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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 2000

• 1533

[Traduction]

La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité tient une séance d'information sur la Loi sur les Indiens.

Nous recevons trois témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Il s'agit de M. Bob Watts, sous- ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, de M. Ray Hatfield, directeur général intérimaire, Direction générale de l'inscription, des revenus et de l'administration des bandes, Services fonciers et fiduciaires, et de M. Al Broughton, avocat- conseil principal, Services fonciers et fiduciaires et services ministériels, Services juridiques. Soyez les bienvenus.

Nous commencerons par entendre votre exposé. Le greffier a distribué des exemplaires de la codification administrative de la Loi sur les Indiens. Si quelqu'un autour de la table ne l'a pas, nous en avons ici des exemplaires supplémentaires. Qui va commencer?

Monsieur Watts, allez-y, s'il vous plaît.

M. Bob Watts (sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada): Merci, madame la présidente.

Au nom du sous-ministre et du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, mes collègues et moi-même aimerions remercier tous les membres du comité de nous avoir invités aujourd'hui à explorer le contexte historique de la Loi sur les Indiens, ce que celle-ci nous a légué et la situation où nous en sommes.

Comme vous l'avez indiqué, madame la présidente, à mes côtés se trouve M. Rae Hatfield, qui est directeur général de l'Inscription, des Revenus et de l'Administration des bandes, et M. Al Broughton, du ministère de la Justice Canada. M. Broughton est responsable des questions juridiques découlant de mon secteur et il répondra aux questions dans les cas où nous détenons des renseignements juridiques clairs à ce sujet.

• 1535

Aujourd'hui, je parlerai de l'arrière-plan, de l'histoire et du contexte constitutionnel du régime de la Loi sur les Indiens. Vous avez demandé que nous parlions de l'étendue des pouvoirs prévus dans la Loi dans des secteurs comme ceux de la fiscalité et de la gestion des terres; vous souhaitez également être informés de l'application des lois provinciales aux réserves. Je vous propose donc de consacrer la séance d'aujourd'hui à ces points d'arrière- plan généraux pour établir des bases communes solides. Nous traiterons, à la séance de demain, la question de l'appartenance et celle des élections.

En ce qui concerne la compétence du Parlement, comme vous vous en souviendrez, lorsque le ministre Nault vous a rencontrés il y a un mois, il a fait remarquer que, depuis 1951, tous les efforts déployés pour améliorer ou moderniser le régime de la Loi sur les Indiens ont mis au défi de nombreux ministres. Pour comprendre pourquoi il en est ainsi, nous devons explorer la nature du régime en question.

Je commencerai par donner un des exemples qui illustrent le mieux la manière dont la Loi sur les Indiens continue d'entraver sérieusement les efforts d'autonomie des Premières nations. La Loi sur les Indiens empêche l'utilisation des terres de réserves comme bien affecté en garantie pour avoir accès aux capitaux nécessaires aux projets de développement économique, y compris des projets d'entreprises. Comme vous le savez, dans d'autres collectivités du pays, il s'agirait d'un obstacle inimaginable.

Nous savons que l'autonomie et la bonne gouvernance sont inextricablement liées. Elles le sont tellement, en fait, que de nombreuses restrictions de la Loi sur les Indiens empêchent toujours les Premières nations de se gouverner elles-mêmes efficacement. Je parlerai plus tard de certaines autres restrictions de la loi. Pour le moment, j'aimerais inscrire le concept d'exercice des pouvoirs par les Premières nations dans un contexte constitutionnel.

La compétence législative de la Loi sur les Indiens lui a été conférée en vertu de la disposition 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui contient deux chefs de compétence: les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Ce qui est important est que ces deux chefs de compétence sont exclusifs. Le Parlement a la seule compétence pour légiférer sur la question des Indiens et sur celle des terres réservées pour les Indiens.

La définition du mot «Indien» peut être déroutante, car il existe trois autres documents constitutionnels de référence ayant des champs d'application assez divers. La première définition se trouve dans la Proclamation royale de 1763, qui fait mention de «plusieurs nations ou tribus d'Indiens» liées à la Couronne. On trouve la deuxième dans l'Acte constitutionnel de 1930 qui garantit aux Indiens résidant dans les provinces des Prairies certains droits de récolte. L'usage définitif a été adopté en 1982 conformément à la définition de peuples autochtones de l'article 35 qui s'entend notamment «des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada».

La Loi sur les Indiens elle-même adopte une définition bien plus étroite de qui est Indien. Pour les besoins de la Loi, est Indien tout individu lié par hérédité à un groupe ou une bande d'Indiens spécifique à laquelle des terres ou fonds ont été réservés par la Couronne, ou à une bande qui a été déclarée en tant que telle par le gouverneur en conseil conformément à la loi.

La Loi sur les Indiens est également restrictive quant à son application géographique. Pour certaines raisons, les dispositions relatives aux affaires sociales de la loi—par exemple scolarisation, testaments et successions—ne s'appliquent qu'aux Indiens qui vivent dans des réserves ou sur des terres de la Couronne. En bref, les dispositions fondamentales de la Loi visaient à légiférer sur les affaires des peuples indiens vivant sur les terres des réserves indiennes.

Un autre point compliqué du régime de la Loi sur les Indiens actuel a trait à la Loi constitutionnelle de 1982, et à son article 35 qui stipule que: «Les droits existants—ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.» Les tribunaux ont interprété cette disposition à plusieurs reprises ces 15 dernières années. Bien que la loi administre de nombreuses terres de réserves mises de côté en vertu de traités, elle ne fait référence à ces droits que de façon indirecte. Il y a une disposition qui fait mention du financement des paiements d'annuité découlant des traités et une autre sur le maintien des paiements découlant des traités aux personnes qui ont perdu leur droit d'appartenance à une bande parce qu'elles ont épousé des non-Indiens.

Dans cette même disposition, à l'article 88, on trouve une dernière référence à l'application des lois provinciales aux peuples indiens. Cet article prévoit que les lois provinciales d'ordre général en vigueur dans une province sont applicables aux Indiens qui s'y trouvent, sous réserve des dispositions de quelques traités et de quelques autres lois fédérales, sauf dans la mesure où ces lois sont incompatibles avec la Loi sur les Indiens, ou quelque arrêté, ordonnance, règle, règlement pris sous son régime et sauf dans la mesure où ces lois contiennent des dispositions sur toute question prévue par la Loi sur les Indiens ou sous son régime.

Cependant, les Assemblées législatives provinciales ont compétence sur des sujets variés et lorsque cette compétence ne touche pas la nature des droits ou titres ancestraux, les intérêts des Indiens qui vivent sur des terres de réserves ou la définition de «quiddité indienne», elles ont force de loi. D'après les jugements rendus par les tribunaux, les lois provinciales s'appliquent de plein droit dans certains domaines, notamment les lois sur le bien-être des enfants, les droits sur les biens matrimoniaux même s'il s'agit seulement des biens meubles, les lois provinciales sur la fiscalité et sur les relations du travail.

• 1540

Il est essentiel de connaître les diverses obligations des gouvernements fédéral et provinciaux liées aux droits ancestraux et issus de traités pour bien comprendre le régime contemporain de la Loi sur les Indiens. On croit couramment que la Loi sur les Indiens établit les obligations fiduciaires de la Couronne à l'égard des peuples des Premières nations. Ce n'est pas tout à fait le cas. La Loi sur les Indiens aborde de nombreuses questions fiduciaires importantes, telles que les obligations qu'a la Couronne de protéger le mieux possible les intérêts des Premières nations qui vivent sur des terres de réserves, notamment dans le cas d'une cession ou d'une aliénation. Toutefois, la portée des obligations fédérales dépasse de beaucoup ce qui est prévu dans la Loi sur les Indiens.

L'absence d'autres règlements en ce domaine semble parfois faire de la Loi sur les Indiens le seul phare visible dans la brume. Toutefois, les obligations fiduciaires liées aux droits ancestraux et issus de traités débordent du cadre de la Loi et elles entraînent également des obligations pour les provinces. Je voudrais parler brièvement de la nature de ces obligations, au moins comme je les comprends.

D'abord, le gouvernement fédéral et le Parlement ont une principale obligation par rapport aux peuples autochtones dans le domaine de la restriction de leurs droits ancestraux ou issus de traités et de l'administration de ces droits. Les tribunaux mettent la Couronne, Parlement et pouvoir exécutif compris, dans la stricte obligation d'agir dans le meilleur intérêt des peuples autochtones concernés. Par conséquent, si la Couronne souhaite adopter des lois visant à limiter un droit ancestral ou issu de traités, elle est obligée de tenir des consultations pour déterminer la solution la moins dérangeante, justifier toute atteinte portée à la loi, et probablement compenser toute atteinte imposée.

La Loi sur les Indiens telle qu'on la connaît aujourd'hui est née des obligations et des politiques établies avant la Confédération, notamment la Proclamation royale de 1763. Cette dernière requiert que les tribus et nations indiennes soient protégées sur leurs terres non cédées, et que toute cession de terres soit faite publiquement et à la Couronne plutôt que par des ventes personnelles à des particuliers. Ce principe reflète la relation spéciale existant entre les Premières nations et la Couronne, ainsi que la reconnaissance de l'existence de droits fonciers des Premières nations avant l'arrivée des Européens.

Après la Confédération, le champ d'application de la Loi sur les Indiens a été élargi en raison des nombreux traités conclus dans l'ouest du Canada. De plus, l'orientation purement protectrice de la loi a été modifiée pour promouvoir l'assimilation, ou ce que l'on appelait alors la civilisation. De ce fait, certaines dispositions très restrictives ont été ajoutées et peaufinées au cours d'une période de 75 ans, jusqu'en 1951. Certaines excluaient du statut d'Indien différentes catégories de personnes et, donc, les empêchaient de bénéficier de terres de réserves, notamment les femmes qui épousaient des non-Indiens, les enfants illégitimes, toute personne ayant une profession intellectuelle ou détentrice d'un diplôme et quiconque ayant pris ou reçu ce que l'on appelait des certificats de Métis. Le concept général selon lequel l'appartenance à une bande indienne est fondée sur la descendance masculine a été imposé, malgré la nature matrilinéaire de nombreuses Premières nations.

Nous voyons que les sources de l'émancipation remontent aussi loin qu'en 1857 à l'adoption de la Loi sur la civilisation graduelle des tribus indiennes au Canada. En consentant à renoncer à ce droit, tout membre des Premières nations de sexe masculin doté des qualités requises pouvait devenir citoyen à part entière. Tout homme des Premières nations de plus de 21 ans, parlant anglais ou français, ayant une éducation élémentaire, une bonne réputation et exempt de dettes, pouvait se déclarer émancipé ou «ne plus être considéré comme étant Indien».

En 1867, le nouveau gouvernement du Canada a renforcé ce concept avec son Acte pourvoyant à l'émancipation graduelle. Je ne vous apprendrai sans doute rien en vous disant que le concept d'émancipation faisait également partie des dispositions clés de la Loi sur les Indiens de 1876. Le but ultime du gouvernement visait la complète assimilation des peuples des Premières nations dans le courant de la société dominante. Comme la plupart d'entre vous le savent, jusqu'en 1924, il n'était pas permis à un Indien de se faire émanciper sans abandonner officiellement tout intérêt qu'il pouvait avoir sur des terres de réserves et sa collectivité, et il a fallu attendre 1960 pour que cette condition préalable soit abandonnée dans la Loi sur les élections. Toutefois, ces prétendues clauses d'émancipation étaient toujours en vigueur jusqu'à leur abrogation en 1985.

Je crois qu'il est utile de passer en revue les différentes initiatives législatives visant à définir qui est Indien, en particulier jusqu'en 1951, où les définitions et les exclusions ont atteint leur paroxysme en matière de complexité.

En 1850, le premier effort fait pour définir le terme d'Indien comprenait toute personne considérée appartenir à une tribu, à une bande ou à un groupe d'Indiens particuliers et toute personne ayant épousé un Indien ou été adoptée par des Indiens.

En 1868, dans la première vraie loi fédérale portant sur les Indiens, la définition était la suivante: toutes les personnes de sang indien considérées appartenir à une tribu, une bande ou un groupe d'Indiens ayant des intérêts communs à l'égard de terres ou de biens immeubles, ainsi que tous leurs descendants; toutes les personnes résidant auprès d'Indiens ainsi définis et dont au moins l'un des parents est le descendant d'Indiens détenteur d'intérêts portant sur les terres concernées, ou leurs descendants, et toutes les femmes légalement mariées à des Indiens, leurs enfants et descendants.

• 1545

En 1869, le premier règlement concernant le mariage avec un non-Indien a été adopté, mais il reposait sur des règlements antérieurs.

En 1876, l'admissibilité à l'appartenance aux tribus ou bandes indiennes a été considérablement réduite et, aujourd'hui, elle met l'accent sur la descendance masculine et le nouveau concept d'émancipation.

