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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 février 1998

• 0930

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Nous avons ce matin le privilège de recevoir une délégation de la Lituanie. Permettez-moi de vous présenter le chef de la délégation, M. Feliksas Palubinskas. Je vous demanderai de nous présenter vos collègues; je dois vous avouer que j'ai passé un certain temps hier soir à pratiquer la prononciation des noms, afin de n'offenser personne. Je crois que je vous demanderai néanmoins de vous en occuper.

M. Feliksas Palubinskas (vice-président du Seimas et président du Groupe parlementaire responsable des relations avec le Canada): Bien sûr, c'est en forgeant qu'on devient forgeron.

Je m'appelle Feliksas Palubinskas. Je suis vice-président du Seimas lituanien. Il s'agit du Parlement lituanien. Je préside également le Groupe interparlementaire du Seimas qui est chargé des relations avec le Canada. Nous espérons que ces relations prendront de l'ampleur dans un avenir rapproché. Je suis également membre du Parti démocratique chrétien.

Je suis accompagné de M. Mecys Laurinkus, président du comité des relations étrangères du Seimas et membre du Parti conservateur. M. Audronius Azubalis est également membre du comité des relations étrangères du Seimas et membre de l'Assemblée de l'Atlantique Nord.

Bien sûr, nous sommes tous les trois membres de la coalition actuelle du Seimas et du gouvernement. Néanmoins, nous respectons beaucoup et apprécions l'opposition.

Des voix: Bravo.

M. Feliksas Palubinskas: Je suis également accompagné de M. Rimantas Jonas Dagys, vice-président du comité des relations étrangères du Seimas. Il appartient au Parti social démocrate.

Vous vous demandez peut-être pourquoi nous sommes ici plutôt que chez nous. Évidemment, nous devrions vous en dire davantage à notre sujet. Il serait probablement utile de vous dire que nous aimons rester chez nous. En fait, les Lituaniens vivent dans la région où se situe actuellement la Lituanie depuis environ 5 000 ans. C'est donc un groupe très stable. Notre histoire est très intéressante, pour nous surtout sans doute. Le premier État uni lituanien remonte à 1236 environ. Notre histoire a connu des hauts et des bas. L'une des pires périodes a été les 123 ans d'occupation par la Russie tsariste. Nous avons récemment reconquis notre indépendance vis-à-vis de l'Union soviétique. Cela s'est fait il y a huit ans.

Ces renseignements vous seront utiles lorsque nous discuterons des relations internationales et ils vous permettront peut-être de comprendre notre attitude à l'égard de certaines questions.

Nous sommes venus ici pour établir des relations interparlementaires avec le Parlement canadien. Le Canada est pour nous un pays très important. Tout d'abord, on trouve chez vous une collectivité lituanienne très importante et très active. Il est toujours intéressant d'entretenir des relations avec des pays avec lesquels nous avons des points communs, et il n'y a rien de mieux que d'avoir des gens en commun.

• 0935

Deuxièmement, le Canada a appuyé nos efforts lorsque nous avons recouvré notre indépendance vis-à-vis de l'Union soviétique, ce que nous apprécions grandement, bien sûr. Nous sommes venus personnellement vous remercier de l'appui du Canada.

Nos remerciements concernent également le fait que le Canada a participé activement à la démocratisation de la Lituanie. Après tout, notre pays avait perdu certaines de ses traditions démocratiques après 50 ans d'occupation soviétique.

Les Canadiens nous ont également aidé, et ils nous aident encore, à mettre sur pied une économie de marché. Ils ont fait également des investissements qui ont aidé la Lituanie à rebâtir son économie.

Nous sommes particulièrement reconnaissants au Canada des efforts qu'il a déployés pour accroître la sécurité en Lituanie. À l'heure actuelle, plusieurs programmes canadiens sont mis en oeuvre. Nous espérons que ces programmes se poursuivront et que nous pourrons élaborer notre propre plan de sécurité. Cela nous permettra d'avoir une plus grande paix d'esprit.

Je suis en train de faire un monologue. Je suis sûr que vous aimeriez entendre le point de vue de mes collègues.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Peut-être serait-il préférable que vous fassiez un bref exposé et que nous passions ensuite aux questions. Vos collègues pourront répondre à ce moment-là. Nous n'avons qu'une heure ce matin, malheureusement.

M. Feliksas Palubinskas: Très bien. Parfait.

Étant donné que le Canada fait partie de l'OTAN et que nous espérons devenir nous-mêmes membres de l'OTAN, nous aimerions aussi discuter de cette question.

Si vous avez des questions et des commentaires, nous serions ravis de poursuivre la conversation.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Parfait. Nous avons beaucoup de questions à vous poser. Nous commencerons par M. Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Bienvenue au Canada et bienvenue à ce comité. L'amitié que vous portez à notre pays est très précieuse.

Comme vous avez un pays relativement jeune, nous aimerions nous renseigner d'abord un petit peu à son sujet avant de vous poser d'autres questions. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le système politique et judiciaire de votre pays?

Deuxièmement, j'aimerais en savoir un peu plus sur les questions de sécurité et sur la stabilité de la région. Très brièvement, quel est le potentiel commercial entre nos deux pays? J'ai regardé les chiffres. Ils sont impressionnants. Ils marquent une amélioration mais quelles seraient les possibilités d'avenir?

M. Feliksas Palubinskas: Tout d'abord, pour ce qui est de l'organisation politique du pays, nous avons évidemment un président. C'est une sorte de compromis. Il ne s'agit pas d'un régime présidentiel mais d'un régime parlementaire. Néanmoins, le président détient des pouvoirs considérables dans les relations internationales ainsi que dans les questions de défense.

