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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 mai 2001

• 1902

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): Nous allons ouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins. Comme nul ne l'ignore, je pense, nous traitons ce soir de la Loi sur les océans, en particulier de ses dispositions intéressant l'exploitation du pétrole et du gaz en mer.

Nos premiers témoins de la soirée sont la directrice régionale des Océans et de l'Environnement, Faith Scattolon. Vous êtes accompagnée de deux personnes, Joe Arbour, gestionnaire, Division de la gestion côtière et des océans, et Sophie Bastien-Daigle, biologiste des océans de la Direction des océans et de l'environnement. Je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire, et nous aurons ensuite des questions à vous poser. Vous avez la parole.

Mme Faith Scattolon (directrice régionale, Direction des océans et de l'environnement, ministère des Pêches et Océans): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président et membres du comité, je suis heureuse de cette invitation à comparaître devant le comité permanent pour vous parler de l'application de la Loi sur les océans dans la région des Maritimes.

En février dernier, j'ai eu l'occasion de comparaître devant votre comité en compagnie de mon collègue Matthew King, le sous-ministre adjoint du Secteur des océans, de l'administration centrale, pour effectuer un survol de la mise en oeuvre de la loi et des programmes qui en procèdent. Je vais commencer par décrire certains des changements institutionnels qui se sont produits au sein de la région des Maritimes du MPO et la mise en valeur du potentiel qui les a accompagnés. Ensuite, je décrirais quelques initiatives en cours dans notre région et les leçons que nous en avons retirées.

Parallèlement au nouveau programme de gestion des océans et des ressources côtières en cours d'élaboration au MPO, plusieurs autres activités se déroulent à l'échelle du ministère à l'appui des principes et démarches de la Loi sur les océans, et qui nous aident à assumer de manière évolutive notre rôle élargi en matière de gestion des océans. Je songe en particulier au renforcement de nos programmes scientifiques, investissements à l'appui, aux changements apportés en matière de gestion des pêches suite à l'examen de la politique sur les pêches de l'Atlantique, et à l'élaboration d'un cadre pour une aquaculture durable.

Sur le plan organisationnel, nous disposons maintenant de la Direction des océans et de l'environnement, qui dirige la mission élargie du ministère en matière de gestion des océans et qui élabore et met en oeuvre des programmes et des activités touchant aux océans et à l'environnement dans la région.

La direction est aussi chargée des responsabilités du MPO en matière de gestion de l'habitat. La politique nationale du MPO sur la gestion de l'habitat du poisson et les dispositions de la Loi sur les pêches relatives à l'habitat sont de puissants outils de conservation, de protection et de rétablissement de l'habitat et de gestion des bassins versants, tous des éléments importants de la gestion des océans et des ressources côtières.

• 1905

Nous sommes également chargés d'effectuer des examens environnementaux préalables requis en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale concernant divers projets. Nous effectuons d'importants travaux scientifiques pour déterminer les incidences physiques, chimiques et biologiques de l'activité humaine sur nos écosystèmes aquatiques.

Au sein de notre direction, la Division de la gestion des océans et des ressources côtières réalise des initiatives intégrées de gestion des océans et des côtes, dont la création de zones de protection marine, et travaillons à la mise en pratique de la Loi sur les océans au sein du ministère et auprès de nos partenaires et intervenants. Étant incapable, vu les contraintes de temps, de vous décrire tout ce que nous faisons, j'ai choisi de me concentrer sur nos activités de gestion des océans et des ressources côtières.

Notre programme dans ce domaine est structuré en trois unités de gestion, ou écozones, soit la baie de Fundy, le sud du Golfe du Saint-Laurent et la côte atlantique, laquelle englobe les lacs du Bras d'Or. Notre organisation est décentralisée puisqu'elle compte des employés dans trois grands instituts scientifiques du MPO dans les provinces Maritimes: l'Institut océanographique de Bedford, la Station de biologie de St. Andrews au Nouveau-Brunswick et le Centre des pêches du Golfe à Moncton; d'autres membres du personnel travaillent dans toute la région.

Afin d'élaborer des programmes et des projets océaniques efficaces, nous collaborons avec d'autres secteurs du MPO, d'autres ministères et organismes fédéraux et provinciaux, les Premières nations, le secteur privé, les milieux universitaires et les groupes d'intervenants de l'ensemble de la région. Nous sommes également le point de contact dans la région de tous ceux qui souhaitent influer sur les politiques et programmes nationaux. Nous appuyons les grands changements qui se déroulent au sein du MPO à l'appui de ce nouveau mandat élargi en matière d'océans.

Nos initiatives et nos activités touchent à trois grands éléments de programme prévus par la Loi sur les océans: la gestion intégrée des océans et des ressources côtières, les zones de protection marine et la qualité du milieu marin, auquel on peut ajouter l'éducation sur les océans, un élément crucial pour l'intendance des écosystèmes marins. Nous mettons sur pied un programme intégré de gestion des océans et des ressources côtières destiné à orienter les initiatives relatives aux estuaires, aux régions côtières et aux zones hauturières et à appuyer la réalisation d'autres programmes prévus par la Loi sur les océans, par exemple les zones de protection marine et la qualité du milieu marin.

Sous l'égide du cadre national de gestion intégrée, des programmes régionaux servent à mettre en oeuvre la Loi sur les océans et à enrichir notre expérience partout au Canada. L'élaboration en parallèle d'un cadre stratégique national comportant des initiatives et des programmes régionaux, sous-régionaux et locaux soutient la démarche pragmatique d'apprentissage pratique préconisée par la loi. La loi trace les orientations du programme, mais il faut savoir que nous ne disposons ni d'une carte ni d'un livret d'instructions pour la suivre.

La gestion des océans et des ressources côtières s'appuie sur la gestion intégrée et le développement durable des océans et des ressources marines du Canada, la mise en pratique de la démarche écosystémique et d'une approche de la conservation, de la gestion et de l'utilisation des ressources marines axée sur la prudence, de même que des procédés de planification et de prise de décisions proactifs et coopératifs. Grâce à ces principes et à ces démarches préconisés par la Loi sur les océans, la gestion des océans et des ressources côtières vise à trouver un équilibre efficace et durable entre les objectifs environnementaux, sociaux et économiques sur le littoral canadien.

La gestion intégrée des océans et des ressources côtières nous aidera à passer d'une démarche compartimentée et sectorielle à une conception intégrée et globale de la gestion de nos océans. Il nous incombe de profiter des possibilités économiques tout en tenant compte des objectifs sociaux et environnementaux et de la volonté croissante des Canadiens de participer à la prise des décisions qui touchent à la qualité du milieu et à leurs moyens de subsistance.

Dans la baie de Fundy, le sud du golfe du Saint-Laurent et la côte atlantique, y compris les lacs du Bras d'Or, nous dirigeons et participons à un certain nombre d'initiatives en gestion et planification des estuaires, des régions côtières et des zones hauturières. Les leçons tirées des efforts déployés dans les régions côtières et en haute mer seront mises en commun et à profit pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme global et homogène de gestion des océans et des ressources côtières des Maritimes.

En haute mer, nous réalisons l'initiative de gestion intégrée de l'est de la Plate-forme Scotian, que je désignerai dorénavant par son sigle GIEPS. Cette initiative a été annoncée par notre ministre en décembre 1998 et fait suite au travail accompli de concert avec d'autres intervenants en vertu de la stratégie de conservation du Gully. Ce travail a permis de constater que, s'il importe certes de protéger le Gully, il convient également de gérer les activités aux alentours. L'initiative GIEPS vise à faire participer tout un éventail de parties, dont les ministères et organismes fédéraux et provinciaux, les Premières nations, l'industrie privée, des organisations non gouvernementales et les milieux universitaires, à l'élaboration d'un processus intégré de planification de cette zone de gestion hauturière.

• 1910

L'est de la Plate-forme Scotian fait l'objet d'une exploitation de plus en plus intensive. Parmi les activités, citons la pêche, l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz, le trafic maritime, les opérations de défense, l'installation de câbles sous-marins de télécommunications, la recherche scientifique, les loisirs et le tourisme. Il convient de souligner que cette région est le théâtre d'une foule de nouvelles activités, telles que la pêche de nouvelles espèces et éventuellement l'extraction de ressources minérales.

Dans notre dialogue avec les intervenants et l'industrie au sujet des régimes et structures de gérance à mettre en place, nous avons insisté sur l'importance d'un engagement clair envers la gestion intégrée de la part de tous les niveaux de gouvernement. C'est pourquoi nous avons mis sur pied un groupe de travail fédéral-provincial chargé de réaliser un plan de travail commun et d'insuffler au processus un sentiment de propriété partagé.

Parmi les activités à mener à bien, citons: une description de l'écosystème de la Plate-forme Scotian qui servira de base de compréhension de l'écologie régionale; un document de réflexion public sur les enjeux de la gestion des océans dans la région; un survol des réglementations fédérale et provinciales, une sorte de feuille de route pour les processus gestionnels complexes applicables dans la région; une ébauche de cadre pour l'élaboration d'un plan de gestion océanique; et enfin, un projet de mandat pour la structure de gérance.

Le groupe de travail GIEPS produit des avis fondés sur les points de vue de ses clients au sujet de l'organisation et de la planification d'un forum pour les intervenants. Le travail accompli dans le cadre de l'initiative GIEPS sera utile pour d'autres initiatives réalisées en vertu de la Loi sur les océans dans la région et permettra de concevoir et de mettre à l'essai des procédés et des mécanismes institutionnels de planification et de gestion intégrée.

Sur le littoral atlantique, nous réalisons des initiatives de planification côtière à Chezzetcook, dans le comté de Guysborough, et dans le port d'Halifax. Ces initiatives sont spécifiques, bien qu'elles procèdent d'une démarche similaire. Cela est naturel, puisque les initiatives de planification côtière sont intimement liées aux buts et aux objectifs des collectivités côtières.

Dans le port de Chezzetcook, nous collaborons avec l'Association de revitalisation du port pour résoudre les problèmes de pollution du bassin versant et du bras de mer et nous appuyons des recherches scientifiques sur la gestion des coquillages.

Dans le comté de Guysborough, nous collaborons avec l'administration du développement régional des organisations de pêcheurs et la province de la Nouvelle-Écosse à la réalisation d'un projet visant à produire un outil exhaustif d'aide à la recherche d'information en vue de favoriser l'aquaculture dans le comté.

Cet outil aidera les intéressés à prendre des décisions en matière d'activités aquacoles, favorisera la croissance positive de l'industrie tout en réduisant les conflits avec les autres utilisations et les initiatives de conservation et contribuera aux activités de planification du comté et des municipalités de ce littoral. Ces initiatives de planification côtière tisseront des liens avec l'initiative GIEPS à mesure qu'elles se dérouleront.

D'autres initiatives régionales de gestion intégrée sont en cours aux lacs du Bras d'Or, dans la baie de Fundy et dans le Golfe du Saint-Laurent. Dans le secteur des lacs du Bras d'Or, nous travaillons en collaboration avec d'autres ministères fédéraux et provinciaux, les Premières nations et des organisations non gouvernementales locales en vue de l'élaboration de plans de gestion intégrée des ressources côtières, y compris des lignes directrices sur la qualité de l'environnement marin et les composantes futures des zones de protection marine.

Nous en sommes à la deuxième année d'un programme de recherche exhaustif appelé «les sciences et la gestion intégrée des lacs du Bras d'Or». Il s'agit d'un projet à partenaires multiples axé sur les questions et les préoccupations soulevées à un atelier public sur les écosystèmes tenu en 1999 et visant à appuyer la signature d'un protocole d'entente entre le ministère et l'Institut des ressources naturelles Unama'ki.

Dans la baie de Fundy, nous effectuons actuellement un tour d'horizon des écosystèmes aux fins de l'identification et de la cartographie des zones fragiles. D'autres ministères fédéraux et provinciaux, le Conseil du golfe du Maine et les réseaux d'intervenants, par exemple le Bay of Fundy Marine Resource Centre, travaillent avec le MPO en vue de rassembler les connaissances et renseignements et afin de coordonner les apports et la participation des nombreuses organisations actives dans la baie de Fundy.

Dans le Golfe du Saint-Laurent, nous travaillons en collaboration avec nos collègues des autres régions administratives du MPO en vue de protéger et conserver l'un des milieux estuariens les plus vastes et les plus exploités du Canada atlantique. En plus d'acquérir les connaissances sur l'écosystème et les diverses répercussions de l'activité humaine, nous accordons un intérêt particulier à la mise en place d'un processus d'intendance et d'une structure d'exécution des programmes de gestion intégrée du MPO.

La participation de cinq provinces, de nombreux organismes fédéraux, des Premières nations, de diverses associations communautaires et industrielles et de plusieurs bureaux régionaux du MPO constitue un défi de taille, mais elle est essentielle à un écosystème sain et productif qui soit viable sur les plans environnemental, social et économique.

• 1915

À un niveau davantage local, dans le sud du Golfe, nous avons terminé une étude sur les habitats marins importants de l'Est du Nouveau-Brunswick. Nous avons collaboré avec le Nouveau-Brunswick à une étude socio-économique sur les activités océaniques et nous sommes maintenant partenaires avec l'Île-du-Prince-Édouard pour une étude similaire. Nous sommes en outre membres fondateurs et partenaires de la Coalition du sud du Golfe, un groupe multisectoriel réunissant des membres gouvernementaux et non gouvernementaux oeuvrant à la viabilité du sud du Golfe du Saint-Laurent.

Le programme des zones de protection marine de la région des Maritimes est un élément clé des initiatives élargies de gestion intégrée des océans et des ressources côtières. Dans le cadre de l'objectif stratégique national des zones de protection marine touchant à la planification du réseau des zones de protection marine, nous travaillons actuellement à l'élaboration d'un réseau régional de zones de protection marine.

Les premières zones d'intérêt dans la région des Maritimes ont été choisies parmi des endroits qui avaient déjà soulevé un certain intérêt, y compris le soutien de la collectivité, la recherche et les préoccupations environnementales. Les trois zones d'intérêt existantes représentent divers types d'écosystèmes et réunissent un éventail de problèmes de gestion intéressant l'ensemble de la région.

Au Gully de l'Île de Sable, le MPO et ses partenaires travaillent de concert pour comprendre ce canyon, qui constitue un écosystème unique en son genre, en vue d'aider à l'élaboration d'objectifs de conservation et d'options de gestion. Depuis que le Gully a été désigné zone d'intérêt, nous avons entrepris des recherches poussées pour combler les lacunes signalées dans la revue scientifique de 1997 sur le Gully. Par le truchement d'échanges avec le MPO et d'autres intérêts, l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et Sable Offshore Energy Inc. ont adopté des mesures visant à empêcher les activités pétrolières et gazières au Gully.

Dans l'estuaire de la Musquash, dans la baie de Fundy, le Comité de protection marine Musquash a produit un projet de plan de conservation visant à protéger l'un des derniers estuaires marins encore intact de la baie.

À Basin Head, dans l'est de l'Île-du-Prince-Édouard, le Comité de conservation de l'écosystème de la lagune de Basin Head a élaboré des objectifs de conservation et des options de gestion pour la protection de cette lagune côtière et son peuplement unique de plantes marines.

En ce qui concerne les trois zones, nous avons pratiquement terminé l'étape de l'évaluation, conformément à la politique nationale des zones marines protégées, et nous en sommes à l'étape de l'élaboration et de la mise au point des plans de gestion. Notre capacité à élaborer des plans de gestion intégrée des océans et des ressources côtières et des plans de zone de protection marine doit s'appuyer sur des bases scientifiques solides. Nous devons comprendre les composantes fondamentales des écosystèmes marins, nos impacts sur ceux-ci et leurs divers seuils pour pouvoir établir des objectifs et des indicateurs écosystémiques efficaces, y compris des normes sur la qualité de l'environnement marin dans le cadre de la Loi sur les océans.

Par exemple, à l'appui de l'initiative GIEPS, nous avons organisé un atelier d'une semaine en juin dernier, auquel ont participé des scientifiques de diverses disciplines, dans le but de décrire l'écosystème de la zone et ses fonctions. Nous avons analysé les objectifs et les indicateurs écosystémiques proposés dans le secteur, examiné les programmes de surveillance existants et déterminé les lacunes dans nos connaissances.

Cet atelier a permis de constater la nécessité d'élargir notre réflexion sur les objectifs écosystémiques au-delà des pêches de manière à prendre en compte les nombreuses utilisations des océans et les incidences environnementales cumulatives. Cette approche a été adoptée par le MPO lors d'un récent atelier national sur les objectifs écosystémiques.

Pour assurer le suivi de cet atelier, nous avons été en mesure de remédier à certaines des lacunes précises au niveau de l'information et de la recherche grâce aux fonds de recherche que le ministère a alloué aux secteurs hautement prioritaires.

En juin prochain, les participants à un atelier sur la caractérisation des écosystèmes, à l'IOB, s'efforceront de définir des modèles de classification benthique appropriés pour la Plate-forme Scotian et la baie de Fundy. Ces modèles sont essentiels pour la gestion des diverses utilisations des océans et dresser divers scénarios de zonage des océans.

Nous avons également eu accès à des ressources par le biais d'autres programmes de recherche. Par exemple, nous entreprendrons cette année un projet de recherche sur le corail, financé par le truchement du Fonds pour l'étude de l'environnement, lequel est alimenté par des prélèvements sur les concessions d'hydrocarbures extracôtiers détenues par les sociétés pétrolières et gazières.

Certaines de nos réalisations importantes touchant la Loi sur les océans demeurent difficiles à quantifier et je n'en vois pas de meilleur exemple que l'impact de l'information et de la sensibilisation. C'est un élément auquel nous avons consacré des efforts considérables. Nous avons entrepris des activités éducatives, notamment à l'intention des jeunes, nos futurs intendants de l'environnement.

• 1920

Les enseignants ont été nombreux à faire l'éloge du programme d'études scientifiques Océans II, un projet réalisé conjointement avec le ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse et qui est maintenant dispensé dans près des trois-quarts des écoles secondaires de la province. Et nous continuons à appuyer les écoles secondaires par le truchement de projets de recherche en collaboration avec un éventail d'établissements des Maritimes, dont la St. Francis Xavier University, la Dalhousie University, l'Université de Moncton et l'Université du Nouveau-Brunswick.

En quelques années, nous avons acquis une expérience considérable. Pour nous, il est prioritaire de partager les leçons tirées de nos premiers efforts dans le domaine de la gestion des océans et des ressources côtières. Notre personnel a fourni des apports considérables aux pratiques professionnelles, ainsi qu'en témoignent leurs exposés à des conférences, leur participation sollicitée à des séminaires et ateliers spécialisés et leurs publications dans des magazines scientifiques. Je suis particulièrement fière du rôle de premier plan joué par le personnel du bureau régional lors de la conférence des jeunes organisée dans le cadre de la Conférence Zone côtière tenue à Saint John, au Nouveau-Brunswick, l'automne dernier.

J'en aurais encore beaucoup à dire sur nos réalisations mais, vu les contraintes de temps, je terminerai en abordant brièvement la question du pétrole et du gaz, étant donné son importance croissante dans la région.

Compte tenu de l'accroissement de l'activité dans l'ensemble de la région, nous travaillons actuellement en vue d'élargir les compétences scientifiques et gestionnelles relatives au secteur pétrolier et gazier. Nous travaillons avec Ressources naturelles Canada et l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, de même qu'avec l'industrie, pour répondre à diverses questions scientifiques touchant à l'exploration, à la mise en valeur et à la production du pétrole et du gaz.

Je dois souligner que la recherche gouvernementale effectuée avec l'appui de l'industrie est scientifiquement objective et indépendante. Mais il faut bien savoir que cette recherche importante ne peut se faire sans le soutien de l'industrie. Nous avons élaboré un protocole d'entente et un plan de travail avec l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers en vue de mettre en place un processus officiel par le truchement duquel nous pouvons travailler ensemble afin de faciliter et d'encourager la saine gestion des activités et des mesures liées à l'exploration, à l'exploitation et à la production du pétrole et du gaz extracôtiers. Le MPO aura ainsi la possibilité d'agir de façon plus dynamique et de fournir des conseils scientifiques concernant les projets d'exploitation pétrolière et gazière. Ainsi, on assurera la conservation des ressources halieutiques et la protection de l'environnement marin.

Grâce à ce plan de travail, nous établirons ensemble des priorités et des plans, de manière à déterminer les besoins de recherche dans des domaines tels que la séismique, le déversement des déchets et la surveillance des effets sur l'environnement. Le MPO tiendra une réunion dans le cadre du processus de consultation régionale en novembre de cette année pour l'évaluation des répercussions environnementales de l'exploration pétrolière et gazière dans les environs de l'île du Cap-Breton et identifier les lacunes dans nos connaissances scientifiques. À la suite de cette réunion, un rapport sur l'état des habitats sera publié, c'est-à-dire un document public avalisé par les pairs résumant les conclusions du processus de consultation régional et de cet atelier.

Pour conclure, le message que je voulais vous communiquer ce soir est que ce programme de gestion des océans et des ressources côtières est axé sur la mise en place d'institutions et l'édification de capacités au sein du MPO, dans les autres paliers de gouvernement, et toute la collectivité océanique, afin que tous ensemble entreprennent le processus de planification et de gestion à long terme exigé par la Loi sur les océans.

Merci de votre attention, monsieur le président. Mes collègues et moi-même serons ravis de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, Faith.

J'aimerais que les membres limitent leurs questions à cinq minutes, maximum. Nous avons un ordre du jour chargé et un autobus à prendre demain matin à sept heures.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, AC): Merci beaucoup de cet exposé très complet.

Vers la fin de votre présentation, vous avez parlé de «faciliter et encourager la saine gestion des activités et des mesures liées à l'exploration, à la mise en valeur et à la production du pétrole et du gaz extracôtiers». D'une certaine façon, cela semble constituer un énoncé de mission. Comment en êtes-vous venus là? Comment en êtes-vous arrivés à faire de cela votre politique, votre initiative ou votre mandat?

Mme Faith Scattolon: Dans une certaine mesure, notre mission est dérivée des pouvoirs conférés au MPO par la législation. Nous sommes responsables de l'habitat du poisson aux termes de la Loi sur les pêches, encore que l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers soit l'autorité réglementaire dans le domaine du pétrole et du gaz. Nous sommes néanmoins tenus d'exécuter notre mandat en matière d'habitat aux termes de la Loi sur les pêches.

