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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


Témoignages du comité

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 31 janvier 2002






¿ 0905
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         Mme Elizabeth McIsaac (directrice, Maytree Foundation)

¿ 0910
V         Le président
V         Mme Kemi Jacobs (présidente, Conseil canadien pour les réfugiés)
V         Mme Janet Dench (directrice exécutive, Conseil canadien pour les réfugiés)

¿ 0915
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas

¿ 0920
V         Le président

¿ 0925
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. David Matas
V         Mme Janet Dench
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Ratna Omidvar (directrice exécutive, Maytree Foundation)

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Janet Dench
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.)
V         M. David Matas
V         M. Steve Mahoney
V         M. David Matas

¿ 0935
V         M. Steve Mahoney
V         M. David Matas
V         M. Steve Mahoney
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. Steve Mahoney
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         M. Steve Mahoney
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         M. Steve Mahoney
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         M. Steve Mahoney
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         M. Steve Mahoney
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         Le président
V         M. David Matas

¿ 0940
V         Le président
V         Mme Kemi Jacobs
V         M. David Matas
V         Mme Ratna Omidvar
V         Le président
V         M. Steve Mahoney
V         Mme Kemi Jacobs
V         Mme Janet Dench
V         Le président
V         M. Inky Mark (Dauphin--Swan River, PC/RD)

¿ 0945
V         Le président
V         M. Inky Mark
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         Mme Janet Dench

¿ 0950
V         M. Inky Mark
V         Le président
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         Le président
V         Mme Ratna Omidvar
V         Le président
V         Mme Ratna Omidvar
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         M. David Matas
V         Mme Judy Wasylycia-Leis

¿ 0955
V         M. David Matas
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         M. David Matas
V         Mme Kemi Jacobs
V         Le président
V         Mme Janet Dench
V         Le président
V         Ms. Wasylycia-Leis

À 1000
V         Mme Ratna Omidvar
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Janet Dench
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

À 1005
V         M. David Matas
V         Mme Janet Dench

À 1010
V         Le président
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis

À 1015
V         Mme Janet Dench
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         Ms. Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)

À 1020
V         M. David Matas
V         Ms. Neville
V         M. David Matas

À 1025
V         Le président
V         Mme Janet Dench
V         Le président
V         Mme Kemi Jacobs
V         Le président
V          Mme Kemi Jacobs
V         Le président
V         Mme Janet Dench
V         Mme Ratna Omidvar
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich

À 1030
V         M. David Matas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. David Matas
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Ratna Omidvar
V         Le président
V         Mme Ratna Omidvar
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Ms. Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. David Matas

À 1035
V         Le président

À 1040
V         Le président

À 1045
V         M. Benjamin J. Trister (président, Section nationale du droit de la citoyenneté et de l'immigration, Association du Barreau canadien)
V         M. Gordon H. Maynard (trésorier, Section nationale du droit de la citoyenneté et de l'immigration, Association du barreau canadien)

À 1050

À 1055
V         Le président

Á 1100
V         Me Noël St-Pierre (avocat, Barreau du Québec)

Á 1105
V         Le président
V         Me Patrice Brunet (avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration)

Á 1110
V          Me David Chalk (avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration)

Á 1115

Á 1120
V         Le président

Á 1157
V         Le président
V         M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne)

 1200
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre
V         Le président
V         M. Patrice Brunet
V         Le président
V         M. Benjamin Trister

 1205
V         Le président
V          Me Noël St-Pierre
V         Le président
V         M. David Chalk

 1210
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.)

 1215
V         M. Benjamin Trister
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. David Chalk

 1220
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Me David Chalk

 1225
V         Me Noël St-Pierre
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Me Noël St-Pierre
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Me Patrice Brunet
V         Mme Dalphond-Guiral
V         Me Patrice Brunet

 1230
V         Me Noël St-Pierre
V         Mme Dalphond-Guiral
V         Me Noël St-Pierre
V         Me Patrice Brunet
V         Le président
V         Me Patrice Brunet
V         Le président
V         M. Patrice Brunet
V         Le président
V         M. Mark Assad (Gatineau, Lib.)

 1235
V         Le président
V         M. Benjamin Trister

 1240
V         Le président
V         M. Patrice Brunet

 1245
V         M. Benjamin Trister
V         M. David Chalk
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre

 1250
V         Le président
V          Me Noël St-Pierre
V         Le président






CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

Témoignages du comité

Le jeudi 31 janvier 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour chers collègues et chers invités. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue au comité chargé d'étudier et de réviser le règlement. Je tiens à vous remercier dès le départ d'avoir pris le temps d'être ici et d'avoir pris la peine de lire ce règlement, car ce n'est pas un travail facile.

    Voici la façon dont nous procédons. Nous avons réuni trois groupes au cours de notre première séance, et vous pourrez prendre au moins 7 à 10 minutes chacun, pas nécessairement pour lire votre mémoire—car nous l'avons fait ou nous le ferons—mais nous aimerions beaucoup que vous nous parliez davantage de vos recommandations et des raisons pour lesquelles vous les formulez, afin que nous ayons aussi l'occasion de vous poser des questions.

    Donc, je souhaite la bienvenue à la Maytree Foundation, représentée par Elizabeth McIsaac et Ratna Omidvar; au Conseil canadien des réfugiés, représenté par Kemi Jacobs et Janet Dench; et à David Matas de B'nai B'rith Canada. Merci à tous, je crois que nous nous sommes rencontrés lors d'une séance précédente portant sur le projet de loi C-11, et je tiens à nouveau à vous remercier de vos commentaires à ce sujet.

    Nous arrivons maintenant à la partie difficile. Les difficultés surgissent toujours des menus détails. Je pense que vous nous avez indiqué dès le départ qu'il était important d'examiner le règlement, et nous sommes reconnaissants au ministre et au gouvernement de nous avoir donné l'occasion de vous en parler.

    Nous allons commencer par la Maytree Foundation.

    Elizabeth.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac (directrice, Maytree Foundation): Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité.

    La Maytree Foundation est un organisme caritatif établi à Toronto. Notre programme à l'intention des réfugiés et des immigrants vise entre autres à réduire ou à éliminer les retards dans le processus d'établissement des réfugiés qui se trouvent dans un vide juridique et d'aider les nouveaux arrivants à trouver un emploi convenable en demandant la reconnaissance équitable des compétences, des études et de l'expérience qu'ils amènent avec eux.

    À titre de fondation privée, Maytree s'engage à trouver des solutions pratiques à ses objectifs. Mes commentaires aujourd'hui mettront l'accent sur les dispositions du règlement qui se rattachent directement à ces objectifs.

    Nos propositions partent du principe selon lequel le Canada, à titre de signataire de la convention de 1951 sur le statut des réfugiés, a l'obligation de se conformer tant à l'esprit qu'à la lettre du droit international. En fait, la loi énonce au paragraphe 3(2) que la conformité au droit international est en fait un objectif de la loi. À cet égard, il existe trois dispositions particulières de la convention de 1951 avec lesquelles la loi et le règlement ne sont toujours pas conformes. Il s'agit de l'article 25, qui prévoit une aide administrative aux réfugiés; de l'article 27, qui prévoit la délivrance de pièces d'identité aux réfugiés qui ne possèdent pas de titre de voyage valable; et de l'article 28, qui prévoit l'obligation de délivrer des titres de voyage aux réfugiés, surtout à ceux qui ne sont pas en mesure d'en obtenir de leur propre pays.

    Le moyen le plus simple pour le Canada de s'acquitter de ces obligations et ainsi de régler le problème des réfugiés qui se trouvent dans un vide juridique au Canada est de leur accorder le statut de résident permanent dès la reconnaissance de leur statut par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En fait, la nouvelle loi et son règlement ont permis de donner suite efficacement à la préoccupation concernant l'établissement de réfugiés en raison des questions de sécurité. Il existe maintenant un processus préliminaire de contrôle sécuritaire qui permet de déterminer les personnes susceptibles de représenter une menace pour la sécurité canadienne avant qu'elles soient même reconnues comme réfugiées.

    Il faudrait au moins que tous les réfugiés se voient accorder des titres de voyage et des pièces d'identité une fois la décision rendue par la Commission, comme nous sommes explicitement obligés de le faire en vertu de la convention de 1951. Cependant, ce changement ne réglera pas la situation des milliers de réfugiés au sens de la Convention qui se trouvent dans un vide juridique aujourd'hui. Ces personnes font face à d'importants obstacles pour ce qui est de poursuivre leurs vies au Canada. Sans statut de résident permanent, ils sont incapables de voyager à l'étranger, de parrainer la venue au Canada de membres de leur famille, ils n'ont pas accès à des prêts pour faire des études postsecondaires et connaissent souvent des difficultés à obtenir un emploi convenable. Les réfugiés qui se trouvent dans ce vide juridique sont également privés de la possibilité de se faire entendre dans le cadre de notre système démocratique.

    Le règlement prévoit l'octroi du statut de résident permanent aux personnes protégées. Cependant, dans le cas des réfugiés sans papiers d'identité satisfaisants, des dispositions supplémentaires ont été appliquées—vous pouvez consulter à cet égard l'article 171.

    Ici encore, dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié, la commission effectue une enquête approfondie sur l'identité. Cela rend l'exigence relative aux pièces d'identité lourde et redondante. De plus, selon le common law, l'usage veut que l'on reconnaisse les déclarations sous serment comme étant vraies et que le fait d'exiger d'autres déclarations solennelles en plus de la déclaration sous serment du demandeur est redondant.

    Dans le cas de fausse représentation ou d'abus du système, il ne faut pas oublier que la nouvelle loi confère effectivement au ministre le pouvoir de retirer à une personne son statut de résident permanent dans le cadre d'un processus ne comportant qu'une seule étape. Donc, en fait, il ne s'agit pas d'un statut vraiment permanent. Par conséquent, j'encourage le comité à recommander que l'on élimine les déclarations solennelles supplémentaires au-delà de celles fournies par le demandeur, comme l'exige le paragraphe 171(1).

    La catégorie des personnes protégées se trouvant au Canada sans pièces d'identité, auparavant la catégorie des réfugiés au sens de la Convention se trouvant au Canada sans pièces d'identité, est la deuxième disposition du règlement qui traite de l'établissement de personnes protégées sans papiers. Cependant, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux ressortissants de la Somalie et de l'Afghanistan. Le programme impose une période d'attente de trois ans aux membres de la catégorie qui font une demande d'établissement.

    Une évaluation du programme de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention se trouvant au Canada sans pièces d'identité, présentée au ministère l'été dernier, a conclu très clairement que la période d'attente ne présentait aucun avantage supplémentaire. Selon le rapport, il semblerait que la période d'attente ne fait qu'imposer des obstacles bureaucratiques supplémentaires à une petite partie de la population de réfugiés au sens de la Convention. Cela nous amène à nous demander pourquoi le règlement proposé suite à cette évaluation conserverait ce programme. C'est pourquoi nous considérons qu'il faudrait éliminer la nouvelle catégorie des personnes protégées se trouvant au Canada sans pièces d'identité.

    Si l'on accorde le poids et la reconnaissance appropriés à la déclaration sous serment fournie par le demandeur et à la reconnaissance du processus de détermination en vigueur à la commission, cette catégorie n'est pas nécessaire. Cependant, si cette catégorie est maintenue, il faudrait éliminer la période d'attente. De même, il faudrait supprimer toute annexe de pays admissibles afin que le programme soit offert à toutes les personnes protégées sans pièces d'identité, compte tenu de la situation particulière des réfugiés, qui par définition n'ont pas accès aux services de leur pays d'origine. Je tiens toutefois à souligner que ces modifications ne nous permettraient pas de respecter nos obligations en vertu de la convention de 1951.

¿  +-(0910)  

    Enfin, et il ne faudrait pour ce faire qu'une modification très simple au règlement, nous avons recommandé que si la catégorie des personnes protégées se trouvant au Canada sans pièces d'identité est maintenue, le programme devrait être modifié afin d'inclure le traitement concurrent de membres de la famille se trouvant outre-mer, afin que la période de séparation de la famille puisse être le plus possible réduite.

    La deuxième partie de mes commentaires concerne la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés. Nos principales préoccupations concernant le règlement pour ce qui est de cette catégorie se situent à un niveau fondamental. Des critères de sélection ont été élaborés en fonction de certaines hypothèses à propos du rendement économique des immigrants qualifiés—à savoir que la raison pour laquelle le rendement économique des immigrants qualifiés s'est détérioré au cours des dix dernières années, c'est parce que nous n'avons pas choisi les bonnes personnes. Nous sommes convaincus qu'il ne s'agit pas d'un problème de sélection mais plutôt d'établissement.

    Il y a des lacunes importantes dans l'information, l'évaluation, la transition et l'intégration des immigrants qualifiés de la part de tous les intervenants concernés. Ni la loi, ni le projet de règlement ne traitent de cette question. Il est maintenant temps d'adopter une démarche basée sur des systèmes coordonnés pour traiter de cette question, afin que les immigrants puissent s'établir plus efficacement de manière à ce que le public canadien soit mieux servi.

    Enfin, l'accent mis sur les études postsecondaires, et le poids disproportionné donné aux études universitaires par rapport à la formation appliquée exercent une discrimination contre les gens de métier. À cet égard, nous vous encourageons à tenir compte de l'ampleur des besoins du marché du travail au Canada et des objectifs plus généraux de l'immigration, à savoir déterminer les candidats qui deviendront de bons Canadiens. Nous vous encourageons à examiner le système de points proposé en conséquence.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci Elizabeth pour un très bon mémoire qui renferme énormément d'excellentes propositions. De toute évidence vous avez fait vos devoirs par le passé et maintenant aussi.

    Nous allons maintenant passer au Conseil canadien pour les réfugiés. Qui va faire l'exposé? Kemi ou Janet? Kemi.

+-

    Mme Kemi Jacobs (présidente, Conseil canadien pour les réfugiés): Je tiens à vous remercier de cette occasion de vous parler du projet de règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[Français]

    Le Conseil canadien pour les réfugiés vous remercie de cette occasion de vous parler de ces règlements.

[Traduction]

    En guise d'introduction, permettez-moi de vous dire que le Conseil canadien pour les réfugiés est un organisme cadre formé de plus de 170 organisations membres dans tout le pays. Notre mission est double: protéger les droits des réfugiés au Canada et partout dans le monde et promouvoir l'établissement des réfugiés et des immigrants au Canada.

    Comme vous le savez, le règlement proposé porte sur une vaste gamme de questions. Dans son étude l'année dernière du projet de loi C-11, le comité a affirmé l'importance du règlement qui, compte tenu de la structure de la loi, comprend de nombreuses règles qui détermineront effectivement la façon dont les gens seront traités dans le cadre des processus d'immigration et de détermination du statut de réfugié. C'est pourquoi nous sommes heureux d'apprendre que le comité aura un mois de plus pour étudier le règlement. Il est important qu'en cette période critique on approndisse davantage les répercussions du règlement sur les réfugiés, car bien que le système de points soit important, il est loin de représenter le seul aspect contesté du règlement.

    Nous constatons que le projet de règlement renferme aussi inévitablement un certain nombre d'erreurs et de mesures qui auront des conséquences non intentionnelles. Nos organisations membres qui travaillent de façon quotidienne avec des personnes qui passent par ce système ne connaissent que trop bien les répercussions douloureuses de règles qui ont été adoptées sans qu'on en ait examiné soigneusement les conséquences. C'est pourquoi nous encourageons le comité à réclamer un examen approfondi du règlement et à apporter tous les changements nécessaires pour s'assurer que personne ne soit pénalisée involontairement.

+-

    Mme Janet Dench (directrice exécutive, Conseil canadien pour les réfugiés): Nous vous avons fourni des commentaires écrits qui soulignent certaines de nos préoccupations à propos du règlement. Afin de respecter le temps qui nous est alloué ce matin, nous ne les aborderons pas tous mais nous aimerions en souligner trois.

    L'un est la réussite de l'établissement des réfugiés réinstallés. Le système de protection des réfugiés est distinct du système d'immigration. C'est pourquoi il ne faudrait pas évaluer les réfugiés en fonction des critères liés à l'immigration. Par conséquent, nous demandons que l'on élimine le critère de la réussite de l'établissement pour les réfugiés réinstallés.

    En ce qui concerne la détention d'enfants, le projet de règlement sous-entend que dans certains cas les enfants doivent être détenus. Ces dernières années, nous avons constaté un nombre accru de mineurs dans les centres de détention de l'immigration. Le règlement codifie cette tendance inquiétante, en laissant entendre que des mineurs doivent être détenus lorsqu'il existe des installations de détention adéquates, lorsqu'il y a des questions quant à l'identité d'un mineur et lorsque l'on craint que les mineurs tombent entre les mains de passeurs.

    Le Conseil rejette le recours à la détention comme forme de protection. Cela équivaut à détenir une femme parce que son partenaire a menacé de l'attaquer. Nous vous pressons de modifier ces dispositions du règlement afin que des mineurs soient rarement, voire jamais, détenus.

¿  +-(0915)  

[Français]

    L'intrusion dans la vie des immigrants: Selon le projet de règlement, les résidents permanents qui renouvellent leur carte de résident permanent devront fournir au gouvernement tout une série de renseignements personnels qui n'ont rien à voir avec la preuve du statut. À la différence des citoyens qui demandent un passeport, les immigrants devront informer le gouvernement des adresses où ils ont vécu, travaillé et étudié, ainsi que des lieux qu'ils ont visités à l'extérieur du Canada. Ils vont également devoir fournir les noms et les coordonnées de deux personnes qui les connaissent.

    Quel genre de questions les fonctionnaires vont-ils poser à ces personnes? Que fera le gouvernement de tous les renseignements ainsi recueillis?

    De l'avis du CCR, ces règlements constituent une intrusion injustifiée et discriminatoire dans la vie privée des résidents permanents.

[Traduction]

    Pour conclure, nous aimerions attirer votre attention sur la grille d'analyse comparative entre les sexes, préparée par Citoyenneté et Immigration Canada. Cette analyse nous indique certains des effets sexospécifiques de la Loi et du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Nous encourageons le comité à prendre soigneusement connaissance de cette analyse et d'envisager des façons dont le Règlement pourrait être modifié afin d'en réduire les conséquences différentielles négatives pour les femmes.

    Nous continuons aussi à encourager le gouvernement à appliquer une analyse antiracisme entre autres à cette loi.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, Janet et Kemi, pour un exposé très bien préparé et pour les recommandations que vous avez formulées à notre intention.

    Nous allons maintenant entendre David, de B'nai Brith.

+-

    M. David Matas (avocat principal, B'nai Brith Canada): Je tiens à vous remercier de m'avoir invité.

    J'aimerais dire, particulièrement à mes collègues du Manitoba qui sont ici, que je constate que des huit députés qui étaient là au début, trois venaient du Manitoba. Si la redistribution du prochain Parlement était fondée sur l'effort, le Manitoba aurait 105 sièges au lieu de 14.

+-

    Le président: C'est parce que vous vivez à l'heure du Manitoba.

+-

    M. David Matas: Notre mémoire contient 21 recommandations. Ce que je propose de faire, c'est de vous les énumérer brièvement et s'il y en a qui vous intéressent, vous pourriez peut-être poser des questions par la suite. Je les ai divisées en différents groupes.

    Le premier groupe de recommandations concerne les bureaux à l'étranger et les procédures à ces bureaux. Il comprend deux recommandations. La première est que le demandeur du statut de réfugié qui est parrainé ou recommandé par une organisation ait droit à une entrevue. La deuxième est que le demandeur ait le droit de se faire aider d'un conseil lors de l'entrevue. Cette recommandation fait suite à celle du ministre concernant un code de déontologie pour les conseils. Naturellement, le problème à l'heure actuelle c'est que le travail des conseils n'est pas contrôlé et est parfois contraire à l'éthique, de sorte que lorsqu'on aura un code de déontologie, il sera alors logique d'avoir le droit à un conseil.

    Le deuxième groupe de recommandations porte sur les protocoles d'entente ou les ententes avec les organisations de présentation. Tout d'abord, nous proposons que le protocole d'entente prévoie un réexamen à la demande du bureau des visas; que l'organisation donne au demandeur un avis de son intention de ne pas recommander sa demande et de lui accorder un droit de réponse; le droit à l'entrevue et à l'aide d'un conseil comme c'est le cas au bureau des visas; et l'accès aux dossiers dans le cas où le demandeur conteste devant la Cour fédérale un refus de la part du bureau des visas fondé sur l'absence de présentation.

    Le troisième groupe de recommandations porte sur la détermination à l'étranger, car il y a un certain nombre de différences entre la détermination outre-frontière et la détermination au pays. Comme le CCR l'a mentionné, un des problèmes c'est la capacité de s'établir avec succès. Naturellement, le libellé actuel est encore pire, car on dit «la possibilité de réussir son établissement économique». Ça semble donc être régressif par rapport au règlement actuel.

    Deuxièmement, il y a l'exigence d'une solution durable, qui n'a pas de contrepartie au pays. Il s'agit de l'exigence selon laquelle aucune possibilité raisonnable de solution durable n'est réalisable dans un délai raisonnable. Le problème, c'est que selon cette définition, on semble permettre le rapatriement non volontaire au titre de solution durable; ensuite, la norme de preuve est tout à fait l'opposé de ce qu'elle est au Canada. Il ne doit y avoir en fait aucune possibilité raisonnable de solution durable plutôt que le contraire. Au pays, on parle d'aucune possibilité raisonnable d'être en danger.

    Troisièmement, il y a les catégories de non-réfugiés, la catégorie de personnes de pays source et la catégorie de personnes de pays d'accueil. Pour la catégorie de pays source, il y a une liste de pays. Nous estimons que tous les pays devraient figurer sur la liste. La catégorie de personnes de pays source exclut la violation massive des droits de la personne, ce qui n'est pas le cas pour la catégorie de personnes de pays d'accueil. Il n'y a aucune explication pour cette différence qui n'est pas très logique.

    Le groupe suivant de recommandations porte sur les points d'entrée. Selon le nouveau système qui est prévu dans le règlement, on incorpore en une seule étape deux étapes du système actuel: l'examen secondaire et l'entrevue avec l'agent d'immigration supérieur, le premier sans accès au conseil, et la deuxième avec un accès au conseil immédiatement. Ce n'est pas clair. Le règlement est muet quant aux droits d'accès au conseil, et le demandeur devrait avoir accès à un conseil lors des deux étapes, et il devrait en être informé, et être informé du droit de présenter une demande de réfugié, car si une personne est visée par une mesure de renvoi au point d'entrée, elle ne peut présenter une demande du statut de réfugié par la suite. Il y a quelques recommandations au sujet des pièces d'identité, dont quelques-unes ont été présentées par la Maytree Foundation, que nous appuyons, et qui visent à éliminer les restrictions en ce qui concerne les catégories. Troisièmement, nous recommandons que si une personne est membre d'une catégorie, elle puisse inclure les membres de sa famille dans sa demande de résidence permanente plutôt que d'être obligée d'attendre l'établissement ou la résidence permanente pour parrainer les membres de sa famille, ce que, naturellement, les demandeurs du statut de réfugié ou les réfugiés ont le droit de faire, c'est-à-dire d'inclure les membres de leur famille dans leur demande.

