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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mars 1999

• 1541

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte.

Chers collègues, nous n'avons que jusqu'à 17 h 10 aujourd'hui étant donné que nous serons appelés à voter à 17 h 15.

Comme d'habitude, nous avons devant nous un groupe de haut niveau et je vous rappelle que nous parlons des différends commerciaux et de leur règlement.

Nous allons entendre chacun de nos témoins dans l'ordre dans lequel ils figurent sur l'avis de convocation. Comme d'habitude, je vais demander à chacun de limiter son introduction à 10 minutes environ, ce qui nous laissera davantage de temps pour les questions.

Nous allons commencer par les producteurs d'acier, Mme Van Loon et M. Belch.

Madame Van Loon, nous sommes ravis de vous revoir ici.

Mme Jean Van Loon (présidente, Association canadienne des producteurs d'acier): Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: M. Speller est là, M. Sauvageau aussi. Nous sommes tous ici, en famille comme d'habitude. Sentez-vous comme chez vous.

Mme Jean Van Loon: Nous sommes très heureux d'avoir ici l'occasion de revenir vous parler des priorités en vue des entretiens à l'OMC.

Je suis présidente de l'Association canadienne des producteurs d'acier; je suis accompagnée de M. Don Belch, directeur des Relations gouvernementales pour Stelco Inc. et présidente de notre Comité des échanges spéciaux.

J'aimerais commencer en vous esquissant notre point de vue général concernant les négociations qui s'annoncent à l'OMC et en rappelant aux membres du comité qui le savent peut-être déjà et en apprenant aux autres quelles sont les caractéristiques principales de notre industrie.

Notre association représente la sidérurgie canadienne, c'est- à-dire tous les producteurs d'acier primaires. De nos jours, cette industrie représente une très forte valeur ajoutée et il s'agit également d'une industrie secondaire très moderne. Elle est également un client important pour les services d'ingénierie de pointe et les industries des services environnementaux. Notre industrie emploie plus de 33 000 personnes de façon directe et fait travailler 150 000 personnes sur un plan indirect.

En 1997, notre chiffre d'affaires a dépassé nettement les 11 milliards de dollars et nous avons exporté pour 3,6 milliards de dollars. Il s'agit donc d'un secteur industriel important et pour lequel les exportations comptent pour beaucoup.

Nous exportons surtout vers les États-Unis, mais cela ne signifie pas que nous soyons à l'abri de la concurrence des autres pays. Si vous examinez les chiffres pour 1998, vous constaterez que nous avons importé de l'acier de 65 sources différentes.

Pour pouvoir affronter cette concurrence très intense sur le plan international, nous avons procédé au cours des 15 dernières années à de très gros investissements en matière d'équipement, quelque quatre milliards de dollars, ce qui nous a permis de réaliser des gains significatifs du point de vue de la productivité.

Pendant les années 90, le PIB par employé a augmenté de 44 p. 100 en dollars constants, ce qui représente dans l'absolu un accroissement notable par rapport au secteur manufacturier dans son ensemble, qui n'a atteint que 27 p. 100, de sorte que nous avons affiché une solide performance du point de vue de l'augmentation de notre productivité.

Malgré cette augmentation de notre productivité et le fait qu'en 1998, la demande intérieure avait été très forte, nous avons néanmoins affiché une légère baisse de nos expéditions par rapport à l'année précédente. Cela a été dû à l'arrivée massive sur notre marché d'acier étranger, ce qui illustre d'ailleurs de façon frappante à quel point notre industrie sidérurgique est ouverte au reste du monde et à quel point aussi nous sommes vulnérables aux problèmes qui risquent de surgir dans les autres pays producteurs.

Lorsque le marché asiatique s'est effondré, cela a eu pour effet non seulement que les pays asiatiques ont commencé à exporter leur acier chez nous, mais également qu'ils ont arrêté d'importer de l'acier des autres pays traditionnellement exportateurs. L'Asie a ainsi toujours absorbé la moitié des exportations d'acier russe, la Russie étant le principal exportateur d'acier au monde, et environ la moitié des exportations japonaises.

• 1545

Étant donné les problèmes économiques sur les marchés russes et asiatiques, il se fait qu'environ un tiers de la capacité productive mondiale s'est trouvé situé sur des marchés connaissant eux-mêmes une baisse de la demande intérieure. Par conséquent, les exportations d'acier ont augmenté en direction de l'Amérique du Nord qui était en l'occurrence le dernier marché encore tant soit peu solide au monde.

Plusieurs caractéristiques de notre industrie font qu'elle est particulièrement vulnérable à la concurrence déloyale. Il s'agit d'une industrie à très haut niveau de capitalisation, de sorte que les entreprises sidérurgiques ont tout intérêt à continuer à produire et à exporter, même en obtenant moins que leur prix de revient. C'est d'autant plus le cas lorsqu'il s'agit de pays comme la Russie, toujours très avide de devises étrangères fortes et où de nombreuses compagnies sidérurgiques donnent du travail à énormément de gens, non seulement pour produire l'acier, mais également dans la collectivité en général, par exemple les écoles et les hôpitaux.

Ce qui se produit alors, c'est qu'il y a temporairement, dans une autre région du monde, un problème de demande qui risque de causer un préjudice permanent à la trame économique du Canada, à moins bien sûr que nous ayons les moyens de lutter contre la concurrence déloyale.

Pour la sidérurgie canadienne, les priorités en vue des négociations commerciales internationales viseraient l'établissement d'une économie mondiale vigoureuse, dynamique et en croissance permanente grâce à l'ouverture du système des échanges internationaux. Le commerce engendre la croissance économique. La croissance économique est le moteur de la demande dans le secteur de l'acier. L'ouverture des échanges commerciaux internationaux est donc excellente pour la sidérurgie, mais nous devons absolument combiner cela à une palette de moyens permettant de lutter contre la minorité d'importations qui nous arrivent en concurrence déloyale à tel point qu'aucune entreprise qui fonctionne selon les principes du commerce n'est capable à terme de leur faire tant soit peu concurrence.

S'agissant maintenant de nos priorités en tant que telles dans le cadre des négociations à l'OMC, il est manifeste que nous aimerions pouvoir conserver des recours draconiens contre les pratiques commerciales déloyales. Nous aimerions également que les barrières tarifaires et non tarifaires soient graduellement abaissées pour nous faciliter l'accès aux autres marchés.

Nous voudrions également abaisser certaines des barrières techniques qui entravent le commerce, notamment les incohérences au niveau de la définition des règles du pays d'origine ou les différences au niveau des procédures douanières.

Nous aimerions que les lois nationales en matière de concurrence soient renforcées sans pour autant qu'elles remplacent la législation antidumping qui est pour nous extrêmement importante.

Nous aimerions encourager les pays comme la Chine et la Russie à entrer à l'OMC aux mêmes conditions que les autres participants.

Nous aimerions des règles propices à une stabilisation des marchés financiers internationaux.

Pour en venir au sujet officiel à l'ordre du jour, nous aimerions également à l'OMC, des mécanismes de règlement des différends qui soient rigoureux et produisent des résultats. De fait, notre industrie n'a jamais été directement partie prenante dans un règlement de différend à l'OMC mais, depuis quelques mois, nous avons manifestement été affectés par une procédure de l'OMC qui n'a pas donné satisfaction à toutes les parties. On nous a menacés de représailles parce que les deux parties se sont dites insatisfaites du règlement obtenu à l'OMC dans le cas de notre législation sur les périodiques.

Voilà essentiellement, monsieur le président, ce que j'avais à dire.

Le président: M. Belch voulait-il ajouter son mot?

M. Donald Belch (président, Comité des échanges commerciaux, Association canadienne des producteurs d'acier): Non, je vous remercie.

Le président: Tous les membres du comité vont poser leurs questions, mais celle que je vous poserai moi, madame Van Loon, est la suivante: si vous n'aimez pas avoir à subir le contrecoup d'un différend entre d'autres parties—ce qui manifestement est le cas de certains secteurs tout à fait innocents dans le cas de la guerre de la banane—qu'aimeriez-vous nous voir recommander à l'OMC pour que les représailles ne soient plus un moyen...

En d'autres termes, allez-vous nous proposer plutôt le recours à la formule des dommages-intérêts par exemple? Je veux dire par là qu'il y ait une réponse quelque part. Si vous n'aimez pas la situation actuelle, quelle solution proposez-vous?

Ce sera donc la question sur laquelle nous allons revenir avec vous.

Incidemment, je suis d'accord avec vous—je n'aime pas cela non plus—mais nous sommes à la recherche de solutions.

M. Fréchette, de Thomas and Davies.

Est-ce un cabinet de Vancouver?

[Français]

Me Serge Fréchette (avocat, Thomas & Davies): De fait, monsieur le président, il s'agit d'un bureau qui a été établi d'abord à Vancouver et qui a aussi actuellement une succursale à Ottawa.

Le président: M. Christopher Thomas est votre président?

Me Serge Fréchette: C'est exact. Il est un de mes associés.

• 1550

Merci, monsieur le président, de votre invitation. C'est un peu en raison de mon expérience en tant que négociateur lors du dernier cycle de négociations qui a mené à l'accord de l'Organisation mondiale du commerce et en tant que praticien ayant représenté des gouvernements et des parties privées dans le contexte du règlement des différends que j'ai envie de vous faire part de quelques-uns de mes commentaires en ce qui concerne certaines priorités qui pourraient être considérées par le Canada dans le contexte des négociations à venir.

Il est difficile de parler du règlement des différends sans parler de l'institution elle-même, c'est-à-dire du mécanisme de règlement des différends visant à assurer que les règles de droit qui ont été élaborées dans le cadre des accords soient respectées.

Vous vous rappellerez, et on vous l'a sûrement mentionné à plusieurs reprises, que le mécanisme de règlement des différends date du tout début de l'accord, soit de 1947. Au cours des années, le mécanisme de règlement des différends a été amélioré pour tenir compte des pratiques des parties et de la réalité de la mise en oeuvre des décisions qui étaient rendues dans ce cadre. Les parties se sont rendu compte, lors des dernières négociations, que le mécanisme devait être beaucoup plus évolué et ont négocié l'actuel mécanisme de règlement des différends, c'est-à-dire le mémorandum sur les règles de procédure qui visent à soutenir le mécanisme lui-même.

Toutes ces règles de procédure ont été élaborées mais, à bien des égards, elles souffrent du fait que c'est la première fois que les parties élaboraient des règles, de telle sorte que beaucoup de choses restent encore à préciser. Lorsqu'on parle du prochain cycle de négociations, il faut donc penser à l'approche qui doit être adoptée par les parties. Est-ce que, d'un point de vue institutionnel, le mécanisme dont on fait l'expérience depuis cinq ans va dans le sens indiqué par les parties au moment de l'adoption de l'accord et est-ce qu'il y a des choses qu'on doit modifier?

Essentiellement, lorsqu'on examine l'institution elle-même, on peut constater que le mécanisme de règlement des différends a passablement bien fonctionné. Les règles étant ce qu'elles sont, les panels, les groupes spéciaux et l'organe d'appel ont été appelés à émettre des interprétations de ces règles en se fondant sur ce que les parties avaient convenu. Les règles elles-mêmes ne sont pas toujours très claires, de telle sorte qu'ultimement, les décisions rendues par les groupes spéciaux et révisées par l'organe d'appel sont le résultat d'interprétations qui satisfont certaines parties, mais n'en satisfont pas certaines autres, ce qui donne lieu à certains imbroglios, particulièrement au moment de la mise en oeuvre de ces décisions. L'affaire sur les bananes en est un parfait exemple. On entend beaucoup parler, dans le contexte actuel, de l'affaire des périodiques qui concerne le Canada et les États-Unis.

