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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 novembre 1998

• 0924

[Français]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.)): Nous allons commencer.

Aujourd'hui, vous avez, à votre gauche, les députés du Parti libéral, à votre droite, les partis de l'opposition. Les députés du Bloc québécois s'excusent de ne pas être présents ce matin parce qu'ils avaient d'autres réunions de prévues. Ils m'ont demandé de les excuser auprès des gens du Nunavik.

Voici maintenant l'ordre du jour: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, une étude sur le développement économique autochtone.

Aujourd'hui, nous recevons comme témoins nos amis inuits du Nunavik, qui se situe au nord du Québec. Ces gens représentent une population vraiment formidable, qui participe vraiment à l'économie du Canada et du Québec. La population autochtone participe vraiment à l'économie parce que tout ce qui arrive dans le Nunavik est acheté au Sud.

• 0925

Il nous fait plaisir de recevoir aujourd'hui de Makivik Corporation, Pita Aatami, Johnny Peters, deuxième vice-président et Robbie Tookalook. Johnny Adams et Jean Dupuis vont aussi participer. Pita, est-ce que vous avez d'autres personnes à nous présenter, en arrière de vous, qui sont aussi du Nunavik?

[Traduction]

M. Pita Aatami (président, Makivik Corporation): Je voudrais vous présenter rapidement certaines des personnes qui vont prendre la parole aujourd'hui et qui ne sont pas à la table: Sam Silverstone, notre avocat; Mark T. Gordon; George Koneak; Tommy Cain; Davidee Niviaxie et Michael Gordon. Et nous aurons deux personnes qui interpréteront pour nos deux Inuits unilingues qui prendront la parole aujourd'hui devant le comité permanent. Serge Déry est également avec nous. Voilà quelles sont les personnes qui prendront la parole devant vous aujourd'hui.

[Français]

Le président: Robbie Tookalook et les interprètes peuvent s'asseoir avec vous.

[Traduction]

Asseyez-vous là. Prenez un fauteuil.

M. Pita Aatami: Anthony est également le trésorier de Makivik Corporation de même que le maire d'une de nos localités. Il va également remplir les fonctions d'interprète.

[Français]

Le président: itPissiti marialuk. En français, cela veut dire superstar. C'est cela, Jean?

Une voix: Cela veut dire qu'il est bon.

[Traduction]

Le président: Avez-vous une déclaration à nous faire, monsieur Pita Aatami?

M. Pita Aatami: Merci beaucoup.

Comme vous l'avez dit, je suis Pita Aatami, nouveau président élu de la Makivik Corporation qui représente 8 884 personnes. Nous sommes 8 885 dans le Nord, mais je suis ici aujourd'hui pour représenter les Inuits. Je vais également me joindre aux représentants du KRG lorsqu'ils feront leur présentation.

Je vous remercie de nous avoir invités à vous parler de nos préoccupations, des sujets que nous allons aborder aujourd'hui. Nous allons vous parler de six questions qui nous préoccupent actuellement et sur lesquelles nous nous penchons depuis 20 ans. Certains problèmes sont nouveaux. Les questions dont nous allons parler se rapportent à des obligations que le gouvernement fédéral a contractées en 1975 dans le cadre de la Convention de la Baie James, mais dont nous n'avons pas encore réussi à obtenir la mise en oeuvre.

Nous allons commencer par vous parler de ces six questions en vous demandant de prendre des notes si vous désirez nous poser des questions quand nous aurons terminé. Nous pensons que la question du logement pourrait prendre une heure, suivie d'une période de questions d'une demi-heure et je voudrais donc pouvoir aborder tous ces sujets avant que nous ne passions aux questions. Nous vous ferons ainsi connaître l'ensemble de nos problèmes.

Tout comme vous êtes des députés qui représentez des partis différents, je représente les Inuits. Comme vous le savez tous, nous connaissons des problèmes qui nous touchent quotidiennement. Vous en avez aussi. Mais en tant que membres du comité chargé d'examiner les préoccupations des peuples autochtones, vous avez pour rôle d'examiner, d'écouter et de formuler des recommandations de façon à ce que la Convention de la Baie James nous donne enfin des résultats concrets, sur le plan du logement, par exemple, ou encore de l'infrastructure maritime ou de la fiscalité. Ce sont des ententes qui ont été conclues en 1975, des engagements que le gouvernement fédéral a pris, mais auxquels il n'a pas donné suite jusqu'ici. Voilà pourquoi nous comparaissons devant vous pour obtenir votre aide, pour nous assurer que les divers ministres sont au courant de ces problèmes.

• 0930

Nous avons fait un long chemin pour venir vous parler. Nous ne prenons pas à la légère les raisons de notre présence ici aujourd'hui. Nous savons que votre comité peut changer les choses. Comme je l'ai dit, cela fait longtemps que nous travaillons à ces questions.

Lorsque vous signez un accord, vous vous attendez à ce qu'il soit appliqué. Mais jusqu'à aujourd'hui, nous avons eu beaucoup de difficultés à obtenir la mise en oeuvre de la Convention. Nous avons dû dépenser notre argent pour tenter d'obtenir que les engagements soient respectés. Nous devons dépenser de l'argent pour tenter de convaincre le gouvernement.

La plupart d'entre vous savent sans doute que les Inuits sont des contribuables comme tous les autres Canadiens. Au moment de la signature de la Convention de la Baie James, les Inuits avaient la possibilité d'opter pour la formule de la réserve, mais ils ont préféré la formule de la municipalité et la possibilité de payer des impôts, se disant qu'ils auraient plus d'influence s'ils étaient des contribuables. Mais ce n'est pas ce que nous constatons aujourd'hui. Nous voyons que les autres Autochtones, qui ne sont pas contribuables, obtiennent tous les avantages, poursuivent les gouvernements devant les tribunaux et gagnent sur tous les tableaux, pour ce qui est du programme de logement, par exemple.

Il y a donc deux sociétés différentes, deux sociétés autochtones: l'une d'elles est contribuable tandis que l'autre ne paie pas d'impôts, ce qui est plus avantageux pour elle. Nous envions les autres Autochtones qui ne sont pas des contribuables. Nous aimerions pouvoir bénéficier des mêmes avantages. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Comme je l'ai dit, 10 personnes vont prendre la parole devant votre comité. Nous parlerons du logement, de la crise actuelle du logement, de l'infrastructure de transport maritime pour laquelle nous avions signé une entente et nous vous dirons brièvement où en est ce dossier; de la revendication d'une zone marine, de la fiscalité, de l'aéroport de Kuujjuaq, de l'année 2001-2002 et des frais exigés par NAV CANADA. Tels sont les six sujets que nous voulons aborder avec vous aujourd'hui.

Comme je l'ai dit, vous êtes des députés et lorsque vous vous faites élire, vous avez généralement un programme électoral. Vous devez donc bien comprendre ce dont nous vous parlons. Comme je l'ai dit, vous êtes des membres du comité nommé par le gouvernement pour écouter les préoccupations des Autochtones et veiller à ce que vos recommandations soient suivies.

Je n'en dirai pas plus, si ce n'est que les Inuits ont toujours été fédéralistes. Nous avons toujours voté lors de toutes les élections fédérales et nous avons toujours essayé d'arborer le drapeau canadien. Mais nous nous demandons parfois si nous avons raison de le faire étant donné qu'on ne nous écoute jamais. Nous n'avons même pas de bureau fédéral dans notre coin du monde. Nous faisons partie du Canada, mais nous avons toujours été abandonnés.

Je veux m'assurer que vous comprenez bien la situation. Comme je l'ai dit, nous sommes des contribuables, nous sommes Canadiens et nous avons les mêmes difficultés que les autres Canadiens, mais elles se trouvent aggravées par l'endroit où nous vivons. La rigueur du climat... Si vous considérez l'économie limitée qui est la nôtre, comme Guy l'a dit, nous contribuons à l'économie canadienne. Tout ce qui se passe dans le Nord est réinjecté à 99 p. 100 dans l'économie canadienne et surtout l'économie du Sud. Nous importons tous nos produits. Comme rien n'est produit sur place, nous devons tout faire venir du Sud. Les gens s'imaginent peut-être qu'ils dépensent trop pour les Autochtones, mais nous ne voyons pas les choses ainsi. Tout l'argent est dépensé chez nous, mais il retourne dans le Sud. Nous n'acceptons donc plus l'argument selon lequel les Autochtones en bénéficient.

Je le répète, nous sommes des contribuables. Je vais répéter que nous sommes des contribuables comme vous-mêmes car je veux être certain que tout le monde le saura au Canada. On nous met toujours dans le même panier que les autres Autochtones qui ne sont pas des contribuables alors que notre situation est différente.

Il y a deux ou trois groupes d'Inuit différents au Canada: les Inuit du Labrador, les Inuit du Nunavut et les Inuit du Nunavik. Je tiens à ce que vous compreniez bien la distinction entre les Inuit du Nunavut, qui se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest, et les Inuit du Nunavik.

• 0935

Vous avez sans doute beaucoup entendu parler de la date du 1er avril 1999. C'est la date où il y aura un nouveau gouvernement au Nunavut. Malheureusement, nous n'en faisons pas partie. Nous envions ces personnes. Nous nous réjouissons pour ceux qui auront leur propre gouvernement. C'est une chose que nous souhaitons également pour nous.