    En ce qui concerne l'évaluation des risques avant le renvoi, nous recommandons que le délai soit le même que pour les revendications refusées, c'est-à-dire un délai de 30 jours, et que le règlement soit beaucoup plus clair, car il stipule un délai de 15 jours pour la demande et un délai de 15 jours pour que le ministre prenne une décision, mais la raison pour laquelle le ministre a besoin d'un délai de 15 jours n'est pas clair; je présume que c'est pour que les demandeurs puissent présenter leurs demandes, mais on ne le dit pas.

    Nous faisons des recommandations concernant les crimes internationaux. Tout d'abord, il faudrait définir le terrorisme. Il y a déjà une définition dans le projet de loi C-36; il n'y a pas de raison pour qu'on ait pas de définition ici. Deuxièmement, une mesure de renvoi devrait faire l'objet d'un sursis aux fins d'une enquête relative à une poursuite lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un crime international, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ou le terrorisme. Par ailleurs, le renvoi devrait être automatique lorsqu'il y a une enquête criminelle. La loi dit qu'il y a renvoi dès que cela est raisonnablement possible, et à moins qu'il y ait un sursis en vertu de la loi, le ministre devra en fait renvoyer ces personnes avant qu'elles puissent faire l'objet d'une enquête ou d'une poursuite.

¿  +-(0920)  

    Enfin, il devrait y avoir sursis de renvoi dans chaque cas où une demande de sursis est déposée auprès de la Cour fédérale jusqu'à l'audition de cette demande de sursis plutôt que d'avoir, comme à l'heure actuelle, cette course effrénée pour aller devant le tribunal.

    Les personnes qui ne peuvent faire l'objet d'un renvoi pendant un certain nombre d'années—et nous proposons une période de trois ans—parce qu'elles seraient en danger si elles retournaient dans leur pays—devraient pouvoir demander la résidence permanente. Il y a quelque chose du genre dans le manuel de l'immigration, et nous disons que cela devrait être dans le règlement.

    Voilà donc qui conclut nos recommandations. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci. Comme d'habitude vous nous avez présenté un exposé très complet et de très bonnes recommandations qui nous donneront matière à réflexion.

    Comme vous le savez, dans ses observations liminaires, le ministre a demandé au comité—et je sais qu'on y a peut-être pensé après coup, mais à un moment donné lorsque cette séance avec vous sera terminée, vous voudrez peut-être faire des commentaires à ce sujet—si en fait nous allons élaborer un code de déontologie pour les conseillers en immigration et ceux qui sont là pour aider les gens. Je sais que vos organisations sont en première ligne. Vous pouvez peut-être nous donner des idées et des suggestions au sujet de ce code et nous indiquer si vous êtes ou non en faveur de l'adoption d'un tel code. Je sais que par le passé de nombreux témoins nous ont parlé un peu des experts-conseils et des conseillers en immigration, et qu'en fin de compte il s'agit de protéger les gens, et c'est ce que nous voulons faire.

    Donc, si vous pouviez nous faire parvenir par écrit votre avis sur la question, nous vous en saurions gré. Ce document que vous pourriez envoyer au comité serait annexé à votre mémoire.

    Nous allons maintenant passer directement aux questions.

    Lynne.

¿  +-(0925)  

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci beaucoup pour vos exposés. Ils étaient effectivement très bons. Je m'intéresse beaucoup à l'immigration. Je pense que c'est important. J'ai personnellement parrainé des immigrants, et je suis très fière des immigrants que j'ai parrainés. Je suis fière de ceux que j'ai rencontrés, et c'est en grande partie grâce aux travaux de notre comité.

    Ce qui me préoccupe davantage—et toutes mes questions découlent de cette préoccupation—c'est la situation des gens qui sont dans leur pays et dont la demande a été mise en attente à cause de tous ceux qui tentent d'entrer au Canada sans papiers d'identité. Ces personnes engorgent notre système alors qu'à l'étranger il y a des immigrants légitimes qui attendent et qui eux ne sont pas des resquilleurs. Nous avons trop de resquilleurs ici qui arrivent sans papiers d'identité. Je sais que bon nombre d'entre eux craignent pour leur vie également, mais je m'inquiète de ceux qui sont à l'étranger. Que pouvons-nous leur dire?

    Bon nombre de ces gens viennent à nos bureaux nous dire qu'ils tentent de faire venir leur conjoint ou conjointe ici et qu'ils ne le peuvent pas, alors qu'ils constatent que nous acceptons toutes sortes d'immigrants qui sont entrés au pays d'une façon ou d'une autre—et je sais que pour certains d'entre eux cela n'a pas été très facile.

    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

+-

    Le président: David.

+-

    M. David Matas: Naturellement, il y a des engorgements dans les bureaux des visas, et nous devons y faire face constamment. C'est en partie un problème de manque de ressources. Depuis quelques années, on a vraiment un manque de ressources. Par ailleurs, les ressources sont mal réparties. L'exécution et l'accès ne sont pas les mêmes partout.

    Janet Dench a parlé d'examiner le système pour ce qui est des questions d'équité et de l'incidence raciale. La répartition des ressources a un impact géographique et racial que l'on doit examiner.

    Par ailleurs, le système est complexe, ce qui est à notre avis inutile. Il y a trop de règles précises qui demandent trop de temps, ce qui contribue au problème.

    Il y a aussi tout le problème des conseillers, ce qui est lié au problème d'accès et d'éthique. À l'heure actuelle, on ne permet pas l'accès aux conseillers. Si leurs conseillers savaient ce qu'ils font, cela accélérerait le processus. Ils pourraient sans doute corriger certaines choses. Cela pourrait être un avantage pour le système. Étant donné qu'il n'y a aucune façon de faire la distinction entre les conseillers compétents et ceux qui ne respectent pas l'éthique, on ne permet à aucun conseiller d'intervenir. Une façon de résoudre le problème d'arriéré des bureaux des visas serait de régler ce problème de conseillers.

    Voilà les observations que je voulais faire.

+-

    Mme Janet Dench: À cet égard, je pense qu'il est important de se rappeler que si nous voulons agir de façon responsable, nous ne devrions pas dresser les besoins d'un groupe contre ceux d'un autre. Évidemment, certains pourraient être tentés de regarder autour d'eux et de penser que d'autres personnes reçoivent de meilleurs services qu'eux. En fait, nous savons comment le système fonctionne et qu'il y a beaucoup de problèmes dans différentes parties du système. Je ne vais pas aider une partie du système, notamment en ce qui concerne les bureaux à l'étranger, pour pénaliser par exemple les réfugiés qui viennent au Canada présenter une demande du statut de réfugié. Bon nombre des demandeurs qui viennent au Canada arrivent ici sans visa car ils sont des réfugiés. Ils ne peuvent obtenir de visa. Ils doivent fuir leur situation de persécution. Ils viennent au Canada pour présenter une demande, comme ils y ont droit.

    Le système de détermination du statut de réfugié est par définition un système qui existe parce que les droits de la personne ne sont pas respectés dans le monde. Les réfugiés sont des gens qui ont dû fuir leur pays parce que les choses n'allaient pas bien. C'est une situation qui comporte inévitablement ses lacunes et ses problèmes car elle est causée par l'échec du système mondial. Nous devons tenter de faire ce que nous pouvons pour répondre aux besoins des réfugiés qui fuient la persécution. Ce serait injuste envers eux de laisser entendre qu'ils sont des resquilleurs.

+-

    Mme Lynne Yelich: Ce n'est pas du tout ce que je dis, mais ce qui...

+-

    Le président: Lynne, je me demande si Ratna pourrait répondre également à cette question.

+-

    Mme Ratna Omidvar (directrice exécutive, Maytree Foundation): Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit. C'est une question de ressources. Il s'agit de nous assurer que nos objectifs en ce qui concerne les réfugiés sont distincts de nos objectifs en matière d'immigration. Cependant, si on voulait alléger le problème d'embouteillage dans les principaux pays sources de réfugiés en ajoutant des agents des visas et des consulats à l'étranger, on réglerait peut-être en fait le problème de migrants économiques qui viennent au Canada pour revendiquer ensuite le statut de réfugié, plutôt que de suivre le processus plus normal.

    Je pense qu'il est tout à fait logique que des personnes qui revendiquent le statut de réfugié demandent protection ici, car ce sont certainement des réfugiés, comme Janet l'a dit. Cependant, si ce qui nous préoccupe, ce sont les personnes qui viennent ici demander le statut de réfugié parce qu'elles ne peuvent avoir accès au système d'immigration à l'étranger, alors ce que l'on peut faire entre autres, c'est d'élargir l'accès.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Je ne voulais pas tirer profit du système. Je tente tout simplement de faire comprendre que si nous avons un système qui aide en fait les gens qui attendent dans les bureaux des visas pour venir au Canada afin de retrouver leur conjoint ou conjointe, eh bien cela se fera. Il y a des gens qui sont acceptés au pays tout simplement parce qu'ils sont ici. Leur demande est tout au moins traitée. Je pense qu'avec l'arriéré tout indique que nous avons de plus en plus de gens qui arrivent au pays et qui demandent le statut de réfugié. L'arriéré est donc ici.

+-

    Mme Janet Dench: À ce propos, je voulais faire une observation au sujet d'une disposition dans le règlement qui créera une catégorie au Canada pour les conjoints et conjointes et les conjoints de fait, et qui permettra aux gens qui viennent au Canada, par exemple avec un visa de visiteur, et qui ont un conjoint, de faire une demande d'admission au Canada en suivant le processus habituel. Cette disposition est positive car elle permet une réunification rapide, de sorte que les gens ne sont pas séparés pendant des mois, le temps de suivre le processus à l'étranger.

    Il y a cependant un problème pour les gens qui viennent de pays dont on exige un visa de visiteur. Les personnes qui viennent d'un pays d'Europe n'ont pas besoin de visa, il leur suffit de prendre l'avion, de venir ici et de présenter une demande à partir du Canada. Mais si une personne a besoin d'un visa de visiteur pour venir au Canada, et, naturellement, c'est le cas pour la plupart des pays d'Asie et d'Afrique, alors cette personne n'agira pas normalement et conformément aux règles. Elle risque de se voir refuser le visa et ainsi se voir refuser la possibilité d'une réunification rapide.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'aimerais dire simplement que tout le monde au sein de notre comité est d'avis que vous avez besoin de ressources supplémentaires. Je suis convaincue que c'est notre objectif de faire en sorte que vous disposiez de plus de ressources.

+-

    Le président: Steve, vous avez la parole.

+-

    M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'ai des questions à poser aux trois témoins et je commencerai par David Matas. Je crois comprendre que vous appuyez le principe d'un code de déontologie, au sujet du défi que le ministre a lancé au comité en le saisissant de ce dossier.

    Je me demande toutefois si j'ai bien compris ce que vous voulez dire, dans la recommandation suivante:

Que le Règlement donne à tout réfugié au sens de la Convention ou demandeur de protection à titre humanitaire soumis à une entrevue le droit à l'aide d'un conseil au cours de l'entrevue, à tout le moins si ce conseil est membre du barreau d'une province ou d'un territoire du Canada.

    Vous ne voulez pas dire qu'il faut accorder aux avocats une compétence exclusive en l'espèce, n'est-ce pas?

+-

    M. David Matas: Non, c'est simplement qu'en l'absence de règlements et de code de déontologie, et si on ne peut pas procéder autrement, c'est une façon très simple et claire. Toutefois, il vaudrait mieux qu'il existe un système qui permette de faire le tri entre les avocats et entre les questions de déontologie et les autres.

    Je signale toutefois qu'un code de déontologie ne constitue qu'une partie de la solution. Un code de déontologie a pour but de permettre de travailler avec un conseil en qui on a confiance. Il ne sert pas à grand-chose d'adopter un code de déontologie pour les avocats et de déclarer que ces derniers ne seront pas autorisés à être présents lors de l'entrevue. Si l'on recommande une des solutions, il faut également recommander l'autre.

+-

    M. Steve Mahoney: Appuyez-vous une sorte de régime, de programme de formation ou de forme d'accréditation pour les gens qui travaillent dans le domaine de l'immigration?

+-

    M. David Matas: La question se pose depuis des décennies. J'ai participé en 1980 à un groupe de travail mis sur pied par Lloyd Axworthy à l'époque où il était ministre de l'Immigration et chargé de se pencher sur cette question. Nous avons produit un rapport à ce sujet et il y a eu ensuite un rapport de comité parlementaire.

    La recommandation qui a vu le jour après toutes ces décennies se fonde sur le bon sens, à mon avis; elle prévoit l'autoréglementation de la profession. Ce sont eux qui prépareront les examens, effectueront l'accréditation, sans le moindre frais pour le gouvernement. Il y a à l'heure actuelle des consultants professionnels qui sont prêts à faire tout cela. Il suffira au gouvernement de mettre en place un mécanisme de surveillance. Ce sera un peu comme pour le barreau, qui s'autoréglemente.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Steve Mahoney: Le Barreau et le corps médical sont dans ce cas.

+-

    M. David Matas: Parfaitement. Il existe déjà un organisme de consultants professionnels qui applique un code de déontologie, et le Barreau également. Il est inutile de réinventer la roue à ce sujet.

+-

    M. Steve Mahoney: C'est bien.

    Vous pourriez peut-être approfondir votre pensée ou me donner un exemple de votre recommandation relativement au réexamen des refus de présentation. Vous dites que, au terme d'un protocole d'entente et à la demande du ministre, l'organisme de parrainage devrait réexaminer tout refus d'accorder à un requérant le statut de réfugié au sens de la convention. Pourriez-vous étoffer un peu cette idée et m'expliquer ce que vous voulez dire?

+-

    M. David Matas: Oui. Évidemment, comme j'ai un cabinet privé d'avocats qui s'occupe du droit des réfugiés, je rencontre toujours des gens qui me disent «Je veux venir» ou «Je veux rester». Il faut se demander ce que l'on peut faire.

    De toute évidence, il faut examiner la question du point de vue du système, mais il faut également tenir compte du point de vue du réfugié proprement dit. Un réfugié se présente à un bureau des visas en demandant à venir au Canada. Au terme de ce règlement, les agents vont lui dire: «Vous devez être parrainé ou présenté par un organisme, et voici la liste des organismes accrédités pour déférer votre revendication; il faut vous adresser à l'un d'entre eux et, s'ils approuvent votre demande, vous pourrez peut-être être admis au Canada».

    La personne doit donc s'adresser à l'organisme chargé de déférer la revendication, lequel déclare «Désolé, vous êtes refusé, nous sommes trop occupés, nous partons en congé de Noël», pour des raisons tout à fait arbitraires. La personne retourne au bureau des visas et déclare que sa demande a été rejetée sans raison valable apparente. Que va dire le bureau des visas? Il va répondre: «Désolé, nous ne pouvons rien faire pour vous».

    Ce n'est pas normal. On devrait pouvoir s'adresser à nouveau à l'organisme chargé de déférer la revendication et lui dire: «À notre avis, vous n'avez pas vraiment agi de manière équitable, et nous vous demandons de revoir ce dossier.

+-

    Le président: Souhaitez-vous répondre à cette question, Janet, ou...?

+-

    M. Steve Mahoney: J'ai une question à poser. Je regrette, j'ai oublié. Je pense que c'est Janet qui a exprimé certaines préoccupations quant à l'incidence sur les gens de métiers.

    Si l'on y regarde de plus près, il faut au préalable avoir fait trois ans d'études à plein temps après obtention d'un diplôme d'études secondaires. Pour les études à plein temps, j'aime citer l'exemple de mon propre fils, qui participe actuellement à un programme d'apprentissage en menuiserie. Il travaille pendant six mois, va à l'école pendant six mois, et continue ainsi cette rotation; il n'étudie pas à plein temps. Même s'il est Canadien, il ne serait donc pas admissible dans ces conditions.

    À mon avis, la plupart des programmes d'apprentissage de trois ans, ceux qui permettent d'obtenir le plus de points en vertu de ce système, se déroulent de cette façon et les programmes d'un an comportent peut-être des études à plein temps, mais prévoiront vraisemblablement un stage en milieu de travail.

    Je tiens à vous dire que cette question semble avoir l'appui non seulement du ministre, mais également des fonctionnaires, car il y a eu beaucoup de signes d'approbation. C'était un peu comme la poupée du joueur de hockey, ils étaient tous assis en train de faire signe que oui de la tête. J'espère sincèrement qu'il y aura des changements, mais je ne sais pas en quoi ils consisteront.

    Avez-vous des idées à ce sujet?

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Je n'ai pas d'idées précises, mais en vertu du système actuel pour cette catégorie, les gens de métier, même si l'on tient compte de la totalité des trois ans, ne peuvent obtenir que 20 points au maximum, et non les 25 points requis. Dès le départ, ils ont donc un retard de cinq points.

    À mon avis, il ne serait pas très difficile de modifier le système pour cette année de façon à le rendre plus équitable.

+-

    M. Steve Mahoney: Permettez-moi de vous interrompre. Les 25 points, c'est pour un doctorat ou une maîtrise.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: C'est exact.

+-

    M. Steve Mahoney: Et les 20 points, pour un baccalauréat ès arts, un BA, en gros. En vertu du système, on met donc sur un plan d'égalité, comme je l'avais demandé par le passé, un certificat de plombier et un baccalauréat ès arts, mais on ne peut pas le mettre au même niveau qu'un doctorat, d'après moi.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Le problème, à mon avis—et j'ai essayé de l'expliquer dans notre mémoire—c'est que le système est mal conçu. Le problème, c'est que je peux arriver ici muni d'un doctorat en architecture médiévale de l'Italie centrale...

+-

    M. Steve Mahoney: Il y a beaucoup d'emplois dans ce domaine!

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: ... et je n'ai pas les qualités requises. Il n'y a pas d'équivalence. On part du principe que tout diplôme universitaire ou de troisième cycle sera transférable, mais ce n'est pas le cas. C'est le problème, le système est mal conçu.

+-

    M. Steve Mahoney: Avez-vous des suggestions concrètes à faire quant à la façon d'organiser le système? J'aimerais que vous m'en fassiez part, car je me suis penché sur la question et c'est...

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: D'accord.

+-

    Le président: Steve, avant d'aller plus loin, les représentants de B'nai Brith et du Conseil pour les réfugiés ont-ils d'autres remarques à faire au sujet de la grille?

+-

    M. David Matas: J'aimerais dire simplement qu'il faut se méfier des solutions rapides dans ce domaine. C'est un domaine délicat et complexe. Le ministère y a consacré beaucoup de temps et d'efforts mais en vain, à notre avis. Il faut revoir toute la question et établir des critères.

    Se contenter de changer une ou deux choses ici et là n'est que du rafistolage, ce qui risque de créer d'autres problèmes.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Que devrait...? Allez-y, Kemi va également répondre à la question.

+-

    Mme Kemi Jacobs: Je regrette, je n'ai pas entendu votre question, mais pour poursuivre dans la même veine, le problème sous-jacent lié au système, selon moi, vient du fait que l'on part du principe que certains diplômes universitaires sont meilleurs que d'autres, ce qui n'est pas équitable.

+-

    M. David Matas: Pour répondre à votre question quant à la note de passage, le fait de la modifier ne résoudra pas entièrement le problème. Si nous n'admettons pas suffisamment de gens, nous pouvons abaisser la note de passage et en admettre davantage. Toutefois, on ne va pas changer la composition des nouveaux venus en modifiant la note de passage; on ne va pas résoudre ce problème du doctorat.

+-

    Mme Ratna Omidvar: De toute évidence, comme l'a dit Elizabeth, pour ce qui est de la sélection, on ne résoudra que 25 p. 100 du problème, à notre avis, même si l'on réorganise le système utilisé pour la sélection.

    Le véritable problème est celui qui se pose lorsque les gens arrivent dans le pays. Aucune disposition de la loi ou des règlements ne porte sur le processus d'établissement. On ne peut pas vraiment le prévoir dans la loi, car la façon dont une personne s'intègre au marché du travail sort de la compétence du gouvernement.

+-

    Le président: Le comité va ensuite se pencher sur ce qui se passe après l'arrivée d'une personne, une fois franchie l'étape de l'immigration. Nous allons commencer à examiner les programmes qui ont été portés à notre attention, justement, Ratna. Nous devrons y consacrer un certain temps. Je vous remercie.

    Vous avez la parole, Steve.

+-

    M. Steve Mahoney: Il faut supprimer entièrement la question de l'école secondaire, à mon avis. Il est impossible d'être admissible si l'on est pas entièrement bilingue—et toutes sortes d'autres choses. Je peux obtenir les points, mais c'est une autre question.

    Au sujet de la détention des enfants, le terme «détention» n'est peut-être pas le bon. Que faisons-nous des enfants qui arrivent dans notre pays si le fait de les mettre simplement en liberté pose des problèmes ou soulève des inquiétudes, il est évident qu'on ne peut pas les mettre en liberté seuls, il faudra les confier aux soins de quelqu'un. Faut-il donc qu'ils s'adressent à une ONG ou à un autre groupe semblable, ou que devons-nous faire? À mon avis, le fait de dire qu'on ne les détiendra pas n'est pas une option en soi.

+-

    Mme Kemi Jacobs: S'agissant de la protection des enfants, ceux qui arrivent dans notre pays ont besoin de protection. Nous avons proposé entre autres leur placement dans des foyers sûrs, c'est-à-dire des endroits où des adultes seront chargés de s'occuper d'eux.

    Aux États-Unis, il y a un système assez au point qui prévoit la prise en charge des mineurs non accompagnés.

+-

    Mme Janet Dench: Si vous me permettez d'ajouter un mot, il faut faire une distinction entre l'application de la Loi sur l'immigration et la protection prévue aux termes des régimes de protection de l'enfance en vigueur dans les provinces. Ce qui nous tient à coeur, c'est qu'il ne faut pas nous occuper des mineurs qui arrivent au Canada en provenance d'autres pays dans le simple but d'appliquer la Loi sur l'immigration. Il faudrait au contraire se pencher sur la question fondamentale de la protection des enfants. Nous demandons instamment au gouvernement de résoudre le problème du partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous avons été témoins de cas d'enfants mis en détention.

    Les provinces disent que puisque les enfants sont détenus dans des centres de détention fédéraux, elles n'ont pas vraiment à s'en occuper. La seule intervention possible pour le gouvernement fédéral existe au niveau de l'immigration, qui considère ces enfants comme étant en infraction de la Loi sur l'immigration.