En général, on doit constater que le mécanisme lui-même fonctionne très bien et qu'il permet aux parties de régler leurs différends lorsqu'elles ne réussissent pas à mettre en oeuvre des résultats dans le cadre de négociations préalables à l'enclenchement du règlement des différends. Soit dit en passant, sur quelque 150 affaires qui ont été soulevée sous une forme ou sous un autre dans le cadre de consultations, environ le tiers de celles-ci ont été réglées par le biais de consultations, avant même d'atteindre l'étape ultime du règlement des différends, ce qui est très significatif en ce qui concerne la capacité des parties de s'entendre pour régler leurs différends avant l'enclenchement du mécanisme formel.

En ce qui concerne l'approche canadienne face à cette question, il est très facile de considérer tout cela d'un point de vue de gains et de pertes, à savoir combien de causes ont été gagnées et combien de causes ont été perdues par le Canada. Essentiellement, il est important de se rappeler que lorsqu'on fait une telle analyse, il faut tenir compte d'attentes raisonnables au départ. Compte tenu des règles et des mesures adoptées par les gouvernements, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, il faut tenir compte des résultats qui sont atteints. Il faut se demander si l'analyse qui a été faite par l'organe d'appel, par le groupe spécial, tient compte ou non des règles. C'est cela qui est important lorsqu'on doit évaluer l'approche que doit prendre le gouvernement canadien quant à sa considération du résultat qui a été atteint à la suite des négociations.

• 1555

Bien entendu, une fois qu'on a parlé des institutions, il faut parler des règles qui soutiennent le travail du mécanisme de règlement des différends, lesquelles règles sont incorporées dans ce qu'on appelle le mémorandum d'accord sur le mécanisme de règlement des différends.

Depuis à peu près deux ans, beaucoup de discussions ont eu lieu à Genève quant à la nécessité de revoir les règles telles qu'elles ont été négociées à l'origine en 1994 et mises en oeuvre en 1995. Les parties ont énormément de difficulté à déterminer l'approche qui doit être prise parce que, à bien des égards, tout est encore en formation. Il est difficile de déterminer si la discussion sur certains aspects du mécanisme de règlement des différends peut ouvrir ce qu'on appelle des boîtes de Pandore et faire en sorte que l'ensemble du mécanisme doive être revu. Beaucoup de participants, beaucoup d'avocats ou autres parties qui ont dû procéder à des affaires devant le mécanisme de règlement des différends vous diront qu'à bien des égards, on doit laisser le mécanisme prendre de l'expérience, c'est-à-dire laisser les choses évoluer et permettre aux groupes spéciaux ou à l'organe d'appel de préciser la signification de ces règles au fur et à mesure qu'ils acquièrent de l'expérience.

À bien des égards, c'est ce qu'on constate dans le contexte des décisions qui sont maintenant rendues, à la fois au niveau des groupes spéciaux et au niveau de l'organe d'appel. Les parties ne se gênent plus maintenant pour soulever des questions de procédure qui relèvent de l'interprétation des règles elles-mêmes. Les panels, les groupes spéciaux, de même que l'organe d'appel précisent la portée de ces règles et émettent des décisions qui ont une portée sur l'interprétation qu'on en fera par la suite, que ce soit au niveau de l'admission de la preuve, des questions de confidentialité de la preuve ou de la façon dont on doit traiter les questions de procédure.

Il faut donc tenir compte de la question de savoir si la priorité canadienne est de rouvrir la totalité du débat sur la procédure ou d'y aller de façon très pointue, c'est-à-dire de se pencher sur les questions plus systémiques qui ont été soulevées dans le contexte des affaires jusqu'à présent. À cet égard, on peut parler de toute la question de la transparence et de la possibilité pour les parties qui ne sont pas directement impliquées, c'est-à-dire les gouvernements eux-mêmes, de comparaître et d'émettre leurs considérations sur certains règlements de différends particuliers. La possibilité qu'ont les parties de faire des représentations comme celles-là remet en cause tout le concept qui est à la base même du règlement des différends, à savoir celui d'un règlement des différends de gouvernement à gouvernement. Ce sont des questions fondamentales qui remettent en question des principes de base.

Mais il y a d'autres questions tout aussi importantes quant aux règles de procédure. J'ai parlé tout à l'heure de toute l'administration de la preuve. Certaines affaires récentes ont démontré que les parties pouvaient avoir des préjugés quant à la façon dont elles peuvent mettre de l'avant leurs intérêts, que ce soit à l'offensive, c'est-à-dire en attaquant la mesure d'une autre partie, ou à la défensive, en se défendant contre les attaques d'une autre partie ou quant à leur inhabileté à protéger certaines des informations qu'elles pourraient devoir utiliser pour faire la preuve de la légalité ou de l'illégalité d'une mesure. On peut penser, par exemple, que dans le contexte des affaires en matière de subventions, énormément de ces informations relèvent des pratiques des entreprises. Ce type d'information procède très souvent de la caractérisation de ce qu'on appelle, en droit domestique, l'information privilégiée commerciale. En droit domestique, ce genre d'information jouit d'une certaine forme de protection.

En droit international, telles que préservées à l'heure actuelle dans le contexte de l'OMC, les règles ne sont pas claires. Il est laissé au soin du groupe spécial, et ultimement de l'organe d'appel, de déterminer la façon dont ce genre d'information sera protégé. Donc, la question qui se pose est celle-ci: est-ce que les parties sont satisfaites de la façon dont les groupes spéciaux ont traité de ces questions jusqu'à présent ou entendent-elles définir plus précisément les règles dans le contexte de la négociation? Tel est le genre de questions qui se posent pour le Canada ainsi que pour un nombre considérable de parties quant aux questions qui seront soulevées lors des négociations.

Le Canada a été partie prenante importante lors des dernières négociations de l'OMC en ce qui concerne le mécanisme de règlement des différends. La question qui se pose maintenant pour le Canada est de savoir s'il veut profiter de cette expérience et de la crédibilité qu'il a acquise lors des dernières négociations pour avancer ses vues de façon très précise dans le contexte des nouvelles négociations.

• 1600

La dernière question qui se pose est celle de l'interrelation qui pourrait exister entre ce qui s'annonce pour juillet 1999, c'est-à-dire un mécanisme à l'extérieur du cycle de négociations qui viserait à réviser le mécanisme de règlement des différends, et le prochain cycle de négociations. Est-ce qu'il s'agira d'exercices parallèles ou s'il y aura un exercice qui commencera en 1999 et qui sera ultimement versé dans le contexte des négociations multilatérales? Une des questions qui peuvent se poser est de savoir si l'exercice de juillet 1999 devrait être une première étape qui permettrait de dresser une liste de priorités dans le cadre des négociations, liste qui serait par la suite utilisée dans le contexte des négociations elles-mêmes, ou si les parties seront mieux en mesure de traiter de certaines de ces questions dans un contexte plus global.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Fréchette.

Monsieur Donald McRae.

[Traduction]

Bienvenue à nouveau ici au comité.

M. Donald McRae (témoignage à titre personnel): Je vous remercie.

Je voudrais commencer par dire que je suis d'accord avec la plupart des choses qu'a dites M. Fréchette, et dans une certaine mesure je vais d'ailleurs répéter ce qu'il a déjà dit. Nous convenons tous, je crois, que le système de règlement des différends de l'OMC est généralement considéré comme une réussite de cette organisation. Sur un plan général, je pense que le système fonctionne bien, de sorte qu'il serait probablement prématuré à mon avis de vouloir y changer quoi que ce soit. Comme l'a laissé entendre M. Fréchette, il faut donner le temps aux groupes spéciaux et à l'organe d'appel de se développer et d'arriver en quelque sorte à maturité avant d'envisager de modifier le système.

Cela ne veut pas dire pour autant que le mode de fonctionnement actuel ne pose pas problème. Je vais d'ailleurs en évoquer quelques-uns qui, dans certains cas, seront sans doute plus techniques et plus précis.

De façon générale, je dirais que ces problèmes sont gérables, même si la question de la conformité, dont vous avez d'ailleurs déjà parlé dans le contexte de la guerre de la banane, est à mon avis un problème qui est dans une certaine mesure externe au système de règlement des différends en tant que tel, mais qui risque néanmoins de porter préjudice au système dans son ensemble.

Je voudrais également faire quelques observations d'ordre général puis revenir aux détails des procédures concernant le fonctionnement du système, là où à mon avis des changements méritent d'être envisagés, voire mis en oeuvre. Ce faisant, je m'inspire de mon expérience aussi bien de la rédaction que de l'enseignement des lois commerciales internationales et de ma participation aux groupes spéciaux de l'Accord de libre-échange canado-américain et de l'ALENA, ainsi que de mes interventions en tant que conseiller de plusieurs gouvernements lors de différends entendus à l'OMC. Mais bien évidemment, tout ce que je vous dirai ici, je le dis à titre purement personnel.

Les éléments fondamentaux du processus en usage à l'OMC sont les consultations entre États, l'audition devant le groupe spécial et l'appel interjeté auprès de l'organe d'appel. Ce qui rend le système unique en son genre, à mon avis, par rapport à tous les autres systèmes internationaux de règlement des différends, c'est qu'il est obligatoire, que les décisions sont exécutoires et qu'une disposition porte que chacune de ces décisions peut faire l'objet d'un appel. Tout cela contribue au fait que nous avons là en l'occurrence un système international de règlement des différends extrêmement fin, beaucoup plus fin sans doute, et les autres spécialistes du droit international ici présents n'aimeront sans doute pas ce que je vais dire, que ceux de la Cour internationale de justice ou du Tribunal international sur le droit de la mer.

En disant cela, je pense néanmoins qu'en qualifiant ainsi le système de règlement des différends, il faut tenir compte de certains éléments contextuels qui ont d'ailleurs déjà été mentionnés en partie par M. Fréchette.

En premier lieu, le droit qui régit l'OMC est relativement nouveau. Le GATT existe, la chose a été dite, depuis 1947, mais souvent les obligations en vertu du GATT étaient exprimées de façon extrêmement générale. Les nouveaux accords de l'OMC sont partis de ce caractère général, ils l'ont défini et précisé, de sorte qu'une nouvelle langue juridique est apparue qui n'a pas encore été interprétée ni définie, ce qui fait qu'il est extrêmement difficile de prévoir avec tant soit peu de certitude l'issue des dossiers confiés aux groupes spéciaux de l'OMC. Il n'y a guère que le texte de l'accord sur lequel on puisse se baser.

Je pense que le deuxième facteur important qu'il ne faut pas oublier est que l'Organisation mondiale du commerce est une étape nouvelle très importante dans la libéralisation des échanges commerciaux. Ainsi, nombreux sont les États qui ont, dans leurs lois, des mesures protectionnistes, lesquelles vont être contestées par d'autres États. Et je dirais que l'expérience nous a montré que les États plaignants ont plus souvent gain de cause que les États qui doivent ainsi se défendre. A l'OMC, il est de loin préférable d'être un plaignant qu'un intimé.

Je pense que cet état de chose devrait se poursuivre jusqu'à ce que les États actualisent leurs législations en les alignant sur le degré de libéralisation des échanges exigé par l'OMC.

• 1605

Je pense que le troisième facteur important dont il faut tenir compte lorsqu'on examine le processus est qu'il est impossible de dissocier les échanges commerciaux des autres questions et de les étudier isolément. Les accords de l'OMC portent sur toute une série de choses dont la réglementation a toujours été considérée par les États comme leur propre prérogative. En revanche, la régulation des échanges—et nous le constatons d'ailleurs plus clairement dans le cadre de l'OMC—a des implications pour les secteurs qui ne sont pas expressément visés dans les accords de l'Organisation—la réglementation en matière environnementale, les droits de la personne et même peut-être la déontologie commerciale.

Nous constatons que certains des dossiers les plus controversés dont a été saisie l'OMC concernent les échanges commerciaux et l'environnement. Il s'agit des mesures sanitaires. Il s'agit des remèdes imposés à l'agriculture. Il s'agit de l'interface entre les échanges commerciaux et la culture.

Il faut donc absolument, à mon avis, lorsqu'on étudie le mécanisme de règlement des différends, faire la distinction entre les problèmes que représentent les règles de l'OMC et ceux que pourraient présenter d'autres mécanismes et d'autres formules destinés à régler les différends à propos précisément de ces règles.

