouge pendant 18 mois ou deux ans et s'en tirer quand même. Le problème, c'est que l'industrie du Canada Atlantique ne peut perdre d'argent pendant 18 mois. Nous ne pouvons, dans l'Atlantique, essuyer des pertes de 50 millions de dollars et s'attendre à ce que l'industrie survive. C'est un peu comme dire qu'une chaîne d'alimentation nationale peut perdre de l'argent, mais que le petit dépanneur du coin, lui, ne peut pas en perdre. C'est là l'analogie.

Le président: Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue aux témoins ce matin.

Vous avez évalué la situation au Chili. Pour me permettre de mieux comprendre ce qui se passe, pourriez-vous me dire si l'industrie est fortement subventionnée par le gouvernement? Les frais alimentaires sont très élevés au Canada, et particulièrement au Canada Atlantique. N'est-ce pas la même chose au Chili? Les producteurs chiliens ont-ils accès à des sources alimentaires à bon prix?

Ma question fait suite à celle de M. Hearn. Comment peuvent-ils déverser leurs produits sur le marché américain à un prix aussi bas, à moins qu'ils ne soient carrément subventionnés par le gouvernement et qu'ils se fichent des conséquences sur le marché?

M. Glenn Cooke: Je ne pense pas qu'ils le soient. Notre produit apprêté, avec la tête, est aussi bon marché que le produit chilien lorsqu'il est débarqué sur le marché américain. Cela ne tient pas au fait qu'ils produisent leur poisson à moindre coût. Ils doivent assumer les frais de transport aérien à destination du marché américain, ce qui ajoute des sommes considérables à leurs coûts de production. Nous sommes réellement convaincus que ces sociétés coupent dans leurs profits nets, mais encore une fois, ce sont de très grosses multinationales ayant des assises importantes un peu partout dans le monde. Elles peuvent se permettre des pertes dans le domaine de l'aquaculture et les compenser du côté de l'agriculture ou encore du côté des pêches.

M. Bill Matthews: Quel est leur objectif alors? Est-ce de se débarrasser de tous leurs concurrents? C'est difficile à comprendre. Même si ce sont des multinationales imposantes qui peuvent absorber des pertes, elles ne vont pas continuer comme ça indéfiniment. Du moins, on le croirait. Pourriez-vous m'expliquer quelle est la logique pour que je puisse comprendre car pour le moment, je ne comprends vraiment pas?

M. Len Stewart: Nous sommes certainement mystifiés pour ce qui est de trouver une logique car il est clair que ces entreprises ne peuvent perdre de l'argent indéfiniment, à moins qu'en fait, leur objectif soit d'expulser tous les autres intervenants du secteur et de s'approprier le marché. À ce moment-là, ils pourraient laisser les prix monter à leur guise.

M. Bill Matthews: Avez-vous pu déterminer dans quelle mesure le gouvernement du Chili est partie prenante au problème? Pour nous, en tant que parlementaires ainsi que pour le comité permanent et les ministères gouvernementaux, c'est la clé. Avez-vous pu déterminer cela?

M. Len Stewart: Il y a du dumping et il y a des subventions; et au cours de l'enquête antidumping menée à l'origine par le U.S. Department of Commerce, en 1997 ou 1998, on a constaté que les subventions comme telles étaient minimales, en deçà même du taux passible de sanctions tarifaires.

Les travaux de la Commission internationale du commerce exigeraient sans doute cinq années personnes de travail. J'ignore quel est précisément le niveau des subventions au Chili.

Le président: Len, savez-vous à qui vous adresser pour obtenir cette information? Cela serait-il dans la documentation américaine?

M. Len Stewart: Oui. Il y a certaines parties qui sont du domaine public. C'est l'information que j'ai lue. Mais d'autres renseignements leur appartiennent, et ils ne sont pas divulgués au public.

Le président: Bill, c'est tout?

