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NRGO Rapport du Comité

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CHAMBRE DES COMMUNES
CANADA


INTRODUCTION
CONTEXTE GÉNÉRAL : D'UN ENJEU RÉGIONAL À UN ENJEU NATIONAL
A. La campagne des environnementalistes en Colombie-Britannique
B. Les répercussions possibles à l'échelle nationale
LA GESTION DES FORÊTS EN COLOMBIE-BRITANIQUE :
DE LA FORÊT AU PAYSAGE
LA CERTIFICATION DES PRATIQUES ET PRODUITS FORESTIERS
LE RÔLE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL
SUGGESTIONS DES TÉMOINS
ANNEXE "A" - LISTE DES TÉMOINS
ANNEXE "B" - RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS DES TÉMOINS


LES PRATIQUES D'AMÉNAGEMENT FORESTIER AU CANADA
DANS UNE PERSPECTIVE DE COMMERCE INTERNATIONAL

RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES
ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
(RAPPORT INTÉRIMAIRE)

BRENT ST. DENIS, DÉPUTÉ

PRÉSIDENT

JUIN 1999








COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES
ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

PRÉSIDENT

Brent St. Denis

CO-PRÉSIDENTS

Ben Serré

David Chatters

MEMBRES

Réginald Bélair

Gilles Bernier

Gerry Byrne

Roy Cullen

Pierre de Savoye

John Duncan

Yvon Godin

Tony Ianno

Marlene Jennings

Ghislain Lebel

Carolyn Parrish>

Carmen Provenzano

Werner Schmidt

 

AUTRES DÉPUTÉS AYANT PARTICIPÉ À CETTE ÉTUDE

Joe Comuzzi

Monique Guay

Gerald Keddy

Alex Shepherd

GREFFIER DU COMITÉ

Richard Rumas

DE LA DIRECTION DE LA RECHERCHE PARLEMENTAIRE,

DE LA BIBILIOTHÈQUE DU PARLEMENT

Jean-Luc Bourdages








Le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations
gouvernementales à l'honneur de présenter son:

CINQUIÈME RAPPORT

Conformément au mandat que lui confère l'article 108(2) du Règlement le Comité à considéré les pratiques d'aménagement forestier au Canada dans une perspective de commerce international et à adopté le rapport donc voici le texte:

 

INTRODUCTION

En novembre 1998, le Comité permanent de la Chambre des communes sur les ressources naturelles et les opérations gouvernementales a entendu des représentants de IWA-Canada (Local 2171), de Western Forests Products Ltd. et de International Forests Products Ltd. au sujet d’une campagne menée par Greenpeace International relativement à la gestion des forêts pluviales tempérées de Colombie-Britannique. Les représentants des syndicats et des compagnies ont alors sensibilisé les membres du Comité aux répercussions potentielles sur l'industrie forestière canadienne de cette campagne conduite en Europe, aux États-Unis et au Japon. Pour l'essentiel, la campagne de boycottage cherchait à convaincre les détaillants de ne pas vendre de bois provenant d’opérations forestières de Colombie-Britannique qu’ils jugent non viables au plan écologique. Bien que cette campagne ait surtout visé jusqu'à maintenant les forêts pluviales de la côte de la Colombie-Britannique, elle pourrait bien toucher éventuellement les marchés d'exportation des producteurs forestiers canadiens de chaque région.

Par son initiative en Colombie-Britannique, le Comité a dans une bonne mesure répondu à une demande d’aide qui lui a été faite par les collectivités locales et l’industrie de la région mi-côtière. Ces intervenants ont fait valoir au Comité et à plusieurs autres parlementaires qu’ils ont vraiment à cœur de conserver la forêt et de protéger l’environnement tout autant que d’assurer l’avenir de leur collectivités. Pour mieux entendre les personnes concernées par cette situation et comprendre les enjeux qui dominent, le Comité a visité, les 12 et 13 mai 1999, la région de Bella Coola, sur la côte, et celle de Williams Lake, davantage caractéristique des forêts de l’intérieur. Après avoir rencontré des représentants de l’industrie et des syndicats œuvrant dans cette région, ainsi que des collectivités locales et autochtones, la Comité a tenu des audiences publiques, les 13 et 14 mai, à Vancouver. Les membres du Comité ont donc été à même de visiter certaines opérations forestières et de rencontrer des gens sur place, pour ensuite entendre les points de vue variés d’organisations diverses – des milieux industriel, syndical, environnemental, professionnel et autochtone.

Il est vite apparu évident aux membres du Comité que ces enjeux débordent grandement de leur cadre régional et sont susceptibles d’avoir des répercussions directes sur l’ensemble de la gestion des forêts au Canada et sur la perception qu’il en est faite ici comme à l’extérieur du pays. Le Comité demeure très conscient des juridictions et des responsabilités qui incombent à chacun des paliers gouvernementaux et à tous les partenaires engagés dans l’aménagement durable des forêts du pays. Le sérieux de la situation, ainsi que les efforts déployés par le Canada pour mettre en œuvre l'aménagement durable des forêts, incite le Comité à faire rapport et soumettre des recommandations à la Chambre des communes relativement à ce qu’il a vu et entendu lors de son court séjour en Colombie-Britannique. Ce rapport du Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales se veut intérimaire dans le mesure où il a manifesté l’intention d’élargir son étude aux autres régions forestières du pays. Il importe aussi de mentionner que sous la 35e Législature, le Comité permanent de la Chambre des communes sur les ressources naturelles avait abordé certaines de ces questions et fait des recommandations spécifiques au rôle du gouvernement fédéral en matière de promotion du secteur forestier canadien sur les marchés internationaux(1).

CONTEXTE GÉNÉRAL : D'UN ENJEU RÉGIONAL À UN ENJEU NATIONAL

A. La campagne des environnementalistes en Colombie-Britannique

Depuis le début des années 1990, la gestion des forêts de Colombie-Britannique a été la cible de points de vue divergents de la part de l'industrie et de certains groupes environnementaux. Les premières campagnes ont principalement porté sur les vieilles forêts humides de l'île de Vancouver, où les environnementalistes voulaient assurer la protection de certaines vallées encore intactes. Après plusieurs initiatives gouvernementales qui ont permis de mettre en réserve quelques-unes d’entre elles pour fin de conservation, le débat semble maintenant se déplacer sur la côte centrale de la province.

