Passer au contenu
Début du contenu

NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 27 mai 1999

• 0900

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la réunion de 9 heures du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Notre témoin est M. Ernie Regehr, le directeur de Project Ploughshares. Monsieur Regehr, soyez le bienvenu.

Ceci est la suite de notre étude sur la politique des acquisitions et des marchés publics. Nous ne sommes pas ici pour déterminer le bien fondé de ces achats d'armement mais pour déterminer s'il n'y aurait pas une méthode plus efficace et plus efficiente—ce sont, je crois, les deux objectifs clés—pour procurer à nos forces armées le matériel et l'équipement militaires dont elles ont besoin. C'est donc sur ce point particulier que nous nous ferons un plaisir d'entendre vos commentaires.

Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire puis nous passerons aux questions. Je suis sûr que d'autres membres du comité viendront se joindre à nous. Nous ne cessons de prier les membres d'être à l'heure mais cela semble leur poser un problème. Il faudra que je fasse appel à mes vieilles techniques d'enseignant pour y arriver.

Quoi qu'il en soit, je vous invite à commencer.

M. Ernie Regehr (directeur, Project Ploughshares): Je vous remercie infiniment, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici et je vous suis reconnaissant d'avoir la bonté de bien vouloir nous écouter.

Comme vous l'avez rappelé, nous sommes ici pour parler de la politique des acquisitions et des marchés et mon intention est de me concentrer sur cinq questions fondamentales qui à notre avis, ont des répercussions importantes au niveau de la politique des marchés publics et de la politique d'acquisition de matériel et d'équipement militaires. La première à laquelle je consacrerai un peu plus de temps et qui, je sais, à été abordée par un certain nombre de vos autres témoins, est plus fondamentale et concerne la politique de défense et les rôles que cet équipement et ce matériel sont censés soutenir. Pour ce qui est des quatre autres je les survolerai un peu plus rapidement.

Vous avez reçu copie de notre mémoire, je ne le lirai donc pas mais je ferai quelques commentaires s'y rapportant. Nous y parlons de ce qu'on peut considérer comme une norme émergente de responsabilités humanitaires au-delà des frontières. Cette norme internationale émergente se fonde sur les principes fondamentaux de la sécurité humaine. La sécurité humaine, à son tour, se réfère aux obligations des États et à celles de la communauté internationale d'assurer la sécurité et le bien-être des personnes, où qu'elles soient, qu'elles soient à l'intérieur des frontières de votre propre État ou ailleurs, le nouvel argument voulant que la souveraineté n'est plus, ou ne devrait plus être, considérée comme un obstacle légitime à l'accès aux populations vulnérables en danger. En d'autres termes, protéger les civils vulnérables est devenu un devoir, surtout quand ils sont les victimes de leur propre gouvernement qui devrait les protéger.

C'est donc, selon nous, avant tout une forme d'intervention non militaire. Le devoir primordial des États est d'offrir les ressources et l'aide nécessaires aux sociétés en difficulté afin de les aider à mettre en place des conditions sociales, politiques et économiques propices à un état de paix durable—je crois qu'aujourd'hui on parle de consolidation de la paix préventive. Je reviendrai tout à l'heure sur la nécessité d'accorder un plus grand degré de priorité à la consolidation de la paix en lui consacrant des ressources accrues.

Cependant, bien entendu, ces obligations de sécurité humaine au-delà des frontières nationales impliquent également des rôles militaires. Le rôle militaire a pour objet de protéger les vulnérables et d'imposer l'adhésion internationale aux normes internationales aux droits de la personne et à la protection humanitaire.

Lorsque les États n'assurent pas la protection de leurs citoyens, soit par manque de moyens soit par volonté délibérée, les autorités civiles ont besoin d'une aide extérieure. L'intervention militaire ou l'aide de ce genre offerte aux autorités militaires des États en crise, soulève deux questions tout à fait fondamentales, comme vous ne l'ignorez pas. La première est de savoir qui décide quand intervenir, quand franchir les frontières des États souverains. La deuxième et qui, selon moi, concerne plus directement les travaux de votre comité, sont les moyens appropriés et nécessaires pour remplir ces rôles.

• 0905

Je ne pense pas que nous soyons ici pour discuter de la première partie de cette question mais plutôt de la deuxième qui concerne directement la politique d'acquisition de matériel de défense. Les événements tragiques actuels en Yougoslavie et les précédents au Rwanda, en Somalie, en Irak—tous ces événements montrent combien la communauté internationale a encore du travail à faire pour trouver des méthodes effectives de soutien militaire pour atteindre des objectifs de sécurité humanitaire.

Comme la communauté internationale a encore beaucoup de travail à faire, il est évident que le Canada a également beaucoup de travail à faire pour que ses politiques de défense deviennent claires. Cette question de méthode appropriée est directement liée à une question non résolue concernant la politique de défense du Canada. Le Libre blanc de 1994 réclamait des forces polyvalentes, prêtes au combat pour les opérations aériennes, terrestres et maritimes. Nous n'avons toujours pas aujourd'hui, et nous n'aurons toujours pas dans un avenir proche, les ressources nécessaires pour mettre sur pied de telles forces armées.

Certains parmi lesquels nous nous comptons, estiment, pour leur part, que le Canada devrait plutôt se spécialiser dans des forces armées adaptées aux interventions de maintien de la paix et aux missions humanitaires tout en étant capables d'opérer dans des environnements de faible intensité. Le Livre blanc de 1994 devait apporter une réponse à cette question fondamentale mais il ne l'a pas fait. En conséquence, nous croyons qu'il est urgent, avant que le ministère de la Défense nationale ne se lance dans un nouveau programme majeur d'acquisition d'équipement et de matériel, de revoir la politique et la position globale de défense du Canada.

Nous recommandons qu'une attention spéciale soit accordée à l'examen des politiques potentielles de défense du Canada dans le contexte de la doctrine de sécurité humanitaire énoncée par le ministère des Affaires étrangères. Nous croyons qu'il y a une dichotomie fondamentale entre le Livre blanc de 1994 et les politiques que le ministère de la Défense nationale semble toujours enclin à vouloir poursuivre et les nouvelles doctrines de sécurité humanitaire et de consolidation de la paix proposées par le ministère des Affaires étrangères.

La deuxième question de politique concerne le niveau de ressources. Qu'est-ce qui est suffisant, telle est la question. Bien entendu, c'est une question politique à laquelle il n'y a pas de réponse objective. Il n'y a ni bonne ni mauvaise réponse. Cela dépend d'une combinaison de facteurs—le degré de volonté politique disponible pour fournir les ressources, les demandes rivales au sein de toute société pour les ressources et d'autres besoins, et l'évaluation des menaces et des besoins supposés à l'échelle internationale et des rôles circonstanciés des Forces armées canadiennes.

Traditionnellement le Canada a toujours répondu à la question quantitative avec une certaine retenue, supposant toujours que le Canada a un rôle international à jouer mais reconnaissant que le Canada n'est pas un acteur militaire majeur sur la scène mondiale et que le Canada peut en fait apporter des contributions importantes à la paix et à la sécurité internationales par d'autres moyens, y compris les missions de maintien de la paix.

Les niveaux actuels de dépenses militaires—comme nous essayons de le montrer dans notre mémoire et dans les graphiques d'accompagnement, les chiffres que nous fournissons—sont en fait compatibles avec cette approche traditionnelle. C'est une des raisons de la nécessité de cette révision de la politique de défense afin d'identifier les rôles crédibles dans le contexte des ressources disponibles.

Nous tenons à attirer votre attention sur la nécessité de niveaux suffisants de dépenses de sécurité non militaire. De manière traditionnelle le Canada a toujours compris que le développement est essentiel à la paix et à la stabilité. Les structures de consolidation de la paix ne peuvent que renforcer cet engagement mais de manière ironique, juste au moment où les problèmes de consolidation de la paix et de sécurité humanitaire semblent avoir été le mieux exposés et le mieux expliqués comme clé du progrès de la paix et de la sécurité internationales. Le financement pour l'élaboration de ces approches est en chute vertigineuse.

• 0910

Dans les années 90, ces dépenses ont été réduites d'un bon tiers. Elles ne représentent plus aujourd'hui qu'environ 0,3 p. 100 du PNB malgré un engagement formel fixant ce seuil à 0,7 p. 100 du PNB.

On a beaucoup parlé du poids conféré par la capacité militaire mais en réalité l'influence canadienne dans les zones de conflit est beaucoup plus directement liée au niveau de nos engagements de développement économique dans ces régions qu'à nos capacités militaires de combat. Nous recommandons en conséquence qu'on insiste davantage sur le financement des contributions non militaires pour atteindre les objectifs de sécurité humanitaire. Il faut que le Canada propose un plan officiel qui lui permette d'honorer son engagement officiel de 0,7 p. 100 du PNB pour l'APD et pour les activités de consolidation de la paix.

La troisième question sur laquelle j'aimerais brièvement attirer votre attention concerne le commerce de défense entre le Canada et les États-Unis. Comme vous le savez et comme d'autres témoins sont certainement venus vous le dire, l'industrie militaire canadienne est largement intégrée à celle des États-Unis. Les compagnies canadiennes, souvent filiales de compagnies étrangères, construisent des composants pour de l'équipement conçu et construit aux États-Unis. Il y a beaucoup d'exemples d'exclusivité mondiale que des compagnies canadiennes acquièrent par compensation si bien que l'industrie canadienne dépend énormément de l'accès au marché américain. L'accès à ce marché a toujours été considéré comme servant les intérêts des États-Unis et aussi de sa politique de défense.

Il semblerait que la situation est en train de changer. Les États-Unis ne sont plus aussi partisans de l'intégration industrielle en matière militaire avec le Canada qu'ils l'étaient autrefois. Cela se voit dans les changements apportés aux règlements internationaux sur le trafic d'armes que votre comité a étudiés et il semblerait que désormais le Canada sera traité comme tous les autres alliés des États-Unis lorsqu'il s'agit de commerce militaire.

Nous estimons que c'est une occasion unique pour le Canada d'aligner ses relations avec les États-Unis sur les normes internationales et nous recommandons que le Canada exige des licences d'exportation pour les ventes d'équipement militaire aux États-Unis de la même manière qu'il exige des licences d'exportation pour les ventes d'équipement militaire à tous ses autres alliés et à tous les pays où qu'ils soient dans le monde.

Le président: Je m'excuse de vous interrompre. Je crois qu'il est probablement important de rappeler que le gouvernement canadien et l'industrie de défense ne sont pas forcément d'accord avec les dernières tentatives des États-Unis qui veulent éliminer, si vous voulez, le statut privilégié dont jouit l'industrie du matériel de défense. Le gouvernement et l'industrie tentent actuellement de contrer cette initiative.

M. Ernie Regehr: Je vous remercie de votre intervention. Je sais tout cela et je sais que cette initiative ne réjouit pas tout le monde au Canada, bien qu'à notre avis le Canada devrait considérer ces initiatives d'une manière beaucoup plus sereine qu'il ne le fait en ce moment.

Il y a deux raisons importantes à cela. Premièrement, un permis d'exportation n'est pas un acte d'hostilité, c'est un acte de responsabilité et un acte de transparence. La comptabilité des exportations de matériel militaire est entravée par l'absence d'un système de licences d'exportation pour les États-Unis. Le gouvernement canadien peut maintenir des registres en obligeant les compagnies qui exportent des produits à en faire état par le biais des permis qui les autorisent à exporter ces produits. Comme ces permis ne sont pas obligatoires pour les exportations vers les États-Unis, il n'y a pas d'instrument qui fasse état des exportations vers les États-Unis et le rapport annuel du Canada sur les exportations militaires n'inclut pas actuellement le commerce avec les États-Unis car il n'a pas la capacité formelle et effective de contrôler ce commerce. Cela concerne aussi les questions d'exigences d'utilisation ultime.

• 0915

Le point suivant—et il m'en reste simplement un ou deux; je serai bref—concerne d'une manière plus générale la dépendance sur les exportations de l'industrie militaire canadienne. Cette industrie a toujours énormément dépendu des exportations. Dans le domaine des marchés et des acquisitions, la capacité de fabrication militaire est le résultat au Canada d'une politique délibérée des gouvernements fédéraux successifs, et cette capacité militaire repose sur la perception du potentiel d'exportation des produits en premier lieu nécessaires aux Forces armées canadiennes et acquis par elles. Nous mettons ensuite les moyens en place pour fabriquer ici ces produits, et ensuite la viabilité à long terme de ces industries dépend des exportations. Les véhicules blindés légers fabriqués à London en sont un excellent exemple puisqu'ils sont vendus en très grand nombre pour être exportés aux États-Unis et à l'Arabie Saoudite.

Le système ADATS (système d'armes antiaérien et antichars) est un autre produit qui a été mis au point au Canada en sachant parfaitement que sa viabilité dépendait de l'accès à un énorme marché international, accès qui en fait ne s'est jamais matérialisé. Il y a d'autres sous-systèmes et d'autres composants qui sont dans une situation analogue. C'est le cas par exemple des moteurs d'avion Pratt & Whitney.