Permettez-moi de citer maintenant certains secteurs problématiques possibles du point de vue de la procédure. D'abord, il y a la question de la consultation. La consultation est une condition préalable à toute demande de constitution d'un groupe spécial en cas de litige. Les États en cause doivent se consulter officiellement et, en principe, ces consultations ont pour but d'essayer de parvenir si possible à un règlement du différend.

En réalité, ces consultations formelles ne sont guère plus qu'un rituel. Dès lors que les États ont commencé à se consulter, ils sont déjà profondément enfoncés dans leur litige, ils ont argumenté le dossier et ont négocié. Par conséquent, à cette étape du processus, l'État plaignant cherche simplement à conforter la position qu'il va défendre devant le groupe spécial. L'État intimé fait tout ce qu'il faut pour ne pas dire quoi que ce soit qui risque de nuire à sa cause devant le groupe spécial. Ce n'est donc rien de plus qu'une audition préalable, voire une médiation obligatoire, comme ce qui est déjà courant au Canada dans certaines juridictions.

A mon sens, le processus de consultation serait plus efficace s'il était conduit en présence d'un genre de médiateur et pas simplement des seuls États. Une personne qui pourrait faire partie du groupe spécial mais qui, manifestement, n'y serait pas appelée, essaierait de déterminer quels sont les arguments qui sont crédibles et d'aider les parties à arriver à une manière de solution. Cela n'existe pas à l'heure actuelle, mais il me semble que cela rendrait tout le processus de consultation plus logique.

Le problème suivant dont je voudrais vous parler est la composition des groupes spéciaux. En principe, le secrétariat soumet aux parties une liste de noms tirés de la liste indicative et les parties ne sont censées refuser les noms que pour des raisons impérieuses.

En fait, la réalité est tout autre. Les groupes spéciaux sont censés pouvoir être constitués sous 20 jours, mais il leur faut beaucoup plus de temps que cela. Les États membres se contentent de rejeter les noms qu'on leur propose et demandent au secrétariat de leur en fournir d'autres. Les Européens n'aiment guère avoir pour membres des groupes spéciaux des Nord-Américains. Les États-Unis répugnent à se faire entendre par des membres européens. Certains gouvernements veulent uniquement des diplomates et non pas des avocats. D'autres, le ciel leur pardonne, ne veulent pas de professeurs.

Le président: Comment faire partie d'un groupe spécial?

M. Donald McRae: J'espérais que quelqu'un dans la salle aurait compati.

Des voix: Oh, oh!

Le président: M. Turp était déjà tout prêt à partir pour Genève jusqu'à ce qu'il vous entende dire cela.

M. Donald McRae: Le résultat est que la notion de raisons impérieuses est interprétée de façon inhabituellement large. En deux mots, il faudrait que le processus de sélection des membres d'un groupe spécial soit beaucoup plus automatisée, et il faudrait aussi, je pense, un genre de norme très précise de conflit d'intérêts, norme qui serait en fait le seul motif valable de réfutation.

J'ai également parlé dans mon texte des tierces parties, des auditions et de l'examen préliminaire, mais par souci de respecter le créneau souhaité par le président, je vais simplement vous parler de deux autres éléments.

D'abord il y a la question de l'accès non gouvernemental, et une question qui est souvent débattue, celle de ce qu'on pourrait appeler la transparence, et dont a parlé M. Fréchette, à savoir le processus doit-il oui ou non se limiter aux États. Une des composantes de cela est le secret qui entoure tout le processus. Les mémoires soumis par écrit sont confidentiels jusqu'à ce que les parties les rendent publics. Les auditions des groupes spéciaux se font à huis clos.

Évidemment, il y a une autre préoccupation qui concerne la faculté qu'ont les intervenants autres que les États de pouvoir présenter des mémoires et participer vraiment au processus.

Il y a deux catégories d'intervenants que cela est susceptible d'intéresser. Il y aurait en premier lieu les intérêts commerciaux directement affectés par le sujet du différend et, en second lieu, les organisations non gouvernementales qui s'intéressent plus particulièrement à des questions comme les échanges commerciaux et l'environnement. Peut-être d'ailleurs M. Mann voudra-t-il dire quelques mots à ce sujet plus tard.

Le milieu des ONG a déjà remporté une bataille devant l'organe d'appel dans le dossier crevettes et tortues. L'organe d'appel a en effet dit que les mémoires de ces intervenants non gouvernementaux pouvaient être pris en considération par les groupes spéciaux ainsi que par l'organe d'appel. Je pense que nous devons maintenant attendre pour voir comment les choses vont se passer. Mais en principe, cela s'appliquerait également aux mémoires soumis par n'importe quelle source autre qu'un État.

• 1610

A mon avis, la meilleure façon de régler la question des intérêts commerciaux est de s'y attaquer sur un plan national. Ce dont nous avons besoin au Canada, c'est de permettre aux intérêts commerciaux d'interpeller officiellement le gouvernement du Canada pour exiger de lui qu'il décide s'il va ou non en saisir l'OMC et, dans la négative, de donner une réponse officielle.

Les États-Unis ont déjà une procédure comme celle-là, de même que l'Union européenne, mais ce n'est pas encore le cas du Canada. Il me semble que nombreux sont les éléments qui militent en faveur de la mise sur pied d'une telle procédure qui permettrait aux intérêts commerciaux directement affectés par les politiques commerciales d'autres pays de soumettre leur dossier au gouvernement canadien en lui demandant de se prévaloir du mécanisme de règlement des différends de l'OMC.

Le dernier élément dont je voudrais vous parler, monsieur le président, est le problème de la mise en oeuvre qui est bien sûr, pour le public, et dans la foulée de l'affaire de la banane, l'une des questions les plus pressantes dans le contexte de l'OMC.

Comme je l'ai déjà dit, pour l'essentiel ce n'est pas vraiment un problème qui concerne le règlement des différends. C'est plutôt la question de savoir comment les États et, en particulier, les États les plus puissants, qui refusent de se conformer au droit international, qu'il s'agisse du droit commercial ou de tout autre corpus législatif international, pourraient se laisser convaincre qu'il y va de leur intérêt et de ceux de la communauté internationale de se conformer à ce même droit. Il s'agit d'un problème de droit international omniprésent et qui ne concerne pas uniquement le droit commercial ou l'OMC.

Dans le cadre du dossier de la banane, il ne fait aucun doute, je crois, que la menace de représailles brandie par les États-Unis sans l'aval de l'OMC mine tout le système de l'OMC, tout comme d'ailleurs le fait, il faut le reconnaître aussi, que l'Union européenne n'ait pas respecté la décision de l'organe d'appel. A mes yeux, le problème systémique tient à ce que le processus utilisé par l'OMC pour déterminer si un État se conforme à ses décisions en réalité ou seulement en apparence manque d'efficacité.

A l'heure actuelle, même le processus accéléré impose de reconstituer le groupe spécial qui avait été à l'origine saisi du dossier, ou alors d'en constituer un autre, ce qui ouvre la possibilité d'un appel de la décision de ce dernier. Non sans justification, je crois, les États-Unis considèrent que cela donne simplement à l'Union européenne la possibilité de surseoir sans cesse à la mise en oeuvre de mesures de conformisation en en proposant une série interminable et en faisant à chaque fois intervenir un groupe spécial et l'organe d'appel.

Je sais qu'aux États-Unis, le professeur John Jackson a préconisé qu'un seul arbitre soit chargé de décider si telle ou telle mesure est conforme à la décision d'un groupe spécial. Je souscrirais d'ailleurs volontiers à cette proposition. Je pense aussi que pour accélérer les choses, les États devraient faire en sorte que les mesures qu'ils proposent sont approuvées par l'arbitre avant même de les mettre en oeuvre, sans attendre que la mesure en question soit formellement adoptée par les instances nationales.

Je pense par ailleurs qu'il faudrait imposer une date limite pour le dépôt des mesures proposées, date limite après laquelle l'État serait obligé de retirer la mesure contestée, même si une mesure de remplacement avait en fait été approuvée. Je pense qu'une formule de ce genre ferait beaucoup pour éviter les situations où une des deux parties prétend pour sa part que l'autre ne s'est pas conformée à la décision et l'autre prêtant qu'elle s'y conforme mais qu'elle doit simplement le faire à sa manière.

Je pense que je vais m'arrêter ici, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur le doyen.

Notre dernier témoin sera M. Howard Mann que nous avons, je crois, déjà entendu dans le cadre de notre examen de l'AMI.

Bienvenue à vous une nouvelle fois, monsieur Mann.

M. Howard Mann (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, c'est toujours un plaisir de venir ici.

[Français]

Premièrement, monsieur le président, j'aimerais m'excuser de ne vous avoir fourni que la version anglaise de mes commentaires. Je dois vous dire que, pendant presque toute la fin de semaine, j'ai agi comme entraîneur de l'équipe de hockey de mon jeune fils. Dites-vous que j'ai choisi d'accorder la primauté à la culture canadienne plutôt qu'aux échanges internationaux.

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): N'est-ce pas plutôt la primauté du hockey?

Le président: Deux voix de pères.

M. Daniel Turp: Oui, c'est ça.

Le président: C'est plus important.

M. Howard Mann: Bien que ma présentation soit en anglais, je suis tout disposé à répondre à vos questions dans les deux langues, monsieur le président.

[Traduction]

La question du règlement des différends est probablement beaucoup moins glorieuse et beaucoup plus technique que bien d'autres dossiers dont votre comité s'est déjà occupé, mais je ne pense pas que cette question soit moins importante pour vos travaux.

En fait, les règles concernant les échanges commerciaux internationaux sont cruciales à deux occasions. La première fois parce que les négociations s'achèvent et la seconde à l'issue du règlement d'un différend, lorsqu'un camp a gagné et l'autre a perdu.

• 1615

C'est donc une question tout à fait primordiale. En deux mots, le règlement des différends a une importance, une méga-importance comme pourraient le dire mes enfants.

Je voudrais aujourd'hui vous parler de cinq éléments particuliers. D'abord, l'élargissement du contexte du règlement des différends, qui a été évoqué par le professeur McRae, la transparence, la question du règlement des différends dans le contexte des investissements au cas où cette question ferait partie de la ronde de négociations du début du prochain millénaire, la fiabilité du processus de règlement des différends et la conformité à celui-ci, et enfin certaines considérations sur le juste milieu qu'il faut atteindre dans le cadre du processus actuel, peu importe qu'il soit modifié à l'occasion des prochaines négociations ou dans le cadre d'un processus parallèle.

S'agissant de l'élargissement du contexte du règlement des différends, je ne pense pas qu'il y ait vraiment beaucoup de gens qui souhaiteraient voir l'OMC faire directement oeuvre réglementaire dans le domaine de l'environnement ou dans celui des droits de la personne. Il y a probablement davantage de gens qui préféreraient que l'OMC intervienne directement dans les questions ouvrières, mais cela étant, ce n'est pas, que je sache, la majorité des gens. Ceux-là préféreraient que ces questions soient réglementées dans le cadre des organismes constitués expressément pour le faire.

En même temps, comme l'a dit déjà le professeur McRae, il est extrêmement important, primordial même, d'être conscient de l'impact des règles commerciales sur ces règlements dans les deux secteurs en question, et de savoir comment les gouvernements font leur travail dans ces mêmes secteurs. Même si je suis d'accord avec Don lorsqu'il dit que nous devons faire la distinction entre les problèmes concernant les règlements, c'est-à-dire la substance du corpus législatif en matière d'échanges commerciaux, et le processus de règlement des différends, il y a quand même là aussi un certain lien, surtout du point de vue de la transparence. Je pense donc que cela est relativement important.