M. Bill Matthews: Je pensais tout haut.

Si vous voulez présenter des instances auprès du ministère des Affaires étrangères ou du Commerce international ou par l'entremise de l'OMC, ne faut-il pas au préalable déterminer...? Il me semble qu'à l'heure actuelle, le Chili déverse son poisson à très bas prix sur le marché américain, mais j'ai du mal à comprendre comment les Chiliens peuvent faire cela.

• 0935

M. Glenn Cooke: Nous connaissons leurs coûts de production.

M. Bill Matthews: Je vois.

M. Glenn Cooke: Autrement dit, nous savons qu'ils ne produisent pas leur poisson pour aussi peu qu'ils le vendent sur le marché américain. Nous avons des documents à cet effet.

Le président: Monsieur Farrah.

M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok. Lib.): Je suppose que vous avez rencontré M. Pettigrew ou ses collaborateurs. Je voudrais savoir ce qu'ils vous ont dit. En effet, le ministre prend à coeur ce genre de problème et avec son équipe, ils ont l'habitude de traiter énormément de problèmes de ce genre dans diverses industries. Je voudrais savoir quelle a été leur réaction, ce qu'ils ont dit au sujet de la situation et si, d'après eux, nous avons de bonnes chances de plaider notre cause. Le problème, c'est de savoir combien de temps cela prendra de l'autre côté. Mais je veux savoir quelle a été la réaction de M. Pettigrew et de ses hauts fonctionnaires.

Le président: Monsieur Stewart.

M. Len Stewart: Nous avons rencontré des hauts fonctionnaires du ministère du Commerce international et d'après eux, un certain nombre d'avenues s'offrent à nous. Nous pouvons soumettre nos doléances à l'OMC, mais cette voie est relativement nouvelle et très complexe. Le problème, avec l'OMC, c'est qu'il faut que cet organisme accepte d'examiner le dossier avant d'aller de l'avant. La décision doit être unanime. Le Chili est membre de l'OMC, de sorte qu'il est peu probable que la décision soit unanime.

L'autre option possible, d'après les fonctionnaires, serait de mener une action au Canada car à l'heure actuelle, le saumon du Chili se vend au Canada au même prix qu'aux États-Unis, autrement dit en deçà du coût de production. Le hic, c'est qu'en vertu de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, même si l'on constate qu'il y a dumping, il n'y a pas de recours. À ma connaissance, le Canada ne pourrait imposer de droits sur le saumon du Chili, même s'il était prouvé qu'il est vendu au Canada en deçà du coût de production. Mais cela ouvre la porte à d'autres avenues de nature diplomatique. C'est par la voie diplomatique que des représentants du Canada pourraient exercer des pressions sur le Chili.

Je pense que l'aide que le Commerce international peut offrir à l'industrie consisterait à exercer des pressions sur le gouvernement et l'industrie du Chili. Il y a au Chili certaines compagnies qui ont réduit leurs approvisionnements. Certaines entreprises ont tué les poissons de petite taille pour réduire leur niveau de production. À l'heure actuelle au Chili, les pertes pourraient s'établir de 50c. à 1 $ américain la livre.

Le président: Tout d'abord, Glenn et Len, l'importance de ce secteur ne fait aucun doute. Comme vous le savez, le comité a lui-même effectué une étude du secteur de l'aquaculture et nous considérons que c'est une industrie en expansion rapide, une industrie qui possède un énorme potentiel.

Voilà le début de mes questions. Je voulais savoir si vous avez une idée des prix comparatifs du saumon américain depuis les trois dernières années. Quel était le prix il y a trois ans, il y a deux ans et maintenant? Pouvez-vous nous fournir cette information ainsi que l'information sur les exportations en provenance du Chili? Avez-vous dans votre banque de données un graphique qui nous montrerait cette augmentation, ce qui expliquerait que les prix ont été poussés à la baisse? De telles données nous permettraient d'invoquer l'argument du dumping.