Il y a une séparation entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Certes, tout n'est pas encore au point, il reste quelques chevauchements. Comme vous le comprenez probablement, durant la période soviétique, les gouvernements ne faisaient pas aussi bien la distinction entre les pouvoirs. C'est très dommage. Il arrivait que le parti ou le pouvoir exécutif téléphone à un juge pour lui dire quelle décision prendre.

Cette ère est certainement révolue. Nous avons maintenant un pays démocratique et nous voulons nous assurer de faire les choses correctement.

• 0940

Pour ce qui de la sécurité et de la stabilité, je vais commencer par la stabilité. Vous avez probablement à l'occasion suivi nos élections et remarqué qu'après chaque élection, c'est un nouveau parti qui prend le pouvoir. Jusqu'ici, ces transferts de pouvoir se sont très bien passés. Nous pensons donc que nous sommes un pays très stable.

Les autorités militaires relèvent des autorités civiles. Quel que soit le résultat des prochaines élections... J'espère que nous conserverons le pouvoir, bien sûr, mais si l'électorat décide de ne pas nous réélire, nous accepterons son verdict.

Pour ce qui est de la sécurité, c'est quelque chose qui est très important pour nous; c'est la raison pour laquelle je vous ai fait un peu l'historique de la Lituanie. Nous avons toujours eu des voisins assez importants tout près de nous, des voisins très expansionnistes, beaucoup plus que vos voisins. Cela nous a beaucoup marqué, car nous avons été occupés pendant 123 ans et indépendants pendant 22 ans, durant lesquels nous avons atteint le niveau économique du Danemark et avons dépassé les Finlandais. Toutefois, après 50 ans d'occupation, nous ne pouvons plus nous comparer ni au Danemark ni à la Finlande. Nous avons donc beaucoup perdu sur tous les terrains, et notamment en matière économique.

Nous ne voudrions pas nous retrouver dans une telle situation. Nous avons pris une décision. Nous voulons faire partie du monde occidental, partie de l'Europe, et nous aimerions adhérer à l'Union européenne ainsi qu'à l'OTAN. Nous pensons qu'il est important que l'OTAN s'élargisse car l'OTAN a donné à l'Europe occidentale une grande stabilité et un degré de sécurité important. L'Europe occidentale a réussi à se développer sur le plan économique et le développement économique a permis d'autres formes de développement. Nous aimerions pouvoir en profiter nous aussi; nous aimerions que l'OTAN s'élargisse et accepte même d'autres pays que nous.

M. Gurmant Grewal: Quels sont les objectifs principaux que vous poursuivez en demandant d'adhérer à l'OTAN? D'autre part, si l'on considère la politique de votre pays en ce qui concerne l'arsenal nucléaire, étant donné que la Lituanie est la plus grande république des pays qui composaient la Russie unie, quelle est votre politique nucléaire face aux autres pays?

M. Feliksas Palubinskas: Pour ce qui est du nucléaire, tout ce qui est militaire est absolument interdit.

M. Mecys Laurinkus (président du Comité des relations étrangères du Seimas): Le remplacement des armes nucléaires est interdit même dans la Constitution.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): D'abord, bienvenue au Canada en cette période un peu froide de l'année, mais sûrement chaude en ce qui a trait aux relations diplomatiques entre nos deux pays.

• 0945

Plusieurs points communs peuvent sûrement nous rassembler. Votre souveraineté ou votre indépendance ne date que de quelques années. Donc, j'aimerais que vous me disiez si, en ce qui a trait aux années 1980 et 1990, il n'y a pas un paradoxe à vouloir acquérir sa souveraineté pendant une période de grands rassemblements économiques. Qu'on pense à la Communauté européenne ou à l'OTAN à laquelle vous voulez vous joindre.

Considérez-vous qu'il est utile et important pour un peuple d'acquérir sa souveraineté, de s'affirmer et, par la suite, de se joindre aux grands entités économiques, internationales et multilatérales? Est-ce dans cet objectif que vous avez acquis votre souveraineté?

[Traduction]

M. Feliksas Palubinskas: Je dirais qu'essentiellement, nous sommes un peuple souverain depuis en fait 5 000 ans. Nous vivions dans la région. C'est simplement qu'en 1236, on a créé le royaume lituanien qui a existé évidemment pendant plusieurs siècles. Je répète que ce n'est que plus tard, en 1795, que la Lituanie est passée sur le joug de la Russie tsariste. Malheureusement, ça a duré longtemps, 123 ans.

L'indépendance a été rétablie en 1918 et, pendant 22 ans, nous avons été un pays indépendant, nous avons fait d'énormes progrès à tous égards. Puis, en 1939, le pacte Molotov-Ribbentrop a été signé entre l'Allemagne nazie et la Russie d'Union soviétique et, bien sûr, nous avons été occupés en 1940. Donc, en 1990, nous avons simplement rétabli l'indépendance à laquelle nous avions toujours tellement tenu. Fondamentalement, notre peuple n'a jamais accepté l'idée que nous n'étions pas capables de rester indépendants.

Évidemment, nous réalisons que dans le monde actuel, aucun pays ne peut vivre isolé. C'est pourquoi nous souhaitons adhérer à l'Union européenne, car il s'agit d'une union d'États libres. Nous savons que, par exemple, l'Islande, quand elle a décidé de se retirer, a pu le faire. Dans le cas de l'Union soviétique, cette option n'était malheureusement laissée à personne.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): La Constitution stipule que vous avez ce droit.

Des voix: Oh, oh!