• 1925

En outre, la Loi sur les océans donne au MPO le premier rôle, s'agissant de faciliter la gestion des océans et des côtes, sur la base des principes du développement durable et de la gestion intégrée. C'est donc de là que nous dérivons notre énoncé de mission, si vous voulez, soit d'assurer l'utilisation rationnelle de toutes les ressources maritimes et côtières et collaborer avec d'autres autorités réglementaires et nos partenaires à cette fin.

M. John Duncan: Vous dites avoir à peu près terminé la phase d'évaluation, conformément à la politique ZPM—j'imagine que ce sont les zones de protection maritime.

Mme Faith Scattolon: Oui.

M. John Duncan: Est-ce qu'il s'agit là des ZPM établies par le MPO, ou bien, lorsque vous parlez de politique nationale des ZPM, y englobez-vous les zones protégées créées au titre d'autres instruments statutaires, comme celles proposées par le ministère du Patrimoine?

Mme Faith Scattolon: En l'occurrence, il s'agit ici de la politique nationale des zones de protection maritime formulée spécifiquement aux termes de la Loi sur les océans.

M. John Duncan: Pensez-vous que c'est une question sur laquelle il faudra se pencher, et j'entends par là les zones protégées multiples, dans lesquelles des exploitations contradictoires pourront intervenir à moins de créer un réseau national les englobant toutes?

Mme Faith Scattolon: La Loi sur les océans elle-même reconnaît le mandat des autres juridictions au titre d'autres programmes de protection, comme ceux gérés par le Service canadien de la faune d'Environnement Canada, de même que Parcs Canada. Elle impose au MPO de coordonner un réseau national de zones de protection marine, de concert avec ces autres organismes fédéraux. Il est donc entendu que nous devons collaborer avec les autres ministères. Dans la plupart des régions du pays, il existe des mécanismes sur le terrain pour assurer cette collaboration avec nos collègues d'Environnement Canada et Parcs Canada. Nous avons, dans la région, un groupe interministériel qui se réunit selon les besoins à cet effet.

M. John Duncan: Vous parlez dans votre mémoire du Passage de l'île de Sable.

Mme Faith Scattolon: Oui.

M. John Duncan: D'aucuns estiment que l'écosystème du canyon serait un candidat privilégié au statut de zone de protection maritime, est c'est un point de vue exprimé non au sein du MPO mais de Patrimoine Canada. Les mêmes estiment que le MPO est très lent à protéger cet écosystème. Avez-vous une opinion sur cette initiative éventuelle?

Mme Faith Scattolon: L'aspect protection du patrimoine? Non. Je sais qu'il y a plusieurs années Parcs Canada s'est intéressé au secteur et a envisagé de le faire sous le régime de sa législation. Ils ont décidé de s'abstenir et nous avons travaillé avec eux et d'autres organismes à la stratégie de conservation.

Pour ce qui est de la rapidité avec laquelle le MPO a agi pour protéger le Passage, nous avons réussi au cours des dernières années à régler bon nombre de problèmes au moyen d'accords, soit avec l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers soit par des mesures spécifiques négociées avec nos collègues de la gestion des pêches.

• 1930

Cela ne signifie pas qu'il n'est pas nécessaire de désigner officiellement la région zone de protection marine. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, c'est en gros le stade où nous en sommes, ayant effectué l'évaluation, isolé les problèmes de gestion et mis en marche le processus réglementaire requis.

Le président: Merci, Faith et John.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Merci. Je voudrais un peu reprendre la question posée par M. Duncan, parce que je ne suis pas tout à fait certaine de la réponse.

Vous parlez de zone d'intérêt et vous parlez de zones marines protégées. Sheila Copps parle de zones marines nationales de conservation et le ministère de l'Environnement parle d'autres types de zones qui sont aussi situées sur le bord de l'océan.

Finalement, est-ce qu'il va rester un pouce d'océan accessible aux pêcheurs, une fois toutes vos zones installées? Est-ce qu'il restera une zone réservée aux pêcheurs?

[Traduction]

Mme Faith Scattolon: Je pourrais peut-être vous expliquer un peu la différence entre les trois programmes de zones protégées que vous avez mentionnés.

Environnement Canada, par le biais du Service canadien de la faune, est responsable des zones protégées pour les oiseaux migrateurs et la faune. Elles sont de nature très spécifique.

Parcs Canada, aux termes de sa législation, s'occupe des sites représentatifs, des sites qui présentent certaines caractéristiques naturelles.

Les zones de protection marine prévues par la Loi sur les océans correspondent à des fins très spécifiques décrites dans la loi. Ces dernières englobent la protection des ressources halieutiques, la protection des espèces menacées et la protection des habitats uniques. Lorsqu'on parle de différentes zones, il faut bien voir quelles sont leurs raisons d'être.

Comme je l'ai mentionné, il importe de dialoguer avec nos collègues d'Environnement Canada et de Parcs Canada pour assurer que nos propositions fassent l'objet d'une évaluation appropriée et qu'elles s'inscrivent dans la loi voulue. Nous avons conscience, évidemment, que les zones de protection marine représentent une utilisation importante, en quelque sorte, de la mer, à côté d'autres utilisations importantes telles que la pêche, l'aquaculture et d'autres activités.

Le président: Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Une toute petite question: vous mentionnez, quelque part dans votre texte, que vous travaillez avec cinq provinces. J'imagine que vous travaillez avec les quatre provinces de l'Atlantique, soit les trois Maritimes et Terre-Neuve. Est-ce que la cinquième serait le Québec? Faites-vous des travaux conjoints dans le golfe et êtes-vous engagés, de quelque façon que ce soit, dans les travaux de l'Institut Maurice-Lamontagne?

[Traduction]

Mme Faith Scattolon: Oui. Le MPO collabore avec la province de Québec. Cette collaboration se fait avec nos collègues de la région Laurentienne du MPO, non pas de la région des Maritimes, et par l'entremise de l'Institut Maurice-Lamontagne.

Le président: Merci, Faith.

Avant de donner la parole à Sarkis, vous avez mentionné plusieurs fois le mécanisme de dialogue, Faith, en particulier s'agissant des décisions à prendre au sujet du pétrole et du gaz.

Qui exerce le pouvoir ultime en fin de compte? Le MPO et Ressources naturelles Canada ont un rôle, tout comme Patrimoine Canada, par le biais des zones de protection marine. Est-ce l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers? Qui a le pouvoir ultime de dire oui ou non, en fin de compte? Qui peut donner un coup d'arrêt?

Mme Faith Scattolon: L'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers est responsable, en substance, de tous les aspects de la gestion du pétrole et du gaz dans le secteur extracôtier autour de la Nouvelle-Écosse. Cela englobe des aspects qui vont des questions de santé et sécurité professionnelles jusqu'à la gestion environnementale de la mise en valeur du pétrole et du gaz.

Cependant, aux termes des lois créant l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, certaines décisions sont qualifiées de fondamentales. Je n'ai pas le texte sous les yeux et je ne peux donc vous en dresser la liste. Il s'agit là de décisions cruciales prises par le ministre fédéral des Ressources naturelles et le ministre provincial responsable du Nova Scotia Petroleum Directorate. Dans le cas de ces décisions fondamentales, ces deux ministres ont le pouvoir d'opposer un veto ou de donner une directive à l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

• 1935

Le président: Pour que ce soit clair, c'est le ministre des Ressources naturelles...

Mme Faith Scattolon: Ressources naturelles Canada.

Le président: ... qui a pour objectif de favoriser l'industrie...

Mme Faith Scattolon: Oui.

Le président: ... et non pas de protéger la ressource halieutique.

Une voix: Oui.

Mme Faith Scattolon: Pour ce qui est de l'interaction du MPO avec l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous devons néanmoins exercer nos responsabilités en vertu des dispositions de la Loi sur les pêches, notamment celles sur l'habitat.

S'agissant des activités de développement spécifiques que l'Office peut envisager, nous sommes l'une des sources clés d'information, en particulier d'information scientifique, au moment où l'Office et l'industrie du pétrole et du gaz effectuent les évaluations environnementales et nous sommes fréquemment consultés sur les impacts environnementaux potentiels, sur les distributions de poisson et les problèmes d'habitat, ainsi que d'autres questions scientifiques relevant de notre compétence.

Le président: Merci.

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

Le président a déjà posé une partie de ma question. Lorsque vous parlez de décisions fondamentales, madame Scattolon, de quoi s'agit-il? Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

Mme Faith Scattolon: Un exemple de décision fondamentale serait lorsque l'industrie du pétrole et du gaz envisage de prospecter dans de nouveaux secteurs et propose des sites à l'Office. Peut-être a-t-elle déjà effectué du travail séismique ou possède des données géologiques et elle propose un secteur à prospecter à l'Office. Ce dernier reçoit donc ces renseignements et décide d'émettre ou non un appel d'offres public pour cette parcelle. À ce stade, le ministre des Ressources naturelles Canada et le Petroleum Directorate sont notifiés du fait que l'Office envisage de lancer un appel d'offres. Les deux ministres, le fédéral et le provincial, peuvent, comme je l'ai indiqué, émettre une directive ou accepter la position de l'Office.

Voilà donc un exemple de décision fondamentale.

M. Sarkis Assadourian: [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... du processus.

Mme Faith Scattolon: Oui, mais il est d'autres points, plus avant dans le processus, qui sont également considérés comme des décisions fondamentales. Mais, n'ayant pas le texte de la loi sous les yeux, je ne peux vous les préciser. Mais le lancement d'un appel d'offres public par l'Office est un exemple évident.

M. Sarkis Assadourian: D'accord.

L'exploration de pétrole et de gaz à l'intérieur de la limite des 200 milles est du ressort fédéral, n'est-ce pas?

Mme Faith Scattolon: C'est une compétence fédérale-provinciale partagée aux termes de la loi érigeant l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

M. Sarkis Assadourian: Et cela s'applique-t-il à toutes les provinces, ou seulement à la Nouvelle-Écosse?

Mme Faith Scattolon: Cela s'applique aux provinces où de tels accords fédéraux-provinciaux ont été conclus. Sur la côte Est, il en existe entre le Canada et la Nouvelle-Écosse et entre le Canada et Terre-Neuve. Il existe un Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers.

M. Sarkis Assadourian: Si une société veut dépasser la limite des 200 milles, elle se trouve alors en zone internationale, en haute mer internationale. Comment contrôlez-vous cela? S'il y avait un déversement, il y aurait des répercussions sur notre environnement. Qui décide comment contrôler les risques environnementaux résultant d'un accident ou de quelque chose du genre?

Mme Faith Scattolon: Le Canada possède certains droits sur les fonds marins même au-delà de la limite des 200 milles. Dans ces cas, dans les secteurs non couverts par les accords fédéraux-provinciaux du type Office des hydrocarbures, l'Office national de l'énergie a son mot à dire. Donc, s'il s'agit de forer sur les fonds marins de notre plateau continental, en dehors de la zone des 200 milles, l'Office national de l'énergie est compétent.

Le président: Merci, Sarkis et Faith.

M. Sarkis Assadourian: Merci.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci d'être venus nous rencontrer, vous et vos collègues.

Dans votre mémoire, je suis tombé sur une phrase que je trouve absolument fascinante, car elle est typique du MPO.

    Par le truchement d'échanges avec le MPO et d'autres intérêts, l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et Sable Offshore Energy Inc. ont adopté des mesures visant à empêcher les activités pétrolières et gazières dans le Gully.

Or, en 1996, à Waverley, j'ai assisté à un breffage de Sable Offshore. Ils avaient une carte—je vous l'ai déjà raconté—et l'île de Sable était colorée en noir avec en dessous les lettres NTZ, signifiant «No Touch Zone». Ils ont dit: «Nous n'allons pas aux alentours de l'île de Sable. Nous n'avons pas besoin de savoir ce qui se trouve dessus ou en dessous. Nous n'y touchons pas».

• 1940

Puis, quelques années plus tard, avec Zoe Lucas, ils ont modifié le code de pratiques, en ont rédigé un nouveau et fait passer des câbles sismiques à travers l'île pour recueillir des renseignements géologiques sur son sous-sol. Pourquoi devrions-nous les croire cette fois-ci, s'agissant du Passage?

Mme Faith Scattolon: Eh bien, notre expérience au cours des trois dernières années est que dans tous les cas où nous avons discuté du Passage avec l'Office, ou que des demandes d'activité ont été soumises à notre évaluation et que nous avons exprimé des réserves concernant leur proximité du Passage, l'Office s'est plié à nos demandes.

Comme je l'ai indiqué, ce n'était même pas dans le contexte de la zone de protection marine du Passage de l'île de Sable ou de cette zone d'intérêt. Je pense qu'il est positif que nous ayons pu trouver ces terrains d'entente jusqu'à présent. Mais cela ne signifie pas qu'il ne faut pas procéder à la désignation juridique officielle du Passage comme zone de protection marine, afin de lui garantir la protection durable qui en découle.

M. Peter Stoffer: Mais, Faith, pour les Néo-Écossais qui savent que le Passage doit être protégé—et j'essaie de comprendre—pourquoi débordons-nous tellement de reconnaissance à l'égard de deux sociétés et de l'Office des hydrocarbures parce qu'ils ne touchent pas au Passage? Le MPO exerce la responsabilité ultime en matière de protection du poisson et de l'habitat du poisson. Comme nous le savons, le Passage abrite 15 espèces différentes de baleines et de nombreuses autres espèces, des coraux, etc. Pourquoi le MPO ne leur dit-il pas d'aller se faire voir: laissez le Passage tranquille, nous allons le protéger à perpétuité.

Toutes les études sur le Passage ont été effectuées avant 1998; presque rien n'a été fait depuis. On attend que quelqu'un muni d'une plume inscrive dans la loi que ce sera une zone de protection marine à perpétuité—ou pour aussi longtemps que dure la perpétuité.

C'est pourquoi, lorsque vous chantez alléluia et dites que Sable Offshore Energy et l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers ont déclaré qu'ils n'y toucheraient pas, beaucoup de gens sont sceptiques. La raison, Faith, et sauf tout mon respect, est que Corridor Resources a reçu une concession d'exploration sismique au large du Cap-Breton, dans le bloc Cabot, et ce sans qu'aucune évaluation environnementale n'ait été effectuée au préalable.

D'ailleurs, près de 45 concessions ont été allouées sans évaluation environnementale adéquate. Chez nous, on accorde les baux, et on effectue les évaluations environnementales ensuite, alors qu'en Norvège et au Royaume-Uni, c'est l'inverse. On fait d'abord les évaluations environnementales, puis la concession est accordée ou non selon le cas. Pourquoi le Canada procède-t-il à l'envers?

Mme Faith Scattolon: Je répondrai d'abord à la dernière partie de la question, juste pour dire que je ne suis pas en mesure de vous indiquer pour quelle raison la loi érigeant l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et le règlement d'application ont été rédigés comme ils le sont. Vous devriez poser ces questions à Ressources naturelles Canada et au Nova Scotia Petroleum Directorate.

Pour ce qui est du Passage, je répète ce que j'ai déjà dit. Je pense que les mesures volontaires, les accords, sont positifs. Mais cela ne signifie pas qu'il n'est pas nécessaire de mener à terme le processus de désignation. La Loi sur les océans, croyez-le ou non, est relativement nouvelle. Elle est entrée en vigueur il y a quatre ans environ et nous commençons seulement à éprouver le mécanisme réglementaire de désignation des zones de protection, les types de règlements que nous pouvons mettre en place et les mécanismes réglementaires que nous pouvons utiliser.

M. Peter Stoffer: La dernière question...

Le président: Vous avez déjà dépassé votre temps, Peter. Désolé. Vous avez fait trop de discours et cela vous enlève du temps pour poser des questions.

Monsieur Lunney, monsieur Wappel, puis Gerald.

M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, AC): Merci, monsieur le président.

Étant un nouveau membre du comité et à ma première visite sur la côte Est, mes questions pourront vous sembler un peu simplistes, mais j'aimerais savoir où en sont la prospection et la production. Je crois savoir que l'on produit au large de Terre-Neuve. La production a-t-elle déjà commencé autour du Cap-Breton, ou bien la prospection, et explore-t-on d'un bout à l'autre de la côte? Où se concentre l'exploration et quels sont les résultats?

• 1945

Mme Faith Scattolon: La plus grande partie de la production extracôtière en Nouvelle-Écosse se situe à proximité de l'île de Sable. Il y a des concessions de chaque côté du Cap-Breton, comme M. Stoffer l'a mentionné, et ces concessions sont accordées par l'Office avant que toute activité spécifique y soit entreprise. Ces activités doivent être autorités autorisées par l'Office et doivent être précédées d'une évaluation environnementale.

Il y a également d'autres concessions le long de la bordure occidentale de la Plate-forme Scotian, à l'ouest de l'île de Sable, en eau plus profonde.

M. Peter Stoffer: J'ai besoin d'un éclaircissement. On accorde d'abord la concession, puis on fait l'évaluation?

Le président: Oui, c'est juste.

M. James Lunney: Sur ce même sujet, le Passage, il y a beaucoup d'activité autour de l'île de Sable et du Passage lui-même. On prospecte à grande proximité de ce secteur sensible. Est-ce exact?

Mme Faith Scattolon: Il y a des concessions et à l'est et à l'ouest du Passage. En établissant les limites de la zone protégée, nous avons essayé de prévoir des zones tampons. Nous protégeons la partie centrale sensible du Passage, qui est l'habitat des mammifères marins, mais nous avons également essayé d'établir des zones tampons, sachant qu'il y aura des activités en dehors des limites.

M. James Lunney: Pouvez-vous nous indiquer la dimension de cette zone tampon? Parlez-vous de milles?

Mme Faith Scattolon: Oui. Mon collègue Joe Arbour pourra vous en dire plus, mais je pense que c'est de l'ordre de 80 à 50 kilomètres.

Est-ce exact, Joe, ou bien est-ce que j'exagère?

M. Joe Arbour (gestionnaire, Division de la gestion côtière et des océans, ministère des Pêches et Océans): Je pense que c'est de cet ordre.

Le président: Monsieur Wappel.

M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Je sais que vous n'avez pas pu, vu les contraintes de temps, nous donner beaucoup de détails, mais j'ai remarqué que vous êtes censés travailler à l'élaboration d'un cadre durable pour l'aquaculture. Avez-vous terminé votre travail à ce sujet et, dans l'affirmative, pourriez-vous nous décrire ce cadre?

Mme Faith Scattolon: Si j'ai parlé de l'aquaculture durable, c'était surtout pour aborder les autres initiatives en cours au MPO. Mon groupe a un rôle à jouer à cet égard. C'est nous qui avalisons les évaluations environnementales touchant l'aquaculture.

Très brièvement, le ministère a pu engager des ressources substantielles au cours des prochaines années pour des recherches scientifiques à l'appui à l'aquaculture, en particulier sur les interactions environnementales, et mettre au point avec l'industrie des technologies plus écologiques. Nous avons pu attribuer des ressources à nos programmes de gestion de l'habitat, de façon à privilégier les évaluations environnementales et intensifier notre participation à l'examen des évaluations environnementales liées à l'aquaculture.

C'est donc principalement là qu'interviennent mes programmes, mais d'autres éléments du MPO travaillent également à l'élaboration de ce cadre de l'aquaculture.

M. Tom Wappel: Merci.

Le président: Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

Bon nombre de mes questions ont déjà été posées, mais dans les cinq minutes qui me sont allouées, j'essaierai d'en soulever quelques autres.

Deux questions posées ici en appellent d'autres. L'une portait sur Patrimoine Canada, et j'aimerais une réponse brève si possible, car ma question est longue. Si j'ai bien saisi, Patrimoine Canada a la faculté de désigner un parc marin, pas nécessairement une zone de protection marine.

Mme Faith Scattolon: Ce serait une zone nationale de conservation marine, qui est censée être représentative d'un type d'écosystème.

• 1950

M. Gerald Keddy: Ce serait donc un parc marin. Il en existe déjà. L'autre question qui se pose a été soulevée par ma collègue du Bloc, Mme Tremblay, et il s'agit de la pêche. À ma connaissance, on est autorisé à pêcher dans les zones de protection marine à condition de ne pas utiliser des engins destructeurs. On pourrait donc poser des casiers à homard, par exemple, dans une zone de protection marine, ou des casiers à crabe. On ne peut utiliser un type d'engin qui détruit le fond ou vise une espèce protégée.

Mme Faith Scattolon: Est-là votre question?

M. Gerald Keddy: C'est la question.

Mme Faith Scattolon: La pêche peut être autorisée dans une zone de protection marine. La Loi sur les océans n'exclut expressément aucune activité. Le plan de gestion mis en place pour une zone de protection marine dépendra de la raison que l'on a de la protéger. On pourrait donc avoir une activité de pêche dans une zone de protection marine.

M. Gerald Keddy: Cela appelle une autre question. Le Passage et quelques autres secteurs extracôtiers qui ont une valeur naturelle et abritent des espèces en danger, qu'il s'agisse de coraux ou de la baleine hyperodon, suscitent beaucoup d'intérêt. Mais on semble moins intéressé par les zones de protection marine. Vous avez nommé quelques estuaires, qui sont extrêmement importants, mais il y a aussi des frayères, des terrains où se rassemblent les alevins, qu'il s'agisse d'aiglefin ou de morue ou d'autres espèces. Vous êtes-vous penchés sur cet aspect des choses?

Mme Faith Scattolon: Oui, certainement, et je demanderais à Mme Bastien-Daigle de vous décrire brièvement l'étude que nous avons effectuée sur l'habitat marin dans le sud du Golfe.

[Français]

Mme Sophie Bastien-Daigle (biologiste des océans, Direction des océans et de l'environnement, ministère des Pêches et des Océans): Oui, très bien. Pour répondre à votre question, on s'intéresse effectivement beaucoup à la protection des endroits où il y a des ressources comme celles que vous avez mentionnées, c'est-à-dire des aires de ponte, des aires de migration, des endroits qui sont essentiels pour certains habitats.

À l'est du Nouveau-Brunswick, on a complété une étude en l'an 2000. C'est une étude qui faisait l'inventaire des habitats essentiels, des endroits critiques comme ceux-là. Grâce à cette étude, on a répertorié environ 30 endroits jugés très importants pour les ressources marines.

En passant, c'est une étude qui est semblable à une autre qui avait été faite dans la région laurentienne. Cette année, on est passé à la phase 2 de cette étude-là. On a vérifié la même information pour la partie du golfe qui touche la Nouvelle-Écosse et qui baigne l'Île-du-Prince-Édouard.