Certaines organisations environnementales, principalement menées par Greenpeace International, ont été particulièrement actives ces dernières années en Europe de l'ouest où elles ont critiqué les pratiques canadiennes de gestion des forêts. Elles ont obtenu beaucoup de succès en Allemagne et au Royaume-Uni lorsqu'elles ont protesté contre l'exploitation des vieilles forêts pluviales de Colombie-Britannique. L'approche privilégiée par Greenpeace a été de faire pression sur les consommateurs européens afin qu'ils cessent d'acheter des produits forestiers provenant des forêts pluviales de la côte de Colombie-Britannique.

En mars 1998, certains quotidiens de l’Ouest du Canada ont fait état des actions menées par Greenpeace auprès de trois acheteurs importants de produits forestiers de Colombie-Britannique — Magnet, Jewson et Harcos — les priant de trouver de nouveaux fournisseurs. De ceux-là, Magnet avait confirmé qu'elle n'allait plus acheter de produits forestiers provenant de la « Great Bear Rainforest » de Colombie-Britannique, comme l’appelle les préservationnistes(2). Des démonstrations d'envergure ont eu lieu dans le port écossais de Greenoch et à une usine de la compagnie Clariant, un important acheteur européen de pâte de la compagnie Western Forest Products(3). Le gouvernement canadien, par l'entremise de son Haut-Commissariat à Londres, avait alors dénoncé ces pratiques auprès du gouvernement britannique. Le marché du Royaume-Uni est le plus important d'Europe pour les produits forestiers de Colombie-Britannique, dont la valeur des importations atteint 230 millions de dollars par année.

La campagne des groupes environnementaux ne se limite pas au marché européen; de fait, ils font maintenant campagne aux États-Unis et demeurent très actifs au Canada même, particulièrement en Colombie-Britannique. En décembre 1998, la « Coastal Rainforest Coalition », une coalition de groupes formée de Greenpeace, du « Natural Resources Defence Council » et du « Rainforest Action Network », a fait paraître dans le New York Times une annonce pleine page sur laquelle figurait une liste d’entreprises que la coalition recommandait aux consommateurs d’éviter parce que les produits du bois de celles-ci proviennent des forêts anciennes de la Colombie-Britannique. D’autre manifestations tenues auparavant avaient principalement visé le géant de la quincaillerie Home Depot, dont le son siège social se trouve à Atlanta et qui est l’un des principaux clients des fournisseurs de bois d’œuvre de la Colombie-Britannique(4). Même occasion, l’annonce du New York Times affichait le nom de compagnies qui refusent de se procurer des produits forestiers provenant de peuplements mûrs.

Au Canada, les groupes environnementaux s’intéressent plus directement aux opérations forestières qu’aux consommateurs de produits forestiers(5). Après avoir surtout ciblé les vallées forestières de l'Île de Vancouver au début des années 1990, une coalition à laquelle participent Greenpeace et plusieurs organisations concentre maintenant ses efforts sur une vaste région côtière de la moyenne côte de la Colombie-Britannique. Cette région consiste en une immense zone forestière de quelque 3,2 millions d'hectares, enclavée entre les hauts sommets alpins et l'Océan pacifique le long de la côte centrale de la Colombie-Britannique. Aux dires des préservationnistes, il s'agit de l'une des dernières grandes étendues de forêts pluviales non encore exploitées. De fait, disent-ils, plus de la moitié des forêts pluviales d'origine ont été détruites, et la C.-B. possèdent encore le quart de ces forêts(6). On estime aussi que cette région renferme plus d'une cinquantaine de bassins hydrographiques de plus de 5 000 hectares chacun et non développés, habitat essentiel à la montaison annuelle des saumons du Pacifique.

Les préservationnistes prétendent principalement que le rythme de récolte forestière dépasse la capacité à long terme de la forêt et que presque toutes les vallées intactes feront l’objet de coupe d’ici 2020. Ils considèrent aussi que l’exploitation forestière sur la moyenne côte génère trop peu d’emplois(7). Ces organisations préconisent une réorientation de l’industrie forestière, même par voie réglementaire si nécessaire, vers une production à valeur ajoutée plus intensive en main d’œuvre et ciblée sur les collectivités. Elles s’opposent entièrement à la coupe à blanc partout dans les forêts côtières et proposent plutôt des pratiques de récoltes issues de l’écoforesterie, assurant du même coup une utilisation plus diversifiée de la forêt, en l’occurrence pour la pêche, le tourisme et les activités récréatives. En définitive, les groupes comme Greenpeace, le Sierra Legal Defense Fund et le Sierra Club demandent que le gouvernement de Colombie-Britannique adopte une vision de conservation à grande échelle permettant de garder intacts certains bassins versants et d’établir des corridors de liaison entre les bassins pour assurer le maintien des populations de grizzlys, de saumon et de la faune en général(8).

B. Les répercussions possibles à l’échelle nationale

La nouvelle campagne des groupes environnementaux relativement à la forêt pluviale de la côte ouest s’insère dans un contexte plus global et prend appui, pour l’essentiel, sur un rapport récent du World Resources Institute (WRI), de Washington D.C., The Last Frontier Forests(9) et traitant des grandes forêts naturelles du monde qui sont encore dans un état relativement intact. Selon les auteurs de ce rapport, 50 p. 100 du couvert forestier original de la planète a disparu. Ils estiment qu’une grande partie des forêts restantes a déjà subi les impacts des activités humaines et que seulement 22 p. 100 de la forêt originale est suffisamment naturelle et vaste pour supporter toute la biodiversité présente. De plus, la majorité de ces forêts intactes sont situées au Brésil, en Russie et au Canada(10).

Par ailleurs, le rapport du WRI considère que la forêt pluviale tempérée s’avère le plus menacé des écosystèmes forestiers puisqu’elle représente seulement 3 p. 100 des forêts primaires du monde. Dans son témoignage devant le Comité, Greenpeace a rapporté que, dans ce contexte, la Colombie-Britannique possédait à l’origine 353 vallées de forêt pluviale de plus de 5 000 ha et, qu’aujourd’hui, 69 d’entre elles étaient encore intactes, mais presque toutes vouées en partie à l’exploitation forestière au cours des cinq à dix prochaines années. Greenpeace a aussi insisté sur les changements intervenus dans certaines rivières à saumon de la côte.