Il n'a jamais été facile de vendre sur le marché militaire international, et les choses ne s'améliorent pas. En fait, le marché change beaucoup. Comme nous vous l'avons montré dans le mémoire et dans les chiffres que nous avons cités, les ventes militaires canadiennes aux États-Unis ont énormément baissé. Elles représentent qu'un quart de ce qu'elles étaient au milieu des années 80. Les ventes à l'Europe ont connu une baisse presque aussi spectaculaire, chutant de 400 millions de dollars à maintenant 150 millions de dollars. Les ventes militaires du Canada au tiers monde ont toujours fluctué. Elles étaient élevées ces dernières années, mais c'était essentiellement attribuable à la grande vente de VBL à l'Arabie saoudite. De ce côté, je pense que nos ventes sont de plus en plus tributaires du tiers monde, et cela a de graves répercussions au niveau des dispositions régissant les contrôles à l'exportation dans le contexte du respect des droits de la personne et des ventes aux pays qui sont impliqués dans le conflit.

Voilà pourquoi nous avons recommandé que la politique canadienne en matière d'acquisition évite que l'on se serve de ces acquisitions pour doter le Canada d'une capacité de fabrication militaire qui sera tributaire des exportations; parallèlement, le Canada doit resserrer son système de contrôle des exportations militaires en mettant un plus grand accent sur les restrictions visant les pays qui portent atteinte aux droits de la personne et les pays qui sont aux prises avec des conflits internes armés; nous devons aussi porter une attention particulière aux codes de conduite internationaux que l'on articule en ce moment. L'Union européenne et le Canada ont exprimé leur soutien à cette initiative, et les lauréats du prix Nobel de la paix ont proposé un code de conduite beaucoup plus contraignant dont on fait la promotion.

Enfin, un avertissement au sujet de l'équipement ambivalent. Il y a une tendance, et votre comité a aussi entendu des témoignages en ce sens, à l'acquisition croissante par les forces militaires de matériel commercial prêt à être utilisé. C'est beaucoup moins cher. C'est un matériel fiable dans les rôles non combattants mais l'une des répercussions de cet état de chose, ou l'un des facteurs pertinents ici, c'est que ce matériel commercial ne fait l'objet d'aucun contrôle à l'exportation même lorsqu'il est destiné à des utilisateurs militaires. On a vendu des hélicoptères commerciaux canadiens à des utilisateurs militaires, aux forces armées de Colombie par exemple. Les moteurs canadiens Pratt et Whitney, qui sont des moteurs d'origine commerciale, ont été intégrés dans une foule de véhicules de transport et de formation militaire. Aucune de ces exportations, même si elles finissent entre les mains d'utilisateurs militaires, ne nécessitent actuellement de permis d'exportation en vertu du régime de contrôle des exportations militaires.

• 0920

Nous recommandons enfin que les directives régissant le contrôle des exportations militaires soient modifiées de telle sorte que les contrôles à l'exportation portent davantage sur l'utilisateur ultime que sur les caractéristiques et la désignation d'un produit militaire ou non militaire. Autrement dit, s'il s'agit d'un hélicoptère commercial qui est vendu à une armée, cet aéronef devrait faire l'objet des mêmes règlements de contrôle des exportations militaires que les autres produits qui sont vendus à ces forces armées.

Je vous remercie de nous avoir écouté.

Le président: Merci, monsieur Regehr, pour cet exposé.

Nous allons maintenant passer aux questions, un tour de sept minutes, qui va commencer avec M. Goldring du Parti réformiste.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Regehr, pour cet exposé.

Vous avez dit dans votre exposé que vous vouliez faire baisser les exportations militaires, et pourtant, quand je vois les tableaux qui sont devant moi, je constate que les exportations militaires du Canada sont à la baisse et le sont déjà depuis quelques années. Tout le monde sait, étant donné les difficultés que nous avons rencontrées récemment dans les conflits internationaux, que le Canada a du mal à équiper ses troupes. Par exemple, les frégates qui ont pris part à la guerre du Golfe ont dû s'arrêter en chemin pour s'armer. Lorsqu'il est question d'envoyer des troupes sur les lieux du conflit actuel, on discute également de la vitesse avec laquelle nous pouvons les déployer. Envoyer 800 soldats sur ce théâtre semble exiger un effort considérable, et l'on craint que si cette force est augmentée à 2 000 ou 3 000 soldats, il y aura davantage de difficultés.

Le fait est que le Canada se démilitarise depuis la Seconde Guerre mondiale. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, sa contribution a atteint un pourcentage incroyable, et c'est probablement grâce au Canada que l'Angleterre est restée debout jusqu'à ce que le cours des événements change en 1943 avec la bataille de l'Atlantique. Ne croyez-vous pas que nous devrions contribuer au monde à titre de partenaire à part entière dans les conflits, et que pour le faire, il nous faut l'équipement voulu?

M. Ernie Regehr: Certes, nous croyons fermement que le Canada a des obligations internationales qui dépassent ses frontières et qui l'amènent à contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Dans la plupart des conflits qui éclatent aujourd'hui, les causes fondamentales des affrontements tiennent à des conditions socio-économiques qui ne sont plus supportables et qui exigent des correctifs immédiats. Nous reconnaissons aussi dans notre mémoire que les forces militaires peuvent contribuer à assurer la sécurité des personnes, mais que ni la politique canadienne ni la politique internationale ne définissent clairement le rôle que doivent jouer ces forces militaires.

M. Peter Goldring: Mais comment allons-nous déterminer à l'avance le rôle que vont jouer les forces militaires du Canada? Si l'on remonte à la Seconde Guerre mondiale, comment aurait-on pu déclarer à l'avance que la participation canadienne devait prendre la forme d'une marine de 100 000 hommes et d'une marine marchande de 20 000 hommes? Comment aurait-on pu fixer à l'avance ce rôle? Prenons maintenant le rôle que nous avons joué dans la guerre du Golf. L'histoire nous prouve qu'il est très difficile de déterminer à l'avance le rôle que doit jouer le Canada. Et l'on peut remonter aussi à la Première Guerre mondiale, à la bataille extraordinaire que les troupes canadiennes ont remporté à Vimy. Chacun de ces rôles est très différent, et dans chaque cas, on avait peu de temps pour décider. Alors comment allez-vous déterminer à l'avance le rôle des troupes canadiennes?

M. Ernie Regehr: En fait, tous ces rôles ont été déterminés à l'avance. En faisant l'acquisition de matériel militaire, on décide de la capacité que l'on aura à participer à certains conflits. Par exemple, par l'absence, comme on l'a dit à votre comité, de chars modernisés, et du fait que nous sommes incapables de transporter ces chars par avion dans les zones de conflit, le Canada a décidé d'avance de la forme que prendrait sa participation.

Je vous dirais aussi que je ne vois pas de grand parallèle entre les rôles que nous avons joués au cours de la Seconde Guerre mondiale et les rôles que le Canada est appelé à jouer dans les conflits qui se déroulent outre-mer, qu'il s'agisse du Rwanda ou de la Somalie. Ces parallèles ne tiennent pas.

• 0925

M. Peter Goldring: Vous avez parlé aussi de garantir la sécurité des personnes. Nous avons la responsabilité de garantir la sécurité des personnes chez nous aussi. Cela fait intervenir une combinaison inconnue de matériel et d'équipement pour pouvoir garantir la sécurité de notre pays aussi. Ce qui ne veut pas dire que les soldats canadiens doivent être d'éternels casques bleus, que l'armée canadienne ne doit pas avoir de force de frappe et de capacité d'intervention internationales? L'histoire a prouvé dans certains pays qu'on peut utiliser le même matériel lourd pour défendre la sécurité intérieure du pays. Ne devrions-nous pas avoir cela aussi?

M. Ernie Regehr: À mon avis, la réalité est que le Canada va conserver une capacité militaire limitée.

M. Peter Goldring: Traditionnellement, sa capacité n'a pas été limitée. Remontez à la guerre de 1812, ou aux Plaines d'Abraham, ou à la Première Guerre mondiale et à la guerre de Corée, vous allez voir que le Canada a toujours été à l'avant-scène sur le plan militaire; il n'avait donc pas des capacités militaires limitées mais des capacités de premier ordre. L'histoire montre aussi à mon avis que, sur le plan international, ce même équipement de première ligne sert parfois au pays.

M. Ernie Regehr: Je pense que la décision fondamentale est de savoir si le Canada doit doter toutes ses forces armées d'une capacité de combat complète ou s'il doit se spécialiser et avoir une capacité plus robuste dans un certain genre d'activités? Je pense que le débat fondamental est là.

Voyez le contexte actuel des conflits internationaux, où il n'y a en fait qu'une seule guerre, ou en réalité deux maintenant—l'Éritrée et l'Éthiopie, et les accrochages entre le Pakistan et l'Inde—il s'agit dans tous les cas de guerres internes dans lesquelles le Canada et la communauté internationale n'interviendront pas avec le matériel de combat lourd. Lorsque des besoins se présentent, et lorsque les activités canadiennes outre-mer répondent à ces besoins, il s'agit essentiellement d'opérations de maintien de la paix et de contrôle. Nous devons maintenant décider si nous faisons porter nos efforts sur cette activité, ce qui sera probablement le cas, et si nous comptons bien faire les choses, ou si nous préférons nous doter d'une capacité minimale de combat à intensité élevée dans les trois armes, ce qui semble moins probable.

Le président: Monsieur Goldring, nous tâcherons de vous revenir.

Sans vouloir vous faire part de mon opinion personnelle, il est bien connu que la contribution du Canada aux deux guerres mondiales était disproportionnée par rapport à notre population. Votre argument est sensé, à savoir que le passé est le passé et que notre contribution aux deux guerres mondiales était énorme, vu la taille de notre pays, mais je pense que nous sommes entrés dans une ère différente après la guerre. Je crois que M. Regehr parle de l'époque qui a suivi la guerre, et il s'agit là d'une réalité différente.

[Français]

Monsieur Lebel, je vous accorde sept minutes.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Je n'ai pas de questions pour le moment.

Le président: D'accord.

[Traduction]

Nous passons maintenant à M. Richardson pour sept minutes de ce côté-ci, puis à M. Bertrand.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Regehr, bienvenue et merci pour votre exposé.

Notre regard sur le présent et l'avenir est toujours conditionné par deux éléments. Il y a, d'une part, notre statut de partenaire de l'OTAN, et d'autre part, le fait que nous soyons membre des Nations Unies. Dans un cas, il s'agit d'une organisation politique à part entière, et dans l'autre cas, d'une organisation universelle qui rassemble les pays du monde, grands et petits, dans la recherche de la paix.

Les événements récents nous ont montré que la conduite du Canada était conditionnée par ces deux éléments. Nous prenons part au conflit du Kosovo, dans les Balkans, parce que notre pays est membre de cette alliance militaire qu'est l'OTAN. Nous ne pouvons pas nier ce fait. Nous ne pouvons pas revenir sur notre engagement. Quand nous participons, nous participons du mieux que nous pouvons. Nous sommes présents dans les airs, sur terre et sur mer. Nous nous sommes acquittés de cette obligation. Nous avons utilisé nos ressources à leur pleine capacité pour ce faire parce qu'il est vrai que nous avons réduit considérablement nos effectifs depuis l'avènement de la paix en Europe, et depuis que nos anciens ennemis sont devenus nos partenaires.

• 0930

Cette situation a d'autres conséquences. Quand vous appartenez à deux grandes organisations, il ne s'agit pas simplement de verser des cotisations annuelles. On est également obligé de conserver un budget militaire du mieux que nous pouvons ainsi que des capacités militaires pour nous acquitter de nos obligations. On ne peut pas dire qu'on va envoyer au combat des fantassins à peine armés sans chars, sans véhicules blindés, sans hélicoptères d'attaque, etc., si c'est ce qu'il faut dans ce genre de guerre. En nous invitant donc à nous mettre au régime minceur, vous nous demandez de limiter notre participation. Je ne crois pas que cela soit bien juste pour le Canada parce que nous cesserions d'être ainsi des partenaires à part entière et nous ne nous acquitterions plus des engagements que nous avons pris envers l'OTAN et les Nations Unies.

Je ne comprends pas comment vous pouvez concilier cela avec certaines affirmations que vous avez faites aussi au sujet de l'équipement moins lourd et d'une participation moindre dans les cas de guerre intensive. Si vous n'êtes pas bien armés, vous allez vous faire tuer. Il faut donc songer à la vie de nos soldats, nos marins et nos aviateurs, et leur donner le matériel qui les aidera à survivre sur le champ de bataille.

Le président: Voulez-vous une réponse?

M. John Richardson: Oui. Je veux savoir pourquoi il nous recommande de nous doter de matériel léger alors que nous ne pourrions ainsi nous acquitter de nos obligations.