Pour faire ces études, on se sert beaucoup de cartographie. En superposant les différentes zones d'intérêt, les habitats essentiels, on arrive à déterminer des zones très intéressantes, où il semble y avoir beaucoup d'activité. Grâce à cette information, on pourra faire la planification à long terme et identifier où on pourrait établir, peut-être pas des zones de protection marine, mais une protection d'un autre genre de ces espèces. C'est une approche écosystémique.

[Traduction]

Le président: Une question très courte, Gerald.

M. Gerald Keddy: Juste deux.

Premièrement, pouvons-nous obtenir ces renseignements? C'est ma première question.

[Français]

Mme Sophie Bastien-Daigle: Oui, c'est possible.

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Enfin, en ce qui concerne le pétrole et le gaz, je pense que l'on tend un peu trop à chercher l'affrontement. Or, d'après ce que vous dites, j'ai l'impression que vous cherchez à changer cette attitude, dans une certaine mesure du moins, et à admettre qu'il va y avoir de la prospection. Elle devra probablement être exclue de certains secteurs et il faudra y réfléchir sérieusement. Essayez-vous de concilier les deux activités? Pour ma part, cela ne se fait pas suffisamment. Elles vont devoir coexister pendant quelques temps.

Mme Faith Scattolon: Notre approche est réellement de fonder les décisions, dans toute la mesure du possible, sur des bases scientifiques. J'ai mentionné dans ma déclaration liminaire que nous organisons pour ce mois de juin un atelier scientifique dans le cadre de notre initiative de gestion intégrée de la Plate-forme Scotian, pour cerner l'habitat benthique ou de fond du plateau Scotian. Quels sont les divers types d'habitats? Quels sont les types incompatibles avec une perturbation du fond marin? Y a-t-il des secteurs autres que le Passage qu'il faudrait réserver?

• 1955

Il ne faut pas oublier que certains endroits du plateau Scotian sont déjà, par exemple, interdits de pêche. Une importante zone sur le banc Ouest et le banc de Sable sont fermés à la pêche depuis quelques années maintenant.

Je pense donc que l'essentiel est d'ancrer tout cela sur des bases scientifiques, autant que faire se peut.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur LeBlanc.

M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Merci, monsieur le président.

Bonjour à vous, Faith, ainsi qu'à vos collègues. J'ai apprécié votre exposé.

[Français]

Je souhaite la bienvenue tout spécialement à Sophie. Je suis content de vous voir ici devant le comité parlementaire.

[Traduction]

Faith, je sais que ceci est peut-être davantage une question de gestion de la pêche et je pense que vous et votre personnel avez effectué un travail scientifique important et impressionnant. Je vous en félicite. Les pêcheurs commerciaux—ceux à qui j'ai parlé—craignent manifestement un scénario de catastrophe environnementale et s'interrogent sur l'indemnisation.

Si l'exploration venait à endommager les zones de pêche ou à provoquer des dommages à l'environnement, quel mécanisme existerait-il pour indemniser les pêcheurs qui verraient leur moyen de subsistance atteint ou détruit, sans qu'il en soit de leur faute? Quel mécanisme le ministère envisage-t-il dans une telle éventualité, afin de les rassurer?

Mme Faith Scattolon: S'agissant des accords d'indemnisation, il en existe déjà dans d'autres secteurs de la Plate-forme Scotian connaissant une activité pétrolière et gazière. Comme je l'ai indiqué déjà, je crois, à M. Easter, la responsabilité ultime en matière d'exploitation des hydrocarbures appartient à Ressources naturelles Canada. Ce serait dont par l'entremise de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et avec les exploitants que ces mesures d'indemnisation seraient mises en place.

Lors de l'élaboration des accords d'indemnisation pour la Plate-forme Scotian, le MPO a joué un rôle important, en identifiant les ressources exposées à risque et en chiffrant leur valeur, et collaborant à la formulation des régimes d'indemnisation. Mais en fin de compte, ces accords doivent être passés entre l'industrie de la pêche et l'industrie pétrolière et gazière.

M. Dominic LeBlanc: J'admets que Ressources naturelles Canada et le gouvernement provincial auront la responsabilité première de la distribution de l'argent. Mais Pêches Océans a tout de même un rôle, soit protéger le gagne-pain des pêcheurs commerciaux. Si je comprends bien ce que vous dites, et rectifiez si je me trompe, le MPO se porterait à la défense des pêcheurs commerciaux, pour protéger leurs intérêts dans le régime d'indemnisation éventuel.

Je ne pense pas que Ressources naturelles Canada soit intéressé à indemniser le pêcheur côtier. Je pense que le MPO va devoir veiller à ce que ses intérêts soient protégés. Est-ce votre sentiment également?

Mme Faith Scattolon: Eh bien, nous sommes dans une large mesure les experts lorsqu'il s'agit d'évaluer les ressources halieutiques et l'impact potentiel de l'activité pétrolière et gazière sur ces ressources. Nous avons donc un rôle important dans ces discussions.

M. Dominic LeBlanc: Merci.

Le président: Merci, monsieur LeBlanc.

Je vais autoriser encore quelques questions très courtes avant de passer au témoin suivant.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: J'aimerais juste revenir sur le pétrole et le gaz. Il ne s'agit pas de réinventer la roue, et donc je me demande si le MPO a tiré les leçons de l'expérience de la Norvège ou de l'Alaska aux fins de tout le travail qu'il a effectué sur cette côte relativement à la mise en valeur du pétrole et du gaz? Quel était le modèle dont vous vous êtes initialement inspirés?

Mme Faith Scattolon: Voulez-vous dire la recherche?

• 2000

M. John Duncan: Eh bien, il vous a fallu partir de quelque chose. D'autres pays du monde avaient déjà une industrie pétrolière extracôtière active et j'imagine donc que vous êtes allés voir chez eux comment les choses se passaient. J'aimerais simplement savoir quelle était votre principale source d'inspiration.

Mme Faith Scattolon: En ce qui concerne nos programmes de recherche sur les effets écologiques du pétrole et du gaz, bon nombre des chercheurs faisant ce travail à l'Institut océanographique Bedford sont en contact avec leurs homologues étrangers, de la mer du Nord, de la Norvège et de Grande-Bretagne, ainsi que des États-Unis. Je pense donc qu'il y a déjà un dialogue intense au sein de la communauté scientifique internationale.

En ce qui concerne le volet gestion, et les commentaires de M. Stoffer sur le processus, je pense que nous pouvons nous inspirer des mécanismes suivis aux fins de l'octroi des concessions et de l'autorisation des activités. Je pense également que tant l'industrie pétrolière et gazière que l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers sont intéressés par ce qui se fait dans ces autres pays.

Franchement, nous sommes quelque peu novices pour ce qui est du côté gestion et de l'autorisation des activités, mais nous nous inspirons des exemples cités par M. Stoffer, notamment par ce qui se fait en Norvège.

Le président: Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Monsieur Arbour, en ce qui concerne les différences pratiques, sur le plan des forages pétroliers, entre le statut de zone de protection marine du MPO et d'autres zones protégées, existe-t-il une différence concrète pour le secteur pétrolier et gazier?

Je songe, par exemple, aux forages angulaires réalisés depuis l'extérieur de la ZPM. C'est une question évidente à se poser. Cela est-il permis ou non au titre des divers régimes?

M. Joe Arbour: Il s'agit réellement de fixer certaines normes à l'intérieur des zones de protection marine. Nous les appelons objectifs écosystémiques. Il s'agit de fixer un certain nombre de paramètres quant aux perturbations ou impacts que nous pouvons admettre. Aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'impact ou de perturbation de ces éléments particuliers de l'écosystème, les activités sont permises.

Nous n'avons pas encore, à ce stade, défini les règles spécifiques qui pourraient s'appliquer dans une zone de protection marine. Nous n'avons pas encore eu la démonstration de cette technologie, mais il est tout à fait possible que nous acceptions, ayant établi l'espace tampon et délimité la zone de protection marine, une exploitation indirecte des ressources souterraines par forage directionnel. Je ne dis pas que nous en avons un exemple, mais cela fait certainement partie des scénarios possibles.

Encore une fois, il s'agirait de savoir si cette sorte d'activité pourrait se dérouler sans répercussion sur les éléments de l'écosystème que nous protégeons par la création de la zone de protection marine. C'est un scénario envisageable, mais nous n'en avons aucune expérience.

Le président: Dernière question, John.

M. John Duncan: À titre d'éclaircissement, cela serait-il autorisé, par exemple, dans le cas d'une zone de protection marine érigée par...? Est-ce Parcs Canada qui établit également des zones protégées?

M. Joe Arbour: Patrimoine Canada, Parcs Canada, oui, car ils commencent à se doter de leur notion d'une zone de protection marine. Dans le cas des parcs nationaux sur la terre ferme, ils acquièrent les droits d'exploitation souterraine.

• 2005

Mais pour parler franchement, je ne sais pas s'ils en ont fait autant dans le cas des parcs marins. La propriété de ces droits et l'accès aux ressources souterraines est une chose plutôt complexe.

M. John Duncan: D'après ce que je vois, il y a davantage de questions que de réponses. Il y a un manque de clarté à bien des égards. L'une de mes grandes préoccupations est que nous ne savons pas réellement de quoi il retourne et la loi habilitante laisse ces choses dans un très grand flou.

M. Joe Arbour: Comme Faith l'a dit, nous en sommes à un stade précoce de l'évolution de ce programme. Nous en sommes au tout début et nous travaillons avec grande diligence pour essayer de cerner certaines de ces questions qui mettent en jeu des considérations juridiques très complexes.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Monsieur Arbour, vous nous effrayez pas mal lorsque vous dites que les forages directionnels pourraient être autorisés un jour sous une zone de protection marine. Je trouve cela extrêmement inquiétant et si les Néo-Écossais étaient au courant de cela, je suis sûr qu'ils auraient eux aussi leur opinion.

En gros, 5,7 millions d'hectares de mer au large de la côte de Nouvelle-Écosse font l'objet de concessions pétrolières et gazières. Combien d'hectares ont été désignés zone de protection marine?

Mme Faith Scattolon: Comme je l'ai indiqué, il n'y a pas actuellement de zones de protection marine désignées. Il y a des secteurs où certaines activités ont été proscrites à ce stade, en particulier le Passage ainsi que certains secteurs du banc de l'île de Sable et du banc Ouest. Mais il n'existe pas à ce stade de zones de protection marine.

M. Peter Stoffer: Je ne dis pas qu'il ne faut pas exploiter du tout le pétrole et le gaz. Tout ce que je dis—et c'est l'avis de beaucoup de gens—c'est que la responsabilité première du MPO, la raison pour laquelle les contribuables canadiens lui octroient un budget d'un milliard de dollars, est de protéger le poisson et l'habitat du poisson. Il est tout simplement inacceptable qu'il se défausse de ses responsabilités sur Patrimoine Canada ou Ressources naturelles Canada. Tout ce que veulent savoir les habitants de cette province, c'est si les responsables de ce ministère vont protéger ou non le poisson et l'habitat du poisson.

Le fait de dire, comme mon collègue M. LeBlanc, que si quelque chose anéantit la pêche commerciale, il va falloir indemniser les pêcheurs... Eh bien, c'est une idée tout à fait impensable.

Ma recommandation est donc, lorsque les zones de protection marine seront établies, que vous leur disiez carrément qu'il n'y aura pas de forage directionnel. On parle déjà d'effectuer des forages directionnels sous les Grands Lacs. Cela suscite une inquiétude énorme là-bas. Vous pouvez vous servir de cet exemple ici.

Deuxièmement, et je le dis avec grand respect, vous devez ouvrir une concertation avec ceux qui nourrissent ces graves inquiétudes, particulièrement les collectivités côtières et autochtones, au moment d'accorder ces concessions. Il ne suffit tout simplement pas de dire que c'est maintenant la responsabilité de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. Le MPO a le devoir de protéger le poisson et l'habitat du poisson.

Le président: Peter, avez-vous une question?

M. Peter Stoffer: Allez-vous répondre favorablement à ces groupes écologistes des collectivités côtières qui vous demandent de revoir le processus d'octroi des concessions? Cela se fait déjà. L'Office a récemment annoncé un examen public de ces licences. Allez-vous demander l'examen d'un plus grand nombre de ces projets avant qu'un plus grand nombre de concessions soient accordées? Tout ce que demande le public, c'est une approche de précaution.

Le président: Faith.

Mme Faith Scattolon: Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons signé un protocole d'entente avec l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. L'un des aspects que nous avons expressément négociés avec l'Office est le mécanisme de participation publique.

• 2010

Comme je l'ai indiqué, l'Office doit respecter certaines contraintes légales qui régissent ses activités, mais nous pensons pouvoir jouer un rôle pour familiariser les collectivités côtières avec le mode de fonctionnement de l'Office, pour favoriser la participation du public aux évaluations des activités. C'est un rôle que nous avons certainement l'intention de jouer, dans la perspective de la gestion des océans, de concert avec nos collègues de l'Office.

Le président: Peter, j'imagine que vous aimeriez inviter à comparaître le président de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers?

M. Peter Stoffer: Absolument.

Le président: Nous allons donc demander au greffier d'organiser cela.

M. Peter Stoffer: Oui, je pense que ce serait bien, et aussi Ressources naturelles.

Le président: Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président, plus on parle des fameuses zones de protection et plus je suis inquiète, parce qu'on ne sait plus trop où on s'en va à ce sujet.

J'étais membre du Comité du patrimoine auparavant, et j'avoue tout à fait mon ignorance, pour l'instant, en ce qui concerne Pêches et Océans. On nous a dit qu'on voulait créer des zones marines de conservation et qu'elles seraient établies en collaboration avec les communautés côtières.

On a donc fait des sondages et des études pour savoir où on pouvait en créer. On est allé à Terre-Neuve, et on voulait en créer une au même endroit où des habitants de Terre-Neuve voulaient établir leur ferme d'aquaculture. On a donc décidé de ne pas en créer à cet endroit. Mais on veut créer des zones de protection. Dès que Patrimoine Canada va mettre la main dessus, il n'y aura plus d'activités, parce que quand Patrimoine Canada arrive, il rase tout. Il veut protéger l'environnement et la culture, mais il enlève les maisons, les habitants. Il enlève tout.

Il n'y a qu'à Jasper où des gens habitent dans le parc. Tous les autres parcs sont inhabités. Ensuite, on met du monde costumé l'été, pour nous montrer de quoi cela avait l'air quand il y avait des gens qui y vivaient. Mais on ne pourra pas demander aux pêcheurs de faire semblant de pêcher pour gagner leur vie quand vous aurez installé vos zones partout. Voilà ce qui m'inquiète.

Il y a des oiseaux sauvages, des espèces en voie de disparition, la protection de l'environnement, les zones d'intérêt, les zones marines de protection, les zones marines nationales de conservation. Mais restera-t-il du territoire côtier? Je suis inquiète, vraiment inquiète. Je me demande s'il va en rester.

Vous n'avez peut-être pas la réponse, mais il faudrait que vous en parliez lors de vos réunions de coordination.

Le président: Merci.

[Traduction]

Le président: Madame Scattolon.

Mme Faith Scattolon: Je vais utiliser l'Est de la Plate-forme Scotian comme exemple car, dans cette partie du pays, c'est le principal secteur extracôtier dont nous nous occupons. Nous avons certainement cherché d'emblée à nous concerter avec nos collègues provinciaux et fédéraux pour examiner les problèmes de gestion dans ce secteur. Nous mettons donc sur la table les enjeux de protection, selon l'optique du MPO, et Parcs Canada et Environnement Canada sont nos interlocuteurs aux fins de cette initiative.

En ce qui concerne les parcs, et encore une fois je demande à mon collègue, M. Arbour, de rectifier si je me trompe, le seul endroit où l'on envisage un parc ou une aire de conservation dans cette région du pays, dans les Maritimes, c'est le Passage. Nous cherchons maintenant à le protéger par le biais du processus des zones de protection marine.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Il y en a deux dans l'estuaire, et une dans le golfe Saint-Laurent. Ce n'est pas loin d'ici.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Tremblay.

Une courte question, monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Je ne suis toujours pas très sûr des activités permises et j'aimerais que l'on m'explique. Mme Tremblay vient de dire que dans un site du patrimoine aucune activité n'est permise. Je crois savoir que dans une zone de protection marine, les activités sont permises à condition qu'elles ne perturbent pas le fond ou les animaux qui vivent là.

Je suppose que le seul parc marin au Canada se trouve à... Y en a-t-il un en Colombie-Britannique?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Il y en a un au Lac-Saint-Jean, de l'autre côté du fleuve Saint-Laurent.

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Et dans le Saguenay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Oui. Allez voir comment cela se passe.

• 2015

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Pouvez-vous donc nous expliquer?

Mme Faith Scattolon: Dans une zone de protection marine établie en vertu de la Loi sur les océans, une multitude d'activités peut se dérouler. Comme M. Arbour l'a indiqué, cette zone fera l'objet d'un certain nombre de normes. Toute activité répondant à ces normes peut être entreprise dans une zone de protection marine créée sous le régime de la Loi sur les océans.

Le président: D'accord. Gerald.

M. Lunney a également une courte question. Allez-y.

M. James Lunney: Ce qu'il vient de dire donne matière à réflexion. Si une activité ne nuit pas à l'environnement ou aux espèces animales qui vivent là, pourquoi la refuser?

L'autre sujet qui n'a pas été évoqué c'est les sondages sismiques. M. Stoffer a mentionné en passant que des sondages sismiques ont été effectués sur l'île de Sable en 1996. Je n'étais pas au courant. Je ne vois pas pourquoi on les aurait réalisés. Je crois savoir que l'île de Sable est une zone protégée par la province de Nouvelle-Écosse. Et il y a une bagarre constitutionnelle pour savoir si l'île est du ressort fédéral ou provincial.

On avait déjà foré des puits sur l'île de Sable. L'exploration extracôtière initiale a été effectuée dans les années 70 à partir de tours de forage à terre, sur l'île. On a foré des puits tout autour de l'île de Sable, y compris des puits directionnels à l'extrémité de l'île.

Je ne vois pas pourquoi on aurait effectué de nouveaux sondages et je me demande s'ils ont bien eu lieu.

Le président: Comme M. Duncan me l'a indiqué, Gerald, la création d'une zone de protection marine revient à inverser le fardeau de la preuve. Certaines activités sont exclues sauf autorisation expresse. N'est-ce pas?

M. John Duncan: La pêche est fermée sauf déclaration contraire, alors que dans une zone non protégée, la pêche est ouverte sauf déclaration contraire.

Mme Faith Scattolon: La Loi sur les océans décrit plusieurs raisons pouvant motiver une zone de protection: la protection du poisson, de l'habitat, d'espèces menacées. Si vous voulez protéger des espèces menacées, par exemple, vous imposez certaines normes requises par la protection de ces espèces. Ce peut être le niveau de bruit. Et si une activité peut être menée de façon à ce que le niveau de bruit ne dépasse pas les normes prévues dans le plan de gestion, alors elle peut être autorisée. Les interdictions ne visent donc pas certaines activités, il faut simplement que l'activité réponde à certaines normes ou puisse être menée de certaines façons.

Le président: Merci, Faith.

Dernière question, monsieur Lunney.

M. James Lunney: Votre titre est directrice régionale de la Direction des océans et de l'environnement. En ce qui concerne l'impact environnemental, des forages sont-ils effectués dans ces secteurs, ou bien uniquement des sondages séismiques? Il y a un impact, en tout cas s'il y a des forages, car il se produit toujours une certaine quantité de fuites dès qu'on perturbe le fond marin de cette façon. Pouvez-vous nous parler des types de changements que l'on pourrait constater?

On a vu récemment des images d'une plate-forme arrachée de ses points d'ancrage après une tempête. Où était-ce déjà? C'était au large du Brésil. Il y a eu des problèmes dans la mer du Nord avec des déversements très importants. Je suppose que des progrès ont été réalisés sur le plan des forages en mer et de la stabilisation des plates-formes. Pouvez-vous nous parler de la gestion du risque de catastrophe? Et aussi des impacts que peuvent même avoir le forage et l'exploration.

Pour une dernière question, elle est bonne.

Le président: Vous voudrez peut-être la conserver pour l'Office des hydrocarbures.

Quoiqu'il en soit, allez-y, Faith, répondez comme vous pouvez.

Mme Faith Scattolon: Pour ce qui est de l'état des connaissances, une bonne part des recherches actuellement effectuées sur la mise en valeur du pétrole et du gaz visait non seulement les effets spécifiques de cette activité, mais aussi les effets de l'environnement sur l'exploitation.

Ces travaux portent notamment sur les questions que vous venez de soulever, à savoir les conséquences que les tempêtes, ou les courants marins ou les caractéristiques océanographiques générales peuvent avoir dans un secteur donné. Ces renseignements servent à décider si des plates-formes peuvent ou non être mises en place dans tel ou tel secteur d'une manière propre à minimiser tout risque pour l'environnement.

• 2020

S'agissant de l'impact général des activités pétrolières et gazières, on dispose d'une masse de connaissances—d'une pléthore d'études sur les impacts potentiels et nous pourrions certainement en faire parvenir une synthèse au comité.

Le président: Merci, Faith et aux collaborateurs qui vous accompagnent. Cette conférence scientifique dont vous avez parlé, est-elle ouverte au public?

Mme Faith Scattolon: Elle sera ouverte.

Le président: Pourrez-vous nous indiquer quand elle aura lieu, au cas où certains membres du comité veuillent y assister?

Mme Faith Scattolon: Oui.

Le président: Merci infiniment. Nous avons passé pas mal de temps avec ce premier témoin, mais c'est vous qui exercez la responsabilité première.

Peter, qu'alliez-vous dire?

M. Peter Stoffer: Si nous pouvions avoir une zone de protection marine interdite aux humains, où aucune activité humaine ne serait autorisée, ce serait réellement bien.

Le président: Peter, le greffier m'a indiqué tout à l'heure, lorsque Faith a mentionné...

M. Peter Stoffer: Excluez tout simplement les hommes.

Le président: Merci beaucoup.

Notre prochain témoin sera Albert Marshall.

Albert, je crois savoir que vous avez six heures de route à faire après votre comparution, nous allons donc vous entendre d'abord. Bienvenue.