M. Feliksas Palubinskas: Nous souhaitons beaucoup adhérer à l'Union européenne, mais à titre d'égaux. Et, bien sûr, l'Union européenne est une union d'États égaux.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie beaucoup de votre réponse, mais je crois qu'il y avait un complément.

[Traduction]

M. Mecys Laurinkus: Oui, j'aimerais ajouter quelques mots. Je comprends évidemment le paradoxe. Vous avez parlé de souveraineté et d'adhésion à des unions plus importantes, telles que l'Union européenne, mais nous avons choisi la voie démocratique. Cela signifie que notre fondement et notre choix reposent sur la citoyenneté et non pas sur l'ethnicité et sur des valeurs occidentales communes. C'est ce que nous avons expliqué à notre peuple lorsque nous avons dit que nous choisissions l'Union européenne.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Donc, pour pouvoir prendre des décisions à l'échelle internationale, vous devez et nous devons tous être, comme vous l'avez dit, des pays égaux. Nous devons nous reconnaître en tant que tels afin de pouvoir prendre des décisions et nous joindre aux grands ensembles économiques et politiques.

• 0950

[Traduction]

M. Feliksas Palubinskas: Certainement. Par contre, en tant que petit pays, nous comprenons aussi que dans beaucoup de ces entreprises mixtes, il est avantageux pour un petit pays de faire partie de ces grandes institutions où, il a la même voix que les grands pays, surtout si les petits pays s'entraident.

M. Benoît Sauvageau: C'est l'égalité.

M. Feliksas Palubinskas: Oui.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Bachand.

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Il est certain que mon collègue Sauvageau tentait de faire des rapprochements entre la situation lituanienne et celle du Québec à l'intérieur du Canada. C'est de bonne guerre, surtout cette semaine.

Mon collègue Sauvageau parlait du temps froid. C'est froid autant pour ce qui est de la température que des relations entre le fédéral et le provincial, mais cela est autre chose. C'est de la politique interne.

J'aimerais obtenir plus d'information concernant les liens économiques actuels entre le Canada et la Lituanie depuis son indépendance. Certains efforts ont-ils été faits? Quel genre de commerce avons-nous actuellement avec la Lituanie?

[Traduction]

M. Audronius Azubalis (membre du Comité des relations étrangères du Seimas et de la délégation à l'Assemblée de l'Atlantique Nord): Malheureusement, le commerce entre la Lituanie et le Canada n'est pas très développé. Cela représente à peu près 10 millions de dollars par an. Pour ce qui est des investissements canadiens en Lituanie, ce n'est pas énorme non plus. Le Canada arrive au 37e rang des pays étrangers ayant investi en Lituanie.

Nous souhaiterions développer nos relations. Si je ne fais pas d'erreur, notre gouvernement doit signer une entente importante concernant une société canadienne de containers spécialisée dans l'entreposage des déchets nucléaires. Je crois que cela accroîtra sensiblement les investissements du Canada en Lituanie.

Une voix: Nous avons un certain nombre de centrales nucléaires en Lituanie.

M. Audronius Azubalis: Je crois que c'est tout. Les hommes d'affaires du Canada ne semblent pas manifester un intérêt économique très poussé à l'heure actuelle pour la Lituanie. Cette visite aidera peut-être un peu, puisque nous devons avoir des rencontres avec certains de vos hommes d'affaires et avec un organisme de relations commerciales internationales, si je ne me trompe.

Merci.

M. Feliksas Palubinskas: J'aimerais ajouter quelque chose. Si j'ai bien compris, le Canada veut aller même au-delà de l'Europe occidentale et il s'intéresse à des zones de l'ancienne Union soviétique qui sont encore plus à l'est que la Lituanie.

Le Canada devrait certainement prendre en considération le fait que la Lituanie est un pays occidental, qui a été occupé par l'Union soviétique. En 50 ans, nous avons appris quelques petites choses au sujet de l'Est. Dans certains cas, nous ne tenions pas particulièrement à aller là-bas, mais on nous y emmenait gratuitement et nombre d'entre nous n'en sont jamais revenus. Mais ceux qui ont pu revenir et qui ont gardé des relations là-bas connaissent très bien ces régions, et il serait peut-être avantageux pour des entreprises canadiennes d'avoir des projets communs avec des gens d'affaires lituaniens.

La Lituanie est intéressante également du point de vue des langues. Nous avons des gens très instruits, qui peuvent servir d'intermédiaires. Je vous encourage à envisager cette possibilité, particulièrement du fait que le Canada a une communauté lituanienne considérable. Ces gens sont en outre très instruits, chacun dans leur domaine, et vous pourriez utiliser des Canadiens pour entrer en relation avec la Lituanie et d'autres zones plus à l'est.

• 0955

M. Rimantas Jonas Dagys (président adjoint du Comité des relations étrangères du Seimas): J'aimerais ajouter quelque chose.

Géographiquement, la Lituanie est au coeur de l'Europe et, bien entendu, nous essayons de nous servir de notre position géographique. Nos relations commerciales sont réparties à peu près également entre l'est et l'ouest. Bien entendu, il est très important pour nous d'équilibrer cette situation. Nous essayons donc d'agir non seulement à partir de notre position à l'est ou à l'ouest, mais aussi, comme je le disais, au sud et au nord. C'est une excellente situation pour notre pays, géographiquement, qui nous permet de renforcer la coopération dans la région baltique. C'est une région stratégiquement importante. C'est donc surtout là que nos efforts sont ciblés, pour maintenant et pour le proche avenir.