M. Ernie Regehr: La question est celle-ci: comment allons-nous nous acquitter de nos obligations? Tout État doit décider quel est le meilleur moyen d'y arriver. Je ne crois pas qu'il soit question aujourd'hui du Kosovo, mais si notre objectif est humanitaire et vise à la sécurité des personnes, il faut au moins se demander dans quelle mesure nous avons réussi jusqu'à ce jour dans nos interventions, dans quelle mesure nous pensons nous être acquittés de nos obligations en assurant la sécurité et le bien-être des personnes au secours desquelles nous sommes venus. Je sais que ce conflit n'est pas terminé, mais je pense que la communauté internationale va repenser très sérieusement la manière dont elle peut le mieux venir en aide aux communautés exposées à un un péril grave, comme c'est le cas dans cette situation. Tous ces pays vont s'interroger sur ce qu'ils ont fait et se demander si c'était la meilleure façon de venir en aide à ces communautés. Je ne crois pas que vous ou moi ou la communauté internationale ayons la réponse à cette question, mais je pense que le minimum qu'on l'on puisse faire, c'est tirer les leçons de cette expérience, et mettre à profit cet enseignement.

J'estime que le Canada doit tout simplement décider à quel endroit et de quelle façon il entend respecter ses engagements internationaux. Il y a plus d'une façon de le faire. Le Canada a fait valoir de façon passablement convaincante que l'importance des conflits armés qui sévissent un peu partout dans le monde à l'heure actuelle est attribuable aux conditions sociales, politiques et économiques et à la prolifération des armes. Il faut donc agir sur ces facteurs pour assurer la paix et la sécurité dans le monde. De plus, nous avons compris que, dans certaines circonstances, nous devons participer à des opérations de maintien de la paix, même dans des situations où notre marge de manoeuvre est restreinte, et nous avons donc l'obligation de fournir le matériel et la formation qui permettent d'intervenir de façon efficace.

• 0935

Le président: Il reste une minute. Avez-vous terminé, monsieur Richardson? Je vais donner la minute à M. Bertrand, si c'est le cas.

M. John Richardson: Je voudrais tout simplement signaler que certains des aspects qui sont soulevés ici au Comité de la défense par M. Regehr sont d'une importance fondamentale et doivent être soumis au Comité des affaires étrangères.

Le président: Merci.

Nous avons suffisamment de temps pour une question rapide. M. Bertrand est le suivant.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): J'aurais un aspect intéressant...

Le président: C'est M. Bertrand qui est le suivant, madame Longfield. Je m'excuse. Je m'efforce tout simplement de respecter l'ordre.

Mme Judi Longfield: D'accord. Je voulais tout simplement...

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): J'ai combien de temps, une minute?

Le président: Vous avez le temps de poser une question. Nous allons vous revenir. Vous aurez bien d'autres occasions.

M. Robert Bertrand: Dans le mémoire que vous avez présenté devant le comité ce matin, vous déclarez que le Livre blanc prévoit le maintien de forces polyvalentes, aptes au combat. Vous semblez croire que ce n'est pas la voie à suivre.

Notre comité s'est rendu en Bosnie à diverses reprises et je me suis moi-même rendu en Haïti. J'ai l'impression que si nos troupes n'avaient pas été si bien formées, un plus grand nombre des nôtres auraient été tués là-bas. Je me demande si ce ne serait pas compromettre leur sécurité que de les limiter à une seule orientation. Je me demande si vous me comprenez bien.

Le président: Veuillez donner une réponse brève, monsieur Regehr. Nous allons passer ensuite aux autres membres du comité.

M. Ernie Regehr: Je ne suis pas certain d'être en désaccord avec l'idée que les troupes canadiennes doivent, de toute évidence, être formées et équipées en fonction des milieux où elles ont à être déployées. Cependant, par définition, il sera possible de déployer les troupes canadiennes dans certains milieux et non pas dans certains autres. Tous les pays du monde doivent décider à l'avance où leur apport sera le plus utile. Équipons-nous donc pour pouvoir faire ce genre de contribution.

Le président: Merci.

Nous aurons le temps de faire un autre tour et nous allons donc nous efforcer de donner à tous les députés l'occasion de poser des questions. Nous en sommes au tour de M. Earle; il a sept minutes.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

Selon M. Richardson certaines des questions que vous soulevez dans votre mémoire devraient être présentées au Comité des affaires étrangères. Il existe en effet un certain chevauchement. Il ne s'agit pas de cloisons étanches. En effet, les missions que nous voulons confier à nos militaires dépendent souvent de notre politique étrangère et cette politique étrangère dépend souvent de l'importance de nos forces militaires. Il y a donc un chevauchement selon moi et il me semble tout à fait opportun que vous souleviez ces questions devant notre comité.

Pour ce qui est de vos commentaires au sujet du Livre blanc sur la défense, vous dites qu'il ne donne pas une définition suffisante de nos rôles et de nos capacités et qu'un examen en profondeur de la politique canadienne en matière de défense s'impose donc. Voulez-vous dire par là que l'examen de la politique devra porter sur les grands principes directeurs à appliquer aux forces militaires du Canada, qui sont intimement liés à toute notre perception des affaires étrangères, au degré d'intervention que nous envisageons dans les affaires d'autres pays et aux questions relatives aux droits de la personne? Estimez-vous qu'il faut intégrer davantage à la politique cet aspect qui n'y est pas abordé véritablement?

M. Ernie Regehr: Tout à fait. Selon moi, c'est notre politique étrangère qui détermine notre rôle à l'étranger en matière de défense. Comme vous le savez, le ministère des Affaires étrangères et le ministre ont énoncé un ensemble très clair d'obligations et de principes fondés sur les thèmes de la sécurité des personnes et de la consolidation de paix. Il me semble important que le ministère de la Défense nationale souscrive à l'objectif de la sécurité des personnes et détermine quelle forme prendront vraisemblablement les contributions militaires à cet objectif. Comment les forces armées peuvent-elles contribuer à la sécurité des personnes?

• 0940

Selon moi la question n'a pas été traitée dans le Livre blanc de 1994. Évidemment, nous proposons l'orientation que nous estimons être la bonne dans le cadre d'un examen de la politique, mais cette question mérite beaucoup plus d'effort et d'attention qu'on ne lui en a accordés jusqu'à maintenant.

Par exemple, je sais fort bien que les niveaux d'APD relèvent de la politique étrangère et non pas de la politique de défense. Cependant, le Comité de la défense doit tenir compte du fait que, vu la pénurie des ressources, si l'objectif central est la sécurité des personnes, les dépenses au titre du développement contribuent à la réalisation de l'objectif tout comme les dépenses militaires. Il reste alors à se demander quelles sont les capacités militaires qui s'imposent.

M. Gordon Earle: Existe-t-il donc un lien, selon vous, entre toute cette question et celle des exportations de matériel militaire? On a signalé que ces exportations étaient à la baisse. J'ai constaté que c'était le cas par rapport aux États-Unis et à l'Europe mais qu'elles étaient à la hausse par rapport aux pays du tiers monde. Cette question est-elle donc liée à la notion de sécurité des personnes et aux orientations que nous pourrions souhaiter prendre à cet égard?

M. Ernie Regehr: Oui, tout à fait. On s'entend pour dire que la prolifération des armes est l'une des menaces les plus graves à la sécurité des personnes dans le monde. Il faut donc la limiter et il n'est pas logique de poursuivre une politique de contrôle accru tout en poursuivant une politique de dépendance accrue à l'égard des ventes à l'exportation. Voilà pourquoi la question de limitation des exportations militaires est tout à fait liée à celle des achats.

Vous en savez bien davantage que moi sur le sujet, mais j'estime que l'on peut dire sans trop de risque de se tromper que, lors de l'acquisition du matériel d'ADATS, nos responsables militaires avaient établi le besoin d'un système d'arme antiaérien et antichar. Mais on savait très bien également qu'il existait de très considérables débouchés pour ce genre de matériel à l'étranger et que si le Canada était en mesure de le fabriquer chez nous, nous pourrions l'exporter partout dans le monde. Voilà donc un cas où, selon moi, les intérêts des secteurs d'exportation ont nettement influencé la politique d'acquisition qui, à son tour s'est répercutée sur la politique de défense.

Ainsi, ces questions sont liées. Nous devons limiter les exportations, et cela se répercute sur les décisions que nous prenons ici en matière d'approvisionnement en équipement.

M. Gordon Earle: Enfin, pour ce qui est maintenant de votre recommandation au sujet du contrôle de l'équipement ambivalent, vous recommandez que la réglementation visant les exportations de matériel militaire du Canada s'applique à tout l'équipement opérationnel transféré à des utilisateurs militaires. Il serait difficile d'assurer l'application d'une telle mesure, me semble-t- il. Comment savoir dans tous les cas si tel ou tel équipement va aboutir entre les mains d'un utilisateur militaire? Cela pose-t-il problème?

M. Ernie Regehr: Le contrôle de l'utilisation finale me semble très important et doit s'appliquer à tout l'équipement militaire même à celui muni de permis d'exportation, étant donné qu'il faut pouvoir contrôler l'utilisation finale.

Tout comme d'autres pays, nous avons vendu des hélicoptères civils à des forces armées sans exiger de permis d'exportation. Un tel système n'est pas acceptable, selon moi, surtout à une époque où des forces armées vont de plus en plus souvent acquérir du matériel commercial pour l'utiliser comme de l'équipement opérationnel militaire. Ce matériel doit également faire l'objet de mesures de contrôle.

M. Gordon Earle: L'utilisateur final doit être clairement identifié.

M. Ernie Regehr: En effet.

Le président: Merci, monsieur Earle. Je suis d'accord avec vous et aussi avec M. Richardson. Bien que ces arguments soient valables, nous sommes ici en réalité pour nous pencher plus particulièrement sur l'acquisition d'équipement pour nos Forces canadiennes. Donc, ces arguments quoique valables devraient peut- être être s'appliquer à un autre contexte.

• 0945

C'est maintenant le tour de Mme Wayne, si toutefois elle a des questions.

Madame Wayne, vous disposez de sept minutes.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Je n'ai qu'une question. Elle s'adresse au représentant de Project Ploughshares. Selon cet organisme, si j'ai bien compris, notre participation doit se limiter au maintien de la paix et aux interventions humanitaires.

Est-ce bien cela que nous propose Project Ploughshares, monsieur?

M. Ernie Regehr: Dans la mesure où les ressources que nous pouvons consacrer au développement des activités des Forces armées canadiennes au-delà des frontières du Canada sont limitées, nous devons déterminer quelles sont les situations où il est le plus probable que le Canada soit invité à faire une contribution. Or, depuis 20 ou 30 ans ces contributions ont surtout été dans le domaine du maintien de la paix et de l'intervention humanitaire et nous devrions donc renforcer notre capacité à cet égard.

Mme Elsie Wayne: J'ai une autre déclaration à faire. À l'heure actuelle, même ici au Canada, il nous faut des hélicoptères et nous n'en avons pas vraiment. Il y a à peine deux semaines, un Sea King a dû atterrir d'urgence. Donc, nous n'avons pas cette capacité.

Également, nous avons une capacité considérable de construction de navires ici au Canada, et nos chantiers maritimes ne sont même pas en mesure d'être concurrentiels.

Il est donc tout à fait nécessaire d'accroître notre budget de défense dans l'intérêt de nos propres forces armées, pour répondre aux besoins, non seulement ici au Canada mais ailleurs également.

M. Ernie Regehr: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il existe un chevauchement très valable entre les besoins intérieurs du Canada en matériel de défense et les besoins en matériel du Canada pour des missions de maintien de la paix et des interventions humanitaires. Les hélicoptères de recherche et de sauvetage servent tout aussi bien comme moyen d'intervention dans des situations de crise intérieure dans d'autres pays qu'au Canada. Voilà le genre de complémentarité que nous devrions exploiter en matière d'achat de matériel de défense.

Le président: Merci, madame Wayne.

Nous amorçons maintenant un deuxième tour de questions. M. Goldring a la parole à nouveau pour cinq minutes.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup, monsieur le président.

Si j'ai bien compris, vous vous souciez surtout des aspects économiques des achats d'équipement militaire. Permettez-moi de faire porter mes questions plus directement sur certains types de matériel militaire que nous utilisons et que nous avons utilisés à l'étranger. Êtes-vous d'avis, donc, que nous ne devrions pas acheter de l'équipement comme les CF-18, les transporteurs blindés et les frégates?

Il semble ressortir de votre rapport que nous ne devrions pas intervenir dans d'autres domaines que le maintien de la paix. Ainsi, estimez-vous que ce type d'équipement pourrait contribuer aux efforts de maintien de la paix dans le monde? Pensez-vous que nous devrions conserver ou envisager d'acheter ce genre d'équipement?

Le président: Avant que vous ne répondiez, permettez-moi de vous signaler que ces tours de cinq minutes filent très rapidement. Je vais donc vous demander d'être bref.

M. Ernie Regehr: D'accord, merci.

Il faut nuancer, selon moi. Je crois que les frégates ont déjà servi à la surveillance d'embargos. Par conséquent, la capacité qu'elles offrent ainsi que la capacité de transport maritime sur de longues distances peuvent être utiles dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. Les véhicules blindés qui protègent les Forces canadiennes exposées à des situations dangereuses sont importants et le Canada devrait donc en faire l'acquisition.