M. Len Stewart: Oui, je peux répondre à cette question. Par exemple, en juillet 1999—je vais choisir certaines périodes—les filets en provenance du Chili se vendaient 3,34 $ la livre sur le marché américain.

Le président: En dollars américains?

M. Len Stewart: Oui. Et à ce moment-là, les importations se chiffraient à environ 2,6 millions de kilos de poisson. En juillet 2000, le prix était de 3,08 $ la livre, et les importations atteignaient 4,5 millions de kilos. En juillet 2001, le prix était de 1,99 $, et les importations, elles, atteignaient 5,5 millions de kilos.

• 0940

Le département du Commerce des États-Unis n'a pas encore publié les statistiques sur les importations pour les mois d'octobre et de novembre. Toutefois, le prix, en octobre 2001, était de 1,86 $, et en novembre 2001, de 1,81 $.

Donc, au cours des 17 derniers mois, le prix du saumon chilien a chuté de 45 p. 100. Or, le Chili n'a pas réduit ses coûts de 45 p. 100 au cours de cette période. Les coûts de transport aux États-Unis ont augmenté à cause de la situation entourant le pétrole. Les coûts de la main-d'oeuvre risquent d'augmenter au Chili, leur faiblesse ayant provoqué des protestations là-bas. Donc, les coûts augmentent, sauf que les entreprises, elles, ne peuvent réduire leur prix de 45 p. 100 en 17 mois et réaliser des profits.

Le président: Donc, il s'agit ici du prix au débarquement aux États-Unis.

M. Len Stewart: À Miami.

Le président: Glenn, vous avez dit plus tôt que vous aviez une idée des coûts de production au Chili. À combien s'élèvent-ils, et avez-vous les chiffres sur plusieurs années?

M. Glenn Cooke: Je vais demander à Len de répondre à la question.

M. Len Stewart: J'ai beaucoup travaillé là-dessus au cours de ma carrière, parce que j'ai déjà été comptable. Je ne peux cependant pas vous dévoiler ces données, car elles sont la propriété exclusive de la compagnie pour laquelle je travaillais.

Toutefois, je travaille maintenant à mon compte et je continue de m'intéresser à la question, de consulter des documents qui relèvent du domaine public, ainsi de suite. Le saumon en filet débarqué à Miami se vend autour de 2,50 U.S. L'industrie chilienne réalisait des profits intéressants à l'époque où elle vendait le produit 3,34 $ et 3,08 $. Aujourd'hui, à 1,81 $ et 1,80 $, ce n'est plus le cas. Il y a 4 000 emplois qui sont en jeu dans la région de l'Atlantique. En fait, l'avenir de certaines collectivités rurales et côtières est compromis.

Certaines études plus récentes démontrent que 75 p. 100 des travailleurs de l'industrie ont moins de 40 ans. Malheureusement, je ne fais plus partie de ce groupe.

Le président: C'est le cas de la plupart des gens ici présents.

Il est facile de démontrer que le Canada est victime de dumping. Toutefois, il n'y a peut-être pas de solution au problème parce que le Canada a conclu un accord de libre-échange avec le Chili. J'espère me tromper. S'il n'y en a pas, c'est déplorable. Il faudra consulter à ce sujet le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, parce que l'accord de libre-échange vise, en partie, à établir une loi commerciale qui favorise les pratiques commerciales loyales et qui vous autorise à prendre des mesures contre ceux qui ne respectent pas les règles. Le fait est que nous transigeons avec un troisième pays et que nous exportons tous les deux nos produits dans ce marché.

Avez-vous les statistiques sur les exportations canadiennes aux États-Unis?

M. Len Stewart: La production canadienne a augmenté de 10 p. 100 entre 1998 et 1999, de 10 p. 100 entre 1999 et 2000, et ensuite de 25 p. 100 en 2001.