M. Feliksas Palubinskas: En fait, je vous signale en outre que dans le nord de la mer Baltique, Klaipeda est le dernier port bloqué par les glaces en hiver. Nous avons donc un certain avantage. Au nord de la Lituanie, les ports sont fermés plus tôt.

Par ailleurs, si vous aimez des relations plus faciles on peut parler des visites sans visa. Au nom de la Lituanie, nous pouvons affirmer que nous sommes prêts à accepter cela. Le problème vient du Canada. Les déplacements sans visa favorisent les relations. On peut voyager plus facilement et je pense que ce serait très utile.

[Français]

M. André Bachand: Si je vous comprends bien, vous êtes un peu la porte qui ouvre le marché de l'Est, un peu comme le Québec et le Canada sont la porte qui ouvre le marché nord-américain. Là-dessus, je pense qu'on se ressemble assez.

Vous pourriez nous faire profiter du marché de la Communauté économique européenne et du marché de l'Est et nous pourrions vous faire profiter de l'ALENA. L'ALENA est un très bon dossier pour nous. J'aurais une question à vous poser là-dessus.

On sait qu'il y a eu beaucoup d'efforts en Russie, entre autres de la part d'investisseurs canadiens qui, malheureusement, se sont confrontés à certains groupes organisés, criminalisés ou non mais très organisés. On parle beaucoup de mafia en Russie, mais, en tout cas, disons qu'il y a beaucoup de crime organisé.

En Russie, par exemple, en termes de qualité et d'honnêteté dans les transactions commerciales, sans accuser la Russie, je peux dire qu'il y a beaucoup d'hommes et de femmes d'affaires canadiens qui ont perdu beaucoup d'argent ou ont eu une mauvaise aventure en Russie. Donc, lorsqu'on parle du marché de l'Est, c'est intéressant, mais les gens sont très hésitants. Qu'en est-il de la Lituanie? Comment le commerce se fait-il dans votre pays?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier ): Pourriez-vous me répondre d'une manière aussi courte et efficace que possible?

M. Rimantas Jonas Dagys: Je crois qu'il est très difficile d'expliquer notre situation en peu de temps, mais bien entendu, il faut dire que nous sommes influencés par ce qui s'est produit en Russie, pour ce qui est des procédures judiciaires, de la mafia et d'autres choses. La Russie a influencé la Lituanie, où nous avons subitement connu de nombreux problèmes. Mais si vous nous comparez avec la Russie, nous avons une position relativement bonne et nous sommes moins gros. Bien entendu, nous sommes aussi en train de transformer tout notre système. Il y a des coûts rattachés à cette transformation et à notre nouveau fonctionnement démocratique. Nos structures sont en train de gagner de l'expérience. Mais en gros, c'est à peu près la même chose—c'est du moins mieux qu'en Lettonie.

• 1000

M. Feliksas Palubinskas: La Russie est un très vaste pays et il est par conséquent très difficile d'avoir un certain contrôle sur ces groupes. Dans notre cas, étant un plus petit pays, nous avons un avantage et nous avons déjà mis en marche un processus.

Nous essayons de mieux contrôler diverses pratiques dont ces groupes ont pu tirer parti. Je crois vraiment que nous allons dans la bonne direction. Nous collaborons avec d'autres pays à ce sujet. Ainsi, nous recourons souvent à Interpol.

M. Mecys Laurinkus: Deux mots. On n'entend pas parler de très grands groupes du crime organisé en Lituanie. Par ailleurs, nous obtenons beaucoup de soutien de l'Union européenne à ce sujet. Bien entendu, le principal problème provient de notre frontière avec la Russie, ou avec le Bélarus, et nous voudrions avoir même l'appui du Canada. Cela renforcerait nos frontières.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Speller.

M. Bob Speller (Haldiman—Norfolk—Brant, Lib.): Je tiens à vous souhaiter de nouveau la bienvenue, au nom de notre parti. Je suis ravi de revoir votre ambassadeur.

J'allais suivre dans la même veine mais je ne le ferai pas, je crois, parce que j'ai une autre question. J'ai ici un article de l'Economist. Je suis persuadé que l'ambassadeur l'a déjà lu. C'est un article du 10 janvier. On y dit:

    Contrairement à l'Estonie, première à se joindre à l'Union européenne, ou à la Lettonie, le centre des finances et du transport maritime de la région baltique, la Lituanie a intéressé peu d'investisseurs étrangers. Le changement industriel a été lent et la corruption y est courante. L'administration pense encore malheureusement comme à l'époque soviétique. Des fonctionnaires malhonnêtes et arrogants minent...

C'est un article sans pitié. Vous avez essayé ici d'y réagir. Si vous voulez continuer sur le même sujet... Pour accroître les investissements, qui sont manifestement très rares, et qui se chiffrent en millions de dollars seulement... Il vous faudra certainement répondre à ce genre de question.

Je pense que je vais poser toutes mes questions en une fois.

Votre taux de croissance semble très bon. Votre taux de chômage est inférieur à celui du Canada. Mais l'inflation ne baisse pas, toujours à 24,5 p. 100 environ.

M. Audronius Azubalis: Non.

M. Bob Speller: Est-ce faux? Bien. Je me demande pourquoi.

M. Feliksas Palubinskas: Cet article contient d'anciennes informations. Il y a eu des élections générales en 1996.

M. Bob Speller: L'article date de janvier 1998.

M. Feliksas Palubinskas: Je sais, en effet.

Un nouveau groupe de parlementaires est arrivé, un nouveau gouvernement. Les attitudes ont changé. Vous avez déjà dit que le développement économique s'était accéléré et on peut en dire autant des autres processus, y compris la simplification des procédures commerciales.