Il n’est donc pas étonnant que le Canada soit particulièrement visé dans le cadre des campagnes de conservation des forêts primaires. Cela peut cependant paraître paradoxal aux yeux de plusieurs considérant le fait que les pratiques forestières en vigueur au Canada, et particulièrement en Colombie-Britannique, sont nettement à l’avant-garde de ce qui se fait dans le monde. Certes, il est sans doute plus difficile de cibler des pays d’Europe de l’ouest ou du nord, par exemple les pays scandinaves, où les forêts primaires ont disparu depuis fort longtemps pour céder la place à d’autres vocations territoriales ou à des forêts plus jeunes, bien souvent des plantations beaucoup moins diversifiées au plan biologique. Pour plusieurs préservationnistes, les Canadiens doivent être les gardiens d’un trésor d’importance dont ils doivent assurer la protection à long terme.

Bien que l’initiative du Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales se soit concentrée jusqu’à maintenant sur la problématique qui affecte plus spécifiquement la Colombie-Britannique, celui-ci n’en demeure pas moins conscient que cet enjeu à caractère régional est en train de devenir également un enjeu national. En effet, plusieurs événements récents font craindre que tout le secteur forestier canadien risque d’être affecté par des campagnes ayant pour cible les pratiques forestières en vigueur au pays. De surcroît, des rapports comme celui du World Resources Institute de Washington sur les forêts primaires accordent une grande importance à la protection de la vaste étendue que représente la forêt boréale au Canada.

Comme l’ont fait remarquer certains témoins qui ont comparu devant le Comité à Vancouver, hors de nos frontières on est à même de constater que c’est le Canada tout entier qui est ciblé et non pas seulement la Colombie-Britannique(11). On a notamment cité en exemple le film L'Erreur boréale produit récemment au Québec et faisant état des pratiques forestières dans les forêts publiques de la zone boréale. Ce film a suscité beaucoup de discussions et de controverses dans les médias et milieux avisés du Québec.

En réplique aux auteurs du film, le ministre québécois responsable des forêts a, entre autres, manifesté la crainte que ce film hautement médiatique soit utilisé sur les marchés commerciaux au détriment de l’industrie forestière du Québec. Déjà, la suite des événements semblent lui donner raison sur ce point puisqu’on a souligné au Comité que des compagnies forestières de Suède feraient référence au film L’Erreur boréale pour promouvoir leurs produits au détriment de ceux de l’industrie canadienne(12). Le ministre québécois a récemment annoncé qu’il déposerait à l’Assemblée nationale un projet de loi afin de réviser l’actuel Régime forestier dans la foulée des vastes consultations publiques de l’automne 1998(13). Sans vouloir commenter les conclusions du film produit pour le compte de l’Office national du film, le Comité demeure toutefois bien sensible aux répercussions que peut avoir ce type d’information lorsqu’il est utilisé dans un tout autre contexte.

Un bon exemple des retombées des campagnes de sensibilisation ou de boycott des produits forestiers canadiens sur les marchés internationaux est sans doute la présentation, en mai 1998, d'une proposition de résolution à la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe(14). En résumé, la résolution proposée stipule que ce qui reste aujourd'hui des forêts pluviales tempérées et des espèces sauvages qu'elles renferment représentent un héritage qui doit être protégé. Elle considère aussi que le profit commercial immédiat généré par l'exploitation de ces forêts importe moins que la richesse écologique et culturelle qu'elles renferment. La résolution s’appuie sur le fait que le Canada s'est engagé à respecter l’esprit de la Conférence de Rio (de 1992) et de son Agenda 21 pour conclure qu'il a la responsabilité de cesser les opérations forestières jugées non durables dans les forêts côtières humides de la Colombie-Britannique. Elle demande enfin aux sociétés européennes d’annuler tout contrat avec des producteurs utilisant du bois provenant de telles exploitations.

Jusqu'à maintenant, la proposition de résolution a été discutée à Paris le 14 janvier 1999 et l’a été à nouveau, et de façon plus approfondie, le 21 mai dans le cadre d’une rencontre où une délégation de Canadiens ont pu faire valoir la position du Canada sur cette question. La délégation canadienne, qui comprenait des représentants de Ressources naturelles Canada, des provinces de la Colombie-Britannique et du Québec, de la Coalition pour la stratégie nationale sur les forêts, de l’Association nationale autochtone de foresterie et de membres de ce Comité, a réitéré l’importance de l’industrie forestière canadienne et l’engagement total du Canada envers l’aménagement forestier durable. Tout en rappelant que l’aménagement forestier est de juridiction provinciale, la délégation a insisté sur le fait que la législation, les politiques et les pratiques qui en résultent reflètent les valeurs changeantes du public et du marché. D’abord basé essentiellement sur des principes économiques, l’aménagement forestier au Canada englobe maintenant les valeurs écologiques et sociales liées aux forêts. Une délégation de parlementaires européens intéressés par cette motion visiteront le Canada en septembre 1999 pour examiner les pratiques forestières canadiennes. La délégation canadienne a présenté un résumé des réalisations innovatrices du Canada en foresterie pour faire ressortir le fait que, étant l'une des principales nations forestières, nous avons souvent été à l'avant-garde des initiatives internationales visant à améliorer les pratiques de foresterie et la coopération.

Le gouvernement du Canada suit de très près l'évolution des travaux de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux du Conseil de l'Europe et fait les représentations nécessaires à cet égard. Le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales est d’avis qu’il s’agit là d’une responsabilité première du gouvernement fédéral de veiller à bien informer la communauté internationale des politiques et pratiques forestières en vigueur au Canada et de faire valoir l’intérêt des Canadiens envers l’aménagement forestier durable.

LA GESTION DES FORÊTS EN COLOMBIE-BRITANIQUE :

DE LA FORÊT AU PAYSAGE

La visite du Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales en Colombie-Britannique a permis aux membres de constater de visu certains aspects des pratiques forestières en vigueur sur la moyenne côte et à l’intérieur de la province. Ils ont été à même de voir que les exigences gouvernementales à l’égard de toutes les étapes de la planification et de l’aménagement forestier sont de plus en plus strictes et en constante mutation. Ces changements sont même apparents depuis les travaux menés par le Comité permanent des ressources naturelles en 1994, suite à la mise en œuvre du nouveau Code de pratiques forestières, qui a force de loi depuis 1995. Comme en fait foi la présentation du Conseil des industries forestières (Council of Forest Industries-COFI) devant le Comité, des progrès importants ont été réalisés à tous les niveaux, de la planification du territoire et l’intégration des activités de récolte dans le paysage environnant jusqu’à la renaturalisation des chemins forestiers après la récolte.