Je ne pense pas que les F-18 soient très utiles dans le cadre des opérations de maintien de la paix. On ne peut pas protéger des gens vulnérables du haut du ciel. Le Canada ne peut pas transporter rapidement des chars d'assaut lourds pour surveiller la situation sur le terrain au Rwanda ou ailleurs.

• 0950

Voilà donc le genre de facteurs qui entrent en ligne de compte et qui pencheraient en faveur de l'utilisation de véhicules blindés légers... Il faudrait peut-être notamment songer à se donner les moyens d'assurer un pont aérien à plus longue portée.

M. Peter Goldring: Qui va cependant faire le travail rebutant dans le cadre des opérations de maintien de la paix? Le Canada va- t-il faire sa part à cet égard ou va-t-il laisser aux autres le soin de faire le travail rebutant? Si l'OTAN ou les Nations Unies décide d'une intervention sur le terrain, ne serait-il pas raisonnable et juste que le Canada y participe? Autrement, qui va faire le travail rebutant? Qui pensez-vous devrait le faire?

M. Ernie Regehr: On peut répondre à cette question de deux façons. Le Canada devra nécessairement toujours faire des choix. Un pays de la taille du Canada ne peut pas être présent partout. Il faudra toujours faire des choix préalables...

M. Peter Goldring: Que penseront nos partenaires internationaux si le Canada participe aux discussions, mais décide de ne pas se salir les mains? Serait-ce juste et raisonnable?

M. Ernie Regehr: Je ne sais pas ce que vous entendez par «ne pas se salir les mains», car le Canada a toujours fait des choix à l'échelle internationale, tout comme le Royaume-Uni et tous les autres pays. Chaque pays décide de participer à certaines activités et pas à d'autres. Il nous incombe de décider quelle forme prendra notre participation.

Ce que vous qualifiez de travail rebutant n'est pas toujours très efficace. Nous devons vraiment nous demander si le fait d'engager des combats sur le terrain comme on le recommande nous permet vraiment d'atteindre les objectifs que nous nous fixons en matière de sécurité des personnes et de sécurité internationale.

M. Peter Goldring: Comment faire accepter cette notion aux autres participants? Comment le Canada peut-il réclamer des autres pays qu'ils le considèrent comme un partenaire à part entière quand il n'est pas prêt à participer à tous les aspects des opérations? À qui devrait incomber la lourde responsabilité de fournir l'équipement lourd? Ne devrions-nous pas faire notre part à cet égard?

M. Ernie Regehr: Des 19 pays membres de l'OTAN, combien participent aux opérations au Kosovo? Ceux qui n'y participent pas ne sont-ils pas pour autant nos alliés?

La décision de participer ou non à des opérations est une décision qui fait intervenir le principe de la souveraineté d'un État. Il incombe à chaque pays de structurer ses forces armées de façon à pouvoir contribuer utilement aux opérations communes. Tout pays dont les ressources sont limitées doit donc nécessairement faire des choix.

Le président: Je vous remercie, monsieur Goldring.

La parole est maintenant aux députés ministériels dans cet ordre-ci: M. Bertrand, M. Pratt et ensuite M. Richardson.

Mme Judi Longfield: Monsieur le président, puis-je demander une précision?

Le président: Allez-y, madame Longfield.

Mme Judi Longfield: D'où tirez-vous les tableaux que vous nous avez présentés? Vos renvois sont très clairs, mais je ne vois pas quelle est la source de ces tableaux.

M. Ernie Regehr: Pour ce qui est des dépenses militaires canadiennes?

Mme Judi Longfield: J'aimerais savoir d'où sont tirés tous ces graphiques. Vous indiquez comme source pour certains graphiques le ministère des Affaires étrangères ou la Corporation commerciale canadienne, mais vous mentionnez simplement «budget du MDN» pour le premier tableau. Quelle est la source de ce document?

M. Ernie Regehr: Je peux vous indiquer d'où est tiré le tableau. Il s'agit d'un tableau tiré du rapport sur les plans et les priorités du MDN daté de mars 1998 et qui figure dans des éditions précédentes du budget annuel.

Le président: Je vous remercie de cette précision.

Monsieur Bertrand, vous avez cinq minutes.

M. Robert Bertrand: Il est dit dans vos feuillets d'information que le Canada a augmenté ses exportations d'équipement militaire vers les pays du tiers monde ces dernières années. Pourriez-vous nous préciser quel type de matériel militaire nous exportons vers les pays du tiers monde? De quels pays s'agit- il?

• 0955

M. Ernie Regehr: Dans les années 90, l'importante croissance de nos exportations vers les pays du tiers monde était attribuable à la vente de véhicules blindés légers à l'Arabie saoudite, mais nous vendons aussi des produits, des composants et des sous- systèmes militaires à une vaste gamme de pays.

Le rapport annuel du ministère des Affaires étrangères énumère tous les pays auxquels nous vendons de l'équipement militaire. Soit dit en passant, tous ces chiffres sont tirés du rapport annuel du ministère des Affaires étrangères.

Le président: Très bien. Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. J'espère être assez bref.

Monsieur Regehr, croyez-vous au concept de la sécurité collective? J'ai malheureusement raté votre déclaration préliminaire parce que je participais à une autre réunion. Croyez- vous à l'importance de ce concept pour le maintien de la paix mondiale?

M. Ernie Regehr: Oui. M. Clark a parlé d'un régime coopératif de sécurité et nous parlons de sécurité commune.

M. David Pratt: Par conséquent, pensez-vous que le Canada devrait être un participant à part entière de l'OTAN? Il faut nécessairement passer de la parole aux actes.

M. Ernie Regehr: Je regrette de ne pas être d'accord avec vous là-dessus. Je ne pense pas que l'OTAN soit l'instrument principal par l'intermédiaire duquel le Canada devrait s'acquitter de ses obligations en matière de sécurité collective à l'issue de la guerre froide.

M. David Pratt: Dans ce cas, pensez-vous que le Canada ne devrait pas participer à l'OTAN?

M. Ernie Regehr: Je pense que lorsque le Canada...

Le président: Il s'agit d'une question assez simple à laquelle vous pouvez répondre par un oui ou par un non. Je n'y vois pas d'objection.

M. Ernie Regehr: La question n'est pas aussi simple que cela parce que je ne crois pas que l'OTAN devrait à l'heure actuelle avoir autant d'importance à l'échelle internationale. Quant à savoir si le Canada devrait se retirer unilatéralement de l'OTAN, je pense que cette question ne peut donner lieu qu'à un débat futile. À mon avis, nous constatons actuellement le déclin de l'OTAN. Les organisations de sécurité régionale en Europe, en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est et en Afrique australe sont le genre d'organisations qui contribueront de plus en plus au maintien de la stabilité régionale.

M. David Pratt: Qu'est-ce que l'OTAN, sinon une organisation de sécurité régionale?

M. Ernie Regehr: Je crois qu'il y a une distinction importante à faire entre une alliance défensive et une organisation de sécurité régionale. Une alliance défensive vise à permettre à un certain nombre d'États d'unir leurs forces pour se défendre contre un ennemi de l'extérieur. Une organisation de sécurité régionale vise à permettre à des États de s'unir pour assurer la sécurité et la stabilité dans une région.

M. David Pratt: Je ne suis pas en désaccord avec vous là- dessus, mais ne convenez-vous pas que le Canada a certaines responsabilités à titre de pays du G-7? Vous avez mentionné le fait que tous les membres de l'OTAN ne participent pas aux opérations au Kosovo. À titre de pays du G-7 comptant une population de 30 millions d'habitants, à titre d'un des fondateurs de l'OTAN et à titre d'un des principaux promoteurs des Nations Unies, ne pensez- vous pas que le Canada a des responsabilités que n'ont pas des pays comme le Luxembourg, le Danemark, l'Espagne et le Portugal?

M. Ernie Regehr: Tout à fait. Soit dit en passant, c'est pourquoi je pense qu'il est scandaleux que le niveau de notre APD se situe maintenant en deçà de 0,3 p. 100 de notre PIB.

M. David Pratt: Cette discussion me montre qu'il s'agit là sans doute de l'un des rares points sur lesquels vous et moi sommes d'accord.

J'ai une dernière question à vous poser. Je me suis rendu il y a quelques mois au Sierra Leone et j'ai ensuite présenté un rapport sur la sécurité des personnes. J'ai pu constater à ma grande surprise que nous demandons à une organisation de sécurité régionale, dans ce cas-ci le OCOMOG d'assurer la sécurité de centaines de milliers de civils innocents alors que cette force n'a pas l'équipement militaire voulu pour faire le travail. Nous n'avons malheureusement pas de ressources militaires à contribuer à cette mission visant à protéger des civils innocents. Que faire dans ce genre de situation?

• 1000

M. Ernie Regehr: Je suis d'accord avec votre évaluation de la situation. Je vais souvent dans l'est de l'Afrique et au Soudan et j'ai pu constater le même genre de situation au Soudan. Vous admettrez cependant avec moi que le problème qui se pose surtout dans ce cas-là n'est pas de nature militaire, mais plutôt de nature sociale, politique et économique. Je crois cependant que les forces militaires peuvent contribuer à protéger les habitants de ces régions, ce qu'on ne peut pas faire avec des CF-18.

M. David Pratt: On ne peut de toute évidence pas le faire sans de l'équipement lourd.

Le président: Je vous remercie, monsieur Pratt. Vous pourrez poser d'autres questions plus tard. C'est maintenant le tour de M. Lebel.

[Français]

Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel: Vous avez dit que nos exportations vers le marché américain étaient en déclin constant. Lorsque le Canada s'approvisionne en matériel militaire, est-il contraint de faire exclusivement affaire avec les États-Unis? Vous nous avez parlé de ventes aux pays du tiers monde et à des pays autres que les États-Unis. Est-ce que certaines ententes internationales font en sorte que nous sommes des clients captifs des Américains?

[Traduction]

M. Ernie Regehr: Nous ne sommes pas du tout des clients captifs des Américains. Le Canada peut acheter son équipement militaire où il veut, à l'Afrique du Sud, au Brésil s'il le souhaite puisque ces pays possèdent l'équipement voulu. Pendant la guerre froide et dans le cadre des Accords de partage de la production de défense, bien qu'aucune loi ne l'exigeait, il était entendu que le Canada pourrait vendre sur le marché américain des sous-systèmes et des composants militaires, mais qu'il devrait en contrepartie acheter ses principaux systèmes militaires aux États- Unis. Nos exportations et nos importations devaient s'équilibrer au fil des ans. Ce n'est pas exactement ce qui s'est produit, mais c'est le principe sur lequel reposait la collaboration dans le domaine de l'industrie de la défense.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Lorsque vous avez dit que cela ne s'était pas produit, j'ai présumé que le Canada avait encore été en position déficitaire dans le cadre de cette entente.

[Traduction]

M. Ernie Regehr: Non. En fait, le Canada... j'oublie maintenant quelles sont les statistiques exactes, mais à certaines périodes, le Canada exportait davantage d'équipement militaire aux États-Unis qu'il n'en importait. Je ne sais pas exactement ce qu'il en est à l'heure actuelle, en partie parce que le Canada ne compile plus de données officielles sur le commerce entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de l'Accord de partage de la production de défense.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Vous avez parlé d'un contrôle accru des exportations canadiennes vers le marché américain. Je n'en ai pas très bien saisi le but. Je suppose que de telles informations pourraient aussi être très utiles à nos partenaires économiques et qu'elles ne nous sont peut-être pas nécessairement toujours favorables. En tout cas, j'ai beaucoup de difficulté à saisir pourquoi nous devrions avoir une réglementation et tenir des comptes rigoureux en matière d'exportation. Ne serait-ce pas finalement plutôt une exigence que les Américains pourraient poser?

[Traduction]

M. Ernie Regehr: Non. Si je ne m'abuse, les Américains réclament de plus en plus que les exportateurs canadiens soient assujettis à des permis d'exportation. Nous soutenons que les exportations canadiennes vers les États-Unis doivent être traitées de la même façon que les exportations canadiennes vers l'Allemagne et le Royaume-Uni, dans la mesure où les exportateurs vers ces pays doivent obtenir des permis. Je pense que presque toutes les demandes de permis d'exportation vont être approuvées. Je ne crois pas que cela constitue un grand obstacle au commerce.

La raison principale pour laquelle nous sommes en faveur de l'imposition de permis d'exportation vers les États-Unis est que nous aimerions que ce pays soit traité comme tous nos autres alliés pour des fins de transparence. Les permis d'exportation nous permettraient de connaître le volume des exportations du Canada. Les entreprises sont tenues par la loi de divulguer les produits qu'ils vendent en fonction des permis d'exploitation. Nous ne savons pas ce que nous exportons aux États-Unis parce que les exportateurs ne sont pas tenus d'obtenir des permis d'exportation vers ce pays. Par conséquent, le Canada peut établir des statistiques sur les ventes d'exportation vers l'Inde et le Royaume-Uni, mais il ne peut pas faire la même chose en ce qui touche les ventes aux États-Unis qui sont cependant notre principal client. Nous devrions cependant pouvoir le faire.