    Aucune instance gouvernementale n'a donc à coeur la protection des intérêts de ces enfants.

+-

    Le président: On a soulevé le même problème au sujet de l'éducation, aux termes du projet de loi C-11. Il faut que le ministre de l'Immigration collabore avec ses homologues provinciaux pour faire en sorte que l'on tienne continuellement compte du bien-être des enfants, quel que soit l'ordre de gouvernement qui a compétence, ou embrouillamini dans lequel il se trouve.

    À vous, Inky.

+-

    M. Inky Mark (Dauphin--Swan River, PC/RD): Je voudrais vous remercier d'être venus aujourd'hui.

    Vous avez entendu qu'à l'origine, on avait dit du projet de loi C-11 qu'il était draconien. Je n'ose penser à la description qu'on pourrait faire des règlements d'application. Je l'ai déjà dit, ces règlements sont encore plus copieux que le projet de loi lui-même, et c'est cela qui est regrettable. Encore une fois, d'après ce que j'ai pu entendre ce matin, vous semblez partager les préoccupations que nous avons entendues pendant toute notre étude du projet de loi C-11 en ce qui concerne les questions de définition, d'accès aux services d'un avocat et d'accès aux tribunaux.

    Mon premier constat est que les règlements—et ces mêmes préoccupations ont été évoquées pendant les audiences sur le projet de loi C-11—pénalisent les immigrants qui arrivent au Canada de façon légitime, et c'est encore plus vrai depuis les événements du 11 septembre qui ont braqué tous les esprits au Canada contre le terrorisme. Malheureusement, nous semblons toujours trop vouloir opposer des obstacles à ceux et celles qui, tout à fait légitimement, veulent venir s'établir au Canada et faire de notre pays un endroit où il fait mieux vivre. Nous l'avons dit et répété, et tout le monde s'accorde à dire que l'avenir du Canada dépend de l'immigration, et pourtant nous persistons dans ce sens et je trouve cela surprenant.

    Quoi qu'il en soit, mardi dernier nous avons pu en parler à Peter Showler de la CISR qui nous a appris qu'il y avait un retard énorme dans le traitement des demandes.

    Le premier problème concerne les réfugiés au sens de la Convention. L'an dernier, 44 000 personnes ont introduit une demande de réfugié et je n'ose même pas penser à ce que ce sera pour 2002. Je suis certain que ces chiffres ressembleront à ceux de 2001, mais à en croire le plan déposé par le gouvernement pour 2002, le nombre idéal serait d'environ 30 000 demandes.

    J'aimerais savoir comment vous composez avec tout cela dans le cadre des nouveaux règlements et du nouveau projet de loi. Si vous aviez un conseil à donner au ministre, qu'est-ce que le ministère pourrait faire pour rattraper son retard? Le nombre de cas en instance, les nouvelles demandes et le délai de traitement des dossiers représentent un énorme problème.

    Voilà pour ma première question.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Vous voulez parler d'immigration ou de la CISR?

+-

    M. Inky Mark: Des réfugiés au sens de la Convention.

+-

    Le président: D'accord, merci.

    David.

+-

    M. David Matas: Pour commencer, vous avez parlé de la complexité et de la longueur des règlements. Effectivement, vous avez raison sur les deux plans, et je vous répondrai que le comité devrait prendre son temps, être minutieux et recommander que les règlements n'entrent pas en vigueur le 28 juin.

    S'agissant du projet de loi à proprement parler, il y a eu le projet de loi C-31, puis le C-11, et ce texte de loi a donc été à l'étude au Parlement sous une forme ou une autre depuis fort longtemps. Le projet de loi C-11 différait notablement de son prédécesseur, et je vous dirais donc qu'il faut procéder de la même façon pour les règlements. Le gouvernement a déjà signalé qu'il allait apporter des modifications après le dépôt du rapport du comité et que le nouveau texte comportant ces modifications serait publié une fois encore dans la partie 1 de la Gazette du Canada plutôt que dans la partie 2. Mais la date du 28 juin est trop rapprochée étant donné la complexité et l'ampleur de la tâche.

    Pour ce qui est maintenant de l'accumulation des dossiers en instance, une des choses qui m'a découragé avec ce projet de loi, c'est la complexité du système et le dédoublement des procédures. Il serait par exemple possible de donner à la commission les ressources appropriées pour lui permettre de travailler rationnellement en supprimant toutes les ressources qu'il a fallu doubler pour commencer par déterminer s'il fallait procéder à une évaluation des risques avant le renvoi et de faire en sorte que tout le monde soit affecté à un seul et même processus d'évaluation des risques, un processus qui soit à la fois équitable et plus efficace. Ce serait une façon possible de procéder, mais de toute évidence c'est une option que le gouvernement a rejetée.

    Nous avons donc à mon sens un système extrêmement complexe comportant de multiples étapes qui vont créer des retards et qui vont prendre du temps, mais cela est dû au fait que le système a été conçu de façon inutilement complexe. Mon opinion personnelle est que pour éliminer l'arriéré, il faut commencer par éliminer toute cette complexité.

+-

    Le président: Janet, auriez-vous quelque chose à dire au sujet de la différence entre l'arriéré et la commission qui faisaient l'objet de la question d'Inky?

+-

    Mme Janet Dench: Du point de vue du Conseil canadien pour les réfugiés, j'appuie la remarque de Dave, mais j'ajouterais une préoccupation supplémentaire au sujet de l'arriéré. Il s'agit de la situation des personnes dont la cause a été entendue mais qui ne sont pas renvoyées et ne peuvent l'être. Certaines d'entre elles viennent de pays où la situation est tellement alarmante que règle générale, nous n'y renvoyons personne.

    Nous avons prié instamment le gouvernement d'envisager la régularisation d'une façon ou d'une autre, de la situation de telles personnes qui constituent un apport à la société canadienne et ne représentent aucun risque pour la sécurité. De cette manière, on leur permettrait de contribuer encore davantage à la société canadienne, ce qui est dans l'intérêt de tous, car de toutes façons elles ne seront pas renvoyées.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Inky Mark: J'ai une autre question. Ces dernières semaines, on a beaucoup discuté de rétroactivité. Encore une fois, selon le ministère, il y a plus de 200 000 personnes ayant fait une demande qui n'a pas encore été traitée. En fait de transition, que nous conseilleriez-vous de faire dans un tel cas?

+-

    Le président: Une de vos recommandations ne propose-t-elle pas de rembourser ces candidats?

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Notre mémoire propose effectivement qu'on rembourse les candidats qui ne seront plus admissibles en raison des nouvelles règles. Ceux et celles qui ont présenté une demande de bonne foi en vertu de certains critères et qui ont payé pour le faire devraient être remboursés.

+-

    Le président: Je me demandais si vous aviez eu l'occasion de voir le tableau du ministre.

    Mme Elizabeth McIsaac: Oui.

    Le président: À quel moment faudrait-il rembourser? Je songe aux quelque 110 000 personnes qui attendent leur entrevue mais dont la cause a déjà été traitée sur papier. À quel moment donc devrait-on rembourser les gens? Aussi, ce remboursement devrait-il être obligatoire ou volontaire, dans le cas où les candidats voudraient peut-être présenter une nouvelle demande?

+-

    Mme Ratna Omidvar: Nous serions généreux, car le Canada a besoin d'immigrants, comme vous le savez d'ailleurs. Au cours des cinq prochaines années, notre situation démographique dictera nos actes. À cet égard, notre manque de préparation, sauf peut-être pour les mesures liées à la population active, est vraiment préoccupant. Nous subissons en effet la concurrence d'autres pays.

    À mon avis, nous démontrerions notre bonne foi en remboursant tout l'argent payé par les candidats rejetés, et cela donnerait une bonne image du Canada.

+-

    Le président: J'essaie encore de comprendre ce que vous entendez par «ne seront pas étudiés». S'agit-il des candidats dont la cause a déjà été traitée dans la filière et qui attendent une décision ou une entrevue, ou s'agit-il de tout le monde? Il y a 220 000...

+-

    Mme Ratna Omidvar: Je ne vais pas prétendre être au courant de tous les détails, mais dans le cas où un candidat aurait payé la somme de 500 $ et n'obtiendrait pas le droit d'établissement, alors on devrait lui remettre l'argent.

+-

    Le président: Bien.

+-

    M. David Matas: Si j'ai bien compris le ministre, il a parlé du moment de l'entrevue comme le point limite. Je dirais donc que jusqu'au moment de l'entrevue, il y a possibilité d'obtenir un remboursement. Si toutefois l'entrevue a lieu, le régime en vertu duquel le candidat a été interviewé s'applique et il n'y aura pas de rétroactivité.

+-

    Le président: Merci, Inky.

    Nous passons maintenant à Judy puis à Madeleine.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Au sujet de la rétroactivité, a-t-on envisagé une solution plus simple, à savoir appliquer les nouvelles règles seulement une fois que la loi et les règlements seront en vigueur, plutôt que de choisir un point limite, voir comment cela fonctionnera et qui sera touché? Ne serait-il pas sensé de s'aligner sur des procédures assez répandues dans votre domaine, c'est-à-dire mettre en vigueur les nouveaux critères en même temps que les amendements à la loi. Entre-temps, tout le monde sera jugé en vertu des règles de l'ancien régime. Est-ce que ça n'est pas une approche positive?

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: C'est le moyen le plus simple. Si vous maintenez l'ensemble de critères précédent, vous vous évitez la question du remboursement car les requérants seront évalués en fonction des critères en vigueur au moment où leur demande a été présentée.

+-

    M. David Matas: Le problème avec cela, c'est bien entendu que l'ancien régime demeure en vigueur jusqu'au moment où toutes les demandes ont été étudiées, ce qui pourrait prendre des années.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui. Il y a alors un système parallèle.

¿  +-(0955)  

+-

    M. David Matas: Pendant mes études en droit, j'ai appris que lorsqu'on a aboli les appels, le Conseil privé a tout de même entendu les appels déjà interjetés, et il a fallu quatre ans pour les entendre tous. Bien entendu, les ressources du ministère sont toujours à la limite et malgré cela, on embauche constamment de nouveaux employés. S'il faut apprendre aux nouveaux employés à utiliser un ancien régime qui n'existe même plus, cela complique les choses. C'est ce qui se passe lorsque vous avez deux systèmes en parallèle.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui, et c'est probablement la raison pour laquelle le ministère recommande cette solution. On essaie de régler le problème de l'arriéré dans les plus brefs délais malgré des ressources insuffisantes, mais cela ne tient pas compte du facteur humain, ni de ce que les requérants ressentiront. Ils sont pleins d'espoir et ils veulent venir ici, et du jour au lendemain les règles du jeu sont changées. Sur le plan strictement humain, c'est difficile à justifier.

    Je ne vais pas m'étendre là-dessus uniquement, car je sais que vous avez soulevé d'autres points dont il faut discuter. Ainsi qu'Inky le disait, nous avons tous une impression de déjà vu. Bon nombre des préoccupations que vous avez soulevées l'ont été pendant l'étude du projet de loi et ont donné naissance à nos amendements, qui n'ont pas tous été pris en compte. Dans bon nombre de cas, le ministère nous a dit qu'il s'en occuperait dans le règlement. Je n'ai pas pu lire les comptes rendus dans leur intégralité, mais j'ai quand même l'impression que le ministère n'a pas tenu sa promesse et que le règlement ne reflète pas ces préoccupations.

    Je me demandais si vous pourriez cerner certaines des questions sur lesquelles nous devrions insister, ou si vous estimez qu'il faut plutôt demander à nos attachés de recherche d'éplucher les comptes rendus afin de voir si on nous a induits en erreur et s'il est vrai que les promesses du ministère n'ont pas été tenues. Voilà pour ma première question.

    La seconde...

+-

    Le président: Je vous prie de laisser les témoins répondre car votre question est assez vaste.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord, à la condition qu'on me permette de revenir à ces autres choses.

+-

    Le président: Peut-être, Judy, mais votre question est assez vaste. Pour ma part, je sais pouvoir m'en remettre aux recherches effectuées par les témoins. Je pense d'ailleurs que vous avez parcouru le règlement et que vous l'avez étudié à la lumière des préoccupations dont vous nous avez fait part au cours de l'étude du projet de loi C-11.

    Admettons-le cependant, les grands principes du projet de loi C-11 sont bel et bien là. Il s'agit maintenant de les mettre en oeuvre conformément à l'esprit de la loi. Je ne vais pas vous rabâcher les discussions que nous avons eues à ce sujet. Je pense pouvoir affirmer que le projet de loi C-11 a évolué de façon progressive lors des diverses étapes de la filière législative, tout en admettant qu'il y a toujours moyen d'améliorer les choses. J'espère que le règlement n'empirera pas les choses. C'est bien ce que je crains.

    C'est vous qui avez posé la question, alors je devrais... Cependant, Judy, j'estime que les recommandations que nous avons entre les mains répondent dans une grande mesure à la question que vous venez de poser.

    Y a-t-il d'autres observations?

+-

    M. David Matas: Permettez-moi d'essayer de répondre à cette vaste question, à savoir quelles étaient les intentions du gouvernement et comment elles ont été traduites dans les règlements. Le gouvernement a-t-il atteint son but plutôt que le nôtre?

    Dans une certaine mesure, la réponse est non. À titre d'exemple, je pense à l'exigence faite au candidat de prouver qu'il est en mesure de s'établir sur le plan pécuniaire. Or le gouvernement avait affirmé que telle n'était pas son intention. Il disait même vouloir s'éloigner du recours à des critères économiques et à l'exigence de prouver ses capacités pécuniaires. Il s'est rendu compte que les réfugiés ne viennent pas ici pour des raisons économiques et que de surcroît on accuse le Canada de prendre les meilleurs éléments des autres pays. Les critères de l'établissement économique ne sont pas économiques.

    Par rapport à ce règlement donc, on dirait que le gouvernement a tenu des propos qui ne correspondaient pas à son objectif ou n'a pas atteint ce dernier. Je m'attends d'ailleurs à une modification au moins partielle de ce règlement, et on pourrait le recommander.

+-

    Mme Kemi Jacobs: Je peux parler très brièvement de l'analyse sexospécifique. Le projet de loi a fait l'objet de ce genre d'étude, après quoi un rapport a été publié. Dans les cas où on avait observé que certaines femmes étaient affectées défavorablement, on a présenté certaines recommandations.

+-

    Le président: Bien. C'est un bon point de départ.

    Janet ou Elizabeth, est-ce que vous souhaitez intervenir ici? Elizabeth, voulez-vous parler...

+-

    Mme Janet Dench: Oui. Par rapport au règlement, nous avons distingué entre deux sortes de préoccupations. Il y a d'abord les choix politiques, c'est-à-dire le fait que le gouvernement a choisi certaines orientations qui, à nos yeux, ne reflètent pas les valeurs des Canadiens. Ils incarnaient cependant bel et bien l'intention du gouvernement et ils ont été concrétisés, mais nous prions instamment le comité d'examiner attentivement ces politiques afin de voir si les Canadiens tiennent vraiment à les adopter.

    Viennent ensuite les préoccupations qui recouvrent un peu ce que disait David, celles qui naissent de conséquences imprévues. Les règlements sont en effet extrêmement complexes. Nous avons consacré beaucoup de temps à les étudier afin de nous imaginer leurs répercussions; dans nos entretiens avec les fonctionnaires du ministère aussi nous avons observé qu'ils n'ont pas réfléchi à toutes les conséquences de ces textes réglementaires.

    Nous sommes donc assez préoccupés par cette échéance du 28 juin qui arrive à grands pas. Le ministère se rend bien compte que d'ici là, il aura beaucoup de besogne à abattre. Nous craignons donc qu'en raison de la lourde charge de travail, on n'éliminera pas certaines dispositions que tout le monde rejette, et que nous devrons faire face aux conséquences de ces oublis ultérieurement. Bien entendu, ce seront les réfugiés et les immigrants qui paieront le prix de ces conséquences fortuites.

+-

    Le président: Judy.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Cette vaste question comporte vraiment deux parties. Le projet de loi actuel assorti des règlements actuels tient-il la promesse faite par la ministre de l'Immigration d'alors, c'est-à-dire d'ouvrir plus grand les portes? Si l'on en croit tout ce qu'on a entendu jusqu'à ce jour, tel n'est pas le cas. Ratna en a parlé indirectement lorsqu'elle a dit que le Canada a besoin d'immigrants, mais en dépit de cela, ce train de mesures rendra leur entrée au Canada plus difficile. Nous n'allons même pas atteindre notre maigre objectif de 1 p. 100 de la population avec un tel document et des règlements de ce genre. C'est surtout là où je veux en venir.

À  +-(1000)  

+-

    Mme Ratna Omidvar: Vous avez raison. Les dispositions actuelles du projet de loi ne peuvent atteindre cet objectif, sauf pour les modifications aux critères de sélection, qui ne correspondent d'ailleurs qu'à 25 p. 100 de la bataille.

    J'ignore quel genre de recommandations faire sans ouvrir de nouveau tout le débat... et nous n'avons pas le temps de le faire. Il faudrait que je revienne en discuter une autre fois.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Peut-être serait-il utile de demander à nos témoins—et ce sera la deuxième partie de ma question—de nous donner quelques renseignements sur des points précis au sujet desquels ils avaient signalé des problèmes et au sujet desquels nous avions réclamé des modifications au niveau du comité. Le ministère avait promis que les règlements régleraient ces problèmes mais cela ne semble pas être le cas. Vous n'avez pas à répondre immédiatement à moins que quelque chose ne vous vienne tout de suite à l'esprit, mais il est certain que cela nous aiderait dans notre travail. Même si nous avons un mois de plus, cela ne va pas être facile.

+-

    Mme Janet Dench: C'est avec plaisir que nous avons constaté que votre comité, l'année dernière, avait prêté beaucoup d'attention au sort des réfugiés sans statut—le groupe dont Elizabeth a parlé, les réfugiés dont le statut a été validé mais qui n'arrivent pas à obtenir le statut d'immigrant reçu. Sur ce plan nous trouvons les règlements décevants. À l'instar de la Maytree Foundation, nous proposons une solution très simple: donner automatiquement, par règlement, aux réfugiés dont le statut au sens de la convention a été reconnu par le CISR, le statut de résident permanent. Le gouvernement pourrait toujours intervenir a posteriori en cas d'erreur, de mensonge ou de risque et annuler le statut de résident permanent.

+-

    Le président: Nous sommes d'accord avec vous et c'est un des critères car les règlements étaient censés faciliter cet objectif—nous voulions que les réfugiés passent immédiatement au statut de résident permanent. C'est donc un exemple parfait. Les règlements permettent-ils d'atteindre cet objectif? Non. Pouvons-nous y faire quelque chose? Oui. Nous pouvons donc atteindre l'objectif recherché.

    David.

+-

    M. David Matas: Une autre manière de mesurer les intentions du gouvernement depuis la mise en place des règlements c'est en consultant le manuel d'immigration car on retrouve dans ce manuel certaines de nos recommandations qui sont intégrées à la politique du gouvernement, mais on ne les trouve pas dans le règlement. Il est de loin préférable qu'elles se trouvent dans le règlement parce qu'elles correspondent plus à un droit qu'à une politique. Les agents d'immigration peuvent ignorer le manuel s'ils le veulent; ce n'est pas une obligation. Leur présence dans le règlement crée une plus grande certitude et aussi une plus grande visibilité. En particulier, selon le manuel, si au bout de trois ans une ordonnance d'expulsion pour risque n'a pas été exécutée, vous pouvez faire une demande de résident permanent. Pourquoi cela ne figurerait-il pas dans le règlement?

    Encore une fois, certains des problèmes liés au manque de document devraient être résolus par règlement. Le manuel donne des instructions à ce sujet, donc pourquoi ne pas les transposer dans le règlement?

+-

    Le président: Bien.

    Il est beaucoup plus logique que ces dispositions ou ces instructions figurent dans la loi. Si ce n'est pas possible, il faut s'assurer qu'elles figurent dans le règlement car c'est le règlement qui donne effet à la loi par opposition à un manuel qu'un agent d'immigration ou quelqu'un d'autre peut utiliser ou ignorer.

+-

    M. David Matas: Exactement.

+-

    Le président: Que suggérez-vous alors, que nous examinions maintenant à ce manuel?

    Je comprends... Je viens de demander à l'attaché de recherche si nous pourrions avoir ce manuel—il est à peu près épais comme cela—et examiner tous ces points pour nous assurer qu'ils ne sont pas laissés à la discrétion de ce manuel.

+-

    M. David Matas: Non. Ce manuel n'est pas épais comme ça; il est épais comme cela.

+-

    Le président: Ce sont mes yeux qui me jouent des tours... Très bien. C'est encore pire, alors que me proposez-vous?

+-

    M. David Matas: Pour commencer, il est sur l'Internet, donc on peut facilement faire des recherches. Mais deuxièmement, dans mon mémoire j'ai essayé de faire un certain nombre de références à ce manuel. Plutôt que de tout lire, commencez par questionner le ministère. Il y a d'autres personnes qui connaissent bien ce manuel.

+-

    Le président: Bien sûr, et c'est bien notre intention.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.

    Lors des auditions pour... [Note de la rédaction: inaudible], on a tous été conscients des inquiétudes des groupes qui, comme le vôtre, se préoccupent du sort des immigrants et des réfugiés. Il est clair que les événements de septembre ont eu un impact, et l'ombre américaine sur le Canada a également eu un impact. J'ai donc un certain nombre de questions à vous poser.

    Pour ce qui est de la détention, on sait que lorsqu'une personne fait une demande de statut de réfugié aux États-Unis et n'a pas de papiers, cette personne s'en va dans un endroit où on peut la contrôler. Depuis le 11 septembre 2001, est-ce qu'il vous semble qu'il y a eu une augmentation du nombre de détentions au Canada?

    Quelqu'un a fait allusion à la carte de résident permanent qui, en soi, est une bonne chose. Tout réside dans ce que va contenir cette carte de résident. J'aimerais savoir de chacun d'entre vous quels éléments il serait pertinent d'inclure sur cette carte de résident permanent, car, bien sûr, ce sont des éléments que l'on devra questionner.

    Je pense que c'est M. Matas qui a fait allusion à l'élimination des pays sources. J'aimerais que vous nous indiquiez comment on pourrait pédagogiquement faire comprendre à la population, qui est très traumatisée depuis le 11 septembre, que la notion de pays sources doit être comme évacuée. Je suis plutôt d'accord sur ça, mais comment fait-on pour vendre cela à la population? Vous n'êtes pas sans savoir qu'une loi que la population ne comprend pas mène à un cul-de-sac.