C'est vrai qu'autrefois, pour faire des affaires dans notre pays ou pour y investir, les procédures étaient très complexes. Nous savons que nous ne pouvons pas attirer d'investissements étrangers si c'est ainsi que nous gérons les affaires. Nous avons donc décidé de simplifier les choses et je pense que nous faisons beaucoup de progrès.

• 1005

M. Audronius Azubalis: Puis-je ajouter quelque chose? Je pense que nos principaux indicateurs économiques sont assez semblables à ceux de l'Estonie. En toute franchise, nous sommes de bons amis, de bons voisins mais nous sommes aussi en concurrence. Personnellement, je crois qu'ils ont plus de talent que nous pour ce qui est des relations publiques internationales. Même des fonctionnaires de l'Union européenne nous ont dit à maintes reprises que nos chiffres sont très positifs mais que nous n'avions pas la bonne façon de présenter les choses.

Prenons l'exemple du PIB: en 1996, il était de 4 p. 100, l'an passé, de 6 p. 100 et nous prévoyons qu'il sera cette année de 7 p. 100. C'est bien plus élevé que celui de l'Estonie. Il faut dire aussi que nous avons doublé les investissements étrangers directs l'an dernier. Bien entendu, ce n'est pas une somme énorme. L'an passé, nous avons reçu des investissements étrangers directs d'à peine 400 millions de dollars. Ce n'est pas très impressionnant, mais nous avons doublé ce chiffre. En 1996, il n'était en effet que de 200 millions de dollars.

J'aimerais ajouter que l'inflation cette année et l'an dernier était à 8,4 p. 100, ce qui est inférieur à celle de l'Estonie. Je pense que c'est grâce à nos efforts.

M. Feliksas Palubinskas: Nous sommes trop modestes.

M. Audronius Azubalis: Ce n'est pas seulement de la modestie, mais peut-être un peu. Par conséquent, nous ne pensons pas que notre économie soit moins bonne que celle de l'Estonie.

M. Bob Speller: J'aurais dû vous dire d'emblée que nous sommes en politique depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'il ne faut jamais croire ce qu'on lit dans le journal.

M. Audronius Azubalis: Non, vous ne devriez pas le croire.

M. Bob Speller: Une partie de l'information n'est jamais à jour.

Je voudrais poser une autre courte question. Votre situation me semble très intéressante, monsieur Laurinkus. Vous étiez député au Parlement soviétique et vous êtes maintenant député au Parlement actuel. À votre avis, quelles différences y a-t-il entre les deux.

M. Mecys Laurinkus: En 1989, j'étais délégué d'un mouvement indépendant au Parlement soviétique. À cette époque, nous avons quitté le Parlement soviétique, et cela a été le début de la restauration de l'indépendance.

La différence est considérable. Nous avons choisi la voie pacifique, la voie démocratique. Nous avons même influencé les démocrates russes, à l'époque.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Tout d'abord, je vous souhaite une bonne fête de l'indépendance. Le 16 février, j'ai participé à une cérémonie officielle à Toronto, et dimanche dernier, j'y ai vu certains d'entre vous. Je vous souhaite donc la bienvenue au Canada et à Ottawa.

Je voudrais faire quelques remarques. Je me souviens d'un groupe appelé Captive Nations qui existait il y a trois ans. J'en faisais partie en tant que représentant des Arméniens. Il y avait là des Arméniens dont la situation était semblable à la vôtre.

Je voudrais tout d'abord poser ma question à l'ambassadeur. Il y a maintenant au Canada des gens qui sont pour originaires d'anciennes Nations captives qui font maintenant partie de la Communauté des États indépendants, comme les Ukrainiens, les Arméniens, les Lettons, les Estoniens, etc., qui ont tous leur propre chambre de commerce. Leur objectif est de promouvoir le commerce entre le Canada et leur patrie d'origine. À cet effet, j'ai organisé en 1994 une conférence intitulée «Aid Through Trade». Je crois qu'une délégation lituanienne était présente. Est-ce qu'il existe une chambre de commerce canado-lituanienne qui fasse la promotion du commerce dans votre pays? Voilà ma première question.

Ma deuxième question est la suivante: l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont une bonne avance sur les autres pays de la Communauté des États indépendants malgré les problèmes, notamment de corruption, dont nous avons parlé. Est-il question que ces trois pays forment un bloc économique pour lutter contre la pauvreté ou la corruption?

• 1010

Par ailleurs, avez-vous des revendications territoriales contre le Bélarus, la Russie ou la Pologne?

Voilà mes trois questions.

M. Alfonsas Eidintas (ambassadeur de Lituanie au Canada): Si vous me permettez de commencer, je dirai que la Lituanie est le seul pays qui ait signé des traités sur le tracé des frontières avec tous ses voisins. Le dernier traité a été signé avec la Russie. Notre situation constitue une exception, et nous en sommes très fiers. Nous avons dû mener des négociations longues et difficiles avec la Russie, mais le traité a été signé. Il n'a pas encore été ratifié au Parlement, mais c'est une affaire conclue. La Lituanie est la première ancienne république soviétique avec laquelle la Russie ait signé un traité sur le tracé des frontières, car elle n'a aucune revendication en ce qui concerne notre territoire.

La question des minorités nationales a été résolue. Nous avons de petites minorités—9 p. 100 de Russes, 7 p. 100 de Polonais—mais elles ne suscitent aucun problème. Nous n'avons donc pas de revendications territoriales. Le Bélarus pose un problème, car c'est le théâtre de mouvements non démocratiques.

M. Sarkis Assadourian: Savez-vous qu'un pays ne peut se joindre à l'Union européenne s'il a des revendications territoriales contre un autre pays?