Après 1918, une loi a été adoptée chaque année jusqu'aux années 30, et bien que les clauses relatives à la définition soient restées les mêmes, celles qui concernaient l'émancipation se sont succédé en un mouvement de va-et-vient, en faveur soit de l'émancipation volontaire, soit de l'émancipation forcée.

Enfin, en 1951, la Loi reprenait toutes les définitions et exclusions précédentes, comme la règle de l'exclusion en raison du mariage avec un non-Indien et les conditions sur l'ascendance masculine, et en ajoutait quelques autres, tout en adoptant également pour la première fois le concept d'Indien inscrit ou d'inscription des Indiens. Par exemple, seuls les noms des personnes se trouvant sur les listes de la bande avant 1951 ont été ajoutés au Registre national des Indiens. Les additions ou omissions au Registre pouvaient être contestées par l'individu ou la bande, la décision du registraire étant finale, sous réserve d'un appel devant les tribunaux. Les noms des enfants illégitimes de sexe masculin pouvaient être enregistrés et ajoutés aux listes des bandes et ceux des enfants illégitimes de sexe féminin pouvaient être enregistrés, mais seulement si le surintendant était convaincu que l'autre parent était Indien. L'épouse de tout Indien pouvait devenir membre de la bande et être inscrite. L'exemption de la disposition «mère/grand-mère», adoptée pour les personnes nées après 1951, stipulait que toute personne dont la mère et la grand- mère paternelle n'étaient pas admissibles au statut d'Indien à la naissance, perdrait son admissibilité à l'inscription et à l'appartenance à l'âge de 21 ans. Pour la première fois, des bandes entières pouvaient demander collectivement l'émancipation, et une seule l'a fait.

Un autre thème majeur du régime de la Loi sur les Indiens tel qu'il s'est développé après la Confédération et jusqu'en 1951 est celui de l'aliénation des terres de réserves. La Loi ne prévoit aucune disposition importante concernant l'acquisition ou l'expansion des terres de réserves, mais il existe des douzaines de clauses et plusieurs longs règlements accessoires qui traitent de la vente, de la cession ou de l'expropriation des terres de réserves. Une conséquence, toujours visible de nos jours, est que le territoire propre aux Premières nations en vertu de la Loi sur les Indiens représente à peine le tiers de ce qu'il était il y a un siècle.

Un dernier aspect de la Loi sur les Indiens qui a émergé avec de plus en plus de vigueur jusqu'en 1951 est celui du paternalisme. Bien que les gouvernements des Premières nations aient été largement autonomes avant la Confédération, dès 1951 ils ont été réduits au rang de conseils délégués dotés de pouvoirs de réglementation très limités, tous assujettis à l'annulation ou à l'autorisation du ministre.

Par conséquent, au fil du temps, le régime de la Loi sur les Indiens a évolué, partant de son objectif initial qui était la protection des terres de réserves contre les colons non indiens, pour devenir en 1951, une institution intégrale gouvernant la plupart des aspects de la vie des Premières nations. Un règlement relativement court comportant 122 articles exprime tout cela, la majorité d'entre eux autorisant le ministre ou le gouverneur en conseil à agir avec une discrétion considérable et au moyen de règlements accessoires.

Je vais maintenant aborder certaines approches concernant la réforme de la Loi sur les Indiens.

Nous avons assisté, ces 50 dernières années, à un déplacement majeur des objectifs. L'assimilation n'a pas été un principe officiel du gouvernement ou du Parlement pendant de nombreuses décennies. Pourtant, le régime de la Loi sur les Indiens subsiste, largement inchangé. Bien que les dispositions de la Loi relatives à l'inscription et à l'appartenance, contestées aux termes de la Charte dès le début des années 80, aient été modifiées, les régimes de gouvernance et d'administration des terres sont restés pratiquement inchangés. De ce fait, les principes de base exprimés dans la Loi, la philosophie fondée sur l'assimilation et le paternalisme, sont toujours de rigueur en vertu de la Loi et de sa structure connexe de règlements et de politiques.

En 1988, une commission d'enquête menée par le juge John Hall a révélé que le principal enjeu auquel font face les Premières nations et le gouvernement était celui d'un écart grandissant et accéléré entre, d'un côté, les intentions des gouvernements actuels et, de l'autre, le régime législatif et de réglementation en place pour administrer les affaires des Premières nations.

Pour réduire cet écart, la Commission Hall a recommandé trois options: premièrement, prendre des mesures correctives ou apporter des modifications fragmentaires à la Loi sur les Indiens et aux règlements et politiques connexes pour améliorer les conditions qui doivent l'être de manière urgente et répondre aux besoins de changement; deuxièmement, modifier plus profondément la législation pour permettre d'avoir des instruments autres que la Loi sur les Indiens actuelle et son régime connexe et, en troisième lieu, procéder à une réforme constitutionnelle pour modifier la relation fondamentale des peuples des Premières nations avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Comme dans le cas du rapport du Comité Penner en 1983, le commissaire Hall a jugé que la deuxième option était la plus raisonnable.

• 1550

Malgré ces recommandations, les efforts faits pour modifier la Loi sur les Indiens, que ce soit de façon globale ou sectorielle, conjointe ou unilatérale, ont rarement abouti. Cela peut être dû en partie aux philosophies ou opinions divergentes au sein du gouvernement et des Premières nations en ce qui concerne la relation entre le régime de la Loi sur les Indiens et les nouvelles doctrines et décisions rendues par les tribunaux au sujet des droits ancestraux et issus de traités.

Lorsque les parlementaires et les dirigeants des Premières nations n'ont pas réussi à concilier leurs points de vue, on a généralement constaté l'échec de tout effort fait pour moderniser la Loi sur les Indiens.

L'écart a continué de s'accroître. La vulnérabilité du régime de la Loi sur les Indiens face aux défis posés est grande, et c'est cette vulnérabilité qui a donné lieu à la majorité des modifications législatives. Ainsi, l'affaire Lovelace c. Canada de 1983 était axée sur ces trois dispositions de la Loi discriminatoires contre les femmes des Premières nations qui avaient perdu leur statut d'Indienne en épousant un non-Indien. Cette affaire, et les pressions du groupe Indian Rights for Indian Women ont entraîné l'adoption du projet de loi C-31, lequel a mis fin également aux autres dispositions relatives à l'émancipation involontaire contenues dans la loi. Cela s'est produit en 1985 lorsque l'entrée en vigueur de la Charte a menacé d'invalider les dispositions fondamentales de la Loi relatives aux règles d'inscription et d'appartenance.

Plus récemment, la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Corbière c. Canada a obligé le gouvernement et les Premières nations à collaborer, dans des délais établis, pour appliquer la décision de la Cour et éliminer la restriction du droit de vote par une condition sur la résidence du paragraphe 77(1) de la Loi sur les Indiens.

Cette vulnérabilité est assez générale, plus de 150 contestations judiciaires de dispositions précises, d'arrêtés ministériels ou de règlements de Premières nations étant aujourd'hui en cours de procédure devant les tribunaux. Ces derniers, toutefois, ont tendance à interpréter la Loi dans son sens étroit, la Loi sur les Indiens étant un règlement profondément ancré. En l'absence d'un cadre de rechange, il semble inévitable que la Loi continue de susciter des contestations fragmentaires.

Le ministre Nault s'est dit préoccupé du fait que les tribunaux devaient imposer des modifications fragmentaires ou définir la relation du gouvernement avec les Premières nations. Il a communiqué avec les dirigeants des Premières nations pour établir les domaines ou secteurs liés à l'exercice des pouvoirs par ces dernières qui pourraient être modernisés.

Le comité a demandé plus d'information sur la compétence législative des Premières nations, notamment en relation avec les terres et la fiscalité. Je terminerai mes observations préliminaires en présentant brièvement les points saillants dans ces domaines.

D'abord, je dois signaler que même s'il reste encore aux tribunaux à rendre un clair jugement sur le droit à l'autonomie gouvernementale, le gouvernement part du principe que ce droit est déjà reconnu dans le cadre des droits garantis par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En l'absence de base législative à l'exercice de ce type de pouvoir, la seule possibilité a été de négocier des ententes sur l'autonomie gouvernementale. Dans certains cas, des négociations se déroulent à l'échelle de la province, comme en Saskatchewan, alors que dans d'autres, elles sont étroitement liées aux discussions sur les revendications territoriales.

Un deuxième point préliminaire concernant les terres des Premières nations doit être soulevé. L'application de la Loi sur les Indiens se limite largement aux terres des réserves. À l'heure actuelle, l'assise territoriale des Indiens est assez limitée, comptant 6,4 millions d'acres pour 2 471 réserves. En termes absolus, cela représente un tiers du territoire propre aux Indiens il y a un siècle, et également le quart de l'assise territoriale par habitant réservée aux tribus indiennes des États-Unis. Comme nous le montrent ces chiffres, l'assise territoriale actuelle des Indiens constitue un obstacle important au développement économique et social.

La Loi reconnaît deux types de pouvoir décisionnel généraux. Le premier concerne les décisions que doit prendre la bande collectivement. Il s'agit de décisions liées à la cession des terres de réserves, au choix de l'appartenance et à la responsabilité de la gestion des terres. En revanche, les conseils de bande ont des pouvoirs dans un ensemble de domaines définis au sens étroit, énumérés aux articles 81, 83 et 85 de la Loi.

L'article 81 n'a guère changé depuis 1951; il énumère des domaines comme la réglementation de la circulation, l'observation de la loi et le maintien de l'ordre, les ouvrages locaux, la division de la réserve en zones, la réglementation de la construction, les attributions de terres, la réglementation de l'accès à la réserve et le pouvoir d'autoriser le ministre à effectuer des paiements à partir de fonds provenant de la bande. Les conseils de bande ont également certains pouvoirs dans les domaines de la santé, l'agriculture, la résidence dans les réserves, ainsi que le contrôle de la chasse et de la pêche.

De tous les pouvoirs réservés aux bandes et aux conseils de bande en vertu de la loi, seuls quelques-uns ne sont pas assujettis au rejet ou à l'approbation du ministre. Le premier est le pouvoir de choisir l'appartenance à une bande, pouvoir qui n'a été reconnu comme tel qu'en 1985. Il y a également le pouvoir de prendre des règlements administratifs en vue d'interdire les boissons alcoolisées dans la réserve. Ainsi, les gouvernements des Premières nations ne peuvent pas prendre de nombreuses décisions, notamment celles qui ont trait à la gestion des terres, à moins d'en obtenir l'autorisation préalable.

• 1555

Le pouvoir d'imposition des bandes mérite une mention spéciale. Avant 1988, les Premières nations n'avaient pas de pouvoir d'imposition directe explicite et elles dépendaient des frais de permis et autres frais pour financer les projets, ou devaient demander au ministre de débloquer des fonds ou des deniers de revenu pour permettre aux bandes de mener leurs activités prioritaires. En 1988, l'amendement Kamloops a été adopté pour modifier l'article 83 de la Loi sur les Indiens et permettre aux Premières nations de prélever des impôts sur les intérêts découlant des terres de réserves, qu'elles soient détenues ou non par leurs membres.

Il convient de signaler que le pouvoir d'imposition continue d'être délégué, la Loi prévoyant que non seulement le ministre doit approuver tout règlement administratif d'ordre financier, mais en outre que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour contrôler l'exercice du pouvoir de prendre des règlements, lesquels peuvent s'appliquer de façon rétroactive. À l'heure actuelle, 74 Premières nations sont dotées de ce type de règlements administratifs concernant les deniers. La Commission consultative sur la fiscalité indienne a été établie pour conseiller le ministre lors du processus d'approbation, et elle fonctionne indépendamment du ministère.

Le comité a également manifesté de l'intérêt pour le pouvoir de gestion des terres. Certains succès connus en ce domaine ces dernières années méritent attention. D'abord, le gouvernement a commencé de prendre des mesures pour redonner des terres aux Premières nations, en particulier dans le cas des terres qui auraient dû être cédées en vertu d'un traité. Bien que dans les années 80, 19 ajouts aux réserves étaient couramment faits chaque année, depuis 12 mois, le ministère en a mis en oeuvre 130. Bien entendu, il reste beaucoup à faire.

Il y a actuellement plus de 1 800 demandes de terres supplémentaires qui sont soit à l'étude, soit en cours de traitement. La plupart sont le résultat de règlements de revendications et représentent donc des obligations juridiques. À ce rythme, l'assise territoriale des Premières nations pourrait doubler en quelques années.