Comme je vais un peu trop loin, je vais commencer par vous présenter Johnny Adams, le président du KRG, qui va vous parler du logement. Il pourra vous présenter d'autres personnes qui parleront du logement.

Merci beaucoup de nous donner l'occasion de vous présenter un exposé aujourd'hui.

Le président:

[Parle dans la langue autochtone des témoins] Johnny.

M. Johnny Adams (président, Logement, Kativik Regional Government):

[Le témoin parle dans sa langue autochtone] Merci.

Comme Peter, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à vous parler des questions qui nous préoccupent. Je vais aborder une question qui ne va pas se régler toute seule. Depuis plusieurs années, nous faisons part de nos inquiétudes au sujet de la crise du logement à de nombreux ministres et bureaucrates, mais sans aucun résultat.

Je voudrais vous faire un bref historique de la situation du logement social au Nunavik. En 1981, le Comité permanent des affaires autochtones a mis sur pied ce que l'on a qualifié de programme de rattrapage dans notre région. Il s'agissait de construire des logements sociaux, de remplacer les logements insalubres qui n'avaient pas l'eau courante. Les gens faisaient leurs besoins dans des seaux hygiéniques dont ils vidaient le contenu près de leurs maisons. Du milieu des années 80 au milieu des années 90, on a lancé un programme de rattrapage qui nous a permis de passer des conditions du tiers monde au XXe siècle.

C'était un bon programme. Je dirai seulement que les Autochtones n'ont pas participé à la construction de ces maisons. Ce sont des entrepreneurs du Sud qui sont venus les construire. Les gens de chez nous ont fait seulement des petits travaux tels que le ramassage des ordures pendant la phase de construction. Je signale également que, malgré tout l'argent dépensé pour construire ces logements sociaux, pas un seul Inuk n'a obtenu un certificat de compagnon comme charpentier, électricien ou plombier. Ce programme a été une réussite, mais il a aussi été décevant parce que nous n'y avons pas participé.

Certains d'entre vous ont certainement visité notre région et remarqué que tout est transporté par camion. L'eau est acheminée par camion jusqu'à chaque maison et d'autres camions viennent pomper les eaux usées. Il était trop coûteux de construire un réseau de canalisations d'eau et d'égout dans le Nord et nous avons donc choisi la solution la moins coûteuse. Chaque maison est alimentée en eau par camion et un autre camion vient pomper les eaux usées dont il fait l'épandage parce que nous n'avons pas d'installations de traitement des eaux usées.

Nous avons désespérément besoin d'autres logements sociaux parce que nous avons une population très jeune qui connaît une très forte croissance. Soixante pour cent de la population est âgée de moins de 25 ans et les choses ne s'améliorent pas. Le mois dernier, nous avions un besoin immédiat de 425 logements sociaux. La situation ne s'améliore pas et elle ne s'améliorera pas tant que nous n'y aurons pas remédié.

• 0940

Le problème au Nunavik est que nous n'avons pas d'autres solutions. Il n'y a pas d'immeubles d'appartements où nous pouvons louer des logements. Il n'y a pas non plus d'arbres à couper pour construire des maisons, car c'est la toundra. Nous devons compter sur le gouvernement pour faire quelque chose.

Nous savons que le gouvernement canadien a non seulement une obligation morale, mais une obligation juridique, en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois de fournir des logements sociaux. Nous voyons le gouvernement construire des logements sociaux dans les réserves. Il y a quelques semaines, le maire Anthony Itooshat a cité un exemple de sa municipalité où l'on construit des logements d'un côté de la route, dans la réserve, tandis que de l'autre côté, il n'y a eu aucune construction depuis plusieurs années.

Je ne pense pas que la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été signée dans le but de donner quelque chose à un groupe, mais de refuser de l'accorder à l'autre. Nous avons signé avec les Cris de la Baie James. La Convention prévoit que les programmes qui s'appliquent aux Inuit devraient s'appliquer aux Cris et vice versa, mais dans notre cas des critères ont été établis pour nous exclure de ces programmes. Les choses seraient beaucoup plus faciles si nous avions des solutions de rechange, mais il n'y en a aucune pour le moment.

Nous avons récemment signé une entente cadre avec le gouvernement provincial qui va lancer un programme privé d'accession à la propriété, mais cela ne nous apportera qu'un nombre limité de logements, qui sera loin de suffire à nos besoins immédiats. C'est un début, mais ce n'est pas assez. La majorité des gens de notre région n'ont pas les moyens de se construire une maison. Vous savez que les coûts de construction sont astronomiques dans notre territoire. Ce sera donc réservé à quelques personnes.

En dernier lieu, je voudrais dire que Makivik a essayé, à de nombreuses reprises, en collaboration avec le KRG, d'amener le ministère des Affaires indiennes et du Nord à respecter la Convention de la Baie James et du Nord québécois en ce qui concerne le logement social, mais sans résultat. Nous avons dû recourir au mécanisme de règlement des différends qui devait nous permettre d'obtenir une réponse dans les 60 jours. Nous avons entamé la procédure en mai, mais nous attendons toujours la réponse. Nous sommes devant un mur. Et cela, même si dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l'accord de mise oeuvre de 1990 prévoyait un processus pour régler les différends autrement qu'en allant devant les tribunaux. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord, qui représente le Canada, ne respectera ses obligations que s'il y est forcé par une action en justice et c'est une conduite honteuse. Nous ne devrions pas être obligés d'en arriver là pour que le gouvernement respecte les obligations que lui confère la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Je voudrais maintenant céder la parole au Dr Serge Déry, qui est le directeur de la santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.

[Français]

Le président: Pourriez-vous me confirmer que les employés du gouvernement du Québec, les employés d'Hydro-Québec, les employés gouvernementaux, ainsi que les instituteurs et les professeurs sont très bien logés?

• 0945

[Traduction]

M. Johnny Adams: Pour ce qui est de la situation du logement social au Nunavik, les employés du gouvernement ne paient aucun loyer pour se loger dans notre région. Certains paient un loyer modique, mais la majorité ne paient rien. Vous n'avez donc pas vraiment de marché du logement si un groupe est logé gratuitement ou pour quelques dollars par an tandis que, dans la même collectivité, les Inuit sont obligés de payer un loyer.

Les loyers sont censés augmenter à compter du 1er juillet. Le loyer mensuel correspondra à 25 p. 100 du revenu des deux principaux salariés du ménage, mais pour le moment, la population n'a pas d'autres solutions pour se loger. Il y a donc également un écart sur ce plan-là.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Je voudrais invoquer le Règlement, monsieur le président.

[Français]

Le président: Allez-y, monsieur Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden: Pourrais-je demander au témoin, pour la gouverne du comité, de fournir une précision sur ce qu'il est dit dans son mémoire écrit au sujet de la demande qu'il a adressée au ministre, M. Gagliano. D'après ce que j'ai lu, il s'est adressé à la ministre des Affaires indiennes et du Nord puis, sur la recommandation de cette dernière, au ministre des Travaux publics. Je voudrais qu'il nous dise ce qui s'est alors passé.

M. Johnny Adams: Comme je l'ai dit au début, nous avons parlé à des ministres et à des bureaucrates, en commençant par M. Irwin et Mme Jane Stewart. Au cours d'une de ces réunions, la ministre Jane Stewart nous a conseillé de parler à M. Gagliano, le président de la SCHL. Lorsque nous avons rencontré M. Gagliano, il nous a dit d'aller voir la ministre Jane Stewart.

Vous commencez à vous rendre compte que tout le monde se renvoie la balle. C'est malheureusement la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous nous adressons à un ministre, qui nous dit d'aller voir son confrère, après quoi M. Gagliano nous déclare qu'il ne veut pas faire de commentaires au sujet du traité et que nous devons retourner voir la ministre Jane Stewart. Chacun s'est renvoyé la balle.

[Français]

Le président: M. Aatami veut prendre la parole.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Je voudrais préciser ce que j'ai dit tout à l'heure. Si nous pouvions présenter nos six questions, je recommanderais aux membres du comité de prendre des notes et d'attendre que nous ayons terminé pour poser des questions. Si vous voulez nous accorder toute la journée, très bien, mais nous voudrions autant de temps pour chacun des dossiers que nous voulons présenter.

[Français]

Le président: Très bonne stratégie, monsieur Aatami. Monsieur Dupuis.

[Traduction]

M. Jean Dupuis (administrateur, Air Inuit Ltd.): Comme notre mémoire contient de nombreux renseignements, je demanderais qu'un des membres du comité propose une motion pour qu'il soit versé au procès-verbal des audiences d'aujourd'hui.

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le président, je propose certainement la motion.

[Français]

Le président: M. Adams propose qu'on annexe au procès-verbal tous les mémoires que vous avez présentés aujourd'hui, en français et en anglais. Est-ce bien cela que vous voulez?

[Traduction]

M. Jean Dupuis: C'est cela, merci.

[Français]

    (La motion est adoptée)

• 0950

Le président: Monsieur Déry.

M. Serge Déry (directeur de la Santé publique, Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik): J'aimerais mentionner que le problème du logement fait partie des priorités d'intervention de la Direction de la santé publique de Nunavik. Parmi les documents qui vous ont été remis, vous en trouverez un qui décrit la situation, tant du point de vue de la crise du logement que des effets sur la santé, à l'annexe 9.

Il existe des recommandations qui ont été faites par différents organismes internationaux et nationaux sur la définition d'un logement adéquat. Quand on regarde la situation actuelle du logement au Nunavik, on voit que pour une large proportion des logements au Nunavik, ces conditions ne sont pas remplies.