M. Gerald Keddy: Vous savez, monsieur le président, il faut signaler que, en 30 années de forages pétroliers sur la côte Est, il ne s'est jamais produit un seul accident. Il n'y a pas eu un seul déversement, pas une explosion, pas un naufrage de plate-forme. Une a coulé en cours de transport, mais... Il faut le signaler.

Le président: C'est noté, Gerald.

Vous avez la parole, monsieur Marshall, et nous vous souhaitons la bienvenue. Je sais que vous avez fait une longue route pour venir et devez refaire le même trajet en sens inverse, et nous vous remercions d'être venu.

M. Albert Marshall (porte-parole, Eskasoni Fish and Wildlife): J'aimerais tout d'abord vous remercier, au nom d'Eskasoni Fish and Wildlife, de votre invitation à comparaître et à participer à vos délibérations.

Je commencerais par dire ceci: puisse l'esprit de nos bonnes intentions au cours de ces discussions nous amener à réaliser notre responsabilité inhérente de préserver, protéger pour les générations futures ces merveilles de la création.

J'aimerais commencer par vous faire part de certaines de nos réflexions. Par un bel après-midi de juin 1955, on a ouvert au public le pont-jetée de Canso. Il y avait là des centaines de personnes massées des deux côtés du détroit que nous appelons en micmac Twi'Knek. Le bruit de la cérémonie et des festivités était assourdissant.

Dans la foule il y avait des Micmacs, qui se tenaient en groupe serré. Il y avait là un Micmac d'environ 45 ans, Il n'applaudissait pas mais suivait la cérémonie d'un air songeur. Lorsqu'il a finalement parlé, ses paroles n'avaient pas de sens à l'époque. Mais grâce à notre tradition orale, quelqu'un a noté mentalement les prédictions de cet homme, s'est souvenu des paroles prononcées par cet ancien en ce bel après-midi de juin 1955 et les a rapportées l'année dernière lors d'un cercle de parole d'Eskasoni Fish and Wildlife.

• 2025

Il a raconté: «J'ai entendu l'ancien nous dire que dans 50 ans le district des Micmacs n'aura plus d'aigles. Il n'y aura plus d'aigles parce qu'un pont a été jeté en travers de la principale artère de migration des aigles». L'ancien qui a fait cette prédiction est maintenant âgé de presque 90 ans et vit à Waycobah, dans le comté d'Inverness.

J'aimerais vous faire part de la façon dont nous concevons l'environnement. La science autochtone, et la vision du monde et la philosophie dont elle est dérivée, nous apportent des modèles, des leçons, un sens et montrent ce que c'est que participer avec la nature plutôt que de vouloir la dominer. Ces leçons nous sont soigneusement transmises par nos anciens, les ayant eux-mêmes apprises après de nombreuses années d'exploration, de quête et de réflexion.

Les collectivités autochtones reflètent l'ordre naturel des choses de par leur forme d'organisation et l'accent mis sur la connaissance et l'entretien des relations sociales et écologiques primordiales. Par exemple, la langue Mi'kmaw est axée sur le verbe et reflète notre relation au monde.

En langue autochtone, le mot «éducation» se traduit littéralement par «venir à savoir». Venir à savoir signifie en venir à comprendre un processus, traduit une quête de connaissance et de compréhension. Ces connaissances mettent en jeu une tradition profonde qui englobe l'harmonie, la compassion, la chasse, la pêche, la culture du sol, la technologie, les esprits, les champs, la danse, les couleurs, les nombres, les cycles, l'équilibre, la mort et le renouveau. Ce sont là les connaissances que nous, les Micmacs, voulons partager avec le gouvernement, les compagnies, les organisations et les législateurs, une connaissance tant de la mer que de la terre, car nous pensons qu'il y a un fossé d'incompréhension entre la science occidentale objectivée et le savoir traditionnel micmac.

La pensée micmaque, la pratique de la chasse et de la pêche, est transmise par les anciens et s'inscrit dans la philosophie des cycles de sept ans. Le cycle de sept ans est une période au cours de laquelle la chasse et la pêche sont permises partout. À l'expiration de cette période, toute la collectivité est libre de chasser et de pêcher dans un secteur désigné seulement. Chaque année, un nouveau secteur est alloué aux clans ou familles jusqu'à ce que tous les sept endroits désignés aient été utilisés, ensuite de quoi le cycle recommence. Nul n'est autorisé à retourner dans ces endroits exploités pour chasser ou pêcher ou perturber l'écologie.

En conclusion, nous, les Micmacs, n'imposons pas notre philosophie, n'exigeons pas qu'elle préside à la gestion de nos pêcheries ou les manuels de règlements du MPO. Nous offrons simplement notre savoir, accumulé au fil des générations, pour faciliter la quête de la diversité et de la stabilité environnementales.

Nous vivons une crise globale des relations avec le monde naturel et entre les hommes. Nous devons asseoir une relation éthique avec la nature afin que les humains puissent jouir d'un avenir durable à l'aube du XXIe siècle.

Comme je l'ai dit, je représente Eskasoni Fish and Wildlife. Eskasoni Fish and Wildlife est une initiative à facettes multiples ayant pour objectif principal de promouvoir la gestion communautaire et faire comprendre à nos jeunes qu'il est très possible de concilier l'activité économique et la conservation dans nos actuels efforts de développement économique. Car, comme nous le savons tous, 70 p. 100 de la population autochtone a moins de 30 ans. Cela fait que les anciens ont conscience de l'urgence à transmettre ce savoir aux générations futures afin que les jeunes l'intègrent dans leur vie quotidienne et apprennent à vivre dans la paix, l'équilibre et l'harmonie avec la nature.

Mais tout cela passe par la préservation des ressources qui nous entourent. Notre relation avec ces eaux remonte à des milliers et des milliers d'années. Pendant tout ce temps, les lacs sont restés purs. Les lacs ainsi préservés font vivre poissons, oiseaux aquatiques et animaux, source de subsistance non seulement pour les Micmacs mais également les Européens arrivés des siècles plus tard.

• 2030

Les temps ont changé. Bien que nous ne dépendions plus complètement des lacs pour notre subsistance, ils sont une source de nourriture et contribuent à notre bien-être économique. Comme je l'ai dit, notre rapport aux lacs du Bras D'Or et aux eaux voisines remonte à des milliers et des milliers d'années. Nous nous sentons spécifiquement responsables de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les protéger contre les actes destructeurs de l'homme.

Là-dessus, je terminerais en mentionnant que, selon nos renseignements, sur les 17 plus grandes zones de pêche du monde, 14 se sont effondrées ou sont à la limite de l'effondrement. Le bon sens nous dicte donc que toutes les eaux canadiennes devraient être placées sous protection jusqu'à ce que nous ayons les études et les données voulues pour garantir que nous ne causerons pas davantage de dommages, que ce soit par des sondages séismiques ou des forages de toutes sortes, surtout avec l'avènement de nouveaux navires plus gros qui seront nécessaires dans ces zones d'exploration.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Marshall.

Peter, voulez-vous ouvrir la période de questions, et nous ferons ensuite le tour de la table?

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci.

Pour la gouverne du comité, est-ce qu'Eskasoni se situe au Cap-Breton? Exact?

M. Albert Marshall: Eskasoni est au Cap-Breton.

M. Peter Stoffer: Très bien. Je le savais, mais je voulais...

M. Albert Marshall: C'est à Eskasoni que se concentrent la plupart de nos Autochtones, environ 6 000. Eskasoni est la plus grande réserve à l'est de Kahnawake.

M. Peter Stoffer: Bien. S'agissant d'implantations de fermes aquacoles, de forages sismiques pour la prospection de pétrole et de gaz, etc., êtes-vous consultés au préalable ou uniquement une fois les décisions prises?

M. Albert Marshall: Nous sommes les habitants originels de cette grande province mais, jusqu'à présent, nous n'avons pas eu la possibilité ou le privilège de participer à aucun des processus. On nous a inclus uniquement après le fait, une fois que quelques bureaucrates ou politiciens affirment dans un discours qu'ils travaillent en concertation étroite et en collaboration avec les Premières nations. Je vous affirme ici que tel n'est pas le cas. Lorsqu'on nous évoque, c'est toujours pour justifier leurs initiatives.

M. Peter Stoffer: Vous avez dit que 70 p. 100 des habitants de votre réserve...

M. Albert Marshall: Dans la population autochtone totale du pays, 70 p. 100 ont moins de 30 ans.

M. Peter Stoffer: Que vous disent ces jeunes sur leur avenir dans ce territoire, du point de vue de l'accès aux ressources?

M. Albert Marshall: Il est triste de devoir dire, et c'est le but de notre initiative, qu'il nous faut rééduquer nos jeunes et leur montrer comment vivre en harmonie avec leur milieu. Autrement dit, bien souvent, nous devons en quelque sorte les déprogrammer car ils ont été contaminés par cette mentalité consistant à accaparer et exploiter les ressources pour leur gain personnel.

M. Peter Stoffer: Quel succès escomptez-vous?

M. Albert Marshall: Eh bien, à moins que...

M. Peter Stoffer: Vous parlez de déprogrammer...

M. Albert Marshall: Oui, c'est ce que nous essayons de faire et, je dois le dire, avec guère ou pas de ressources. Nous devons maintenant englober les jeunes dans tout ce que nous faisons, dans toutes nos réflexions, car ce sont eux les générations futures.

M. Peter Stoffer: Faites-vous ce travail dans l'isolement, ou bien collaborez-vous avec d'autres groupes, par exemple les groupes écologistes, religieux, les localités côtières, les autorités provinciales ou municipales?

• 2035

M. Albert Marshall: Nous voyons aujourd'hui que la tâche est si grande et que nous sommes si peu nombreux que nous nous attachons à convaincre les écologistes, les naturalistes, les pêcheurs, les entreprises, le gouvernement que nous devons nous rassembler et réellement planifier le maintien de notre système fragile pour les générations futures. C'est une tâche immense, mais nous l'abordons sous cet angle. Je n'imagine pas que ces richesses dureront toujours.

Je pense que l'histoire se répète ici, celle des explorateurs de jadis. Lorsque les pays européens ont épuisé leurs ressources renouvelables, ils ont encouragé ces explorateurs à s'aventurer au loin, dans ce qui est aujourd'hui le Canada, pour y exploiter nos richesses et les habitants de ces contrées. Aujourd'hui, le gouvernement encourage d'autres explorateurs à s'aventurer dans l'espace, parce qu'il a saccagé notre planète et se prépare maintenant à en saccager d'autres.

Le président: Merci, monsieur Stoffer et monsieur Marshall.

Monsieur Lunney.

M. James Lunney: Monsieur Marshall, ce que vous avez dit de la gestion traditionnelle des ressources m'a intéressé. Vous avez parlé de la répartition de sept sites et, une fois qu'ils sont exploités, nul n'est plus autorisé à y retourner. Pouvez-vous nous expliquer un peu mieux comment cela fonctionnait?

M. Albert Marshall: Ces sept sites, je le précise, englobent la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. Sept districts ont été délimités dans cette zone géographique. Le but était la conservation, assurer qu'aucun de ces secteurs ne soit jamais surexploité ou surutilisé, qu'ils aient amplement le temps de se reconstituer, de récupérer.

M. James Lunney: Merci.

Le président: Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je vous remercie, monsieur Marshall, de votre exposé. J'ai trouvé extrêmement intéressant que le penseur d'il y a 50 ans soit venu, à 75 ans, répéter la même chose. Si on ne fait rien, nous ne pourrons même plus répéter, parce que cela aura disparu.

Ce dont vous nous parlez, est-ce quelque chose de profondément ancré en chacun et chacune des autochtones? Si votre mode de vie vous a appris à protéger la ressource, le milieu et l'environnement, pourquoi se retrouve-t-on, à l'heure actuelle, dans des situations conflictuelles? Prenons l'exemple de la pêche au homard qui a lieu pendant une période où ce n'est plus le temps de pêcher le homard, mais où les autochtones continuent parce qu'ils veulent pêcher le homard.

[Traduction]

Le président: Monsieur Marshall.

M. Albert Marshall: Veuillez m'excuser, j'ai oublié la première question.

Le président: Allez-y, madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je demandais...

[Traduction]

M. Albert Marshall: Vous pourriez peut-être traduire pour moi. Vous parlez français, pas moi. Je n'entends pas très bien.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Entendez-vous ce qu'on dit?

[Traduction]

M. Albert Marshall: Oui, je vous entends maintenant.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Comme je le disais, si chacun et chacune des autochtones pense vraiment ce que vous nous avez dit et le vit vraiment, pourquoi a-t-on, par exemple, le problème de la pêche au homard, alors que les autochtones veulent, dans certaines zones où la pêche finit le 1er juin, continuer à pêcher entre le 1er juin et le 1er octobre? Pourquoi, si la philosophie dont vous nous parlez existe, a-t-on ce genre de problème? De quoi cela dépend-il?

• 2040

[Traduction]

M. Albert Marshall: Cela va renforcer ce que j'ai dit.

À ce stade, vu le petit nombre des Autochtones, soit moins de 1 p. 100 de la population totale, je ne pense pas que nous puissions causer un déséquilibre menaçant la conservation et la préservation du homard. D'une part, si nous étions autorisés à exercer notre droit inhérent et ancestral à gérer ces ressources, nous ne choisirions pas et ne devrions pas pêcher hors saison, pour donner à cette espèce l'occasion de se reconstituer.

Tout le problème tient au fait que nous ne faisons pas partie de l'équation, que l'équation soit celle de la conservation ou que l'équation soit l'initiative que le pays a connue depuis l'arrivée des Européens. Je ne le soulignerai jamais assez, nous sommes les habitants originels de ce pays et jusqu'à présent nous n'avons eu droit à participer à rien, qu'il s'agisse de conserver ou de préserver tous ces beaux territoires qui étaient à nous. Jusqu'à ce que l'on nous intègre entièrement dans le processus, nous serons obligés de continuer ces actes de désobéissance civile, rien que pour que l'on reconnaisse notre existence.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: C'est donc pour démontrer... Le jugement qui a été rendu— vous portez d'ailleurs le même nom, Marshall— a déclenché un processus dans lequel des personnes sont impliquées. Est-ce que ça peut être, par exemple, une voie à suivre? Si je comprends bien, vous souhaitez qu'on vous implique dans tous les processus de décision au niveau de la protection de l'environnement.

[Traduction]

Le président: Monsieur Marshall.

M. Albert Marshall: Mon interprétation du jugement Marshall est qu'il ne fait que réitérer d'autres jugements, Sparrow, Guerin, Delgamuukw affirmant notre droit inhérent à l'accès à nos ressources. Dans le jugement Marshall, la cour a indiqué très explicitement la forme de cet accès. Mais rien dans l'histoire de ce monde ne dit qu'une fois qu'une décision de justice est rendue les politiciens peuvent ensuite la remanier. Ce n'est pas de notre fait; c'est quelque chose qui a été imposé par les multinationales, par ceux qui s'enrichissent en exploitant nos ressources, qui nous appartenaient depuis 15 000 ans avant l'arrivée des Européens.

Le président: Merci, monsieur Marshall. Merci, madame Tremblay.

Je donne la parole à M. Assadourian pour une courte question, puis à M. Keddy.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

Monsieur Marshall, vous avez indiqué que 70 p. 100 de la population autochtone a moins de 30 ans et vous avez mentionné qu'elle est contaminée et que vous voulez la reprogrammer. J'imagine que vous entendez par là l'instruire sur votre mode de vie, sur l'environnement, sur la pêche, sur l'histoire et la culture des Autochtones. J'accepte que c'est nécessaire, mais pourquoi ne pas avoir un programme similaire pour les non-Autochtones? Parce qu'il faudra bien que nous apprenions à vivre ensemble, Autochtones et non-Autochtones. Nous devons apprendre les uns auprès des autres pour faire de ce pays un endroit où il fait encore mieux vivre.

M. Albert Marshall: Je devrais peut-être reprendre ce mot «contamination», car je pense que nous faisons juste l'inverse. Dans notre collectivité, nous cherchons les moyens d'utiliser le meilleur des deux mondes. Notre initiative, jusqu'à présent, est de chercher les moyens d'intégrer le savoir traditionnel dans les programmes scientifiques modernes. Nous avons réussi dans une certaine mesure à faire reconnaître ce savoir par quelques établissements postsecondaires tels que l'UCCB.

• 2045

Le président: Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: J'ai deux questions et ne croyez pas que je veux étaler ma science. En ce qui concerne le premier point, le savoir traditionnel, il ne fait aucun doute que tous les Autochtones, quel que soit le lieu ou le moment de l'histoire, ont fait appel au savoir traditionnel. Je pense que lorsque vous avez parlé de contamination—je ne veux pas placer des mots dans votre bouche—vous voulez dire simplement que ce savoir doit être enseigné, qu'on ne naît pas avec. Quelqu'un doit enseigner ce savoir traditionnel. Quelqu'un doit enseigner le respect de l'environnement.

Par ailleurs, qu'est-il arrivé aux anguilles? Ont-elles migré?

M. Albert Marshall: Selon nos renseignements, lorsque la pêche des grandes espèces s'est effondrée, pour apaiser les pêcheurs qui en dépendaient, le MPO a ouvert grand les portes à la pêche des espèces sous-utilisées, pour compléter les revenus des pêcheurs, et dans bien des cas sans les études scientifiques voulues. Je pense que c'est cela qui est arrivé à nos anguilles, car elles étaient considérées comme une espèce sous-exploitée et on l'a pêchée à grande échelle sans disposer des données scientifiques voulues.

Le président: Merci.

Monsieur Keddy, avez-vous d'autres questions? Tout le monde a terminé?

Merci beaucoup, monsieur Marshall. Je vous souhaite bon retour. Vous avez une longue route à faire.

M. Albert Marshall: Merci.

Le président: Nous allons maintenant inviter à la table le groupe Ecology Action Centre, avec Mark Butler, coordonnateur marin. Nous entendrons ensuite deux autres groupes, qui attendent patiemment, le Sierra Club et l'université Dalhousie.

Mme Suzanne Tremblay: Pourrions-nous prendre cinq minutes?

Le président: Oui. Nous allons faire une pause de cinq minutes.

• 2048




• 2054

Le président: Nous allons reprendre la séance.

• 2055

Mark, allez-y, vous avez la parole. Soyez le bienvenu.

M. Mark Butler (coordonnateur marin, Ecology Action Centre, Nouvelle-Écosse): Bonsoir, monsieur le président et membres du comité.

[Français]

Bonsoir, membres du comité.

[Traduction]

Vous devez commencer à être un peu assommés après toute une journée de présentations.

Je dirais seulement quelques mots au sujet de l'Ecology Action Centre. Nous sommes une organisation néo-écossaise fondée il y a une trentaine d'années. Nous comptons environ 600 membres dans toute la province. Notre mission est de promouvoir en Nouvelle-Écosse une société qui respecte et protège la nature et fournit à ses membres des emplois écologiquement et économiquement viables.

Ma tâche consiste, je suppose, à mettre en évidence les faiblesses et insuffisances, si bien que nos interventions peuvent paraître parfois négatives, mais cela fait partie de notre rôle. C'est ce que je vais faire ce soir, mais je veux préfacer mon propos sur la Loi sur les océans et le bureau du ministère en disant qu'il y a là beaucoup de gens dévoués qui oeuvrent pour réaliser les objectifs de la loi. Ils font un bon travail, que nous pouvons voir. J'imagine qu'ils font aussi de bonnes choses que nous ne voyons pas. Je tenais simplement à leur en donner acte.

S'agissant de l'application de Loi sur les océans, celle-ci a été promulguée, je crois, fin 1997. En janvier 1998, le ministre David Anderson, a annoncé des consultations publiques sur une stratégie de gestion des océans. Il a publié un document de discussion. Le communiqué de presse annonçait que ces discussions s'ouvriraient dans quelques mois.

Nous sommes maintenant en mai 2001 et il n'y a pas eu de consultations publiques sur le document de discussion. Il n'y a pas de stratégie en vue, alors que nous en avons réellement besoin. Nous avons réellement besoin de ce débat public et de cette discussion, comme celle de ce soir, sur les activités qui vont se dérouler sur l'océan et sur la finalité de nos océans.

L'une des choses qui nous a réellement inquiétés dans le document de discussion publié, c'est que la production de richesses primait sur tout le reste et que l'océan était qualifié de nouvelle frontière. Pour ceux d'entre nous qui connaissons un peu l'océan, il n'est pas approprié de le qualifier de nouvelle frontière. À bien des égards, il est déjà très lourdement exploité. Il ne reste plus de frontières réelles sur cette planète. Il est impératif que ce débat se tienne car il pourra guider et peut-être impulser la mise en oeuvre de la loi.

Deuxièmement, pour dire les choses simplement, il n'existe pas à l'heure actuelle de règlement d'application de la Loi sur les océans. Je n'ai pas assez de connaissances juridiques pour déterminer, concrètement et catégoriquement, si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais il n'en existe pas. Je présume qu'il va falloir remédier à cela à un moment donné. Je suppose que l'on peut faire de bonnes choses sans règlement, mais on en aura besoin à un certain stade. Sinon, il y aura trop de contestations. Je signale simplement l'existence de ce problème.

Les zones protégées, bien entendu, représentent le grand enjeu. À l'heure actuelle, la grande affaire c'est celle du Passage de l'île de Sable. Nous avons eu un rôle dans le débat scientifique qui l'entoure. Je ne l'ai pas avec moi, mais nous avons réalisé une étude sur les coraux des grands fonds qui a été largement citée. Susan Gass a fait un travail de suivi sur les coraux des grands fonds qui a été utilisé pour l'étude scientifique concernant le Passage.

Jusqu'à présent, comme Faith l'a mentionné, je crois, trois zones d'intérêt, ou zones de protection marine potentielles ont été isolées: le Passage, Basin Head dans l'Île-du-Prince-Édouard et l'estuaire de la Musquash au Nouveau-Brunswick. Je pense que le Conseil de conservation a joué un grand rôle dans le choix de celle du Nouveau-Brunswick.

La lacune que nous voyons—et c'est une critique adressée aussi par les pêcheurs au travail concernant les zones de protection marine—c'est l'absence d'un plan d'ensemble indiquant le nombre de zones de protection qui seront établies, la superficie globale qui sera protégée. Je comprends cela. Avant d'accepter une zone de protection, on a besoin d'avoir une idée de ce que sera le tableau d'ensemble.

• 2100

Je ne sais pas où en est la Direction des océans actuellement, mais il faut réellement présenter un plan d'ensemble et tenir un débat sur ce qui va être protégé et comment. Cela fait défaut.