    Enfin, j'aimerais beaucoup vous entendre sur la notion de pays tiers sûr. Personne n'en a parlé, mais on sait que c'est dans l'air. On sait que des négociations sont présentement en cours entre les États-Unis et le Canada. Quelles sont vos inquiétudes? Il y en avait déjà au moment de la loi C-11. Est-ce que vos inquiétudes sont davantage concrétisées? Quels sont les principaux points qui vous inquiètent?

À  +-(1005)  

[Traduction]

+-

    M. David Matas: La catégorie «pays source» signifie que quelqu'un peut être admis au Canada à partir de son propre pays où il y a des risques justifiant le statut de réfugié; il n'a pas à se rendre dans un pays tiers. Pour justifier le statut de réfugié il faut faire sa demande à l'extérieur de son propre pays d'origine. La notion de «pays source» supprime cette exigence. Mais cela ne concerne que les pays désignés.

    Nous recommandons d'appliquer cette notion à tous les pays et non pas simplement aux pays désignés. La raison en est que l'inscription sur cette liste de pays désignés prend du temps et que la situation peut évoluer très vite. Certains pays ne sont inscrits sur cette liste que longtemps après qu'ils auraient dû l'être alors que d'autres pays auraient dû en être supprimés depuis longtemps.

    Vous avez demandé s'il serait difficile de faire comprendre à la population canadienne la notion de pays source. Pour être franc, je doute que la majorité des Canadiens savent ce qu'est la catégorie de pays source et qu'ils s'en préoccupent. En partie, le problème c'est qu'inscrire à cette liste ou y supprimer le nom de certains pays c'est porter publiquement un jugement, et la plupart du temps il serait plutôt préférable de nous en abstenir. Pourquoi dire que tel pays est une source de problème plutôt qu'un autre? Pourquoi ne pas prendre en compte uniquement la situation de la personne concernée, comme nous le faisons quand nous nous prononçons sur le statut de réfugié, quel que soit le pays d'origine?

    Avec la notion de «tiers pays sûr», il ne devrait pas y avoir une telle distinction. L'ancienne loi le permettait mais cela n'arrivait jamais. Cela nous plaisait et nous aimerions que cela continue ainsi. Si un accord était négocié, comme cela s'est fait d'ailleurs avec les États-Unis autrefois, nous aimerions que cela fasse l'objet de larges consultations avant la négociation et après la négociation, avant la version définitive.

    En principe, il existe une conclusion du comité exécutif du Bureau du haut commissaire aux réfugiés des Nations Unies qui stipule que les réfugiés devraient pouvoir demander refuge dans le pays où ils veulent aller parce qu'il y a des raisons évidentes pour lesquelles ils veulent y aller. Il peut y avoir des raisons familiales, des raisons de soutien, et il n'est pas très logique qu'on oblige un réfugié qui a, disons, des soutiens à Winnipeg, à rester à Minot, au Dakota du Nord.

[Français]

+-

    Mme Janet Dench: Pour ce qui est de la détention, c'est malheureusement difficile, même pour le ministère, d'obtenir des chiffres qui pourraient démontrer qu'il y a effectivement eu une augmentation des détentions. Toutefois, il semble assez clair--et le ministère l'admet--que, dans le centre de détention à Montréal, il y a eu une augmentation du nombre de détentions, entre autres du nombre de revendicateurs du statut de réfugié qui n'avaient pas, selon l'agent de l'Immigration, suffisamment de pièces d'identité. Malheureusement encore une fois, ce sont surtout les Africains qui, apparemment, demeurent au centre de détention le plus longtemps parce que c'est plus difficile pour eux d'obtenir des pièces d'identité qui pourraient être envoyées de chez eux.

    Quant à la carte de résident permanent, la question de données biométriques constitue un point très important pour nous. On a constaté, avec déception, que le fait d'avoir des cartes de résident permanent avec des données biométriques faisait partie des ententes entre le Canada et les États-Unis.

    D'un autre point de vue, il peut y avoir des questions d'ingérence dans la vie privée, mais ce qui nous préoccupe le plus, c'est la question de l'égalité et de la non-discrimination. C'est une chose que de demander aux citoyens canadiens et aux immigrants d'avoir des cartes avec des données biométriques. Toutefois, si on exige cela seulement des immigrants, ça laisse croire que les immigrants sont en quelque sorte plus dangereux que les citoyens canadiens.

    La question du pays tiers sûr est en effet quelque chose qui nous préoccupe beaucoup. On discute de trois domaines de préoccupation avec le gouvernement.

    Il y a d'abord la question de la protection des réfugiés. Même s'il y a certaines similarités entre le système canadien et le système américain, il existe tout de même des distinctions importantes. C'est toujours possible qu'il y ait des gens qui soient acceptés au Canada, mais qui pourraient être refusés aux États-Unis. Je pense, entre autres, à la situation des femmes fuyant la persécution basée sur le sexe.

    Deuxièmement, il y a la question du choix des réfugiés, dont David a déjà parlé. Les réfugiés sont des gens qui ont presque tout perdu dans la vie: leur maison, leur pays, leur métier et probablement leur famille. On ne devrait pas leur imposer une destination, si on peut leur laisser ce choix, parce que c'est la seule chose qui leur reste.

    Troisièmement, on s'interroge quant à l'objectif fondamental de cette entente du point de vue du Canada. L'objectif n'est-il pas de réduire le nombre de réfugiés qui arrivent au Canada? À titre de pays qui se veut généreux envers les réfugiés et qui est, ne l'oublions pas, assez éloigné de la plupart des pays sources de réfugiés, est-ce que l'on devrait tenter de réduire le nombre de réfugiés qui pourraient jouir de la protection du Canada?

À  +-(1010)  

[Traduction]

+-

    Le président: Elizabeth.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Je suis d'accord avec Janet à propos de la carte de résident permanent. Dans notre mémoire nous faisons trois recommandations à propos de l'harmonisation des critères pour le passeport canadien, des mesures de mansuétude pour les mineurs sans tuteur et l'exigence de documents de voyage pour les personnes protégées sans papiers.

+-

    Le président: Une petite question complémentaire, Judy?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Sur la question des tiers pays sûrs, nous avons entendu le ministre. La question lui a été posée et pour l'essentiel, il a répondu que c'était distinct de la loi et des règlements; le gouvernement négocie un accord avec les États-Unis. Notre influence sera très limitée et je me demande quel rôle peut vraiment jouer le Parlement. D'aucuns nous ont suggéré d'essayer pour le moins de convaincre le gouvernement de le traiter comme un projet pilote à cause des ramifications et des conséquences potentielles pour la politique des réfugiés. Quel est votre conseil à propos de ce problème que je comprends fort bien? Janet, vous l'avez très bien défini.

À  +-(1015)  

+-

    Mme Janet Dench: Le gouvernement va soumettre cet accord à des consultations. Pour le moment, d'après ce que nous savons, il n'y a pas encore de texte. Mais il finira par y en avoir un et votre comité pourrait très bien organiser des réunions pour en discuter. Vous avez mentionné la possibilité d'un essai, d'un projet pilote. On pourrait très bien prévoir dans l'accord une première phase d'application partielle si c'est bel et bien l'intention. C'est la participation que vous pourriez apporter à cette phase de consultation.

+-

    M. David Matas: Oui, il est vrai que l'on ne trouve rien de cela dans la présente version du règlement. On n'y trouve rien concernant un tiers pays sûr mais cela n'est pas exclu car cette notion figure dans les dispositions de la loi et le pouvoir de réglementer permet au comité ou au gouvernement de prévoir un règlement portant sur le tiers pays sûr. Les membres du comité voudront sans doute songer à des critères applicables à tout éventuel protocole d'entente. Un tel protocole d'entente pourrait être modelé sur le protocole d'entente que prévoit le règlement actuel concernant les organisations de renvoi. En effet, le règlement prévoit ce que doit contenir un tel protocole d'entente.

+-

    Le président: Nous vous remercions d'avance de vous porter volontaire pour préparer une liste de critères concernant les tiers pays sûrs, que nous pourrons inclure dans nos conclusions. Vous l'avez dit, le tiers pays sûr est prévu dans les dispositions de la loi mais il est absent ici. Cela fera l'objet d'un accord bilatéral qu'on est en train de préparer et nous aurons l'occasion d'intervenir. Vous avez absolument raison de dire que nous pouvons faire des recommandations concernant les dispositions de la loi et de son règlement d'application. C'est précisément à cela que servent nos réunions, à savoir préparer des recommandations à l'intention du gouvernement et du ministre, et nous choisirons sans doute de le faire. Le rapport du comité contient une décision de principe, à savoir que le gouvernement s'engage à conclure une entente avec des tiers pays sûrs, mais les difficultés surgissent toujours lorsque l'on arrive aux détails.

    David, si vous avez des idées concernant les tiers pays sûrs, pour qu'ils figurent dans le règlement, ayez l'obligeance de nous les transmettre car ce serait utile.

+-

    M. David Matas: Volontiers. En fait, si vous concluez d'après mes remarques que je me porte volontaire pour préparer ces lignes directrices, j'accepte volontiers votre conclusion.

+-

    Le président: Nous pourrons ainsi parler du tiers pays sûr de Matas.

    Anita, vouliez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Je voudrais que vous m'inscriviez sur la liste de nouveau.

+-

    Le président: Oui mais il faudra attendre votre tour.

    Anita.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais poser deux questions à David Matas, qui pourraient lui valoir du travail supplémentaire.

À  +-(1020)  

+-

    M. David Matas: Nous savons que les Manitobains sont travailleurs, n'est-ce pas?

+-

    Mme Anita Neville: Nous travaillons dur, en effet.

    David, vous avez fait une remarque que je voudrais que vous développiez. Vous avez parlé tout à l'heure de la discrimination géographique et raciale et j'aimerais que vous nous en disiez davantage.

    Vous avez parlé des difficultés de maintenir un double système, d'une part ceux qui déjà sont dans l'engrenage et d'autre part la recommandation du ministère concernant la rétroactivité. Que recommandez-vous pour le grand nombre de candidats qui déjà sont dans l'engrenage pour venir en tant que travailleurs qualifiés. Comment procéder?

    D'autre part, je ne sais pas si on pourra répondre dans le temps dont nous disposons—j'aurais deux choses à demander—, je voudrais que vous nous parliez de la complexité du processus de détermination du statut de réfugié et de la façon dont on pourrait le simplifier. Je suis assez novice face à ce processus et j'étais renversée par les complexités qu'il comporte en essayant de le reporter à mes propres petits chemins critiques pour voir la progression. J'aimerais—mais je ne sais pas si nous en avons le temps—que vous nous donniez votre point de vue sur la façon dont le système a effectivement été simplifié.

    Autre question—et je les énumère toutes—, je suis atterrée quand je vous entends dire que le manuel et le règlement ne concordent pas. Même si le règlement n'est pas encore en vigueur, je voudrais savoir—honnêtement, je ne vais pas le parcourir—quelles sont les irrégularités flagrantes qui ont une incidence sur la mise en oeuvre de la politique gouvernementale. C'est beaucoup, excusez-moi.

+-

    M. David Matas: Pour répondre à votre question sur la discrimination géographique et raciale, selon moi, un des inconvénients de notre système d'immigration est le manque d'analyse satisfaisante sur la recherche de l'égalité. Actuellement, le principe d'égalité figure dans la loi—et il a été repris—et bien entendu, ce principe figure dans la Charte des droits et libertés. Toutefois, il a été interprété en faisant intervenir essentiellement la «nulle discrimination patente», et l'égalité, ce n'est pas seulement l'égalité en principe et en déclaration, mais aussi sur le plan des effets et de son incidence. S'il y a discrimination dans les faits, il y a effectivement discrimination même si on ne le reconnaît pas, même si ce n'est pas intentionnel, car le résultat est bel et bien le même. On ne peut pas se disculper d'une accusation de discrimination en affirmant simplement que ce n'était pas intentionnel.

    Selon moi, cette discrimination systémique existe, mais le ministère ne fait même pas d'analyse interne afin de vérifier si ces programmes y donnent lieu. Il y a beaucoup d'éléments qui me frappent d'emblée comme étant cause de discrimination systémique. Je songe notamment à la piètre répartition des bureaux qui délivrent des visas ou encore des ressources affectées à ces bureaux. Ensuite, il y a l'exigence d'obtenir un visa. Elle vise certains pays et pas d'autres. En troisième lieu, il y a le système de points lui-même, qui va causer une discrimination à l'égard de certains régimes démographiques. Où se trouve l'analyse ministérielle qui démontrerait que cela n'a pas dincidence discriminatoire néfaste? Il n'y en a pas. C'est la difficulté.

    Pour ce qui est du double système—et cela répond à la question de Judy Wasylycia-Leis—il nous faudra prendre des précautions, comme c'est le cas partout ailleurs, sur le plan de l'utilisation des ressources. C'est un système qui fait appel à d'énormes ressources et le problème de l'arriéré et des retards est dû en partie à une pénurie de ressources. Il y a bien des choses que nous souhaiterions faire si nous disposions de plus de ressources, entres autres maintenir deux systèmes pendant bien des années, mais je ne pense pas que nous puissions nous le permettre. Si les ressources sont disponibles, il vaudrait mieux les consacrer à d'autres éléments du système.

    Je relève l'argument de Mme Wasylycia-Leis à propos des attentes qu'ont les gens, mais un programme économique n'est pas un programme humanitaire. C'est un programme économique, si bien que je ne pense pas qu'il soit judicieux de le transformer en programme humanitaire à l'occasion d'une réforme. Il faut tout simplement se montrer juste à l'égard des intéressés au moment du changement. Ce qui serait juste, à mon avis, si l'on change le système, ce serait de rembourser les gens qui ne souhaitent plus présenter leur candidature en présence de la nouvelle donne. S'ils ont déjà subi l'entrevue, c'est l'ancien système qui s'appliquerait de sorte que l'on n'aurait pas recours à un double système.

    Pour ce qui est de la simplification de la procédure, je vous demanderais de vous reporter à un très long mémoire que j'ai soumis au comité et intitulé «Serpents et Échelles», qui faisait ressortir les problèmes de la complexité et comment cela pouvait changer grâce à des dispositions législatives. La marge de manoeuvre pour influer sur la complexité est beaucoup moins grande dans le cas du règlement parce qu'une grande partie de la complexité, de la structure, découle directement du projet de loi.

    Quant au système de détermination du statut de réfugié, je dirais que nous devrions dans toute la mesure du possible éviter... La difficulté provient essentiellement du fait qu'il y a trois, quatre ou cinq étapes dans le système. En fait, après avoir fait un calcul, certains pourraient devoir franchir 21 étapes alors qu'une ou deux devrait suffire. Il nous faut... Dans la mesure du possible, il faudrait que tous soient d'office admissibles. On devrait se débarrasser de cet examen des risques avant renvoi et procéder immédiatement à la détermination du statut, étape pendant laquelle on ferait l'examen des risques, avec possibilité d'interjeter appel auprès de la section d'appel des réfugiés.

    Il y a ensuite la question de la Cour fédérale, de la sécurité et des crimes graves. Les choses dépassent largement le système de sécurité désormais; il y aura encore davantage de gens, et c'est extrêmement complexe. Je dois reconnaître... J'ai essayé de voir comment on pouvait réduire la complexité des dispositions législatives. Je ne sais pas quelle latitude vous donne le règlement. Si je prenais le temps de le faire, je pourrais essayer de voir quelle marge de manoeuvre il offre encore afin de déterminer si c'est possible.

À  +-(1025)  

    Pour ce qui est du manuel, je ne dirai pas qu'il contredit le règlement, car il répond à des questions auxquelles le règlement ne répond pas, et il porte sur des éléments que le règlement n'aborde pas, qui sont tout simplement restés en suspens.

    J'ai donné l'exemple des gens que l'on ne peut pas renvoyer dans des pays dangereux. Ils pourraient, selon le règlement, rester ici jusqu'à la fin de leurs jours. Quelqu'un qui serait venu de Somalie et qui serait frappé d'une ordonnance de renvoi pourrait ne pas pouvoir être renvoyé pendant des années.

    Il y a maintenant l'Afghanistan. Un jour ou l'autre, l'Afghanistan sera peut-être rayé de la liste des pays vers lesquels on ne peut pas renvoyer les gens mais qui sait? Hier on a inscrit le Zimbabwe sur la liste et ce pays pourrait y demeurer pendant 10 ans.

    Que faire des gens qui sont coincés ici? Le règlement est muet là-dessus. Le manuel en parle. Il faudrait que ce soit prévu dans le règlement.

+-

    Le président: Avez-vous d'autres remarques à faire concernant les quatre questions posées par Anita? Vous n'êtes pas forcé de répondre, mais si vous voulez...

    David a fait un très bon travail pour votre compte, n'est-ce pas? C'est absolument fantastique. Je suis impressionné. David, vous me suivez?

    J'ai une question supplémentaire car je pense que le Conseil canadien pour les réfugiés nous a dit la même chose. Cela concerne l'analyse comparative entre les sexes—David, vous en avez parlé et Anita également—et on se demande s'il y a un problème systémique, une subjectivité raciste ou antiraciste, dans le règlement ou la loi. David, vous avez parlé de l'aspect opérationnel. Je pose la question aux représentants du Conseil pour les réfugiés: comment vous y prendriez-vous? Je sais qu'on a appliqué au projet de loi une analyse comparative entre les sexes, mais quelqu'un a signalé—et je ne sais plus qui c'est—qu'on devrait peut-être faire une analyse sous l'angle du racisme ou de l'antiracisme.

+-

    Mme Janet Dench: Je pense qu'on songe ici à la même méthodologie que dans le cas de l'analyse comparative entre les sexes où l'on se demande, si l'on adopte cette règle si elle va toucher tout le monde de la même façon—hommes et femmes, ou gens de divers pays?

    Je parlais tout à l'heure des papiers d'identité et des difficultés ou les plus longs délais qu'éprouvent les Africains pour obtenir ces documents. C'est un cas où on adopte une règle qui semble, à première vue, neutre et impartiale, mais on constate que quelqu'un qui doit écrire en Europe pour obtenir des documents de voyage, les reçoit relativement rapidement, tandis que ce ne sera pas la même chose pour quelqu'un d'un petit village en Afrique où cela pourrait prendre des mois. Ainsi, les Européens seront remis en liberté plus rapidement alors que les Africains resteront plusieurs mois en détention.

+-

    Le président: Pensez-vous que le règlement contient actuellement ce genre d'anomalies, nonobstant l'existence de problèmes d'accès au système même à cause des exigences financières et celles relatives aux visas? Ce que vous nous avez dit est fort utile mais pouvez-vous citer une disposition du règlement en particulier qui est manifestement raciste dans ce sens-là?

    Cela m'inquiète. Je pense qu'en tant que gouvernement nous devons considérer le sexe ou l'origine d'un réfugié comme un élément indifférent. Cela ne doit pas avoir d'importance. Tous doivent avoir un accès égal, si possible, vu la configuration du système. Par conséquent, je vous pose la question. Où dans le règlement estimez-vous que cela pourrait poser un gros problème? Est-ce que c'est cette question de document ou d'absence de document? Je voudrais que vous me donniez des exemples.

+-

    Mme Kemi Jacobs: Je le répète, je ne pense pas qu'il y ait de solution toute faite. C'est une approche systémique. On ne peut pas de façon générale examiner le règlement et pointer du doigt. Il faut examiner tout le document dans son ensemble. C'est de là qu'il faut partir.

    David a dit une chose très juste à propos des résultats par rapport à l'intention. Il est important de mesurer les répercussions différentes. Il ne faut pas aller au hasard mais considérer tout le document dans son ensemble et signaler les éléments qui ne vont pas.

+-

    Le président: Avez-vous fait cela?

+-

     Mme Kemi Jacobs: Nous sommes intéressés à le faire, mais encore une fois, ce sont les ressources qui posent problème.

+-

    Le président: Vous pourriez peut-être tout de même y songer.

+-

    Mme Janet Dench: Dans nos remarques sur le projet de loi C-11, nous avons inclus une analyse antiracisme.

+-

    Mme Ratna Omidvar: Si vous avez des suggestions, vous pouvez les adresser à la Fondation canadienne des relations raciales.

+-

    Le président: Très bien, nous le ferons peut-être. Merci beaucoup Ratna pour cette suggestion.

    D'accord. Judy? Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'aimerais bien poser quelques questions sur le système de points d'appréciation parce que c'est très important. Que feriez-vous avec l'ancien système et quelles améliorations y apporteriez-vous,étant donné que nous parlons d'immigrants de la composante économique et qualifiée? Je sais que c'est une question d'éducation, mais en comparaison, qu'est-ce qui doit être modifié?

À  +-(1030)  

+-

    M. David Matas: Le problème de l'ancien système de points d'appréciation est qu'il était fondé sur des catégories de demandes par profession.

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui, nous savons cela. C'est la raion pour laquelle nous nous en sommes débarrassés, en se concentrant sur l'éducation. Alors...?

+-

    M. David Matas: Le concept du nouveau système de points d'appréciation est d'accorder la priorité à la souplesse— au lieu des professions et de la demande—dans le contexte du marché économique canadien. En principe, cela a beaucoup de sens. Le problème, c'est que lorsqu'on se penche sur les critères individuels, les critères de souplesse ne semblent pas être tellement adaptés à la réalité canadienne. En effet, vous accordez une plus grande priorité aux titulaires de doctorat qu'aux membres des corps de métier, et ainsi de suite.

+-

    Mme Lynne Yelich: Ce qu'Elizabeth a dit m'a semblé fort à propos. Je suis curieuse parce que ce sont les immigrants sur lesquels on devra compter. C'est une sorte de liste de critères qui n'est guère élastique. Lorsqu'on est en quête d' immigrants de la composante économique qualifiée, on ne dispose pas beaucoup de latitude.

+-

    Le président: Je veux vous signaler qu'aux pages 7 et 8 de votre document, il est question d'un système actuel de points d'appréciation et d'un nouveau. Je suis certain que la lecture de ces systèmes de points d'appréciation, leur contexte et leur objet feront une bonne lecture de chevet au cours de la fin de semaine.

+-

    Mme Ratna Omidvar: Permettez-moi d'ajouter quelque chose, car je vois la chose sous un angle différent.

    J'espère que vous reconnaitrez avec moi que l'immigration sert à bâtir un pays et non pas à recruter des cadres car vouloir le faire sans l'expertise et les ressources voulues pour appuyer le processus, on a tendance à se créer des ennuis. En proposant d'attribuer une haute priorité à l'éducation supérieure sans disposer des moyens d'utiliser cette éducation, on se trouve à dérober leurs meilleurs sujets aux pays sources—ce qu'on devrait éviter de faire—et même pire.

    Une voix: Comme c'est bien dit!

    Mme Ratna Omidvar: Cela revient à marginaliser ces immigrants parce que l'on n'arrive pas à mettre à profit leur savoir.