Quand on veut définir le surpeuplement des logements, il y a différents indicateurs qui peuvent être utilisés. Par exemple, en 1992, la SHQ a fait une étude qui démontrait qu'à ce moment, 26 p. 100 des logements sociaux au Nunavik étaient considérés comme surpeuplés.

L'autre façon de mesurer le surpeuplement, c'est de voir quelle est la proportion des logements qui sont occupés par plus d'une famille. Le recensement de 1996 a démontré qu'au Nunavik, 5,5 p. 100 des logements étaient occupés par plus d'une famille, alors que dans le reste du Québec, cette proportion était de 0,7 p. 100. Actuellement, au Nunavik, selon les données qu'on a recueillies à la fin d'octobre 1998, la liste d'attente pour obtenir un logement compte 428 familles réparties sur tout le territoire.

Pour ce qui est des projections démographiques, en l'absence d'un programme de construction de logements sociaux, on peut démontrer facilement qu'il va y avoir une nette détérioration des conditions dans les cinq prochaines années. On peut s'attendre à ce qu'en l'an 2003, si aucun logement n'est construit, en présence d'une croissance démographique de l'ordre de 2,8 p. 100, qui est celle du Nunavik, 40 p. 100 des logements sociaux seront considérés comme surpeuplés.

Le surpeuplement cause des problèmes de santé physique très connus, entre autres la tuberculose. À titre d'information, les taux d'incidence de la tuberculose au Nunavik sont 20 fois plus élevés qu'au sud du Québec et dans le reste du Canada.

Je fais partie d'un comité national sur l'élimination de la tuberculose dans les populations autochtones qui relève de la Direction générale des services médicaux de Santé Canada. Une des recommandations qu'on a faites la semaine dernière, c'est que le ministère des Affaires indiennes porte une attention particulière au problème du surpeuplement chez les autochtones en lien avec l'incidence de la tuberculose qui, comme vous le savez, est très élevée dans les populations autochtones.

Le président: Est-ce que vous pouvez faire parvenir cet article de votre comité de la santé à notre comité?

M. Serge Déry: Oui.

Le président: S'il vous plaît, plus tard.

M. Serge Déry: D'accord. Il y a toute une série d'autres maladies infectieuses dont l'incidence est très élevée au Nunavik et dont on peut démontrer qu'elles sont associées au surpeuplement. On a fait une étude récemment dans un village du Nunavik, où on a démontré que l'otite moyenne chronique est un problème très important chez nos enfants et cause parfois la surdité chez eux. L'étude démontre que ce problème est plus fréquent lorsque les enfants doivent dormir à plus d'un ou deux dans une chambre, et c'est la situation de plusieurs des logements au Nunavik. C'est clairement démontré par l'étude: plus ils sont nombreux à partager la même chambre, plus ils risquent d'avoir des otites chroniques. C'est normal. Ce sont des maladies qui se transmettent par le contact avec d'autres personnes. Il y a donc toute une série de maladies infectieuses dont il a été démontré qu'elles sont plus fréquentes chez nous et que nous croyons être en lien avec le surpeuplement.

Du point de vue de la santé publique, ce qui nous préoccupe beaucoup, ce sont les différentes problématiques psychosociales qui sont nettement en émergence au Nunavik et qui ont aussi un lien avec le surpeuplement. Des exemples de ces problématiques sont la violence, la violence familiale et le suicide chez les jeunes. Nous avons des taux 20 fois plus élevés que chez les jeunes du Sud. On peut démontrer ce genre de lien par le fait que le surpeuplement est une cause importante de stress chez ces gens.

• 0955

Le surpeuplement et la non-disponibilité de logements génèrent des problèmes psychosociaux, mais compliquent aussi beaucoup la prise en charge des cas.

Je vous donne un exemple. Quand vous avez un cas de violence familiale, si vous voulez donner un peu de répit aux gens et éloigner un des conjoints, il n'y a pas de logements disponibles; il n'y a pas d'autres possibilités de logement. Cela complique la prise en charge des cas pour les différents intervenants psychosociaux.

En conclusion, du point de vue de la santé publique, les problèmes de logement et de surpeuplement constituent un risque majeur pour la santé de la population du Nunavik. Si aucune mesure concrète n'est prise dans un avenir très rapproché pour prendre en charge ce problème, nous allons assister de façon sûre et certaine à une rapide détérioration.

Selon les projections démographiques, au Nunavik, il va y avoir environ 1 200 personnes de plus au cours des cinq prochaines années, ce qui représente à peu près une personne de plus par logement. Donc, 40 p. 100 des loyers seront surpeuplés. Pour nous, cela doit être considéré comme un risque important et une priorité au niveau de l'action de santé publique. Merci.

Le président: Merci, monsieur Déry.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Excusez-moi. La personne suivante sera Robbie Tookalook, maire d'une de nos municipalités, celle d'Umiujaq. Je crois qu'il vous a déjà fait un exposé.

J'ai oublié de mentionner, lorsque les maires de la baie d'Hudson ont fait leur exposé, que je remercie le comité d'avoir essayé d'amener le MAINC à comparaître. Vous aviez alors répondu que nous étions en train de faire appliquer le mécanisme de règlement des différends dont Johnny a parlé tout à l'heure. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de tenter de résoudre le problème du logement.

Je vous présente donc Robbie Tookalook et Anthony Ittoshat, qui va interpréter sa déclaration.

[Français]

Le président: Je dois vous confirmer, monsieur Aatami, que les fonctionnaires vont revenir devant notre comité bientôt.

[Traduction]

M. Robbie Tookalook (membre du conseil, Makivik Corporation) (Interprétation): Merci, monsieur le président et membres du comité, de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous.

J'étais ici, le 28 octobre, pour parler au nom de mon peuple du problème du logement social. Je connais les difficultés de la population du Nunavut, en tant que conseiller du gouvernement régional de Kativik et représentant de Makivik, et je sais que les problèmes des 14 collectivités du Nunavut sont assez similaires.

La dernière fois, vous m'aviez accordé une dizaine de minutes, mais je les ai légèrement dépassées. Cette fois-ci, j'essaierai d'être plus bref.

• 1000

Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier particulièrement Nancy. Elle n'était pas ici la semaine du 28 octobre lorsque les maires ont fait leur exposé.

Votre comité est chargé de se pencher sur les préoccupations des 14 collectivités du Nunavik.

Je voudrais simplement me citer en exemple. Lorsque le Dr Déry vous a parlé des maladies et du surpeuplement des logements au Nunavik, j'en suis un bon exemple, étant donné que 14 personnes vivent dans ma maison. Avec un petit enfant de plus qui est venu s'ajouter à ma famille, nous sommes maintenant 15 au total.

Le gouvernement fédéral a le devoir de respecter la Convention de la Baie James et je suis de nouveau ici aujourd'hui pour lui faire comprendre ses responsabilités.

Nous avons fait des exposés. Nous avons parlé. Nous avons fait entendre nos préoccupations par tous les moyens que nous avions à notre disposition et nous voulons être entendus. Nous nous demandons parfois quand nous finirons par nous faire entendre. Quand allons-nous enfin retenir l'attention du gouvernement?

• 1005

Dans la question que vous avez posée à Johnny Adams, vous avez fait allusion à un élément de mon exposé concernant le logement des employés du gouvernement, par exemple les enseignants. Je voulais seulement signaler que les maisons attribuées aux enseignants et aux autres employés provinciaux sont très bien entretenues. Elles ne présentent aucun problème. Toutefois, pour ce qui est des logements des Inuit, il semble que nous ayons des maisons moins jolies et mal entretenues. Le gouvernement ne semble pas vouloir améliorer la situation.

Par-dessus le marché, les employés qui viennent dans le Nord habiter ces maisons ne paient parfois aucun loyer. À mon avis, c'est deux poids deux mesures et il faudrait examiner cette situation très attentivement.

De plus, en parlant de deux poids deux mesures, les Cris de la Baie James se font construire de nouvelles maisons chaque année. Nous trouvons inacceptable que nous soyons traités différemment. Le gouvernement fédéral devrait s'acquitter de ses responsabilités. Il devrait commencer à s'occuper de la population. Cela vaut pour tous les Canadiens, pour tous les gens qui vivent au Canada. Les Inuit du Nunavik ont été abandonnés pendant trop longtemps. Il est temps que le gouvernement s'intéresse aux Inuit du Nunavik.

Comme je voudrais céder la parole à un autre membre de notre groupe, je n'en dirai pas plus. Mais avant de terminer, je voudrais poser quelques questions au sujet de notre témoignage du mois d'octobre.

• 1010

Vous nous avez dit que vous nous donneriez assez rapidement certaines réponses. Jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucune réponse. Nous croyons important que vous nous répondiez assez rapidement, si possible, après nous avoir entendus. Nous savons que vous en avez la responsabilité. Je sais que ce genre de chose prend parfois du temps.

Pour en revenir à la question du logement, j'ai informé certaines personnes que j'irais prendre la parole devant le comité permanent. Quelqu'un d'Inukjuak m'a téléphoné pour me demander de signaler qu'au Nunavik, il y a des retraités qui ont de nombreux petits-enfants, enfants et autres personnes qui vivent dans leur maison alors qu'ils n'ont que leur chèque de pension pour faire vivre tout le monde. Cette personne désire que le gouvernement accorde un tarif spécial aux retraités, parce que l'argent de leur loyer semble retourner à la source d'où il émane.