Bien entendu, les terres de réserves représentent le principal actif des Premières nations pour répondre aux besoins de leurs collectivités en matière de résidence, de développement économique et d'emploi. La Loi régit les terres plus rigoureusement que tout autre domaine, la plus grande partie du pouvoir décisionnel revenant au ministre. Les dispositions relatives à la gestion des terres de la Loi sur les Indiens ont énormément entravé les Premières nations qui souhaitaient entreprendre des projets de développement économique. Les collectivités des Premières nations, le gouvernement fédéral et les tiers investisseurs ont trop souvent été gênés par les délais dus au fardeau administratif complexe imposé par les dispositions de la Loi. Des transactions qui pourraient ne prendre que quelques semaines ailleurs dans le pays peuvent prendre des mois lorsqu'il est question des terres des Premières nations, ce qui entraîne la perte de nombreuses possibilités.

En se fondant sur les travaux du Comité des chefs chargés des terres, le Parlement a élaboré et adopté en 1999 une nouvelle loi relative à la gestion des terres, appelée Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Les 14 Premières nations touchées par la Loi ont travaillé avec acharnement pendant sept ans pour établir ce nouveau régime de gestion des terres. Elles ont négocié un accord-cadre de gouvernement à gouvernement avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada au nom du gouvernement du Canada. Les gouvernements provinciaux directement touchés par cet accord-cadre ont été étroitement consultés durant toute la durée du processus.

Essentiellement, l'accord-cadre met fin aux contrôles imposés par la Loi sur les Indiens sur la manière dont ces Premières nations gèrent leurs terres. Il s'agit d'une entente habilitante qui place entre les mains des Premières nations la gestion quotidienne de leurs propres affaires.

La Loi sur la gestion des terres des Premières nations habilite les 14 Premières nations touchées à se soustraire aux dispositions plus gênantes de la Loi sur les Indiens relatives à la gestion des terres. Ces Premières nations maintiennent simultanément leur position juridique unique et leur relation spéciale avec le gouvernement fédéral—lesquelles continuent d'être consacrées par la Loi sur les Indiens en dépit de toutes ses lacunes paternalistes.

En vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, les Premières nations élaborent un ensemble de règles sur les terres établissant les mécanismes de base de l'exercice des pouvoirs: lois qui régissent les terres, reddition de comptes et intérêt concernant les terres et les ressources. En négociant l'accord-cadre menant à cette Loi, les Premières nations ont mis sur pied un régime démocratique de reddition de comptes. Ainsi, leurs collectivités auraient voix au chapitre avant que ne soient établis les codes fonciers.

Pour la première fois, l'accord permet également la mise en place de règlements sur la protection de l'environnement touchant les terres des Premières nations. Lorsque ces codes fonciers seront en vigueur et l'accord conclu, les dispositions sur la gestion des terres de la Loi sur les Indiens ne s'appliqueront plus à ces collectivités.

Pour les 14 Premières nations visées par la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, il ne sera plus jamais nécessaire de demander l'approbation du ministre pour des transactions aussi courantes que l'octroi de permis et de licences. Elles pourront prendre des décisions efficaces et responsables en matière de gestion des terres dans tous les domaines qui auparavant relevaient du ministre. C'est la première fois, depuis la Confédération, que l'on trouve une solution de rechange à la Loi sur les Indiens, et cela s'est fait sur une base sectorielle, sous la direction des Premières nations.

• 1600

Tout comme les pouvoirs visant la gestion des terres, la Loi sur les Indiens proprement dite restreint toujours beaucoup les pouvoirs de gouvernance des Premières nations. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'étendue des pouvoirs de réglementation accordés aux Premières nations est très limitée. Aux termes de la Loi sur les Indiens, les Premières nations peuvent adopter des règlements pour empêcher la propagation de maladies infectieuses, réglementer la circulation et protéger les terres contre les empiétements des bestiaux ou d'autres animaux domestiques.

Pourtant, comme nous le savons tous bien, dans le cadre des ententes sur l'autonomie gouvernementale, comme celle de la bande sechelte de la Colombie-Britannique et des Cris et Naskapis du Québec, de nombreux gouvernements des Premières nations ont des pouvoirs bien plus grands que ceux qui sont prévus dans la Loi sur les Indiens. Elles établissent des ententes qui répondent à leurs propres besoins dans des domaines aussi variés que les soins médicaux, le bien-être des enfants, l'éducation, le logement et le développement économique.

De ce fait, les objectifs des Premières nations concernant la gestion des terres et la gouvernance révèlent encore plus l'aspect limitant de la Loi sur les Indiens. Ces aspects périmés deviennent de plus en plus visibles au fil des jours.

J'ajouterais, en terminant, que la plupart des recommandations de réforme venant des Commissions royales et des comités parlementaires ont plutôt cherché à remplacer la Loi sur les Indiens existante, et éviter d'édifier quoi que ce soit, même dans l'ombre de ses fondements. Toutefois, il y a une solution qui semble nous avoir échappé jusqu'à présent.

La loi est encore là, exerçant son emprise depuis le XIXe siècle. Elle est toujours là, un fardeau tant pour le Parlement que pour les Premières nations, et il faut donc s'en occuper. Nous pouvons sûrement tous espérer que, dans un nouveau millénaire, et dans l'esprit d'un partenariat renouvelé avec les Premières nations, nous arriverons à nous libérer de son emprise.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci. C'est une bonne introduction pour nous.

Ce qui serait encore plus utile pour les députés est néanmoins qu'ils poursuivent leur réflexion sur certains des éléments que vous nous avez présentés. Nous allons commencer par M. Konrad. Nous allons avoir des tours de cinq minutes et je suppose que nous en aurons plusieurs car nous pouvons continuer jusqu'à 17 h 30. Nous en resterons donc là et je vais simplement demander au greffier de me dire à peu près quand le temps est épuisé.

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Alliance canadienne): En plus, nous n'avons pas tellement de députés aujourd'hui.

La présidente: Nous en avons six.

M. Derrek Konrad: Je tiens à vous remercier de votre exposé. Ce que j'aurais aimé toutefois, c'est que vous ne sautiez pas certaines parties de votre texte parce que nous avons beaucoup de temps et j'aurais été intéressé par l'ensemble.

La présidente: Je vous interromps ici.

Peut-être que vous ne le savez pas, monsieur Watts, mais ce qui a été distribué au comité contenait un peu plus que ce que vous avez lu. Je suppose que vous avez eu une version révisée ou quelque peu abrégée.

M. Bob Watts: Oui, vous avez eu la version Reader's Digest, la version condensée. Les deux peuvent être distribuées.

La présidente: Bien.

M. Derrek Konrad: Je lirai le reste pendant que vous répondrez aux questions de quelqu'un d'autre.

Tandis que je vous écoutais, j'ai pensé à un certain nombre de questions, notamment à ce que vous dites sur les «pouvoirs décisionnaires laissés au ministre».

Je me demande si le ministre intervient... Étant donné que les terres sont détenues dans l'intérêt de tous les membres de la bande, que la Loi sur la gestion des terres des Premières nations s'applique ou non, le gouvernement peut-il vraiment échapper à sa responsabilité? C'est-à-dire que si les ressources mixtes, les ressources détenues en commun, sont mal gérées et perdues, est-ce que le gouvernement est libéré de ses obligations ou est-ce qu'il est toujours tenu d'assurer les mêmes services aux Premières nations? Il y a une responsabilité juridique qui découle de cela.

Évidemment, je crois que le ministre qui a toujours eu son mot à dire là-dedans conservera probablement une responsabilité à laquelle il ne pourra se soustraire, quel que soit le pouvoir délégué aux bandes.

Pourriez-vous d'abord répondre à cela?

La présidente: Monsieur Watts.

M. Bob Watts: La réponse à votre question peut probablement comporter plusieurs volets.

Tout d'abord, je pense qu'il est absolument vrai que lorsque le ministre a une responsabilité légale, il ne peut y échapper sans qu'un certain nombre de conditions aient été satisfaites. Premièrement, nous savons que nous pouvons déléguer les pouvoirs, dans le cas des terres, en ce qui concerne les articles 53 et 60 de la Loi sur les Indiens. Nous savons aussi que pour la négociation des ententes sur l'autonomie gouvernementale ou d'autres ententes, les Premières nations peuvent assumer des responsabilités dans des domaines où le ministre aurait autrement dû les assumer.

• 1605

D'un autre côté, nous devons nous assurer que nous travaillons avec les Premières nations pour faire en sorte qu'elles soient en mesure d'assumer les responsabilités qui auraient autrement appartenu à la Couronne dans ce cas, les responsabilités ministérielles.

M. Derrek Konrad: D'accord, mais la majorité des gouvernements ne s'occupent pas directement d'expansion économique. Dans le cas du gouvernement fédéral, il ne le fait pas directement même si je sais qu'il a tendance à consentir des fonds à certaines entreprises d'une façon ou d'une autre.

D'après ce que je sais, les gouvernements des Premières nations peuvent participer directement à des entreprises économiques. Dans un tel cas, il y a environ trois résultats possibles. D'une part le statu quo où rien ne change. D'autre part, on peut gagner beaucoup d'argent. Ou on peut en perdre. Si l'on gagne de l'argent, tout le monde est content. Si on ne perd rien, tout le monde sauf les investisseurs est pas mal content, mais si l'on perd de l'argent, personne n'est content.

Ce que je dis toujours c'est que si la bande prend ces ressources, utilise les fonds qu'elle en retire pour financer des programmes qu'exige le gouvernement fédéral et perd son argent et que les programmes disparaissent, qu'est-ce que cela donne? J'aimerais savoir ce que cela donne. Il y a peut-être là une question de loi. Vous avez tout à l'heure fait allusion à M. Broughton. S'il y a des lignes directrices claires, je me demande si l'on peut avoir une réponse claire à cette question.

Me Al Broughton (avocat-conseil principal, Services fonciers et fiduciaires et services ministériels, Services juridiques, ministère de la Justice Canada): Je signalerai d'abord qu'en tant qu'avocat au ministère de la Justice Canada, je ne peux pas vraiment vous donner un avis juridique mais si l'on peut éclaircir certaines choses, j'essaierai certainement de le faire.

On peut répondre à votre question de différentes façons, mais je crois que vous voulez essentiellement parler des programmes et services gouvernementaux et de ce qui arrive si une Première nation utilise des fonds venant de ces...

M. Derrek Konrad: Actifs.

M. Al Broughton: Actifs... En fait, je pensais à des programmes financés par le gouvernement. Qu'arrive-t-il s'ils les utilisent dans une entreprise commerciale? En tout cas, tout d'abord, il y a des ententes juridiques qui ont été signées avec les Premières nations au sujet de la façon dont ces fonds doivent être utilisés si bien qu'il n'y a pas entière latitude.

M. Derrek Konrad: D'accord puis-je simplement...

La présidente: Non, veuillez le laisser finir de répondre à la question parce que nous approchons du six minutes.

M. Derrek Konrad: Je passerai le prochain tour si vous me permettez de poursuivre cette question parce que j'aimerais qu'elle soit bien comprise.

La présidente: Allez-y.

M. Derrek Konrad: Merci.

En fait, ce que nous étudions ici c'est ce que la loi et les ententes sont censées faire et font et c'est pourquoi j'aimerais que vous y pensiez en répondant à la question.

Je passerai mon prochain tour de cinq minutes.

La présidente: Allez-y, répondez, s'il vous plaît.

M. Al Broughton: Je ne suis pas certain. Je vais devoir demander quelques précisions. Ce que j'allais dire, c'était que les programmes et services financés par le gouvernement fédéral font l'objet d'une autre séance, si je ne m'abuse, dans une semaine demain.

La présidente: Oui, en effet c'est la troisième séance.

M. Al Broughton: Maintenant pour ce qui est de la Loi sur les Indiens et de savoir, par exemple, si une Première nation peut se lancer dans une entreprise commerciale et perdre des actifs sans engager la responsabilité fédérale, je crois que nous pouvons faire remarquer que la politique du gouvernement fédéral en matière d'autonomie gouvernementale est que, comme le disait M. Watts, au fur et à mesure que les Premières nations assument une responsabilité et des pouvoirs accrus, les responsabilités fiduciaires de la Couronne évolueront et diminueront.

La relation fiduciaire demeurera et il y aura toujours une relation spéciale entre l'État et les Premières nations, mais le gouvernement fédéral estime tout à fait que certaines responsabilités fiduciaires spécifiques pourront lui être retirées ou être diminuées lorsque les Premières nations assumeront un contrôle accru du fait de la loi ou d'un traité sur leurs affaires, comme dans un accord sur l'autonomie gouvernementale.

La présidente: Monsieur Konrad, vous n'êtes pas forcé de passer votre tour. Je vais essayer d'être un peu plus souple parce que c'est une question d'information pour nous tous. Vous en êtes à sept minutes et demie si bien qu'on vous laissera tout à l'heure un autre tour de cinq minutes.