En Colombie-Britannique, l’industrie forestière revêt un caractère particulièrement important pour l’ensemble de l’économie. Elle représente en effet presque la moitié de toutes les livraisons manufacturières de la province, elle emploie 300 000 personnes (100 000 directement et 200 000 indirectement) et elle supporte plus de 100 collectivités fortement, sinon entièrement, dépendantes de cette industrie(15). Par contre il ne s’agit pas moins d’une industrie cyclique qui a du faire face à d’importants défis au cours des dernières années, en raison notamment de coûts élevés de productions et de conditions de marché difficiles. Avec les nouvelles campagnes ciblant les consommateurs, les détaillants et les gouvernements en Europe et aux États-Unis, il devient encore plus difficile pour l’industrie de se relever et de progresser à nouveau.

Des 95 millions d’hectares que représente la superficie totale de la Colombie-Britannique, 23 millions d’hectares, soit 24 p. 100 du territoire, sont désignées à des fins d’utilisation forestière commerciale. Depuis 1992, la mise en œuvre de la Stratégie sur les aires protégées, qui a pour but d’accroître la superficie totale de ces aires de 6 à 12 p. 100, a déjà permis de mettre en réserve 11,3 p. 100 de l’ensemble du territoire de la province, ce qui devrait représenter plus de 11 millions d’hectares une fois l’objectif atteint. Dans ce contexte, les vieilles forêts constituent environ 30 p. 100 de l’ensemble des aires protégées et couvrent plus de 3 millions d’hectares(16).

Il importe aussi de souligner que la Colombie-Britannique a mis en place au cours des années 90 un processus exhaustif de planification du territoire dans le cadre duquel tous les intervenants intéressés à l’utilisation multiple de la forêt cherchent à établir un consensus sur un plan visant un équilibre dans l’usage de la forêt. Cette approche permet entre autres aux collectivités autochtones et rurales de participer directement à la planification et l’avenir de leur territoire, sans avoir l’impression d’être en les mains de décideurs et groupes de pression extérieurs à leur région. Selon le COFI, plus de 80 p. 100 du territoire de la Colombie-Britannique a déjà fait l’objet ou est en cours d’élaboration d’un plan d’utilisation du sol régional. De tels plans régionaux sont en place pour l’Île de Vancouver, Cariboo-Chilcotin, West Kootenay-Boundary et East Kootenay, tandis que 18 plans sous-régionaux sont sur le point d’être finalisés ou sont en cours de développement(17).

L’industrie forestière a participé activement à tous ces processus de planification. Il appert toutefois que les organisations comme Greenpeace demeurent très réticentes à participer à ces processus de planification régionale. Lors de sa visite en Colombie-Britannique, le Comité a appris que Greenpeace a accepté de participer aux discussions entourant la préparation du plan régional de la moyenne côte de la province une fois seulement que les compagnies forestières aient accepté de décréter un moratoire sur leurs plans de coupe jusqu’en juin 1999. Le Comité applaudit les compromis intervenus de part et d’autre mais, par contre, il déplore le fait que Greenpeace se rende à la table de discussions avec l’idée que de toute façon l’obtention d’un consensus soit impossible(18). Le Comité croit que l’ampleur des enjeux en cause sont tels que toutes les parties doivent déployer les efforts nécessaires à l’atteinte de consensus.

Le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales a pu visiter, quoique brièvement, certaines opérations forestières de la compagnie Lignum dans les Cariboo-Chilcotin. Les membres du Comité ont été particulièrement impressionnés par les approches innovatrices de cette compagnie dont les activités forestières sont planifiées en vertu du plan régional d’utilisation du territoire, développé en concertation étroite avec les collectivités locales et les différents groupes d’intérêt. Lignum a recours, visiblement à bon escient, à une gamme variée d’outils de planification qui lui permettent de tenir compte de façon précise des caractéristiques de la forêt, mais aussi d’intégrer les plans de coupe dans la dynamique globale des paysages de la région. L’approche utilisée dans les Cariboo-Chilcotin est avant-gardiste et semble porteuse d’avenir. Elle s’inscrit de près dans le contexte d’une des recommandations qu’avait faites le Comité permanent des ressources naturelles dans son rapport de 1994 alors qu’il suggérait au gouvernement fédéral de faire la promotion de l’aménagement du paysage forestier naturel en tant qu’approche de planification pour la réalisation de la foresterie durable(19). Il semble que cette idée fait son chemin et qu’elle place le Canada à l’avant-garde des nations forestières qui se donnent pour mission d’assurer l’aménagement durable des forêts restantes de la planète.

Sur la moyenne côte de la Colombie-Britannique, le Comité a aussi pu constater à quel point les pratiques forestières ont changé au cours des années 90, tout en demeurant conscient qu’elles demeurent perfectibles et qu’une coupe récente a moins belle apparence que la majestueuse forêt côtière qui l’entoure. Sur le terrain, les membres du Comité ont pu constater et discuter des nouvelles exigences requises par le nouveau Code de pratiques forestières de la province. Ce Code, qui a valeur légale, s’applique aux terres publiques, soit 94 p. 100 des terres forestières de la province. Le Code lui-même est fort complexe en raison des très nombreuses prescriptions qui touchent toutes les facettes de l’exploitation forestière : planification et emplacement des routes et zones de récolte, superficie de ces dernières — maintenant plus restreinte —, protection des cours d’eau, démantèlement des chemins forestiers, réduction des perturbation sur les sites de récolte, maintien de la biodiversité, conservation des « arbres culturellement modifiés »(20), etc. Bref, le Code a obligé les compagnies forestières à planifier leurs travaux en faisant en sorte que toutes les autres valeurs de la forêt, comme la pêche et le tourisme, ne soient pas compromises par les opérations en forêt.

Le Bureau des pratiques forestières (« Forest Practices Board »), qui a le mandat d’appliquer et de faire respecter le nouveau Code, conduit sur préavis ou à l’improviste des inspections fréquentes des opérations forestières. Depuis l’entrée en vigueur du Code, le taux de conformité des compagnies s’est situé à 93 p. 100 en 1995/96 et 94 p. 100 en 1996/97 et 1997/98, ce qui fait dire au président du Bureau que la Colombie-Britannique a fait d’importants progrès même s’il y a toujours place à l’amélioration. De l’avis de COFI, les coûts impartis à l’industrie pour respecter le nouveau régime réglementaire ont dépassé un milliard de dollars par année(21). De leur côté, Greenpeace Canada et le Sierra Legal Defence Fund estiment que le Code est déficient pour la protection de l’habitat du poisson et les prescriptions de participation du public à l’examen des plans d’aménagement forestier. Ils contestent aussi l’application, ou la non-application selon les cas, du Code de pratique forestière par le gouvernement(22).