En ce qui concerne le Passage, je suis d'accord avec M. Stoffer pour dire qu'il faut y aller. Il faut commencer à faire les choix difficiles. Il faut tracer les limites. Évidemment, ce n'est pas simple. Il faut définir également les activités qui seront autorisées dans le Passage.

À nos yeux, la raison d'être principale d'une zone de protection marine est de protéger le fond de l'océan. Tout le reste bouge. L'eau se déplace, le poisson aussi. Ce que l'on va faire avec une zone de protection marine, essentiellement, c'est protéger le fond de l'océan. Il s'agit donc d'interdire les activités qui vont perturber le fond de l'océan. Le dragage est un exemple évident, l'exploitation du pétrole et du gaz en est un autre.

Dans l'ensemble, nous sommes en faveur des zones de protection marine mais nous voulons surtout protéger l'océan globalement. Nous ne voulons pas d'un réseau de zones de protection marine, imposé à un grand coût politique, qui protégerait 5, 10 ou 15 p. 100 de l'océan et permettrait le saccage des 85 p. 100 restants. Quiconque connaît un peu les écosystèmes marins sait que cela ne marchera pas. Il faut une approche globale. Nous ne voulons pas d'une activité nulle dans les zones de protection marine, parallèlement à une mauvaise gestion de toutes les activités en dehors.

Cela m'amène à la gestion intégrée. C'est un élément de la Loi sur les océans que nous apprécions réellement, cette notion de gestion des activités humaines. Nous n'allons pas gérer les baleines. Nous ne le pouvons pas, car elles ne nous écouteront pas.

S'agissant de la gestion intégrée des activités humaines sur l'océan, la situation que je connais le mieux est la partie Est de la Plate-forme Scotian et l'initiative GIEPS. Faith a mentionné quelques autres secteurs. Je ne sais pas quel est l'obstacle, mais il avait été question d'organiser un grand atelier de travail l'automne dernier, mais il a été reporté à cause de l'élection. Une nouvelle date n'a pas encore été fixée.

Notre grande crainte est que nous soyons assis à cette table avec les pêcheurs, les pétroliers et tous les autres à parler de ce plan, pour lever ensuite le nez et voir que la partie Est de la Plate-forme Scotian est couverte de nouvelles zones de pêche et de puits d'hydrocarbures et qu'il n'y aura plus rien à protéger.

C'est en effet ce que l'on constate avec le pétrole et le gaz en général: c'est à qui arrive le premier. L'industrie du pétrole et du gaz a certainement une longueur d'avance et s'est activée avant même que le bureau de coordination de la Loi sur les océans n'ait été constitué. Ce n'est pas nécessairement la faute de ce dernier. Simplement, ce processus d'octroi des concessions a été mis en place à la fin des années 80 et au début des années 90, à un moment où nul d'entre nous n'avait la moindre idée de ce qui se passait. Lorsque nous nous sommes réveillés, 45 concessions avaient déjà été accordées.

Je pense qu'Helen Lofgren vous en dira un peu plus à ce sujet, mais c'est réellement très parlant. Je ne sais pas quelles sont les dates.

Mme Helen Lofgren (présidente, Northeast Regional Conservation Committee; coordonnatrice des questions pétrolières, Atlantic Coast Ecoregion Task Force, Sierra Club du Canada): Juillet 1998 et décembre 2000.

M. Mark Butler: C'était juillet 1998 pour la première série et décembre 2000 pour la deuxième. Ce sont les parties colorées de notre carte. Si vous totalisez la superficie, elle est en fait plus grande que le territoire de la Nouvelle-Écosse. Des concessions couvrant une surface énorme ont été octroyées en très peu de temps.

Cela m'amène à la deuxième partie de mon exposé, soit le pétrole et le gaz. À d'autres égards, nous sommes probablement comparables à d'autres pays, pour ce qui est du contrôle des déversements, avec quand même un petit retard sur la Norvège et le Royaume-Uni, mettons. Mais notre mécanisme d'octroi des concessions est réellement une infamie. George Bush en pleurerait d'envie. Nous avons littéralement ouvert toutes les eaux du Canada Atlantique. Que ce soit en mer ou à terre, c'est le champ libre, avant toute consultation publique ou examen environnemental. C'est parfait pour l'industrie pétrolière et gazière, mais cela ne témoigne pas d'un grand respect pour les pêcheurs ou d'autres secteurs.

J'ai joint à notre mémoire un article qui est le résultat de quelques recherches, mais probablement insuffisantes. Nous avons réellement besoin d'aller voir dans quelques autres pays comment ils font les choses. Nous nous vantons d'être la prochaine mer du Nord, mais si nous allons nous lancer là-dedans, peut-être faudrait-il, au minimum, émuler les normes de la Norvège.

• 2105

De la façon dont la Norvège s'y est prise, contrairement à ce qui s'y passe de notre côté de l'océan, on a ouvert la prospection par tranches. On a d'abord ouvert la Plate-forme Scotian occidentale, cinq années plus tard le plateau central et cinq années plus tard le plateau oriental. Cela a été une mise en valeur graduelle. Avant l'ouverture d'un secteur, des évaluations environnementales étaient réalisées, suivies d'une consultation publique.

Ici, les compagnies pétrolières désignent un secteur tel que l'Ouest du Cap-Breton. Cette désignation est confidentielle. Les compagnies disent qu'elles sont intéressées par ce secteur et demandent le lancement d'un appel d'offres. L'Office des hydrocarbures lance l'appel d'offres et, lorsqu'il annonce le gagnant, c'est la première fois que le public en entend parler. C'est également à ce moment-là que les pêcheurs du Cap-Breton apprennent que des permis d'exploration sont adjugés, et c'est également la première fois qu'Albert Marshall en entend parler. Lorsqu'il dit qu'ils ne sont souvent informés qu'après coup, c'est très vrai, certainement dans le cas du pétrole et du gaz.

J'ai également quelques renseignements trouvés sur l'Internet concernant le Royaume-Uni, et je peux les fournir à tous ceux que cela intéresse. Ils montrent qu'au Royaume-Uni on commence à effectuer une évaluation environnementale avant d'ouvrir ces secteurs, afin d'identifier les zones sensibles et les secteurs de pêche importants.

En conclusion, je dirais que ce qui s'est passé au Cap-Breton est réellement... Lorsque cela se passait au large, les gens y prêtaient moins attention... Aujourd'hui, si une société pétrolière le veut, elle peut forer carrément jusqu'à la limite de la marée haute tout autour du Cap-Breton. Lorsque ces permis ont été accordés, les gens se sont réveillés et je pense que l'Office des hydrocarbures en a été surpris. Il n'aurait pas dû l'être, mais il l'a été.

Je signale que l'Office a un effectif de quelque 45 personnes, mais un seul employé possède quelques connaissances écologiques, André d'Entremont. Moi-même, je suis très affairé, mais je ne peux même pas imaginer sa charge de travail. L'Office se présente comme à la fois un facilitateur de la prospection de pétrole et de gaz et comme autorité réglementaire pour ce qui est de la sécurité environnementale, mais il n'a qu'une seule personne pour abattre tout ce travail.

Je veux réellement vous encourager. Je pense que c'est une excellente idée que de convoquer le directeur ou le pdg de l'Office des hydrocarbures devant le comité. Vous devriez peut-être aller jusqu'à inviter quelques représentants de la Norvège ou du Royaume-Uni. Je pense que c'est ce que nous aurions dû faire. Nous aurions dû prendre comme modèle la façon dont la Norvège et le Royaume-Uni ont développé leur industrie et en tirer quelques leçons.

Je formulerai juste quelques recommandations suite à ce que j'ai dit. Elles sont que le MPO devrait réellement ouvrir les consultations sur une stratégie de gestion des océans. Il devrait orchestrer un débat national sur le rôle des océans et sur ce qu'il convient d'y faire. Je pense qu'il faut un réel leadership d'Ottawa concernant la Loi sur les océans. Je ne sais pas comment vous pouvez contribuer à cela, mais ce n'est pas une loi facile à mettre en oeuvre. Il y a toutes sortes d'acteurs, mais ils ont tous besoin que quelqu'un à Ottawa donne l'impulsion, quelqu'un qui possède à la fois la clairvoyance et assez de coeur pour faire avancer les choses.

Malheureusement, la plus grande partie de la région qui intéresse les compagnies pétrolières et gazières a déjà été concédée. Nous considérons l'octroi d'une concession comme le facteur le plus important de tout le cycle de production de pétrole et de gaz. Une fois la concession accordée, cela signifie que la société a déjà présenté une soumission, qu'elle a déjà engagé des fonds pour répondre à l'appel d'offres et que toute la dynamique est enclenchée.

Il n'est plus alors acceptable de lui dire, désolé, mais non, vous ne pouvez rien faire, nous allons mener une évaluation environnementale et à partir de celle-ci nous pourrons décider que vous n'aurez le droit de forer que dans la moitié de la concession. C'est alors trop tard, il aurait fallu le faire avant. Vous n'achetez pas une maison ou un terrain pour que quelqu'un vienne vous dire ensuite que vous ne pouvez utiliser que la moitié ou que vous êtes limité dans ce que vous pouvez faire de telle autre partie. Certes, il y aura des discussions pour savoir si la plate-forme sera installée à tel endroit ou 500 mètres plus loin ou si les parties par millions doivent être de tant, mais la décision fondamentale—et ils qualifient cela de décision fondamentale—est l'octroi de la concession.

Il faudrait peut-être un peu plus de transparence. Si le bureau du MPO ou des scientifiques du ministère font des recommandations à l'Office des hydrocarbures concernant des zones sensibles, ces renseignements devraient être communiqués au public. Il devrait y avoir des discussions, car si le MPO fait bien son travail, il serait bon de le savoir afin que nous puissions l'applaudir.

Voilà qui met fin à mon exposé.

• 2110

Le président: Merci beaucoup, Mark. Vous avez mis beaucoup de contenu dans une présentation relativement courte.

Nous allons commencer avec M. Wappel, qui sera suivi de M. Duncan.

M. Tom Wappel: Merci beaucoup de votre déclaration. Personnellement, j'aime toujours une déclaration qui est courte, qui cerne les problèmes et qui soumet des recommandations en vue de leur règlement. Je pense qu'avec votre exposé, vous avez marqué le maximum de points aux trois rubriques. Je vous en remercie, donc.

J'aimerais vous poser quelques questions découlant de votre déclaration. Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi il n'y a à ce jour eu aucune consultation publique sur la stratégie de gestion des océans? Je présume qu'en tant que groupe de défense d'intérêts publics vous avez posé la question.

M. Mark Butler: En ce qui concerne la stratégie portant sur les océans, non, je ne pourrais sans doute pas offrir grand-chose.

M. Tom Wappel: Avez-vous posé la question?

M. Mark Butler: J'ai discuté avec des gens, debout au fond d'une salle de réunion. Mais, non, je n'ai pas fait de demande formelle ni envoyé de lettre demandant qu'on m'explique pourquoi.

M. Tom Wappel: Il semble que beaucoup de temps se soit écoulé, et c'est pourquoi cela pique ma curiosité.

Je suis nouveau au comité, alors j'aborde beaucoup de questions avec les yeux d'un profane. Il semble que beaucoup de temps se soit écoulé, sans qu'il y ait de discussions publiques, depuis que la sanction royale a été donnée au projet de loi. Il y a peut-être une raison à cela et c'est pourquoi je vous pose la question. Vous me répondez que non.

Passons aux règlements. Vous avez dit que vous n'êtes pas avocat; moi, je le suis. Vous vous interrogez sur les règlements. C'est assez simple. Je vais vous expliquer les choses aussi simplement que possible. Une loi est en gros un squelette. Les règlements sont la fibre, le muscle et tout ce qui recouvre en fait le squelette. Il est assez dangereux de se promener dans un squelette. Il vous faut un corps tout entier.

C'est pourquoi cela me préoccupe qu'il n'y ait pas de règlements. Il pourrait y avoir une explication. Par exemple, un projet de loi peut avoir été adopté mais non encore promulgué. Il peut y avoir de nombreux articles de la loi qui n'ont pas encore été promulgués pour diverses raisons. C'est pourquoi les règlements ne sont nécessaires qu'après promulgation.

Cependant, si une loi est promulguée et qu'il n'y a pas de règlements, cela entrave sérieusement la capacité de la bureaucratie devant appliquer la loi d'intervenir légalement, car les règlements sont, en gros, la méthodologie qui autorise la bureaucratie à faire ce qui doit être fait. Alors savez-vous pourquoi il n'y a pas de règlements? Est-ce parce que la loi ou les articles appropriés n'ont pas été formellement promulgués et mis en application? Avez-vous une idée là-dessus?

M. Mark Butler: Non, je pense que la loi a été promulguée. Cette loi est légèrement différente de la Loi sur les pêches, par exemple, qui doit définitivement être assortie de règlements. Il s'agit davantage là d'une loi de facilitation. Quelqu'un au MPO serait sans doute mieux en mesure de répondre à votre question.

Ils utilisent d'autres mesures, comme par exemple des ententes informelles, ou peut-être des protocoles d'entente avec l'Office des hydrocarbures ou des genres d'engagement d'honneur avec Shell et Mobil.

M. Tom Wappel: Les ententes visant l'océan me rendent nerveux.

M. Mark Butler: Précisément. Je suis ravi de constater l'attention que l'on porte à la Loi sur les océans. Il s'agit d'une grosse loi, et il y a beaucoup d'espoir et de potentiel, mais l'on fait également beaucoup de sur place. Peut-être qu'il y a eu un faux départ dans une direction donnée. On avance, mais on traîne un peu. Quel que soit le dévouement d'une personne travaillant à la base, avec d'autres, il lui faut le soutien et l'encadrement venant d'en haut, d'Ottawa.

Je ne sais pas si le ministre est allé jusqu'à dire publiquement: il s'agit ici d'une loi que nous jugeons vraiment importante et nous tenons à avancer. Son attention a peut-être été mobilisée par l'affaire Marshall et d'autres questions. Il y a néanmoins un budget et un personnel conséquents.

M. Tom Wappel: Enfin, monsieur Butler, M. Marshall a dit que nous étions des nouveaux venus. Je sais qu'il inscrivait cela dans un contexte historique et qu'il voulait dire que nous sommes des nouveaux venus comparativement aux peuples autochtones, qui, eux, sont ici depuis 15 000 ans.

Je suis nouveau au comité et je suis un néophyte en matière de pêches.

Je conviens avec vous que la délivrance d'un permis prima facie indiquerait que des études ont été faites, que beaucoup de travail a été abattu et que beaucoup d'argent a été dépensé. Ce serait très ennuyeux pour ces gens qui se sont fait délivrer des permis qu'on leur dise tout d'un coup qu'ils ne peuvent pas exercer les droits y correspondant.

• 2115

Cela me préoccupe grandement, en tout cas à première vue. Je suis alarmé de voir toutes ces couleurs dans le court laps de temps que nous avons. Je voudrais qu'à un moment donné quelqu'un me donne des explications quant à ce pour quoi ces licences sont émises et de quels genres de licences il s'agit. S'agit-il d'un genre de licence qui appose tout simplement votre nom sur une partie de l'océan, et vous courez vos chances, au cas où rien n'y soit autorisé? Ce n'est pas la même chose que de dépenser beaucoup d'argent et vous attendre à pouvoir forer.

M. Mark Butler: Je pense que l'Office des hydrocarbures est prudent en limitant ce que ces licences autorisent aux sociétés, pour des raisons commerciales.

En gros, c'est comme n'importe quelle autre concession minière. La licence les autorise à forer à tel endroit. Le détenteur de la licence a cinq ans pour forer et dépenser de l'argent. S'il ne le fait pas, alors il cède sa licence ou bien, s'il verse encore de l'argent, on lui accorde une rallonge de trois ans. S'il fait du forage et trouve des quantités marchandes de gaz et de pétrole, alors il a le premier droit à une licence de production, à une licence de découverte importante.

L'Office des hydrocarbures a en quelque sorte reconnu qu'il y a là une faille, et c'est ce que j'avais espéré. L'Office lance ces appels d'offres et les sociétés ont six mois pour soumissionner. Pendant la période de soumission de la dernière ronde, on a fait une évaluation environnementale des zones visées par l'appel d'offres et les résultats de l'évaluation ont été diffusés pendant que les gens soumissionnaient.

J'ai trouvé cela plutôt comique. Vous êtes une société pétrolière, vous êtes sur le point de faire votre offre, et trois semaines avant que vous ne la déposiez, voilà que l'évaluation environnementale sort. Si elle dit qu'il se trouve à l'endroit qui vous intéresse des baleines, c'est une mauvaise tentative... mais c'est tout de même une reconnaissance. Je pense que l'Office des hydrocarbures reconnaît là qu'il y a un problème. Mais il n'y a pas eu une poussée assez forte venant de l'autre direction.

Nous avons rencontré les membres du conseil d'administration de l'Office des hydrocarbures. L'une des choses qu'ils nous ont dites est que le processus d'octroi des licences n'est pas très différent de celui de la Norvège, car nous avons ici au Canada une industrie débutante. J'ai pour ma part trouvé ce commentaire très troublant. Nous ne voulons pas pousser trop fort car nous pourrions effrayer les sociétés pétrolières et gazières. Ce n'est pas ainsi que nous devrions nous traiter nous-mêmes. Nous devrions dire: voici ce qu'il en est; si vous voulez venir ici, si vous voulez pêcher ici, faire du forage ici ou autre, voici quelles sont les règles.

Bien évidemment, nous sommes situés juste au-dessus du plus gros consommateur d'énergie, et nous ne nous débrouillons pas si mal que cela. Jusqu'à l'arrivée de George Bush... Du Banc Georges à la Floride, c'est fermé, de la Californie à la Colombie-Britannique, c'est fermé, une part importante de l'Alaska est fermée, et nous ouvrons tout d'un coup, sans crier gare, nos eaux de l'Atlantique.

Le président: Merci, monsieur Butler.

Vous avez une question supplémentaire, monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: En ce qui concerne les appels d'offres, pourriez-vous nous en décrire le processus?

M. Mark Butler: Les sociétés pétrolières font du travail sismique et c'est ce travail qui va être effectué cet été. Dans les années 70 et 80, il s'est fait beaucoup de travail, ce qui nous a amenés à la situation que nous connaissons aujourd'hui avec les subventions gouvernementales.

De toutes façons, les sociétés disposent de renseignements sur les endroits où il pourrait se trouver des réserves de pétrole et de gaz. Elles s'adressent à l'Office des hydrocarbures et lui disent: nous sommes très intéressés par St. Margarets Bay ou par la zone au large de Chebucto Head. Nous aimerions que vous mettiez cette zone sur la liste afin que nous puissions soumissionner pour l'avoir.

L'Office dit d'accord, et deux fois par an il fait un appel d'offres. La zone est proposée et les compagnies pétrolières ont six mois pour soumissionner. L'entreprise qui propose de dépenser X dollars dans la région... il n'y a pas d'arrangement de redevances ou d'autres choses du genre. Si la société X dit qu'elle dépensera 10 millions de dollars sur cinq ans et que la société Z dit qu'elle dépensera 12 millions, alors c'est la société Z qui se voit accorder la licence d'exploration. Elle détient alors le droit exclusif de faire du forage de prospection et des recherches sismiques dans la zone visée.

• 2120

M. Sarkis Assadourian: Ces données sismiques sont-elles mises à la disposition du public ou bien seulement de la société?

M. Mark Butler: Si Shell demande à une société de recherches sismiques de faire du travail pour elle, alors il s'agit de renseignements privatifs qui appartiennent à cette seule entreprise. Il arrive que du travail de recherche sismique soit fait sans avoir été commandé. Une société de recherche peut se dire: cette zone suscite beaucoup d'intérêt; nous pourrions peut-être faire du travail de recherche sismique juste à côté pour ensuite faire le tour des entreprises et essayer de vendre nos données. Cela coûte énormément d'argent de faire des recherches sismiques. Il faut un gros navire avec à son bord un important équipage. Le navire passe deux ou trois mois dans la zone à aller et venir.

M. Sarkis Assadourian: Si la compagnie Shell dispose de données sismiques, pourquoi les donnerait-elle, mettons, à Esso pour que celle-ci fasse une offre? Si Esso ne sait pas ce qui s'y trouve, pourquoi ferait-elle une offre?

M. Mark Butler: Dans bien des cas, pour qu'une zone donnée soit inscrite sur la liste, il faut que la compagnie manifeste un intérêt. Le seul moyen de faire du travail de prospection est d'obtenir une licence d'exploration. Il vous faut à un moment donné révéler votre intérêt afin de franchir l'étape suivante et de pouvoir procéder au travail de forage exploratoire.

Cela répond-il à votre question?

M. Sarkis Assadourian: Ce que je dis c'est que si je suis une entreprise et que je ne sais pas de quelles données sismiques vous disposez relativement au fond marin, pourquoi me lancerais-je dans un processus de vente aux enchères qui me coûtera de l'argent?

M. Mark Butler: Il y a deux choses: le travail sismique, qui est une étape...

Le président: Mark, si vous permettez, je pense, Sarkis, que vous confondez la société de recherche sismique, qui ne sera peut-être pas Shell...

M. Sarkis Assadourian: Mais Shell passera contrat avec une société de recherche sismique pour lui obtenir ces données.

Le président: C'est exact. Mais ce que dit Mark c'est qu'il y a des sociétés de recherche sismique qui font du travail non commandé et qui font ensuite le tour des entreprises pour essayer de vendre les résultats de leurs recherches.

M. Sarkis Assadourian: Les renseignements fournis par la société sont pour vous. Comment pourrais-je me lancer dans une guerre de surenchère si je ne dispose pas des mêmes renseignements que vous?

M. Peter Stoffer: Vous êtes indépendant.

M. Mark Butler: Je ne suis pas suffisamment au courant de la chose, mais vous avez peut-être acheté les mêmes renseignements ou bien fait faire un relevé l'année précédente. Votre géologue regardera peut-être les données pour ensuite vous dire que cela semble prometteur. Ou bien vous pourriez faire une offre au hasard. C'est vraiment...

Le président: C'est le propre des affaires.

Merci, Sarkis.

Il nous va falloir accélérer un petit peu les choses, sans quoi nous ne sortirons pas d'ici avant 7 heures du matin.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Merci.