• 1610

[Français]

Monsieur Bachand, parlez, s'il vous plaît.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je vais me risquer à parler d'un point assez délicat, soit la définition d'un Indien. Je voudrais qu'on approfondisse un peu la question, parce que le gouvernement fédéral et même vous, dans votre présentation, semblez renoncer aux droits qui découlent des obligations fédérales pour ce qui est des autochtones vivant en dehors des réserves. Pourtant, selon moi, il y a presque 40 p. 100 de tous les autochtones qui vivent hors réserve. Il est donc important de voir si c'est une bonne chose ou non que le gouvernement fédéral renonce à cette responsabilité

Dans votre document, à la page 2, vous dites:

    La loi sur les Indiens est également restrictive quant à son application géographique. Pour certaines raisons,...

J'aimerais que vous me les expliquiez.

    ...les dispositions relatives aux affaires sociales de la Loi (p. ex. scolarisation, testaments et successions) ne s'appliquent qu'aux Indiens qui vivent dans des réserves ou sur des terres de la Couronne. En bref, les dispositions fondamentales de la Loi visaient à légiférer sur les affaires des peuples indiens vivant sur les terres des réserves indiennes.

Après avoir pris connaissance de la loi, je conviens avec vous que l'article 77 qualifie les électeurs des chefs: ceux qui élisent les chefs et ceux qui peuvent être conseillers doivent demeurer dans les réserves. C'est très clairement énoncé dans la loi.

Pourtant, la décision Corbière vient d'infirmer cette disposition de la loi. Cela veut dire que maintenant, dès que les autochtones mettent le pied en dehors de la réserve, ils ne sont plus sous la responsabilité du fédéral. Pourquoi? Où dans la loi est-ce spécifié? Pour quelles raisons en parlez-vous? «Pour certaines raisons», dites-vous dans le texte. Quelles sont ces raisons?

Où prenez-vous cette définition restrictive quant à l'application géographique? Pourquoi, un certain jour, suis-je considéré comme un Indien ayant des droits, puis-je envoyer mes enfants à l'école, avoir des soins de santé gratuits, etc.? Pourquoi, lorsque je mets le pied en dehors de la réserve, n'ai-je plus ces droits? Est-ce une pratique courante apparue au cours des années ou si, légalement, il y a une prise ou un ancrage dans la loi actuelle qui permet cette interprétation?

[Traduction]

M. Bob Watts: Merci de cette question. Je commencerai et M. Hatfield ou M. Broughton voudront peut-être compléter ma réponse.

Tout d'abord, quand on parle de l'article 91.24 de la Constitution, il s'agit du cadre dans lequel opère la Loi sur les Indiens. Elle doit donc opérer dans le cadre constitutionnel, dans le contexte de la définition d'«Indiens» et de «terres réservées aux Indiens».

La Loi constitutionnelle précise également d'autres domaines dans lesquels les provinces en particulier ont des responsabilités en matière d'éducation et d'assistance aux enfants. Cela définit, à notre avis, la portée géographique de la Loi sur les Indiens. Cette loi est fondée sur les réserves.

Mais faire la distinction entre la portée de la Loi sur les Indiens... Celle-ci, par exemple, ne stipule pas que si vous quittez la réserve, vous n'êtes plus Indien. Donc, indépendamment du lieu où vous vivez, si vous êtes Indien inscrit, vous êtes Indien inscrit, que vous résidiez à Toronto ou dans une réserve du nord de l'Ontario.

Un certain nombre de programmes fédéraux sont offerts aux Indiens inscrits, quel que soit leur lieu de résidence. Par exemple, les programmes de santé et de bien-être social et les services non assurés sont offerts aux Indiens, quel que soit leur lieu de résidence. Les études postsecondaires également. Il y a donc certains programmes qui sont limités dans leur application aux réserves mais beaucoup d'autres sont offerts aux Indiens, peu importe où ils vivent.

Vous avez tout à fait raison quant à la décision Corbière. La restriction qui se trouve dans la loi à propos du lieu de résidence tombe au 20 novembre de cette année. Je dirais—et je crois que nous l'indiquons dans notre document—que les provinces sont tenues d'assurer ces programmes et services aux Indiens hors-réserve. C'est ainsi que nous concevons la répartition des responsabilités dans la Loi constitutionnelle. Évidemment, dans beaucoup de provinces, cela fait l'objet de négociations à l'heure actuelle car on veut s'assurer que les Indiens et les Autochtones en général puissent bénéficier pleinement des programmes et services, quel que soit leur lieu de résidence.

• 1615

Monsieur Broughton.

M. Al Broughton: Peut-être pourrais-je simplement signaler certaines dispositions de la Loi sur les Indiens qui traitent spécifiquement des conditions telles que le lieu de résidence.

Tout d'abord, le paragraphe 4(3) de la Loi sur les Indiens parle de l'application de certains autres articles de la loi. Il porte sur l'application des articles 114 à 122, à propos de l'éducation et 42 à 52, à propos de la succession des Indiens décédés. Il stipule qu'il ne s'applique pas aux Indiens qui ne résident pas ordinairement dans une réserve ou sur des terres appartenant à Sa Majesté du chef du Canada ou à une province. C'est donc un des éléments où l'application de la loi est clairement limitée aux personnes résidant dans des réserves ou sur des terres de la Couronne.

Une bonne partie de la loi traite de la gestion des terres des réserves indiennes si bien que, là encore, du fait même de la nature des dispositions de la loi, il s'agit des réserves. Ces dispositions sont donc limitées aux réserves parce qu'elles traitent des terres et de la gestion des terres. C'est un élément assez important de la loi.

Il y a ensuite des dispositions dans les pouvoirs de réglementation prévues à l'article 81, par exemple. Dans la majorité des cas, mais pas dans tous les cas, elles ne s'appliquent qu'aux réserves.

Voilà donc quelques exemples de la nature restrictive de la loi.

La présidente: Madame Karetak-Lindell, s'il vous plaît.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

En fait, Claude a posé certaines des questions que je voulais poser.

Nombre d'entre nous ont du mal à comprendre exactement la définition d'Indien, mais j'aimerais pousser un peu plus loin notre réflexion.

On parle des Indiens inscrits, des Indiens non inscrits, des droits de chacun, de ceux qui paient des impôts et de ceux qui n'en paient pas. Comme les gens pensent que tous les Autochtones ne paient pas d'impôts, ils présument que je n'en paie pas. Voici ce que j'ai appris en particulier cette année: les Canadiens pensent que ce qui vaut pour un Autochtone vaut pour tous les Autochtones.

Si nous expliquons exactement à la population ce à quoi chaque groupe a droit, je pense que l'animosité que nous avons constatée, en particulier lors des audiences sur le Traité des Nisga'as... Si l'on dissipait ces malentendus, cela faciliterait de beaucoup les négociations.

J'aimerais donc que vous fassiez une distinction entre les droits des Indiens inscrits et des Indiens non inscrits pour ce qui est notamment des soins de santé et de l'éducation. Vous avez dit que les Autochtones ont droit à des services scolaires qu'ils vivent ou non sur une réserve. Je crois comprendre que les Indiens inscrits ne paient pas d'impôts s'ils vivent sur une réserve, mais ils en paient s'ils vivent ailleurs comme à Toronto. Pourriez-vous me dire exactement ce qu'il en est? J'aimerais des précisions au sujet du régime fiscal.

Je vous remercie.

M. Bob Watts: Je vous remercie de cette question.

Les Indiens inscrits, qu'ils vivent ou non sur une réserve, sont admissibles au programme d'enseignement postsecondaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. La situation est différente en ce qui touche l'enseignement élémentaire puisque l'endroit de résidence importe dans ce cas.

Pour ce qui est de savoir qui paie des impôts et qui n'en paie pas, tout dépend de l'endroit où l'on vit au pays. Nous pourrions essayer de fournir plus de précisions à cet égard au comité. Un certain nombre de Premières nations possèdent des pouvoirs de taxation et elles perçoivent des taxes sur les réserves auprès des gens qui vivent sur la réserve, qu'ils soient Autochtones ou non. Il peut en être autrement sur d'autres réserves.

• 1620

Je ne sais pas s'il y a vraiment de règle à proprement parler à cet égard, sauf que la plupart des Indiens inscrits qui travaillent et vivent sur une réserve ne paient habituellement pas d'impôts. Dans de nombreuses collectivités autochtones canadiennes, les biens qui sont achetés et consommés sur la réserve ne sont pas assujettis à une taxe bien qu'il puisse en être autrement dans les collectivités autochtones qui possèdent des pouvoirs de taxation. Il y a des Premières nations qui perçoivent des impôts fonciers et d'autres qui ne le font pas. Dans certains cas, le régime fiscal varie d'une province à l'autre et dans d'autres d'une Première nation à une autre.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Qu'en est-il des Indiens inscrits qui vivent hors-réserve, c'est-à-dire dans une ville?

M. Bob Watts: Je ne pense pas qu'il y ait de règle générale dans ce cas non plus. La plupart des Autochtones qui vivent hors- réserve paient des impôts comme tout le monde. La plupart d'entre eux paient la taxe provinciale et fédérale sur les biens et les services comme n'importe qui d'autre. Les exemptions fiscales visent les biens et les services qui sont consommés et achetés par une réserve indienne.

Mme Nancy Karetak-Lindell: À la page 2 de votre mémoire, vous précisez qu'on a modifié la définition du mot «Indien» en 1982 pour qu'elle s'applique aux Indiens, aux Inuits et aux Métis. Je ne sais pas exactement comment ce mot est défini dans d'autres lois que la Loi sur les Indiens. Je ne sais pas vraiment d'où on a tiré cette définition ou qui l'utilise.

Il est question de la définition au deuxième paragraphe de la page 2. Je ne pense pas vraiment me faire comprendre, mais si la définition comprend tous les Autochtones, qui pourrait l'invoquer pour ce qui est des services de santé, par exemple?

La présidente: Monsieur Broughton.

M. Al Broughton: L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et affirme les droits ancestraux et les droits issus de traités. La question qui se pose est donc de savoir exactement qui jouit de ces droits et ce sur quoi portent ces droits. À mon avis, il n'y a pas de lien direct avec la Loi sur les Indiens sauf dans la mesure où on essaie de voir quelle est l'incidence de la Loi sur les Indiens sur un droit ancestral ou un droit issu de traités reconnus dans la Constitution.

Mme Nancy Karetak-Lindell: La raison pour laquelle je vous pose cette question c'est qu'en 1979, j'avais droit à certains services de santé auxquels je n'avais plus droit en 1982. La situation a été rectifiée par la suite, mais comme tous les Autochtones sont maintenant considérés comme appartenant au même groupe, je voulais m'assurer que la situation n'était pas la même en ce qui touche la Loi sur les Indiens et que celle-ci ne s'applique pas à tous les Autochtones. Je crois qu'on a interprété la définition d'Indien très largement à l'époque et voilà pourquoi je suis devenue non admissible à certains services de santé en 1982. Voilà la seule raison pour laquelle j'ai soulevé cette question. Je pense que le malentendu a maintenant été dissipé.

La présidente: Voulez-vous répliquer à ce qu'a dit Mme Karetak-Lindell?

L'un ou l'autre de nos témoins veut-il intervenir? Monsieur Watts?

• 1625

M. Bob Watts: Nous pouvons essayer de clarifier encore davantage la situation. Tout ce que je peux vous dire c'est que je ne pense pas que les définitions qui figurent dans la Loi sur les Indiens soient reprises dans d'autres lois. Par conséquent, je ne pense pas que la situation que vous avez connue soit attribuable aux modifications apportées à la Loi sur les Indiens. Elle s'explique sans doute autrement.

La présidente: Monsieur Konrad, allez-y. Je m'en remets au bon vouloir du comité, mais j'aimerais moi-même poser quelques questions. Puis-je m'inclure...

M. Derrek Konrad: Vous avez mon accord.

La présidente: D'accord. Monsieur Bachand? D'accord. Merci.

J'ai constaté à plusieurs reprises, en particulier dans le nord de la Colombie-Britannique, que les enfants doivent quitter leurs familles pour pouvoir suivre des études postsecondaires. Je me demande qui paie leurs frais d'hébergement? Est-ce la bande elle-même à partir de ses propres ressources financières ou est-ce le gouvernement fédéral? La situation n'est pas la même partout. Je sais que dans la vallée de la Nass, les enfants vivent ailleurs que dans leurs familles pendant un mois ou pendant tout un trimestre. J'ai rencontré plus tôt un groupe de personnes du nord de la Colombie-Britannique où les enfants vivent à l'extérieur de leurs familles une semaine à la fois, même s'ils ne vivent pas très loin de l'école qu'ils fréquentent en raison d'un problème de transport ou simplement parce que c'est plus économique. Qui assume les frais d'hébergement de ces enfants?