M. Alfonsas Eidintas: Oui, c'est exact, mais nous n'en avons pas. L'un des principaux axes de notre politique étrangère, c'est de vivre en paix avec nos voisins.

En ce qui concerne les affaires, il existe effectivement à Toronto une chambre de commerce balte, qui bénéficie de l'appui de l'ACDI ou du gouvernement canadien. Elle participe très activement à l'établissement de liens commerciaux avec les États baltes, sans viser particulièrement les grosses sociétés.

Nous essayons également d'intervenir auprès des provinces canadiennes, car elles ont des droits étendus. En Ontario et dans d'autres provinces, nous avons des relations directes avec des gens d'affaires. L'idée de constituer la chambre de commerce balte était excellente, et l'organisme prend actuellement de l'ampleur.

M. Sarkis Assadourian: Ma troisième question concerne l'unité entre les trois États baltes. Est-il question d'une véritable coopération entre ces trois États?

M. Alfonsas Eidintas: Oui, et c'est aussi l'une des priorités de notre politique étrangère; nous coopérons beaucoup entre nous, en particulier sur les questions politiques.

Comme l'a dit le député Azubalis, les États baltes sont des concurrents sur le plan économique, car ils ont des économies très semblables. Nos secteurs agricoles sont en concurrence, de même que nos industries textiles, nos secteurs du bâtiment, nos chantiers navals et, depuis peu, nos compagnies aériennes. Tout le monde est désormais en concurrence, mais c'est très bien ainsi. Chaque État s'efforce de progresser pour mieux desservir sa population.

Sur le plan politique, nous avons créé un certain nombre d'institutions, comme le Conseil balte, et nous organisons régulièrement des rencontres entre les présidents, les premiers ministres et les parlementaires. Il existe une assemblée balte ou les trois parlements sont représentés; des groupes de parlementaires tiennent des sessions conjointes, et la Lituanie adopte désormais la même attitude dans ses relations avec la Pologne. M. Laurinkus aura sans doute quelques renseignements à ajouter à ce sujet.

Nous coopérons beaucoup avec la Pologne, avec les pays d'Europe centrale et avec les pays scandinaves, qui sont des voisins très importants pour nous. Les Suédois et les Danois sont très présents dans les États baltes, de même que la Finlande en Estonie. Nous plaisantons parfois sur les raisons pour lesquelles l'Estonie occupe la première place: c'est parce qu'elle a été privatisée par la Finlande.

Des voix: Oh, oh!

M. Alfonsas Eidintas: Excusez-moi.

M. Mecys Laurinkus: Sur le plan politique, les trois pays baltes sont sur un pied d'égalité. Nous avons des institutions communes. Nous avons une assemblée parlementaire commune. Sur le plan gouvernemental, nous avons un conseil gouvernemental commun. Sur le plan économique, nous avons des relations avec les pays nordiques, avec les pays scandinaves et avec le conseil des pays nordiques.

Comme on l'a signalé, nous avons aussi des relations privilégiées avec la Pologne. Elle constitue pour nous un axe important en direction de l'Europe centrale. Nous avons aussi certaines institutions parlementaires communes avec la Pologne.

• 1015

Nous avons des projets communs avec ces différents pays, notamment le projet énergétique de la Baltique. Il s'agit d'un projet concernant notre avenir énergétique.

Sur le plan économique, notre terrain d'action et de coopération privilégié est l'Union européenne, qui nous impose certaines exigences.

M. Audronius Azubalis: Par exemple, les produits agricoles sont exempts de droits de douanes entre les États baltes. Ils bénéficient déjà du libre-échange.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bon matin, messieurs. Ma première question s'insère peut-être un peu dans le cadre de celle de M. Speller, mais je vais quand même l'élargir.

Le nouveau paysage politique qui est issu de l'élection de 1996, chez vous, voulait permettre un certain nombre de réformes. Je pense que vous avez déjà entrepris une réforme monétaire, qui est assez récente.

Ce nouveau gouvernement avait l'intention d'entreprendre des réformes dans les domaines de l'agriculture, de l'administration publique et de la privatisation. J'aimerais, d'une part, compte tenu de ce que M. Speller a dit plus tôt, que vous fassiez le point sur l'ensemble de ces réformes.

Plus tôt, vous avez parlé de la recherche d'investissements étrangers et d'incitations pour le Canada à investir davantage en Lituanie. Or, à la lecture de certaines analyses, on se dit que le protectionnisme est encore en vigueur chez vous. Cette assertion est-elle vraie et, dans l'affirmative, comment peut-on concilier la recherche d'investissements étrangers et une certaine forme de protectionnisme?

Des femmes siègent-elles au Parlement du Seimas?

[Traduction]

Lequel d'entre vous souhaite répondre à cette question?

M. Feliksas Palubinskas: Je répondrai tout d'abord à la question sur les femmes.

Les femmes occupent 25 des 141 sièges de député. À notre avis, c'est beaucoup trop peu. Nous aimerions qu'elles soient plus nombreuses. En revanche, si l'on regarde la représentation des femmes dans les parlements du monde entier, nous figurons dans le deuxième groupe à partir du sommet. Nous avons donc progressé remarquablement en très peu de temps dans ce domaine.

En ce qui concerne le protectionniste, beaucoup de Lituaniens se plaignent du manque de protectionnisme et reprochent au gouvernement de permettre trop facilement l'entrée des marchandises étrangères. Comme vous le savez, il n'est jamais facile de se mettre d'accord sur ce genre de questions, où certains trouvent qu'on en fait trop, et d'autres pas assez. Mais nous considérons fondamentalement qu'il faut renforcer la concurrence pour améliorer nos propres institutions.