• 1005

Un petit nombre de véhicules blindés ont d'ailleurs été exportés aux États-Unis sans que personne n'en ait eu vent. Ces blindés n'ont pas été inclus dans le rapport annuel du Canada au Registre des armes classiques des Nations Unis. Un système de permis d'exportation vers les États-Unis permettrait aussi au Canada de respecter l'engagement qu'il a pris de divulguer ses exportations d'armes au Registre des armes classiques des Nations Unis en vertu de la Convention sur les armes de l'OEA.

Le président: Merci, monsieur Lebel.

Monsieur Richardson.

M. John Richardson: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir à la théorie selon laquelle le grand principe sur lequel au cours des années, et certainement depuis la Première Guerre mondiale, repose la politique canadienne en matière de défense, c'est la sécurité collective. On parle de sécurité collective lorsque des pays animés du même esprit et des mêmes valeurs décident de s'entraider si l'un ou l'autre d'entre eux devait être envahi; lors de la Deuxième Guerre mondiale, c'est ce qui s'est passé à la suite de l'invasion de la France et d'autres territoires par l'Allemagne.

Cette invasion justifiait l'intervention des alliés en vue d'aider les pays exposés par les visées de l'Italie et de l'Allemagne. Mais nous n'en sommes plus là aujourd'hui. Lors de la guerre de Corée, nous sommes devenus un corps expéditionnaire envoyé par l'ONU et appuyé par celle-ci. Puis, nous sommes intervenus dans la guerre du Golf et dans toutes sortes d'autres petites guerres dans le monde entier, généralement pour soutenir des causes justes, et pour démontrer aux autres pays belligérants qu'ils ne pouvaient pas entrer en guerre dans le simple but de mettre la main sur les propriétés d'autrui et de repousser leurs frontières en envahissant les pays voisins.

Ce contrat de sécurité collective nous a assuré une certaine stabilité au cours des ans. Les pays qui y adhèrent sont des pays dont tous les gouvernements ont été élus démocratiquement et qui portent haut le flambeau de la démocratie. Or, nous en sommes arrivés au point où vous laissez entendre que ces gouvernements pourraient faire problème pour nous. Vous voudriez que nous pénétrions dans d'autres pays, que nous nous éloignions de nos alliés traditionnels, que nous mettions tous nos oeufs dans le même panier et que nous allions voir quelles sont les causes que nous pouvons appuyer, alors que nous nous sommes engagés à respecter fermement les règles de l'OTAN, ce qui devrait être notre priorité la plus haute.

Je ne vois pas comment vous pouvez affirmer que notre pays doit changer aussi radicalement de cap, décharger notre matériel militaire et nous installer comme nous l'avons fait au Rwanda, au Burundi et en Somalie, alors que nous étions équipés très légèrement et dépassés en nombre par les gens que nous étions justement censés aider.

Votre logique m'échappe. Je suis sûr que de bons motifs vous animent et que vous avez le coeur à la bonne place. Mais vous nous demandez, nous qui sommes un des grands pays du monde, de changer radicalement de cap par rapport à ce que font nos alliés, et je ne crois pas que cela soit acceptable.

M. Ernie Regehr: Ce n'était pas parce qu'elles étaient armées légèrement que les Forces armées canadiennes ont été délogées en Somalie. Je ne suis pas sûr de comprendre votre raisonnement. Ce n'est en tout cas pas ce qui s'est passé en Somalie. Que je sache, les Forces armées canadiennes n'ont jamais été dépassées par les événements, où que ce soit dans le monde, parce qu'elles étaient inadéquatement équipées.

• 1010

M. David Pratt: En Croatie. Voilà un exemple qui illustre très bien ce qui s'est passé récemment...

M. Ernie Regehr: Merci, vous avez raison. Mais ce n'était pas en Afrique. Je ne vois pas comment vous pouvez conclure que cela reviendrait à rompre avec vos alliés traditionnels.

Ce que je ne comprends pas, c'est la distinction que vous faites de votre côté entre la défense collective et la défense mutuelle. J'imagine que vous êtes d'accord avec l'élargissement de l'OTAN. Voilà justement une organisation qui s'occupe de la sécurité mutuelle de l'Europe. Pourquoi n'est-il pas possible de participer à une entreprise de sécurité mutuelle en Europe tout en assurant la sécurité mutuelle des membres de l'organisation? Pourquoi cela poserait-il un problème? Nous ne prônons que le Canada se retire du monde; au contraire, ce que nous prônons ici, c'est que le Canada y joue un rôle actif et valable.

Dieu sait qu'il n'est pas nécessaire de chercher loin pour trouver des causes. De nombreuses régions du monde connaissent une instabilité énorme. La grande famille des nations doit trouver une façon et des moyens de participer utilement aux efforts pour apporter une certaine stabilité à ces régions fragiles du monde, que l'on parle de l'Afrique occidentale, de l'Afrique orientale ou du Kosovo.

Le président: Merci, monsieur Richardson.

Il ne nous reste plus de temps et je ne voudrais pas me permettre, comme président, d'interpréter vos propos. Pourtant, monsieur Regehr, la question qui vous avait été posée sur le maintien de la participation du Canada à l'OTAN était relativement directe. Mais sans vouloir vous offenser, j'ai trouvé votre réponse assez alambiquée, pour le moins. Vous semblez conseiller que le Canada se retire de l'OTAN.

Il serait important, je pense que vous donniez une brève explication pour les fins du compte rendu. Mais votre réponse était plutôt compliquée et tortueuse, et vous sembliez suggérer un retrait de l'OTAN.

Avez-vous un énoncé clair à ce sujet?

M. Ernie Regehr: Je pense que les opérations de sécurité collective ne doivent plus se faire à partir d'alliances de défense, il faut plutôt passer à des organisations de sécurité mutuelle. Ainsi, la responsabilité en matière de sécurité en Europe doit passer de l'OTAN à l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le Canada participe à cette organisation et c'est là qu'on pourra assurer à long terme la sécurité en Europe.

Le président: Merci.

Avant de donner la parole au député suivant, je veux vous parler un instant du voyage que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants a fait en Allemagne en janvier, et auquel un certain nombre de nos collègues ont participé. Les dirigeants militaires et politiques de l'Allemagne et d'autres pays d'Europe ont dit sans ambages en privé à certains d'entre nous qu'ils tiennent fortement à ce que le Canada maintienne sa participation à l'OTAN. Je ne vous demande pas de répondre, je vous transmets simplement ce renseignement.

Nous passons maintenant à l'intervenant suivant, M. Earle.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, M. Regehr n'a pas nécessairement besoin que je le défende ou que quelqu'un d'autre le défendre—il se débrouille fort bien—mais je me sens obligée de soulever cette question, monsieur le président. Je pense qu'il ne convient pas du tout...

Le président: Un rappel au Règlement?

M. Gordon Earle: Oui, il s'agit d'un rappel au Règlement. J'en viendrai ensuite à mon observation. Je pense qu'il ne convient pas que vous, monsieur le président, forciez le témoin à répondre à une question par un simple oui ou non. Les témoins devraient avoir la possibilité de répondre comme ils le jugent bon et de donner les explications qu'ils estiment nécessaires. Il ne sied pas au président, à mon avis, de faire une observation biaisée ou de présenter une position quelconque. Je commence à avoir l'impression que le président a une position sur la question de l'OTAN.

Le président: Il n'y a pas de problème. Je comprends votre point de vue, mais je vous réponds ainsi. Je sais que vous voulez une réponse. Vous avez formulé un argument valable. Il m'incombe en tant que président de m'assurer que le témoin répond à la question qu'on lui pose.

M. Gordon Earle: Oui, et il l'a fait.

Le président: Ce témoin a demandé à comparaître et il sait de quoi il est question au comité. J'ai accordé au témoin beaucoup de latitude en ce qui concerne des questions qui ne concernent pas directement, je le dis franchement, le Programme canadien d'acquisition d'équipement. Je pense que vous devriez reconnaître, et M. Regehr devrait le reconnaître également, que je lui ai accordé beaucoup de latitude. Mais quand nous parlons d'une question très précise et très directe qui lui est posée, je pense qu'il m'incombe à titre de président d'essayer d'aider celui qui a posé la question à obtenir une réponse directe à une question directe.

J'ai bien entendu votre argument et je ne veux pas utiliser les cinq minutes qui vous sont allouées.

M. Gordon Earle: Je n'utiliserai pas les cinq minutes auxquelles j'ai droit.

Le président: Vous avez déjà commencé.

M. Gordon Earle: Permettez-moi d'être d'un autre avis.

Le président: Très bien.

• 1015

M. Gordon Earle: Le témoin a effectivement répondu à la question. Si le député qui a posé la question n'est pas satisfait de la réponse, il peut poser une question complémentaire. Je n'estime pas cependant qu'il incombe au président de dire au témoin que c'est une question très claire et qu'il suffit d'y répondre par oui ou par non. Je ne pense pas que cela soit nécessaire.

Le président: J'ai entendu votre argument et disons que nous restons sur nos positions respectives.

M. Gordon Earle: Bien. Je vais passer à mes observations.

On a discuté beaucoup de l'OTAN et quelqu'un a dit que les Canadiens devraient être partenaires à part entière de l'OTAN. Je pense que certains ne savent pas qu'être partenaire ne signifie pas nécessairement que tout le monde fait la même chose. Un partenariat se constitue parce que certains sont forts dans un domaine spécifique, ce qui leur permet d'aider ceux qui sont faibles dans ce domaine, et qui peuvent les aider à leur tour dans d'autres domaines où ces derniers sont plus forts.

Le Canada a toujours joué un rôle très important sur le plan du maintien de la paix et de la diplomatie, comme en fait foi le rôle joué par Lester Pearson dans l'affaire du canal de Suez et la résolution portant sur l'Union pour le maintien de la paix, par exemple. Nous avons toujours eu un rôle très précis qui était très différent du rôle de force militaire agressive joué par les États- Unis. Le fait que l'un des partenaires soit plus agressif que l'autre dans un domaine donné ne signifie pas que nous ne sommes pas des partenaires égaux. Je pense donc qu'il faut le dire bien clairement.

Je veux demander à M. Regehr si, lorsqu'il parle de l'examen du Livre blanc sur la défense ainsi que de nos rôles et de nos capacités, il veut dire en réalité que nous devons examiner notre rôle même au sein de l'OTAN, par exemple, et peut-être aussi notre rôle au sein des Nations Unies, afin de pouvoir déterminer quel type de force militaire nous aurons, quel processus d'acquisition nous adopterons et quel équipement nous achèterons. Est-ce ce que vous voulez dire en parlant de cet examen du livre blanc?

M. Ernie Regehr: Oui, c'est exactement cela. Le Canada aura toujours une capacité militaire limitée. Nous devons être sélectifs quant aux endroits où nous utiliserons ces capacités, quant à la contribution que nous ferons, c'est-à-dire les endroits où nous pourrons être le plus efficaces et où l'on risque d'avoir le plus besoin de nous.

Je ne suis pas le seul à parler ainsi; d'autres témoins qui comparaissaient devant le comité au sujet du programme d'acquisition ont parlé de questions fondamentales de politique de défense, comme j'ai pu le lire dans le témoignage de M. Bland et du témoin de Jane's. Ces deux témoins ont dit catégoriquement au comité que le Canada n'avait pas de politique adéquate en matière de défense pour lui permettre de prendre des décisions en matière d'acquisition. Il faut remédier à cette situation et prendre une décision à cet égard avant de pouvoir entreprendre des activités importantes d'acquisition. Il est très important à mon avis d'examiner les modalités d'un programme d'acquisition, les arbres, si vous voulez, mais il faut aussi jeter un regard sur la forêt. Et c'est là qu'il y a une division au sein du Canada, à mon avis.

M. Richardson a dit que mes observations ne reflétaient pas l'opinion du Canadien ordinaire. Les Canadiens ordinaires sont divisés sur cette question même. Le Conseil Canada 21, composé de Canadiens éminents, a présenté une vision très différente de la politique de défense du Canada par rapport à ce qu'on retrouve dans le présent livre blanc sur la défense. Cela ne signifie pas que le Livre blanc représente l'opinion du Canadien ordinaire alors que tous les autres sont marginaux; il y a tout simplement un manque de consensus au Canada. Le Canada ne trouvera jamais la volonté politique et l'appui politique voulus pour un grand programme d'acquisition militaire tant qu'il y aura absence de consensus et qu'on aura l'impression que la politique canadienne de défense ne reflète pas un consensus à l'échelle du Canada.

Je pense donc qu'il est urgent d'agir, et je dis au comité que nous devons trouver un équilibre entre la préoccupation que j'ai entendu formuler au comité au sujet de la sécurité collective en Europe et la préoccupation pour la sécurité humaine en général au- delà de l'Europe et de l'OTAN, là où de véritables guerres font présentement rage, et là où d'autres guerres véritables viendront s'ajouter à celles qui font rage actuellement en Europe.

Le président: Merci, monsieur Regehr, et merci à vous, monsieur Earle.

Je pense que c'est exactement la raison pour laquelle nous avons accédé à votre demande de comparaître. Il est très important de tenir ce débat, à mon avis, mais il y a certains paramètres que je dois également essayer de faire respecter.