M. Bob Watts: Je ne peux que formuler des hypothèses car nous n'avons pas abordé la question de l'éducation dans notre mémoire. Je peux soumettre cette question à M. Shanks qui pourra vous donner une réponse la semaine prochaine lorsqu'il comparaîtra devant vous.

La présidente: Je vous en saurais gré parce que j'essaie d'établir quelles sont les lacunes de cette loi. Je pense qu'elles sont nombreuses. Je m'en tiendrai à cela pour l'instant. J'aurai d'autres questions à poser plus tard.

Derrek?

M. Derrek Konrad: Je vous remercie.

Je ne pourrai sans doute pas poser toutes les questions que j'aimerais poser. Êtes-vous prêt à répondre plus tard par écrit à des questions qui vous seraient soumises par écrit?

M. Bob Watts: Oui.

M. Derrek Konrad: Très bien. Je vous remercie. Je l'apprécie. Je suis sûr que j'aurai quelques questions à vous soumettre.

J'aimerais maintenant revenir à la question de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral à l'égard des Indiens.

Monsieur Broughton, j'ai l'impression de vous avoir entendu dire—et je suis sûr que le compte rendu indiquera que l'un d'entre nous a bien compris la situation—que le gouvernement fédéral peut réduire sa responsabilité fiduciaire en transférant des actifs aux bandes et en leur remettant la gestion de certains programmes. Voilà pour ce qui est de la responsabilité fiduciaire à l'égard de la bande, mais qu'en est-il de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral à l'égard des Indiens eux-mêmes dans le cas où la bande ne respecte pas ses obligations? Un particulier ne peut pas invoquer la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral à son endroit, n'est-ce pas? J'aimerais qu'on réponde une fois pour toutes à cette question.

M. Al Broughton: J'ai bien peur de ne pas pouvoir le faire. J'ai fait allusion à la politique du gouvernement fédéral sur l'autonomie politique des Autochtones. Dans le cadre de cette politique, le gouvernement fédéral, une Première nation et le gouvernement provincial, le cas échéant, peuvent conclure une entente aux termes de laquelle des pouvoirs importants seront transférés à une Première nation ou lui sont confiés. Dans ces cas, la politique fédérale prévoit la poursuite de la relation fiduciaire, mais les obligations fiduciaires qui en découlent peuvent être réduites en fonction des pouvoirs qui ont été transférés à la Première nation.

Je parle ici plutôt des bandes que des particuliers. La question se complique beaucoup lorsqu'on cherche à établir les responsabilités fiduciaires du gouvernement fédéral à l'égard des particuliers.

M. Derrek Konrad: Oui, mais les bandes sont un ensemble de particuliers. Si certaines bandes gèrent mal les fonds qui leur ont été accordés, ce qui s'est déjà produit, et que les membres de cette bande sont par conséquent privés de certains services, le gouvernement fédéral est-il tenu de rétablir tous les programmes qui ont été supprimés?

• 1630

Voici ce qu'on lit dans votre mémoire, monsieur Watts, dans la partie où il est question de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations: «Ces Premières nations maintiennent simultanément leur position juridique unique et leur relation spéciale avec le gouvernement fédéral...».

J'aimerais vraiment pouvoir obtenir une réponse précise à cette question.

M. Bob Watts: Je pense que M. Shanks, sous-ministre adjoint, répondra en partie à cette question lorsqu'il vous entretiendra des programmes et des services mis en oeuvre par le ministère. L'exposé de demain traitera des obligations fiduciaires du gouvernement fédéral à l'égard d'un particulier, notamment en ce qui touche la gestion des fonds placés en fiducie au nom de certains particuliers indiens, notamment les Indiens qui sont frappés d'incapacité mentale. Je crois que c'est l'un des rares cas où le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire à l'égard d'un particulier.

M. Shanks dont c'est le domaine de compétence, vous donnera toutes les précisions voulues au sujet des programmes et des services offerts aux collectivités et aux particuliers.

M. Derrek Konrad: Il ne voudra pas entendre cela.

M. Bob Watts: Oh, oh.

M. Derrek Konrad: Pour ce qui est des terres collectives, un régime foncier en fief simple est-il possible sur les réserves? Autrement dit, une personne peut-elle vendre son terrain et hypothéquer une maison dans laquelle elle habite mais qui ne lui appartient pas? Je m'opposerais vraiment à ce que les maisons sur les réserves appartiennent à la bande plutôt qu'aux particuliers.

J'ai été un homme d'affaires et je sais pertinemment ce que cela signifie que d'offrir à la banque en garantie une propriété pour qu'elle nous prête de l'argent. Je ne voudrais cependant pas que la ville de Nipawin où je vis emprunte de l'argent et offre en garantie les ressources de la ville.

Je me demande simplement si ce que je suggère est possible. Ne serait-il pas bon qu'un titre reconnaisse le droit de propriété d'une personne sur sa maison ou sur le terrain sur lequel cette maison est située et que cette personne paie ensuite à la collectivité les services qui lui sont offerts comme les routes, l'eau, le déneigement, les égouts et l'élimination des déchets? Une entente pourrait être conclue aux termes de laquelle les Autochtones paieraient pour ces services qui sont financés à même les impôts dans les municipalités urbaines ou rurales. Tous les membres de la collectivité paieraient la même chose.

Le régime que je propose est-il possible?

M. Ray Hatfield (directeur général par intérim, Direction générale de l'inscription, des revenus et de l'administration des bandes, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord Canada): Les terres des réserves sont des terres domaniales et le régime du fief simple ne s'applique pas à ces terres. Les «certificats de possession» qui sont émis aux Indiens inscrits seraient ce qui se rapproche le plus d'un titre de propriété.

Des baux peuvent être négociés avec les non-Indiens qui veulent louer certains terrains. Ces personnes doivent alors payer les services que vous avez décrits.

M. Derrek Konrad: Vous ne répondez pas à ma question. J'ai demandé si ce régime était possible.

Je sais que ce régime n'existe pas à l'heure actuelle, mais les municipalités ne créent pas non plus de réserves indiennes. Les réserves sont créées en vertu d'une loi du Parlement, je présume.

Comprenez-vous ce que je veux dire? Les terres en fief simple situées dans une réserve n'appartiendraient pas à la réserve. Ces terres appartiendraient à des intérêts privés qui paieraient pour les services offerts par la réserve si le particulier ayant un certificat de possession voulait obtenir un certificat de propriété et acheter le terrain de la bande. Il pourrait ainsi hypothéquer ce terrain et se lancer en affaires.

• 1635

La présidente: Monsieur Broughton.

M. Al Broughton: Cela ne serait pas possible en vertu de la Loi sur les Indiens actuelle. Le principe du fief simple ne pourrait s'appliquer à l'égard d'un terrain situé sur une réserve que si les membres de la bande cédaient sans condition ce terrain à un particulier. Il faudrait que les membres de la bande approuvent cette cession par un vote. La décision n'appartiendrait pas seulement au particulier qui possède le terrain. La décision appartiendrait à la bande et devrait être approuvée par le gouverneur en conseil comme pour toute autre cession.

M. Derrek Konrad: Je présume que le gouverneur en conseil ferait ce que la bande lui demanderait de faire à moins que cette demande soit tout à fait déraisonnable.

Ce que je propose est donc possible à l'heure actuelle, mais il faudrait établir des lignes directrices quant à la façon d'obtenir la permission des membres de la bande et quant à la majorité qui serait nécessaire pour faire approuver la décision. Il s'agirait essentiellement de céder le lot numéro un situé dans le bloc numéro trois à une personne ou une société donnée.

M. Al Broughton: Oui. La loi précise les conditions devant régir les cessions. La majorité nécessaire pour faire approuver la décision est prévue dans la Loi sur les Indiens et il existe une jurisprudence à cet égard.

Je doute que de nombreuses Premières nations souhaitent s'engager dans cette voie simplement parce que la plupart d'entre elles veulent conserver le plus de terre possible. Elles tiennent beaucoup à...

La présidente: J'aimerais vérifier ce qu'il en est. Je ne suis pas sûr que cette information soit exacte.

Je pensais que les bandes pouvaient céder des terrains seulement à la Couronne et non pas à un particulier. Je pense qu'il faut vérifier ce qu'il en est.

Je n'aimerais pas que vous ayez une fausse impression, monsieur Konrad. En êtes-vous conscient?

M. Derrek Konrad: Oui. La Couronne ne céderait évidemment pas ses terres de son propre chef.

La présidente: Je crois qu'il faut vérifier ce qu'il en est.

M. Derrek Konrad: Je suppose que cela fait partie du processus.

Je m'en tiendrai à cela pour l'instant.

La présidente: Monsieur Watts, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Bob Watts: Je voulais simplement signaler que les Premières nations discutent actuellement avec l'Association des banquiers canadiens et le MAIDN pour trouver des modèles afin de permettre les hypothèques sur les réserves. On peut se reporter à de nombreux modèles dans le pays. En fait, des sociétés et des particuliers peuvent obtenir des hypothèques ou des instruments d'emprunt qui ressemblent à des hypothèques dans plusieurs réserves.

[Français]

La présidente: Monsieur Bachand, c'est à votre tour.

M. Claude Bachand: J'aimerais parler des 14 Premières Nations qui ne tombent plus sous le coup de la Loi sur les Indiens et dépendent maintenant du land regime. Je veux ouvrir la discussion par la lecture de ce que vous avez dit dans votre texte, à la page 11, à l'avant-dernier paragraphe. Je vais le lire en anglais et je formulerai ensuite ma question.

[Traduction]

    La Loi sur la gestion des terres des Premières nations habilite les 14 Premières nations touchées à se soustraire aux dispositions les plus gênantes de la Loi sur les Indiens relatives à la gestion des terres. Ces Premières nations maintiennent simultanément leur position juridique unique et leur relation spéciale avec le gouvernement fédéral que la Loi sur les Indiens consacre toujours, en dépit de toute ses lacunes paternalistes.

[Français]

Bien entendu, je vais vous parler de ce qui arrive à la Musqueam Band. Cependant, au cours du congé pascal, je me suis aussi rendu à Nipissing. Ce sont deux communautés régies par la loi adoptée en 1999. Il y a des problèmes là-bas. Je pense que ces gens-là sont démunis. Je ne veux pas retirer à la Première Nation le droit de gérer elle-même ses terres. Je ne veux pas lui enlever ce droit.

Je me mets à la place de quelqu'un qui a une maison à cet endroit depuis 15, 20 ou 25 ans, qui paie de 1 000 $ à 2 000 $ de location par année pour un terrain et à qui, l'année suivante, on dit qu'il devra dorénavant payer 50 000 $ par année. Dans sa grande sagesse, le gouvernement, ou le ministre, déclare qu'il ne s'occupe plus de cette partie-là.

Pourtant, vous dites dans le texte que le gouvernement a encore une responsabilité fiduciaire. Je veux savoir jusqu'où va cette responsabilité fiduciaire. Est-ce que le gouvernement, en faisant cette loi et en permettant à ces nations autochtones de se retirer de la Loi sur les Indiens quant à un de ses aspects, n'a pas créé un nouveau problème? Cela crée une mauvaise image. La Musqueam Band donnait une mauvaise image lorsque j'ai rencontré ces gens-là contre qui la Cour avait rendu une décision.

• 1640

Par contre, la cour a rendu une décision favorable aux gens de Nipissing. Je pense qu'on va en appeler de cette décision. Je crois, sans en être certain, que la cause sera entendue à Toronto le mois prochain.

Donc, je me demande si le gouvernement ne devrait pas essayer de résoudre le problème au lieu de déclarer qu'il se désintéresse d'un des aspects de la loi. Il y a là un problème majeur. Les gens sont obligés de poursuivre, tant ceux du gouvernement que les membres des nations autochtones. Je trouve que cela pourrait empêcher d'autres nations autochtones de se joindre à celles-ci. En effet, vous vous rappellerez que cette loi permet à d'autres nations de recommencer à être couvertes par la loi un peu plus tard, si elles le souhaitent

J'aimerais avoir votre avis là-dessus. Jusqu'où vont les obligations fiduciaires du gouvernement? Jusqu'où va la responsabilité du gouvernement à l'égard de gens qui payaient 2 000 $ par année la location de leur maison et qui doivent maintenant payer 50 000 $?

[Traduction]

M. Bob Watts: Je vous signale que vous n'obtiendrez peut-être pas une réponse aussi complète que vous le souhaiteriez étant donné que comme vous le signalez, monsieur, certaines de ces questions font l'objet de poursuites devant les tribunaux.