Au cas où vous ne l'ayez pas encore deviné, je suis de Colombie-Britannique, et j'ai l'impression que nous allons nous lancer dans une grosse discussion au sujet des gisements marins de gaz et de pétrole de la côte Ouest.

J'ai trouvé votre exposé fascinant car beaucoup de choses qui se sont passées ici ne m'ont pas semblé s'appuyer sur ce que je considérerais comme étant les voies de droit régulières absolument essentielles dans la province que je connais le mieux. Y a-t-il eu beaucoup de discussions préalables ou bien vous rendez-vous compte maintenant seulement que vous n'êtes pas heureux du processus qui a été suivi?

M. Mark Butler: Si notre organisation avait suivi l'évolution de la situation de près, nous aurions par exemple examiné l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, qui est entré en vigueur en 1990, pour ensuite surveiller le processus d'octroi de licences. Nous aurions dû vérifier l'accord avant qu'il n'entre en vigueur, mais il n'était même pas sur notre radar. Nous ne nous sommes rendu compte du fait que la procédure d'octroi de licences était lancée que lorsqu'ils ont émis environ 18 licences en une seule et même ronde. C'était un petit peu comme une explosion, et c'est triste, mais lorsqu'il s'agit d'une chose qui est à 50 ou à 100 milles des côtes, les gens n'y prêtent pas attention. Notre prise de conscience—et les choses ont maintenant vraiment explosé—est venue lorsqu'ils ont émis ces licences pour les zones au large du Cap-Breton et que les gens ont commencé à se rendre compte qu'il y avait quelque chose là qui n'allait pas.

• 2125

Je pense que d'autres zones le long du littoral ont sans doute été désigées depuis la délivrance de ces licences pour zones côtières. Je présume que l'Office des hydrocarbures les a rejetées. Peut-être que non, mais je pense que l'Office sait maintenant que s'il octroyait une licence pour la baie Chédabouctou ou pour la baie St-Georges ou d'autres régions côtières des environs... Il pourrait émettre une licence pour St. Mark... Mais cela se trouverait en vérité sous la province, si c'était situé entre deux lignes de démarcation. Demain, vous pourriez ouvrir un journal et lire que la zone au large de Peggy's Cove va être offerte aux enchères. Vous pourriez faire beaucoup de bruit. Je suppose que nous étions dans une certaine mesure un peu endormis.

M. John Duncan: Pour enchaîner là-dessus, vous avez parlé de l'idée de discuter avec d'autres pays qui font des évaluations d'impact et de consulter... Vous avez mentionné la Norvège, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Avez-vous suffisamment étudié ces pays pour savoir lequel des trois vous privilégieriez par rapport aux deux autres?

M. Mark Butler: Eh bien, j'ai essayé d'appeler la Norwegian Fishermen's Association et j'ai discuté avec des chercheurs là-bas... Il y a en vérité eu une affaire devant les tribunaux au Royaume-Uni et qui a imposé des améliorations dans le processus il y a plusieurs années relativement à des zones sensibles. Il semble que les Norvégiens aient plus ou moins fait ce qu'il fallait. Je suis certain qu'ils ont amélioré leur processus au fil des ans, mais il semble qu'ils aient plus ou moins pris des mesures dès le début. L'autre grosse question, bien sûr, est celle de savoir comment tout cela cadre avec vos engagements de Kyoto, etc. Il semble qu'ils prêtent davantage d'attention à cela, également.

Le président: Merci, monsieur Duncan.

À qui nous adresserions-nous, monsieur Butler, pour obtenir ces renseignements sur les processus suivis en Norvège, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas? Disposez-vous de renseignements du genre?

M. Mark Butler: Oui, j'ai certains des sites web. Le président les a...

Le président: Dans ce cas, nous demanderons peut-être à Alan ou à quelqu'un d'autre de communiquer avec vous pour obtenir ces renseignements, car il serait certainement bon que nous les ayons. L'autre question que j'avais est la suivante: vous avez dit que vous vous étiez peut-être endormi au poste de commande, mais j'imagine que l'Ecology Action Centre ne roule pas sur l'or. Ce que je constate c'est que nombre de groupes comme le vôtre sont confrontés à d'assez gros joueurs, et votre capacité de recruter personnel et chercheurs est assez limitée. Pourriez-vous nous dire brièvement comment vous êtes financés et de quel personnel vous disposez?

M. Mark Butler: Notre financement de base provient de nos membres. Nous comptons environ 600 membres à l'échelle de la province. Nous menons bien sûr une lutte constante, car les cartes de membres expirent et les gens ne les font pas toujours renouveler. Puis nous avons, par exemple, un comité maritime, car quelques spécialistes des sciences de la mer se sont retrouvés ensemble et ont oeuvré à certaines propositions de financement, mais ils ne voulaient pas le poste. Alors c'est moi qui l'ai eu.

Nous obtenons notre financement de diverses sources... de certaines fondations. Parfois nous obtenons des stages par l'intermédiaire du ministère des Pêches et Océans. Nous offrons des possibilités pour de récents diplômés. Nombre d'entre eux passent ensuite à autre chose dans la poursuite de leur carrière. Certains d'entre eux font à l'heure actuelle de la recherche sur les coraux. Nous organisons des levées de fonds. Nous avons tenu un garden-party dimanche et nous avons ramassé 10 000 $ grâce à une vente aux enchères. Nous faisons différentes choses. Malheureusement, le travail que nous faisons relativement aux coraux de profondeur ne suscite pas beaucoup d'intérêt au Canada. L'intérêt nous vient d'ailleurs, des États-Unis. Nous obtenons des fonds du New England Aquarium, et je trouve qu'il est plutôt triste que... en tout cas.

• 2130

Le président: Je vous pose la question car j'ai pendant 11 ans dirigé une organisation qui comptait sur des contributions volontaires, et je sais à quel point ce travail peut être difficile, car vous consacrez le gros de votre temps à aller chercher de l'argent au lieu de vous occuper de vos réels objectifs. Ce n'est pas facile.

Je voulais tout simplement savoir.

Suzanne, aviez-vous des questions?

Mme Suzanne Tremblay: Eh bien, c'est sans doute une question un peu étrange.

[Français]

Oui, c'est une question tellement bizarre que j'ai commencé à parler en anglais.

Je me dis, quand je vois cela, que nous avons nos zones d'intérêt, nos zones de protection, nos zones de ceci, nos zones de cela, nos parcs, nos sites et lieux et monuments historiques. C'est comme s'il ne restait plus de place le long de la côte. C'est donc normal qu'on aille au large de la côte pour tenter de trouver des emplois pour l'avenir. Ne pensez-vous pas?

M. Mark Butler: J'ai eu envie de parler en français, mais je crois que je vais m'en tenir à l'anglais.

[Traduction]

Vous m'interrogez au sujet de la nécessité d'avoir des emplois et du fait que, peut-être qu'à cause de monuments historiques et de zones protégées, etc...? Non? Très bien. Pardon.

[Français]

Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît?

Mme Suzanne Tremblay: Ce que je disais, c'est qu'on a parlé, à différentes reprises, de zones de protection de toutes sortes le long des côtes. M. Leblanc se demandait même comment on ferait pour dédommager les pêcheurs qui ne pourraient plus aller pêcher, etc.

N'est-il pas un peu normal, en ce début de XXIe siècle, qu'on pense à assurer l'avenir des populations? S'il y a quelque chose qui s'offre au large des côtes, qu'on peut créer des jobs au large des côtes grâce à ce qu'on pourrait y trouver et qui pourrait être acheminé, soit au moyen de pipelines ou de je ne sais quoi d'autre, on pourrait peut-être croire que c'est un élément important pour l'avenir du pays. Non? Si c'est fait dans le respect de tout, ce qui arrive n'est peut-être pas mauvais.

[Traduction]

M. Mark Butler: J'imagine que George Bush est sans doute en train de pousser les États-Unis à ouvrir des zones pour leur propre approvisionnement. Ce que nous avons trouvé profondément troublant dans toute cette approche, bien sûr, est qu'il ne semble y avoir aucune tentative de conserver les combustibles fossiles avant d'aller ouvrir toutes ces zones. Je soulignerai ceci: nous avons ouvert toutes ces zones, non pas... oui, il y a des avantages économiques, mais ce n'est pas comme si nous étions en train de nous geler dans le noir. Soyons clairs là-dessus, tout d'abord. Le but, ici, est d'exporter cela le plus rapidement possible aux États-Unis. Peut-être que lorsque nous n'aurons plus du tout de combustibles fossiles, ils voudront ouvrir leurs zones, et ils pourront alors nous vendre à leur tour.

D'autre part, nous faisons...

Le président: Au moins eux ils nous le feraient payer. Nous, nous leur donnons presque notre produit.

M. Mark Butler: Il y a également la question des ressources renouvelables versus les ressources non renouvelables. Il y aura toujours du poisson ici si nous nous occupons de notre planète, tandis qu'il n'y aura pas toujours du pétrole et du gaz naturel. Une dernière chose que j'aimerais dire, dans une perspective écologique, est que beaucoup d'argent versé par les contribuables a été consacré au développement de cette industrie. Ce développement n'est pas venu parce qu'une société s'est présentée et a dit...

On y a consacré beaucoup d'argent des contribuables, et cela dure depuis longtemps, et nous aimerions maintenant voir l'argent des contribuables investi dans l'élaboration de systèmes d'éoliennes, de systèmes solaires, afin que nous ayons une source énergétique qui nous dure pour toujours et pas... Que cela vous plaise ou non de l'entendre, on parle ici de l'industrie du charbon de demain. Cela ne va pas durer à jamais, et si nous nous habituons trop aux redevances, alors lorsque ce sera fini... peut-être que certains d'entre nous ne serons alors plus de ce monde à ce moment-là.

Le président: Merci, Mark, et madame Tremblay.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup.

C'est un exemple formidable de ce que peut faire avec un budget très restreint un groupe formidable de Nouvelle-Écosse qui a une histoire formidable. Mark Butler et l'EAC font la une, qu'il s'agisse de pesticides sur le gazon, de l'environnement marin, des coraux, des poissons, ou autre. Ils sont vraiment sur la ligne de front pour obtenir... Et je pense que c'est tout à leur honneur qu'ils aient pu mettre sur la table des thèmes de rechange.

• 2135

Le témoin a dit quelque chose de très vrai. Je pense que c'est ainsi que tout est arrivé. Ce que je vais dire pourra être réfuté par quiconque, sans problème, mais je pense que ce qui est arrivé est que le secteur pétrolier et gazier s'est montré, et dans les années 70 et 80 beaucoup d'argent provenant des contribuables a été utilisé pour financer cette industrie. Puis les gouvernements provinciaux et fédéral, désespérés, se sont dit: il va falloir que nous fassions quelque chose. Tout d'un coup, ces industries sont arrivées et ont dit: faites-nous confiance et nous nous en chargerons, et c'est ainsi qu'a été créé l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

Le président: Avez-vous une question, Peter?

M. Peter Stoffer: Il va y en avoir.

Tout d'un coup, c'est l'explosion.

Mark, je ne pense pas que vous vous soyez endormi aux commandes. Je pense que vous êtes un Canadien moyen qui fait confiance à son gouvernement pour protéger et préserver notre habitat naturel, pour nous tous. Tout d'un coup, sans que vous ne l'ayez vu venir et sans qu'aucun d'entre nous ne l'ait vu venir, toutes ces réserves de pétrole et de gaz naturel sont là et on est en train de distribuer des licences.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que ceci a une durée de vie de 20, 30 ou peut-être 40 ans, et que cela pourrait mais ne pourrait pas endommager nos stocks de poissons.

Je sais que vous avez dit que ces messieurs ont dit que c'était une industrie débutante et que le gouvernement a réagi en disant: «Oh, nous ne voulons pas fâcher ces types-là; nous ferions mieux d'être gentils avec eux et de les garder autour». Mais pourquoi pensez-vous qu'ils ont tant voulu faire des courbettes à ces boîtes alors que le gaz et que le pétrole n'allaient pas s'en aller? Et maintenant le texan toxique aux États-Unis est en train de dire: nous allons tout ouvrir ici alors laissez donc faire.

Bien franchement, pourquoi pensez-vous que les gouvernements fédéral et provinciaux se soient littéralement couchés par terre pour se laisser écraser par eux pendant qu'ils expropriaient nos ressources sans consultation réelle aucune?

Le président: Y a-t-il une question quelque part là-dedans?

M. Peter Stoffer: Il a dit qu'il ne pouvait pas donner de réponse à Tom, mais j'aimerais vraiment qu'il dise pourquoi il pense...

Le président: Monsieur Butler, allez-y.

M. Peter Stoffer: Pourquoi le leur donnons-nous?

M. Mark Butler: Beaucoup de gens disent que les grosses compagnies de pêche étaient de gros joueurs. Les sociétés pétrolières sont arrivées dans la province, et elles sont des joueurs encore plus gros. Elles ont une sacrée force de frappe économique. Vous avez un gouvernement provincial qui se trouve dans une situation financière difficile, mais je pense qu'il voit les redevances comme une sortie de secours. Cela fait un peu peur. D'après ce que je peux voir, c'est la province qui est en train de s'exciter au sujet du pétrole et du gaz naturel. Le gouvernement fédéral a un peu plus de perspective.

Si les habitants de cette province et de la région de l'Atlantique décident d'aller de l'avant avec le pétrole et le gaz, il y a moyen de le faire d'une façon qui montre du respect envers les autres industries, envers l'environnement et envers soi-même, et qui fasse preuve de plus de prudence, de soin et de vision à long terme.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Butler.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Plusieurs choses, Mark. Nous avons déjà eu cette discussion.

Pour apporter quelques corrections à ce que vous avez dit, l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers a été pour la première fois signé en 1984, mais il a été resigné en 1986 et en 1990. En 1990, ils se sont pour la première fois penchés sur un accord de production.

Vous soulevez ici plusieurs questions qui doivent être posées, mais je pense qu'il incombe maintenant au comité de faire sortir l'autre côté de l'histoire, de savoir exactement de quelle façon les concessions sont accordées, car, à mon sens en tout cas, il y a eu dans le cadre de cette discussion plus de questions posées que de réponses fournies.

J'aimerais vous poser une question au sujet des concessions. Je ne sais pas plus que vous comment tout cela a commencé, mais dans le cas des concessions minières, vous pouvez demander un titre de concession pour un lopin de terre et faire votre évaluation environnementale une fois terminé votre travail de prospection et une fois lancée votre production. Vous faites le travail de prospection; vous prouvez qu'il se trouve là quelque chose d'exploitable, un minéral, par exemple; et vous faites votre évaluation environnementale avant l'étape de l'exploitation. Je ne sais pas si les choses se passent de la même façon pour les gisements marins, mais il nous faut manifestement nous renseigner.

• 2140

L'autre chose est qu'il y a là beaucoup de blocs de territoire. Je pense que c'est M. Stoffer qui a dit qu'il y avait 5,7 millions d'hectares. À notre connaissance—et je pense que vous pourriez avoir la réponse—combien de puits ont été forés au large des côtes et quels changements y a-t-il eu côté technologie de forage?

Je pense qu'il est important qu'un comité chargé d'examiner le poisson comprenne la situation. Il fallait autrefois 14 mois pour forer un puits. Aujourd'hui, cela ne demande que 90 jours et l'on peut parfois en forer en moins de temps encore que cela. La technologie a changé et, bien franchement, la technologie est meilleure, plus sûre et plus propre que jamais auparavant. Mais combien de puits ont été forés—puits de prospection et puits de production?

M. Mark Butler: Au cours des 30 dernières années, si vous regardez la carte de la Plate-forme Scotian, par exemple, il y en a eu beaucoup. Je ne connais pas le chiffre exact, mais il y en a sans doute eu plus de 30 au cours de 30 dernières années.

Il y a deux ou trois pontons d'exploitation d'installés. La plate-forme de Copan, qui a vu le jour au milieu des années 80, n'est plus en production. La plate-forme de Sable a commencé et il est question de commencer avec la plate-forme de Deep Panuke, qui sera un autre puits de production.

Et, pour corriger ce que vous avez dit, il y a eu des licences, mais non pas des baux.

M. Gerald Keddy: Oui, du côté de l'exploration.

M. Mark Butler: Pour ce qui est de la date, je ne sais pas pourquoi c'est l'année 1990 qui me vient à l'esprit, mais je vérifierai et je vous reviendrai là-dessus.

M. Gerald Keddy: L'autre question que vous avez mentionnée est celle des baleines. Il a beaucoup été question des baleines dans le contexte des activités en mer, et l'Ecology Action Centre en a certainement beaucoup fait état. Mais d'après ce qu'ont dit toutes les personnes avec qui j'en ai parlé et d'après tout ce que j'ai pu moi-même constater, le forage lui-même n'a pas d'incidence sur les baleines. En fait, cela ne les ennuie pas du tout. D'ailleurs, s'il est quelque chose, c'est peut-être que le bruit les attire. En tout cas, en ce qui concerne les puits les plus éloignés, ceux qui ont été forés dans la Plate-forme Scotian, les rorquals à bosse avaient l'habitude de venir se coucher à côté de la plate-forme et de se frotter contre la sondeuse pendant qu'elle forait.

M. Mark Butler: Il faut faire une distinction entre la prospection sismique et le forage.

M. Gerald Keddy: Je parle du forage.

M. Mark Butler: Oui, d'accord.

M. Gerald Keddy: Je ne sais pas ce que la prospection sismique...

M. Mark Butler: Lorsque je me promène dans le port là-bas, je vois beaucoup de canards noirs près des points de rejet d'égout. Le simple fait que quelque chose soit là...

M. Gerald Keddy: Je ne suis pas très bien votre analogie.

M. Mark Butler: Tout ce que je dis c'est que le fait qu'un animal soit attiré par une activité humaine ne veut pas forcément dire que cette activité est bonne pour lui.

M. Gerald Keddy: Ce n'est pas ce que je disais. Je dis tout simplement que...

M. Mark Butler: Très rapidement, sur ce point, parlant de reconnaissance sismique, on me dit qu'il y a deux études australiennes, financées par des sociétés pétrolières, qui montrent qu'en fait les baleines à fanons cherchent davantage à éviter les activités de prospection sismique que les baleines à dents.

Ils ont également fait des études portant sur le poisson. Plus on fait des études sur l'incidence de ces activités, mieux c'est et plus on voit d'incidences. Ces études ont révélé que les poissons situés dans un rayon de moins de deux kilomètres subissent peut-être des dommages au niveau de l'ouïe, ce qui serait très préoccupant, car jusqu'ici, on a pensé que les seules conséquences physiques des travaux de reconnaissance sismique se limitaient aux oeufs et aux alevins situés à l'intérieur d'un périmètre de cinq ou six mètres. Ces études laissent donc entendre qu'il pourrait y avoir des dommages physiques à de plus grandes distances des navires de reconnaissance sismique qui envoient...

M. Tom Wappel: Monsieur le président, j'aimerais un éclaircissement: lorsque vous parlez de reconnaissance sismique, parlez-vous de sonar?

M. Mark Butler: Eh bien, ce que l'on utilise pour la reconnaissance sismique est en fait un sonar extrêmement puissant.

M. Tom Wappel: La U.S. Navy a découvert que les sous-marins qui utilisent le sonar abîment sérieusement les oreilles des baleines.

M. Mark Butler: Oui, il y a eu un incident aux États-Unis: ils utilisaient une certaine technologie et ils ont par la suite trouvé échouées sur la plage des baleines souffrant de...

M. Tom Wappel: Mais ils en ont accepté la responsabilité. Ils vérifiaient tout simplement...

M. Mark Butler: Oui.

Les navires de pêche ont des sonars—par exemple, leur sonar à balayage latéral pour dessiner le fond marin. Mais ces ondes pénètrent deux à trois kilomètres de profondeur dans la croûte terrestre, alors c'est un bruit assez fort.

Encore une fois, je ne suis pas expert, et il s'agit bien sûr d'une chose qu'il est difficile d'étudier, car peut-on demander à un rorqual si son ouïe a été abîmée? Vous ne pouvez pas courir après eux pour les interroger. Cette étude est l'une des premières portant là-dessus.

Le président: Très bien. Merci. C'est tout, Gerald.

Mark, auriez-vous quelques dernières remarques à faire? Vous avez dit que l'étude a été faite en Australie. Serait-il possible pour nous de...

M. Mark Butler: Bien sûr. Je peux vous donner des copies des deux.

• 2145

Le président: Merci beaucoup, Mark. Je sais qu'il y a encore beaucoup de choses dont on pourrait discuter ensemble, mais il commence à se faire tard, et Peter aura encore un ou deux discours à faire, j'en suis sûr.

Il nous reste à entendre deux témoins. Je les inviterai à venir s'asseoir à la table ensemble. Nous les entendrons à tour de rôle après quoi nous pourrons poser des questions aux deux, si vous le voulez bien.

Accueillons donc tout d'abord, du Sierra Club du Canada, Helen Lofgren, qui est présidente du Northeast Regional Conservation Committee et coordonnatrice des dossiers en matière de gisements de pétrole marins et côtiers.

Je demanderai également aux représentantes de l'université Dalhousie, Joanne Weiss et Susan Gass, de venir s'asseoir à la table.

Nous allons donc commencer par Mme Lofgren, du Sierra Club.

Mme Helen Lofgren: Merci.

J'aimerais dire que je représente moi aussi un groupe sérieusement sous-financé et que je suis ici en tant que bénévole. Plus je fais ce genre de chose, plus je suis sensibilisée à la nécessité pour moi de continuer de faire ce travail et plus je donne de mon temps—même si les causes auxquelles je le consacre sont des plus louables—pour comparaître devant des personnes qui gagnent bien leur vie à m'écouter. Non seulement mon organisation est très sérieusement sous-financée, mais elle est également tout à fait dépendante à l'égard du travail de bénévoles, travail qui demande beaucoup de connaissances, de compétences et de temps.

J'ai apporté ces cartes mais j'espère que vous vous en procurerez vous-mêmes. Elles viennent de l'Office des hydrocarbures extracôtiers, et vous pourrez donc en obtenir auprès de lui. Il en existe également des petites, que chacun d'entre vous devrait avoir. J'ai également apporté la première dont j'aie pris connaissance et qui remonte à juillet 1998, et la plus récente, datant de décembre 2000, pour vous montrer à quelle vitesse les parcelles sont offertes aux enchères. Les parcelles en rouge sont celles qui sont offertes aux enchères et les autres parcelles colorées correspondent aux différentes sociétés pétrolières, et la légende figure en bas. Il y a une légère différence, un léger changement dans les codes couleurs, mais c'est presque la même chose. La partie à échelle agrandie montre la région de Sable Gully.