Pour ce qui est maintenant de la transparence, je pense que comparé à ce que nous pouvons voir déjà à l'heure actuelle dans le volet investissement de l'ALENA, la mise en route de ce processus au sein de l'OMC est manifestement très transparente. L'avis d'intention de recourir à un arbitrage est rendu public par affichage sur le site Web de l'OMC. Ce site est actualisé toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Tout cela est donc du domaine public et facilement consultable. Pour ce qui est de l'ouverture d'un différend, il est évident que c'est tout un progrès par rapport à ce qui se passe dans le cadre du GATT.

En prospective maintenant, je pense que le processus pourrait encore être amélioré. J'ai énuméré certains éléments améliorables dans le texte que je vous ai fait distribuer. Je pense que lorsque l'argumentation est déposée, il doit y avoir plus d'ouverture. Je sais que certains dossiers sont délicats du point de vue commercial, et peut-être cela devrait-il être l'exception à la règle, mais lorsqu'on commence à parler de versions «publiques» de l'argumentation, nous ne sommes pas loin d'une version banalisée des choses, une version qui fera que le citoyen finira très rapidement par perdre le fil de l'argumentation de son gouvernement et des autres gouvernements quant à ses droits et obligations dans le processus commercial.

À l'exception possible des secrets commerciaux, je préconiserais donc, lorsque nous parlons de la transparence de l'argumentation ou de l'accès que le public doit avoir à ces argumentations, il ne devrait pas y avoir de versions—et je cite—«publiques» de ces argumentations.

Pour ce qui est de l'accessibilité du processus aux médias et au public, j'ai lu ce qu'a dit le ministre Marchi au début de vos travaux, lorsqu'il disait que les échanges commerciaux étaient devenus une question d'intérêt local et qu'il fallait qu'il en soit ainsi afin que les gens comprennent bien leur importance. Il devient assez difficile de faire cela, parce que seuls les gouvernements ont accès aux coulisses de l'OMC à Genève. Si nous voulons rendre les choses accessibles, nous devons donner aux Canadiens, et à n'importe qui d'ailleurs, le moyen de savoir ce qui se passe dans le cadre de ce processus.

Pour ce qui est maintenant de l'admissibilité de ce qu'on appelle les «mémoires de la société civique», qu'il s'agisse des intérêts de l'industrie, d'intérêts commerciaux ou des intérêts des ONG, comme le signalait le professeur McRae, depuis la décision de l'OMC dans le dossier crevettes et tortues, une petite porte s'est ouverte à cet égard. En même temps, l'organe d'appel a également déclaré qu'il n'allait pas vraiment tenir compte de ce que l'ONG avait présenté dans ce dossier parce que son argumentation était différente de celle du gouvernement, de sorte qu'il allait simplement prendre en considération la version du gouvernement.

• 1620

C'est un peu se prendre à contrepied de dire d'une part qu'on va ouvrir le processus et d'autre part qu'on ne va pas tenir compte de ce qui est avancé si cela ne correspond pas à ce que dit le gouvernement. Je pense qu'il s'agit là d'un problème qui mériterait d'être mieux examiné, analysé et réglé.

Enfin, il y a la difficulté de rendre la décision immédiatement accessible au public, après l'avoir fait traduire en trois langues.

J'ai remarqué ici un problème supplémentaire. Je ne connais pas l'expérience de M. McRae, mais je suppose qu'elle diffère radicalement de ce que j'ai entendu à Genève, à savoir qu'un certain nombre de décisions des groupes spéciaux, dont certaines qui figurent parmi les plus importantes, sont en fait rédigées par des fonctionnaires de l'OMC et non pas directement par des membres du groupe spécial. C'est en tout cas ce que disent actuellement toutes les ONG à Genève.

Je ne sais pas si c'est exact en pratique, mais cette allégation jette le discrédit sur la procédure des groupes spéciaux si l'on pense que c'est ainsi qu'ils fonctionnent. Elle porte atteinte à la crédibilité et à l'objectivité de la procédure ainsi qu'au rôle de l'OMC, dans la mesure où elle aurait un fondement de vérité. Je crois que le comité pourrait étudier rapidement et simplement cette question.

En ce qui concerne le règlement des différends dans le contexte de l'investissement—et nous sommes à la rubrique des hypothèses, pour le cas où l'investissement serait inscrit au programme de la prochaine ronde; je ne suis pas convaincu qu'il faille en saisir l'OMC, mais je n'ignore pas que le secrétariat de l'OMC voudrait que l'investissement soit inscrit au programme—il me semble que la transparence doit être un élément essentiel de la procédure de règlement des différends en matière d'investissement, conformément au modèle que propose le chapitre 11 de l'ALENA.

La transparence au déclenchement de la procédure fait défaut actuellement, et je crois que le comité devrait étudier la question et lui consacrer une recommandation dans le contexte de l'investissement. Je crois qu'il est tout à fait extravagant qu'une société étrangère puisse reprocher au gouvernement canadien d'avoir adopté une loi dans l'intérêt public et que la population canadienne ne soit pas habilitée de plein droit à savoir qu'une contestation a été amorcée et qu'elle suit son cours. Cette situation, à mon avis, pose un problème fondamental de respect de la démocratie.

Les deux derniers éléments qui figurent sur cet acétate concernent l'équilibre des droits et des responsabilités dans le contexte de l'investissement.

Lorsque l'OCDE a amorcé ses travaux sur les entreprises multinationales dans les années 70, elle s'est consacré à quatre sujets: le traitement national non discriminatoire des investisseurs étrangers, la réglementation des mesures incitatives et dissuasives des gouvernements à l'égard des investisseurs, l'interdiction des exigences contradictoires et des chevauchements dans la fiscalité imposée aux sociétés multinationales, et l'étude d'un code de conduite ou de lignes directrices applicables aux multinationales.

Dans le cadre de l'AMI, les trois premiers sujets ont été abordés lors des négociations juridiques qui devaient déboucher sur un accord international. Il n'a pas été question des responsabilités de l'industrie ni des multinationales, qui ont été explicitement tenues à l'écart de la structure juridique envisagée.

Au cours des années 70, on travaillait sur quatre sujets, dont un seul a été repris lors des négociations de l'AMI, alors qu'on a résolument laissé les responsabilités en dehors du contexte juridique. Il est ainsi plus facile de comprendre que certains groupes aient pu qualifier la procédure de l'AMI d'élaboration d'une charte des droits de la grosse entreprise. Il était question de leurs droits, mais pas de leurs responsabilités.

Dans ce contexte, je considère que si l'investissement est inscrit au programme de la ronde du millénaire, il faudra y inscrire également les responsabilités des multinationales, ainsi que les autres sujets qui devront être abordés dans le contexte de cet accord.

Je peux même proposer les deux éléments suivants—ou les deux derniers éléments de cet acétate—à savoir que pour concrétiser ces responsabilités, on pourrait exiger qu'avant de pouvoir invoquer le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et l'État, auquel un investisseur peut recourir unilatéralement, ce dernier soit d'abord tenu de prouver qu'il s'est conformé à ses responsabilités.

• 1625

C'est donc une première possibilité, mais la deuxième, qui mérite considération, est en quelque sorte un système hybride, dans lequel une société qui conteste certaines activités de nature législative dans un pays où elle est implantée devrait faire approuver sa contestation par son pays d'origine—par exemple si elle estime que la législation environnementale d'un pays porte atteinte à son droit d'investisseur.

Il y aurait ainsi, du moins, une certaine défense contre les contestations déjà présentées dans le cadre de l'État de l'investisseur et qui soulèvent beaucoup de questions importantes.

L'application de l'une ou l'autre de ces deux formules permettrait de faire la part des choses entre les droits et les responsabilités dans le contexte de l'investissement et du règlement des différends.

Faute de temps, je ne dirai pas grand-chose de l'invocation de la procédure de règlement des différends ni de son application. Je crois que d'autres en ont déjà parlé et ils ont fait le tour de ce que j'aurais à en dire.

Si vous m'accordez encore une minute ou deux, il me semble important d'évoquer aujourd'hui certaines considérations concernant l'équilibre des intérêts au sein de la procédure actuelle au sein de l'OMC; on ne peut pas toujours se projeter dans l'avenir. A mon avis, c'est important pour la crédibilité du système de l'OMC et la possibilité de le faire admettre, aussi bien au Canada qu'ailleurs.

En conclusion, je dirai tout d'abord que je suis indiscutablement favorable à un régime commercial fondé sur des règles précises. Le Canada a tout à y gagner, c'est indéniable, mais dans certaines circonstances, il convient de contrebalancer cet appui envers un régime fondé sur des règles solides par d'autres préoccupations.

Je rappelle les propos du ministre Marchi devant ce comité: le 9 février dernier, il a parlé du respect des valeurs canadiennes dans le contexte de la promotion du libre-échange.

Je voudrais vous donner un exemple tout à fait courant qui, à mon avis, soulève diverses questions. A ma connaissance, le Canada fait partie des pays qui mènent actuellement la charge contre toute imposition de règles d'étiquetage concernant les produits alimentaires ou les aliments génétiquement modifiés. Je ne veux pas entrer dans un débat de fond sur la question, mais si elle fait l'objet d'un différend, elle pourrait nous exposer à des risques qui vont au-delà de l'interprétation du droit commercial.

Une telle contestation opposerait l'Union européenne et le Japon d'un côté, au Canada et aux États-Unis de l'autre. Pour l'essentiel, la quasi-totalité de la moitié nord de l'univers commercial va s'affronter dans un conflit que les médias ne manqueront pas de présenter comme un affrontement entre les règles commerciales et le droit de savoir ce qu'on mange. En Europe, les médias s'expriment déjà en ces termes.

Si l'on engage ce genre de différend à la veille des négociations du millénaire, il en résultera un obstacle politique considérable à l'amorce de négociations visant un élargissement des règles commerciales au moment même où une question si fondamentale que le droit de savoir ce que l'on mange est déjà contestée.

Je me demande par ailleurs si la participation à ce genre de contestation est bien conforme aux valeurs canadiennes, ou s'il ne traduit pas la primauté de la liberté du commerce sur d'autres droits fondamentaux.

La dernière chose que je voudrais signaler très brièvement dans ce contexte, c'est l'équilibre Nord-Sud. En particulier, on s'efforce actuellement de constituer un centre consultatif sur le droit de l'OMC à Genève. La démarche a été lancée par un certain nombre de pays, mais je ne crois pas que le Canada en fasse partie, du moins pas pour l'instant.

Je crois que le Canada devrait accorder son appui à une telle démarche, qui aura pour effet essentiel de proposer une forme d'aide juridique—j'emploie cette expression faute de mieux—aux pays en développement qui s'intéressent au droit commercial; ils pourront ainsi faire appel à des avocats qualifiés spécialisés en droit commercial à l'occasion de procédures qui les opposeront à des pays développés.

Il me semble qu'on pourrait également envisager d'étendre cette formule pour y englober des conseils juridiques pendant les négociations, de façon à mettre tous les pays sur un pied d'égalité.

Le président: Encore du travail pour les professeurs de droit.

M. Howard Mann: Je ne suis pas professeur...

Le président: Je sais; je pensais à M. McRae.

M. Howard Mann: ...mais il y aurait du travail pour les professeurs et pour d'autres.

Le président: C'est parfait. Nous y enverrons M. Turp.

Merci beaucoup. Votre exposé nous a été très utile. Je suis d'accord avec vous; c'est un sujet aride et réservé aux experts, mais qui risque d'avoir des conséquences énormes si nous ne faisons pas ce qu'il faut, car l'intégrité du système dépend de son bon fonctionnement. Il nous incombe donc d'essayer de bien comprendre comment il fonctionne.

• 1630

Je dois dire que je crains que nous n'allions trop loin dans les détails, mais M. Penson adore les questions de ce genre, et nous allons donc lui céder la parole.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le président, le dernier argument de M. Mann, concernant l'étiquetage des produits alimentaires, m'a quelque peu intrigué.

Je ne pense pas que les Canadiens s'opposent à l'étiquetage des aliments, mais on risque fort de les mécontenter si l'on n'utilise pas une formule scientifique à l'Organisation mondiale du commerce pour définir ce qui constitue un obstacle au commerce et un produit propre à la consommation.