• 0945

Toutefois, les produits qui auraient normalement dû être vendus sur ce marché en 2000 ne l'ont pas été parce que les prix étaient trop bas. Nous n'avons pas vendu nos produits parce que nous pensions que les prix allaient augmenter. En fait, la hausse aurait dû être de 18 p. 100. Elle aurait été de 18 p. 100 jusqu'à maintenant cette année, ce qui équivaut au taux de croissance enregistré sur le marché américain. Il y aurait eu équilibre entre l'offre et la demande.

Le président: Comment le prix est-il fixé sur le marché américain?

M. Len Stewart: C'est le Chili qui, essentiellement, fixe le prix sur le marché américain. Le Canada, lui, suit la tendance. Or, quand le Chili réduit ses prix de façon radicale, vous devez faire la même chose si vous voulez vendre vos produits. Les prix pour les produits américains et canadiens sont en général plus élevés que ceux des produits chiliens, et ce, en raison de la fraîcheur et de la qualité du produit, et du délai de livraison sur le marché.

Le président: Si nous augmentons la production aux États-Unis et que nous diminuons nos prix, nous devons être en mesure de démontrer, de façon concrète, que nous faisons uniquement suivre la tendance du marché, que quelqu'un d'autre est responsable de cette tendance, c'est-à-dire le Chili. Comment prouver une telle chose?

M. Len Stewart: J'ai communiqué avec l'entreprise américaine qui a déposé une action contre le Chili. L'avocat américain qui représente l'entreprise a clairement indiqué que le Canada suit la tendance. Il s'agit d'un argument juridique plutôt complexe, mais comme les produits du Chili sont assujettis à des droits, la loi commerciale jugerait que les produits canadiens se vendent à des prix justes parce que nous suivons la tendance.

Pour revenir à la production, nous avons enregistré une hausse de la production au Canada, sauf que celle-ci était surtout attribuable à l'augmentation de la demande sur le marché. Le volume de production a augmenté de plus de 50 p. 100 au Chili, ce qui est nettement supérieur à la hausse enregistrée sur le marché. Cette situation inquiète les producteurs canadiens et américains.

Le président: Monsieur Hearn.

M. Loyola Hearn: Merci, monsieur le président.

On vient de répondre à une des questions que je voulais poser au sujet de la qualité de nos produits.

Vous avez dit, monsieur le président, qu'il y a un troisième pays en cause, ce qui complique la situation. S'il pratiquait le dumping sur le marché canadien, ce serait une chose. Mais si les entreprises, les propriétaires ou les conglomérats acceptent de vendre à perte et que le gouvernement ne leur verse aucune subvention directe, cela complique encore plus les choses.

Est-ce que le gouvernement du Chili accorde une aide à l'industrie, lu verse des subventions? Si le secteur privé accepte de vendre à perte, comment peut-on parler de dumping? Cette question est plus complexe que, par exemple, le versement de subventions à une industrie.

M. Len Stewart: Monsieur Hearn, nous ne savons pas vraiment quel rôle le gouvernement du Chili joue au sein de l'industrie. C'est une question que le ministère des Affaires étrangères serait mieux à même d'examiner et de comprendre.

• 0950

Cela me gêne de le dire, mais je connais sans doute mieux la loi commerciale américaine que la loi canadienne, parce que j'ai une grande expérience de celle-ci. Le système américain prévoit l'imposition de droits compensateurs pour les subventions, et aussi de droits antidumping quand vous vendez votre produit à un prix inférieur à celui que vous pratiquez dans d'autres marchés.

M. Loyola Hearn: Que des subventions soient versées ou non.

M. Len Stewart: C'est exact. Les subventions au Chili ont peut-être augmenté, je ne le sais pas. Pour revenir à la question des coûts, les prix ont peut-être diminué de 45 p. 100 au cours des 17 derniers mois, mais le Chili, lui, n'a pas réduit ses coûts de production de 45 p. 100. Les coûts de transport aérien sont passés de 60 cents le kilo à 1,20 $ le kilo. Donc, quand les autres coûts augmentent du double...

M. Glenn Cooke: Ils pratiquent aussi le dumping sur le marché canadien. Le marché américain n'est pas le seul visé. Le marché canadien l'est aussi.