M. Pita Aatami: Comme l'a dit Robbie, le témoin suivant parlera de la crise qu'il vit lui-même à Umiujaq. C'est un Inuk qui se trouve dans une situation difficile à cause de la pénurie de logements.

Oui, il vous faut du temps pour formuler des recommandations et des choses de ce genre, mais la saison pendant laquelle nous pouvons être ravitaillés par bateau est très courte et nous devons commencer à nous préparer.

Nous connaissons une crise du logement et nous allons donc le répéter souvent. Je souligne une fois de plus qu'il faut faire quelque chose pour remédier à la situation du logement.

Je vais vous présenter Davidee Niviaxie, d'Umiujaq.

M. Davidee Niviaxie (gouverneur, Makivik Corporation) (Interprétation): Je m'excuse de ne pas m'adresser directement à vous. Je suis unilingue et je n'ai pas eu l'occasion d'apprendre l'anglais à l'école. Je vous remercie également de m'avoir invité à prendre la parole. C'est la première fois que je m'adresse à quelqu'un du gouvernement et je voulais simplement préciser que la première fois que j'ai appris l'existence du gouvernement, c'était dans les années 50.

• 1015

Je voudrais vous faire comprendre les difficultés que je connais chez moi. Il y a 18 personnes qui vivent dans ma maison. C'est un duplex de quatre chambres à coucher. La cuisine est très petite. Le séjour est très petit. Le plus jeune de mes enfants a 15 ans et l'aîné, 35 ans. Sur ces 18 personnes qui vivent sous mon toit et qui sont toutes mes enfants, il n'y en a qu'une qui habite ailleurs. Cela crée des problèmes à la maison. Les enfants doivent parfois s'entendre quant à savoir dans quelle chambre ils vont dormir et quand. Dans certains cas, des enfants dorment par terre parce qu'il n'y a que quatre chambres.

J'estime que le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec, la SCHL, y compris la Régie de la santé, ont la responsabilité de résoudre ces problèmes. Il faut aborder la question du logement de façon concertée.

La grande société d'habitation dont nous entendons parler si souvent—je veux parler de la SCHL—ne cesse de nous répéter que nous n'obtiendrons aucune maison, ou ses représentants nous disent que nous n'obtiendrons pas de logements supplémentaires. D'un autre côté, la Régie de la santé nous dit qu'il ne faut pas que trop de gens habitent sous le même toit, que cela va créer des problèmes de santé, des risques sanitaires. Nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce. Qui écouter? Que pouvons-nous faire?

C'est tout ce que j'ai à dire sur cette question, mais il y a un autre sujet que j'aimerais aborder.

Je voudrais vous signaler que l'été, les gros navires qui viennent ravitailler la région transportent généralement toutes les marchandises dans des caisses de bois. Lorsque ces caisses ont été laissées sur place, trois hommes se sont pratiquement battus pour les avoir afin de pouvoir construire une sorte de logement. Sur ces trois hommes, seulement deux ont réussi à mettre la main sur quelque chose et le troisième n'a rien eu.

J'ajouterais que j'ai également vu certains de ces mêmes hommes prendre des fûts vides pour en faire des poêles à bois.

Merci.

[Français]

Le président: itNakurmiik, monsieur Davidee Niviaxie. Vous avez mon respect. Pita.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Merci, Guy.

La prochaine personne qui parlera très brièvement de la question du logement est Jean Dupuis.

M. Jean Dupuis: Merci, monsieur Adams, monsieur le président et membres du comité.

Avant que M. Adams ne termine, je voudrais mentionner qu'au début des années 80, après que le Canada eut transféré au Québec ses responsabilités à l'égard du logement, il y a eu le rapport Tait, qui faisait suite à des négociations entre les Inuit et le Canada. Ce rapport visait à démontrer qu'au cours des dernières années de la présence des Affaires indiennes au Nunavik, les dépenses avaient été réduites.

• 1020

La situation était alors la même qu'aujourd'hui pour ce qui est du surpeuplement des logements. Par-dessus le marché, les logements étaient inférieurs aux normes. Il a fallu quelques années de négociations pour démontrer que le Canada avait l'obligation de transférer au Québec un parc de logements conformes à certaines normes. Le gouvernement fédéral a injecté des millions de dollars dans le logement pour remplacer tous ces vieux logements et en construire de nouveaux.

Peu de temps après, le Québec et le Canada ont conclu un accord de transfert relativement à l'article 29.0.40 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les Inuit n'étaient pas partie à cet accord de transfert entre le Canada et le Québec et ils ne l'ont jamais sanctionné. Nous nous retrouvons donc aujourd'hui dans une situation où le Canada et le Québec se renvoient la balle. On nous renvoie d'un niveau de gouvernement à l'autre. Nous sommes de nouveau victimes d'une situation contre laquelle nous ne pouvons rien faire et nous devons en subir les conséquences.

Comme M. Niviaxie l'a mentionné aujourd'hui, comme à la fin des années 70, même s'il y a de nombreuses maisons qui répondent aux normes canadiennes, de plus en plus de gens s'installent dans des cabanes au bord de la rivière et le long de la plage. Ils construisent des maisons avec des vieilles caisses. Cette situation est due au fait que le gouvernement nous a mis dans le même panier que le sud du pays lorsqu'il a totalement cessé de construire des logements sociaux.

Nous sommes également en contact avec le Québec. Le Québec semble indiquer que si le Canada lui transférait pour le logement le même montant que celui qu'il injecte dans l'enveloppe nationale, le gouvernement provincial mettrait sur pied un programme de logements sociaux pour les Inuit du Québec. Le gouvernement québécois nous dit que la contribution provinciale au logement social représente environ 23 ou 24 p. 100 de l'enveloppe nationale alors que le Canada veut seulement restituer au Québec 17 p. 100 environ de cette enveloppe pour gérer le logement social dans la province, y compris pour les Inuit. Le Québec a dit que, si le Canada acceptait de lui restituer le montant qu'il verse dans l'enveloppe nationale, il ne serait pas difficile de trouver assez d'argent pour construire des logements sociaux pour les Inuit afin de remédier à une situation qui se dégrade rapidement et qui se répercute sur la société inuit en général.

Nous sommes coincés entre l'arbre et l'écorce et nous estimons que ce n'est pas à nous de trouver une solution à cette situation. Les deux niveaux de gouvernement ont l'obligation, en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de trouver des moyens d'aider le Nunavik, d'arrêter de nous engager dans une discussion après coup en nous faisant investir dans des projets d'immobilisation pour le logement. Il a été clairement démontré que nous n'avions pas l'argent voulu et cette responsabilité incombe au gouvernement.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Dupuis.

Monsieur Aatami.

M. Pita Aatami: Merci, monsieur le président.

Johnny Adams va dire le mot de la fin au sujet du logement.

M. Johnny Adams: Encore une fois, je crois que vous avez eu l'occasion d'entendre chacun de nous. Je ne pense pas que nous demandions beaucoup. Nous ne réclamons pas des piscines, des bibliothèques ou des foyers pour personnes âgées. Nous demandons que l'on réponde à un besoin tout à fait fondamental pour tout être humain, le besoin de logement.

• 1025

Le gouvernement a l'obligation de trouver une solution. Nous estimons que, par l'entremise du MAINC, le gouvernement a fait preuve de mauvaise foi en établissant des critères pour nous exclure du programme. Par conséquent, nous demandons au comité permanent de nous aider à trouver une solution à nos difficultés, car elles ne se régleront pas toutes seules. La situation s'aggravera tant qu'on n'y aura pas remédié.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Adams.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Merci, monsieur le président. En sommes-nous aux questions?

Le président: Monsieur Aatami.

M. Pita Aatami: Comme je l'ai dit tout à l'heure, je préférerais de beaucoup que nous abordions tous les sujets. Si vous pouviez simplement prendre note des questions que vous comptez poser, nous pourrons y revenir. Nous avons cinq autres questions à aborder. Si nous pouvions en revenir aux questions lorsque nous aurons terminé, nous vous en serions reconnaissants.

M. John Bryden: Monsieur le président, je voudrais au moins répondre aux observations que nous venons d'entendre en proposant une motion, car si nous attendons jusqu'à la fin de tous les exposés, je risque de l'oublier. Je voudrais proposer que le comité tienne une réunion spéciale le plus tôt possible pour discuter des problèmes de logement du Nunavik et formuler immédiatement des recommandations.

Vos paroles m'ont touché. Vous êtes venus ici et vous avez besoin d'une réponse. Je crois que le comité doit vous donner cette réponse immédiatement.

Telle est la raison d'être de ma motion, monsieur le président, et je crois que M. Wilfert est prêt à l'appuyer.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): C'est exact.

Le président: Voulez-vous en discuter?

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): J'ai seulement une brève question à poser. Allons-nous convoquer d'autres témoins, par exemple la SCHL, pour savoir quelle est sa réponse ou parlez-vous simplement d'une réunion entre nous?

M. John Bryden: J'ai proposé de nous réunir le plus tôt possible. Par conséquent, si nous croyons devoir parler à d'autres témoins, nous devrions le faire. Mais je crois qu'il faut accorder à cette question une attention prioritaire et nous en occuper pendant que ce sujet est encore frais dans notre mémoire.