Les réformes sont en cours. Nous essayons d'attirer les investisseurs étrangers. Par exemple, nous avons ouvert le secteur bancaire, qui était autrefois protégé. Nous aimerions que les banques étrangères s'installent chez nous. En fait, nous aimerions avoir en Lituanie des banques canadiennes. Il y a des Canadiens d'origine lituanienne qui font des transactions financières avec la Lituanie; pourquoi ne passeraient-ils pas par l'intermédiaire d'une banque canadienne? Une banque canadienne pourrait donner l'exemple à nos propres banques et leur permettrait de s'améliorer. Nous souhaitons beaucoup que nos propres institutions s'améliorent.

M. Rimantas Jonas Dagys: Je voudrais essayer d'ajouter quelque chose au nom de l'opposition, car j'entends beaucoup plus parler...

M. Feliksas Palubinskas: D'après l'opposition, c'est elle qui est la meilleure.

• 1020

M. Rimantas Jonas Dagys: C'est sûr. Nous avons évidemment des opinions divergentes, notamment sur la rapidité de la privatisation. Mais je dois dire qu'en général, sur la question du protectionnisme, vous n'avez pas de données objectives du côté gouvernemental. Le principal problème ne tient pas à la réglementation. Le principal problème, c'est notre administration. Nos fonctionnaires sont lents, paresseux, etc. Évidemment, tout cela va s'améliorer.

Nous soumettons notre secteur agricole à une certaine réglementation, à certains quotas et à certains obstacles au commerce, pour nous conformer aux exigences de l'Union européenne, mais cette situation ne doit durer que deux ou trois ans. Il s'agit d'un plan quinquennal, et à l'issue de cette période, nos marchés seront totalement ouverts.

La situation évolue. Je ne sais pas si ceux qui veulent venir dans notre pays actuellement se heurtent à des problèmes sérieux. Nous sommes en train de modifier notre système bancaire pour accueillir certaines banques étrangères. Nous avons besoin d'un certain délai pour constituer notre propre système bancaire, car nous en sommes actuellement à la première étape. Mais tout cela va changer, car toutes nos réformes sont conformes à l'accord que nous avons conclu avec l'Union européenne. Il nous permet de passer à l'économie de marché.

M. Feliksas Palubinskas: Notre problème, c'est que nous procédons à une transformation du système. L'opération ne peut se faire du jour au lendemain. À mon avis, nous devrions avoir terminé d'ici cinq ans, mais c'est peut-être l'âge qui me rend aussi optimiste: je ne veux pas attendre davantage. Nous sommes en progrès, et j'espère que le mouvement va s'accélérer avec le temps.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Quels que soient les progrès du système bancaire, les banques, même si elles sont indispensables, sont toujours une épine dans le pied d'un pays, et je ne pense pas qu'on puisse aspirer à un système bancaire qui ne suscite jamais la moindre critique.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'aimerais savoir comment s'est déroulée la période de transition. La Lituanie n'a pas connu l'économie de marché pendant plus de deux générations. Vous êtes les chefs de file du changement: c'est vous qui assurez la transition. Mais qu'en pense le Lituanien moyen? Comment réagit-il au passage de la domination soviétique à l'économie de marché, et à tous les changements que le pays a connus?

M. Rimantas Jonas Dagys: Je vais essayer de répondre, et mes collègues ajouteront bien sûr leur point de vue au mien.

L'indication principale est apparue lors des dernières élections présidentielles: la plupart des Lituaniens ont indiqué qu'ils voulaient s'orienter vers les normes occidentales, la pensée occidentale, etc. Cela a été pour nous une indication très importante.

Évidemment, différentes opinions se manifestent parmi les Lituaniens, car nos réformes les ont obligés à changer de vie. Le niveau de vie, par exemple, a beaucoup changé. Mais en général, d'après les sondages d'opinion, la population a une opinion positive de nos changements. Bien sûr, nous connaissons beaucoup de problèmes, en particulier dans le domaine social, mais je pense qu'en général, la situation évolue de façon positive.

M. Feliksas Palubinskas: Mais il y a des gens qui se plaignent. Il y a quelques semaines, je marchais en compagnie d'un électeur de mon district, et nous avons voulu traverser la rue. La circulation était si dense que nous ne pouvions traverser; il a fallu attendre. Cette personne m'a dit: «C'est épouvantable. Depuis l'indépendance, tout va si mal qu'on ne peut même plus traverser la rue.»

• 1025

Les gens sont dérangés par le changement. Dans l'ancien système, on savait ce qu'on pouvait ou ne pouvait pas obtenir, et on le savait de façon certaine. Désormais, les gens doivent prendre davantage d'initiatives, ce qui, parfois, peut leur faire très peur. En tout cas, ils s'attendent désormais à des résultats. Ils exigent des résultats. Aux premières élections, ils ont voté pour certains candidats et ils ont attendu des résultats, mais ils n'ont rien fait de plus. Désormais, lorsque je retourne à Kaunas, dans mon district, les gens viennent me voir et me font part de leurs exigences concernant ce qu'il faudrait faire au Seimas. Je crois que c'est un changement tout à fait souhaitable. C'est véritablement un bon signe. Les gens ont l'impression de faire partie de la société, d'une société qui bouge.

M. Mecys Laurinkus: Soixante-cinq pour cent des gens travaillent dans le secteur privé.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, madame la présidente.

La plupart de mes questions m'ont été subtilisées et vous y avez très bien répondu.