Le président: C'est vrai.

M. Len Stewart: Si je puis...

Le président: Allez-y, Len.

M. Len Stewart: Comme le poisson est vendu de part et d'autre de la frontière, le prix sur le marché canadien finit par être le même. Le Chili fixe le prix aux États-Unis, et donc au Canada.

Le président: Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews: J'aimerais poser une brève question sur les taux de change. Quelle est la valeur de la devise chilienne par rapport à la devise américaine? Nous savons ce que vaut le dollar canadien par rapport au dollar américain.

M. Len Stewart: La valeur du peso a elle aussi chuté. On pourrait dire que c'est ce qui fait que le Chili est plus concurrentiel. Mais une bonne partie des coûts au Chili sont fixés en dollars américains. La nourriture pour poisson, le prix du saumoneau, les contrats pour la transformation du poisson, les coûts de transport, tous sont fixés en dollars américains. Seuls les coûts de la main-d'oeuvre et les frais imprévus sont fixés en peso.

Le président: Monsieur Cuzner.

M. Rodger Cuzner (Bras d'Or—Cape Breton, Lib.): Vous dites dans votre mémoire qu'il est question dans les annexes de la requête déposée par L.R. Enterprises, du Maine. Je n'ai pas le document en question. Pouvez-vous tout simplement nous dire ce qui s'est passé depuis le dépôt de cette requête, en juillet?

M. Len Stewart: Oui. Le système commercial américain est très complexe. Une fois qu'une ordonnance est émise, n'importe laquelle des trois parties peut demander un examen de la mesure—le pétitionnaire américain, une entreprise qui fait partie de l'industrie aux États-Unis, ou une entreprise qui verse actuellement des droits. Cette mesure a été prise avant la date d'anniversaire, soit le 31 juillet 2000. La requête est déposée auprès du département du Commerce. Ils indiquent ensuite dans le registre fédéral—ce qu'ils ont fait en août 2001—qu'ils vont aller de l'avant avec cette mesure. Le département du Commerce prépare ensuite des questionnaires très détaillés et exhaustifs, qu'il envoie par la suite à l'industrie chilienne. Elle est obligée d'y répondre.

L'enquête suit son cours. Il s'agit d'une enquête très longue, laborieuse et complexe. Les résultats—la décision provisoire touchant les nouveaux droits—ne seront sans doute pas connus avant avril-mai 2001.

Cette requête met l'accent sur le fait, entre autres, que le dumping a été particulièrement intense depuis la fin de la période d'examen. L'enquête vise la période allant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001. À l'époque—à la fin de juin 2000—le prix était d'environ 2,24 $. Depuis, il est tombé à 1,81 $.

• 0955

L'enquête suit son cours. Le procureur américain qui représente L.R. Enterprises a soumis de nombreux exemples de cas où le prix pratiqué était inférieur au prix coûtant. L'enquête comporte deux volets. Il y a les divers questionnaires à remplir. Il peut y en avoir d'autres, selon le niveau de dumping qui a été pratiqué. La partie D porte sur les prix de dumping.

M. Rodger Cuzner: Le gouvernement américain ne peut pas, en attendant, prendre des mesures provisoires...

M. Len Stewart: Non. Il ne semble pas y avoir de «procédure accélérée» dans ce cas-ci.

Le président: Est-ce tout, Rodger?

M. Rodger Cuzner: Oui.

Le président: Monsieur Burton.

M. Andy Burton: Merci, monsieur le président.

Vous pouvez peut-être clarifier une chose pour moi. Je ne sais pas si l'industrie piscicole, l'industrie de l'aquaculture est très importante aux États-Unis. Pouvez-vous nous en parler, nous dire quelle est sa position? S'ils font l'élevage de produits similaires, ils doivent avoir eux aussi des préoccupations.