LA CERTIFICATION DES PRATIQUES ET PRODUITS FORESTIERS

S’il y a un sujet sur lequel le Comité a pu percevoir l’existence d’un consensus c’est celui qui concerne la certification des pratiques et des produits forestiers. En effet, tant les représentants des groupes environnementaux, des syndicats, de l’industrie et des professionnels de la foresterie se sont montrés favorables au recours à la certification (ou homologation) comme outil d’évaluation des pratiques de l’industrie et de sensibilisation des consommateurs de produits forestiers. Cependant, tous ne s’entendent pas nécessairement sur l’approche de certification à privilégier et à promouvoir à l’échelle canadienne et internationale. De fait, la prolifération de systèmes et de normes de certification n’est pas sans poser problème pour un secteur industriel qui subit de fortes pressions sur les marchés intérieurs et internationaux pour la vente de ses produits.

À toutes fins utiles, le secteur forestier canadien peut choisir d’appliquer l’une de trois procédures distinctes de certification des pratiques et produits forestiers. Deux de celles-là semblent toutefois davantage recevoir la faveur des compagnies canadiennes, bien que dans certains cas leur choix puisse être avant tout dicté par le marché lui-même ou les pressions que font certains groupes. Les trois normes de certification utilisées ou susceptibles de l’être au Canada sont généralement identifiées par les acronymes des organismes responsables. Ainsi, il y a la norme CSA (CSA, pour Canadian Standards Association) de l’Association canadienne de normalisation, la norme FSC du « Forest Stewardship Council » et la norme ISO de la « International Standards Organization ».

Le Canada a été l’un des premiers pays à développer sa propre norme d’aménagement forestier durable, suite aux regroupements de plusieurs membres de l’industrie forestière au sein de la Coalition canadienne pour la certification de la foresterie durable. Bien que l’initiative en soit une au départ de l’industrie, celle-ci a confié à l’Association canadienne de normalisation le soin d’élaborer une norme nationale volontaire d’aménagement forestier durable. À cette fin, la CSA a formé un Comité technique composé de 24 membres votants répartis uniformément entre quatre secteurs, soit l’industrie, les milieux académiques et professionnels, les groupes environnementaux et sociaux, et les organismes de réglementation. À ce comité se sont joints vingt membres non-votants mais participant pleinement aux discussions. D’importantes consultations ont été menées avant que la CSA puisse adopter la norme d'aménagement forestier durable en 1996.

En raison de ses affinités avec l’International Standards Organization, la CSA a utilisé la norme ISO 14001 de gestion environnementale (dont il sera question un peu plus loin) comme fondement au développement de la certification nationale des forêts. La norme ISO a donc été refondue dans le contexte de la gestion des forêts et des ajouts y ont été apportés par la CSA. Un ajout majeur est celui des critères et indicateurs d’aménagement forestier durable élaboré au Canada et approuvés par le Conseil canadien des ministres des Forêts (CCMF). L’autre ajout d’importance concerne la participation du public à certaines facettes de l’aménagement forestier, dont plusieurs des critères du CCMF, tels que la biodiversité, la productivité et la santé des écosystèmes forestiers, la conservation des sols, la contribution de la forêt aux cycles écologiques planétaires, les valeurs et responsabilités sociales, etc. Il y a aussi nécessité d’intégrer des prévisions sur les résultats attendus et d’effectuer des évaluations ou audits de la performance des entreprises forestières sur le terrain. La norme CSA est donc une combinaison de système de gestion, d’audits de performance et d’audits sur le terrain.

Pendant que l’industrie forestière canadienne posait les premiers jalons de la certification au Canada, le Forest Stewardship Council faisait de même à l’échelle internationale. Les objectifs de cette organisation internationale est de favoriser l’aménagement des forêts mondiales d’une manière écologique, socialement bénéfique et économiquement viable.  La principale différence avec la certification de la CSA et de l’ISO vient du fait que l’approche du FSC est fondée sur un label international qui garantit aux consommateurs que les produits forestiers qu’ils achètent proviennent de forêts aménagées de façon écologique. Pour obtenir ce label, le demandeur doit rencontrer dix principes et critères de gestion des forêts prenant la forme de normes de performance. Les inspections sur le terrain nécessaires à la certification FSC doivent être conduites par des organismes accrédités par le FSC.

À plusieurs égards les systèmes de la CSA et du FSC comportent des similitudes quant à certaines exigences contenues dans les normes d’aménagement forestier durable. Par exemple, les deux approches traitent du maintien de la biodiversité, de la protection des habitats fauniques, de la conservation des ressources pédologiques et hydriques, des multiples avantages que la forêt doit fournir à la société, etc. En somme, les deux programmes cherchent à promouvoir une meilleure performance dans l'aménagement des forêts. Toutefois, ils diffèrent principalement sur trois points (23):

  1. Les normes de la CSA visent à fournir des preuves d'amélioration continue et d'aménagement forestier durable pour chaque territoire forestier vérifié, alors que l'approche du FSC insiste davantage comme fin essentielle sur un étiquetage des produits, basé sur le concept de chaîne de responsabilité.

  2. Les normes CSA sur l'AFD exigent la participation constante du public tout au long du processus d'aménagement forestier, alors que les principes du FSC n'abordent pas spécifiquement cette question.

  3. La CSA a suivi les procédures et les règles pour l'élaboration de normes, établies par le Conseil canadien des normes, une société fédérale de la Couronne. Le processus CSA a fait appel à la participation d'une variété de groupes d'intérêt dans l'élaboration de ses normes, avec entre autres la représentation des gouvernements. Pour sa part, le FSC a élaboré ses principes sans la contribution des gouvernements qui, au Canada, sont responsables des intérêts du public et sont propriétaires d'une part importante des terres forestières. De plus, l'industrie n'a pas eu la même possibilité qu'avec la CSA de contribuer à l'élaboration des principes.

Lors de ses audiences, le Comité a cru comprendre que l’approche du FSC doit cependant être adaptée au contexte canadien par l’élaboration de critères régionaux qui tiennent compte de la perspective dans laquelle s’insère les opérations forestières qui feront l’objet de la certification. La procédure selon laquelle les critères régionaux seront déterminés ne semble pas encore arrêtée. Bien que certaines entreprises entendues par le Comité montrent un intérêt évident dans la certification du FSC, probablement dans le contexte des marchés européens, on dénote une certaine hésitation à s’engager dans un processus qui sera entièrement, ou à tout le moins en grande partie, contrôlé par des organisations environnementales. Il apparaît de bon aloi, aux yeux du Comité, que l’adaptation de la démarche de certification du FSC à la situation de la Colombie-Britannique ne soit pas réalisée d’une manière qui exclut le gouvernement et l’industrie, mais qu’elle intègre un large éventail des parties concernées, comme ce fut le cas pour la norme CSA.