M. Derrek Konrad: À la condition que nous puissions convoquer certains témoins, car il y en a certains que j'aimerais voir ici.

M. John Bryden: Qui vous voudrez.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Monsieur Iftody.

[Traduction]

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement car nous n'avons pas le quorum. Malheureusement, nous devons nous excuser auprès des témoins, car nous ne sommes pas en nombre suffisant pour adopter une motion. Comme vous pouvez le voir, à part l'éminent député du Parti réformiste, il n'y a ici aucun autre député de l'opposition, ce qui pose évidemment un problème.

Sans adopter de motion,...

M. Derrek Konrad: Je serais d'accord.

M. David Iftody: ...peut-être pourrions-nous continuer d'entendre ces témoignages afin qu'ils soient consignés au compte rendu étant donné qu'il y a, de toute évidence, beaucoup de travail sur ce dossier.

La motion me paraît problématique pour le moment mais, monsieur Dupuis et monsieur Aatami, je crois que les députés de ce côté-ci—et ce n'est pas la première fois qu'ils l'ont mentionné—ont pris très au sérieux les témoignages qu'ils ont entendus ici il y a deux semaines environ et encore aujourd'hui. J'en suis convaincu. Votre message a également été transmis à la ministre et il n'est donc pas tombé dans l'oreille de sourds.

Permettez-moi de poursuivre un instant pour dire à nos témoins, à toutes les personnes présentes dans la salle ainsi qu'au président, qu'un processus de règlement des différends est actuellement en cours, d'après moi. Il a été déclenché par les deux parties qui s'occupaient de la crise du logement. Ce processus de règlement des différends est exécutoire pour les parties et prévoit des recours auprès des tribunaux respectifs si l'une ou l'autre n'est pas satisfaite de l'entente. D'après mes renseignements, ces négociations sont actuellement en cours. La comparution du groupe devant le comité est sans rapport avec ce processus, à mon avis. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

• 1030

D'après mes renseignements, monsieur le président, ces négociations sont en cours et si les parties concernées ne sont pas satisfaites de l'issue des négociations, il existe des recours juridiques pour en arriver rapidement à une solution beaucoup plus satisfaisante pour les collectivités en cause.

En ce qui a trait à ces deux questions donc, pour résumer, si nous n'avons pas de quorum, nous ne pouvons évidemment pas examiner la motion de M. Bryden, bien qu'elle soit très pertinente et que l'on s'entende sur son utilité et son importance. Je sais qu'il agit du fond du coeur en proposant cette motion, mais nous ne pouvons pas l'examiner tant que nous n'aurons pas le quorum.

Cela dit, je me demandais s'il est possible d'informer les autres membres du comité du déroulement du processus de règlement des différends, et si nous pouvons être utiles, au sein de cette tribune qui a été mise sur pied de concert entre le ministère et Makivik, en faisant savoir à la ministre et à ses fonctionnaires, à l'ensemble du gouvernement, que vous n'êtes pas satisfaits du processus ou de certains aspects de celui-ci. Ou bien voulez-vous le supprimer entièrement? Nous pensions que les parties s'étaient entendues sur un processus de négociation et nous attendions l'issue de celle-ci.

Je vous remercie, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci. Avant de passer la parole à M. Aatami, je tiens à dire au secrétaire parlementaire qu'on a une excellente motion sur la table. C'est vrai qu'on n'a pas quorum. J'ai dit tout à l'heure à M. Davidee Niviaxie qu'il avait mon respect et, en tant que président du comité, j'ai le pouvoir de faire venir les fonctionnaires devant notre comité.

Je tiens à vous dire, membres du comité, que même si on n'a pas de motion, que même si on n'a pas quorum, on va demander aux fonctionnaires d'être présents ici dans les plus brefs délais. J'ai juste un petit point à mentionner. Quand on a eu la crise du verglas dans le Sud, les gens ont été indemnisés. Les gouvernements ont consacré des millions de dollars à cela, parce que les gens se sont retrouvés à 15, 20 et même 22 dans la même maison. Cela s'est réglé immédiatement. C'était une crise.

Aujourd'hui, on vit une crise du logement au Nunavik. Si on n'a pas de développement économique, ça vient de cette crise: problèmes sociaux, problèmes de santé.

Monsieur David Iftody, dites à la ministre qu'on va convoquer de nouveau les fonctionnaires qui travaillent à la question de l'hébergement dans le Nunavik avant qu'il y ait une grave crise, car c'est trop important.

J'ai dit à M. Niviaxie qu'il avait mon respect. On va garder le respect pour les enfants, pour les familles, pour les grands-parents et pour vous. C'est ça. Il n'y aura même pas de motion. Je vais demander que les fonctionnaires viennent ici dans les plus brefs délais pour étudier cette crise.

Y en a-t-il qui sont contre mon argument? Vous êtes en faveur? Merci.

Monsieur Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden: Monsieur le président, je tiens à signaler que je suis prêt à proposer à nouveau la motion lorsqu'il y aura quorum, ne serait-ce que pour convaincre tout le monde que le comité a l'intention de donner suite sur-le-champ à cette question.

Le président: Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, j'aimerais une explication. Après avoir entendu les témoignages des maires de la région, vers la fin octobre, je pensais que nous avions adopté une motion en vue de demander aux fonctionnaires du ministère de répondre à ces questions dans les plus brefs délais. La motion de M. Bryden renforce en fait ce que nous avions déjà décidé à la fin octobre.

Je voulais obtenir des précisions quant à ce que je pensais vous avoir entendu dire—et j'espère que vous vous êtes trompé—à savoir que le ministère s'est un peu fait tirer l'oreille pour réagir. De toute évidence, ce n'est pas le cas. J'entends dire plus ou moins la même chose qu'il y a trois semaines, soit dit en toute déférence. Je pensais que les fonctionnaires seraient présents aujourd'hui pour répondre à ces questions. Que cela se fasse lors d'une réunion de tout le comité ou à huis clos, je pensais que le ministère avait depuis lors répondu aux questions soulevées par les maires à l'époque. J'aimerais savoir ce qu'il en est.

[Français]

Le président: En tant que président de ce comité et en tant que député d'une des circonscriptions les plus grandes du Canada, je vais vous donner l'heure juste. Le processus est enclenché. C'est vrai que les fonctionnaires devaient venir ici, devant le comité. Il m'a été demandé de retarder la venue des fonctionnaires pour entendre aujourd'hui les gens de Makivik et de Kativik. C'est pour cela que je suis très à l'aise.

• 1035

Je suis cependant mal à l'aise envers le peuple inuit parce qu'il y a vraiment une crise et qu'on a une responsabilité humaine, nous, les députés du Canada. Nous sommes 301 ici à la Chambre des communes. Peu importe les couleurs des partis politiques, nous vivons une crise. J'ai beaucoup de respect pour le secrétaire parlementaire et je pense qu'il est de tout coeur avec vous. Peu importe la procédure, les fonctionnaires vont être ici dans les plus brefs délais. Il faut trouver une solution de dialogue avec les ministères. Passons à un autre sujet.

[Traduction]

Monsieur Iftody.

M. David Iftody: Merci.

D'après ce que les fonctionnaires m'ont expliqué, monsieur le président, il existe un processus négocié qui a été approuvé, et respecté je pense, entre le gouvernement du Canada et les dirigeants des collectivités. Il s'agit peut-être d'une autre version de ceci. J'aimerais beaucoup savoir où en sont ces négociations, et pourquoi tout le monde a l'air mécontent—je suppose peut-être des choses. Les témoins pourraient peut-être éclairer notre lanterne en nous disant ce qu'ils pensent de ces négociations.

[Français]

Le président: Monsieur Aatami.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Merci.

Je tiens à dire brièvement que Johnny Adams va répondre à cette question de M. Iftody.

M. Wilfert vient de nous dire que lorsque les maires ont comparu, on leur a dit qu'on allait faire quelque chose. M. Bryden vient de confirmer ce que les fonctionnaires étaient censés faire. Je voulais recommander que, dès qu'il y aura quorum, vous fassiez ce que M. Bryden a essayé de faire. C'est ce que je recommande. Je vous remercie en outre de reconnaître que nous traversons une véritable crise.

Je vais céder la parole à Johnny pour répondre à la question qu'a posée M. Iftody au sujet du mécanisme de règlement des différends.

M. Johnny Adams: Le mécanisme de règlement des différends devait être une mesure de dernier recours. Makivik n'a jamais utilisé ce mécanisme par le passé. Depuis trois ans et demi, nous sommes dans une impasse. Nous avons estimé que nous n'avions pas d'autre moyen d'action. Le processus proprement dit risque de traîner pendant quelques années de plus. En mai, lorsqu'il a été déclenché, le gouvernement avait 60 jours pour répondre, mais il n'a cessé depuis de demander des reports successifs. À la date d'aujourd'hui, le processus n'a encore rien donné.

Si nous voulons sortir de l'impasse et trouver une véritable solution au problème, c'est la voie que nous allons suivre. À l'époque, toutefois, nous avons estimé n'avoir pas d'autre solution, car partout où nous allions, nous recevions des réponses évasives.

[Français]

Le président: Merci. Avant de continuer, on va quand même lire la motion parce qu'on va la déposer. On y reviendra plus tard quand on aura quorum.