J'aimerais vous féliciter de votre maîtrise de la langue anglaise. Comme vous le savez, nous avons un problème linguistique ici et lorsque nous entendons des gens qui viennent d'Europe parler trois ou quatre langues, nous nous rendons compte de l'ampleur toute relative de notre problème.

Quelle est votre proposition pour ce qui est des ressources naturelles: le charbon, le pétrole, le gaz naturel, le bois d'oeuvre, les minéraux? En effet si on n'a pas de ressources de ce genre, on n'est pas maître chez nous. Quelle est votre position à ce sujet?

M. Feliksas Palubinskas: En réalité, nous avons la meilleure ressource dont puisse disposer un pays, à savoir sa population.

Pour ma part, je suis revenu définitivement en Lituanie en 1992. J'ai apporté avec un moi un programme universitaire, dans le cadre duquel je présentais chaque mois un nouveau professeur américain comme conférencier. Presque tous ces conférenciers, au moment de leur départ, m'ont dit à quel point ils étaient étonnés de la rapidité avec laquelle les gens assimilaient la matière et étaient en mesure de l'appliquer dans leur domaine.

Un pays aura beau être riche en ressources naturelles, s'il ne l'est pas en ressources humaines, il sera pauvre. Nous pouvons acheter le charbon et obtenir tout le reste si nous avons les gens qu'il faut.

M. Rimantas Jonas Dagys: Permettez-moi un bref résumé. Évidemment, l'exploration pétrolière n'est pas complète. Il existe encore des possibilités de trouver du pétrole. Cependant, l'infrastructure de notre économie et le système énergétique sont les plus forts dans cette région du fait que nous avons une centrale nucléaire et que nous exportons notre électricité. Nous avons, en Lituanie, le meilleur réseau routier; il est de loin supérieur à celui de la Pologne et d'autres régions. C'est là un grand atout pour notre économie.

Évidemment, nous importons du pétrole et du gaz de Russie mais nous construisons à l'heure actuelle deux terminus sur notre frontière maritime. Nous allons tenter d'obtenir du pétrole d'autres sources de manière à assurer notre indépendance. On prévoit à l'heure actuelle un vaste projet visant à lier notre réseau électrique à celui de l'Union européenne, ce qui nous permettra d'exporter une bonne partie de notre électricité vers l'Union européenne.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Je serai brève.

Je suis contente de vous voir, monsieur l'ambassadeur. Monsieur Vaiciunas, je vous souhaite la bienvenue.

Je tiens également à souhaiter la bienvenue aux délégués, mais j'aimerais poser une question qui résume l'ensemble des questions qui ont été posées. Quel est l'état de vos rapports actuels avec Moscou, avec la Russie? Vous avez parlé des traités au sujet des frontières. Par conséquent, vous avez conclu des ententes à ce sujet. Quels sont donc dans la pratique vos rapports socio-politiques actuels avec la Russie, avec Moscou?

• 1030

M. Mecys Laurinkus: Nos rapports avec la Russie sont certainement meilleurs et de loin, qu'ils ne l'étaient en 1990. Sur les plans commercial et économique, les rapports se sont grandement améliorés également.

Nous avons conclu et signé un accord sur la double imposition. Il s'agit d'une grande réussite dans les rapports entre la Lituanie et la Russie. Nous entretenons des rapports avec l'aile démocratique en Russie, tant à la Douma et dans le gouvernement que dans l'ensemble de la société. Il existe au Parlement un groupe d'amitié ou d'échange cordial avec le Parlement russe, avec la Douma.

Nous estimons devoir travailler davantage avec l'aile démocratique russe. Nous devons intensifier les rapports à cet égard. C'est notre rôle, à titre de pays le plus proche de la Russie. C'est un rôle que nous nous devons de jouer dans ce domaine.

Enfin, nous nous efforçons d'amener les régions, la région de Kaliningrad par exemple, à établir des rapports économiques avec la Lituanie—non seulement avec la Lituanie, mais avec la Pologne et le Bélarus également—dans le cadre d'une coopération économique régionale. Nous estimons que c'est là également notre rôle—de faire participer la Russie aux structures européennes.

M. Feliksas Palubinskas: J'aimerais ajouter quelque chose.

La Russie est un vaste pays. Elle a le sentiment d'être une grande puissance et d'être ainsi en mesure d'imposer ses vues. La Russie parle fort, mais du même coup, c'est un pays qui sait reconnaître l'évidence. Devant le fait accompli, la Russie a tendance à accepter même des situations pour lesquelles elle aura protesté au préalable avec véhémence. Je pense qu'on peut en dire autant au sujet de sa position concernant l'adhésion des pays baltes à l'OTAN. À l'heure actuelle, la Russie s'y oppose très fermement, mais chaque fois qu'une initiative en ce sens est prise par le truchement de l'un de nos divers projets de collaboration, les Russes n'insistent pas trop.

Nous estimons que notre participation à l'OTAN ne pose pas problème, même si cela devait se faire pas à pas.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Notre temps est écoulé. J'aimerais vous féliciter à nouveau du succès de votre semaine à Ottawa et à l'occasion de la célébration du 80e anniversaire de l'indépendance de la Lituanie.

Plus tôt, monsieur Azubalis, vous avez déclaré avoir des problèmes en matière de relations publiques. Permettez-moi de vous assurer que, ici à Ottawa, vous n'en avez pas du tout. Votre ambassadeur est très dynamique en plus d'avoir de la prestance.

Permettez-moi de vous offrir, au nom du comité, ce livre sur le Canada. Votre présence ici aujourd'hui nous a fait grand plaisir. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): La séance est levée.