Je dirai que dans notre exposé nous avons parlé de la manière dont se poursuivrait cette relation particulière entre la Couronne et les Premières nations, et non pas des obligations fiduciaires. Donc nous en avons parlé en fonction d'une relation fiduciaire qui se poursuivrait.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les Premières nations Musqueam et Nipissing sont visées par la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Cependant, aucune de ces Premières nations n'a adopté de code d'administration foncière; donc, à l'heure actuelle, elles sont toutes deux visées par la Loi sur les Indiens. Bien que la Loi sur la gestion des terres des Premières nations ait force de loi, cette même loi a également donné lieu à une entente-cadre qui prévoit que les Premières nations aient d'abord leur propre code foncier qu'elles soumettront à un vote aux membres des Premières nations, ce qui n'a pas été fait dans aucun de ces cas. Par conséquent, ces deux Premières nations continuent d'être visées par les dispositions relatives aux terres de la Loi sur les Indiens.

Je tiens à indiquer que dans les deux cas—et dans les cas partout au pays où il y a des différends d'ordre fiscal, les différends ou les conflits en matière fiscale et en matière de baux en ce qui concerne ces deux Premières nations ne résultent pas de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, mais résultent de l'expiration d'un bail et du contrat conclu entre les locataires et la Première nation et la Couronne, qui prévoyait un renouvellement du bail à ce moment-là en fonction de la valeur foncière actuelle. Donc le bail, qui avait été négocié à l'origine en fonction de la valeur foncière d'il y a 30 ans, est en train d'être renégocié parfois autour d'une table, parfois devant les tribunaux, en fonction des valeurs foncières d'aujourd'hui. Cela n'a rien à voir avec la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, et a tout à voir avec l'existence d'un contrat entre les parties qui doit être renouvelé à l'heure actuelle en fonction des valeurs foncières du jour.

La présidente: Monsieur Finlay, avez-vous des questions?

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai trouvé votre exposé très intéressant, monsieur Watts. Je vous en remercie.

À la page 8 de votre mémoire, vous dites que «l'assimilation n'a pas été un principe officiel du gouvernement ou du Parlement pendant de nombreuses décennies». Pourtant, nous fonctionnons en vertu d'une loi, ou en majeure partie en fonction d'une loi qui ne repose absolument pas sur ce point de vue. Et vous dites que l'écart s'agrandit. J'aimerais réduire cet écart.

Puis, toujours à la page 8, vous dites que la Commission Hall a recommandé trois options. Je pensais que vous alliez parler de ces options à la page suivante mais vous avez sauté la page suivante pour passer à la page 10. Au haut de la page 10, on peut lire «l'écart a continué de grandir». J'aimerais avoir des commentaires s'il vous plaît à propos du point de vue courant, du point de vue axé sur le statu quo et sur le point de vue de l'activiste. J'espère que le comité acceptera que l'on modifie l'un de ces points de vue ou certains de ces points de vue ou qu'on propose quelque chose d'entièrement nouveau, mais il me semble que si nous voulons nous attaquer au problème, nous devons nous entendre sur un point de vue et nous devons sortir les squelettes du placard.

• 1645

M. Bob Watts: Je vous remercie de votre question. Il y a un certain nombre d'aspects à commenter et mes collègues pourront s'ils le veulent intervenir.

Je pense qu'un certain nombre de tentatives sincères ont été faites au cours des dernières années pour reconnaître que la Loi sur les Indiens ne convient pas à un gouvernement moderne et est inadéquate pour ce qui est de déterminer les relations devant exister entre les Premières nations et la Couronne.

Certaines de ces tentatives ont consisté à modifier certaines dispositions de la loi, un élément à la fois, et certaines tentatives ont été faites, comme la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, pour se pencher sur un secteur particulier du bon gouvernement, comme la réforme foncière, et élaborer une loi particulière à cet égard. Nous avons constaté que cela a fonctionné.

L'un des problèmes que nous constatons à l'heure actuelle avec la décision Corbière c'est qu'en éliminant simplement quelques mots d'une disposition de la Loi sur les Indiens, cela a des répercussions sur bien d'autres dispositions de cette même loi. Il est donc très difficile de modifier une disposition ou un article de la Loi sur les Indiens parce qu'elles sont étroitement liées à d'autres dispositions de la même loi. Par exemple, l'article qui traite de la résidence en ce qui concerne Corbière définit un électeur. Les électeurs font aussi partie des référendums sur les terres, ce qui mène à une autre disposition. Et la Loi sur les Indiens mentionne à plusieurs reprises le terme «électeur». Il faut donc en fait examiner les nombreuses dispositions de la Loi sur les Indiens et ses règlements connexes lorsque l'on examine simplement les conséquences de ces quelques mots qui ont été éliminés.

Mon impression, et je sais que beaucoup ont fait des commentaires à ce sujet, c'est que nous nous disons que l'autonomie gouvernementale, c'est pour bientôt, et lorsque vous lisez les rapports, même dans les années 50, les gens disaient que l'autonomie gouvernementale, c'était pour bientôt et qu'il fallait en profiter pour apporter quelques changements. Et certains changements ont été apportés en 1951, je crois, puisqu'on prévoyait que l'autonomie gouvernementale c'était pour bientôt.

Si vous voulez mon avis, pour ce qu'il vaut, c'est que si vous envisagez des changements et que vous partez du principe que l'autonomie gouvernementale c'est pour bientôt, nous risquons dans 50 ans de nous retrouver dans une situation semblable. Par conséquent, quelle que soit la forme que prendra la transition ou la modernisation, je pense qu'elle devra être suffisamment importante pour résister à l'épreuve du temps.

Même si l'autonomie gouvernementale approche pour un certain nombre de Premières nations, pour bien d'autres, il faudra qu'elles comptent sur la Loi sur les Indiens et sur les relations qui y sont définies entre la Couronne et les Premières nations. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre une transition suffisamment importante pour résister à l'épreuve du temps sans qu'il s'agisse pour autant d'une refonte d'une envergure telle qu'elle prendra un temps infini et risquera d'être vouée à l'échec.

M. John Finlay: Je vous remercie.

La présidente: Avez-vous d'autres questions, monsieur Finlay?

M. John Finlay: Je pense que j'aimerais y réfléchir.

Je pense que ce que vous avez dit est très profond, car nous devrons peut-être tout simplement procéder de diverses façons, et la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, si elle fonctionne, pourra alors être adaptée par d'autres Premières nations lorsqu'elles seront prêtes à le faire.

Je ne suis pas de ceux qui croient que nous puissions tout faire en même temps, mais je pense que nous devons poursuivre nos efforts. Nous ne devons pas nous écarter de notre objectif et nous ne devons pas ralentir et nous devons éviter de voir trop d'arbres sans apercevoir la forêt. Nous devons simplement poursuivre nos efforts. Mais je pense qu'il vaudrait la peine d'adopter une position ou une autre. Je crois personnellement que la Commission royale a assez bien décrit l'attitude qui s'impose, et je pense que les membres du comité en sont tout à fait conscients et ont tâché d'en tenir compte dans leurs délibérations et dans leur examen de ce genre de choses.

Je considère que les autres points de vue sont complètement dépassés. Nous devons privilégier le respect, la reconnaissance, la responsabilité et le partage, et cela signifie la justice pour tous les intéressés, si nous le pouvons, et le bon sens aussi.

• 1650

J'ai une autre brève question à ce sujet. J'ai un peu de difficulté à comprendre l'exemption mère/grand-mère. Elle a été adoptée pour ceux qui sont nés après 1951. En vertu de cette disposition, une personne dont la mère et la grand-mère paternelle n'avaient pas droit au statut d'Indien à la naissance perdait le droit d'être inscrite et de faire partie de la bande à l'âge de 21 ans. J'ai de la difficulté à comprendre cette disposition. Je me demande ce qu'elle signifie. Cela signifie que la personne dont la mère n'était pas Indienne mais qui avait été mariée à un Indien et dont la grand-mère paternelle était elle aussi mariée à un Indien sans qu'elle-même soit Indienne cessait d'être Indienne à l'âge de 21 ans?

M. Ray Hatfield: Oui, votre interprétation est juste. En fait, il s'agit de la disposition mère/grand-mère. Comme vous l'avez indiqué correctement, si au cours de deux générations successives, la mère n'était pas Indienne mais avait épousé un Indien, à l'âge de 21 ans, la personne perdait son statut.

M. John Finlay: Très bien. Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Konrad, avez-vous des questions à poser maintenant?

M. Derrek Konrad: Oui.

Lorsque nous avons entrepris cette étude, nous savions qu'il s'agissait d'un sujet complexe, comme vous l'avez dit, et que le changement serait difficile. Et je ne crois pas qu'il existe des Alexandre Le Grand capables de trancher ce noeud gordien.

Je suppose que l'une des choses sur lesquelles nous nous entendons, c'est que le développement économique découlera en fait du bon gouvernement. Je pense que le bon gouvernement doit précéder le développement économique. Deuxièmement, la prévisibilité, la stabilité et la cohérence devraient être les éléments d'un bon gouvernement.

On lit et on entend très souvent que les décisions économiques qui sont prises quant à savoir qui peut résider dans les réserves, sont des décisions politisées. C'est un phénomène répandu. Comment pouvons-nous nous soustraire à ce genre de chose? Comment assurons-nous la prévisibilité en ce qui concerne le gouvernement lorsque nous avons des chefs héréditaires?

Lorsqu'on prévoit un développement dans une réserve et que des gens d'affaires ou des investisseurs vont parler aux gens de la réserve, est-ce qu'ils parlent au chef héréditaire, et est-ce quelque chose qui doit être enraciné pour toujours, ou devrons-nous nous écarter de ce genre de chose dans une société qui se veut démocratique? Est-ce possible, ou allons-nous être obligés de conserver ces gouvernements héréditaires?

La présidente: Monsieur Watts, vous pouvez répondre aux parties de cette question avec lesquelles vous vous sentez à l'aise. Vous n'êtes pas le ministre, et nous le comprenons bien, mais je crois qu'il s'agit d'une question très valable et nous aimerions savoir ce que vous en pensez.

M. Bob Watts: Tout d'abord, je conviens que certaines des caractéristiques ou des éléments qui témoignent d'un bon gouvernement sont certaines des caractéristiques qui doivent exister pour que l'on puisse effectivement parler de bon gouvernement. Et je considère personnellement, et c'est d'ailleurs la formation que j'ai reçue, que le bon gouvernement est le fondement même d'un bon développement économique ou du bon développement d'une économie. Donc je suis tout à fait d'accord avec cela.

En ce qui concerne les systèmes héréditaires, leur durée possible et les interlocuteurs possibles, je ne suis pas un spécialiste en la matière. Je ne peux pas répondre à cette question. Je me contenterai de dire que dans certaines collectivités, un système héréditaire de gouvernement semble bien fonctionner mais moins bien fonctionner dans d'autres collectivités.

• 1655

M. Derrek Konrad: Croyez-vous que nous devrions tâcher de passer à des gouvernements élus? C'est une chose de reconnaître qu'un chef est héréditaire, mais je connais un peu l'histoire de la Rébellion du Nord-Ouest et du rôle de Big Bear et du fait que même s'il était chef, il n'était pas chef de guerre. Certaines de ses décisions lui ont été enlevées en raison de la particularité de la situation. Même s'il était le chef titulaire et qu'il a été emprisonné à cause de ce qui s'était passé, il n'était pas réellement la personne responsable.

C'est le modèle qui existait avant l'avènement de la société moderne. Pourrions-nous examiner cette question de nouveau, c'est-à-dire considérer que le chef héréditaire n'est rien de plus que cela, mais qu'il y a des gens élus qui prennent des décisions? Car même aujourd'hui la Couronne britannique ne prend pas de décisions pour le Canada même si la reine est notre chef d'État.

M. Bob Watts: Je crois que ce que nous avons dit, c'est que la Charte des droits et les principes du bon gouvernement devraient orienter nos discussions quant à déterminer s'il s'agit d'autonomie gouvernementale ou d'envisager d'autres régimes électoraux en vertu de la Loi sur les Indiens. Il faut qu'il existe certains principes directeurs. Ce sont des éléments que nous adoptons dans nos négociations avec les Premières nations.

M. Derrek Konrad: Pour le moment, je vais céder la parole au suivant car j'ai l'intention de poser une question tout à l'heure. Merci.

La présidente: Monsieur Bachand,

[Français]

commencez, s'il vous plaît.

M. Claude Bachand: Monsieur Watts, vous dites dans votre présentation, au deuxième paragraphe, tout de suite au début du texte:

[Traduction]

    Vous avez demandé que nous parlions de l'étendue des pouvoirs prévus dans la Loi dans des secteurs comme ceux de la fiscalité et de la gestion des terres; vous souhaitez également être informés de l'application des lois provinciales aux réserves.

[Français]

Sur l'application des lois provinciales, je n'ai pas vu grand-chose dans votre présentation. Vous savez que l'article 88 de la Loi sur les Indiens dit ceci:

    88. Sous réserve des dispositions de quelque traité et de quelque autre loi fédérale, toutes les lois d'application générale et en vigueur dans une province sont applicables aux Indiens...