M. Len Stewart: L'industrie américaine est implantée dans le Maine et dans l'État de Washington. La production totale de l'industrie, dans le Maine, atteint environ 20 000 tonnes. Le secteur emploie plus de 1 200 personnes dans le comté de Washington qui, tout comme le comté Charlotte au Nouveau-Brunswick, est une collectivité rurale et côtière.

Les enquêteurs du département américain du Commerce se sont rendus à Eastport, dans le Maine. Ils ont rencontré des travailleurs et le maire, leur ont demandé quel était l'impact de cette mesure sur leur collectivité. Le maire d'Eastport leur a dit qu'il y avait essentiellement trois secteurs d'activité dans la région. Il y a les installations portuaires, le tourisme et la salmoniculture. Si cette dernière disparaissait, la collectivité serait durement touchée.

Je ne suis pas tellement au courant de la situation qui existe dans l'État de Washington, mais je sais qu'il y a au moins une grande entreprise à cet endroit. Elle doit elle aussi être durement touchée par les prix qui sont actuellement très bas.

Le prix du saumon d'élevage aux États-Unis est si bas qu'il est difficile pour les pêcheurs de poisson sauvage en Alaska et en Colombie-Britannique de réaliser un profit sur la vente de leurs produits. Il est évident que lorsque le prix des produits de pisciculture chute au point où la vente de poisson sauvage ne rapporte pas, cela veut dire que les prix sont discriminatoires.

M. Andy Burton: Est-ce que l'industrie a fait des démarches auprès du gouvernement? Une enquête préliminaire a été entamée. Toutefois, est-ce que des mesures ont été prises?

M. Len Stewart: Oui. L.R. Enterprises est une entreprise du Maine.

Le président: Len, comment les prix sont-ils fixés en Europe, où la Norvège, l'Écosse, ainsi de suite, écoulent leurs produits sur d'autres marchés? Quels sont les prix à l'extérieur des continents nord-américain et sud-américain?

M. Len Stewart: Je n'ai pas ces chiffres sous la main. Je n'ai pas de liste de prix. Toutefois, il y a, tous les ans, à l'échelle internationale, une réunion où l'on discute de saumon. Cette rencontre porte le nom d'Aqua Nor. Divers fonctionnaires du gouvernement et du ministère norvégien des pêches ont dénoncé la hausse du volume de production au Chili. On trouve davantage de produits gelés en provenance du Chili sur les marchés européens, ce qui a pour effet de réduire les prix.

Je m'excuse, Wayne, mais je n'ai pas sous la main un tableau qui compare sur trois ans les prix en vigueur sur le marché européen.

Le président: On devrait pouvoir l'obtenir.

À la page 4 de votre mémoire, vous parlez des mesures antidumping américaines, des mesures que le Canada et les États-Unis peuvent prendre. Vous dites que le pire contrevenant au Chili n'est pas visé par l'enquête. Pouvez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?

• 1000

M. Len Stewart: Il y a une entreprise qui a obtenu la note zéro lors de l'enquête initiale. Cette compagnie faisait partie d'une entreprise qui produisait divers produits de la pêche. On se demande comment elle a été en mesure d'obtenir ce résultat. Quand vous avez une entreprise polyvalente qui produit divers produits de la pêche, si vous êtes comptable, vous pouvez répartir les coûts comme vous voulez.

Le président: Êtes-vous en train de dire, Len, que les comptables jouent avec les chiffres?

Des voix: Oh, oh!

M. Len Stewart: Eh bien, il faut faire preuve de jugement. Si vous êtes comptable, que vous voulez éviter une situation comme celle-ci et que cette pratique est tout à fait légitime, alors vous pouvez répartir les coûts différemment.

Cette compagnie, dont les produits représentent environ 15 p. 100 des exportations chiliennes aux États-Unis, n'a pas été visée par les ordonnances initiales prévoyant l'imposition de droits. À cause de cela, elle ne fait pas l'objet d'un examen annuel. Elle peut fixer les prix qu'elle veut.