En terminant, je tiens à revenir sur la question de l'habitation. C'est bizarre comment l'histoire peut être faite. Nous avons des gens du nord du Nunavik qui se battent dans une crise de logement. On a vu cet été une crise. Les Inuits ne peuvent pas bloquer les routes parce qu'il n'y a pas de route pour aller dans le Nord. Il y a eu une crise chez les Mi'gmak de Restigouche, qui ont bloqué une route, et le gouvernement canadien a immédiatement accordé à Ronald Jacques, le chef de la réserve de Listuguj, 16 maisons flambant neuves. Nos amis inuits sont prêts à aller en cour pour se battre. On sait que la rumeur circule que vous allez vous présenter devant l'ONU à cause de cette crise, si ça continue.

La greffière va lire la motion et on va poursuivre sur d'autres sujets.

Pourriez-vous la lire?

[Traduction]

La greffière du comité: Il est proposé par M. John Bryden que le comité tienne une séance spéciale dès que possible pour discuter des problèmes de logement du Nunavik et faire des recommandations au plus tôt.

[Français]

Le président: Parfait. C'est un avis de motion. Merci. On va passer à autre chose.

Monsieur Aatami.

• 1040

[Traduction]

M. Pita Aatami: Merci, monsieur le président.

Le point suivant dont nous voulons discuter est l'infrastructure maritime. Sur ce dossier, c'est M. Jean Dupuis qui va être notre porte-parole et vous présenter un bref exposé pour vous dire où en sont les choses.

Je voulais également ajouter que vous avez reçu nos mémoires à l'avance sur tous les points que nous abordons aujourd'hui, et j'espère que les membres du comité ont eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil pour s'informer de l'état des différents dossiers que nous abordons aujourd'hui. Je vous remercie.

Jean Dupuis

M. Jean Dupuis: Merci.

La deuxième question que nous souhaitons aborder aujourd'hui, le programme d'infrastructure maritime du Nunavik, est un autre dossier dans lequel, selon nous, le gouvernement du Canada ne respecte pas les obligations qui lui incombent aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Pour plus de clarté, je vais vous lire l'article 29.0.36 de cette Convention, que voici:

    Le Canada et le Québec, en collaboration avec les communautés inuit intéressées, entreprennent, aussitôt que possible et selon les fonds disponibles, des études concernant l'aménagement de bases pour hydravions et de débarcadères, de pistes d'atterrissage, d'aides à la navigation et d'installations portuaires, y compris des voies d'accès et des rues dans chaque communauté. L'Administration régionale doit participer à ces études, dès sa création.

Nous sommes aujourd'hui en 1998, soit 23 ans plus tard. L'administration régionale a été créée en 1978 et nous continuons à tourner en rond dans la plupart de ces dossiers.

Pendant plus de 12 ans après la signature de la Convention, aucun des paliers de gouvernement n'a pris la moindre mesure pour y donner suite. Si cet article se trouve dans la Convention de la Baie James, c'est parce qu'il est important pour les Inuit de disposer d'une infrastructure maritime. Les 14 collectivités inuit du Nunavik sont des villages côtiers. Les Inuit dépendent de la faune marine pour se nourrir, et nous passons beaucoup de temps sur l'eau.

Au Nunavik, les marées sont parmi les plus grandes du monde. Nous faisons des évaluations pour les comparer avec celles de la baie de Fundy. Jusqu'ici, les résultats ont révélé qu'il y a un écart de 12 à 14 pouces seulement entre les deux endroits. Il est donc facile de concevoir qu'une marée de 30, 35 ou 38 pieds a une très grande amplitude. Pour un peuple qui passe autant de temps sur l'eau, nous ne naviguons pas pendant la journée, comme le font bien d'autres personnes. Nous devons suivre les marées et souvent, prendre la mer pendant la nuit. Il est donc très difficile d'avoir accès à nos collectivités. C'est pourquoi il est essentiel pour nous de se pencher sur cette question.

À la suite de l'entente en 1975, il a fallu attendre que le Canada et le Québec signent l'entente auxiliaire sur le développement des transports pour que les choses commencent à bouger dans la région. En 1988, le gouvernement du Québec a entrepris la construction de très petites jetées dans deux collectivités inuit, ce qui a provoqué une certaine réaction parmi les gens de la région. Suite à ce mouvement de réaction, ces deux projets de construction de jetées miniatures ont été interrompus. Le gouvernement du Québec a déclaré à l'époque que, à son avis, il respectait ses obligations aux termes de la Convention en construisant ces deux petites jetées, même sans avoir consulté la population locale pour déterminer ses besoins. Nous n'étions pas d'accord et les choses ne sont donc pas allées plus loin.

Il a fallu attendre à environ 1990-1991 pour qu'une entente soit signée entre le gouvernement du Canada et les Inuit du Nunavik concernant la mise en vigueur de la Convention, où il se trouve une annexe qui traite précisément du transport maritime. Cette annexe fait partie du mémoire que nous vous avons présenté. Peu de temps après, un groupe de travail a été mis sur pied, composé de représentants des deux parties.

• 1045

Certaines études ont été entreprises dans quelques collectivités, même si, pendant les deux premières années, les mandats des représentants fédéraux n'étaient pas très clairs. Encore une fois, par conséquent, on «tournait en rond» et il en est allé ainsi jusqu'à ce que l'on finisse par accepter d'effectuer les études dans les collectivités. Trois d'entre elles ont été choisies pour faire une analyse approfondie de leurs besoins. Au cours de cette période, des consultations ont eu lieu dans toutes les autres collectivités.

Après la première série de consultations, des fonctionnaires spécialisés dans la conception de jetées et autres ont préparé des plans, construit des modèles à échelle réduite de ce que l'on pouvait créer au Nunavik. Ces premiers plans ont donné lieu à un programme qui a coûté 120 millions de dollars. L'infrastructure proposée par les experts à l'époque était encore une fois un peu importante pour les petites collectivités, mais peut-être pas aussi pratique que le souhaitaient les gens. Néanmoins, en se déplaçant d'une collectivité à l'autre et en montrant ces modèles et le reste, les fonctionnaires ont fini par redonner espoir aux habitants de nos villages. Peu de temps après, le budget du programme a été ramené à 80 millions de dollars. On a modifié les plans pour qu'ils soient un peu plus réalistes et répondent vraiment aux besoins des collectivités. Cela s'est fait après d'autres consultations auprès des habitants de nos villages.

Vers la fin de 1994, nous avions en vue un programme susceptible d'être mis en vigueur avec l'accord de tous les membres du comité. Tous les représentants fédéraux ainsi que ceux de notre région se sont entendus sur la façon de procéder. Peu de temps après, un budget de quelques millions de dollars a été affecté à ce projet. Même si le programme de 80 millions de dollars n'a pas été entièrement approuvé par le gouvernement fédéral, le ministère des Affaires indiennes a quand même réussi à trouver quelques millions de dollars pour préparer les plans définitifs et le cahier des charges des travaux de construction dans les trois collectivités. Cela était conforme au programme de 80 millions de dollars. Les travaux sont allés de l'avant et les habitants des collectivités en cause y ont participé jusqu'à la dernière phase.

Puis en décembre 1997, nous avons été convoqués à une réunion avec des responsables du MAINC, où les responsables nous ont alors informés qu'il serait impossible de financer un programme de 80 millions de dollars. On ne pouvait débloquer que 30 millions de dollars, et éventuellement 10 millions de dollars de plus provenant du Bureau fédéral de développement régional pour le Québec, si nous réussissions à prouver les avantages que ce projet aurait pour le développement économique de la région. Là encore, c'était à nous de justifier le bien-fondé du programme.

Le mois suivant, on nous a mis le couteau sur la gorge. Le président d'alors de la Société Makivik, Zebedee Nungak, a reçu un ultimatum. Il avait un nombre de jours donné, 10 jours, sauf erreur, pour approuver ce programme de 30 millions de dollars. Sinon, les fonds risquaient de ne plus être débloqués à l'avenir. C'est donc encore une fois le couteau sur la gorge que les habitants du Nunavik ont accepté de signer ce programme de 30 millions de dollars, en précisant toutefois que cela ne représenterait qu'une partie du programme de 80 millions de dollars nécessaire pour répondre à tous les besoins de nos collectivités.

• 1050

Le problème, c'est que la Convention de la Baie James et du Nord québécois fait clairement état de la nécessité de construire des débarcadères, une infrastructure maritime dans notre région. Même si, à certains endroits, on trouve les termes «études», «disponibilité des programmes», etc., cela ne veut pas dire selon nous que s'il y a des fonds disponibles cette année-là, nous aurons de la chance et nous recevrons peut-être quelque chose. D'après notre interprétation, cela veut dire que le gouvernement doit prévoir dans ses programmes l'affectation de fonds pour l'élaboration d'un programme précis au Nunavik.

Encore une fois, comme pour le logement, on ne devrait pas nous laisser pour compte pour la simple raison que nous ne remplissons pas les critères actuellement prévus dans d'autres programmes. Nous avons inclus dans nos trousses d'information de petites cartes où l'on voit les ports canadiens dans tout le pays. Il y en a un plus grand modèle au mur, mais il est difficile de voir où ils sont situés. Comme vous pouvez le constater, il y a des ports partout dans le pays, même au beau milieu de la Saskatchewan et du Manitoba. Et pour nous au Nunavik, où nous avons quatorze collectivités côtières, où le gouvernement du Canada est tenu de construire cette infrastructure, il n'y a rien, rien du tout.