Pour ce qui est de la norme ISO 14001, il convient d’abord de préciser qu’il s’agit d’une norme générique de gestion environnementale pouvant s’appliquer à la gestion écologique de toute industrie dans n’importe quel pays. Elle repose essentiellement sur le fait que l’entreprise doit élaborer et rendre public un système de gestion de ses objectifs et engagements d’amélioration de ses pratiques qui affectent l'environnement. Elle doit aussi se soumettre à une vérification effectuée par une tierce partie avant d’obtenir la certification ISO 14001. Plusieurs semblent trouver que cette norme est moins appropriée aux opérations forestières lorsqu’il est question d’aménagement forestier durable, parce qu’elle est avant tout fondée sur les pratiques de gestion et non pas sur le rendement et la labellisation des produits. Il reste cependant que certaines compagnies soient intéressées à obtenir cette certification.

Plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales lors des audiences de Vancouver ont manifesté le souhait que le gouvernement fédéral, de concert avec les gouvernements provinciaux interviennent plus directement dans la promotion et la mise en œuvre des processus de certification. Il y a par ailleurs une certaine inquiétude de voir les normes du CSA et du FSC s’exclurent mutuellement et de constater que les compagnies devront demander une certification plutôt que l’autre, ou même plus d’une certification, selon les circonstances. De même, il serait déplorable, comme l’ont souligné certains témoins, que le concept de certification devienne trop politisé et qu’on en vienne à reconnaître ou non l’obtention d’une accréditation selon qui la demande ou l’obtient(24). Plusieurs voient donc un réel intérêt à ce qu’il y ait intégration des différentes normes de certification, particulièrement celles de la CSA et du FSC, ne serait-ce que pour éviter la confusion chez les consommateurs de produits forestiers.

Dans une lettre qu’il a fait parvenir au Comité après de la comparution de représentants de l’IWA, de Western Forest Products et de Interfor en novembre dernier, le ministre des Ressources naturelles, l’honorable Ralph Goodale, a confirmé la position du gouvernement fédéral en matière de certification des méthodes d'aménagement forestier. Ainsi, il a rappelé que le Canada y est favorable dans un contexte commercial en autant qu'elle favorise l'aménagement forestier durable. Le gouvernement canadien n'a officiellement avalisé aucun régime de certification, et n'a pas l'intention de le faire. Le ministre a aussi dit craindre qu’un emploi inconsidéré de la certification pourrait avoir des effets négatifs sur l'économie, l'environnement et la souveraineté du Canada, dont les retombées au niveau mondial pourraient être néfastes. Aux yeux du Canada, la certification doit se conformer aux politiques forestières, tandis que les systèmes d'homologation devraient être volontaires, non légiférés ni réglementés, reposer sur un fondement scientifique, être transparents et conçus d'une façon ouverte et inclusive qui tient compte des intérêts de tous les grands intervenants du secteur(25).

Bien que le Comité comprend les réticences des gouvernements à s’engager directement dans les processus de certification, qui à toutes fins utiles demeurent volontaires, il croit opportun de faire la recommandation suivante. [Pour ce qui est des recommandations, le Bloc québécois désire s'inscrire comme préférent que toutes les recommandations apparaissent plutôt dans le rapport final.]

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral, de concert avec les gouvernements provinciaux et les autres intervenants, intervienne activement en faveur d’une intégration des différentes normes de certification d’aménagement forestier durable, tant à l’échelle nationale avec la CSA (Canadian Standards Association) et le FSC (Forest Stewardship Council), qu’à l’échelle internationale où plusieurs approches sont aussi développées ou mises en œuvre.

LE RÔLE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

Même si tous les intervenants ne partagent pas cette opinion, le gouvernement du Canada est fort actif dans le secteur forestier. Certes, il n’a pas la responsabilité de l’aménagement des vastes forêts qui couvrent le territoire puisqu’il s’agit de la juridiction des provinces. Cependant, le gouvernement fédéral occupe une place de premier plan en matière de recherche et de développement dans le domaine de la forêt ici même et assume un rôle de leader sur la scène internationale pour ce qui est de la protection des forêts mondiales et de la promotion de pratiques d'aménagement forestier durable. Il incombe aussi au palier fédéral, de concert avec ses partenaires des provinces et de l’industrie, de promouvoir les produits forestiers canadiens et de défendre les intérêts du pays sur les marchés internationaux.

Le Canada s’est fortement engagé dans les discussions internationales sur les forêts au moment de la préparation de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), tenue à Rio de Janeiro au Brésil en 1992. À cette époque le Canada n’avait pas ménagé d’efforts pour que les forêts mondiales soient l’objet d’une convention internationale au même titre que la biodiversité et les changements climatiques. Bien que cette tentative ait été infructueuse et que les pays participants aient convenu d’adopter plutôt des principes directeurs d’aménagement forestier durable dans le cadre de l’Agenda 21, les efforts du Canada ont tout au moins eu le mérite de vraiment placer la question des forêts mondiales à l’ordre du jour des discussions internationales. Aujourd’hui, le Canada est sans contredit l’un des leaders parmi les nations forestières dans le développement et la mise en œuvre de critères et d’indicateurs d’aménagement forestier durable. Ressources naturelles Canada (RNCan) continue à rallier un appui international pour la ratification d'une convention internationale sur les forêts, axée sur la pérennité des forêts de la planète.

Le Canada s’est donnée une stratégie pour accentuer son engagement envers l'aménagement durable des forêts et pour assurer un accès continu à ses marchés d'exportation. Le premier volet de la stratégie met grandement à contribution les activités du Service canadien des forêts au sein de Ressources naturelles Canada et des partenaires des provinces, des territoires et de l’industrie. L’engagement de ces partenaires est reflété dans la nouvelle Stratégie nationale sur les forêts (1998-2003), Durabilité des forêts : un engagement canadien, et par la signature du second Accord canadien sur les forêts, réaffirmant leur engagement collectif à collaborer pour faire de l'aménagement durable des forêts une réalité partout au Canada. Dans ce contexte, les critères et les indicateurs établis par le Conseil canadien des ministres des Forêts contribuent à définir et matérialiser le concept de l'aménagement durable des forêt et à faciliter également l'accès aux marchés étrangers.