Au début des années 90, la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique a établi qu'il importe d'adhérer au principe de prudence et de suivre l'approche basée sur les écosystèmes pour protéger les écosystèmes marins du monde, qui sont assiégés depuis 50 ans. Cela a été suivi par l'élaboration de la Loi sur les océans du Canada, loi qui dit qu'une approche basée sur la prévention et sur les écosystèmes doit être suivie si les données scientifiques sont incertaines ou ne prouvent pas l'innocuité du développement industriel pour l'écosystème marin.

Dans le sud du Golfe Saint-Laurent, où l'industrie pétrolière est sur le point d'entamer de l'exploration sismique, il n'y a eu aucune évaluation environnementale approfondie. Où est la prévention si des activités pétrolières d'envergure sont entreprises sans évaluation appropriée préalable? Nos gouvernements ne violent-ils pas la Loi sur les océans du Canada en autorisant, sans mesures de précaution, le lancement d'activités d'exploration?

Les 1 000 milles carrés du sud du Golfe se trouvent au beau milieu des zones de frai, des zones d'alevinage et des voies de migration du homard, du hareng, du crabe des neiges, du maquereau, du thon, du saumon de l'Atlantique et des poissons de fond commerciaux en voie de rétablissement, et il s'agit d'une des pêcheries intérieures multi-espèces les plus productives de la côte Est.

La parcelle un, sur la côte Ouest du Cap-Breton, que l'on voit en gris là-haut, est habitée par des baleines et des dauphins en abondance et est appelée la porte au sud du Golfe. Des travaux scientifiques entrepris ailleurs montrent que les explosions sismiques tuent les juvéniles et les alevins et perturbent les poissons de fond adultes dans leur migration. Le MPO sait que les poissons juvéniles restent dans le sud du Golfe et ne migrent pas avec les adultes. Ils y restent toute l'année. L'année suivante, une nouvelle génération de juvéniles éclôt et le processus recommence.

• 2150

Il n'y a aucune période sans risque pour entreprendre des explosions sismiques dans le sud du Golfe. Il a déjà été démontré que les sondages sismiques déroutent les adultes, qui iront peut-être pondre dans un habitat non propice à la survie des juvéniles. En plus des effets directs des explosions, l'on dispose de preuves abondantes que les oeufs et les juvéniles sont extrêmement susceptibles aux effets néfastes de la pollution et de la contamination de quelque sorte que ce soit.

David Lincoln, de la Gloucester-Massachusetts Fisherman's Family Association, et ancien géologue pétrolier ayant longtemps travaillé pour l'industrie, rapporte qu'il est impossible de faire de l'exploitation pétrolière sans fuites et sans ne serait-ce que de petits déversements. Il dit que c'est un fait bien connu dans l'industrie et que c'est aussi un secret bien gardé. Il se passe chaque jour dans le monde des déversements et des fuites à incidence grave dont très peu sont rapportés.

Comment le MPO peut-il penser que le sud du Golfe sera seul à l'abri de ces événements routiniers? Il n'y a pas dans le sud du Golfe de courant vers le large; il n'y a que les marées. Toute contamination y demeurera par conséquent et aboutira sur les terres, au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et en Gaspésie.

Il est impératif que soient mises en oeuvre les dispositions de la Loi sur les océans en matière de principe de prévention, d'approche basée sur les écosystèmes et de gestion intégrée tenant compte des pêcheries, des localités côtières, des intérêts des Premières nations et autres.

Dans le cadre de l'actuel système, des parcelles sont secrètement désignées en vue d'appels d'offres par des sociétés pétrolières. L'Office des hydrocarbures extracôtiers autorise les soumissions pendant six mois et les licences sont souvent accordées pour presque rien par rapport aux profits pouvant revenir aux actionnaires.

Partout dans le monde, le processus d'octroi de licences d'exploitation pétrolière est en train de changer. En Norvège, les zones sont fermées et hors jeu en attendant d'être ouvertes par une loi du Parlement suite à une évaluation environnementale exhaustive. Au Royaume-Uni, les zones sensibles ont été identifiées et sont exclues du processus d'appel d'offres. La plupart des régions côtières américaines sont visées par un moratoire.

Le Canada, quant à lui, semble faire marche arrière. Il est temps que le Canada change.

Le Sierra Club du Canada demande que toutes les licences actuelles pour la côte du Cap-Breton soient tout de suite retirées, en commençant par la parcelle un accordée à Corridor Resources et par Sydney Bight, cédée à la Hunt Oil Company, et qu'aucune nouvelle licence ne soit octroyée.

Nous demandons qu'une évaluation environnementale indépendante exhaustive soit entreprise par un panel d'examen indépendant pour toute l'exploration côtière autour de l'île du Cap-Breton et le reste de la Nouvelle-Écosse, comme cela a été fait dans le cas du Banc Georges.

Nous demandons qu'il y ait un minimum de trois panélistes ayant une formation en biologie marine et des fonds et du temps suffisants pour entreprendre une évaluation exhaustive. C'est une entreprise trop vaste et trop sérieuse pour être confiée à une seule personne, quelles que soient ses capacités, étant donné surtout que la panéliste désignée a un doctorat non pas en sciences marines mais en éducation pour adultes.

• 2155

Il serait peut-être opportun d'inclure cette personne parmi les panélistes, mais il ne serait pas acceptable qu'elle soit seule responsable de la sous-traitance scientifique, ce qui est tout à fait autre chose.

Dans le pire scénario, si les sociétés pétrolières et gazières sont autorisées à aller de l'avant, d'ici 20 ans il n'y aura plus de pétrole et de gaz naturel et il n'y aura plus de poisson. Dans le scénario inverse, si pêcheurs, Premières nations, environnementalistes et citoyens intéressés font erreur en exerçant l'approche prudente, dans 20 ans, le pétrole et le gaz seront toujours là, plus précieux que jamais, et une pêcherie côtière saine et viable sera toujours là elle aussi.

Il faut espérer que d'ici là les zones sensibles auront été identifiées et les poissons protégés pour nos enfants et pour les enfants de nos enfants. Il est à espérer que d'ici là nous aurons fait de réels progrès en matière de conservation d'énergie et de réduction des contributions humaines au réchauffement de la planète ainsi que d'importants progrès vers une transition à des sources énergétiques durables non fossiles.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Lofgren.

Nous réserverons nos questions en attendant que l'autre témoin fasse sa présentation. Pour votre gouverne, nous tâcherons d'obtenir des copies des cartes. Nous nous sommes déjà occupés de les commander.

Joanne, je pense que c'est vous qui allez nous faire l'exposé. Bienvenue. C'est formidable de voir des personnes de votre jeune âge ici.

Mme Joanne Weiss (étudiante de troisième cycle, université Dalhousie): En fait, nous allons nous partager l'exposé.

Le président: Très bien. Allez-y.

Mme Joanne Weiss: Je m'appelle Joanne Weiss. Je fais beaucoup de recherches sur les zones maritimes protégées à la School of Resource and Environmental Studies de l'université Dalhousie. J'ai fait...

Le président: Je vous demanderai de ralentir un petit peu. Les interprètes ont eu une longue journée. Claudia peut aller vite, mais pas si vite que cela.

Mme Joanne Weiss: Très bien.

J'ai fait beaucoup de recherches dans des zones de protection marine et sur diverses approches en matière de conservation du milieu marin. Susan a fait beaucoup de recherches sur la conservation et la protection des coraux de profondeur.

Je commencerai par dire que les zones de protection marine ne sont pas le seul moyen de protéger les environnements océaniques, mais que nous nous attarderons particulièrement sur l'élaboration des ZPM en vertu de la Loi sur les océans.

Encore une fois, nous nous intéressons à la conservation des espèces et des habitats marins. Nous nous intéressons à l'établissement au Canada de ZPM, à leur développement et aux progrès enregistrés sur ce plan. Nous convenons qu'il est un besoin urgent d'agir rapidement pour identifier et protéger les environnements, les espèces et les habitats marins.

Vu les nombreuses licences ou concessions pétrolières et gazières et les nombreux permis de pêche qui sont en train d'être délivrés à un rythme très rapide dans la région de l'Atlantique, nous pensons que la Loi sur les océans offre un potentiel intéressant et est un pas dans la bonne direction. Cependant, si les choses évoluent à leur rythme actuel, il ne restera plus rien à protéger dans les océans canadiens.

Nous sommes donc venues ici pour vous saisir de nos inquiétudes quant aux progrès en matière de conservation maritime en vertu de la Loi sur les océans. Nous allons notamment parler des progrès réalisés à ce jour au Canada grâce aux zones de protection marine, de la nécessité qu'il y ait une collaboration entre les différents intervenants, du besoin de tirer au clair les termes employés dans la Loi sur les océans et des perspectives futures en matière de détermination de ZPM au Canada.

En ce qui concerne les progrès réalisés à ce jour... Certains d'entre vous ont dit craindre que la protection assurée dans les océans canadiens soit trop grande. Je ne pense pas que quiconque devrait s'en inquiéter, car à ce jour il n'y a eu que très peu de mesures de protection visant les océans canadiens. Depuis l'adoption de la Loi sur les océans, il n'y a eu qu'un seul site, qui fait peut-être la taille de cette salle, et qui s'appelle Race Rocks, qui a été protégé en vertu de la Loi sur les océans.

Les progrès ont été extrêmement lents. Les formalités juridiques continuent de poser problème. Des endroits comme Sable Gully, dont on a fait mention, devraient déjà être protégés. L'on devrait déjà être en train de faire des recherches sur de nouveaux sites.

• 2200

Il y a eu beaucoup de définitions en matière de zones de protection marine. En ce qui concerne les ZPM, ce que j'ai compris c'est que toutes les activités néfastes devraient être gérées dans les zones sensibles. Partant, l'océan tout entier devrait être une zone de protection marine, si c'est là la définition de ce qu'est une ZPM. J'estime qu'une zone de protection marine ne correspond pas forcément à la gestion d'activités néfastes en zone sensible. Je pense qu'une zone de protection marine est une zone qui devrait être réservée pour la recherche et servir de thermomètre pour les océans canadiens.

L'une des recommandations que nous allons faire est que le MPO prévoie un échéancier pour la désignation de zones de protection marine, car dans le contexte actuel, les progrès sont lents et le processus lui-même est trop lent. Le MPO devrait reconnaître qu'il s'agit d'un processus très long et mettre en place certaines mesures de protection provisoires qui devraient être intégrées à la loi. Le MPO devrait également publier un guide pour les ONG, les chercheurs et les groupes communautaires quant à la marche à suivre pour la désignation, car tout cela est à l'heure actuelle très confus et très flou.

Un grand nombre des plans que le MPO a couchés sur papier doivent être mis en pratique. Vous pouvez avoir toute une bibliothèque de merveilleux et passionnants travaux de planification, mais il faut que ceux-ci soient concrétisés. J'aimerais insister sur l'aspect temporel.

Je vais maintenant parler de la collaboration. Les articles 29, 31 et 33 visent à favoriser la collaboration entre ministères, conseils, organismes et gouvernements provinciaux. Le MPO devrait montrer la voie, collaborer et faciliter la détermination de ZPM.

Il y a eu un peu de travail du genre le long de la côte Pacifique, où le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont mis au point une stratégie pour le développement des zones de protection marine. Par contre, le long de la côte Atlantique, cela demeure un défi. Il n'y a aucune collaboration entre Parcs Canada, le MPO et Environnement Canada quant à l'élaboration d'un plan, d'une stratégie d'ensemble, visant l'établissement de zones de protection marine. À l'heure actuelle, le MPO fait plus ou moins cavalier seul dans sa lutte en faveur de zones de protection marine. Il faudra s'attaquer à ce problème.

Comme je l'ai dit, il n'y a ici en Nouvelle-Écosse aucune participation provinciale. Il semble que la province soit davantage intéressée par le développement économique, et il y a eu très peu de reconnaissance du rôle des groupes communautaires et des ONG dans la désignation de ZPM. Encore une fois, donc, la loi fait la promotion de la collaboration, mais il n'y a pas eu grand-chose dans la pratique. Je tiens donc à souligner la nécessité d'une stratégie visant des zones de protection marine le long de la côte Atlantique.

J'ai constaté aujourd'hui beaucoup de confusion entre les efforts de Parcs Canada, les efforts d'Environnement Canada et les efforts du MPO en matière de conservation marine. Il importe donc d'insister sur la nécessité pour le MPO de coordonner et de mener une stratégie en matière de ZPM pour la côte Atlantique.

Une autre recommandation est que le MPO joue un plus grand rôle de leader étant donné que cela s'inscrit dans son mandat. À mon avis, la conservation maritime n'a pas été sa priorité et il faudrait qu'elle le devienne.

Autre chose encore: cela fait environ huit mois que je suis ici en Nouvelle-Écosse et que j'étudie le développement de ZPM, et c'est ce soir que j'en ai le plus appris au sujet de l'initiative du MPO. J'insisterais donc sur l'importance de la communication de cette initiative en matière de conservation marine au public, aux universitaires et aux ONG, qui se consacrent en vérité au même objectif.

Le président: Merci, Joanne.

Passons maintenant à Susan.

Avez-vous obtenu copie du mémoire du MPO lorsqu'il a été distribué?

Mme Joanne Weiss: Oui.

Le président: Susan.

Mme Susan Gass (étudiante du troisième cycle, université Dalhousie): Merci de nous avoir casés dans votre horaire à la toute dernière minute aujourd'hui.

Je vais vous parler un petit peu des termes employés dans la loi et plus particulièrement dans les articles traitant des zones de protection marine.

Premièrement, le préambule de la Loi sur les océans dit, et je cite: «Le Canada estime que la conservation, selon la méthode des écosystèmes, présente une importance fondamentale pour la sauvegarde de la diversité biologique». L'expression «méthode des écosystèmes» n'est pas bien définie et l'on ne sait pas très bien comment le ministre compte utiliser cette approche pour protéger l'environnement marin.

• 2205

Deuxièmement, on lit, à l'article 30 de la loi, que la stratégie nationale repose sur le principe de la prévention. Le principe de la prévention est défini dans la loi comme étant le fait de pécher par excès de prudence, ce qui me semble être une définition très vague.

Par conséquent, bien que ce concept soit excellent en théorie, et que ce soit formidable qu'il figure en tant que principe fondamental dans la loi, ce que nous voulons savoir c'est s'il va être appliqué dans la pratique? Où a-t-il été appliqué? Il importe de définir plus clairement le terme et de prévoir des lignes directrices expliquant quand et comment le MPO appliquera ce concept.

Par exemple, s'il avait été appliqué par le passé, nous aurions sans doute déjà vu à ce stade-ci des zones de protection marine. Une interprétation possible serait que les mesures de protection soient mises en oeuvre même dans les cas où l'on ne dispose pas de suffisamment de données pour juger du statut d'une espèce ou d'un habitat en attendant que d'autres informations soient fournies. Par conséquent, bien qu'il soit important d'appuyer la conservation sur une solide base scientifique, vous pourriez interpréter le principe de prévention comme un mécanisme vous permettant d'assurer une protection avant de disposer de toutes les données nécessaires.

Un exemple concret serait le cas des coraux de profondeur, dont on sait qu'ils sont une espèce sensible qui offre des habitats aux poissons, et notamment aux poissons pêchés commercialement, ainsi qu'aux invertébrés. Nous n'avons pas une connaissance approfondie de leur distribution et de leur abondance relative au large de la côte Atlantique du Canada, mais certains sites coralliens ont été identifiés. En vertu du principe de prévention, donc, l'on pourrait supposer que certaines de ces régions pourraient être protégées en attendant de disposer de plus de données.

Je reformulerai nos recommandations concernant l'approche fondée sur la prévention. Elle devrait être plus clairement définie dans la partie définitions et le MPO devrait expliquer quand et comment il prévoit utiliser cette approche.

À l'article 35 de la loi, on décrit quatre principales raisons pour lesquelles des zones de protection marine peuvent être désignées et, en ce qui concerne les alinéas b), c) et d), il y a plusieurs termes qui devraient selon nous être plus clairement définis.

Premièrement, on dit qu'une zone de protection marine peut être créée aux fins de la conservation et de la protection des espèces en voie de disparition et des espèces menacées et de leur habitat. Mais on ne décrit nulle part ce qu'est une espèce en voie de disparition ou menacée, ni qui tranchera, ni ce qu'il conviendra de faire si l'on ne dispose pas de suffisamment de renseignements pour déterminer si une espèce est en danger ou menacée.

Deuxièmement, il y a la question des habitats uniques. Encore une fois, cette expression peut être interprétée de diverses façons. Qu'est-ce donc qu'un habitat unique et en vertu de quels critères une zone relève-t-elle de cette catégorie?

Enfin, il y a les zones marines riches en biodiversité ou en productivité biologique. Comment cela est-il défini? La biodiversité renvoie-t-elle à la diversité d'une espèce génétique ou à un chiffre de population ou à l'ensemble? Que veut dire «riches en»? S'agit-il d'une zone qui affiche des statistiques élevées comparativement aux autres régions du Canada ou bien compare-t-on une biodiversité élevée à, mettons, la biodiversité de zones marines tropicales?

Enfin, j'aimerais dire quelques mots au sujet des perspectives futures pour les zones de protection marine. Nous aimerions voir un maintien de la coopération entre chercheurs, industries, ONG, universitaires et groupes communautaires. Je pense que cet aspect est tout particulièrement important dans le cas du pétrole et du gaz naturel. J'aimerais également insister sur quelque chose que Mark Butler a mentionné, soit qu'il n'y a pas de lignes directrices quant au plan final pour les zones de protection marine de la Plate-forme Scotian.

En conclusion, il y a encore une chose qui me préoccupe: en vertu de la Loi sur les océans, le MPO est censé être un leader devant faciliter la conservation marine. Il a été dit plus tôt que le MPO a un rôle de conseiller auprès de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, et je suis tout simplement curieuse: si le MPO conseille l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers quant à l'identification des zones importantes pour le poisson, comment se fait-il que toute la Plate-forme Scotian, y compris la région importante au large du Cap-Breton, une zone de pêche très saine et très durable, ait été offerte en concession aux sociétés pétrolières et gazières?

• 2210

Y a-t-il une personne dont le travail est de donner ces conseils? Combien de temps consacre-t-elle à cela?

Voilà. Merci.

Le président: Bonne question. Il aurait mieux valu que les représentants du MPO comparaissent après, car nous aurions eu un certain nombre de questions plutôt ardues pour Faith. Il nous faudra peut-être vous réinviter à Ottawa, Faith, on ne sait jamais.

Merci beaucoup à vous trois pour le travail que vous avez consacré à la préparation de vos exposés et merci d'être venues nous les présenter. Nous vous en sommes reconnaissants et nous apprécions beaucoup que vous soyez restées jusqu'à cette heure tardive.

Nous allons commencer par M. Duncan.

M. John Duncan: J'aimerais commencer par soulever ce qui me semble être une question technique.

Lors de l'exposé qui nous a été fait par nos invitées de l'université Dalhousie, j'ai entendu dire qu'il n'y a qu'une seule zone de protection marine qui soit protégée par la loi. Les cheminées des grands fonds au large de la côte de la Colombie-Britannique ne sont-elles pas elles aussi un site protégé dans le cadre des ZPM? Il me semble que oui.

Mme Joanne Weiss: Elles le sont maintenant? Ont-elles été récemment protégées? J'ai fait certaines études là-dessus, et c'est le seul cas dont j'ai entendu parler pour ce qui est de la côte Ouest.

M. John Duncan: Je suis presque certain. Il vaudrait donc la peine...

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président, le parc de la Colombie-Britannique, c'est comme le parc du Saguenay. Ce n'est pas un parc reconnu en vertu de la Loi sur les océans; c'est une loi particulière qui l'a identifié.

[Traduction]

Mme Joanne Weiss: La seule chose que je peux dire c'est que je ne sais pas si le MPO...

Le président: Excusez-moi, je vois des gens du ministère des Pêches qui sont en train de dire oui de la tête à Suzanne. Nous entreprendrons de vérifier, John.

M. John Duncan: D'accord.

Le président: Il semble que vos renseignements sont justes.

Joanne.

Mme Joanne Weiss: D'après ce que j'ai compris, il n'y en a qu'un qui relève de la Loi sur les océans...

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Pour celui du Québec, c'est une loi particulière.

[Traduction]

Le président: Très bien. Ça va.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Pour le parc du Québec, c'est une loi particulière. Quand on l'a créée, quand on l'a adoptée, je sais qu'il était question du parc de la Colombie-Britannique. Le Parti réformiste, à l'époque, avait voté contre parce que ses représentants avaient peur qu'on fasse la même chose pour eux, mais c'était censé le reconnaître selon le même principe. Mais celui du Québec, c'est une loi tout à fait particulière qui le reconnaît.

[Traduction]

M. John Duncan: Je vais laisser cela de côté.

J'ai une question portant sur une recommandation faite, je pense, par Joanne, voulant que le MPO joue davantage un rôle de leader en ce qui concerne les ZPM. Nous avons entendu lors de la comparution des représentants du MPO plus tôt dans la journée qu'il ne semble pas qu'il y ait beaucoup d'intérêt en ce sens dans les autres services du ministère fédéral. Il faudra peut-être que le comité fasse une très ferme recommandation en ce sens.

Je vais vous donner un exemple. Le comité a demandé d'examiner, dans le cadre de son mandat, le projet de loi dont la Chambre est présentement saisie relativement aux zones de conservation maritime du ministère du Patrimoine, et notre demande a été refusée. Le comité des pêches et des océans s'est ainsi fait plus ou moins dire que cela ne relève pas de son mandat.

J'aimerais que les choses soient claires. Est-ce vraiment là ce que vous recommandiez? Je ne voudrais pas vous attribuer des propos que vous n'avez pas tenus. Recommandez-vous que le MPO montre la voie quant à la détermination des zones de protection marine devant être confiées au gouvernement national?

Mme Joanne Weiss: J'ai essayé de dire que le MPO a un rôle de leader à jouer en vertu de cette loi en tant que coordonnateur des efforts en matière de conservation marine. Je pense qu'il faudrait faire la promotion des travaux de Parcs Canada, d'Environnement Canada et de tous les autres intervenants volontaires dans la protection des zones marines.