Il me semble qu'en ce qui concerne les produits génétiquement modifiés—le canola, par exemple—on se sert de barrières non tarifaires et de tactiques d'intimidation, alors qu'à mon avis, tout devrait être fondé sur des données scientifiques. Il me semble que l'Organisation mondiale du commerce s'est fondée sur la science jusqu'à maintenant, et elle doit continuer à le faire pour l'ensemble des produits.

Le canola, par exemple, de même que d'autres céréales canadiennes que nous vendons, sont modifiées génétiquement depuis des siècles. La méthode est différente, et les progrès sont effectivement plus rapides aujourd'hui.

Monsieur Mann, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il faut se fonder sur des données scientifiques, notamment lorsqu'on décide, à l'OMC, si certains produits peuvent être exportés ou non?

M. Howard Mann: Je pense qu'il faut faire ici une distinction importante. Il faut d'abord savoir si le produit peut être vendu, mais d'autre part, il faut déterminer si l'on connaît exactement le produit vendu.

Je ne parle pas d'une étiquette qui dirait «Ce produit alimentaire est dangereux», et je ne pense pas que ce soit là ce que propose l'Union européenne ou le Japon, mais compte tenu des interrogations croissantes des milieux scientifiques concernant certaines catégories d'aliments génétiquement modifiés, et compte tenu de la nature tout à fait différente des modifications génétiques pratiquées actuellement... Si l'on regarde les semences particulièrement résistantes mises au point actuellement, ou les antibiotiques qu'on met dans certaines céréales...

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Daniel Turp: ...

M. Howard Mann: Il n'est plus question des croisements génétiques ni des manipulations auxquelles les agriculteurs se livrent effectivement depuis des siècles. On parle ici de procédures fondamentalement différentes qui soulèvent tout un tas de questions.

Je reconnais avec vous que les obstacles au commerce doivent avoir un fondement scientifique, sous réserve de l'application du principe de précaution, que l'organisme d'appel a appliqué dans le cas du boeuf aux hormones. Je crois qu'il faut évaluer les risques, mais je crois que la question est différente dès qu'on parle de l'information à fournir par l'étiquetage par opposition à l'imposition effective d'obstacles au commerce.

Tant qu'il est question d'étiquetage, l'équilibre entre le niveau des preuves scientifiques qui peuvent justifier une interdiction à la vente par opposition à l'exigence d'un étiquetage informatif est important...

M. Charlie Penson: Je suis d'accord, mais il faut être prudent. Il est très facile de se servir de ces questions pour en faire des obstacles au commerce. Tant que l'accord est fondé sur des principes scientifiques reconnus... Si le jury n'est pas encore prêt à se prononcer, peut-être faudrait-il retarder la décision portant sur une interdiction éventuelle de façon à permettre l'indispensable évaluation scientifique.

Êtes-vous d'accord?

M. Howard Mann: Je ne suis pas certain d'être d'accord.

M. Charlie Penson: Dans ce cas, quand pourrait-on prendre la décision?

M. Howard Mann: Quand on peut respecter l'équilibre... encore une fois, je parle de l'étiquetage informatif, et non d'une interdiction des importations ou des exportations. Je crois que c'est une différence essentielle.

En matière d'étiquetage informatif, si le public est inquiet et que les scientifiques demandent un temps de réflexion... Et les connaissances scientifiques commencent à apparaître. Les réserves ne concernent peut-être pas le canola, mais il en existe pour d'autres produits, et elles augmentent en proportion des manipulations génétiques.

Je ne veux pas entrer dans les détails et dire si l'étiquetage est bon ou mauvais en droit commercial, car je ne pense pas que nous soyons ici pour cela. Ce qui me préoccupe, c'est qu'on puisse se servir du droit commercial pour s'opposer à l'étiquetage informatif direct et élémentaire.

Je vois bien qu'on essaie par derrière de faire peur aux gens, mais la perspective de l'invocation du droit commercial pour empêcher le public de savoir ce qu'il mange me semble une position très difficile à faire accepter à la veille du nouveau millénaire.

• 1635

M. Charlie Penson: Il faut qu'on débatte de toute cette question.

M. Howard Mann: Oui.

M. Charlie Penson: J'aimerais passer à un autre sujet, si vous m'y autorisez, monsieur le président; il s'agit de l'attitude future de l'OMC en matière de conformité, dont nous avons parlé tout à l'heure. M. McRae a proposé des améliorations.

Monsieur McRae, vous avez parlé, je crois, d'un Américain qui proposait la formule d'un arbitre unique. J'aimerais approfondir cette question, mais avant, je voudrais verser un autre élément au débat.

Supposons que le Canada porte la question du bois d'oeuvre devant l'OMC et gagne. Le problème, c'est qu'il faut un an ou un an et demi pour obtenir gain de cause et dans l'intervalle, les droits vont continuer à s'appliquer. Ainsi, même si l'OMC exige la levée de ces droits et le pays qui les a imposés obtempère, qu'arrive-t-il des droits qui ont été perçus dans l'intervalle, et qui peuvent atteindre des montants importants? Et-ce qu'on pourrait modifier la règle pour imposer leur remboursement, de façon à bien indiquer le sens de la décision de l'OMC?

M. Donald McRae: Un changement des règles, je suppose... Le GATT et l'OMC ont toujours eu une attitude gradualiste, c'est-à-dire qu'il est préférable de faire de petits gains que de ne rien obtenir. Par conséquent, le règlement des différends à l'OMC et au GATT a toujours eu pour objectif la levée des mesures contestées. La levée des mesures ne résout peut-être pas le problème passé, mais du moins, elle le résout pour l'avenir. Un retour en arrière pour résoudre le problème passé serait sans doute trop demander aux États participants.

Mais je suis d'accord quant à l'objectif. Le pays fautif a tort depuis le début. Votre argument en faveur de l'équité est tout à fait valable. Mais je doute qu'on puisse le faire accepter à un grand nombre d'États.

M. Charlie Penson: Est-ce qu'on commence à avoir de la jurisprudence à ce sujet? Comme vous le savez, certains pays ont été pénalisés et ont subi les effets négatifs des droits qu'ils ont dû acquitter et qu'ils n'ont jamais récupérés. Est-ce qu'il existe un intérêt commun entre les pays qui ont connu ce genre de situation devant l'OMC, et qu'on pourrait invoquer pour faire avancer le dossier?

M. Donald McRae: Je ne pense pas que le GATT ait eu à se prononcer sur des cas de ce genre, mais il serait toujours possible de demander au groupe spécial de faire des recommandations en ce sens pour voir jusqu'où on peut aller. Je sais que c'est une revendication qui a déjà été formulé mais il faudrait un groupe spécial très déterminé pour présenter ce genre de demande, et un organisme d'appel lui aussi très déterminé pour la confirmer.

Le président: Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Vous pourrez peut-être poser la question concernant l'arbitre unique, monsieur le président.

Le président: Oui. L'arbitre unique sur la question de la conformité... Oui, je vais poser la question.

Peut-être que M. Turp va la poser. Ou plutôt, c'est M. Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Nous sommes en train de consulter la réponse de l'OMC concernant le dossier de Bombardier et Embraer. Vous, monsieur McRae, qui avez fait partie de différents panels, pourriez probablement nous dire que les partis d'opposition doivent être prudents dans leurs attaques parce que ce pourrait aussi être utilisé contre eux à l'occasion des diverses plaintes. On voit qu'à cinq ou six reprises, il est fait mention d'une étude déposée par le Parti réformiste. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de prendre connaissance de cette étude, mais cela nous rappelle l'importance de la prudence dont il faut faire preuve quand on est un parlementaire, même dans l'opposition.

Le président: Quelle sagesse.

M. Daniel Turp: On n'a pas tendance à se plaindre de ce qui se passe dans l'Ouest.

M. Benoît Sauvageau: Je vais adresser une première question à Mme Van Loon avant de me faire chiper le scoop par M. le président. J'avais déjà remarqué que vous aviez dit qu'à l'OMC, vous aimeriez avoir un excellent mécanisme de règlement des différends commerciaux. Je vous demanderai donc si celui qui existe actuellement vous satisfait. Sinon, de quelle façon peut-on ou doit-on l'améliorer? C'est la question que je pose à Mme Van Loon.

• 1640

J'en ai une deuxième. Dans votre document, au point 2.8 de vos priorités spécifiques, vous dites qu'on devrait établir des marchés financiers internationaux stables. Est-ce que l'OMC peut avoir un rôle à jouer dans l'atteinte de cet objectif? Si oui, de quelle façon?

Mme Jean Van Loon: Je dois dire que je me sens un peu mal à l'aise au milieu de tant d'experts. Nous sommes les seuls ici à témoigner non pas à titre d'experts, mais à titre de personnes vivant les conséquences des différends internationaux.

Cela étant dit, ce sont les périodiques et les menaces formulées par les États-Unis qui nous ont amenés à croire que le système de règlement des différends devait être amélioré. C'est évident que dans ce cas-là, il s'agit d'un problème de compliance implementation. Il nous semble que les commentaires des deux gouvernements donnent une interprétation différente ce que l'Organisation mondiale du commerce a décidé.

M. Belch a lui aussi des opinions à faire valoir, mais il me semble qu'il devrait y avoir quelque mécanisme, peut-être l'arbitrage dont a parlé M. McRae ou un autre mécanisme, pour résoudre ces différences de perspectives plus tôt et éviter les dommages dont on nous menace.

[Traduction]

M. Donald Belch: En toute franchise, je crois que c'est une question de perception. Une partie croit que les choses sont bien tranchées et qu'une victoire est une victoire, tandis que la plupart des autres parties estiment que la procédure consiste à savoir si les règles et le droit sont conformes aux principes de l'OMC, et voudraient les rendre conformes à ces principes. Il faut qu'elles puissent le faire, et la formule de l'arbitre unique constitue une façon de procéder. Une autre façon consisterait à accorder un certain délai aux parties pour qu'elles mettent leurs règles en conformité des principes de l'OMC; la partie adverse commencerait par lever sa menace de représailles, jusqu'à la mise en conformité.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Monsieur Fréchette, si j'ai bien compris vos propos, vous avez dit qu'on devait s'accorder le temps d'expérimenter le processus de règlement des différends. Est-ce que cela veut dire que vous seriez en faveur qu'on y apporte peu ou pas de modifications, à compter de juillet 1999, dans le prochain cycle de négociations, pour permettre à ce processus de faire ses preuves? C'est ma première question.

Dans la foulée de ce que Mme Van Loon a dit, il est question, dans la documentation que l'on nous a remise, de bons offices. Il est question de procédures de bons offices de conciliation et de médiation qui sont utilisése de façon volontaire. Devrait-on suggérer de rendre obligatoires ces rèles de procédure de conciliation, de médiation et de bons offices?

Me Serge Fréchette: Je vais répondre à la première question d'abord. Si on m'avait posé la question il y a deux ou trois ans, j'aurais dit qu'il fallait enclencher immédiatement le processus de révision du mécanisme mis en place en 1995. Pourquoi? Parce que les premières décisions des groupes spéciaux et de l'organe d'appel démontraient très clairement qu'il y avait des failles importantes dans la perception que les parties et même les membres de ces groupes spéciaux et de l'organe d'appel avaient de la façon dont les règles devaient être mises en oeuvre.

Un exemple très patent est le différend entre le Canada et les États-Unis quant à la façon dont doit être mise en oeuvre la décision originale de l'organe d'appel dans l'affaire sur les périodiques. L'organe d'appel, bien que les plaidoiries du Canada rendent la chose évidente, a refusé de donner certaines précisions quant à ce qui était possible ou impossible dans le cadre des accords, de telle sorte qu'une des questions fondamentales est restée pendante. En conséquence, toute la question se pose encore à l'heure actuelle de savoir si la nouvelle mesure canadienne est conforme à la décision originale ou non.