    Une solution éventuelle serait de revoir le système de points d'appréciation en fonction du potentiel d'adaptation au Canada fondé sur les obstacles actuels qui s'amenuiseraient avec le temps. J'espère que vous prendrez ma suggestion en considération et je serais heureuse d'en discuter davantage avec vous.

+-

    Le président: Merci.

    J'aime bien ce que vous avez dit au sujet du développement d'un pays plutôt que du recrutement. Nous emploierons peut-être ces termes dans notre document.

+-

    Mme Ratna Omidvar: Merci. Nul besoin de nous citer.

+-

    Le président: Non, non, je vous rendrai tout le crédit que vous méritez. C'est vous qui l'avez inventé et c'est très bien.

    Ceci devra être votre dernière question Judy, et ensuite on devra remercier nos invités d'être venus et passer à autre chose.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: D'abord, rapidement, je crois que nous devrions remercier Janet d'avoir souligné que le ministère a procédé à une analyse fondée sur le sexe, qui ne nous a d'ailleurs pas été envoyée à ma connaissance. J'ai obtenu copie de ce document grâce à Janet, mais nous devrions demander au ministère...

+-

    Le président: Vous obtiendrez tout ce que vous demanderez, et si ce n'est pas le cas, appelez-moi. Je m'assurerai que ce document vous parvienne.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Lorsque l'on effectue ce genre d'études, il serait bon qu'elles soient automatiquement envoyées au comité.

+-

    Le président: Vos désirs sont pour nous des ordres ou des demandes. Il vous suffit de demander.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai deux brèves questions, dont l'une porte sur le système des points d'appréciation. Que l'on se fie à la grille d'emploi ou à une approche souple par rapport aux études, j'estime que nous ne serons pas beaucoup plus avancés à moins de nous attaquer aux problèmes de fond que sont l'établissement au pays et la reconnaissance des titres de compétence. Comme le disait Ratna, nous ne réussirons qu'à prélever les meilleurs sujets des pays du tiers monde, qui ne peuvent se permettre de perdre ces éléments. Voilà à peu près ma première question.

    La deuxième s'adresse à vous, monsieur Matas. Lorsque vous avez témoigné devant notre comité, vous avez dit souhaiter que le projet de loi C-11 et les règlements qui en découlent fassent au moins une chose soit de garantir que personne ne devrait être renvoyé s'il risque de subir la torture. L'objectif est-il atteint?

+-

    M. David Matas: Bien sûr, toute cette histoire faisait l'objet d'un litige à l'époque, dans le cadre de l'affaire Suresh. J'ai été intervenant pour l'Association du Barreau canadien dans l'affaire Suresh, et nous avons soutenu que le droit international interdit le renvoi s'il y a risque de torture, dans toutes circonstances. La cour a accepté cet argument de droit international. Pour ce qui est du droit national, le renvoi serait permis en vertu de l'article 7 de la Charte, qui porte sur la justice fondamentale, seulement dans des circonstances exceptionnelles, lesquelles n'ont pas été définies par la cour. La cour a employé la même formule dans l'affaire Burns et Rafay, affaire d'extradition pour crime passible de peine de mort que j'ai également plaidée. Comme vous le savez, l'affaire Burns et Rafay impliquait deux personnes accusées d'avoir tué les parents de l'un d'eux pour toucher un héritage. Il s'agissait là de faits terribles mais non de circonstances exceptionnelles.

    D'après mon interprétation de l'Arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Suresh, les circonstances exceptionnelles sont si rares que nous n'en verrons probablement jamais. Il n'y a donc pas d'interdiction absolue de renvoyer quelqu'un qui risque la torture, mais presque. Et il est malheureux que nous ayons dû aller jusqu'à la Cour suprême pour l'obtenir, et que le gouvernement s'y soit opposé avec tant d'énergie.

    Une voix: Oui.

    M. David Matas: Il est regrettable que le gouvernement n'en ait pas pris l'initiative.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]... questions. C'est notre prochaine étape, Judy, après que nous aurons terminé ce travail.

    Je vous remercie tous de votre apport, d'avoir répondu à nos questions, de nous avoir éclairés et d'avoir accepté de faire encore un peu de travail pour nous.

    Nous allons passer le plus rapidement possible aux témoins suivants, mais d'abord, nous prenons une pause de cinq minutes.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Chers collègues, nous reprenons nos audiences ce matin, et nous avons le plaisir d'accueillir des témoins de l'Association du Barreau canadien: Benjamin Trister—heureux de vous revoir, Ben—et Gordon Maynard. Nous entendrons ensuite des représentants du Barreau du Québec, Noël St-Pierre et Julie Delaney. Et enfin, de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, David Chalk et Patrice Brunet. Bienvenue à tous et merci d'être venus.

    Nous vous demandons de résumer vos mémoires et vos recommandations, ces dernières étant les plus importantes bien sûr, et de vous en tenir à 7 à 10 minutes chacun, ce qui nous donnera amplement le temps pour vous poser des questions. D'abord, je vous remercie d'avoir pris le temps d'étudier ce règlement. Vous aviez beaucoup d'idées à propos du projet de loi C-11, et je vous remercie de vos commentaires à ce sujet également. J'attends vos exposés avec impatience.

    Nous pouvons commencer par l'Association du Barreau canadien. Ben, Gord, allez-y.

À  +-(1045)  

+-

    M. Benjamin J. Trister (président, Section nationale du droit de la citoyenneté et de l'immigration, Association du Barreau canadien): Monsieur le président, honorables députés, M. Maynard et moi-même sommes heureux de pouvoir comparaître devant vous aujourd'hui pour évoquer le projet de règlement de l'immigration.

    L'Association du Barreau canadien est un organisme national bénévole qui représente plus de 37 000 juristes canadiens. Les membres de la Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration, que nous représentons ici aujourd'hui, sont experts dans tous les aspects du droit de l'immigration. Notre analyse du projet de règlement est naturellement conforme au mandat du Barreau, qui est de promouvoir la règle de droit et l'amélioration de l'administration de la justice.

    Les Canadiens reconnaissent l'apport remarquable des immigrants de tout temps à la mise en valeur de notre pays. Comme en témoignent les délibérations de ce comité sur la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, tous les partis sont favorables à un régime sain et efficace d'immigration. Comme le disait le ministre Coderre il y a deux jours, l'immigration est une question non partisane. Nous voulons tous ce qu'il y a de mieux pour le Canada.

    La rétroactivité envisagée dans les critères de sélection des travailleurs spécialisés a suscité beaucoup d'attention. À notre avis, de nombreux autres aspects du projet de règlement méritent qu'on s'y attarde. Nous espérons attirer votre attention sur les principales questions soulevées par le règlement.

    En ce qui concerne la rétroactivité, le Barreau canadien s'inquiète de l'application rétroactive des nouveaux critères de sélection aux demandes déjà présentées; cette mesure est sans précédent, mais ce qui est encore plus gênant, c'est que le règlement permet au gouvernement d'invoquer la rétroactivité de façon permanente comme mécanisme de contrôle du volume des demandes. Dès maintenant, la rétroactivité va empêcher les requérants de connaître les critères de sélection qui s'appliqueront à leur demande, et le régime canadien applicable aux immigrants économiques va devenir essentiellement une loterie. Cet élément d'incertitude va dissuader les gens qui voudraient immigrer au Canada. N'oublions pas que nous sommes en concurrence avec le monde entier pour attirer des travailleurs qualifiés. Ce qui rend le régime particulièrement pervers, c'est que la rétroactivité n'aura pas l'effet recherché par le gouvernement, à savoir le contrôle du volume des demandes à traiter.

    Nous avons remarqué les propos du ministre Coderre et de plusieurs membres de ce comité sur les critères de sélection envisagés. Ils ont dit craindre que les nouveaux critères ne soient pas conformes à l'attitude d'ouverture du Canada en matière d'immigration économique. Nous partageons ce point de vue. Nous prétendons qu'avec le nouveau système, le Canada aura plus de difficultés à attirer les travailleurs dont il a besoin pour assurer la croissance de sa main-d'oeuvre. Il faut se rappeler que dans 10 ans, l'intégralité de la croissance du marché du travail au Canada devra provenir de l'immigration. La croissance de notre économie dépend de l'immigration.

    En résumé, l'Association du Barreau canadien considère qu'il faudrait modifier considérablement les critères de sélection envisagés et ne pas les appliquer avant que ces problèmes aient été réglés et que le Canada ait changé de procédures d'acceptation et de traitement des demandes d'immigration.

    Ceci nous amène à la date d'entrée en vigueur du règlement, qui a été fixée au 28 juin 2002. Heureusement, le ministre Coderre est disposé à remettre en question certains éléments essentiels de ce dernier, et votre comité pourra les étudier plus longuement. Cela étant dit, tant que le ministre ne se montre pas prêt à remettre à plus tard l'entrée en vigueur du règlement, le ministère doit travailler d'arrache-pied pour respecter le délai du 28 juin. Il est souhaitable que le ministre annonce une rémission le plus tôt possible.

    Nous avons remarqué avec intérêt que le ministre Coderre avait demandé à votre comité d'étudier la possibilité d'élaborer un code d'éthique pour les consultants en immigration. Nous sommes favorables à toute initiative susceptible de garantir la qualité des services fournis par les consultants, mais nous considérons qu'un code de conduite facultatif n'est pas d'une grande utilité. On peut difficilement supposer que les consultants dont les activités trahissent le manque de scrupules vont changer d'attitude de leur propre gré. Il faudrait au minimum réserver la pratique du droit de l'immigration aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents. La réglementation de l'activité des consultants en immigration devrait devenir une priorité si l'on veut mieux protéger la société canadienne et les candidats à l'immigration.

    Nous vous avons remis une résolution où nous proposons des normes d'accréditation pour les consultants. Nous avons également remis au greffier le code déontologique du Barreau, et nous espérons que ces documents vous aideront dans les travaux que vous a confiés le ministre.

    M. Maynard va maintenant vous présenter brièvement nos autres sujets de préoccupation.

+-

    M. Gordon H. Maynard (trésorier, Section nationale du droit de la citoyenneté et de l'immigration, Association du barreau canadien): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.

    Je voudrais vous signaler cinq éléments du règlement qui nous préoccupent. Faute de temps, je ne pourrai dans le présent exposé qu'indiquer brièvement les sujets en question, en faisant un très bref commentaire, quitte à demander aux membres du comité de revenir sur ces sujets lors des questions et lorsque le ministre et ses collaborateurs comparaîtront de nouveau devant vous.

    Notre première préoccupation concerne les dispositions sur le déroulement des examens. Vous vous souvenez que l'article 15 du projet de loi C-11 confère aux agents d'immigration le pouvoir de soumettre à un examen obligatoire toute personne qui présente une demande en vertu de la loi. C'est là un pouvoir considérable qui n'est pas prévu dans la loi actuelle et qui s'applique à toute personne qui demande l'application de la loi, par exemple à l'occasion d'une demande de parrainage, de prolongation de statut au Canada ou de carte de résident permanent.

    Le projet de règlement ne comporte aucune disposition concernant la tenue de ces examens dans le cas d'un requérant. Le pouvoir d'examen dont sont investis les agents comporte le pouvoir de procéder à une arrestation et d'imposer des sanctions en cas de non respect de la loi, à savoir un maximum de 100 000 $ d'amende et de cinq ans d'emprisonnement. Mais surtout, outre la possibilité d'un échec, les personnes soumises à ces examens risquent de perdre leur statut en cas de fausse déclaration au cours de l'examen, en cas de refus de se soumettre à l'examen ou en cas de refus d'obtempérer, le requérant peut alors être expulsé du Canada, compte tenu des pouvoirs de détermination conférés à l'agent.

    Le pouvoir d'examen impose au requérant une procédure administrative qui comporte un risque considérable; or, aucune disposition ne définit les modalités de la tenue de cet examen. Le règlement devrait prévoir l'envoi à la personne concernée d'un avis lui indiquant la date et le lieu de l'examen et précisant que ce dernier a pour objet la détermination de la demande. Le règlement devrait par ailleurs mentionner que la personne soumise à l'examen a droit à la présence d'un avocat. Tous ces éléments sont absents du projet de règlement.

    Deuxièmement, je voudrais faire référence aux circonstances de l'article 64 sur les résidents permanents. Vous vous souvenez que l'article 64 du projet de loi C-11 a suscité de vives critiques. Il permet l'expulsion de certains résidents permanents sans possibilité de prise en considération de leurs circonstances particulières par la division d'appel du tribunal indépendant. Le Barreau s'est opposé à cette disposition. Nous contestons la suppression du contrôle exercé par le tribunal indépendant, en particulier pour les résidents permanents, car l'expulsion repose uniquement sur une condamnation pénale.

    Le Barreau canadien souhaitait que la loi comporte une disposition prévoyant que cinq ans de résidence garantissent le droit de se pourvoir devant la division d'appel—non pas une garantie contre l'expulsion, mais une garantie de contrôle judiciaire. Le 16 mai, le ministère a comparu devant votre comité et lui a donné l'assurance qu'il tiendrait scrupuleusement compte des circonstances particulières des résidents permanents et qu'il exercerait une surveillance à cet égard.

    Or, le règlement ne comporte aucune disposition concernant cet article 64 sur les résidents permanents. Aucune disposition n'oblige les agents à tenir compte des circonstances particulières du requérant, que ce soit avant les premières mesures répressives ou après l'adoption d'une mesure de renvoi. Toute la réglementation et les mesures d'application de la loi visent à accélérer le renvoi. Il n'y a pas de suspension de la mesure de renvoi pendant la procédure d'appel ni en cas de demande d'examen pour raison d'ordre humanitaire; l'agent n'est pas tenu de prendre en considération des circonstances particulières d'un résident permanent, et celui-ci ne peut se pourvoir en appel. C'est là une grave lacune dans le règlement.

    On ne peut pas s'en remettre aux assurances données par le ministère ni à des lignes directrices. Si un résident permanent ne peut invoquer le droit pour demander la prise en considération des circonstances de son cas, ses droits ne sont pas reconnus juridiquement.

    Troisièmement, je voudrais signaler les dispositions concernant la compétence du ministre en matière humanitaire. L'article 25 de la loi prévoit que le ministre doit étudier les circonstances d'ordre humanitaire du cas d'une personne interdite de territoire qui en fait la demande, et peut lui octroyer le statut de résident permanent. C'est là une autorité qui préserve le vaste pouvoir discrétionnaire du ministre de permettre à un étranger de rester au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire, même s'il ne se conforme pas aux exigences de la loi ou s'il est résident interdit de territoire.

À  +-(1050)  

    Les règles qui régissent ce pouvoir sont énoncées aux articles 107 à 112 du règlement, lequel stipule qu'une personne qui veut bénéficier de ce pouvoir discrétionnaire doit en faire la demande au ministre aux termes de l'article 25 et que la demande doit être refusée si la personne est inadmissible. À première vue, le règlement contredit purement et simplement la loi. Il n'y a pas de procédure cohérente pour traiter les demandes de personnes qui sont inadmissibles mais qui sont dans une situation telle qu'elles devraient être admises pour des raisons humanitaires. Le texte de ces articles du règlement nous rend perplexes et très méfiants. Nous nous méfions de l'intention du ministère à cet égard.

    Quatrièmement, j'attire votre attention sur les règles régissant la manière dont les agents traiteront les visiteurs, les étudiants et les travailleurs qui se trouvent au Canada. Le problème est que l'on supprime le pouvoir discrétionnaire des agents. Aux termes de la loi actuelle, si quelqu'un—un travailleur au Canada, un étudiant au Canada, un visiteur au Canada—viole les conditions de son séjour ou de son permis, un agent peut pénaliser cette personne en refusant de lui délivrer un nouveau permis de travail ou d'étude pendant une période d'un an. Mais l'agent a aussi la possibilité de passer l'éponge.

    Aux termes du nouveau règlement, plus précisément les articles 202 et 217, il n'y a plus aucun pouvoir discrétionnaire. Toutes les infractions sont pénalisées. Les agents ne sont pas autorisés à donner de nouveaux permis de travail ou d'étude à quiconque enfreint une condition d'un permis de travail ou d'étude délivré antérieurement.

    De même, l'article 19 du règlement limite la capacité de l'agent de reconduire le permis de visiteur lorsque la personne en cause a par inadvertance laissé passer la date d'échéance. À l'heure actuelle, les agents ont beaucoup de latitude à cet égard. Aux termes de l'article 19, ils ne pourront le faire que pendant la période de 30 jours.

    Cette élimination du pouvoir discrétionnaire est tout simplement déraisonnable. Les agents seront coincés, ils n'auront plus le choix et les résultats seront inutilement sévères. Cela créera plus de problèmes que de solutions.

    Cinquièmement, je voudrais vous parler de la délivrance d'ordonnances de renvoi par l'agent et le tribunal. Aux termes de la nouvelle loi et de son nouveau règlement d'application, c'est ce dernier qui précise l'étendue des pouvoirs dont disposent les agents pour ce qui est de délivrer des ordonnances de renvoi, par opposition à un tribunal indépendant. Ce sont les articles 234 et 235 du règlement qui s'appliquent en l'occurrence. Ce sont les agents et non pas un tribunal qui vont délivrer des ordonnances de renvoi contre des visiteurs, des travailleurs et des étudiants qui se trouvent au Canada, dans la plupart des cas. En outre, les agents auront seulement le pouvoir de délivrer ce que l'on appelle une mesure d'exclusion assortie d'une pénalité d'un an. Il n'y a aucune possibilité de prendre une mesure d'interdiction de séjour, comme on le fait aux termes de la loi actuelle, quand on veut prendre une mesure de renvoi moins sévère.

    Ce règlement soulève deux problèmes. Premièrement, on ne précise nulle part la procédure que doivent suivre les agents en pareil cas. Il n'y a aucune exigence quant à la tenue d'une audience. Il n'est nullement exigé que la personne ait la possibilité de répondre aux allégations portées contre elle. La personne n'a pas le droit de se faire représenter par un avocat. C'est une procédure purement administrative. Ce n'est donc pas équitable.

    Deuxièmement, l'agent a trop peu de latitude relativement au type de mesures à prendre pour refouler une personne. Les agents devraient avoir la possibilité de prendre une simple mesure d'interdiction de séjour, le cas échéant, comme mesure de renvoi moins sévère.

    Voilà donc les principales préoccupations. C'est loin de représenter la totalité de nos réserves et préoccupations relativement à cet ensemble de mesures réglementaires. Vous pouvez vous imaginer qu'avec plus de 250 articles de règlement, nous avons une longue liste de préoccupations, dont beaucoup ont des conséquences tout aussi sérieuses que celles dont je viens de vous faire part.

    Le comité a fait du bon travail quand il a étudié le projet de loi C-11. Des changements constructifs ont été apportés. Le défi qui se pose maintenant est d'en faire autant en étudiant ce train de mesures réglementaires. Je pense qu'il est juste de dire que l'ABC estime que ce règlement a besoin de réparations. Il ne résiste pas à l'analyse dans sa forme actuelle. Nous sommes contraints par une échéance tout à fait impossible, puisque la date d'entrée en vigueur est censée être le 28 juin. Tout le monde, y compris le ministère, serait avantagé s'il y avait la possibilité de reconsidérer ce règlement et de réparer les erreurs qui ont été commises.

À  +-(1055)  

    Merci.

+-

    Le président: Merci, Ben et Gord, de nous avoir signalé les lacunes les plus flagrantes et d'avoir formulé certaines recommandations relativement aux articles 15 et 64, sauf erreur, qui préoccupaient vivement le comité pendant l'étude du projet de loi C-11. Vous nous avez proposé et je pense que nous avons apporté des amendements très positifs. Le fait qu'il n'y ait aucun règlement nous trouble également. Je vous remercie beaucoup d'avoir mis en relief ces points précis concernant le lieu de résidence permanente et les procédures d'examen.

    Nous allons maintenant donner la parole à Noël et Julie. Je vous souhaite la bienvenue.

Á  +-(1100)  

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre (avocat, Barreau du Québec): Bonjour. Je représente ici le Barreau du Québec, le groupe professionnel qui regroupe de façon obligatoire tous les avocats et avocates qui pratiquent dans la province de Québec. Il compte environ 20 000 membres.

    Le Barreau intervient de plus en plus dans les domaines reliés à l'immigration, et je tiens à souligner que son premier mandat est la protection du public, donc des personnes qui sont soumises à des procédures judiciaires ou administratives.

    Vous avez, non pas un mémoire en bonne et due forme, à cause des délais, mais un document produit en français. Malheureusement, la version anglaise...

[Traduction]

    La version anglaise n'est pas aussi élégante que la version française, mais elle constitue, du moins je l'espère, une traduction fidèle qui ne comporte pas trop de gallicismes.

[Français]

    Ici, tout d'abord, nous avons présenté les pouvoirs réglementaires en vertu de la loi, parce qu'il y a énormément de pouvoirs. Je ne reprendrai pas dans mes remarques préliminaires ce que Me Maynard vient de dire. Je tiens à souligner que nous sommes en grande partie d'accord sur l'ensemble des remarques.

    Il est intéressant de regarder l'ensemble des pouvoirs réglementaires pour ensuite faire l'exercice suivant: d'abord, il faut regarder ce que nous avons comme texte proposé et voir les lacunes dans le texte et, ensuite, voir ce qui n'est pas là. Je vais parler de ceci en premier, si vous me le permettez.

    Un des objectifs les plus importants de la loi est la transparence et l'imputabilité, ou accountability comme on dit en anglais, qui est un terme plus facile à utiliser. On ne trouve pratiquement rien dans le projet de règlement qui s'accorde avec cet objectif, du moins pas du point de vue de la personne ou du conseil qui doit agir face à la structure de l'immigration, que ce soit au Canada ou à l'extérieur.

    Il y a plusieurs parties du texte... Par exemple, même lorsqu'il s'agit d'obtenir des motifs et des décisions, il y a une obligation qui est créée, notamment en matière de demandes d'ordre humanitaire, de motiver les décisions. Mais il faut encore faire la demande pour obtenir les motifs, ce qui veut dire qu'on les obtiendrait normalement environ 30 jours plus tard, si on est chanceux.

    Ce sont des éléments qui sont relativement inutiles parce qu'en fait, les motifs existent déjà dans le dossier. Lorsque je regarde à l'extérieur, les procédures actuelles, il n'y a rien dans le projet de règlement qui va changer, du moins dans ce que nous avons sur la table aujourd'hui.