La parole est maintenant à M. Pratt.

M. David Pratt: Vous parlez de guerres véritables. Revenons un instant au cas de la Sierra Leone, où se déroule très certainement une guerre véritable. Je ne veux pas dire par là qu'il n'y a pas de guerre véritable au Kosovo, car je pense qu'il y en a une là aussi.

Mais en Sierra Leone, un groupe de rebelles—il s'agit essentiellement d'une guerre économique—essaient de contrôler une région riche en diamants. Ils achètent des armes de pays de l'Europe de l'Est sur le marché international, ils ont déplacé plus d'un million de personnes, des centaines de milliers de personnes se retrouvent dans des camps de réfugiés, et la situation est telle que la Force ouest-africaine de maintien de la paix qui se trouve là-bas a désespérément besoin d'aide. Les États-Unis ont fourni un appui logistique à la force de maintien de la paix. Les Britanniques apportent à la fois une aide létale et non létale. Le Canada n'a pas aidé énormément, dans l'ensemble.

• 1020

Certains estiment que, du point de vue militaire et humanitaire, vous devez avoir le contrôle du terrain avant de pouvoir venir en aide aux gens qui ont les plus grands besoins, étant donné que nous ignorons ce qui se passe à l'intérieur de la Sierra Leone. Le gouvernement ne contrôle vraiment que la péninsule de Freetown. Par conséquent, dans les circonstances, conviendrez- vous que le Canada devrait fournir une certaine aide létale et non létale aux forces de l'ECOMOG afin qu'elles puissent se porter au secours de la population dans le besoin? Il y a des gens qui meurent de faim là-bas.

M. Ernie Regehr: Je dirais que oui. Il faut tenir compte des détails de la situation en Sierra Leone et du genre de contribution qui sera efficace au lieu de plonger les gens dans une guerre contre-révolutionnaire prolongée. Je crois que les objectifs militaires que vous appuyez doivent être clairs. Par conséquent, si l'on poursuit des objectifs militaires bien clairs en aidant l'ECOMOG à créer des zones sûres ou à contrôler l'accès à des ressources importantes comme les mines de diamant, à les entourer d'un cordon et à les préserver pour le bien public, je crois qu'effectivement la situation là-bas est tellement extraordinaire qu'une aide internationale est requise d'urgence.

Je suis d'accord avec vous sur le principe, comme nous le disons dans notre mémoire, mais je crois que la communauté internationale a beaucoup de travail à faire pour décider des moyens d'intervention les plus efficaces en pareilles circonstances. Je crois qu'au Canada le centre Pearson fait une importante contribution en explorant ces questions et d'autres points. Vous avez parfaitement raison. C'est certainement à ces questions qu'il faut porter une attention prioritaire, et le Canada doit être prêt à apporter sa contribution à la sécurité.

M. David Pratt: Pour approfondir un peu plus le genre d'équipement dont les gens ont besoin en Sierra Leone, ils pourraient certainement se servir de véhicules de transport pour déplacer leurs troupes du point A au point B, étant donné que les Nigérians, les Ghanéens et les Guinéens qui font partie des forces de l'ECOMOG en Sierra Leone ne disposent que d'une capacité militaire très limitée. Comme tout observateur militaire qui s'est penché sur la situation, je suis également convaincu que si nous voulons un règlement rapide du conflit, il ne s'agit pas d'égaler les rebelles sur le plan de l'équipement, mais d'avoir une certaine supériorité sur le plan de la technologie et de l'armement. Dans ce cas, vous avez besoin de blindés légers, de chars et d'hélicoptères d'attaque pour mettre fin au conflit le plus rapidement possible afin que les gens puissent retourner chez eux, reprendre leur vie et rebâtir leur système d'éducation et leur économie.

Dois-je donc comprendre que le directeur de Project Ploughshares estime qu'il faudrait exporter du matériel, fournir une aide militaire, létale et non létale, aux forces de l'ECOMOG en Sierra Leone? Est-ce bien ce que vous avez dit? C'est ce que j'ai cru comprendre. Si vous avez dit cela, si vous avez répondu à ma question par l'affirmative, je crois que vous avez parfaitement raison. C'est, je crois, ce que la morale exige dans les circonstances.

Le président: Veuillez être succinct, monsieur Regehr, car d'autres membres du comité ont des questions.

M. Ernie Regehr: Le contexte est très important. Il faut comprendre que le problème fondamental en Sierra Leone—et vous en conviendrez sans doute—n'est pas de nature militaire.

M. David Pratt: Il l'est actuellement.

M. Ernie Regehr: Il faut accompagner une solution militaire de toutes sortes d'autres solutions diplomatiques et économiques. Deuxièmement, la confiance dans l'efficacité de la technologie de pointe a souvent été ébranlée. Elle l'est actuellement au Kosovo et elle l'a été dans de nombreux autres contextes. Par conséquent, l'idée selon laquelle... Disons que je ne suis pas tout à fait d'accord quand vous dites que nous devons intervenir pour retrouver une solution militaire rapide. Il est arrivé trop souvent que la solution militaire rapide ne soit pas si rapide et ne soit pas une solution. Mais cela dit, j'estime que la communauté internationale doit avoir les moyens de venir en aide aux organisations régionales qui tentent de rétablir la stabilité dans un conflit comme celui- là, et cela comprend une capacité militaire.

• 1025

Le président: Merci, monsieur Pratt.

La suivante sera Mme Wayne. Vous n'avez pas d'autres questions?

La dernière intervenante sera donc Mme Longfield, et je rappelle aux députés que nous avons prévu une discussion importante pour 10 h 30.

Mme Judi Longfield: Une courte question, au sujet de votre exposé. Au paragraphe 2.8, vous parlez des dépenses par soldat, et vous dites qu'au Canada elles sont de 22 800 $ par soldat, ce qui se compare assez avantageusement à la situation en Allemagne et en Italie.

J'aimerais revenir à notre rôle de maintien de la paix en Bosnie. À votre avis, ou, si vous avez fait des recherches... Avons-nous le matériel nécessaire pour protéger nos effectifs là- bas, et pour leur permettre de faire ce qu'ils sont censés faire là-bas, selon le rôle traditionnel de maintien de la paix du Canada?

M. Ernie Regehr: Je ne suis pas vraiment en mesure de répondre directement à cette question. Que je sache, il n'y a pas de leaders militaires canadiens qui se sont plaints de manière importante du manque de matériel là-bas. Je peux me tromper, mais je pense qu'il faut écouter leurs témoignages plus soigneusement avant de répondre. Mais je suis d'accord avec vous: quand on envoie des troupes canadiennes en mission de maintien de la paix là où il y a du danger, il faut les équiper comme il faut.

Le président: Merci.

Monsieur Regehr, je tiens à vous remercier infiniment d'avoir comparu aujourd'hui et d'avoir partagé des sentiments et des avis très importants, qui, comme nous l'avons constaté, sont aussi ceux de nombreux Canadiens, et, dans une certaine mesure, sont aussi les nôtres. Je pense que vous avez contribué à notre examen global de ce sujet important. Nous vous avons permis une certaine latitude, puisque cela nous semblait nécessaire, et une chose doit être claire: chaque fois que j'ai cherché à vous faire préciser votre réponse, ou à rendre une question plus précise, c'était pour faciliter la discussion. J'apprécie beaucoup votre présence ici aujourd'hui. Merci.

M. Ernie Regehr: J'apprécie votre aide et je vous remercie aussi de m'avoir reçu. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Bon. Maintenant que nous avons remercié M. Regehr, je vous signale que l'ordre du jour dit que le reste de notre discussion se déroulera à huis clos, mais à titre de président j'estime que ce n'est pas nécessaire. Vous pouvez me dire ce que vous en pensez, mais je ne vois pas le besoin d'un huis clos. Nous allons simplement parler du calendrier du comité, de la façon dont on achèvera notre travail sur les marins marchands. Étant donné mes antécédents municipaux, je préfère éviter le huis clos, dans la mesure du possible. Je ne pense pas que ce soit nécessaire aujourd'hui.

Comme personne n'a d'objection, nous poursuivons en séance publique.

Voici notre ordre du jour, chers collègues: je voulais que le comité discute de la motion présentée par Mme Wayne, de l'échéance prévue pour notre discussion sur l'indemnisation éventuelle des marins marchands, et de l'échéance prévue pour le rapport rédigé par le personnel.

Commençons donc par cette motion de Mme Wayne. Une certaine confusion l'entoure, et je comprends maintenant pourquoi des témoins précédents pensaient que le comité avait adopté la motion de Mme Wayne. J'ai corrigé cette erreur. Quand j'ai vu le compte rendu, j'ai constaté l'erreur, et d'ailleurs M. Dupuis a clarifié la chose.

Ce que nous avons fait, en réalité, c'est accepter de recevoir et de déposer la motion de Mme Wayne, puis de tenir les audiences que nous venons de terminer. Nous étions convenus de ramener la motion de Mme Wayne en temps opportun. Mais on pouvait lire au procès-verbal que nous avions adopté la motion, ce qui est une erreur assez importante. Je peux vous assurer qu'il y a eu rectification et clarification par le greffier qui s'occupe du procès-verbal officiel.

• 1030

Nous avons donc la motion présentée par Mme Wayne, dont vous êtes de nouveau saisis aujourd'hui, à ma demande. Nous ne voterons pas aujourd'hui, manifestement, puisque nous n'avons pas encore notre rapport. Je voulais que vous en soyez saisis pour que vous sachiez sur quoi porter votre attention lorsque notre personnel produira le rapport. C'est la première chose que j'avais à dire.

Ensuite, nous devons réfléchir au calendrier de la semaine prochaine. Quelques députés m'ont parlé de graves conflits d'horaire pour la fin de la semaine prochaine. Plutôt que d'avoir très peu de membres réguliers du comité à cette séance, j'ai demandé au greffier de l'annuler, à contrecoeur. Je n'aime vraiment pas annuler des séances. Depuis que je suis président, vous savez que nous n'avons annulé aucune séance. Je présume que c'est ainsi pour la plupart des présidents de comités. Mais bon nombre de députés des deux côtés m'ont parlé de difficultés pour la fin de la semaine prochaine. Alors plutôt que d'avoir ici un groupe de remplaçants qui ne savent pas ce que nous avons fait, ce qui serait infructueux, nous annulons la séance de jeudi prochain. Nous aurons notre séance habituelle mardi.

Ce jour-là, nous recevrons du personnel le rapport sur la marine marchande, en fonction des orientations que nous donnerons au personnel dans quelques instants. Nous reparlerons de la motion de Mme Wayne. Il faudra bien prendre une décision à ce sujet, d'une façon ou d'une autre. Nous prendrons cette décision le 8 juin. Je présenterai le rapport du comité à la Chambre le 9 juin. D'après les rumeurs que nous avons tous entendues, ce pourrait être le dernier jour de séance de la Chambre. Je pense que nous voulons terminer cela avant le congé estival.

Le mardi 1er juin, toute la séance portera sur le Kosovo. La séance d'information habituelle de 15 h 15 se poursuivra comme une séance d'information mixte. M. Graham et sa délégation seront de retour, et il a demandé du temps pour présenter un rapport oral à cette séance mixte. C'est certainement quelque chose que nous souhaitons aussi. Cela prendra au moins une demi-heure. M. Robinson sera de retour aussi, et, le connaissant, il voudra certainement qu'il y ait un débat et une discussion, et il a bien raison. Avec réalisme, nous avons décidé que la séance durerait de 15 h 15 à 17 h 30 et porterait sur le Kosovo. Ce sera le jour du Kosovo.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): J'invoque le Règlement. Parlez-vous de mardi, monsieur le président?

Le président: Oui, du mardi 1er juin.

Ensuite, à 17 h 30, si notre comité a encore quelque chose à dire au personnel au sujet du rapport, nous pourrons le faire, mais je crois que nous en finirons avec les instructions ce matin.

Voilà en gros ce que nous ferons d'ici le congé estival, ou l'ajournement, comme vous voulez.

Bob.

M. Bob Wood: Essentiellement, monsieur le président, vous nous dites qu'il n'y aura pas de séance du tout la semaine prochaine.

Le président: Non, je dis qu'il y aura une séance mardi, notre séance d'information mixte sur le Kosovo.

M. Bob Wood: Bien. Mais pour ce qui est de la marine marchande, vous n'avez pas prévu de séance jeudi, n'est-ce pas?

Le président: Il n'y aura pas de séance jeudi. S'il nous faut davantage de temps pour la marine marchande, on pourra le faire à la fin de la séance d'information sur le Kosovo, mardi. C'est ce que j'ai dit. Mais ce ne sera peut-être pas nécessaire.

M. Bob Wood: Je voulais simplement clarifier les choses. Bien.

Le président: Voilà notre calendrier. Avez-vous des commentaires ou des questions? Peter.

M. Peter Goldring: Nous devions avoir une liste comparative des marines marchandes de l'Angleterre, des États-Unis, de l'Australie et de la Norvège. Pour que cela fasse partie du rapport, savons-nous quand nous l'obtiendrons?