• 1645

Vous me demandez si on devrait rouvrir les règles telles que mises en place. À mon sens, c'est par le biais de l'évolution de ces règles-là qu'on va réussir à améliorer le fonctionnement du processus. Déjà, beaucoup plus que les groupes spéciaux, l'organe d'appel est davantage saisi des questions fondamentales, et ses décisions démontrent qu'il est beaucoup plus conscient de la nécessité de donner plus de directives aux parties quant à ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire à l'intérieur de ces règles.

M. Belch a mentionné, et je l'avais mentionné un peu plus tôt, que les règles elles-mêmes ne sont pas claires à plusieurs égards. Donc, les parties ont besoin de décisions plus claires. C'est là que le mécanisme de règlement des différends devient très important, en ce sens qu'il doit aider les parties à définir leurs droits et leurs obligations. C'est cela qui, ultimement, va faciliter la mise en oeuvre des règles, que ce soit dans l'affaire des bananes, dans l'affaire des périodiques ou dans d'autres affaires à l'avenir.

Donc, à mon avis, c'est la façon idéale, pour l'instant, d'améliorer le mécanisme de règlement des différends. Malgré tout, je pense que beaucoup de questions très spécifiques peuvent être examinées par les membres de l'OMC, questions qui font davantage appel à des aspects systémiques, par exemple les questions de transparence et de participation de certaines parties au mécanisme de règlement des différends. Selon le groupe d'intérêt dont on parle, il se peut que des mécanismes domestiques puissent être utilisés pour faciliter une plus grande participation, même quand il s'agit d'intérêts privés. Le Canada a déjà en place, à l'heure actuelle, des mécanismes qui permettent aux intérêts privés concernés, par des questions soulevées dans le cadre du mécanisme de règlement des différends, d'intervenir auprès du gouvernement, de faire des représentations et même d'aider le gouvernement dans la défense de ces intérêts-là.

Donc, à mon sens, deux catégories de questions se posent, requérant chacune une approche différente. Pour ce qui est des questions fondamentales, celles qui ont le plus de visibilité à l'heure actuelle, dont celle de la mise en oeuvre, à mon sens, on doit laisser la chance au mécanisme de fonctionner et la chance à l'organe d'appel de préciser l'interprétation de ces règles-là.

Le président: Excusez-moi, monsieur Sauvageau, je dois vous arrêter là, parce que je restreins à huit minutes le temps accordé à chacun, du moins pour le moment, afin de donner la chance à tous de poser des questions. Je crois que nous pourrons procéder à un deuxième tour de questions.

Monsieur Speller.

[Traduction]

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui.

Monsieur McRae...

[Français]

Le président: Monsieur Bachand, vous n'étiez pas sur ma liste. Désirez-vous poser une question?

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Je pensais que j'étais automatiquement sur la liste, monsieur le président. Je pensais que, selon une entente que nous avions depuis des années, vous et moi, je me trouvais toujours sur la liste.

Le président: Eh bien, non. Si vous ne levez pas la main, vous n'êtes pas sur ma liste.

M. André Bachand: Mon Dieu!

Le président: Votre présence est impressionnante mais pas...

M. André Bachand: Pas à ce point-là.

Le président: Non, pas à ce point-là. Allez-y.

M. André Bachand: Merci, monsieur le président. Veuillez m'excuser, monsieur Speller.

Je vais procéder très rapidement et ne prendrai probablement que les huit minutes qui me sont allouées. Mes questions vont s'adresser à M. McRae, mais les autres témoins ont toute liberté d'y répondre eux aussi.

Sans parler du cas spécifique qui nous concerne, je voudrais parler du processus de composition des groupes spéciaux. Le Canada et la France sont actuellement à composer un groupe spécial pour étudier une plainte du Canada vis-à-vis de la France sur le bannissement de l'amiante.

Il se perd un temps fou actuellement à composer ce panel. On nous dit que si, à l'intérieur de 20 jours, les pays ne se sont pas entendus, le directeur pourra nommer un groupe spécial en collaboration avec les autres pays, en autant qu'un pays lui en fasse la demande. Je vous pose la question: trouvez-vous cette procédure normale et correcte? À la lecture des règles de fonctionnement de l'OMC, on voit que ce peut être extrêmement long. Les pays peuvent s'entendre pour prendre une disposition en vue d'arrêter des procédures. Les choses peuvent s'étirer. Seulement en ce qui regarde la composition du panel, si aucune des parties ne demande au directeur de le former, les choses peuvent traîner pendant des mois et des mois. Il n'y a pas de délai déterminé.

Je comprends qu'un pays comme le Canada ait porté plainte pour plaire à une certaine clientèle intérieure, mais il reste qu'il n'y a pas d'obligation d'en arriver à un résultat. C'est là ma première question.

Deuxièmement, parlons de l'obligation de se conformer aux résultats. Je ne veux pas faire allusion au projet de loi C-55, mais qu'en est-il de l'obligation de se conformer pour le pays qui a, disons, perdu sa cause? D'ailleurs, ce qui peut chicoter un peu les Américains, c'est que le Canada a déjà perdu sur la question des périodiques, mais revient quand même à la charge.

• 1650

Sans avoir plus d'information que ce que disait Me Fréchette sur l'organe d'appel, afin d'obtenir des renseignements supplémentaires sur la façon d'améliorer les règles de fonctionnement, y aurait-il des modifications à faire quant à l'obligation de se conformer?

Je suis complètement néophyte dans ce domaine et j'aimerais savoir si, selon vous, le mécanisme de règlement des différends relatif aux ententes de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique est plus avantageux que celui qui existe avec l'OMC, ou vice versa. Est-ce qu'on peut apprendre quelque chose de l'un ou de l'autre? Est-ce que l'un ou l'autre pourrait fournir des exemples?

[Traduction]

M. Donald McRae: En ce qui concerne les mesures qui retardent la sélection des membres du groupe spécial, c'est un peu comme les mesures dilatoires dans la procédure judiciaire: les deux parties ont intérêt à retarder la procédure et vont prendre des mesures dilatoires—ce sont généralement les avocats qui les prennent—parce qu'elles ont toutes les deux intérêt à ce que le procès traîne en longueur. Et je crois que dans certains cas, c'est précisément ce qui se passe dans la sélection des membres du groupe spécial. Chacune des parties pourrait accélérer la procédure si elle avait intérêt à le faire. Les parties ne sont pas toujours ravies de voir la procédure s'éterniser, mais en définitive, si l'une des parties insiste, elle peut se pourvoir devant le directeur général, qui va trancher.

Si les gouvernements se préoccupaient véritablement des délais, ils s'empresseraient de choisir eux-mêmes les membres du groupe spécial. J'estime personnellement qu'on devrait les inciter davantage à le faire, pour accélérer la procédure.

En ce qui concerne la mise en oeuvre des décisions de l'OMC, je pense, comme M. Fréchette, que l'une des difficultés... Pour en revenir à ce que j'ai dit à propos de la finalité de l'OMC et du GATT, qui est d'obtenir la levée des mesures contestées, je crois qu'on pourrait s'en tenir à cet élément. Si l'on commence à exiger l'approbation préalable des mesures de remplacement, on risque d'aller au-delà des possibilités du système.

Évidemment, il se pose toujours une question. La plupart des États ne sont pas prêts à lever purement et simplement les mesures contestées sans les remplacer par autre chose. Il y a donc une question que les groupes spéciaux et l'organisme d'appel n'ont pas encore abordée, c'est la définition des mesures acceptables. S'ils estiment que cette question ne relève pas de leurs responsabilités, chacun pourra y voir une attitude de compromis, comme si l'OMC disait à la partie qui succombe: «Vous avez perdu, mais il existe un moyen légal pour obtenir ce que vous voulez.» Il ne devrait pas s'aventurer dans cette zone dangereuse.

En un sens, les mêmes questions ont été soulevées à l'ALENA et dans le cadre de l'Accord de libre-échange canado-américain, où les États sont encore moins liés par les décisions des groupes spéciaux, puisqu'ils ne sont tenus que de s'y conformer. Ils ont donc une importante marge de manoeuvre pour négocier une solution. En fait, je crois que sur toutes les décisions rendues dans le cadre de l'Accord de libre-échange canado-américain, aucune n'a été mise en oeuvre exactement selon les indications du groupe spécial. Elles ont toutes été modifiées légèrement par la négociation entre les parties.

Je ne pense pas non plus que la solution consiste à amener les parties à négocier une solution. Je ne pense pas que ça soit la solution à l'OMC. Il me semble que l'obligation de lever la mesure contestée doit s'appliquer de façon absolue, quelles qu'en soient les conséquences. Autrement dit, il faudrait que la mesure contestée soit levée le plus tôt possible sans que le pays concerné ait le temps de la remplacer par autre chose.

• 1655

Le président: Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Est-ce que je peux rester sur le même sujet que la réponse de M. McRae?

Vous avez dit que ces groupes spéciaux devraient être constitués de façon plus systématique, et qu'on devrait prévoir des mesures incitatives à cette fin. De quelles mesures incitatives parlez-vous?

M. Donald McRae: Je pensais peut-être moins à des mesures incitatives qu'à une règle générale définissant les motifs impérieux qu'on peut légitimement invoquer pour s'opposer à une nomination. À mon avis, la nationalité n'est pas un motif légitime. Pourtant, selon le côté de l'Atlantique où l'on se trouve, si c'est un conflit entre les États-Unis et l'Union européenne, les Canadiens, par exemple, vont se trouver éliminés; bien des pays du monde sont éliminés de la composition de ces groupes spéciaux.

Si vous adoptez ce point de vue, vous aurez toute latitude pour retarder la procédure. Au niveau de l'organe d'appel, on accepte que les nationaux des États participants siègent à l'organe. Si on accepte ce principe au niveau de l'organe d'appel, pourquoi ne pas l'accepter au niveau des groupes spéciaux? Je crois qu'on a conservé la vieille habitude du GATT qui consiste à choisir les gens qui font partie des délégations nationales à Genève; on ne dit pas: «Il faut constituer une liste d'experts en matière de règlement des différends commerciaux pour composer les groupes spéciaux». On pourrait se contenter d'une liste plus réduite et d'une formule comparable à celle de l'organe d'appel, c'est-à-dire l'affectation par roulement automatique.

M. Bob Speller: À propos des experts, monsieur Belch, je voudrais vous poser une question. J'aimerais avoir votre avis sur ce qu'a dit M. Mann à propos des modalités d'application de la formule de règlement des différends. Il a parlé de l'ouverture concernant les arguments déposés, de l'accès des médias aux procédures, de l'acceptation de mémoires de la société civile et de la recevabilité de ces mémoires. Vous qui avez représenté votre société devant un certain nombre de groupes spéciaux, en particulier devant l'ALENA, qu'avez-vous à dire sur cette procédure? Pensez-vous qu'elle soit viable? Est-ce que les États et les sociétés commerciales peuvent accepter cela?

M. Donald Belch: Ce devrait être possible dans une procédure d'appel. On devrait pouvoir présenter des arguments, même s'ils portent sur des renseignements confidentiels, mais en les présentant de façon que les autres parties intéressées puissent en prendre connaissance sans inconvénients. J'ai déjà vu des avocats demander que la discussion se tienne à huis clos, et cela me préoccupe. Pour moi, un avocat intelligent est quelqu'un qui peut parler d'une question confidentielle sans rien divulguer de confidentiel. Je serais plus disposé à accepter son argumentation.

M. Bob Speller: Et que pensez-vous de la possibilité d'intervention de la société civile?

M. Donald Belch: Il y a des situations où son intervention est justifiée. Je ne pense pas qu'elle le soit dans tous les cas. Tous les groupes spéciaux auxquels nous avons eu affaire devaient se prononcer sur des questions que je qualifierais de très techniques. Un dossier où il est question des modes de calcul d'un organisme gouvernemental peut être spécifique à une société commerciale, mais s'il porte sur un sujet qui a des conséquences plus générales pour la concurrence ou le marché, je ne vois pas pourquoi on pourrait empêcher des groupes de la société civile d'intervenir.