Cette année, six autres entreprises visées par l'enquête aux États-Unis pourraient bénéficier d'une suppression des droits antidumping. Autrement dit, si on juge qu'elles n'ont pas à payer de droits cette année, elles ne feront plus l'objet d'une enquête. Voilà pourquoi l'industrie et le gouvernement poursuivent activement ce dossier aux États-Unis.

Le président: Donc, ils poursuivent le dossier. A-t-on fixé des délais et pendant combien de temps nos industries devront-elles faire face à cette concurrence déloyale? Ce sont là mes deux questions. D'abord, quand les États-Unis prévoient-ils rendre une décision? Deuxièmement, chaque jour qui passe—je suis moi-même éleveur, et si je perds 250 $ la tête de bétail, je risque d'avoir bientôt des problèmes financiers. Combien de temps devra-t-on attendre avant que l'industrie n'atteigne le point de non-retour?

M. Len Stewart: Je vais d'abord expliquer jusqu'à quand il faudra attendre les résultats définitifs aux États-Unis, puis, Glenn, pourra peut-être parler de l'industrie.

Les mesures prennent beaucoup de temps. Les résultats préliminaires de l'examen devraient être rendus publics en avril. Puis, normalement, les résultats définitifs seraient connus en juillet, mais il est possible qu'on demande un report. La décision finale pourrait être rendue seulement en août 2002.

Glenn, voulez-vous parler de l'industrie?

M. Glenn Cooke: Nous, les producteurs du Canada atlantique, sommes confrontés à cette chute de prix vraiment très grave depuis trois mois.

Si nous devons attendre jusqu'en octobre ou en novembre prochain avant que des mesures soient prises contre le Chili, je ne pense pas que nous pourrons conserver une industrie dans le Canada atlantique. Il est tout simplement impossible que notre industrie survive avec des pertes de 50 millions de dollars.

Le président: Encore une fois, je sais qu'il s'agit d'un autre pays, mais savez-vous si les lois commerciales prévoient des indemnisations pour les dommages subis dans des situations de ce genre?

M. Glenn Cooke: Le seul exemple qui me vient à l'esprit est celui de certains programmes agricoles qui prévoient des subventions aux agriculteurs quand il y a des récoltes excédentaires dans d'autres pays; il y a aussi des mesures de stabilisation des prix qui existent au Canada dans le cadre de ces programmes.

• 1005

Le président: Dans le secteur de l'agriculture, il y a un programme de protection de revenu que beaucoup de producteurs, dont moi, trouvent insuffisant. Mais au moins une certaine protection est offerte, ce qui n'est pas le cas dans l'industrie de l'aquiculture.

Vous voudrez peut-être réfléchir à ma prochaine question. Vous avez exposé votre point de vue dans votre mémoire, et vous nous demandez essentiellement de prendre des mesures directement aux États-Unis; je pense que vous nous demandez d'intervenir. Pourriez-vous nous dire ce que vous voulez que le gouvernement du Canada fasse pour que cette question soit résolue?

M. Len Stewart: Je vais répondre à votre question et Glenn pourra compléter si nécessaire.

D'abord, nous avons reçu et aimerions continuer de recevoir l'aide du groupe commercial international pour agir, si l'OMC... et le fait qu'une entreprise aurait un droit de véto... On se demande pourquoi des gens intelligents offriraient un droit de véto et pourquoi alors on se donnerait la peine d'intenter un recours aux termes de l'OMC? Cela ne semble pas logique, et nous aimerions que vous examiniez cette question en profondeur.

Le président: Pour que tout soit clair, je vais revenir à la discussion que nous avons eue la semaine dernière dans laquelle vous avez expliqué... mais je ne pense pas que vous l'ayez expliqué aux membres du comité ici présents. Vous dites que l'un ou l'autre pays signataire de l'OMC a le droit de refuser qu'une mesure soit prise.