    En ce qui concerne le fait de savoir concrètement ce qui se passe dans le cas d'un dossier, l'obligation de communication de la part d'agents de visas ou des services d'immigration du Canada à l'extérieur, à mon avis, est un des éléments les plus fondamentaux pour toute personne qui voudrait immigrer en ce pays. Le projet de règlement ne contient rien à ce titre. C'est important parce qu'il est aujourd'hui pratiquement impossible, même pour un avocat, d'obtenir des renseignements concernant un dossier à l'extérieur. Je vous fais grâce du nombre de lettres et je dois souligner que pour beaucoup de députés de la Chambre des communes et pour leur personnel, le problème est semblable. Juste savoir ce qu'il y a dans un dossier, c'est souvent très difficile.

    Il y a un autre élément qui demanderait, à mon avis, qu'on revoie l'ensemble du règlement. Je me rapporte à un des engagements qui ont été pris par l'ex-ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Mme Robillard, lors des audiences entourant la consultation qui a finalement donné lieu au projet de loi C-11 lorsqu'il y a eu la présentation du mémoire de la Fédération des femmes du Québec. Mme Robillard avait pris l'engagement formel que toute modification à la loi et aux règlements serait précédée d'une étude d'impact sur les femmes. Ça n'a pas été fait ici, manifestement.

    Il y a certains éléments que nous soulignons ici, par exemple les demandes d'ordre humanitaire. Un des facteurs sera l'intégration économique de la personne en cause. Or, c'est souvent pratiquement impossible pour plusieurs personnes compte tenu de l'absence de droit à un permis de travail, de la situation des femmes qui sont chefs de famille monoparentale ou encore qui sont privées d'allocations familiales ou d'accès aux services de garderie. Ce sont des facteurs dont le règlement empêcherait normalement de tenir compte.

    C'est la même chose en ce qui concerne la possibilité d'obtenir un permis de travail. Si je lis correctement le règlement, on prévoit que c'est le mari qui, avant tout, obtiendrait le permis de travail pour pallier l'exigence ou l'obligation pour la personne de bénéficier de l'aide sociale.

    Certains autres éléments exigeraient, à mon avis, des révisions relativement importantes du texte actuel. Tout d'abord, il faudrait revoir l'ensemble du règlement pour voir la concordance avec le droit québécois. Il y a, par exemple, la question qui est réglée relativement correctement des conditions imposées aux immigrants travailleurs. On n'impose pas des conditions semblables; on ne transfère pas des conditions semblables aux entrepreneurs et aux investisseurs.

    En ce qui concerne la question des conjoints de fait homosexuels, le Québec est en train d'étudier aujourd'hui une institution qui va s'appeler l'union civile qui, d'après le ministre de la Justice du Québec, M. Bégin, sera pratiquement équivalente au mariage pour les conjoints homosexuels.

Á  +-(1105)  

    Il faudrait tenir compte de ce cet élément dans les définitions de «conjoint de fait» et de «fiancé», notamment.

    Par ailleurs, la définition que vous avez de «conjoint de fait» est, à notre avis, discriminatoire et demanderait une révision en ce qui concerne l'exigence de cohabitation de 12 mois, qui est pratiquement impossible pour beaucoup de personnes, particulièrement lorsque l'homosexualité fait l'objet de discrimination ou de persécution dans le pays d'origine des personnes en cause.

    Je vais vous soumettre un dernier élément avant de passer la parole à mes collègues. Un des problèmes récurrents que nous avons touche la situation des personnes qui ne peuvent pas être renvoyées du Canada. Ce sont souvent des décisions d'ordre administratif qui ne sont pas formalisées. Je donne l'exemple d'une famille qui a un enfant souffrant d'une grave maladie. La famille n'est pas renvoyée, mais il n'y a pas de décision formelle de sursis.

    Le règlement, comme le règlement actuel, prévoit le droit d'avoir un permis de travail uniquement lorsque l'ordonnance de renvoi ne peut pas être exécutée. Le terme en anglais est: is not enforceable. Cela veut dire concrètement qu'on refuse le permis de travail à ces personnes en disant que l'on pourrait exécuter l'ordre de renvoi, mais que l'on a choisi, de façon discrétionnaire, de ne pas le faire. Ces personnes sont condamnées soit à travailler sans permis et donc illégalement, soit à avoir recours à l'aide sociale. Il faudrait, à mon avis, revoir certaines parties du règlement à partir du point de vue des personnes qui vont le subir, qui vont vivre avec.

    Je cède la parole à quelqu'un d'autre. Je ne reprendrai pas les éléments qui ont déjà été présentés par Me Maynard. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, Noël.

    Chers collègues, il y aura dans une demi-heure un vote sur une question de procédure. Nous pouvons poursuivre. Je veux évidemment terminer l'audition de nos témoins, après quoi nous pourrons revenir. Nous pourrions nous entendre entre nous et décider que si personne ne sort de la salle, nous n'avons pas vraiment besoin d'aller à la Chambre des communes. Il se trouve que nous sommes exactement le même nombre de part et d'autre. Je vous laisse réfléchir là-dessus.

    En attendant, nous allons poursuivre et entendre David Chalk et Patrice présenter leur mémoire. Merci.

[Français]

+-

    Me Patrice Brunet (avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Messieurs, mesdames, membres du comité et monsieur le président, je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez de nous adresser à vous aujourd'hui.

    L'AQAADI représente 160 avocats membres du Barreau du Québec et spécialisés en droit de l'immigration. Nous avons entendu les représentations de nos collègues de l'Association du Barreau canadien ainsi que du Barreau du Québec et nous les endossons. Nous allons concentrer nos commentaires sur la grille de sélection proposée dans les règlements et sur le point de la rétroactivité. Mon collègue David Chalk s'adressera à vous dans quelques minutes à propos de ce dernier sujet.

    Comme vous le savez, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, l'AQAADI, avait commenté la grille proposée au préalable. Par contre, à l'époque, les points n'avaient pas été intégrés dans la grille, et ce n'est qu'aujourd'hui que l'occasion nous est donnée de vous présenter les commentaires que nous considérons importants.

    Premièrement, concernant le facteur emploi, nous trouvons regrettable qu'on n'ait prévu aucune flexibilité pour tenir compte du statut particulier d'un candidat quant à son employabilité générale, ce qui fait qu'un candidat, pouvant se qualifier par ailleurs mais qui n'entre pas dans la grille, ne peut faire valoir son âge, son degré d'instruction ou bien son expérience professionnelle pour pallier d'autres lacunes apparaissant à son dossier. Nous croyons également que le niveau C de la profession devrait être pris en considération et non seulement les niveaux O, A et B. En ce qui concerne l'instruction, à notre avis, l'éducation formelle n'est pas le seul type de connaissances qui devrait être reconnu. Certains points devraient également être donnés en regard de diplômes non terminés. En effet, dans le cas où un candidat n'a complété que trois ans d'un diplôme accordé après quatre ans d'études, on devrait quand même lui accorder un certain nombre de points qui rendent compte des cours qu'il a suivis.

    Le critère d'élimination relativement à l'expérience professionnelle est demeuré fixé à 12 mois. Nous croyons qu'il devrait être abaissé à six mois, ce qui le rendrait compatible avec notre politique actuelle relativement au permis de travail E-08 notamment. Des étudiants étrangers viennent étudier au Canada et sont autorisés à travailler au pays pendant une période maximale de 12 mois après leurs études. Dans la situation actuelle, ces étudiants ne peuvent faire une demande de résidence permanente avant d'avoir acquis 12 mois d'instruction. Donc, nous recommandons d'abaisser ce seuil éliminatoire à six mois.

    Également, nous sommes d'avis que l'absence de la connaissance d'une des langues officielles du Canada ne devrait pas être une pénalité. Donc, on devrait attribuer le maximum de points à la connaissance soit du français, soit de l'anglais. Au plan de l'adaptabilité, le maximum de 10 points est trop bas et ne prend justement pas en considération un point qui est fondamental dans l'application de la grille de sélection. L'adaptabilité est évidemment la pierre angulaire de la philosophie de la sélection des immigrants étrangers et devrait donc avoir une place beaucoup plus importante que celle qu'accorde un plafond de 10 points. Nous croyons que 20 points constitueraient un niveau plus approprié.

    Les représentants du ministère de l'Immigration devraient également être encouragés à utiliser favorablement un certain pouvoir discrétionnaire. Ainsi, dans le cas où les candidats ne satisfont pas aux critères ordinaires de la grille, l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, dans la réglementation, devrait permettre aux agents d'adopter une attitude plus encourageante ou de manifester une plus grande ouverture d'esprit.

    Finalement--ces commentaires ont été soulignés, mais je crois qu'il est opportun de les répéter--, la participation des avocats au processus de sélection des immigrants devrait être formellement reconnue par le biais de la réglementation. Le Québec la reconnaît, et l'expérience des dernières années a été extrêmement positive, tant aux yeux de la population qu'auprès du gouvernement et des avocats. Effectivement, les avocats sont les partenaires du système judiciaire, et ce fait devrait être reconnu.

Á  +-(1110)  

[Traduction]

+-

     Me David Chalk (avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Merci.

    Honorables membres du comité, monsieur le président, je vais traiter d'une question très précise. Nous avons présenté une argumentation juridique assez complexe dans notre deuxième mémoire—oui, nous en avons deux—au sujet de la rétroactivité et de la façon dont une contestation de la rétroactivité en droit administratif serait accueillie par les tribunaux aux termes du droit canadien, en particulier si l'on tient compte de la jurisprudence établie par la décision rendue par la Cour suprême il y a un peu plus d'un mois dans l'affaire Mount Sinai.

    Je ne suis pas venu ici pour vous présenter cette argumentation juridique, mais plutôt pour vous présenter l'analyse que la Cour suprême ou un autre tribunal du Canada appliquerait à cette situation et vous dire pourquoi c'est pertinent à l'étude du Règlement sur la sélection des immigrants. Je pense que cela fait ressortir certaines lacunes à la fois dans le processus que nous avons entrepris jusqu'à maintenant et dans l'information qui a été présentée au comité et au Parlement.

    Pour que l'on puisse appliquer la doctrine des attentes légitimes, comme on l'appelle parfois, ou du caractère raisonnable, pour reprendre l'expression utilisée dans Baker, ou l'abus du pouvoir discrétionnaire, il faut non seulement démontrer qu'il y a eu violation d'une promesse par une autorité gouvernementale compétente, mais il faut aussi démontrer que la décision a été prise sans prendre en considération les conséquences négatives de cette décision sur les personnes touchées.

    Je pense que l'une des choses qui nous frappent, à l'AQADI, et aussi tous ceux qui se sont penchés sur l'application rétroactive du critère de sélection, c'est que l'on a apparemment nullement tenu compte des conséquences sur les personnes qui ont déjà présenté une demande. Si l'on examine l'analyse des répercussions du règlement,on constate que pas une seule ligne est consacrée à ce qui arrivera si nous changeons aujourd'hui les critères applicables aux gens qui ont déjà présenté une demande de bonne foi et qui, peut-être en se fondant sur des opinions éclairées, sont convaincus qu'ils ont de très bonnes chances d'émigrer au Canada. Si on leur coupe maintenant l'herbe sous le pied, que va-t-il leur arriver?

    Ces conséquences, dont nous énumérons quelques-unes seulement à la page 3 de notre mémoire, vont de la perte évidente du montant des droits de demande et des intérêts accumulés depuis le moment de la demande, jusqu'à la perte de possibilités d'emploi en raison des plans des personnes en vue de leur déménagement au Canada, la perte de possibilité de promotions, d'occasions d'investissement, le coût de visites exploratoires au Canada pour étudier la possibilité d'immigrer, l'incapacité des familles qui devaient être réunies grâce au programme des parents aidés de se retrouver effectivement, à cause des changements des critères, et bien sûr la perte des honoraires payés à des consultants et avocats—c'est évidemment quelque chose qui nous touche de très près à l'AQADI—et le coût des démarches devant des organisations professionnelles pour obtenir la délivrance de titres et certificats, le tout étant exigé aux termes du système actuel.

    Pour contrebalancer ces conséquences très négatives dans l'analyse dont j'ai fait mention, il faudrait démontrer l'existence d'un avantage appréciable. Les seuls avantages appréciables que l'on ait sérieusement présentés à la Chambre et au comité sont, premièrement, un argument administratif voulant que cela nous permettrait de traiter plus efficacement l'arriéré des demandes avec lequel nous sommes actuellement aux prises et de traiter les futures demandes de façon plus transparente et plus compréhensible, même avec des ressources moindres, et aussi que le Canada serait autrement privé des avantages économiques des nouveaux critères de sélection si nous devions retarder leur entrée en vigueur.

    Les arguments administratifs n'ont bien sûr généralement pas beaucoup de poids aux yeux des juges, et je vais donc me concentrer plutôt sur les avantages du nouveau programme.

    Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens dans le milieu juridique qui travaillent dans le domaine de l'immigration qui soient en désaccord avec le principe fondamental du modèle du capital humain qui est proposé. Au Québec, nous utilisons un modèle semblable, bien que je m'empresse de préciser qu'il s'agit d'un modèle beaucoup plus nuancé que ce que l'on a proposé au niveau fédéral. Je crois que cela donne des résultats satisfaisants au Québec, pour l'essentiel.

Á  +-(1115)  

    Le besoin criant de ce nouveau règlement est fondé en fait exclusivement sur une série de données économiques qui vous ont été présentées, et qui prétendent démontrer que les immigrants ont subi une baisse moyenne de leur revenu après la première année d'immigration au Canada entre 1980 et 1996. Je pense que quiconque a un bagage en sciences sociales constatera que les conclusions que l'on tire de cette baisse des revenus sont très suspectes en ce sens que l'on nous demande de tirer la conclusion suivante: la qualité des immigrants que nous recevons aux termes de notre modèle actuel de sélection n'est pas bonne. Il y a une foule d'autres hypothèses qui pourraient expliquer de façon plausible cette baisse du revenu moyen un an après l'immigration.

    La quatrième raison et la plus évidente, pour ceux d'entre nous qui étions présents au Canada entre 1980 et 1996—et la période de pointe se situe entre 1989 et 1996—est que cette période était précisément l'époque au cours de laquelle nous avons été confrontés à ce que l'on appelait par euphémisme la «réduction des effectifs». Le marché du travail était vraiment très limité à cette époque. Les études montrent que lorsqu'il y a resserrement du marché du travail, les immigrants en subissent des conséquences négatives sur le plan de la mobilité professionnelle. De plus, au cours de cette période, nous avons connu une hausse du pourcentage des minorités visibles. Nous savons que, malheureusement, les minorités visibles gagnent statistiquement moins que les travailleurs qui n'en font pas partie.

    Enfin, le Canada en tant que destination d'immigration est devenu moins attrayant au cours de cette période à certains égards. Le dollar canadien a été dévalué, les taux d'imposition ont augmenté, le financement public de la recherche et du développement et de l'éducation et de la santé—toutes des choses fort importantes—ont diminué.

    La conclusion que nous tirons de tout cela, c'est que le Canada a fait une très importante promesse à tous ceux qui ont présenté une demande dans le cadre du système jusqu'à maintenant et qu'il s'agit d' une violation de nos principes d'équité que de ne pas permettre que leurs demandes soient traitées en application de ces mêmes critères.

    Enfin, il y a d'autres options, à part l'imposition pure et simple d'un nouveau système, pour contrôler, tout au moins provisoirement, l'afflux des demandes. La plus évidente de ces options est un outil que le gouvernement n'a jamais utilisé, à savoir le critère démographique, qui a été expressément créé à cette fin. Le simple fait d'abaisser le seuil démographique de seulement deux points limiterait considérablement le nombre des demandes que nous recevrions. Chose certaine, c'est une possibilité à laquelle on devrait à notre avis accorder une plus grande considération, comme option provisoire, si nous voulons avoir le sentiment que l'on a mis en place un très bon système fondé sur la valeur du capital humain.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Merci beaucoup à vous tous pour votre excellent travail, et pour vos suggestions et recommandations.

    Nous allons vous demander d'aller prendre un café à nos frais, car nous devons malheureusement partir pour aller voter. Nous serons de retour d'ici 15 ou 20 minutes. Le vote a lieu vers 11 h 30 et nous serons donc de retour vers 11 h 50. Nous reprendrons alors la séance et nous aurons la période des questions. Nous avons déjà précisé que nous voulons siéger jusqu'à 13 heures.

    Merci beaucoup.

    La séance est levée.

Á  +-(1121)  

Á  +-(1157)  

+-

    Le président: Chers collègues, nous allons reprendre la séance et l'audition de nos témoins. Je présente nos excuses aux témoins pour les avoir fait attendre pendant que nous sommes allés voter.

    Vous avez tous fait vos exposés ce qui nous a donné matière à réflexion et vous avez formulé certaines recommandations. Je vais passer immédiatement aux questions.

    Paul.

+-

    M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais demander à l'un ou l'autre des témoins que nous entendons aujourd'hui de faire des observations générales sur la recommandation voulant que seuls les avocats devraient être invités à représenter des revendicateurs tout au long de la multitude de processus. Cela exclut à toutes fins pratiques les gens que l'on appelle les consultants en immigration, si tel est bien le sens de la recommandation. Je vous invite donc à commenter cela, en tenant compte de la tâche que le ministre a confiée à notre comité, à savoir de formuler des recommandations visant à «réglementer» l'industrie, faute d'un meilleur terme. Qu'en pensez-vous?

    Par ailleurs, il a été question dans les exposés des cinq domaines de préoccupation. Il semble que sur plusieurs points, on favorise l'existence d'un pouvoir discrétionnaire permettant aux intervenants de prendre des décisions à toutes les étapes du système. Tous les intervenants n'ont cessé de formuler des critiques mettant en cause les principes de la justice fondamentale ou de l'application régulière de la loi. Je me demande si l'on pourrait peut-être formuler des recommandations visant l'adoption d'une seule et unique clause normalisée qui pourrait ensuite être appliquée de façon généralisée à tous les points de décision, pour ce qui est de recevoir un préavis suffisant ou de pouvoir poser des questions permettant de comprendre la nature du processus de décision et prévoyant peut-être le droit d'audience. Cela revient quasiment aux principes qui ont été énoncés dans la décision Singh, à laquelle on revient toujours. Peut-être que tous ces commentaires au sujet de l'équité du processus... Peut-être pourrions-nous éviter de nous retrouver avec une foule de contestations sur toutes les décisions.

    Ce sont les deux domaines que je vous inviterais à commenter et j'aimerais bien entendre une grande diversité d'opinions.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Noël.

+-

    Me Noël St-Pierre: Oui, et je vais commencer à répondre en anglais.

    Comme toutes les associations de barreau, le Barreau du Québec a des fonctions disciplinaires; nous sommes donc habitués à ce genre de problème. Pour commencer, nous croyons qu'il faut protéger les gens. On constate de plus en plus souvent que des gens peuvent se présenter devant les tribunaux en quasi-avocats, et pas seulement dans des réunions avec les agents d'immigration, pour remplir des formulaires ou d'autres choses de ce genre. De toute évidence, il faut qu'il y ait une sorte de contrôle; à l'heure actuelle, il n'y a aucun contrôle. dans certains cas, ce ne sont pas seulement des abus qui sont commis, des témoignages et des documents sont falsifiés, et ce sont des choses pour lesquelles un avocat serait rapidement radié.

    Donc, au niveau de la protection, il est certain que les gens devraient avoir droit à de l'aide dans certaines réunions administratives, par exemple l'aide d'un membre de leur famille lors des entrevues ou, au besoin, l'aide d'un organisme à but non lucratif peut-être. Au Québec, certains organismes de ce genre sont financés directement par le gouvernement provincial et leurs activités sont contrôlées. Les gens pourraient également recevoir l'aide d'un membre d'un ordre professionnel doté de mécanismes disciplinaires; il n'existe au Canada aucun ordre professionnel de conseillers en immigration régi par un gouvernement. C'est la première proposition que je peux vous faire en réponse.

    Pour résoudre ce problème, les associations de barreau sont à l'heure actuelle la meilleure solution. Et ce n'est pas que je veuille faire de la publicité pour nos membres, car si vous regardez les honoraires habituels des avocats de l'immigration, vous constaterez que dans bien des cas ces honoraires sont inférieurs au salaire minimum compte tenu du travail qui est réalisé.

[Français]

    Très rapidement, à la deuxième question...

[Traduction]

+-

    Le président: Quelqu'un a-t-il un avis différent de celui de Noël, qu'il y a en fait trois groupes, entre autres? Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?

    Oui, Patrice.

+-

    M. Patrice Brunet: J'aimerais ajouter quelque chose à la réponse de Noël.

    Comme je l'ai dit dans mon exposé, les avocats sont les partenaires du système administratif et du système judiciaire. Il n'y a donc aucune raison d'exclure la section de l'immigration du système administratif ou de la distinguer des autres sections. Le ministère de l'Immigration a un peu joué à l'autruche au cours des dernières années en refusant d'agir à ce sujet, probablement parce que c'était trop compliqué de signer des ententes avec toutes les provinces. Mais ce n'est pas un argument défendable.

    Aux États-Unis, il existe ce que nous appelons le formulaire G-28, qui nécessite le recours à un avocat dans les procédures d'immigration. Un simple conseiller ne peut pas comparaître aux procédures d'immigration des États-Unis; il faut appartenir à un organisme professionnel qui régit le travail de ses membres. L'argent doit être versé dans des comptes en fiducie. Si le client se trouve en Arabie saoudite et qu'après avoir laissé dix messages à son avocat il ne réussit toujours pas à avoir de réponse, il peut toujours se plaindre à l'Association du Barreau, qui prendra les mesures nécessaires. Mais dans le cas d'un simple conseiller, à qui le client pourra-t-il se plaindre?

    Savez-vous à qui ils se plaignent? À l'ambassade. Parlez aux gens sur le terrain, ils vous diront qu'ils reçoivent de nombreuses plaintes au sujet de conseillers qui ne retournent pas les appels des clients. Et ce n'est qu'un problème mineur, c'est sans parler des chèques qui ont été touchés pour des services qui n'ont pas été rendus.

    Alors voilà ce que je voulais ajouter à la réponse de Noël.

    Il y a autre chose également. À l'heure actuelle, il n'est pas nécessaire au Canada d'être conseiller pour travailler dans le domaine de l'immigration. Il suffit de dire en Colombie que vous êtes un expert du droit de l'immigration du Canada pour récolter beaucoup d'argent. C'est un problème grave pour le Canada car lorsque les clients ont des problèmes, c'est à l'ambassade du Canada qu'ils s'adressent ou encore, comme vous l'avez sans doute vu, au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada. Et tout cela nuit à la crédibilité de notre régime d'immigration.

+-

    Le président: Ben.

+-

    M. Benjamin Trister: Pour ce qui est des critères de sélection proposés, dont la conception vise à les rendre plus faciles et plus efficaces à gérer et à surveiller, les agents se fieront beaucoup à de simples lettres d'employeurs qui attestent de leur expérience ou à des déclarations de demandeurs quant à la qualité de leur anglais, par exemple. Dans ce système, il est plus important aujourd'hui que jamais que les conseillers soient honnêtes et qu'ils soient pénalisés s'ils ne le sont pas car autrement, ils pourraient conseiller aux demandeurs d'obtenir une lettre d'une entreprise, de forger un en-tête de lettre, qui sait.