Je le répète, dans ce dossier comme dans celui du logement, nous estimons que le Canada ne peut pas renvoyer la balle au Québec. À notre avis, le Canada doit assumer son obligation et trouver les fonds nécessaires pour mettre en vigueur le programme de construction qui a été élaboré de concert avec le ministère des Pêches et des Océans, Transports Canada, Affaires indiennes et du Nord et nous-mêmes.

Cette infrastructure a une incidence économique importante sur notre région. Les travaux de construction représenteront des emplois pour notre région, car tout a été conçu pour que nos municipalités, nos collectivités participent aux travaux de construction de cette infrastructure, contrairement à ce qui s'est fait dans le domaine du logement, où le gouvernement du Québec a dépensé des milliards de dollars en utilisant les fonds du gouvernement fédéral et où, après dix ans de chantier où l'on employait des équipes de travailleurs et des sociétés de construction du sud du pays, pas un seul Inuk—ou un, mais il est décédé depuis—aucun Inuk n'a reçu la formation voulue pour occuper un des véritables emplois dans la construction. Les Inuit de Nunavik n'ont profité que d'emplois dans les services de nettoyage et d'entretien, et nous n'avons même pas obtenu une faible proportion de ces avantages dans la construction.

Grâce à ce programme, nous estimons pouvoir retirer au moins 80 p. 100 des avantages dans la région. Cela se répercutera sur le gouvernement du Canada et les autres gouvernements qui disposeront de meilleures installations pour livrer les marchandises pendant la très courte saison où le ravitaillement par bateau est possible, saison qui dure à peine trois mois et où tout doit se faire en accéléré. Étant donné la situation actuelle due aux fortes marées, il faut deux ou trois fois plus de temps pour décharger les navires. Ce temps est précieux, sachant que l'hiver revient très vite chez nous, dès la fin septembre.

La dernière remarque que j'aimerais faire au sujet de l'infrastructure maritime, étant donné que quand ces problèmes se posent, c'est souvent en rapport avec l'eau, porte sur les activités de recherche et de sauvetage. À notre avis, si nous disposions de ces installations, il serait plus facile d'avoir accès à la mer.

• 1055

J'ai oublié de parler de la protection. Nous avons besoin de protection contre les éléments de nos collectivités. Je le répète, nous habitons dans des collectivités côtières. À l'heure actuelle, presque tout le monde possède une embarcation: des petits canots, des petits bateaux, ou de plus gros bateaux communautaires. Nous n'avons aucune protection contre les éléments. Tous les ans, certaines de nos collectivités perdent des biens qui coûtent très cher à cause des tempêtes, car nous n'avons aucune protection contre ces éléments que pourrait nous offrir justement cette infrastructure maritime.

Nous n'avons pas beaucoup d'argent. Les gens travaillent d'arrache-pied pour avoir assez d'argent pour s'acheter un canot, un hors-bord et du matériel de chasse, lequel reste souvent dans les bateaux et est perdu en cas d'incident. Le coût de la vie étant très élevé, les gens ont du mal à survivre lorsqu'ils subissent ce genre de perte. Il faut parfois des années à une famille pour se rééquiper. En ne respectant pas ses obligations envers notre région, le gouvernement ne fait qu'aggraver les choses.

Pour les opérations de recherche et de sauvetage, nous avons encore là des difficultés à lancer des opérations de recherche sur place lorsqu'il se produit des incidents avec des chasseurs et des pêcheurs. Nous perdons parfois un temps très précieux parce qu'il nous faut attendre la marée pendant des heures, et nos embarcations sont parfois à 10 ou 20 mètres de l'eau et incapables de flotter, alors que nous pourrions consacrer des heures aux activités de recherche et de sauvetage.

À ce sujet, j'aimerais ajouter quelque chose qui n'est peut-être pas relié à l'infrastructure maritime pour les opérations de recherche et de sauvetage, mais il s'agit du processus qui existe chez nous, qui vivons au Québec, et qui a trait au soutien que la Défense nationale peut donner aux opérations de recherche et de sauvetage. Au fil des ans, nous nous sommes efforcés d'établir un processus de concert avec nos partenaires du Canada et du Québec à l'échelle régionale pour les cas où nous avons besoin de soutien.

À l'heure actuelle, lorsque nous devons lancer une opération de recherche et de sauvetage, c'est le maire de nos localités qui coordonne en quelque sorte toutes les activités. Il travaille de concert avec notre propre service de police régionale, qui contacte alors la Sûreté du Québec. Il nous faut absolument faire appel sans délai à la Sûreté du Québec pour que celle-ci fasse appel au ministère de la Sécurité publique du Québec, qui est la seule instance autorisée à faire intervenir la Défense nationale.

Parfois, dans ce processus, étant donné que les gens ne sont pas dans notre région—il s'agit de services extérieurs—ils sont en mesure de confirmer ou d'infirmer bon nombre des décisions que nous prenons à l'échelle régionale, ou alors ils ne nous font pas confiance, et pourtant nous devons faire appel à eux dès que nous lançons une opération de recherche et de sauvetage pour qu'ils puissent faire appel à la Défense nationale. Parfois, il faut jusqu'à 24 ou 36 heures pour les convaincre que c'est justifié.

Nous vivons au Nunavik, nous sommes parties prenantes à ces opérations dès la première minute, et nous n'acceptons pas le fait d'avoir à justifier à des instances extérieures, à divers niveaux de la bureaucratie, que c'est urgent, que c'est important, et que oui, nous devons faire appel à elle immédiatement. Il faut moins d'une minute à nos responsables de la sécurité publique pour téléphoner au gouvernement du Canada, à la Défense nationale, afin d'obtenir le soutien voulu à nos opérations de sauvetage. Mais au lieu de quelques minutes, il faut parfois des heures et des jours avant que la Sûreté du Québec soit convaincue que c'est justifié. Ensuite, s'il faut faire intervenir un fonctionnaire à Québec qui craint, mon Dieu, de recevoir une facture plus tard, et qui ne sait pas s'il a les crédits voulus—on peut se retrouver devant un fonctionnaire de Québec qui ne sera pas d'accord parce qu'il ne juge pas l'opération justifiée.

• 1100

Il s'est produit un parfait exemple de cela, monsieur le président et honorables députés, il y a quelques années dans la localité d'Umiujaq, lorsque le garage municipal a brûlé. Tout le matériel des services municipaux a brûlé. Il s'agit d'une localité où il s'accumule beaucoup de neige autour des maisons, entre cinq et 10 pieds, et les maisons sont parfois enterrées sous la neige.

À Akulivik, une autre localité, la même chose s'est produite. Le garage là-bas a brûlé en janvier. Or, il n'y a pas de ravitaillement par mer avant juillet. En fait, il faut habituellement attendre le mois d'août pour que toute la glace ait fondu. Il nous a donc fallu déclarer l'état d'urgence. Au même moment, dans les semaines qui ont suivi, les Canadian Rangers menaient des opérations de formation. Il y a un avion Hercules qui y conduit les troupes. Nous avons demandé que le Hercules fasse escale dans la localité d'Inukjuak, qui était disposée à prêter à Akulivik un camion-citerne à eau et un camion de vidange pour eaux usées qui pourraient assurer la prestation des services municipaux et le respect des normes d'hygiène publique à la population inuit de cette localité, mais on a refusé. Le Canada était prêt à nous aider, mais on a refusé parce qu'un fonctionnaire de Québec, assis bien au chaud dans son bureau de l'administration ou chez lui, a décidé que ce n'était pas une urgence. Cette localité a dû souffrir, et il nous a fallu faire toutes sortes de pirouettes pour permettre à cette localité de fournir les services voulus aux maisons.

Avant 1980, les seules toilettes qu'il y avait dans les maisons étaient des seaux hygiéniques—c'était un sac de plastique qu'on mettait à l'extérieur—et la livraison d'eau se faisait par conteneurs remplis de glace fondue. À l'heure actuelle, nous avons des maisons normales avec l'eau courante et tout le reste, et nous ne pouvons plus vivre comme avant. Il nous faut des équipements et des installations modernes pour fournir nos services.

De toute façon, pour en revenir aux opérations de recherche et de sauvetage, il nous faut établir un lien direct entre notre région, nos autorités responsables de la sécurité publique et la Défense nationale. Nous ne devrions pas avoir à passer par toute cette autre bureaucratie—qui ne sert qu'à alourdir les justifications—lorsqu'il s'agit souvent de sauver des vies.

Watson Fournier est l'un des ingénieurs de l'Administration régionale Kativik. Il a participé à la conception de ce programme de concert avec les autorités canadiennes, et j'aimerais qu'il vous parle de ce problème.

M. Watson A. Fournier (chef de service, Travaux publics municipaux, Kativik Regional Government): Merci, Jean, monsieur le président, honorables députés.

Comme on l'a dit, pour obtenir ce programme, les Inuit ont dû se battre pendant presque 16 ans avant même de pouvoir négocier et de commencer à songer à ce qui devait être fait concrètement. Les responsables des divers organismes gouvernementaux nous expliquaient ce qu'il nous fallait faire pour mettre en place les normes et les éléments de ces structures. Les Inuit savent ce qu'ils doivent faire pour chasser et pêcher et tout cela, mais pour les services de génie proprement dits, nous faisons appel aux services de l'administration fédérale. Après avoir écouté leur conseil, nous avons mis en place les éléments voulus. Ils nous ont dit ce qu'il fallait faire, puis ils nous ont dit qu'il fallait déterminer le coût de tout cela. Voilà comment nous sommes parvenus à ce montant de 120 millions de dollars. C'est un montant très élevé, mais ce sont les fonctionnaires qui nous ont dit ce qu'il nous fallait.