J'ai une requête à vous faire. Je ne sais pas s'il serait très compliqué pour vous de nous procurer, non pas aujourd'hui même mais prochainement, une liste des lois que les provinces appliquent. J'imagine que, d'une province à l'autre, il peut y avoir des façons différentes d'appliquer la section portant sur la sécurité publique. Je pense que c'est le cas au Québec, entre autres. Dans d'autres provinces, comme au Manitoba et plus loin dans l'Ouest, c'est plutôt la GRC qui s'occupe de la sécurité publique.

Donc, vous serait-il possible de nous fournir sur papier un aperçu, province par province, des lois qui sont applicables aux autochtones dans chacune des provinces du Canada ou si ce serait une tâche digne des douze travaux d'Hercule? Pouvez-vous nous fournir un tel aperçu?

[Traduction]

M. Bob Watts: Après avoir parlé à la personne qui pourrait se charger de cette recherche, nous en avons conclu que ce que vous nous demandez n'est pas une mince affaire. On pourrait assurément donner une idée générale et déterminer dans bien des provinces quelles lois s'appliquent du fait des dispositions de la Loi sur les Indiens. Si l'on voulait faire un décompte exhaustif, on découvrirait que chaque loi provinciale dans chacune des provinces s'applique en vertu de certains critères. Cela nous amènerait à un travail beaucoup plus considérable qu'une simple lettre de réponse.

[Français]

M. Claude Bachand: Mais vous disiez, monsieur Watts, que vous alliez nous procurer de l'information sur l'application des lois provinciales sur les réserves. Est-ce que votre document contient cette information ou s'il ne la contient pas?

• 1700

[Traduction]

M. Bob Watts: À la page 3 de notre exposé, nous donnons une idée générale de l'applicabilité de l'article 88 au regard de la législation provinciale. Nous expliquons sur cette même page les critères qui interviennent lors de l'application de la législation provinciale car la compatibilité ou l'incompatibilité avec la Loi sur les Indiens doivent être prises en compte de même que «quelque arrêté, ordonnance, règle, règlement pris sous son régime». Nous faisons aussi remarquer:

    Cet article prévoit que les lois provinciales d'ordre général en vigueur dans une province sont applicables aux Indiens qui s'y trouvent sous réserve des dispositions de quelque traité et de quelque autre loi fédérale.

Ainsi, d'une manière assez générale, on constate que les lois provinciales sont applicables et que certains critères doivent être pris en considération. Comme vous l'avez fait remarquer, nous ne donnons pas beaucoup de détails, nous n'énumérons pas chacune des lois qui s'applique le cas échéant. Je vous ai dit que j'essaierais de vous en décrire certaines dans une lettre que je vous enverrais.

[Français]

M. Claude Bachand: D'accord. Si je comprends bien, c'est une tâche énorme que je vous demande, mais pas nécessairement un travail herculéen. Vous seriez prêt à identifier prochainement les différentes lois provinciales qui s'appliquent aux autochtones sur les réserves. Vous seriez prêt à le faire dans un laps de temps assez court.

[Traduction]

M. Bob Watts: Effectivement, nous le ferons volontiers. Nous allons signaler cela en particulier, rubrique par rubrique, et donner des détails sur cette loi ou peut-être cette partie de cette loi. Nous allons tâcher d'être le plus précis possible.

[Français]

M. Claude Bachand: Et par province?

M. Bob Watts: Oui, par province.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Watts, vous enverrez la réponse au greffier qui se chargera de la transmettre à chacun des membres du comité. La réponse ne doit pas s'adresser à un seul membre du comité. Nous souhaiterions que ces renseignements nous parviennent dans les deux langues officielles, s'il vous plaît.

Monsieur Finlay, allez-y.

M. John Finlay: Merci, madame la présidente.

Je me reporte à la page 7 et ensuite je citerai la page 11:

    Un autre thème majeur du régime de la Loi sur les Indiens tel qu'il s'est développé après la Confédération et jusqu'en 1951, est celui de l'aliénation des terres des réserves. [...] Une conséquence, toujours visible de nos jours, est que le territoire propre aux Premières nations en vertu de la Loi sur les Indiens représente à peine le tiers de ce qu'il était il y a un siècle.

Utilisez-vous le terme «aliénation» au sens que l'on a repris des terres de réserves ou que l'on a chassé les Indiens de ces terres? Est-ce cela que vous voulez dire? En d'autres termes, les Indiens ont cédé ces terres à la suite d'une entente quelconque, d'une transaction immobilière quelconque ou tout simplement parce que le gouvernement en avait besoin et les expropriait. Que voulez- vous dire?

M. Bob Watts: Il n'y a peut-être pas un exemple unique à vous donner car tous les cas que vous avez cités pourraient s'appliquer. Certaines terres ont peut-être été mises en vente. Certaines terres ont peut-être été expropriées pour utilisation publique, la construction de routes ou d'autres droits de passage. Il y a une foule d'exemples de cas où des terres ont été cédées, et vous en avez cité plusieurs.

• 1705

M. John Finlay: Ensuite, à la page 11, monsieur, vous dites—et vous donnez ces chiffres à titre d'illustration—qu'à l'heure actuelle l'assise territoriale des Indiens est assez limitée. Je ne sais pas quel est votre point de comparaison, mais avec une superficie de 6,4 millions d'acres pour 2 471 réserves, cela représente en termes absolus environ un tiers—et vous l'avez dit tout à l'heure—du territoire propre aux Indiens d'il y a un siècle. Comme M. Konrad l'a dit, nous souhaitons qu'il y ait du développement économique et social dans un régime d'autonomie gouvernementale et vous dites que l'assise territoriale actuelle constituerait un handicap important à ce développement. La seule conclusion que je tire de cela est qu'il n'y a pas assez de terres ou que les Premières nations n'en ont pas assez pour répondre à leurs besoins. A-t-on fait des études sur cette question? Qu'est-ce qui vous permet de tirer cette conclusion? Est-ce tout simplement parce qu'il s'agit du tiers de ce que le territoire représentait autrefois. Voulez-vous dire que même au départ ce n'était pas suffisant? Si les Indiens en avaient deux tiers de plus, serait-ce assez?

M. Bob Watts: Sans vouloir essayer de déterminer ce que «assez» serait, je peux dire à coup sûr qu'il y a certaines collectivités au Canada—où l'on fait des tentatives de développement social—qui auraient du mal à utiliser les sommes étiquetées pour le logement car elles n'ont plus de terrains sur lesquels bâtir et il leur faudrait donc empiéter sur des terrains qui sont consacrés à autre chose dans d'autres collectivités, comme des terrains de jeu ou des espaces verts par exemple.

Donc, sur le plan du développement social, il y a surpeuplement et certaines collectivités ne peuvent pas accueillir leurs membres qui veulent revenir vivre dans la réserve et, assurément, il n'y a pas une seule parcelle de terrain pour le développement économique. C'est ainsi.

Nous voulons dire qu'il y a des liens à établir entre une assise territoriale et le développement économique et social. Le fait que les Indiens ne possèdent plus qu'un tiers du territoire qu'ils possédaient il y a cent ans nuit à ces deux types de développement.

M. John Finlay: Il existe des dispositions, n'est-ce pas, qui permettent d'augmenter l'assise territoriale? Je pense ici à la nation Caldwell et aux efforts qu'elle a faits pour acheter une réserve et des terres pour une réserve. Il faut que ces territoires soient contigus à une réserve existante et que cela se prête à une administration logique. Autrement dit, il faut que la bande puisse s'occuper de son territoire et c'est pourquoi il ne peut se trouver à des centaines de milles de là. Il faut donc que les terres acquises soient à proximité pour pouvoir être intégrées à la réserve, pour que l'on puisse y appliquer les lois, les règlements, et s'en occuper comme il se doit.

Cela m'amène à dire qu'il faudrait peut-être faire quelque chose sur le plan de l'augmentation de l'assise territoriale des Indiens, si nous souhaitons que les réserves soient économiquement viables et mieux nanties sur le plan social qu'actuellement.

M. Bob Watts: Je pense que vous avez raison. Tout d'abord, je signale qu'il n'existe pas de règlements concernant l'agrandissement des réserves: cet aspect-là relève d'une politique intitulée «politique d'agrandissement des réserves». Cela ne se fait pas par règlement car c'est une politique. Nous avons pu constater qu'il faut redoubler d'efforts pour réunir à la table de négociation ceux qui sont concernés par la question de l'insuffisance de l'assise territoriale. Il faut que le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les gouvernements municipaux de même que les autres intéressés se réunissent autour d'une même table et que chacun y mette du sien pour régler cette question.

M. John Finlay: Et l'on reconnaît que s'il y a eu des pertes de territoire, c'est parce que nous faisions fausse route. Nous avons changé d'avis depuis. Nous n'essayons plus d'assimiler les Premières nations. Nous essayons de les intégrer, pour ainsi dire, ou d'en faire nos partenaires.

M. Bob Watts: Je pense qu'il y a beaucoup d'éléments qui entrent en ligne de compte. Ce peut en être un. Les terres ont été reprises pour de multiples raisons, dans certains cas, fondées sur une théorie erronée.

M. Finlay: Merci.

• 1710

La présidente: Permettez-moi de poser une question complémentaire à celle de M. Finlay.

Dans le contexte d'une réduction de l'assise territoriale, peut-on établir un rapport entre une augmentation ou une baisse éventuelle de la population autochtone établie sur ces terres des réserves depuis un siècle? Autrement dit, y a-t-il plus de gens ou moins de gens dans les réserves, et est-ce dans un espace plus vaste ou plus exigu?

M. Ray Hatfield: À propos de l'assise territoriale, ce que M. Watts a voulu dire tout à l'heure, c'est que certaines collectivités ont atteint la population maximale que peut accueillir la réserve et qu'il faut désigner davantage de terres pour les ajouter à ces réserves afin qu'elles puissent accueillir un plus grand nombre d'habitants. Dans les cas dont j'ai parlé, les réserves n'ont plus assez de terres pour accueillir de nouveaux résidents. Voilà ce qu'a voulu dire M. Watts.

La présidente: J'avais compris ce point. Ce n'est pas de cela que je voulais parler.

M. Ray Hatfield: D'accord.

La présidente: Vous me dites que nous sommes à un tiers de ce que nous étions il y a un siècle. J'aimerais savoir, en ce qui a trait à la population d'Autochtones dans les réserves, si nous sommes un tiers de moins ou un tiers de plus? Devons-nous accueillir plus de gens sur une superficie réduite, ou les réserves ont-elles connu un exode aussi important?

Je pense à la vallée de la Nass, par exemple. La population y était bien plus nombreuse auparavant. Nous venons de conclure un traité d'autonomie gouvernementale là-bas et nous avons maintenant une assise territoriale viable pour un développement économique et social sous le régime de l'autonomie gouvernementale. Ce ne sera toutefois pas la même chose ailleurs.

Si vous ne pouvez pas me répondre aujourd'hui... Voici où je veux en venir. Il y a un siècle, la superficie était de tant. Nous l'avons réduite du tiers. Devons-nous y accueillir plus de gens ou moins, et le développement économique et social est-il plus ou moins important pour la même superficie?

M. Bob Watts: Certains des éléments de votre question exigeraient une réponse par écrit, puisqu'il faudrait tenter de faire une comparaison directe, mais je crois pouvoir raisonnablement dire que l'avènement du projet de loi C-31 a eu pour effet d'ajouter quelque 150 000 Indiens inscrits à nos listes.

Nous prévoyons que le taux de fécondité des Indiens inscrits va croître à un rythme plusieurs fois plus élevé que celui de la population ne faisant pas partie des Premières nations, et ce, au moins jusqu'en 2035. Nous avons donc un nombre toujours grandissant et de plus en plus disproportionné de membres des Premières nations, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves.

Chose certaine, nous constatons qu'il y a un mouvement de retour aux réserves. En ce qui concerne le lien direct entre l'assise territoriale et la population, il faudrait à certains égards que l'analyse soit faite sur une base presque individuelle pour chaque Première nation. Dans le cas de beaucoup de Premières nations, la très grande majorité de leurs membres vit dans les réserves, alors qu'elles ont une assise territoriale réduite. Dans d'autres cas, la majorité vit peut-être à l'extérieur des réserves, alors que l'assise territoriale est demeurée la même. Il faudrait presque faire une analyse au cas par cas. En règle générale, je dirais toutefois que la population s'accroît et que l'assise territoriale est plutôt à la baisse.

La présidente: C'est précisément ce que je tenais, de manière générale, à faire inscrire au compte rendu. Merci beaucoup.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Merci.

Je crois savoir qu'aux termes de l'entente sur les droits fonciers issus des traités, on prévoyait essentiellement le versement de fonds pour l'achat de terres en fonction de l'évaluation foncière qui avait été faite.