Le président: Quelqu'un a-t-il eu des nouvelles de M. Nicholson? Monsieur Wood.

M. Bob Wood: Rafraîchissez-moi la mémoire, Peter. Je me souviens que vous l'avez demandé, mais nous avons reçu de la documentation du ministre sur la façon dont les autres pays avaient traité les marins marchands. Je sais que vous avez demandé quelque chose, mais je ne sais pas si c'est ce qu'on vous a donné lors de la comparution du sous-ministre la semaine dernière.

Le président: Le sous-ministre est venu ici, et vous avez demandé davantage d'information.

M. Peter Goldring: C'était assez précis. Nous avions des comparaisons entre la marine marchande et les forces armées, et je lui ai dit que ce serait bien plus clair pour nous, dans notre rapport final, s'il y avait aussi des comparaisons semblables avec les marines marchandes de l'Angleterre, des États-Unis, de la Norvège et de l'Australie, je crois, afin que l'on puisse comparer le traitement réservé à notre marine marchande à celui qui a été réservé aux autres marines marchandes.

• 1035

Le président: Nous demanderons au greffier de vérifier auprès de M. Nicholson. Il a pris note de la demande mardi, à sa comparution, et nous nous efforcerons... Comme je l'ai dit, je lui ai fait part de l'échéance, il est au courant. Il pourrait au moins faire parvenir cette information aux recherchistes, qui l'intégreront au rapport, en même temps qu'à nous.

Parlons maintenant du rapport. D'après moi, en tant que président, je crois que nous avons entendu de nombreux témoignages, de nombreux témoins, parfois contradictoires. Que l'on soit d'accord avec eux ou non, je crois que le sous-ministre a clarifié bien des choses, notamment ce qui s'est passé dans d'autres pays, par exemple, et au Canada même, d'ailleurs.

Étant donné l'échéance, je ne m'attends pas à un rapport aussi volumineux que celui de notre sous-comité. Je présume que nous aurons un rapport de cinq, six ou sept pages qui résumera les témoignages entendus, les demandes qui ont été faites, les solutions qui pourraient être proposées, d'après le personnel. Ce n'est pas à eux de nous dire quoi choisir; c'est à nous de prendre la décision politique.

Est-ce clair pour le personnel? Est-ce que cela vous convient?

M. Wolf Koerner (attaché de recherche du comité): Oui. Autrement, nous nous débrouillerons.

Le président: Est-ce que l'un de vous a des questions pour le comité, sur ce que nous recherchons?

M. Wolf Koerner: Je ne crois pas. Nous avons déjà fait un rapport sur ce sujet en 1992. Au sujet de la motion de Mme Wayne, je pense que certains problèmes ont été réglés. Le comité devra prendre une décision sur la rétroactivité, par exemple, et nous présenterons des options. Étant donné les témoignages, nous savons assez bien ce qui s'est passé, et je pense que nous pouvons rapidement vous présenter un court rapport.

Le seul problème, c'est l'échéance. Si vous l'examinez le 8 et que vous voulez le déposer le 9, il y aura des problèmes de traduction si des changements sont apportés.

Le président: Bien.

M. Wolf Koerner: L'échéance est un peu serrée.

Le président: Des changements au rapport?

M. Wolf Koerner: Oui.

Le président: Nous en prenons bonne note.

Passons à Mme Wayne, puis à M. Bertrand.

Mme Elsie Wayne: Au sujet de la motion, tout cela a été renvoyé au personnel. Le personnel se penchera sur cette motion, puis nous reviendra à son sujet. Est-ce à ce moment-là que nous voterons?

Le président: Non, le personnel ne se penchera pas sur votre motion. Le personnel nous fournira un rapport en fonction des témoignages entendus. Quand nous aurons le rapport en main, votre motion sera à l'ordre du jour.

Mme Elsie Wayne: Bien. Comme vient de le dire l'attaché de recherche, depuis mars, soit depuis que nous leur avons confié la Loi sur les allocations aux anciens combattants, probablement que tous les sujets dont je traitais dans la motion ont été étudiés, à l'exception du paiement forfaitaire en remplacement des indemnités accordées aux anciens combattants. Il ne reste que cela.

Le président: Madame Wayne, du temps a passé et des choses se sont produites. Vous pourriez donc peut-être reformuler votre motion. Vous pouvez la présenter de nouveau, et quand nous en aurons fini avec la première vous pourrez présenter une nouvelle motion reformulée, dont nous traiterons au moment opportun.

Mme Elsie Wayne: Aujourd'hui?

Le président: Non. Ce serait le 8 juin. Nous devons d'abord obtenir le rapport que le personnel a préparé avec le résumé...

Mme Elsie Wayne: J'aimerais que nous puissions régler tout cela le 8 juin. On peut se prononcer sur la motion telle qu'elle se présente actuellement, qui prévoit un paiement forfaitaire pour compenser les avantages accordés aux autres anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Tout le reste a été réglé, et nous reverrons la question le 8 juin.

Le président: C'est exactement ce que je dis. C'est exactement ce que nous allons faire.

Mme Elsie Wayne: Très bien.

Le président: Vous nous donnez un bref résumé de votre motion. C'est le noeud du problème. Vous allez obtenir ou non un paiement forfaitaire.

Très bien. C'est au tour de M. Bertrand, et ensuite au tour de Mme Longfield.

[Français]

M. Robert Bertrand: Monsieur le président, j'aimerais revenir à la suggestion de notre attaché de recherche au sujet de la possibilité d'une rencontre le 8 juin plutôt que le lundi 7 juin. Cette journée supplémentaire pourrait permettre aux traducteurs de finir leur travail.

[Traduction]

Le président: Certainement. Une réunion spéciale le 7 juin. Je ne vois pas d'objection.

M. Bertrand a suggéré que nous tenions une réunion spéciale le lundi 7 juin à 15 h 30 pour permettre...

Mme Elsie Wayne: Je suis prise le 7 juin. C'est le jour des élections au Nouveau-Brunswick, et je fais partie d'un groupe de commentateurs politiques qui parleront des bons résultats que nous obtiendrons ce soir-là.

• 1040

M. Bob Wood: Comme Mme Wayne, je serai également à l'extérieur.

Une voix: Si Mme Wayne reste chez elle, les Libéraux obtiendront peut-être de meilleurs résultats au Nouveau-Brunswick.

Le président: Très bien. Le 7 juin pose donc un problème.

Mme Elsie Wayne: Oui, cela pose un problème. Je regrette.

Le président: Voyons ce que notre greffier a à nous dire. Il a une suggestion à faire. Monsieur Dupuis.

Le greffier du comité: Pourquoi ne pas se réunir à midi mardi?

Le président: Nous réunir mardi midi pour examiner le rapport. Cela va-t-il laisser suffisamment de temps au cas où nous aurions des changements à apporter? Je ne prévois pas beaucoup de changements, mais il faut prévoir cette possibilité. Très bien, une réunion mardi midi, où nous mangerons des sandwiches. D'accord?

Mme Elsie Wayne: Cela ne pose pas de problème.

Le président: Et cela nous laissera suffisamment de temps jusqu'au... 8 juin. À quelle heure? De midi à 14 heures; nous aurons des sandwiches...

M. Robert Bertrand: De la bière.

Le président: De la bière aux frais de Bob Bertrand, si c'est de la Guinness. Très bien.

Madame Longfield.

Mme Judi Longfield: J'aimerais bien voir quelques chiffres quant au nombre de nos anciens combattants qui se sont prévalus du programme de formation postsecondaire, d'octroi de terres, de ce genre de choses, des subventions au logement, des concessions de terres...

Le président: Cela devrait être facile.

Mme Judi Longfield: ... afin que nous ayons des chiffres. Les anciens combattants de la marine marchande ont dit qu'ils avaient été très défavorisés. Je voudrais savoir combien d'entre eux ont pu participer à ces programmes.

Le président: Je suppose que ces renseignements sont faciles à obtenir.

M. Peter Goldring: Il y avait un chiffre dans ce rapport.

Une voix: Oui.

Mme Judi Longfield: J'aimerais qu'il soit inclus.

Le président: Voyons si les membres du comité ont d'autres renseignements qu'ils voudraient que notre personnel de recherche obtienne, comme Judi vient de le faire.

M. Peter Goldring: Il a été question d'une rétroactivité. Il faudrait plutôt parler de paiement ex gratia. Si nous continuons à parler de rétroactivité, cela pourrait poser un problème. Mais si l'on considère que c'est une disposition prévoyant un paiement ex gratia ou forfaitaire, au lieu de parler de rétroactivité...

Le président: Vous en parlez dans la motion.

M. Peter Goldring: Dans la motion ou dans le rapport proprement dit.

Le président: Dans le rapport, je crois qu'il faut parler de «rétroactivité», car c'est ce dont il s'agit. Si vous retournez en arrière, il faut employer le mot «rétroactivité». Si vous faites un paiement forfaitaire, vous pouvez utiliser l'un ou l'autre de ces deux termes. Mais quand on parle de retourner en arrière et de voir ce que les autres pays ont fait, il s'agit d'une rétroactivité.

Nos attachés de recherche sont-ils d'accord avec ce que suggère M. Goldring?

M. Wolf Koerner: Oui.

M. Peter Goldring: La rétroactivité pourrait être un paiement plus l'intérêt, et ce n'est pas ce qu'ils demandent. Ils demandent un paiement forfaitaire, un paiement ex gratia qui se compare aux autres règlements semblables sans attribuer aucune responsabilité. C'est seulement...

Le président: Mais ce qui me frappe, Peter... Je ne suis pas au courant pour le reste, mais j'indique dans un de mes envois à mes commettants ce que nous avons entendu au cours de certaines audiences du comité. On a proposé des montants qui allaient de 5 000 $ à 200 000 $, et c'est ce qui m'inquiète. Je croyais que Bill Riddell exagérait un peu en demandant 200 000 $, mais il l'a répété à plusieurs reprises. Il était là, et c'est ce qu'il a dit. On nous a donc demandé de 5 000 $ à 200 000 $ par marin. C'est toute une fourchette. Quelqu'un s'imagine que nous sommes riches. Je me demande où se trouve l'argent que nous sommes censés posséder.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: J'aimerais que le personnel indique exactement dans le rapport ce que les anciens combattants de Hong Kong ont obtenu, de même que tous les autres groupes qui ont comparu devant le comité, ainsi que les décisions qui ont été prises, les ententes qui ont été conclues. Est-ce d'accord?

Le président: Vous voulez dire dans le rapport?

Mme Elsie Wayne: Oui, s'il vous plaît.

Le président: Bob.

M. Bob Wood: Cette demande me paraît justifiée, mais je voudrais également que l'on consigne certaines des observations de M. Chadderton quant au nombre d'autres groupes qui réclament une indemnisation. Il en a mentionné huit ou neuf. Il a cité quelques chiffres. Je crois que tout cela devrait figurer dans le rapport.

• 1045

Le président: D'accord, si nous rendons une décision favorable, nous pourrions mentionner ce à quoi il faut s'attendre de la part d'autres groupes qui ont déjà indiqué leur intention de faire une demande.

M. Bob Wood: Oui, quelque chose de ce genre. Je sais que le personnel de recherche possède tous ces renseignements, mais peut- être faudrait-il inclure certains détails.

Le président: Cela me paraît raisonnable. L'autre jour, Cliff a compté sur ses doigts huit groupes. Je crois que la légion a également dit qu'elle aurait...

M. Bob Wood: Cela nous ramène à ce qu'a dit M. Goldring.

Le président: Oui.

M. Bob Wood: Un certain nombre d'anciens combattants ne se sont pas prévalus des programmes à leur disposition.

Le président: Très bien. On nous demande donc de décrire le contexte.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Cela m'inquiète un peu, et cela dépend sans doute de la façon dont ce sera présenté, mais vous pouvez rédiger un rapport et le présenter de façon à vous amener à tirer une conclusion. Cela peut être fait. Si nous mettons trop l'accent sur ce qui pourrait se passer, cela risque de nous enlever la possibilité de faire quelque chose de positif. Je crois qu'il faut donc être très prudent. Même si M. Chadderton a parlé d'autres groupes, vous avez clairement souligné, monsieur le président, que nous devrions considérer le cas des marins de la marine marchande, et non pas les autres cas.

Par conséquent, si nous commençons à tout mélanger dans le rapport, nous allons susciter des craintes injustifiées de la part du gouvernement. Il aura peur que, s'il accorde quelque chose à la marine marchande, il ne doive automatiquement en accorder autant à d'autres. Cela a été dit au comité, on en a discuté. Je crois que notre rapport devrait se limiter à la situation de la marine marchande.

Le président: Très bien. Discutons-en encore un peu.

À propos des arguments de M. Earle et de M. Wood quant à savoir si le rapport devrait inclure ou non les autres groupes qui pourraient demander un dédommagement si l'on rend une décision positive dans ce cas-ci, je vais donner la parole à M. Goldring, puis à M. Lebel.