    Nous savons déjà qu'après la publication des critères, le 15 ou le 17 décembre, certains conseillers au Moyen-Orient ont commencé à annoncer qu'ils pourraient vendre des offres d'emploi privées pour aider les demandeurs à avoir les cinq points nécessaires—à 1 500 $ l'offre, d'après ce que nous avons vu. Voici comment ils vont procéder: ils vont créer une société canadienne, imprimer du papier à en-tête et rédiger une offre d'emploi en espérant que cela fonctionnera. Dans un tel climat, en particulier, la réglementation est essentielle.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Quelle est votre deuxième réponse, Noël?

+-

     Me Noël St-Pierre: Un groupe de la GRC est chargé d'enquêter sur les fraudes commises par les conseillers. Ce groupe s'est montré plus actif et plus efficace que le service d'immigration.

    D'après notre expérience, le service d'immigration n'a même pas permis aux gens de rester ici pour qu'ils puissent témoigner. Ces gens ont été expulsés systématiquement. La GRC a beaucoup de difficulté dans son travail car elle n'a pas été en mesure de ramener les gens ici pour qu'ils puissent témoigner. La Gendarmerie a trouvé que le recours au système pénal était très inefficace, comme vous pouvez l'imaginer. Les mécanismes disciplinaires et les ordres professionnels sont de bien meilleures solutions, bien sûr.

[Français]

    Sur la deuxième question, je ne sais pas si on peut arriver à des critères uniques pour tout ce qui est de la question de la justice administrative dans la loi et le règlement. Il est très clair, lorsqu'il s'agit de prise de décisions, que l'on pourrait s'inspirer largement de l'arrêt Baker de la Cour suprême. Il y a un certain nombre d'éléments qui devraient être ancrés dans les règlements: l'information donnée à la personne en cause pour savoir de quoi il s'agit avant, par exemple, que cette personne ait donné des renseignements à une personne en situation d'autorité; l'accès à une personne pour conseiller l'individu; que les décisions soient motivées, même de façon relativement sommaire, mais autrement que par un simple mot disant que la demande est refusée, comme on le voit si souvent aujourd'hui; et un mécanisme par lequel la personne peut faire valoir, dans une situation raisonnable, son point de vue.

    Dans la plupart des cas, selon l'expérience que nous avons, les entrevues sont beaucoup plus efficaces pour cela qu'un dossier présenté sur papier. Je dirais qu'une très bonne partie des mauvaises décisions dans le domaine de l'immigration résultent d'une mauvaise compréhension par l'agent, que ce soit ici ou à l'extérieur, de ce que la personne essaie de présenter.

    Je dis cela pour une raison. Au Québec, nous avons un accès relativement facile aux conseillers de l'immigration du Québec qui sont à l'extérieur. Ces personnes sont très « parlables ». Lorsqu'on reçoit une décision négative concernant une demande de sélection pour le Québec, on peut appeler la délégation du Québec. On peut envoyer un message par courrier électronique, et on reçoit une réponse disant pourquoi le candidat a été refusé. Très souvent, on se rend compte que le conseiller n'a pas compris, par exemple, que la véritable profession de destination était telle chose. Et là, il y a des mécanismes qui sont très légers pour examiner de nouveau le dossier sous l'angle un peu différent que l'on suggère, et on nous revient très souvent pour fixer une entrevue pour dire qu'à ce moment-là, ça va.

    Le problème que nous avons en matière d'immigration fédérale, c'est qu'il n'y a pas de mécanisme qui permette de rectifier des erreurs de compréhension autre que la Cour fédérale. Or, la Cour fédérale permet une intervention qui est extrêmement longue avec, bien sûr, l'expulsion de la personne, si la personne est ici, et, en plus, on ne peut pas s'attaquer à des erreurs de faits par une procédure en Cour fédérale. Donc, il faudrait minimalement qu'on ait accès à une personne pour pouvoir juste expliquer, du point de vue justiciable, ce que l'on veut dire, quel est l'angle central de la demande, quelle qu'elle soit.

[Traduction]

+-

    Le président: D'accord, David.

+-

    M. David Chalk: Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. St-Pierre. Cela correspond aux différentes expériences que nous avons vécues dans le travail que nous au Québec avons fait avec diverses administrations en immigration.

    Je tiens également à souligner que la déjudiciarisation du système permet de réaliser des économies. Le nombre des examens judiciaires qui se font chaque année au Québec ne se compte peut-être pas sur les deux mains, mais au plus sur les deux mains et les deux pieds. Du côté fédéral, l'immigration nécessite des milliers d'examens de ce genre et, du côté des résidents permanents, entre 500 et 1000.

    Je sais que la dernière ministre était en faveur de cette mesure, mais rien n'avait été fait précisément pour permettre l'accès au poste des visas. C'était probablement l'élément le plus pertinent et la meilleure chose qu'on aurait pu faire.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Gordon.

+-

    M. Gordon Maynard: Ce dont vous parlez, je suppose, c'est de donner à un agent le pouvoir de déterminer s'il faut retirer son statut à un ressortissant étranger et s'il faut délivrer une ordonnance d'expulsion, plutôt que de laisser ce travail au tribunal.

    Si vous avez le règlement sous les yeux, lisez les articles 160, 164 et 166. Ces dispositions portent sur l'évaluation du risque avant le renvoi, c'est-à-dire sur l'examen que fait le ministre des risques que pose une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée en première instance, rejetée en appel et rejetée par la Cour fédérale. Il s'agit du dernier examen des risques. Ce qui m'a frappé, dans ces dispositions, c'est que le rédacteur avait un instinct sûr quant à la bonne façon de procéder.

    À l'article 160, on dit que pour prendre cette décision, il faut d'abord informer l'intéressé de l'heure et du lieu de l'audience ainsi que des questions qui seront discutées à l'audience. On ne peut traiter à l'audience que des questions de fait mentionnées dans cet avis. Le demandeur doit répondre aux questions et il peut être représenté par un avocat.

    Aux articles 164 et 166, on dit que le ministre doit fournir, sur demande, les notes qui figurent au dossier au sujet de la décision qui est prise.

    Toutes ces mesures sont essentielles pour qu'une bonne décision soit prise. La personne doit être informée de l'endroit où l'audience sera tenue. On lui dit qu'elle peut être représentée par un avocat. Les questions qui seront posées sont limitées et le demandeur doit y répondre. On lui fournira ensuite les motifs de décision.

    Et pourtant, on ne trouve dans le règlement aucune disposition ou structure semblable applicable aux examens faits par les agents sous le régime de l'article 15 ou applicable aux agents qui délivrent des ordonnances d'expulsion lorsqu'ils en ont le pouvoir. C'est le genre de disposition qu'il faut inscrire dans le règlement.

+-

    Le président: Dans la même veine, j'aimerais avoir une précision.

    Habituellement, quand des avocats comparaissent devant nous, c'est pour mettre encore plus d'éléments juridiques dans les règlements, etc. J'ai entendu David dire qu'au Québec, c'est le contraire. Alors, qu'en est-il vraiment? Manifestement, nous voulons arriver à un équilibre, mais il reste que c'est un système judiciaire. Surtout si l'on veut protéger ces droits fondamentaux, il faut des outils judiciaires pour le faire.

    Je conviens que pour avoir un système efficace et éviter de créer des barrières bureaucratiques ou un labyrinthe—environ 21... Mais j'essaie de comprendre ce que voulait dire Paul. C'est une très bonne question: quel est le juste équilibre?

+-

    M. Gordon Maynard: David peut me corriger si j'ai tord, mais je crois que ce qu'il veut dire, c'est que si au départ on a la bonne procédure décisionnelle, il y aura moins d'examens judiciaires des décisions, celles-ci étant défendables. Elles ont été prises en suivant une procédure correcte et en tenant compte de considérations appropriées. Sans cette procédure, si la décision est entachée d'arbitraires, si la personne en cause n'a pas eu l'occasion d'être entendue, on ouvre la porte à l'examen judiciaire, et à la judiciarisation.

    L'un des avantages de la section d'appel, pendant tout ce temps, c'est qu'il y avait une procédure formelle où les deux parties pouvaient mettre cartes sur table et avoir une audience ouverte et des motifs écrits pour la décision rendue par un décideur indépendant.

    Savez-vous quel pourcentage des décisions de la section d'appel ont été renversées par un examen judiciaire? Moins de 1 p. 100, parce que c'est une bonne procédure.

    Dans le règlement, il y a une mauvaise procédure, en fait, il n'y en a pas.

+-

    Le président: Bien.

    Yvon, vous avez la parole.

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je voudrais demander à nos témoins de nous parler de la consultation qui a précédé la parution de ce projet de règlements. On nous a dit ici, de la part du ministère, qu'il y a eu de vastes consultations dans tout le Canada, que tous les spécialistes avaient pu être rencontrés et que ce projet de règlements représentait le consensus de tous les interlocuteurs qu'ils ont rencontrés. Évidemment, les gens qui nous disent cela prétendent que le projet de règlements remplit vraiment cette tâche qui est de mettre en pratique l'esprit de C-11.

    Par contre, on entend dire partout, dans l'opinion publique, dans les médias, de la part des spécialistes, qu'il faut corriger substantiellement ou même refaire ces règlements parce qu'ils ne sont pas cohérents avec la loi C-11.

    Pouvez-vous nous parler de la consultation et nous dire si, à votre connaissance, elle a eu lieu? Y avez-vous participé? Avez-vous exprimé à cette occasion des points de vue différents de ce qu'on a vu dans l'avant-projet de règlements, ou croyez-vous qu'une bonne partie des règlements est à refaire pour être conforme à la loi C-11? En général, les ministres et le gouvernement canadien ont tendance à dire que le Canada a une grande porte ouverte pour l'immigration, etc. On a vendu la loi C-11 à la population en disant qu'elle allait faciliter l'immigration. On regarde le projet de règlements et cela semble aller dans le sens contraire; ce sera encore plus difficile, plus compliqué, plus pénible. Qu'en est-il de votre point de vue?

  +-(1215)  

[Traduction]

+-

    M. Benjamin Trister: Nous devons tous nous rappeler que le monde évolue et que les politiques doivent s'adapter. Nous avons certainement été consultés. Le ministère a déployé des efforts extraordinaires, par exemple, pour étudier les critères de sélection. Mais nous ne savions pas quelle serait la note de passage. Nous croyons qu'une note de passage fixée à 80 va à l'encontre des intentions qu'avaient les parlementaires au sujet du projet de loi C-11.

    Il y a d'autres choses au sujet desquelles nous avons été consultés et que nous acceptions, comme l'établissement des travailleurs qualifiés déjà au Canada; pourtant, ce n'est plus dans le règlement. La ministre Caplan a dit que le projet de loi C-11 était nécessaire pour que l'on puisse établir des gens déjà au Canada. Sans qu'on sache pourquoi, cette disposition est disparue.

    La rétroactivité n'est pas une question dont on a discuté. Si vous examinez les transcriptions des observations faites par la ministre et les fonctionnaires sur cette question, sur le projet de loi C-11, on a l'impression que nous voulons la rétroactivité parce que le nouveau système sera plus ouvert, et qu'il n'y aura pas de mal à l'appliquer à... Il ne faudrait pas refuser aux demandeurs actuels les avantages du nouveau système. En fait, nous savons que la majorité des demandeurs seront éliminés du processus à cause de la rétroactivité. C'est un fait nouveau, à cause du nouvel arriéré, qui est si lourd.

    Je crois donc que, peu importent les consultations menées, la procédure a changé. Le gouvernement a modifié certaines choses sans qu'on le sache à l'avance. L'imposition d'un montant pour le faible revenu, par exemple, comme l'imposition d'une exigence de 15 ans d'instruction, en pratique, pour obtenir 20 points, qui touche les gens de métiers. Je pense que le ministère a mené des consultations et formulé des solutions qui lui semblaient avantageuses pour le pays. Nous avons un autre point de vue sur ce qui est préférable. Nous espérons pouvoir en parler ensemble, et s'entendre sur ce qu'il y a de mieux.

+-

    M. Gordon Maynard: J'aimerais ajouter quelque chose.

    Il y a des aspects du règlement prévu par la loi sur lesquels le gouvernement nous a consultés et il y a des aspects sur lesquels il ne nous a pas consultés. Lors des consultations sur le règlement, on ne nous remet jamais une ébauche du règlement. Nous ne prenons connaissance de la version écrite qu'une fois qu'elle est publiée dans la Gazette. Ce dont nous prenons connaissance, ce sont des énoncés circonstanciés qui parlent de la situation en générale, parfois avec certains détails. Puis, nous en discutons. Nous ne savons toujours pas à quoi ces dispositions ressembleront jusqu'à ce que nous prenions connaissance du règlement. Donc, à la lumière de ces renseignements, peut-on dire qu'il y a eu des consultations approfondies et peut-on dire que cela représente un consensus? Non, il n'y a jamais eu de consensus. En fait, je crois que le résumé de l'étude d'impact de la réglementation laisse entendre que certaines dispositions ne soulevaient aucune préoccupation, alors que ce n'était pas le cas.

+-

    Le président: David, avez-vous des commentaires?

+-

    M. David Chalk: Oui, j'aurais une ou deux observations à faire.

    Tout d'abord, je suis d'accord avec ce que viennent de dire certains de mes collègues. Ce sur quoi on nous a consultés de façon constante, c'était sur des documents de discussion qui renferment beaucoup de détails sur certains aspects mais absolument aucun sur d'autres.

    Il ne fait aucune doute que nous tenions à être consultés sur des questions comme celle de la rétroactivité. Nous avons demandé à maintes reprises quelles seraient les mesures de transition, mais nous n'avons jamais obtenu de réponse. La première fois où nous ou qui que ce soit d'autre avons pris connaissance des mesures prévues, c'était le 15 décembre, au moment de la prépublication du règlement. Et comme je l'ai dit, ce n'était pas faute d'avoir demandé. C'est assurément une question que nous avons soulevée à maintes reprises.

    Il existe à mon avis une autre lacune qui empêche vraiment toute discussion sérieuse. Nous avons un moyen plus ou moins pratique de choisir les immigrants, et à moins de savoir qui nous voulons accueillir, quel est l'objectif du système, notre système n'est pas vraiment meilleur que le système de tirage au sort qui existe aux États-Unis. Nous avons simplement, sans en avoir jamais discuté—et il est vrai que cela va trop loin à certains égards, parce que CIC a fait beaucoup d'études—une série de critères indiquant que ce qui nous intéresse c'est combien d'argent l'immigrant fait au cours de sa première année au Canada.

    Le système prévoit aussi des critères à propos de la composition ethnique de notre immigration. L'exigence d'un an relative au seuil de faible revenu a également d'importantes conséquences pour ce qui est de la composition ethnique de notre immigration. Ce ne sont peut-être pas des conséquences exprimées, mais elles sont bien réelles.

    J'estime qu'il s'agit de questions très importantes dont nous devons débattre dans le cadre du présent exercice.

  +-(1220)  

+-

    Le président: Noël.

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre: Il y a effectivement eu une consultation. Je ne reprendrai pas ce qui a déjà été dit, à savoir que c'était un document d'ordre général qui indiquait certaines problématiques qui feraient l'objet d'un règlement. C'est ce que nous avons eu.

    Cependant, du côté du Barreau, nous avions mis beaucoup l'accent sur les questions de droit administratif, sur la transparence des procédures, sur l'importance que les gens reçoivent des informations complètes, sur l'accès que le justiciable devrait avoir aux personnes qui prendraient les décisions, etc. Alors, on ne peut pas parler, je pense, de consensus avec les remarques que nous avons entendues ce matin.

[Traduction]

+-

    Le président: Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je vous remercie tous de la clarté de vos présentations. Comme il y a quatre témoins venant du Québec, vous ne m'en voudrez pas de m'adresser à eux en premier.

    Vous avez parlé de la grille utilisée au Québec dans le cadre du certificat de sélection. Ce que j'ai entendu à travers vos paroles, c'était que c'était effectivement une grille qui fonctionnait relativement bien, alors--et je pense que tout le monde s'entend--que la grille actuelle qui est soumise dans les règlements est une grille élitiste, une grille qui ne favorisera pas l'admission des gens. Ça, c'est très clair. Donc, finalement, elle finit par être très injuste pour des gens qui, de bonne foi, pourraient contribuer à aider ce pays à aller de l'avant.

    J'aimerais, si possible, que vous me précisiez les grandes différences qu'il y a entre la grille utilisée au Québec depuis plusieurs années déjà et la grille qui est devant nous.

+-

    Me David Chalk: Quant à moi, la grande différence entre le système que nous avons au Québec et le système fédéral qui nous est proposé, c'est que le système au Québec est beaucoup plus nuancé. Il y a beaucoup plus d'attributs qui sont pris en considération. Je vais m'expliquer.

    Par exemple, sur le critère de l'éducation, au fédéral, on a tant de points pour une maîtrise et un doctorat, et on descend de cinq points, ce qui est quand même un nombre très important de points, pour le baccalauréat. C'est une gradation de cinq points à chaque fois. Au Québec, souvent, un diplôme d'études secondaires plus deux ans, c'est sept points, et un an de plus, c'est un point de plus. Ce sont des variations beaucoup plus souples.

    L'AQAADI a suggéré que le fédéral adopte, pour les critères de l'éducation par exemple, une grille plus nuancée. La réponse que nous avons eue, c'est que ce serait trop compliqué à gérer pour les agents des visas. Nous n'en sommes pas convaincus. Nous n'avons pas constaté ce genre de confusion chez les conseillers au Québec. Ce que je veux dire, par exemple, c'est qu'au Québec, on a adopté quelque chose qui est semblable à ce qu'on a au fédéral. Ce sont des genres de grilles d'équivalences pour permettre aux conseillers d'aller chercher le diplôme exact que le demandeur présente et trouver le nombre de points qui y correspond.

    Également, le Québec prend en considération davantage d'attributs. Par exemple, il considère les années d'activité professionnelle du conjoint non seulement au niveau de la scolarisation du conjoint, mais aussi au niveau des compétences linguistiques du conjoint, de la connaissance du Québec, des visites au Québec, même de prospection, etc.

    Maintenant, au fédéral, vous avez devant vous un système qui oblige la personne à obtenir 80 points sur 100, ce qui est vraiment une exigence très rigide, tandis qu'au Québec, le seuil de passage pour une personne mariée est de 68 points sur un peu plus de 100 et de 60 points pour un célibataire, sur quelques points de moins. Mais la personne peut compenser pour une lacune plus facilement que dans la grille fédérale.

  +-(1225)  

+-

    Me Noël St-Pierre: Je dirai rapidement aussi qu'un des éléments qui font peut-être la différence, c'est que le Québec a instauré, il y a quelques années, des formulaires de présélection, ce qui ressemble un peu à la grille ici proposée; ce sont des demandes préliminaires. L'expérience a été très négative parce que l'information que la personne pouvait présenter était considérablement réduite. À l'expérience, les personnes compétentes ont, ni plus ni moins, envoyé une demande de certificat de sélection, même s'il y a des frais qui y sont rattachés, ce qui n'est pas le cas pour d'autres types de demandes plus sommaires.

    Cependant, une autre différence qui existe, c'est que les conseillers du Québec semblent viser ou favoriser, en cas de doute, qu'on accorde une entrevue à la personne. Et une grande liberté de décision est laissée à l'intervieweur pour juger si l'esprit d'initiative démontré par la personne, lors de l'entrevue, est suffisant pour pallier certains problèmes ou certaines lacunes en matière de scolarité, par exemple. Nous observons effectivement une attitude qui semble favoriser l'obtention de la meilleure information possible et, en même temps, l'immigration de personnes qui semblent débrouillardes et relativement compétentes.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Dans la présentation du Barreau, on fait allusion à l'inégalité qui existe entre travailleurs qualifiés et entrepreneurs. Moi-même, cela m'a frappée. D'un côté, pour les travailleurs qualifiés, on privilégie une formation qui s'écarte beaucoup de la formation moyenne des Canadiens. D'un autre côté, pour les entrepreneurs, on demande une note de passage de 35 sur 100. Donc, d'un côté, on privilégie l'argent et de l'autre, on privilégie à l'extrême le degré d'instruction.

    Dans une intervention, vous affirmiez qu'il serait important d'établir une corrélation avec le droit québécois. Sur ce point, pouvez-vous préciser un peu ce que vous vouliez dire?

+-

    Me Noël St-Pierre: Oui, très rapidement. Quand je parlais tout à l'heure de correspondance avec le règlement québécois, c'était plutôt en rapport avec les conditions imposées aux personnes qui sont acceptées. Par exemple, on voit que le projet de règlement transfère, ni plus ou moins, les conditions que le Québec impose pour les travailleurs, cependant à des conditions beaucoup moins exigeantes pour les gens d'affaires et les investisseurs.

    Et ça, c'est un peu difficile parce qu'effectivement, dans la situation actuelle, quelqu'un qui crée une entreprise pour obtenir éventuellement son visa d'immigrant doit aussi créer un certain nombre d'emplois après avoir fondé cette entreprise. Ce sont les services d'Immigration du Canada qui vérifient plus tard, après l'établissement de cet immigrant au Canada, s'il a rempli ses obligations.

    Il faudrait, à tout le moins, simplement transférer les conditions. C'est de ça que je parlais tout à l'heure; je n'ai pas parlé de l'autre point que vous avez soulevé.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce que je peux poser une troisième question, monsieur le président?

+-

    Me Patrice Brunet: Je voudrais ajouter quelque chose, madame.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, allez-y.

+-

    Me Patrice Brunet: Vous avez demandé ce qu'il y a de révolutionnaire dans la grille de sélection du Québec, instaurée ou refondue en 1996, si je me rappelle bien. C'est le facteur EMP, l'employabilité et la mobilité professionnelle.

    Jusqu'à cette époque, à la fois la grille fédérale et la grille du Québec étaient des grilles rigides. La nouvelle grille qui est proposée ici est encore plus rigide. Et le Québec a répondu à cela de façon proactive, de façon très positive, en essayant d'établir des facteurs objectifs pour une appréciation qui est subjective. C'est ce qui est fondamental: ils ont trouvé une solution qui fonctionne. Le système est en application depuis six ans et fonctionne très bien.

    Le facteur EMP reprend, par un sous-critère, certains facteurs comme l'âge, l'éducation et la langue de façon à ce qu'on puisse établir objectivement si la personne est jeune, instruite et parle français ou anglais. Si c'est le cas, elle devrait pouvoir, à toutes fins utiles, s'intégrer rapidement au marché de l'emploi. On a réussi le tour de force d'objectiver des facteurs subjectifs. Nous avons proposé le modèle auprès du gouvernement fédéral, qui ne l'a pas retenu, mais nous maintenons toujours qu'il est important.