M. Len Stewart: C'est ce que je crois comprendre, et il est primordial d'examiner en détail ce qui est possible à ce sujet. En deuxième lieu, il faudrait examiner les activités du Chili au Canada et déterminer s'il existe des recours aux termes de l'Accord de libre-échange Canada-Chili. En troisième lieu, il faudrait exercer des pressions diplomatiques pour que le Chili agisse d'une façon plus commercialement responsable. Enfin, en quatrième lieu, il faudrait communiquer avec la Commission du commerce international aux États-Unis pour lui signaler que l'industrie canadienne aussi est préoccupée et lui indiquer que son initiative reçoit notre appui moral.

M. Glenn Cooke: J'ai deux choses à ajouter. Je crois que les États-Unis sont actuellement en train de négocier un accord de libre-échange avec le Chili. Je demanderais au gouvernement fédéral canadien de faire part à ses homologues américains de nos inquiétudes au sujet de la vente du saumon chilien sur le marché américain. On pourrait peut-être l'exclure de l'Accord de libre-échange.

Ensuite, si on ne réussit pas à empêcher les Chiliens de pratiquer le dumping sur le marché américain, et si nous ne pouvons rien faire pour les empêcher d'entrer sur le marché canadien, notre industrie pourra finalement avoir besoin d'une protection financière. Nous produisons du poisson de façon aussi économique qu'eux et nous le vendons sur le marché. Ce n'est pas la faute de notre industrie si ce pays pratique le dumping sur notre marché.

Le président: J'ai une dernière question à vous poser. Quand on compare l'industrie du Chili à celle du Canada ainsi que les régimes de réglementation concernant l'alimentation, les médicaments, l'usage des antibiotiques, et le reste ainsi que les conditions environnementales... Je sais qu'au Nouveau-Brunswick, Glenn, il est question d'un gel en ce qui concerne l'expansion en Colombie-Britannique... Un grand nombre de sites proposés au Nouveau-Brunswick ont été rejetés en raison de nos règles et de nos conditions environnementales très rigoureuses. Comment se compare-t-on dans ce domaine?

M. Glenn Cooke: Nous suivons des directives environnementales très sévères. Nous appliquons le processus de la LCEE au Canada qui est encore plus subtil dans le cas de ces sites.

• 1010

Le Chili est dépourvu de normes et de protocoles en matière d'environnement. La production piscicole leur coûte moins cher parce qu'ils élèvent les saumoneaux dans des lacs, ce que nous ne pouvons pas faire dans le Canada atlantique. Les bassins dans ce pays sont aussi beaucoup plus grands. Je ne connais pas très bien les normes du pays en ce qui concerne l'usage des antibiotiques et les résidus de médicaments, mais il est certain que nos règlements en matière d'environnement sont plus rigoureux; il n'y a pas de doute là-dessus.

Le président: Y a-t-il autre chose dont vous voudriez discuter, Glenn ou Len?

M. Glenn Cooke: Je voudrais signaler que le besoin est urgent. L'industrie souffre de la situation tous les jours, et le problème est donc très urgent. Je veux bien faire comprendre l'urgence de la situation. C'est quelque chose qui ne peut attendre.

Le président: Je pense que nous avons compris le message. Notre comité devra en discuter un peu la semaine prochaine. Nous devrons probablement demander à la Commission du commerce international des informations sur les mesures qu'elle pourra entreprendre. Il y a un certain nombre de questions dont j'aimerais discuter avec elle.

Nous ferons tout ce que nous pouvons pour examiner la question au début de la semaine prochaine et au moins rédiger une lettre pour expliquer l'urgence de la situation aux ministres touchés. Je pense que personne au sein du comité ne conteste le fait que la situation est très urgente.

Là-dessus, je vous remercie, MM. Cooke et Stewart.

Quant à nous du comité, nous allons poursuivre nos travaux pour terminer notre étude sur les ports pour petits bateaux et les crevettiers.

M. Glenn Cooke: Merci beaucoup.

Le président: Nous allons poursuivre nos travaux à huis clos.

(Les travaux se poursuivent à huis clos)

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