• 2215

Si la Loi sur les océans va autoriser le ministre à coordonner les zones de protection marine, alors ce rôle de leadership doit être pris très au sérieux. Il doit y avoir davantage de concentration sur ce leadership; le MPO devrait se lever et dire que son mandat est de coordonner les zones de protection marine et qu'il va procéder de telle ou telle façon pour mettre ensemble tous les morceaux. Les gens n'auraient alors plus à se demander quels textes de loi protègent quoi et comment Parcs Canada distingue les différents éléments entre eux.

Il lui faut jouer un rôle de leader en faisant le tri de tout cela est en réunissant tous les éléments dans un ensemble, afin de pouvoir dire voici comment la conservation maritime va fonctionner au Canada et voici quels sont les principaux intervenants.

M. John Duncan: Merci. Cela tire parfaitement au clair ce que vous disiez. Formidable.

J'ai une autre question. La question des champs de compétence n'est pas abordée dans vos recommandations; or, elle est au coeur même de la réussite ou de l'échec de nombreuses initiatives en matière de zones de protection marine.

Prenons un exemple: l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers travaille dans le contexte d'un processus décisionnel conjoint du gouvernement fédéral et de la province, alors que les zones de protection marine relèvent essentiellement d'une initiative fédérale. L'incitation pour la province à participer à la conservation marine est bien sûr inférieure à son incitation à participer à l'Office des hydrocarbures extracôtiers, du simple fait qu'elle ne soit pas un joueur à part entière.

Cela vous a-t-il préoccupé lors de vos délibérations, et auriez-vous une recommandation à faire à cet égard?

Mme Joanne Weiss: En ce qui concerne les champs de compétence, je ne suis pas très au courant de la situation ici en Nouvelle-Écosse, car je me suis surtout penchée sur des comparaisons entre la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse.

Je sais qu'en Colombie-Britannique, la province a définitivement revendiqué davantage de responsabilités en ce qui concerne l'environnement marin, élargissant ses pouvoirs juridictionnels et s'en servant pour protéger certains environnements océaniques. Je ne sais pas très bien quel rôle joue le gouvernement de la Nouvelle-Écosse dans la province. Je sais qu'il a certains droits en matière de redevances pour le pétrole et le gaz naturel, mais je n'ai pas encore tiré au clair toutes les questions de juridiction ici, et je ne peux donc pas me prononcer là-dessus.

M. John Duncan: Vous conviendrez sans doute qu'il faudrait que la province soit davantage incitée à devenir un partenaire à part entière dans la protection marine.

Mme Joanne Weiss: Je pense que la province a des responsabilités quant à la protection de l'environnement marin qui relève d'elle. Elle le nie peut-être, mais elle a bel et bien certaines responsabilités en matière de conservation marine. Nous avons déjà eu cette discussion, il me semble, mais...

M. John Duncan: Et j'ai parlé d'incitation. Je suis d'accord...

Mme Joanne Weiss: Oui, il faudrait qu'il y ait davantage d'incitation.

M. John Duncan: ... pour dire que la province a des responsabilités.

Le président: Merci Joanne et John.

Madame Tremblay, qui sera suivie de M. LeBlanc.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: D'abord, j'ai une toute petite question. Je voudrais savoir où se trouve Race Rocks.

[Traduction]

Mme Joanne Weiss: À l'extrémité sud de l'île de Vancouver, et c'était avant sa désignation en tant que réserve écologique de la province.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Bon. D'accord.

Je voudrais poser une question à la dame de Sierra. J'ai aimé les trois exposés qui, naturellement, étaient très intéressants. On a beaucoup de choses à apprendre. Cependant, vous dites au début de votre exposé que vous avez l'impression que le gouvernement canadien, nos gouvernements et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ont eux-mêmes, d'une certaine façon, violé la Loi sur les océans en allouant des permis de forage ou d'exploration sur les côtes. Est-ce que vous le pensez vraiment?

• 2220

[Traduction]

Mme Helen Lofgren: Oui, je le pense, parce que l'évaluation environnementale n'a pas eu lieu et parce que de réels dommages ont été infligés à la pêcherie, et cela va se poursuivre. Je sais de bonne source—en ayant discuté avec David Lincoln, que j'ai mentionné—qu'il y a toujours des fuites et des déversements. La logique nous dit qu'il ne peut pas en être autrement. Que les désastres soient sur une petite échelle ou une grande échelle, désastres il y aura, et je pense que cela constitue une violation de la Loi sur les océans.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Y a-t-il des recherches auxquelles vous pouvez nous référer pour appuyer ce que vous dites, c'est-à-dire qu'il y a toujours eu des fuites, etc.? Est-ce que vous avez des recherches auxquelles vous pourriez nous référer?

[Traduction]

Mme Helen Lofgren: Ces connaissances me viennent de mes communications personnelles avec David Lincoln. Nous avons tous deux fait une présentation conjointe pour le Sierra Club et la Gloucester Fishermen's Family Association à Gloucester, dans le Massachusetts, en septembre, lors de l'énorme ouragan d'il y a quelques années, et c'est à ce moment-là que j'ai appris ces choses de lui. Je pourrais certainement mettre le comité en relation avec lui et j'espère bien que nous aurons le plaisir de l'entendre parler de l'exploration pétrolière le long des côtes et en pleine mer dans cette région. Il est une très précieuse ressource.

Le président: Merci, madame Tremblay.

Monsieur LeBlanc.

M. Dominic LeBlanc: Merci, monsieur le président.

Je remercie le Sierra Club de son exposé et je remercie tout particulièrement Joanne et Susan. Je trouve que c'est formidable que des étudiants du troisième cycle à Dalhousie aient pris l'initiative de préparer un exposé, même s'il leur a fallu attendre jusqu'à tard ce soir, mardi, pour nous en faire part. Vous méritez d'être félicitées, c'était une bonne présentation. Je conviens avec mon collègue, M. Duncan, que les recommandations sont intéressantes. Je vous tire mon chapeau pour l'initiative dont vous avez fait preuve.

J'ai une petite question rapide. Joanne, au tout début, à la première page de votre déclaration, vos recommandations renvoient au long processus de désignation légale. Si, comme vous le dites, il y a une bataille qui dure depuis 1997, cela commence certainement à être long. Vous parlez de mesures de protection temporaires. Quel genre de mesures envisageriez-vous et comment fonctionneraient-elles? Quelles suggestions feriez-vous si le ministre vous demandait quelles mesures temporaires seraient à votre avis utiles?

Mme Joanne Weiss: Il existe diverses mesures temporaires, comme par exemple la fermeture de pêcheries, qui pourraient être appliquées à cette région. Par exemple, dans le Gully, on pourrait imposer un moratoire sur la prospection pétrolière et gazière. Je pense que dans certaines régions, lorsqu'il y a des espèces menacées, l'on peut carrément fermer la pêche. Voilà des exemples que j'ai en tête. Il y a sans doute encore plus de mesures pouvant être appliquées en vertu de la Loi sur les pêches. Je pense que ces mesures pourraient être énumérées dans la Loi sur les océans en tant que mesures de protection temporaires ou provisoires.

Mme Susan Gass: L'autre concept encore plus simple serait d'avoir une fermeture volontaire: le ministère des Pêches et Océans annoncerait que la zone est importante et qu'elle figure sur la liste de celles devant être protégées et demanderait aux usagers de l'industrie de ne pas pénétrer dans la zone dans l'intervalle. Une chose qui pourrait vraiment être utile dans le cadre d'une telle initiative serait de faire figurer la zone sur une carte nautique.

Le président: Merci, monsieur LeBlanc.

• 2225

Monsieur Stoffer. Je suis surpris que vous ayez une question.

M. Peter Stoffer: Je sais, c'est choquant—et ce ne sera pas une déclaration, mais bien une question.

Partout où nous allons, lorsque nous parlons de la gestion des pêcheries, le MPO nous dit toujours qu'il fonctionne selon le principe de la prévention. Croyez-vous cela?

Mme Helen Lofgren: Non.

Mme Susan Gass: Non.

Mme Joanne Weiss: Non.

M. Peter Stoffer: Cela fait trois «non» aux fins du procès-verbal.

Je lis ceci dans la documentation de Mark Butler:

    En mai 2001, il n'y avait encore eu aucune consultation publique ni stratégie.

Il parlait là de la Loi sur les océans—c'était en janvier 1998. Et d'un bout à l'autre de son document, Faith Scattolon parle de la consultation avec divers groupes, groupes autochtones, groupes des Premières nations, groupes communautaires, autres ministères, etc. Or, dans votre mémoire, madame Weiss, vous dites, à la page 3:

    il y a eu très peu d'efforts visant à coordonner les efforts en matière de ZPM en Nouvelle-Écosse. L'alinéa 33a) dit que le ministre «coopère avec d'autres ministres et organismes fédéraux, [...] organisations [...]». Or, en Nouvelle-Écosse, il y a peu de coopération et de collaboration entre organismes gouvernementaux (p. ex., entre Parcs Canada, Environnement Canada et le MPO).

Les propos de Faith semblent aller à l'encontre de ce que vous avez déclaré. Pourriez-vous nous expliquer la contradiction? Elle semble dire qu'il y a beaucoup de consultations et de collaboration relativement à diverses choses, qu'il s'agisse d'East Chezzetcook, du Golfe Saint-Laurent, ou autre. Vous semblez dire, et Mark semble dire, qu'il se fait très peu, voire pas du tout, de collaboration ou de consultation.

Mme Joanne Weiss: Parcs Canada et le MPO sont de bons exemples. J'ai discuté avec Parcs Canada de son plan. Le ministère a élaboré un plan pour la représentation des écorégions au Canada. Il a publié des documents et élaboré des initiatives visant à identifier des zones de conservation marine nationales, alors j'ai supposé qu'il avait collaboré avec le MPO dans le cadre de cette stratégie visant les zones de protection marine. Mais lorsque j'ai tenté de tirer au clair leurs responsabilités ici en Nouvelle-Écosse, certains des principaux intervenants qui sont ou qui seraient responsables de la conservation maritime dans la province ont dit qu'ils n'avaient en gros participé à aucun projet. Ils n'ont donc pas participé ni avec le MPO ni avec Parcs Canada, et ce dernier a également dit qu'il y avait eu peu de collaboration, parce qu'il ne poursuivait à l'heure actuelle aucune de ces initiatives en matière de conservation marine. D'après ce que j'ai compris, donc, il y a très peu de collaboration entre eux.

M. Peter Stoffer: Dernière question: si vous siégiez au comité et si vous pouviez faire une recommandation claire et nette au ministre, laquelle serait-elle? Vous avez entendu ici ce soir les témoignages de tous les autres intervenants. Que recommanderiez-vous au ministre en vue de la protection de l'habitat qui existe en Nouvelle-Écosse?

Mme Susan Gass: J'aurais une très courte recommandation à faire, m'appuyant sur le principe de la prévention, et ce serait ceci: accélérez le processus.

Le président: Madame Lofgren.

Mme Helen Lofgren: Je dirais: révoquez toutes les licences et faites des évaluations environnementales dans les règles, avec un panel constitué comme il se doit; faites en sorte que ces évaluations soient très approfondies, puis revoyez la procédure d'octroi de licences.

M. Peter Stoffer: Une licence devrait donc s'appuyer sur une évaluation environnementale préalable.

Mme Helen Lofgren: Absolument.

Le président: Merci beaucoup, madame Lofgren.

Monsieur Keddy, ce sera maintenant à vous, suivi de M. Lunney, et ce sera tout. Il se fait tard.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

• 2230

J'aimerais tout d'abord remercier les témoins d'être venus. Deuxièmement, je veux parler d'une question dont nous avons déjà traitée. Nous soulevons plus de questions que nous n'obtenons de réponses. J'aimerais faire une recommandation à vous et au greffier: il nous faut intégrer les gens dans une juridiction établie. La juridiction n'est pas établie et les choses ne sont pas claires. Je pense qu'il faudra notamment examiner l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures côtiers et en quoi cet accord crée certaines des difficultés juridictionnelles auxquelles nous sommes confrontés.

Un certain nombre de questions me préoccupent. Premièrement, le Canada est-il en violation de la Loi sur les océans? Je pense que cette question a déjà été soulevée, mais elle est importante et il nous faut nous y pencher. En même temps, il y a des activités en cours, et je ne pense pas que nous puissions ignorer, nier, nous leurrer ou essayer de faire semblant que cela ne va pas arriver, à la manière des partisans du luddisme. Il nous faut donc trouver moyen de travailler avec l'environnement et avec l'industrie.

Il a été dit que les explosions sismiques ne sont jamais sûres. Eh bien, comment faites-vous si cela vous est interdit? Le terme «explosion sismique» est très dur, et il y a beaucoup d'études que les membres du comité que cela intéresse pourraient lire pour savoir ce que font les explosions sismiques, quelles superficies elles touchent et à quel point elles bouleversent les habitudes des poissons.

Madame Lofgren, vous avez dit qu'il n'existe pas de plate-forme sûre, de plate-forme qui ne va pas déverser dans l'océan des polluants d'un genre ou d'un autre. Bien franchement, il me semble que si c'était vrai, les entreprises seraient fermées. L'industrie a beaucoup changé, mais j'y ai travaillé pendant huit ans et je peux vous dire qu'il existe toutes sortes de plates-formes sûres et toutes sortes de plates-formes qui ne déversent pas de contaminants dans l'océan. J'ignore où votre expert américain a obtenu ses renseignements, mais j'ai déjà travaillé sur des plates-formes, 24 heures par jour. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'erreurs, mais si ces choses vont se faire, comment faire en sort que cela fonctionne?

Je suggérerai—et j'ai déjà suggéré cela aux sociétés pétrolières, mais cela n'a rien donné, alors je vais vous le suggérer à vous—que nous mettions des contrôleurs à bord des chalutiers étrangers, à bord des plates-formes, et le gouvernement pourrait faire intervenir quelqu'un du MPO. J'entends beaucoup parler de cela entre le MPO et Environnement Canada, mais les gens que nous avons sont les gens du MPO, et il y a beaucoup de très bons éléments—je m'oppose à certains des commentaires qui ont déjà été faits—il y a beaucoup de très bons éléments au MPO. Ce sont les seules personnes que nous ayons sur la ligne de front. La très grande majorité d'entre elles font leur travail, mais comme c'est le cas de tout groupe ou de toute industrie, il y en a certaines qui ne font pas leur travail. Cela apaiserait-il certaines de vos craintes s'il y avait en place un système de surveillance qui serait tenu de rendre des comptes?

Le président: C'est là votre question?

M. Gerald Keddy: Oui. Merci.

Le président: Vous êtes manifestement assis trop près de Peter. Vous avez tendance à vous emporter.

Mme Helen Lofgren: Cette question s'adressait-elle à moi?

M. Gerald Keddy: Oui.

Mme Helen Lofgren: Je suppose que si nous avions des contrôleurs impartiaux qui ne seraient pas des représentants de l'industrie, nous pourrions en savoir plus. Si ces personnes ne devaient rendre compte d'aucune façon à l'industrie, nous en saurions peut-être davantage au sujet de ce qui s'y passe véritablement. Je suis heureux que vous vous soyez déclaré comme faisant partie de l'industrie.

M. Gerald Keddy: Je ne fais pas partie de l'industrie; je suis un politicien.

Mme Helen Lofgren: Eh bien, vous avez dit travailler dans l'industrie.

M. Gerald Keddy: De 1980 à 1988.

Mme Helen Lofgren: Merci. Je suis heureuse de savoir cela.

J'aimerais vous répéter que j'apprécierais beaucoup que le comité invite Dave Lincoln, qui a 20 années ou plus d'expérience dans l'industrie en tant que géologue pétrolier. Il saura mieux répondre aux questions que moi. D'après lui, il est impossible de faire du forage et de la production sans fuites. Je sais que toutes sortes de matériels et de dispositifs ont été améliorés au fil des ans, mais il ne faut pas oublier que nous allons plus loin et à de plus grandes profondeurs et ce dans des circonstances beaucoup plus dangereuses, et des accidents arrivent tout le temps. Vous dites que l'exploitation du pétrole est là pour de bon, mais mois je vous répondrai ceci: regardons du côté de la réduction de notre consommation d'énergie; regardons du côté d'énergies renouvelables de rechange.

• 2235

M. Gerald Keddy: C'est une donnée. Que diriez-vous de l'idée d'envoyer quelqu'un du MPO à bord de chaque plate-forme qui sort en mer; on y affecterait un contrôleur qui serait là 24 heures sur 24, et qui serait relevé aux deux semaines, et qui pourrait surveiller la situation dont vous parlez? Vous dites qu'il y a des contaminants qui s'écoulent de la plate-forme ou des fuites au niveau de la tige de forage. Tout cela peut être vérifié. Ce n'est pas très scientifique. La méthodologie à employer est très simple.

Mme Helen Lofgren: Toutes ces choses peuvent être vérifiées et observées et sans doute qu'on pourrait apporter beaucoup d'améliorations, mais je ne pense pas qu'on puisse éliminer le problème. Il y aura toujours des accidents.

J'ai comparu lors des audiences sur le gazoduc de Sable. J'ai été là presque chaque jour pendant toute la durée des audiences et j'ai entendu des gens parler de choses comme le nombre d'accidents qui étaient survenus en l'espace de X années. Cela va arriver. Il y a le phénomène du changement climatique et le temps va devenir de plus en plus imprévisible. Il serait insensé de penser que certaines de ces choses ne vont pas arriver.

Mme Susan Gass: Je pourrais peut-être intervenir là-dessus également. Au lieu d'avoir des contrôleurs, je verrais une solution qui me semble meilleure et qui interviendrait plus tôt dans le processus. Cela a déjà été dit: identifier les zones sensibles sur le plancher océanique d'abord, puis éviter tout simplement ces zones. Si donc vous avec une plate-forme et qu'il y a un problème, alors au moins la zone touchée est moins sensible. Cela peut être fait à la manière du processus norvégien. Ce processus leur permet d'éviter toutes les zones sensibles car il leur faut faire cet examen exhaustif...

M. Gerald Keddy: Ma question...

Le président: Merci beaucoup, Susan.

Monsieur Keddy, 20 secondes, et ce sera tout. Je vous donne le micro.

M. Gerald Keddy: Très sérieusement, j'imagine que cela sera fait. D'une façon ou d'une autre, nous examinerons les règlements, et nous les mettrons en place; nous allons assortir la Loi sur les océans de règles et de règlements. Ce que je me demande, c'est ceci: comment continuez-vous de surveiller le processus après cela? Ce n'est pas la solution magique ici, cela fait tout simplement partie d'un processus.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Keddy.

Monsieur Lunney, dernière question.

M. James Lunney: Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais moi aussi exprimer ma reconnaissance aux témoins d'être venues ici et d'être restées si tard.

Vous soulevez de très bonnes questions auxquelles il nous faudra donner suite. Vous avez parlé de certains très bons termes employés dans la loi... le principe de la prévention, la méthode des écosystèmes... les régions riches en biodiversité, sans vraiment expliquer ce que cela signifie, ni comment appliquer les dispositions.

Vous avez bien sûr également fait des remarques très pertinentes sur le fait qu'il y ait d'autres intervenants, comme par exemple les chercheurs universitaires. Il y a d'autres yeux, d'autres oreilles, d'autres intervenants qui pourraient nous éclairer quant aux zones à forte biodiversité et d'intérêt particulier.

J'aimerais vous interroger au sujet des coraux. Lorsqu'on parle coraux, on pense à la Grande Barrière de corail en Australie, aux Bahamas et dans d'autres endroits du genre, mais on ne pense pas beaucoup aux coraux dans le contexte du Canada. Pourriez-vous nous parler brièvement de votre expérience relativement aux coraux de profondeur et s'il existe beaucoup de ces zones, etc.?

Mme Susan Gass: Il se trouve des coraux de profondeur partout dans le monde. Les plus fortes concentrations se trouvent au large des côtes de la Norvège. Le Canada a des coraux au large de deux de nos côtes, soit la côte Atlantique et la côte Pacifique, mais nous ne savons encore rien de l'Arctique.

Selon certains rapports, beaucoup de dommages ont été causés aux coraux—et je ne sais pas si ma langue ne va pas fourcher avec ces dates—dans les années 60 et 70, lorsqu'il se faisait beaucoup de pêche au chalut. Nous ne savons pas combien de coraux ont résisté et quelles zones ont été endommagées, mais une étude a été faite en 1997 par Heather Breeze pour l'Ecology Action Centre. Cette étude s'est appuyée sur les connaissances des pêcheurs locaux pour établir une carte des zones habitées par des coraux. Il serait peut-être intéressant pour vous de voir cette étude.

M. James Lunney: Merci.

Le président: En fait, nous avons entendu un témoin à... c'était où, Peter?

M. Peter Stoffer: Eastern Passage.

Le président: Peter pourra vous donner le nom, James. Elle a fait une présentation très intéressante sur les coraux et elle en avait beaucoup avec elle.

Joanne, vouliez-vous ajouter quelque chose?

• 2240

Mme Joanne Weiss: En fait, nous sommes en train de préparer une proposition en vue de la protection du site à Eastern Passage dont vous parliez, avec le groupe que vous venez de mentionner.

Le président: Très bien. Merci. C'est un renseignement utile.

J'ai une dernière question, Helen.

Dans votre exposé, dans le paragraphe du milieu, vous parlez de la nécessité d'avoir trois panélistes ayant des antécédents en biologie marine. Vous dites qu'il serait peut-être approprié d'inclure une certaine femme parmi les panélistes. Parlez-vous de l'actuelle présidente de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse...

Mme Helen Lofgren: Oui.

J'ai dit qu'idéalement, les trois devraient avoir une formation dans le domaine. Mais pour être juste envers elle—car d'après ce que j'ai compris, elle est très capable—il serait peut-être acceptable que siège au panel une personne qui a des antécédents autres. Je pense néanmoins qu'il faudrait que la majorité ait des antécédents en biologie marine. Mes propos ne visaient pas cette femme personnellement, c'est...

Le président: Non. Je voulais tout simplement tirer au clair ce que vous avez voulu dire.

Mme Helen Lofgren: Oui.

Le président: Très bien.

Merci beaucoup à vous trois pour vos exposés.

Chers collègues, la journée a été plutôt longue, et je tiens à vous faire savoir qu'il nous faut nous retrouver demain matin à 7 heures dans l'entrée, frais et dispos, avec nos valises, et prêts à partir.

Merci au personnel, qui a lui aussi eu une longue journée. Merci de votre aide.

La séance est levée.

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