En ce qui a trait aux pressions exercées sur les marchés internationaux à l’endroit des produits forestiers canadiens, le ministre des Ressources naturelles a rappelé au Comité(26) qu’en 1993, le Conseil canadien des ministres des Forêts (CCMF) a lancé le Programme international de partenariats en foresterie (PIPF). Ce programme a pour but de mieux faire connaître les politiques et les pratiques de foresterie durable en vigueur au Canada aux grandes instances décisionnelles de l'Europe, des États-Unis et du Japon. Le PIPF a obtenu du gouvernement fédéral et de la totalité des provinces et des territoires un financement proportionnel de 4,5 M$ pour trois ans. Le programme a été prolongé de quatre ans, sans budget supplémentaire, et prendra fin en mars 2000, mais le Secrétariat du PIPF, au CCMF, travaille actuellement au renouvellement du programme au-delà de cet horizon.

Le PIPF est administré par RNCan, qui en gère les activités annuelles, et celui-ci est secondé d'un groupe de travail sectoriel représentant tous les gouvernements concernés. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) et Industrie Canada siègent également à ce groupe de travail. L'industrie est représentée par trois groupes qui ont un statut d'observateurs aux réunions du groupe de travail. Chaque année, RNCan et le MAECI concluent une entente en vertu de laquelle le MAECI, par l'entremise de ses ambassades, exécute des activités approuvées dans certains marchés d'exportation, en l'occurrence les États-Unis, l'Europe et le Japon. Les fonds du programme servent presque exclusivement à étayer le surcroît d'activité ainsi supporté par ce ministère, tandis que toutes les instances canadiennes concernées, y compris RNCan, assument à même leurs budgets les frais salariaux et les dépenses effectuées au Canada.

Ce programme sert notamment à parrainer la venue au Canada de missions composées de décideurs et de délégués commerciaux étrangers, à organiser la visite d'experts canadiens (surtout des scientifiques) dans des marchés étrangers, et à diffuser de l'information factuelle sur les pratiques canadiennes de foresterie durable. Le ministre des Ressources naturelles considère que le PIPF porte fruit, puisque les participants aux missions organisées sous son égide ont confirmé avoir maintenant une meilleure connaissance des politiques et des pratiques canadiennes d'aménagement forestier, après avoir constaté directement le type de gestion durable pratiqué chez nous. Depuis la création du PIPF en 1993, environ 25 missions d'information ont été organisées. Le programme d'activités pour 1999-2000 prévoit l'organisation d'une série de visites pour des représentants des États-Unis, de l'Europe et du Japon(27), dont celle à l’intention des Parlementaires du Conseil de l’Europe prévue pour septembre 1999.

Plusieurs témoins entendus par le Comité lors de sa visite à Vancouver ont aussi louangé ce programme et souhaité qu’il soit maintenu, voire même élargi. De fait, les représentants de l’industrie forestière et des syndicats se sont montrés très favorables au programme actuel du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux qui permet d’amener des clients et consommateurs étrangers visiter les opérations forestières pour qu’ils puissent constater eux-mêmes les bonnes pratiques forestières utilisées au Canada. Certains ont même dit considérer le gouvernement fédéral comme l’ultime représentant commercial de l’industrie canadienne à l’étranger.

Compte tenu du fait que le Programme international de partenariats en foresterie (PIPF) arrivera à terme en mars 2000 et que tous semblent s’entendre pour dire que ce programme s’est avéré utile et efficace pour mieux faire connaître à l’étranger les politiques et les pratiques canadiennes d'aménagement forestier, le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales fait la recommandation suivante.

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral, de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux réunis au sein du CCMF, reconduise pour une période de cinq ans le Programme international de partenariats en foresterie (PIPF) et lui octroie les budgets nécessaires à la réalisation de ses objectifs, particulièrement la promotion et le soutien de l’industrie forestière canadienne sur les marchés internationaux.

En parallèle au PIPF, le gouvernement fédéral demeure très actif en regard de la promotion des produits forestiers sur les marchés d’exportation. Ainsi, il collabore avec diverses associations industrielles et d'autres organisations privées, notamment en organisant la participation du Canada à d'importantes foires commerciales, en organisant des missions commerciales et des voyages de repérage des marchés et en menant des études sur les principaux marchés d'intérêt pour le Canada. À cet égard, le personnel des ambassades et des consulats canadiens, ainsi que les délégués commerciaux du Canada, disséminés dans plus d'une centaine de villes autour du globe, jouent un rôle très actif afin de promouvoir et de défendre activement les intérêts forestiers du Canada à l'étranger(28).

SUGGESTIONS DES TÉMOINS

Plusieurs des témoins entendus par le Comité lors de sa visite en Colombie-Britannique ont fait part de suggestions et de recommandations sur divers aspects de la gestion des forêts canadiennes, et plus particulièrement de celles de la Colombie-Britannique. Comme le Comité n’a pas eu la chance de tenir des audiences ailleurs au pays jusqu'à maintenant, il lui apparaît plus difficile de faire des recommandations formelles à la Chambre des communes sur des questions qui débordent bien souvent du cadre plus restreint qui le préoccupe ici. C’est pourquoi il préfère se limiter à résumer ci-après les principales suggestions et recommandations qui lui ont été faites. Pour mieux informer le lecteur, l’annexe B reprend les principales recommandations faites par les témoins. L’annexe A présente la liste des témoins qui ont comparu devant le Comité dans le cadre de cette étude.

Ainsi, Greenpeace Canada et le Sierra Legal Defence Fund ont souhaité que le gouvernement fédéral accroisse ses dépenses dans le domaine de la forêt, mais pas nécessairement là où d’autres intervenants le souhaiteraient. De fait, ils ont insisté devant le Comité pour que le gouvernement du Canada investisse davantage dans le développement des collectivités rurales afin de diversifier l’économie, surtout en terme de valeur ajoutée, et d’encourager un usage plus parcimonieux de la ressource forestière. Ils ont aussi reproché au gouvernement fédéral de ne pas appliquer sa propre législation de manière assez stricte et exhaustive, particulièrement le volet sur la protection de l’habitat du poisson de la Loi sur les pêches. Enfin, ils ont demandé avec insistance que le gouvernement fédéral adopte une loi visant la protection des espèces menacées et de leur habitat.