    Quand je vous dis qu'il ne suscite pas d'opposition, tant auprès des avocats que des candidats, cela nous permet d'expliquer avec énormément de transparence pourquoi une personne âgée de 45 ans, sans beaucoup d'instruction et qui ne parle pas français ne se qualifie pas, alors que son cousin qui a 28 ans, qui parle le français et qui a un niveau secondaire d'instruction se qualifie. On peut l'expliquer avec points à l'appui.

    Pour reprendre ce que Me St-Pierre expliquait, le recours à l'article 40 est fondamental. Je vais prendre une minute pour vous expliquer.

  +-(1230)  

+-

    Me Noël St-Pierre: J'avais prévu expliquer cela en anglais. Ce serait utile étant donné...

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il y a un excellent système de traduction.

+-

    Me Noël St-Pierre: Je suis d'accord, madame Dalphond-Guiral.

[Traduction]

    La façon dont nous appliquons le système au Québec est très nuancée et cela semble fonctionner assez bien en partie parce que nous travaillons en très étroite collaboration avec des représentants qui l'appliquent en fait à l'extérieur du Canada.

    Il y a un certain nombre de facteurs qui sont pris en compte, comme mon collègue vient de l'indiquer, qui sont en fait des facteurs subjectifs. Il serait intéressant d'examiner le recours au pouvoir discrétionnaire—comment il est conféré—parce que ce que nous semblons constater dans le projet de règlement, c'est que les gens vont trop loin avec ce qu'ils estiment être des facteurs objectifs. Essentiellement, on oublie le facteur humain dans le processus.

    Le président: Je vous remercie.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Me Patrice Brunet: Je voudrais simplement terminer, maître St-Pierre, en relatant brièvement un exemple qui a fonctionné sous le système québécois, mais qui ne fonctionnerait jamais sous le système fédéral. Il s'agit de l'application de l'article 40, qui porte sur le facteur discrétionnaire.

    Il y a quelques mois, un candidat de 42 ans, dynamique comme nul autre, qui n'avait pas les points qu'il lui fallait au Québec, m'a rencontré. J'ai quand même déposé sa demande en invoquant le recours à l'article 40, et le candidat a été sélectionné. Il a réussi à faire renverser la décision du conseiller à l'Immigration.

    Si ce type de dossier avait été déposé selon la grille fédérale, le dossier aurait été refusé sans qu'on lui accorde d'entrevue. C'est là que les valeurs fondamentales canadiennes nous interpellent. Nous sommes une nation fondée sur des traditions d'immigration, d'engagements à contribuer à bâtir ce pays. Si on ferme la porte aux gens dynamiques qui veulent contribuer à l'élaboration de notre pays, on commet une grave erreur.

    Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Bravo.Maintenant, simplement pour que l'on comprenne bien, l'article 40 concerne de toute évidence le Québec.

+-

    Me Patrice Brunet: L'article 40 concerne le Règlement du Québec.

+-

    Le président: C'est simplement que nous aurions aimé en prendre connaissance. Il serait tout à fait fantastique pour le Canada de s'inspirer en matière d'immigration des dispositions qui existent au Québec.

    Très bien, je vous remercie.

+-

    M. Patrice Brunet: Il s'agit de dispositions équivalentes à celles du paragraphe 114(2) en ce qui concerne les pouvoirs discrétionnaires qui sont accordés—l'ancien paragraphe 114(2).

+-

    Le président: Dans la loi actuelle? Très bien.

    Mark.

[Français]

+-

    M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Messieurs, merci beaucoup. C'était très clair et très informatif.

    Je ne veux pas reprendre ce que mon collègue Charbonneau a dit, sauf que je veux insister davantage sur le fait qu'ici, au comité, quand on a discuté du projet de loi C-11, l'idée que l'on avait en tête ne s'est pas manifestée dans les règlements. Cela ne fait aucun doute. Tous les différents organismes du pays qui ont réagi à cela ont démontré évidemment... Il y en a beaucoup qui sont venus ici. Ils ont entendu les membres du comité, et je suis certain qu'ils ont bien compris, eux aussi, que la réglementation ne le reflétait pas du tout.

    M. Maynard a mentionné quelque chose que j'ai trouvé très bien, à savoir que, malgré tous les nouveaux règlements, il n'y en avait pas qui pouvaient porter sur la conduite des agents à l'extérieur. C'est un très bon point. Je suis certain que le comité va se pencher sur ce point-là parce que, comme vous, lorsque l'on reçoit les représentations des gens, on a beaucoup de difficulté à obtenir l'information dont on a besoin afin d'être capables, sinon d'analyser une question en profondeur, du moins de s'en former une idée. Très souvent, il s'agit d'une décision prise par un agent à l'extérieur. On s'interroge afin de comprendre ce qui a motivé cette personne à en arriver à cette décision-là.

    Vous avez soulevé des points qu'on va sans doute retenir. Il y a beaucoup de choses à reprendre. Je suis convaincu que le président de notre comité va être capable de transmettre ce message très clairement.

  +-(1235)  

[Traduction]

+-

    Le président: Il est aussi bien que le secrétaire parlementaire transmette le message. Mais nous allons tous coopérer en ce sens, j'en suis sûr.

    Je voulais vous poser une question, car de toute évidence nous allons traiter d'un certain nombre de questions, et vous-mêmes ainsi que des témoins qui ont comparu avant vous ont signalé que certaines dispositions du règlement devaient être améliorées et que certaines dispositions étaient même absentes... Le plus grand obstacle auquel nous faisons face pour ce qui est de formuler des recommandations à l'intention du gouvernement et du ministre, c'est de déterminer comment traiter les 225 000 ou 250 000 personnes qui se trouvent déjà dans le système et qui se demandent maintenant quelle est leur situation.

    Nous avons en fait de nouveaux candidats qui ont commencé à présenter des demandes dès le 15 décembre. On leur a dit que leur demande serait traitée selon les nouvelles règles, pourtant les nouvelles règles n'ont même pas encore été adoptées. Je ne comprends pas comment on peut leur dire ce genre de choses lorsque le Parlement n'a même pas encore approuvé ce règlement. Nous sommes en train d'aggraver la situation.

    Je sais que certains d'entre vous ont de bonnes idées. On pourrait peut-être aborder trois aspects: la rétroactivité, la grille de sélection et la façon dont la situation au 28 juin influe sur la question de la rétroactivité. Nous savons tous qu'il faut améliorer la grille de sélection. Elle devrait être positive, c'est-à-dire nous indiquer comment procéder pour accueillir des immigrants dans notre pays plutôt que comment les empêcher de venir ici. On peut monter ou baisser la barre, selon l'attitude positive que nous voulons adopter envers l'immigration. C'est un mélange de ces trois facteurs.

    Peut-être, Ben, pourriez-vous m'indiquer le lien qui existe entre la grille et la rétroactivité, à titre d'exemple. J'estime que nous devons d'abord régler ce problème sinon la situation va devenir un vrai gâchis et ne fera que s'aggraver.

+-

    M. Benjamin Trister: Je vous remercie de votre question.

    La rétroactivité comporte deux aspects. Comment allons-nous traiter les personnes qui ont déjà présenté une demande, et comment allons-nous traiter les gens à l'avenir? Étant donné qu'en vertu du nouveau règlement, il faut répondre aux critères de sélection en vigueur au moment où vous présentez votre demande, au moment où votre visa est délivré et au moment de votre établissement, cela signifie que votre demande peut être rejetée rétroactivement en vertu du projet de règlement même si vous avez déjà reçu votre visa, si vos circonstances changent. Si la monnaie de l'Argentine était dévaluée et que vous ne respectez plus l'exigence relative au seuil de faible revenu, votre demande pourrait être rejetée.

    Le résultat, c'est que lorsqu'une entreprise essaie de recruter quelqu'un à l'étranger afin de l'embaucher au Canada et que l'employé éventuel indique qu'il est heureux de venir travailler en vertu d'un permis de travail temporaire mais veut certaines garanties qu'il pourra faire la transition et devenir un immigrant, les entreprises ne peuvent pas lui fournir cette garantie. Nous ne pouvons pas dire à ce genre de personnes, «Voici les critères qui vont s'appliquer», parce que même si on affiche une grille de sélection sur le Web qui indique les critères et les points en fonction desquels on évalue les demandes aujourd'hui, cela serait trompeur parce qu'on peut changer les règles n'importe quand.

    Il n'est pas constructif d'avoir un système autre que celui selon lequel les points en vigueur au moment où vous présentez votre demande correspondent aux points en fonction desquels votre demande sera évaluée. Nous sommes en concurrence avec d'autres pays. C'est ainsi qu'ils procèdent. C'est ainsi que nous devons procéder. Voilà donc pour la question de la rétroactivité prévue.

    En ce qui concerne la rétroactivité telle qu'elle existait, il est clair d'après le résumé de l'étude d'impact de la réglementation préparée par le gouvernement qu'il a reconnu avoir adopté la note de passage de 75 points plutôt que de 80 points parce que les candidats ne savaient pas que le système allait changer de façon rétroactive—parce que le site Web indiquait le contraire. Pendant des années, et même plusieurs jours après le 15 décembre, le site Web indiquait que si vous présentez une demande, vos points sont bloqués, et que si nous apportons un changement, nous ne l'appliquerons que s'il est à votre avantage.

    Ce n'est pas une bonne chose pour le Canada de dire, «Nous pouvons modifier les règles à vos dépens; nous pouvons revenir sur les promesses que nous vous avons faites». La solution n'est pas de les rembourser, parce que cela ne règle pas le problème de l'incertitude créée par la rétroactivité.

    Donc, pourquoi le gouvernement tient-il à la rétroactivité? Parce que pour lui, c'est la façon la plus simple de s'occuper d'un arriéré qu'il a lui-même laissé s'accumuler. Après tout, notre grille de sélection actuelle prévoit le contrôle des niveaux. Nous continuons à en prévoir huit. Nous aurions pu réduire ce chiffre à zéro et diminuer le nombre de demandes. Mais il faut dire à la décharge du gouvernement qu'il a sûrement été très occupé suite aux événements du 11 septembre et était débordé, mais le fait est, d'après ce qu'on nous a indiqué, que nous avons un arriéré de 590 000 demandes et qu'il faut faire des calculs pour déterminer combien de personnes seront touchées.

    Le gouvernement a indiqué qu'il préférait se débarrasser de ces cas parce qu'il estime que le nouveau système sera meilleur pour le Canada et permettra d'accueillir de meilleurs immigrants de la composante économique. Le problème, c'est que de toute évidence, ce ne sera pas le cas, parce que la note de passage est de 80. Je vais vous en donner un exemple—je peux vous en donner quelques-uns.

    Je connais un type qui est directeur de la photographie pour les concerts de Billy Joel et de Sting, et il a un CV très impressionnant. Selon la nouvelle grille, sa demande serait rejetée parce qu'il n'obtiendrait que 69 points étant donné qu'il a 45 ans plutôt que 44. Même s'il avait une offre d'emploi informelle et une conjointe ayant fait des études—ce qui n'est pas le cas puisqu'il est célibataire—il n'obtiendrait pas la note de passage.

    De même, j'ai un autre client qui détient une maîtrise en science informatique de MIT, qui parle couramment l'anglais et qui a obtenu les points maximums pour ce qui est de l'âge et de l'expérience, mais sa demande ne sera pas acceptée parce que selon ce système où la note de passage est de 80, il faut avoir des points pour l'adaptabilité.

    La question, c'est que si vous établissez une note de passage de 80 et que vous appliquez cette note de passage de façon rétroactive, vous savez que vous perdrez la grande majorité des demandeurs—probablement de 80 à 90 p. 100 de ces personnes vont voir leur demande rejetée. Toutes ces personnes vont critiquer notre système d'immigration parce que les règles ont été changées à leurs dépens.

    Que devons-nous faire? La rétroactivité ne marchera pas comme le veut le gouvernement, parce que le gouvernement indique qu'il peut simplement afficher l'information sur le site Web, un point c'est tout. À notre avis, les tribunaux vous diront que selon l'équité procédurale, vous devez écrire à chaque demandeur et lui indiquer qu'il dispose de 60 jours pour nous indiquer comment il répond aux nouveaux critères. Vous vous trouverez alors à passer du temps à évaluer les cas, alors que la rétroactivité avait été conçue de façon à vous éviter d'avoir à y consacrer ce temps.

    Donc, la rétroactivité ne fonctionnera pas comme vous le vouliez. Dans un tel cas, l'Association du Barreau canadien estime que vous devriez conserver l'intégrité du système, oublier la notion de rétroactivité, examiner les demandes dont vous êtes saisis maintenant selon les critères en vertu desquels vous aviez promis de les examiner, mais immédiatement modifier à zéro le contrôle des niveaux et peut-être, s'il le faut, aborder d'une certaine façon les qualités personnelles et le pouvoir discrétionnaire afin de réduire davantage l'arriéré. Et consacrer plutôt ce temps à concevoir un nouveau système qui fonctionnera. Si vous avez besoin d'une note de passage, si vous avez besoin de la rétroactivité comme votre unique outil... je crois que le ministre a dit que l'on pourrait régler le problème en abaissant la note de passage. Si nous le faisons, la rétroactivité ne représentera plus un problème aussi grave puisque les demandeurs réuniront les conditions voulues.

  +-(1240)  

    Le problème, c'est que ce système n'a pas de liste de professions. Il est pratiquement ouvert à tous les travailleurs qualifiés. Donc, si vous n'avez pas une note de passage de 80 et que vous n'avez pas la rétroactivité, vous aurez beaucoup trop de demandeurs et vous allez saper le système parce qu'il faudra beaucoup trop de temps pour être admis ici. Donc il faut modifier le modèle d'admission. Il faut décider de régler les problèmes que posent les critères de sélection, ce que l'on peut faire en apportant de légères modifications. Car ces critères ne sont pas sans mérite, mais il existe certains problèmes. Nous devrions adopter une note de passage de 70, mais si nous décidons de le faire, nous devrons modifier la façon dont nous... nous ne devrions pas être obligés d'accepter toutes les demandes présentées ce qui rallonge la file d'attente. Nous pouvons utiliser différents modèles d'admission en vigueur dans d'autres pays, comme aux États-Unis, où il n'est pas nécessaire de recourir à la rétroactivité pour endiguer le flot de demandeurs.

    Donc j'espère que cela vous est utile, c'est-à-dire que la rétroactivité n'est pas nécessaire et qu'il n'est pas urgent d'adopter les nouvelles règles. Remaniez les nouvelles règles. Tout en appliquant les nouvelles règles, appliquez un nouveau modèle d'admission et tout ira bien.

+-

    Le président: Très bien.

    Patrice.

+-

    M. Patrice Brunet: Je crois que nous avons toujours tiré une grande fierté de l'équité de notre système d'immigration, et cette date arbitraire du 28 juin est complètement injuste. D'où vient-elle?

    Comme vous le savez tous, le délai de traitement des demandes varie selon l'endroit où elles sont présentées. Le centre de traitement de Paris est extrêmement rapide. Je ne parlerai pas des retards qu'accuse le centre de traitement de Beijing...

    Le président: Quatre ans.

    M. Patrice Brunet: Quatre à huit ans, c'est exact.

    Donc, si une personne a présenté une demande avant le 15 décembre, elle sera probablement convoquée à une entrevue avant le 28 juin.

    Le président: Ou, d'ici à ce que l'entrevue ait lieu, cette personne sera tellement vieille qu'elle ne sera plus admissible.

    M. Patrice Brunet: C'est exact.

    Donc, on veut avoir un système équitable ce que ne reflète certainement pas ce règlement.

    La grande question est la suivante: nous parlons d'une nouvelle série de règles du jeu, et la réponse que nous obtenons de CIC c'est qu'ils ne veulent pas utiliser deux séries de règles—l'ancienne série de règles et la nouvelle. Ils veulent simplement se débarrasser des anciennes règles et adopter les nouvelles règles dès maintenant.

    On n'a jamais répondu à notre question. Pourquoi ne pas utiliser deux séries de règles—pour les demandes présentées avant une certaine date et celles présentées après une certaine date? Et après quelques années, on se sera débarrassé de l'arriéré. C'est une solution très simple qui reflète ce que l'on a déjà dit.

  +-(1245)  

+-

    M. Benjamin Trister: Cela reflète aussi ce qui s'est fait par le passé. C'est exactement la façon dont nous procédons à l'heure actuelle. Nous administrons deux systèmes.

+-

    M. David Chalk: J'ai quelques brèves observations à faire.

    Le Canada peut se permettre de traiter les demandes qui se trouvent déjà dans le système selon les anciens critères. Il ne peut pas se permettre d'appliquer la rétroactivité car cela nuirait à notre programme d'immigration. C'est le premier aspect.

    L'autre aspect c'est qu'il existe des moyens—en travaillant, comme Patrice l'a indiqué, avec deux systèmes. Une fois que nous avons décidé de la façon de procéder, CIC sera peut-être en mesure de sélectionner dans l'inventaire un certain nombre de bonnes demandes qui de toute évidence seront admissibles selon les nouveaux critères, ce qui pourrait permettre de réaliser des économies. Ils ont en fait examiné sérieusement la possibilité d'un traitement centralisé au Canada, de même que l'évaluation des connaissances linguistiques et d'autres critères qui permettront de prendre des décisions plus efficaces et plus justes. Nous avons tout à fait approuvé ces initiatives et nous continuons de le faire.

    Comme je l'ai dit, s'ils avaient un modèle réalisable, nous n'en continuerions pas moins de comparaître ici pour dire que le Canada a fait une promesse aux personnes qui ont présenté une demande, et que cette promesse doit être tenue. Cependant, si ces mêmes personnes se trouvent à être admissibles selon les nouveaux critères, elles ne s'en plaindront pas.

+-

    Le président: Que l'on donne le bénéfice du doute au demandeur, en fonction de la formule finale que prendra la grille.

    Noël.

+-

    Me Noël St-Pierre: Non, je voulais parler d'une autre question qui n'a pas été soulevée, mais s'il n'y a pas de questions immédiates... très bien.

    Nous avons mentionné à la fin du document qu'il s'agit d'une situation... et cela revient à toute la question d'Immigration Canada qui semble vouloir trouver des critères objectifs très faciles à appliquer plutôt que de former des gens à tenir compte de la situation réelle des êtres humains dont ils s'occupent. C'est une situation où des résidents permanents perdent leur statut parce qu'ils se trouvent à l'extérieur du Canada. La loi permet que l'on tienne compte d'autres facteurs de même que de la présence physique des personnes ici, mais à cet égard le règlement ne prévoit rien.

  -(1250)  

+-

    Le président: Oui, le règlement prévoit quelque chose mais c'est assez vague. C'est l'un des aspects que j'ai soulevés...

+-

     Me Noël St-Pierre: Si vous travaillez pour une société canadienne, très bien, mais que se passe-t-il si vous travaillez pour un programme de développement qui est en fait financé par l'ACDI mais que l'employeur direct se trouve à être un organisme local du pays où vous travaillez. Soit vous n'y allez pas, soit vous perdez votre statut de résident permanent.

    Que se passe-t-il si vous devez aller à l'étranger prendre soin de votre mère mourante ou malade? Tous ceux d'entre vous qui ont des circonscriptions multiethniques ont probablement constaté à quel point il est difficile d'amener des parents dans ce pays, même s'ils peuvent être parrainés. Ils n'obtiendront pas le visa.

    J'ai connu des gens, dont certains sont en fait membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui ont essayé d'amener leur mère au Canada du Maroc. Ils avaient l'argent pour payer les soins de santé ici. Pourtant, les responsables du ministère ont dit non, votre réel objectif est de la parrainer et de la garder ici. Ce n'était pas l'objectif; c'était de permettre à la mère de mourir ici.

    Le problème que posent des cas comme celui-là c'est que si vous retournez dans votre pays prendre soin de votre mère, vous perdrez votre statut de résident permanent. Voilà le genre de cas extrêmement éprouvant dont nous sommes saisis. On a l'impression qu'Immigration Canada ne veut plus s'occuper de ces êtres humains. De plus, c'est un agent qui s'occupera d'eux, et non un arbitre qui examinera le véritable objectif ou la véritable intention des personnes concernées.

    Je vous donnerai un exemple extrême: si je retourne dans un pays où il y a peut-être une guerre civile et qu'il m'est impossible de revenir ici, si je suis emprisonné dans mon pays d'origine, par exemple, ou obligé de faire mon service militaire, je perdrai mon statut de résident permanent au Canada. Mon intention était d'aller là-bas pour des vacances et simplement de visiter la parenté. C'est le genre de situation qui se produit. Et maintenant imaginez simplement les répercussions que cela aura sur les personnes qui vivent dans votre circonscription et qui communiqueront avec vous pour vous dire, mon Dieu, les Canadiens ne pouvaient pas imaginer quelque chose d'aussi horrible.

    C'est en raison de problèmes comme ceux-là que j'ai dit dès le tout début que nous devons adopter les deux points de vue lorsque nous rédigeons le règlement: c'est-à-dire la situation de la personne qui subit les procédures et qui doit s'en accommoder et bien sûr le point de vue de l'administration qui les applique. Il faut qu'il y ait un équilibre.

    Malheureusement, ce que je constate ici, c'est que dans l'ensemble cet équilibre n'existe pas. Il y a de très bonnes dispositions; par exemple, la possibilité désormais de modifier le statut d'une personne pour qu'elle devienne un travailleur ou un étudiant temporaire, ce qui n'était pas le cas auparavant. C'est une très grande amélioration qui facilitera la vie de bien des personnes, mais cette façon de penser ne semble pas s'être concrétisée à l'étape de la rédaction.

    Je vous remercie.

-

    Le président: Je tiens à remercier chacun d'entre vous. Je crois que l'heure et demie que nous avons passée ensemble a été très constructive grâce aux suggestions et aux idées que vous nous avez présentées.

    Je peux vous dire que la plupart des députés sont eux aussi des consultants en immigration. Nous consacrons 70 à 80 p. 100 de notre temps à des cas d'immigration, selon notre circonscription. Nous savons ce que vous vivez parce que nous éprouvons exactement le même genre de frustrations.

    Vos commentaires ont été très utiles et constructifs, non seulement à propos du projet de loi C-11 mais à propos du règlement. Nous voulons continuer à travailler en collaboration avec vous afin de connaître vos aperçus sur la question, qui sait? Nous avons un peu plus de temps pour examiner plus attentivement le règlement et je tiens à nouveau à vous remercier d'avoir pris le temps de nous parler.

    Nous nous réunissons de nouveau lundi à 15 h 30. La séance est levée.