M. Peter Goldring: Merci.

Je crois qu'il est pertinent de comparer avec d'autres cas dans le passé, puisqu'il y a eu une audience et ensuite une décision basée sur toutes les preuves disponibles. Je pense qu'il serait injuste d'y mêler d'autres éléments sur lesquels on n'a pas tenu d'audience ni pris de décision, et sur lesquels nous n'avons pas toutes les informations pertinentes. À mon avis, il est approprié d'étudier les cas antérieurs, puisqu'une décision a été prise—on peut prendre en considération le processus suivi. Mais inclure tous les autres cas qui ont été mentionnés... Bien franchement, j'en ai examiné un certain nombre et je ne crois pas qu'il existe des arguments aussi solides dans leur cas que dans celui-ci sur lequel nous devons trancher. De toute évidence, il serait injuste de juger à l'avance ou d'essayer de prendre une décision ici avant d'avoir entendu des témoins.

Le président: D'accord. Bob, nous allons revenir à vous.

Monsieur Lebel, sur ce point précis.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Il faudrait d'abord que nous convenions que le paiement d'une somme rétroactive constitue une mesure réparatrice pour une injustice commise à l'époque. Est-ce qu'en accordant aux marins de la marine marchande une somme forfaitaire rétroactive, on corrigerait une injustice ? Si nous répondons oui à cette question, nous ne devons pas laisser notre jugement se faire guider par ce qui pourrait advenir si d'autres groupes faisaient des revendications semblables. Si on admet qu'il y a eu une injustice à l'égard des marins et qu'on doit la corriger, on ne doit pas les brimer dans leurs droits. L'impact de notre recommandation sur d'autres groupes n'est pas un facteur dont nous devons tenir compte.

[Traduction]

Le président: Oui, c'est un point valable.

Monsieur Wood.

M. Bob Wood: Ce que je disais n'était pas malintentionné. Je voulais tout simplement mentionner que ce que nous allons faire, peu importe notre décision, aura des conséquences importantes pour beaucoup de gens. Afin d'agir de façon responsable, il faut être conscient du fait que le comité, y compris moi-même, ne savait pas qu'il y avait beaucoup d'autres groupes qui auraient des revendications semblables; ils vont faire la queue et cela coûtera de l'argent.

Le président: Est-ce que je peux intervenir pour dire qu'au cours des réunions...? Qu'on maintienne cet élément ou pas, il reste que la décision qui sera prise—nous le savons tous parce que nous avons tous entendu les témoignages—va avoir un impact sur tous les autres groupes qui pourraient se présenter. Si on est réaliste en termes de politique, nous savons que c'est le cas. Je n'ai donc pas d'opinion bien arrêtée sur l'inclusion ou l'exclusion de cet élément. Si on accorde quelque chose aux marins marchands, on sait qu'il y aura d'autres groupes—et on sait tous qu'on sera influencé par cette réalité. Si on rejette la demande des marins marchands et de ces autres groupes, on reviendra toujours à la question de savoir si on en a parlé ou non dans le rapport.

Par conséquent, je n'ai pas d'idée ferme sur cette question, mais nous allons écouter les interventions d'autres membres... Mme Wayne, suivie de M. Goldring, et ensuite il faudra prendre une décision.

Madame Wayne.

• 1050

Mme Elsie Wayne: Eh bien, moi-même, j'ai une opinion très ferme là-dessus. Avec tout le respect que je dois à Bob, je dois dire que dans ce cas-ci, si on ajoutait cet élément, si le comité ne s'entendait pas pour dire qu'il fallait une indemnisation quelconque, ce serait cet aspect-là qu'on ferait ressortir et qui attirerait l'attention du public. Cela donnerait l'impression très regrettable—non seulement aux marins marchands mais à tout le monde—qu'en raison des craintes concernant d'autres groupes qui pourraient éventuellement présenter des revendications, nous avons dit non aux marins marchands.

On ne doit aucunement tenir compte de cela en ce moment—et là je suis tout à fait franche avec vous. On ne doit aucunement en tenir compte en ce moment. Il faut se pencher sur la question à l'étude; ensuite, si d'autres groupes présentent des demandes, ils auront les mêmes droits que les marins marchands, et il faudra en traiter cas par cas.

Le président: D'accord, c'est un point important.

Bob, la parole est à vous.

M. Bob Wood: Je n'ai pas d'objection à ce qu'a dit Mme Wayne; par contre, elle voudrait inclure les anciens combattants de Hong Kong. Est-ce équitable?

Mme Elsie Wayne: C'est parce qu'ils reçoivent déjà une indemnité et qu'il y a eu des audiences dans leur cas.

M. Bob Wood: Je ne crois pas qu'il y en ait eu. Je crois que les Affaires étrangères ont tout simplement pris une décision.

Mme Elsie Wayne: Si vous voulez enlever ce point, d'accord, nous allons le faire. Je ne vais pas m'obstiner là-dessus, non plus. Je vais laisser tomber mon point, vous allez faire de même, nous nous limiterons à examiner le cas des marins marchands, et tout ira bien.

M. Bob Wood: D'accord. Nous allons nous exposer.

Des voix: Ah, ah!

Mme Elsie Wayne: Cela ne me dérange pas du tout.

Le président: Alors, nous allons poursuivre sur cette lancée.

Peter.

M. Peter Goldring: À mon avis, nous devrions rester concentrés sur l'objectif visé. Nous tentons de corriger une injustice qui dure depuis cinquante ans, injustice qui fait l'unanimité de tous les marins marchands et de leur famille, de toutes les associations d'anciens combattants au Canada, et de la plupart des Canadiens. Je crois que nous devons nous pencher uniquement sur cette question... Cette injustice ne disparaîtra pas d'elle-même. Nous avons maintenant la possibilité de la réparer. Mais nous devrions nous concentrer sur l'injustice...

Le président: Vous ne voulez donc pas que cet aspect fasse partie du rapport, n'est-ce pas?

M. Peter Goldring: ... pas sur ce qui pourrait se passer plus tard.

Le président: D'accord. Les membres de l'opposition sont unanimes à ne pas vouloir inclure cet aspect. Y a-t-il d'autres commentaires de ce côté-ci? Il faut prendre une décision. À moins qu'il n'y ait consensus, je vais devoir mettre la question aux voix.

Madame Longfield.

Mme Judi Longfield: Ces renseignements sont déjà dans le compte rendu. Nous allons en tenir compte dans nos délibérations. Selon moi, il n'est pas nécessaire d'en parler dans le rapport. Selon moi, pour le rapport, nous allons nous baser sur tous les témoignages que nous avons entendus; si nous essayons de tout mettre dans le rapport, il sera très, très volumineux. Pour cette raison, je suis tentée de dire qu'il faut nous limiter aux marins marchands...

Le président: Pourrions-nous omettre ces renseignements du rapport? Je suis d'accord avec vous, dans le sens où moi-même et les autres membres du comité, serons influencés non seulement par ce qui se trouve dans le rapport écrit, mais aussi par tous les témoignages. C'est ça la réalité. Il n'est pas réaliste de dire qu'on ne se laissera pas influencer par tout ce que nous avons entendu.

Nous sommes donc d'accord pour l'omettre? Monsieur Bertrand.

M. Robert Bertrand: Je voulais ajouter quelque chose à ce qu'avait dit Bob Wood. Lorsque M. Nicholson a fait son exposé, on nous a dit qu'il y avait entre 1 200 et 1 400 marins marchands encore en vie. Or, selon lui, ils seraient beaucoup plus nombreux que cela.

Le président: Potentiellement... [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Robert Bertrand: Et c'est sans compter les conjoints.

Le président: Oui.

M. Robert Bertrand: Eh bien, si tout le monde est d'accord pour ne pas...

Le président: Je crois que nous avons convenu tout simplement de ne pas inclure la liste donnée par M. Chadderton et celle de la légion.

M. Robert Bertrand: D'accord.

Le président: Mais ce que M. Nicholson a dit est directement lié à la décision concernant les répercussions financières de toute décision. Il y a un lien direct.

Je vais maintenant donner aux attachés de recherche... Y a-t-il des questions sur ce que nous voulons leur demander de faire?

[Français]

M. Ghislain Lebel: Oui, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je ne vous ai pas vu lever la main, monsieur Lebel.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Il semble se dessiner une tendance du côté des députés du parti au pouvoir. Si nous rejetons la demande des marins marchands en raison des coûts qu'une réponse favorable pourrait engendrer, nous devrons expliquer dans le rapport les motifs de notre décision.

[Traduction]

Le président: Non, ce n'est pas exact. Le rapport qui sera rédigé par les attachés de recherche consistera en une synthèse des témoignages que nous avons entendus, et il présentera certaines voies de solution possibles pour permettre à cette entité politique de recommander une marche à suivre au gouvernement du Canada. Le rapport ne contiendra pas la décision; il fera ressortir des possibilités que le comité pourrait recommander au ministre de la Défense nationale.

• 1055

M. Bob Wood: Des Anciens combattants.

Le président: Désolé, des Anciens combattants.

M. Bob Wood: Et il a 150 jours pour répondre.

Le président: Oui, il a 150 jours pour répondre et le gouvernement se fondera sur la recommandation de notre comité pour prendre sa décision.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Monsieur le président, si notre comité recommande qu'on n'indemnise pas les marins marchands, nous devrons indiquer pourquoi nous n'avons pas retenu cette solution. Par exemple, nous pourrions dire que nous craignons les répercussions d'une telle décision, mais nous en subirions les conséquences.

[Traduction]

Le président: Juste pour que ce soit très clair, lorsque je déposerai le rapport que les attachés de recherche nous donneront, que nous approuverons, vous n'y trouverez pas ce dont vous parlez. Nous traiterons de ce rapport et de la motion proposée par Mme Wayne. Mme Wayne va proposer une motion ce jour-là portant que nous accordions un montant forfaitaire aux marins marchands.

Maintenant, Elsie, vous savez qu'il doit y avoir un chiffre dans cette motion. Il va falloir y penser. On a tout entendu à partir de 5 000 $ jusqu'à 200 000 $.

Donc cette motion, juste pour que Mme Wayne puisse y penser un peu, contiendra un montant en dollars. Mais alors le comité devra adopter ou non cette motion, un point c'est tout. C'est tout ce que vous aurez à faire, ensuite le tout sera envoyé au ministre avec le rapport du personnel et la décision du comité d'adopter ou non la motion de Mme Wayne. Pas de longue explication; cela se fait par d'autres moyens.

Monsieur Lebel.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Monsieur le président, j'aimerais savoir ce qui est arrivé dans le cas des Japonais qui ont été internés pendant la dernière guerre. Est-ce qu'on a versé des indemnités aux survivants des prisonniers décédés?

[Traduction]

Le président: Cela n'a rien à voir avec cette question.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Oui, c'est le même principe de droit et de justice qui s'applique.

[Traduction]

Le président: Ce n'est pas là-dessus qu'ont porté nos audiences. Nous venons de décider que nous allons nous concentrer très précisément sur leur objet.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Vous risquez de vous attirer des ennuis, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Si nous commençons à mettre sur la table toutes les autres causes d'injustice possibles dans le cadre du débat sur la marine marchande, nous n'en sortirons jamais avant la fin de la présente législature. Nous sommes d'accord pour nous concentrer sur la question des deux côtés. Nous devons nous concentrer sur la décision à prendre le 8 juin à propos de la motion de Mme Wayne qui devra faire état d'un montant en dollars avant qu'on puisse passer au vote. On ne peut voter la dépense d'un montant d'argent sans dire de combien il s'agit. Je déposerai ensuite, à la Chambre, le rapport de notre comité et la décision sur la motion de Mme Wayne sera prise sans faire partie du rapport.

Ça va pour tout le monde? C'est clair?

Mme Elsie Wayne: Juste une question.

Le président: Oui, madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Comme vous le disiez, le mardi, 1er juin, il y a les questions concernant Kosovo de 15 h 15 à 17 h 30.

Le président: Oui, jusqu'à 17 h 30.

Mme Elsie Wayne: Parce que le comité en est maintenant saisi et que le comité ramène la chose, cela devrait clore le débat.

Le président: Je ne crois pas qu'on ait besoin de débattre davantage.

Monsieur Wood, en votre qualité de secrétaire parlementaire, croyez-vous qu'il y ait quelque...

M. Bob Wood: Non, je ne le crois pas. Je crois que c'est maintenant au personnel de recherche de faire son travail et de nous saisir du rapport.

Mme Elsie Wayne: C'est exact, pour le 8 juin.

M. Bob Wood: Pour le 8 juin. Voilà comment je vois les choses.

Mme Elsie Wayne: Bon. Merci beaucoup.

Le président: Il sera déposé le 9 juin.

Avant de partir, cependant, les attachés de recherche ont-ils d'autres questions à poser? C'est votre dernière chance.

Mme Corinne McDonald (attachée de recherche du comité): À titre de précision, le comité a donc décidé de ne rien dire à propos de compensation, qu'il s'agisse de l'avenir ou du passé.

Le président: Exactement, nous avons décidé de ne rien dire à propos de toute compensation possible qu'il s'agisse de l'avenir ou du passé. Il s'agit strictement de la marine marchande. C'est clair? Parfait.

La séance est levée. Merci.