Il suffit de faire un tour en voiture dans la réserve Muskoday, dont la Première nation est signataire de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, pour constater que, comme c'est le cas dans presque toutes les régions rurales de la Saskatchewan, la majeure partie des terres sont inoccupées. Il y a une petite localité près de la rivière, du côté est, et un certain nombre d'îlots sur des terrains riverains du côté ouest de la rivière qui traverse la réserve. Tout dépend donc de l'endroit où les gens veulent vivre. S'ils veulent vivre dans la collectivité, l'assise territoriale est effectivement limitée. S'ils sont prêts à s'installer sur les différents quarts de section, c'est là une tout autre affaire. Il en coûte toutefois plus cher pour vivre à l'extérieur de la collectivité, bien entendu.

J'ai une question à propos de la responsabilité du gouvernement qui concerne l'utilisation des fonds qui sont transférés aux Premières nations. Je pense au tollé qu'a soulevé récemment, dans la réserve Eskasoni, le salaire qui était versé à une personne et qui aurait été suffisant pour construire chaque année plusieurs nouvelles maisons.

• 1715

Dans ma circonscription, les fonds qui sont destinés aux travaux d'infrastructure des bandes leur sont accordés en fonction du budget qu'elles soumettent, mais les bandes ne sont pas tenues d'utiliser les fonds comme prévu dans leur budget. Elles peuvent réaffecter ces fonds à d'autres fins une fois qu'elles les reçoivent. Je songe à un cas en particulier qui préoccupe les gens de ma circonscription: il s'agit d'une route qui traverse la réserve et où les voitures s'embourbent les jours où il pleut, parce que la chaussée n'est pas assez solide, elle n'est pas entretenue ni empierrée. D'un côté, il y a pourtant une grande route et, de l'autre, il y a des routes renforcées comme celles qu'on construit en Saskatchewan spécialement pour le transport de chargements lourds qui proviennent des fermes et des autres industries qui parsèment les régions rurales.

Que pourrait proposer notre comité pour régler ce problème? Devons-nous nous abstenir d'intervenir comme dit le ministre? Est-ce aux bandes de prendre ces décisions et, si les bandes décident que leur chef mérite un paquet d'argent alors que les gens ont désespérément besoin d'argent parce que les services qui sont censés être assurés ne le sont pas, devons-nous nous contenter de dire que c'est dommage et laisser les gens souffrir? Si les fonds destinés aux travaux d'infrastructure ne sont pas dépensés à cette fin parce que le conseil, dans sa sagesse, décide de les affecter à d'autres priorités, est-ce tout simplement là une conséquence normale de l'autonomie gouvernementale, ou le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer à cet égard? Notre comité pourrait-il faire des recommandations qui seraient susceptibles de retenir l'attention du ministère?

M. Bob Watts: Si vous me le permettez, monsieur, je vous signalerai que Gordon Shanks sera là la semaine prochaine pour parler des programmes et des services et qu'il vaudrait peut-être mieux explorer cette question avec lui.

Je tiens toutefois à souligner que je suis d'accord avec vous sur certains éléments, sur certains des principes ou des caractéristiques du bon gouvernement. C'est un objectif que nous devrions tous avoir en tête. Pour ce qui est toutefois des questions précises que vous voudriez explorer, il me semble qu'il vaudrait mieux en parler à M. Shanks.

La présidente: C'est mardi prochain? Très bien. Je suis heureuse de savoir que ces gens-là seront là, parce que j'aimerais moi aussi connaître la réponse à ces questions.

M. Derrek Konrad: J'ai une autre question à laquelle vous ne pourrez sans doute pas répondre; il s'agit du Registre des Indiens et de la liste des membres de chaque bande. Je vois que vous avez prévu de laisser à quelqu'un d'autre le soin de traiter de ce sujet, si bien que nous ne pourrons pas en parler aujourd'hui. C'est une autre question que nous devrons réserver pour la séance de demain.

Vous dites, d'une part: «M. Hatfield m'apportera son concours pour les questions liées au choix des dirigeants et à l'appartenance des Premières nations», et d'autre part, vous dites au deuxième paragraphe: «Nous traiterons, à la séance de demain, la question de l'appartenance et celle des élections». L'appartenance et les élections seront donc traitées demain?

M. Bob Watts: C'est bien cela.

M. Derrek Konrad: Dans ce cas-là, je n'ai pas d'autres questions. Merci.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: J'ai une dernière question que je trouve importante parce qu'elle concerne une immense préoccupation des femmes autochtones concernant le vide juridique dans lequel les laisse la Loi sur les Indiens quant au bris du lien matrimonial.

On sait qu'une décision de la Cour suprême, qui s'appelle l'arrêt Derrickson, a porté sur le cas d'une femme qui, après avoir divorcé, s'était fait expulser de la réserve. Ma crainte, monsieur Watts, c'est que, comme on l'a vu dans le cas des 14 Premières Nations par rapport à la gestion des terres autochtones et comme on l'a vu dans le cas des Nisga'as, à chaque fois qu'un projet de loi se rapporte à la gestion des terres ou aux revendications territoriales, on prenne toujours en otage l'ensemble des projets de loi qui se rapportent à la gestion des terres agricoles.

Je n'en veux pas aux femmes de se défendre en prenant ces projets de loi en otage parce que, dans les faits, il n'y a absolument rien dans la loi qui prévoit cela. D'ailleurs, depuis la décision Derrickson, qui date de 1986, il n'y a absolument rien qui a été fait, sauf peut-être le geste de Mme Stewart qui, à l'époque, avait demandé à un comité de se pencher sur la question. Que je sache, ce comité n'a pas encore siégé.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de la façon dont le ministère entend traiter cette situation qui m'a l'air assez urgente? Est-ce qu'on veut inclure une nouvelle disposition dans la loi ou si on veut élaborer une nouvelle politique gouvernementale qui couvre cette zone grise dans la loi? Dans la situation actuelle, beaucoup de femmes se trouvent piégées, car le divorce est devenu une réalité même dans les réserves.

• 1720

Qu'est-ce que le ministère entend faire pour résoudre cette question?

[Traduction]

M. Bob Watts: Je dois m'incliner devant mon avocat—triste circonstance.

Comme vous l'avez indiqué, la ministre Stewart avait parlé de confier cette question à un comité spécial. Il a aussi été question de désigner un représentant spécial qui s'occuperait des questions relatives aux femmes en rapport avec la Loi sur les Indiens. Je sais qu'il y a des discussions qui se poursuivent sur ce sujet à l'heure actuelle.

Comme je l'ai fait remarquer dans mon exposé, le ministre a aussi offert aux dirigeants des Premières nations de voir s'il serait possible de moderniser certaines des dispositions de la Loi sur les Indiens. La Loi sur la gestion des terres des Premières nations représente en fait un effort de modernisation, en ce sens que nous y avons inclus une disposition visant expressément le partage des biens en cas de rupture du mariage.

Il convient de signaler que la loi ne fait aucune distinction entre les deux sexes pour ce qui est du partage des biens, si bien qu'elle ne protège ni les hommes ni les femmes à cet égard. Comme vous l'avez fait remarquer, il y a là un vide. C'est une question qui a été soulevée par les Premières nations et par les associations de femmes autochtones de toutes les régions du Canada. C'est une question sur laquelle nous nous penchons en fin de compte. Nous attendons qu'on nous propose des changements. Nous avons des idées quant à ce qu'on pourrait faire, mais pour ce qui est de savoir si, dans l'intervalle, il pourrait y avoir un changement de la politique, il est évident que la politique doit se fonder sur une espèce de cadre législatif et réglementaire. La loi en tant que telle, parce qu'elle ne fait pas de distinction entre les sexes, ne peut sans doute pas servir de cadre à l'élaboration d'une politique à cet effet.

M. Claude Bachand: Elle peut servir à cette fin, ou elle ne le peut pas?

M. Bob Watts: Elle ne le peut pas.

M. Claude Bachand: Elle ne le peut pas.

[Français]

La présidente: Est-ce tout?

[Traduction]

Y a-t-il d'autres questions de ce côté-ci? Monsieur Finlay ou madame Karetak-Lindell?

Il nous reste environ cinq minutes avant que la sonnerie ne se fasse entendre.

J'ajouterai peut-être, pour que vous puissiez le faire savoir à ceux qui viendront pour qu'ils puissent se préparer, que j'avais des questions à poser au sujet de l'admissibilité aux études postsecondaires et de ce qui arrive quand il y a plus de candidats qu'il n'y a de places, car je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faudrait permettre à ceux qui veulent poursuivre des études postsecondaires de le faire. Comment s'y prend-on pour venir en aide aux étudiants qui éprouvent des difficultés financières? C'est une des questions que je voudrais poser et que vous pourrez peut-être transmettre à vos collègues, car je sais que vous n'êtes pas venus ici prêts à répondre à cette question-là non plus.

Monsieur Konrad ou monsieur Bachand, avez-vous une dernière question à poser?

M. Derrek Konrad: J'ai une petite observation à faire en conclusion, qui fait suite en quelque sorte à ce que M. Finlay a dit tout à l'heure au sujet de l'assise territoriale qui fait peau de chagrin.

À la fin du deuxième paragraphe de la page 11, vous dites:

    Comme le montrent ces chiffres, l'assise territoriale actuelle des Indiens constitue un obstacle important pour le développement économique et social.

J'ai examiné l'étude de Harvard qui avait été recommandée à notre comité et, à vrai dire, j'estime que l'assise territoriale serait plutôt au bas de la liste, après la gouvernance, l'éducation des résidents des réserves, voire l'emplacement des réserves. Je ne pense pas que les chiffres montrent vraiment que ce soit un obstacle important. En tout cas, les propos que vous avez tenus ici et les analyses statistiques que vous avez faites ne semblent pas le confirmer à mon avis. Il se peut bien que cette déclaration ne résiste pas à l'examen; tout dépend de l'emplacement de la réserve, de la qualité du sol, etc.

• 1725

La présidente: J'ai quelque chose à dire à ce sujet.

Il se pourrait bien que l'étude dont on vient de parler, l'étude de Harvard, puisse faire l'objet d'une séance d'information à l'intention du comité. Le comité ne s'était entendu que sur ces trois premières séances que nous avons tenues, mais nous pourrons peut-être, du moins je l'espère, poursuivre certaines autres pistes de réflexion.

Je prends donc note de votre observation, monsieur Konrad, et je sais que ce n'était pas ce qui était prévu à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.

Madame Karetak-Lindell, allez-y.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Je voudrais un éclaircissement. Quand vous avez parlé d'études postsecondaires, vous avez aussi fait mention de l'admissibilité.

La présidente: Ce à quoi je voulais en venir—et c'est un problème qui m'a été signalé par une autre Première nation de l'Ontario—c'est que bien souvent, il y a peut-être une vingtaine de personnes qui souhaitent faire des études postsecondaires alors que les fonds prévus à cette fin sont insuffisants. C'est de cela que je veux parler, car il me semble que les obstacles de cette nature vont carrément à l'encontre des priorités de tous les Canadiens en ce qui a trait aux Premières nations, si c'est une question de sous qui fait problème. Je voudrais savoir comment les décisions sont prises, qui finance quoi et dans quelle mesure ce manque de ressources retarde sérieusement ceux qui voudraient poursuivre des études.

Mme Nancy Karetak-Lindell: J'ajouterai ceci. J'estime qu'il s'agit là d'un exemple de ce dont je parlais tout à l'heure, du fait que nous ne savons même pas qui est admissible à ces subventions qui sont accordées pour les études postsecondaires et de quelle façon ces subventions se comparent à l'aide financière qui est prévue pour tous les autres étudiants au Canada. Si donc nous pouvions ajouter cette dimension-là, à savoir si c'est encore parce qu'il s'agit d'Indiens non inscrits ou...

La présidente: Qui donc est visé par l'enveloppe?

Mme Nancy Karetak-Lindell: Oui.

La présidente: Très bien. Merci.

Comme il ne semble pas y avoir d'autres questions, je tiens à vous remercier pour le temps que vous avez consacré à vous préparer pour la séance d'aujourd'hui. Je sais que nous nous sommes écartés un peu de ce sur quoi vous vous étiez concentrés dans votre travail de préparation, mais je crois qu'ils est important de discuter de ces questions. Le but de ces séances est de nous permettre de nous informer et de cerner d'éventuelles pistes d'interrogation et peut-être aussi des domaines auxquels nous devrions nous attarder, car le sujet est très vaste et nous devrons, de toute évidence, chercher à le circonscrire davantage. Le temps que nous consacrons ainsi à nous préparer nous sera utile s'il nous permet de bien comprendre les enjeux fondamentaux.

Merci beaucoup. Nous reverrons la plupart d'entre vous demain, n'est-ce pas?

M. Bob Watts: Oui.

La présidente: Merci.

La séance est levée.