Le président: Avant de donner la parole à d'autres, j'aimerais aller un peu plus loin sur ce sujet. J'ai l'impression que la question de la conformité est au coeur du débat et que si nous n'avons pas une formule qui garantit la conformité, tout le système des négociations commerciales s'en trouvera discrédité et nous allons régresser.

Curieusement, on peut dire que le GATT a réussi parce qu'il comportait un principe de conformité consensuelle, mais par la suite, la situation s'est un peu compliquée, le principe de conformité consensuelle a cessé de s'appliquer et il a fallu trouver autre chose.

Je me souviendrai toujours d'un grand avocat américain qui donnait des conférences il y a bien des années à la faculté de droit que je fréquentais. Il disait que ce sont les Américains qui préconisaient un système plus légaliste et il ajoutait: «Lorsqu'on perd cinq fois de suite, on demande un retour à l'ancien système.» Et c'est le problème qui se pose actuellement: parmi les parties qui se présentent devant l'OMC, pas une ne suppose que c'est elle qui va perdre.

• 1700

En ce qui concerne la conformité, vous avez dit, monsieur McRae, que votre solution favorite était l'obligation de lever la mesure incriminée. Mais si elle n'est pas levée—et on ne peut pas forcer un État souverain à lever une mesure—la règle actuelle veut que l'autre État soit habilité à prendre une mesure de rétorsion proportionnelle et égale aux dommages qu'il subit du fait du maintien de la mesure incriminée. C'est bien la règle, n'est-ce pas?

Comme vous le dites, si l'État incriminé prétend que la mesure a été levée alors qu'elle a été remplacée par quelque chose d'autre, comme dans le projet de loi C-55, pour donner un exemple précis, vous voudriez qu'un arbitre unique tranche le différend sans délai de façon qu'on évite les situations comme celles de la banane, où on ne sait plus si la décision a été respectée ou non. Si je comprends bien, c'est ce que vous proposez pour ce qui est de l'arbitre unique.

M. Donald McRae: J'irais un peu plus loin, monsieur le président, et je dirais qu'avant même qu'un État ne lève une mesure, il faudrait prévoir un délai précis à partir du moment où l'organe d'appel a rendu sa décision, éventuellement un délai de deux ou trois mois, à la fin duquel l'État incriminé devrait soumettre à l'arbitre ce qu'il entend faire pour lever la mesure.

Le président: L'arbitre pourrait alors indiquer si ces projets sont conformes à la décision. Il n'y aurait pas d'interprétation de la partie adverse ni d'auto-interprétation, comme c'est le cas actuellement dans l'affaire de la banane et à propos du projet de loi C-55.

Mais si cette formule n'est pas retenue, il me semble que d'après les dossiers de la banane et du projet de loi C-55, qui sont deux cas révélateurs, les mesures proposées par les États-Unis présentent deux problèmes. Tout d'abord, elles sont injustes dans la mesure où elles pénalisent des gens qui n'ont rien à voir avec le différend. Pourquoi les producteurs de pecorino et de chandails en cachemire devraient-ils faire les frais d'un différend sur les bananes entre les États-Unis et l'Europe, dont ni les uns ni l'autre ne produisent de bananes?

La situation est absurde et tout à fait injuste, à tel point qu'il est difficile, à mon avis, de persuader les gens d'adhérer à un tel système, d'une part, et d'autre part, pour l'État qui veut appliquer une mesure de rétorsion, comme on l'a vu dans l'affaire de la banane, les États-Unis ont envisagé de sanctionner les machines à laver européennes, mais ils ont découvert qu'ils ne pouvaient pas le faire parce que ces machines à laver contenaient des composantes d'origine américaine. En frappant les machines à laver, les Américains se seraient pénalisés eux-mêmes.

Le Canada a constaté que dans le conflit qu'il a eu avec les États-Unis—vous vous souvenez? Sur les puces électroniques, ou quelque chose du genre... Nous avons essayé d'imposer des droits sur des composantes d'ordinateur et différents autres produits, mais nous avons constaté que cela risquait de nous faire plus de tort qu'aux Américains. En définitive, nous avons interdit les arbres de Noël, ou quelque chose de tout à fait ridicule.

Les mesures de rétorsion ne mènent à rien, à mon sens, ni du point de vue du pays qu'elles visent, ni du point de vue du pays qui les prend. Ne vaudrait-il pas mieux passer à des dommages- intérêts monétaires, qui auraient du moins l'avantage de pénaliser tous les contribuables? C'est peut-être aller trop loin, mais il me semble que si ces jugements se multiplient, le reste de la communauté internationale n'acceptera pas plus le système actuel. Si j'avais dans ma circonscription des électeurs comme les Écossais dont les chandails sont pénalisés, ou comme ces gens du Nord, je demanderais «mais que faisons-nous au sein d'un tel système?»

M. Daniel Turp: C'est pour cela qu'il fonctionne si bien.

Le président: Bien, mais est-il possible d'obtenir des dommages-intérêts monétaires? Voilà ce que je voudrais savoir.

[Français]

Me Serge Fréchette: La question n'est pas nouvelle. Elle a été soulevée à la fin du dernier cycle de négociations, justement quand est venu le temps d'examiner si les dispositions proposées, celles qui autorisaient une partie à adopter des mesures de rétorsion, étaient vraiment le moyen à prendre pour obtenir compensation. La question des dommages monétaires, d'une compensation sous forme de sommes monétaires à verser au pays qui aurait gagné dans le règlement du différend, a été également soulevée, mais très rapidement rejetée, parce que, évidemment, cela met en cause la capacité de payer de certains pays.

Le président: Mais il faut payer d'une façon ou d'une autre.

Me Serge Fréchette: Exactement, de telle sorte qu'à l'époque, à la fin du cycle, cela a laissé les parties dans une situation où, en aucune façon, elles ne pouvaient parvenir à un consensus. Il avait été très clairement déterminé, à ce moment-là, que c'était l'une des questions qui devaient être examinées dans un contexte plus général. Mais il est évident, comme vous l'avez mentionné, que lorsque vient le moment de mettre en oeuvre des mesures de rétorsion, les parties sont aux prises avec toutes sortes de considérations politiques et économiques qui peuvent finalement vicier le processus par lequel elles peuvent obtenir compensation, tout cela sans tenir compte de la valeur des compensations à mettre en application.

Quand on entend certaines parties évoquer plusieurs milliards de dollars pour une chose qui, dans les faits, représente beaucoup moins, cela soulève d'autres interrogations concernant les mesures de rétorsion. Cependant, c'est une question fondamentale, une des questions qui devraient être soulevées dans une perspective systémique, dans le contexte des discussions à venir.

• 1705

[Traduction]

Le président: Nous avons M. Penson, Mme Bulte, M. Turp et Mme Desbiens et nous pouvons continuer les échanges jusqu'à la sonnerie d'appel.

Je vous demande d'être bref, monsieur Penson. Nous passerons ensuite à Mme Bulte puis aux autres, du moins je l'espère.

M. Charlie Penson: Je vais rester sur le même sujet, parce que je crois que c'est le principal problème à venir à l'OMC, pour les gens comme vous qui travaillent dans le domaine commercial... Aux États-Unis, Barshefsky dit que si les pays ne veulent pas respecter les décisions, les États-Unis vont se retirer et ils menacent d'utiliser des moyens pour imposer les décisions; ils disent qu'une fois qu'une décision a été prise, les partis doivent l'accepter.

Évidemment, les choses ne se passent pas ainsi actuellement et ce serait tout un changement. Le président vient d'évoquer la situation actuelle. Il faut soit se conformer aux décisions, soit accepter des mesures de rétorsion à effet équivalent. On essaie de faire progresser les choses en disant qu'une fois la décision rendue, celui qui ne s'y conforme pas pourrait faire l'objet de mesures de contrainte.

Je voudrais savoir si vous avez entendu parler d'autres formules proposées par les États-Unis. Y a-t-il à l'OMC d'autres pays membres qui seraient prêts à faire la même chose, c'est-à-dire renoncer aux mesures de rétorsion pour exiger l'application de la décision rendue?

Le président: Les Américains auraient-ils accepté de renoncer à la Loi Helms-Burton s'ils n'avaient pas obtenu gain de cause?

Des voix: Ah, ah!

Le président: Accepteront-ils jamais...

M. Charlie Penson: Mais, monsieur le président, compte tenu de la taille de leur économie et de l'importance des États-Unis dans le commerce mondial, je crois que c'est une question importante. S'ils ont des propositions pour sortir de la situation actuelle, quelles sont-elles et sont-elles réalisables? Voilà ce que je demande. Peut-être faudrait-il les interroger. Je ne sais pas.

Le président: Monsieur McRae.

M. Donald McRae: Je n'ai pas grand-chose à vous répondre, car sans vouloir vous offenser, votre question est en un sens impossible à traiter. La même situation se présente dans de nombreux secteurs du droit international: que peut-on faire avec un État qui refuse de se conformer à une décision? Curieusement, nous sommes bien en avance dans ce domaine, puisque nous avons au moins une procédure qui nous permet de savoir que le pays refuse de s'y conformer, alors qu'avant on pouvait simplement prétendre qu'il refusait, mais personne ne pouvait l'affirmer officiellement. J'ai donc l'impression que sur ce point, le verre est au moins à moitié plein; mais je ne sais pas comment vous allez faire pour remplir l'autre moitié.

Il s'agit de savoir si les États-Unis sont prêts à risquer de provoquer l'effondrement de l'OMC en se montrant trop intransigeants sur cette question. Je crois que les dommages-intérêts sont une façon de résoudre le problème, et les États devraient pouvoir également négocier. Rien n'empêche les États-Unis et l'Union européenne de négocier une forme d'indemnisation pour résoudre leur différend. Le fait qu'ils ne parviennent pas à négocier indique à mon sens qu'ils ne sont sans doute pas prêts à accepter qu'à l'avenir, ces différends se soldent par l'attribution automatique d'une indemnisation.

Évidemment, si l'on considère l'accord annexe sur l'environnement dans le cadre de l'ALENA, le Canada n'était pas prêt à subir de dommages-intérêts résultant des conclusions des groupes spéciaux sur les questions environnementales. Je crois que cette formule déplaît aux États membres. J'ai toujours trouvé que la rétorsion était une bonne formule, tant qu'elle n'était pas utilisée.

Des voix: Oh, oh!

M. Donald McRae: Elle est parfaite à l'état de menace, mais elle est très inefficace en pratique. On sait que dans le cadre du GATT, il n'y a eu qu'un seul exemple de rétorsion autorisée, dans un conflit opposant les Pays-Bas aux États-Unis, et les Pays-Bas n'ont pas appliqué de mesures de rétorsion. Ils se sont rendu compte que de telles mesures auraient été vaines.

La rétorsion est concevable de la part des États-Unis ou de l'Union européenne contre un autre pays, mais dans ce domaine, il n'y a pas véritablement de réciprocité. Par conséquent, c'est une bonne menace, mais si on l'utilise, le système commence à s'effondrer.

Le président: Merci. Madame Bulte.

M. Howard Mann: Monsieur le président?

Le président: Puis-je donner très rapidement la parole à M. Mann?

M. Howard Mann: Don, vous ne m'avez pas compris—je n'ai pas l'habitude de dire cela—sur la question des sanctions monétaires. C'est le Canada qui a accepté la pénalité monétaire et qui n'aurait pas accepté le retour au taux de droit prévu normalement dans l'accord annexe sur les questions environnementales. À la place du retour au taux de droit, nous avons accepté le principe des dommages-intérêts sous forme de pénalités monétaires.

M. Donald McRae: J'en prends bonne note.

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est bien ce que j'ai compris, moi aussi. En fait, nous n'avons pas voulu que les Américains augmentent leurs tarifs et nous confrontent à un problème d'anti-dumping ou de dumping environnemental.