Par ailleurs, les représentants de l’industrie forestière et des travailleurs de la forêt de Colombie-Britannique entendus par le Comité ont été unanimes pour supporter le travail actuel du gouvernement fédéral dans la promotion et la défense des intérêts de l’industrie forestière canadienne sur les marchés internationaux. Plusieurs d’entre eux souhaiteraient que les programmes actuels à cet égard soient élargis et reçoivent davantage de financement pour, par exemple, envoyer une délégation plus large de représentants de l’industrie, des travailleurs et des collectivités locales pour défendre les intérêts canadiens sur les principaux marchés d’Europe, d’Asie et des États-Unis(29).

Enfin, les représentants des collectivités locales et autochtones rencontrées dans la région de Bella Coola sur la moyenne-côte de Colombie-Britannique ont dit aux membres du Comité à quel point il leur importe de participer activement, par le dialogue et la concertation, aux discussions sur l’utilisation et la viabilité à long terme de la ressource forestière. Certes, tous reconnaissent que la situation est complexe, particulièrement sur la côte où les revendications territoriales des nations autochtones demeurent un enjeu d’importance. Les chefs des Nations Nuxalk et Heiltsuk ont réitéré la volonté de leur communauté de recevoir leur juste part des ressources naturelles et de pouvoir en faire bon usage dans le respect de leurs traditions. En ce sens, le Comité voit de façon très positive les efforts et les ententes faits par certaines compagnies pour travailler de concert avec les nations autochtones. L’approche de la compagnie Western Forest Products, qui fait appel à des travailleurs forestiers autochtones pour ses opérations sur Yeo Island, est apparue comme une approche très positive, tant pour la compagnie et la Nation Heiltsuk. Le Comité ne peut qu’encourager de telles initiatives.

Le Comité est impatient de continuer son travail sur la question des pratiques d’aménagement forestier au Canada dans le contexte du commerce international. De plus, il désire remercier tous ceux et toutes celles qui ont contribué à l’organisation du voyage en Colombie-Britannique, ainsi que ceux et celles qui ont fait des présentations, formelles ou informelles, devant le Comité.

Un exemplaire des Procès-verbaux et témoignages pertinents (réunions nos 69, 71 à 73, 76 et 77) sont déposés.

 

Respectueusement soumis,

 

Le président,

 

BRENT ST. DENIS








(1) Comité permanent de la Chambre des communes sur les ressources naturelles, Le Canada : Vers une nation forestière modèle, juin 1994, principalement le chapitre 4 B. (Au niveau internaitonal).

(2) "Greenpeace protesters halt timber shipment", Calgary Herald, 27 mars1998, p. A7. Il est important de mentionner que cette appellation particulière de la forêt pluviale de la moyenne côte de la C.-B. est celle des préservationnistes.

(3) "Protest against B.C. timber spreads to Germany", The Edmonton Journal, 29 mars 1998, p. E8.

(4) Stewart Bell, « Boycott grows against B.C. forest products», National Post, 8 décembre 1998, p. A5.

(5) Notons toutefois que pas plus tard que le 26 mai 1999, une dizaine de manifestants de l'organisme Greenpeace ont porté leur lutte pour la protection des forêts dans le magasin Home Depot de Gloucester, en banlieue d’Ottawa (France Pilon, « Greenpeace et la protection des forêts millénaires; Home Depot reçoit de la visite », Le Droit, 27 mai 1999, p. 2.

(6) Sierra Club of British Columbia, The Great Bear Rainforest, information tirée du site internet à : http://www.sierraclub.ca/bc/Campaigns/Temperate_Rainforest/GBR.html.

(7) Greenpeace, British Columbia Communities at the Crossroads : Towards Economic and Ecological Sustainability, août 1998, p. 14.

(8) Sierra Club of British Columbia, op. cit.

(9) D. Bryant, D. Daniel et L. Tangley, The Last Frontier Forests : Ecosystems & Economies on the Edge (What is the Status of the World’s Remaining Large, Natural Forest Ecosystems?), World Resources Institute’s Forest Frontiers Initiative, Washington D.C., 1997.

(10) Tel que rapporté par Greenpeace lors de son témoignage devant le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, à Vancouver, le 13 mai 1999.

(11) Témoignage de Patrick Moore, Forest Alliance of British Columbia, devant le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, à Vancouver, le 14 mai 1999.

(12) Témoignage du Dr Yvan Hardy, sous-misnistre adjoint, Service canadien des Forêts, devant le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, à Ottawa, le 10 mai 1999.

(13) Gouvernement du Québec, ministère des Ressources naturelles, Lancement du document synthèse sur la mise à jour du Régime forestier québécois — Notes pour une allocution de monsieur Jacques Brassard, ministre des Ressources naturelles, lors du lancement du document synthèse sur la mise à jour du Régime forestier québécois, 17 mai 1999.

(14) Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Déforestation de forêts pluviales dans les zones tempérées et la responsabilité du Canada, Proposition de résolution présentée par M. Staes et al., Doc. 8106, 4 mai 1998.

(15) BC Council of Forest Industries (COFI), Canadian Forest Practices as an International Trade Issue, A Submisssion to the Standing Committee on Natural Resources and Government Operations, mai 1999, p. 2-3.

(16) Ibid., p. 4.

(17) Ibid., p. 5.

(18) Témoignage de Greenpeace devant le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, à Vancouver, le 13 mai 1999.

(19) Comité permanent de la Chambre des communes sur les ressources naturelles, Le Canada : Vers une nation forestière modèle, juin 1994, recommandation no 2, p. 35.

(20) CMT pour « Culturally Modified Trees » dans le jargon forestier; se dit des arbres que les autochtones entaillaient pour déterminer si leur centre est creux en vue de la construction de canots. Les CMT doivent être laissés intacts sur les parterres de coupe.

(21) BC COFI (mai 1999), p. 6.

(22) Témoignage du Sierra Legal Defense Fund à Vancouver, 13 mai 1999.

(23) Selon la Coalition canadienne pour la certification de la foresterie durable, site internet à : http://www.sfms.com/rece73hf.htm#2.

(24) Témoignage de la « Forest Alliance of British Columbia » devant le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales à Vancouver, 14 mai 1999.

(25) Lettre de l’honorable Ralph Goodale, ministre des Ressources naturelles, adressée au président du Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales suite à la comparution de représentants de l’IWA, de Western Forest Products et de Interfor en novembre 1998 devant le Comité (reçue le 3 mars 1999).

(26) Ibid.

(27) Ibid.

(28) Ibid.

(29) Présentation de COFI et de IWA devant le Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales lors des audiences de Vancouver, 14 mai 1999.