• 1710

Madame Bulte

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): J'ai des questions concernant le règlement des différends à l'OMC, l'ALENA, la recherche de la tribune la plus favorable et maintenant qu'on se dirige vers la zone de libre-échange des Amériques, peut-être serons-nous moins pressés par le temps... Sauf erreur de ma part, il me semble que les mesures de rétorsion envisagées dans le projet de loi C-55 résultent de l'ALENA. Ce sont des règles différentes parce que certains avocats disent qu'on ne peut pas rechercher la tribune la plus favorable et que c'est ce que feraient les Américains dans le cadre de l'ALENA, tandis que d'autres avocats prétendent qu'il s'agit d'une question différente et que nous pouvons effectivement rechercher la tribune la plus favorable. Ensuite, quelqu'un d'autre vient dire que la rétorsion ne s'applique pas puisque nous n'avons pas assumé d'obligation concernant les services de publicité, c'est donc quelque peu plus compliqué... Le projet de loi C-55 n'est pas simple. Je crois qu'on est dans un jeu de miroirs.

En tout cas, j'aimerais avoir votre avis sur la possibilité de rechercher le tribunal le plus favorable. Est-ce qu'il faut l'interdire? Est-ce qu'on ne devrait avoir qu'une seule possibilité? Si, en plus, on met en place un mécanisme de règlement des différends de la zone de libre-échange des Amériques, lequel va s'appliquer en priorité?

Me Serge Fréchette: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à la question concernant ce qui se passera dans le cadre de la ZLEA, mais cet accord comportera peut-être une disposition qui réglera la question.

Mais je voudrais revenir aux termes du projet de loi C-55. On parle de la possibilité de rechercher le tribunal le plus favorable parce que, comme l'a prétendu le Canada, il s'agit d'une mesure tout à fait nouvelle. Ce n'est pas la même que celle pour laquelle le Canada ne se serait pas conformé à son obligation.

Les États-Unis ont considéré cette mesure et l'USTR a jugé qu'il s'agissait d'une mesure de l'industrie culturelle et, par conséquent, ils peuvent la traiter comme si elle était tout à fait indépendante de la mesure initiale.

Ils ont considéré l'ensemble des droits et des obligations qui existent entre le Canada et les États-Unis. Ils les ont évalués. En ce qui concerne l'obligation du Canada aux termes de l'ALENA si l'on applique la mesure disciplinaire prévue dans l'Accord de libre-échange en matière culturelle, les Américains considèrent que cette mesure va à l'encontre de l'obligation du Canada aux termes de l'ALE, ce qui leur donne le droit, aux termes du paragraphe 205(2), de prendre des mesures de rétorsion. Voilà sur quoi porte le débat. C'est pour cela que dans le projet de loi C-55, nous évoquons cette question de la possibilité de choisir le tribunal le plus favorable.

Mme Sarmite Bulte: Si j'ai bien compris le point de vue des Américains, ils disent que nous prétendons qu'il s'agit d'une mesure différente alors que ce serait exactement la même mesure, si bien qu'ils seraient pénalisés. S'ils disaient que c'est la même mesure, ils ne pourraient pas invoquer l'ALENA.

Me Serge Fréchette: Tout dépend essentiellement des droits et des obligations que l'on considère. Si les Américains contestent le droit du Canada d'appliquer la décision initiale comme il l'applique, ils devront porter la question devant l'OMC.

L'opération devrait avoir pour objet de comparer la nouvelle mesure, soit le projet de loi C-55, à la décision initiale de l'organe d'appel de l'OMC pour voir si elle est conforme à cette décision de l'organe d'appel quant aux mesures qui peuvent être adoptées. C'est là qu'ils devraient intervenir. Ils ne peuvent pas poser cette question dans le contexte de l'ALENA. À mon humble avis, la seule possibilité technique de l'évoquer dans le contexte de l'ALENA serait de prétendre qu'il s'agit d'une mesure entièrement nouvelle et totalement indépendante de la mesure canadienne initiale que l'organe d'appel a jugé illégale.

Mme Sarmite Bulte: Mais il s'agit de...

Le président: Mais le problème qui se pose, madame Bulte... Si on fait appel à un troisième tribunal, on peut aussi bien dire qu'en cas d'échec, on passera à un quatrième, etc...

Mme Sarmite Bulte: N'y a-t-il pas une règle de l'OMC qui interdise aux parties de choisir leur tribunal? Si nous optons pour l'OMC, est-ce que cette question ne devrait pas faire partie des nouvelles négociations? On pourrait très bien choisir l'OMC.

M. Donald McRae: En réalité, le problème relève plus de l'ALENA que de l'OMC. L'OMC ne reconnaît que son propre système. L'ALENA prévoit que si une question peut être soumise à l'ALENA aussi bien qu'à l'OMC, les parties auront le choix. Mais une fois la décision prise, les parties doivent s'en tenir au système qu'elles ont choisi. Comme l'a dit Serge, comme les États-Unis ont choisi l'OMC dans cette affaire, ils doivent s'en tenir à l'OMC. Si une nouvelle mesure est proposée, on pourra encore choisir entre l'OMC ou l'ALENA. La décision est prise par la partie qui intente les poursuites.

• 1715

Mme Sarmite Bulte: Est-ce que les Américains ont choisi en l'espèce?

[Français]

M. Daniel Turp: Il n'y aura jamais de solution valable à moins que des liens et des passerelles soient établis entre les systèmes de règlement de différends et que les systèmes régionaux soient subordonnés au système multilatéral de l'Organisation mondiale du commerce. Mais dans l'état actuel des choses, je pense que personne ne veut intégrer les mécanismes de règlement des différends à ce point-là. Tout ce que l'on peut faire, c'est ce qui a été fait à l'OMC, soit obliger à choisir l'une ou l'autre des procédures.

Mais la véritable solution serait que les décisions de groupes spéciaux, celui de l'ALENA par exemple, soient susceptibles d'être portées devant l'organe d'appel, lorsque les traités portent sur la même matière, ce qui se produit. Il y aurait alors possibilité d'uniformisation de la jurisprudence et d'imposition de mesures visant à sanctionner le non-respect des dispositions.

Il y a quand même une chose qui m'a surpris. J'ai quelques questions et Mme Debien en a une aussi. Vous avez parlé essentiellement du mécanisme général, alors qu'il y a d'autres mécanismes et qu'il pourrait y en avoir de nouveaux si, par exemple, l'OMC s'intéressait davantage à l'environnement qu'elle ne le fait maintenant, aux droits de la personne ou à la cause sociale. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un système de règlement des différends qui serait applicable à d'autres instruments. Est-ce qu'il faut raffiner le système, car on sait que le mécanisme général ne s'appliquera vraisemblablement pas à d'autres accords, à moins que vous pensiez qu'il doive s'appliquer à l'ensemble des accords existants ou nouveaux?

Voici ma deuxième question. Ne devrait-il pas y avoir un tribunal de première instance puisqu'il se pose un problème par rapport aux juges ou aux membres ad hoc des groupes spéciaux? S'il n'y a pas de tribunal de première instance pour régler la question de la nationalité, est-ce qu'on ne devrait pas faire comme dans l'ALENA et avoir un système croisé de nomination où une partie nomme des membres de la nationalité de l'autre partie et ne peut pas contester, par conséquent, qu'on nomme quelqu'un de l'autre nationalité? Est-ce qu'on pourrait penser à remplacer le système actuel par un autre système?

Finalement, je me rends compte qu'il n'est pas exact de dire qu'il ne faut pas apporter de changements quand un système fonctionne bien. De toute évidence, vous pensez qu'il doit y avoir des changements; ils sont peut-être mineurs, mais il faut qu'il y ait des changements.

Le président: Je crois que la cloche sonne pour nous appeler à aller voter. On va vérifier combien de minutes il nous reste.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): La cloche sonne pour signaler qu'il reste 15 minutes.

M. Daniel Turp: Donc, on a 15 minutes.

Le président: Oui, mais il y a beaucoup de gens qui veulent partir. Donc, posez rapidement votre question, madame Debien.

Mme Maud Debien: Tout à l'heure, M. Speller a posé une question concernant les ONG. Messieurs Mann et McRae, vous avez abordé la question. Vous avez répondu, monsieur McRae, et vous me confirmerez si j'ai bien compris, que les ONG devraient avoir la possibilité de porter plainte devant l'OMC. Et M. Mann a dit que l'OMC allait dorénavant considérer davantage les observations des ONG dans le mécanisme de règlement des différends. Vous avez suggéré que les procédures d'appel puissent tenir compte des observations des ONG ou des groupes spéciaux.

La question que je vous pose est de savoir s'il serait possible ou préférable de prévoir un nouveau mécanisme pour entendre les plaintes et les observations des ONG dans la panoplie des instruments qui existent déjà à l'OMC.

M. Daniel Turp: C'est ça; l'ONG qu'est le Parti réformiste du Canada.

Une voix: Ce ne sera jamais gouvernemental.

M. Daniel Turp: C'est ça. Ce sera toujours un ONG.

[Traduction]

Le président: N'oubliez pas, messieurs, que nous sommes sur le point d'aller voter. Pouvez-vous répondre très rapidement à ces questions?

[Français]

Me Serge Fréchette: Pour répondre très brièvement à la toute première question qui a été posée par Me Turp, à savoir s'il doit y avoir différents mécanismes de règlement des différends pour traiter de certaines questions, je vous dirai qu'il s'agit d'une question dont on s'est débarrassé lors du dernier cycle. Il y avait de multiples mécanismes de règlement des différends; on a essayé de les intégrer en un seul.

• 1720

Quant à savoir si ces questions devraient être amenées devant un tribunal de règlement des différends, cela pose la question de la création de règles qui porteraient sur l'interface entre des domaines comme ceux de l'environnement et du commerce. Une fois ces disciplines mises en place, l'idéal serait, à mon avis, de conserver le mécanisme de règlement des différends intégré tel qu'on le connaît et de tout simplement rendre possible de se prononcer sur la légalité des mesures à la lumière de ces nouvelles disciplines. C'est l'idée qui a présidé à la mise en place du mécanisme actuel: qu'on puisse y associer toutes les disciplines qui seront élaborées dans l'avenir. Donc, il y a déjà en place un mécanisme qui permettrait cela.

La question fondamentale est celle de l'existence de règles qui visent à faciliter l'interface entre les sujets que vous avez soulevés, que l'on appelle les nouveaux sujets, soit droits de l'homme et commerce, culture et commerce, etc.

L'autre question est de savoir si on devrait permettre, à certains égards, un accès direct aux ONG. La compréhension que j'ai de ce qui a été déterminé par l'organe d'appel, c'est qu'il était approprié pour une partie à l'affaire, une partie étant un gouvernement, de joindre en annexe à son propre mémoire celui d'un ONG. Il semble que cette pratique soit acceptable pour l'organe d'appel, à l'heure actuelle. Mais cela ne constitue pas comme tel un mécanisme par lequel l'organe d'appel pourrait déterminer les droits et obligations de l'ONG ou de quelque autre partie civile. Ceci est une tout autre question.

Les accords internationaux, pour l'instant—et cela semble être l'intention des membres de l'OMC—visent à maintenir les droits et obligations entre les membres eux-mêmes et à faire en sorte que, dans la mesure où des ONG ont des intérêts à faire valoir, ce soit fait par le biais de leurs gouvernements respectifs. Le Canada a déjà en place un mécanisme qui le permet à bien des égards, de même que d'autres gouvernements. C'est ce qui a permis aux États-Unis d'intégrer à leur propre mémoire celui de l'ONG en question.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Maud Debien: ...le gouvernement et les ONG soient sur la même longueur d'ondes.

Me Serge Fréchette: D'accord. C'est l'autre question à laquelle il a été fait allusion par Me McRae tout à l'heure. Faut-il instaurer un mécanisme qui force les gouvernements à intervenir à la demande d'intérêts privés ou d'autres organismes? C'est une tout autre question.

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Daniel Turp: ...soit fait mention des tiers dans le processus de règlement entre les États comme partout ailleurs.

[Traduction]

Le président: Je remercie nos témoins pour leurs explications très intéressantes.

Le comité est ajourné jusqu'à jeudi 9 heures; nous parlerons alors de l'architecture des services financiers.