Lorsque nous avons déterminé ce qu'il nous fallait, ces fonctionnaires ont été retirés des comités et de nouveaux sont arrivés. Ils nous ont dit que c'était ridicule, que ce montant d'argent était beaucoup trop élevé. Nous avons répondu à ces nouveaux fonctionnaires que c'était ce qu'on nous avait dit de faire.

Le fait est que nous voulons des infrastructures qui répondent à nos besoins, des infrastructures sécuritaires, de telle sorte que nos gens auront des ports sécuritaires où ils pourront aborder lorsqu'ils reviendront avec leurs familles et leurs fournitures. Soyons raisonnables, la région se contenterait de 80 millions de dollars. Nous aurions ainsi notre juste part.

Comme M. Dupuis l'a dit, toutes ces infrastructures existent partout au Canada. Elles ont été bâties à l'époque où les gouvernements pensaient pouvoir les donner à tout le monde. Mais nous négocions toujours. Nous avons négocié pendant 16 ans. Lorsque les négociateurs ont enfin accepté de nous donner quelque chose à nous aussi, d'autres instances ont dit qu'il n'y avait plus d'argent.

• 1105

Je pense que vous devez sérieusement réfléchir à cela. Parlez-en avec les instances compétentes de l'administration, les ministères compétents. Faites approuver ce programme et obtenez les crédits qu'il nous faut pour que nous puissions bâtir ces infrastructures et ainsi les gens auront des services sécuritaires et fiables.

Merci.

[Français]

Le président: On a parlé de l'habitation et de la santé. Maintenant, il y a des députés qui vont devoir quitter, car ils ont d'autres réunions au Parlement qui s'en viennent. On pourrait faire une première période de questions et ensuite continuer sur les trois autres sujets, puis enchaîner avec une autre période de questions, parce que j'ai l'impression qu'on va perdre deux ou trois députés qui ont d'autres réunions.

Monsieur Aatami.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Avant de passer aux questions, monsieur le président, il y a quelque chose que j'aimerais savoir. Votre comité est censé compter 16 ou 18 membres. Je ne vois que cinq personnes dans la pièce, donc je me demande où sont passées les 11 autres.

[Français]

Le président: Monsieur Aatami, le problème qu'on a actuellement, c'est qu'on n'a pas le contrôle des députés. Du côté du pouvoir, le Parti libéral, ça va bien, de celui du Parti réformiste, ça va bien, mais il arrive parfois des imprévus. Aujourd'hui, c'est une journée de l'opposition du Bloc québécois, comme le prévoit la procédure. D'habitude, on a toujours deux députés du Bloc québécois, mais ils assistent aujourd'hui à d'autres réunions. C'est la même chose pour le NPD et le Parti conservateur. C'est le problème des députés: il y en a qui font partie de deux ou trois comités en même temps. Parfois, dans les comités, ils sont quatre ou cinq au début. C'est cela le problème ici, à la Chambre des communes, monsieur Aatami. Ils se sont excusés. C'est la même chose pour le Bloc québécois: ils avaient d'autres réunions. D'habitude, ils sont toujours présents, mais c'est arrivé aujourd'hui.

C'est malheureux que cela arrive aujourd'hui, mais les recherchistes du Bloc québécois sont présents et ils prennent de bonnes notes. Normalement, M. Bachand est toujours présent au comité. C'est ce qui arrive actuellement.

C'est pour cela que j'ai prévu une période de questions immédiatement avant que d'autres députés quittent pour d'autres réunions. On s'excuse. On est 16 membres, et d'habitude, on est toujours huit ou neuf. Les autres sont des membres auxiliaires qui peuvent remplacer ceux qui doivent s'absenter, soit pour une raison de maladie, soit pour une raison de décès dans leur famille, soit pour quelque chose à un autre comité. On s'excuse vraiment, monsieur Aatami.

[Traduction]

M. Pita Aatami: D'accord, merci, monsieur le président. J'imagine que les autres députés seront informés des questions dont nous avons fait état dans nos exposés aujourd'hui. Comme je l'ai dit plus tôt, nous vous avons adressé à l'avance des copies du mémoire qui allait constituer notre exposé. J'espère que les membres du comité ici présents aujourd'hui ont eu la possibilité d'en prendre connaissance.

Nous pouvons maintenant passer aux questions étant donné que nous allons perdre un député de plus. Tout de suite après, nous passerons aux autres questions. Malheureusement, les autres députés ne sont pas ici pour entendre parler de questions qui sont très importantes pour nous. Mais je crois savoir, monsieur le président, que vous allez utiliser vos prérogatives pour en informer les autres membres du comité.

[Français]

Le président: On peut commencer immédiatement un premier tour de questions. Monsieur Aatami, quand on se parle ici, toutes les personnes sont présentes; au ministère à Ottawa et dans les bureaux, il y a beaucoup de personnes qui nous écoutent.

• 1110

Les fonctionnaires sont au courant des préoccupations dont vous nous faites part ici puisqu'ils peuvent, dans leurs bureaux mêmes, écouter nos délibérations. Même s'ils ne sont pas ici présents, il y a des gens ici sur la Colline du Parlement et ailleurs qui écoutent ce que vous avez à dire. Soyez assuré que votre message est entendu.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Avant de passer aux questions, Jean Dupuis va terminer notre exposé sur l'infrastructure maritime.

Le président: Monsieur Dupuis.

M. Jean Dupuis: Merci, monsieur le président. Je serai très bref.

En conclusion, la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été l'un des premiers grands accords relatifs aux revendications territoriales au Canada, et le deuxième en Amérique du Nord. Il a été ratifié il y a plus de 20 ans de cela. Ce n'est pas un accord parfait. Il y manque plusieurs éléments que nous retrouvons dans les autres accords de revendications territoriales qui ont été conclus en 1998. Mais nous croyons vivement que, pour ce qui concerne le contenu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le gouvernement doit s'acquitter de ses obligations.

Nous estimons qu'il y a des lacunes qui sont difficiles à combler une vingtaine d'années plus tard étant donné que les deux niveaux de gouvernement ne sont peut-être pas disposés à revenir à la table de négociation. Mais à tout le moins, pour ce qui concerne les textes que vous avez signés et qui vous imposent des obligations évidentes, nous voulons que vous vous acquittiez de ces obligations en mettant en oeuvre les mesures que vous avez acceptées d'assumer.

Merci.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: J'essayais seulement de prendre d'assez bonnes notes pour savoir où nous en sommes. Pour préciser quelques petites choses ici, Robbie Tookalook a dit qu'il y a 15 personnes qui vivent dans sa maison en ce moment. M. Tookalook pourrait-il nous dire si des membres de sa famille souffrent des malaises que M. Serge Déry décrivait—la tuberculose, les infections aux oreilles, les maladies liées au stress, et d'autres choses de ce genre? Est-ce qu'on voit ce genre de choses se produire, et est-ce que cela l'oblige à faire des dépenses qu'il n'aurait pas à faire normalement si ces 15 personnes vivaient dans leur propre maison?

• 1115

M. Robbie Tookalook (Interprétation): Pour commencer, ma famille n'est pas la seule à s'entasser dans une maison. Je connais une famille à Umiujaq où il y a 23 personnes qui vivent dans la même maison.

En réponse à votre question, oui, nous avons les problèmes qui ont été décrits dans les exposés précédents. En fait, on a diagnostiqué des problèmes respiratoires chez deux de mes petits-enfants qui vivent chez moi. Je ne peux pas vous dire avec exactitude quand ils ont attrapé cette maladie, mais il est parfaitement évident que c'est à cause de cet entassement, et nous avons dépassé le point où, si quelqu'un attrape un rhume et s'en débarrasse, quelqu'un d'autre l'attrape aussitôt. C'est un cercle vicieux. C'est interminable. On se passe ce rhume de l'un à l'autre parce qu'il y a tant de gens qui vivent dans notre maison.

Si les responsables de la Santé publique devaient effectuer une étude pour déterminer exactement combien de gens souffrent des malaises relatifs à l'entassement, par exemple ces problèmes respiratoires, la tuberculose, et tout le reste, j'ai la certitude qu'ils proposeraient un tas de mesures plus concrètes, si ce n'est pas déjà fait.

Je vous remercie d'avoir posé cette question.

M. Derrek Konrad: Je vous remercie de votre réponse. Si j'ai posé cette question, c'est pour montrer que les dirigeants communautaires souffrent des mêmes problèmes, que personne n'y échappe. Je vous remercie, et sachez bien que je ne voulais pas vous gêner ou vous chagriner en vous posant cette question.

S'il me reste du temps, j'ai une question à poser sur ce programme d'infrastructure maritime.

    Le 23 décembre 1997, des fonctionnaires d'Affaires indiennes et du Nord Canada ont présenté à Makivik une ébauche d'entente portant sur une subvention de 30 millions de dollars servant à construire des installations dans seulement trois collectivités, la somme devant être versée sur une période de 10 ans. Cette entente n'était qu'un document de deux pages, dont une blanche intitulée «Annexe», sur laquelle Makivik devait indiquer le nom des trois collectivités.

Je viens de citer le document fourni dans la documentation. Quelle raison a-t-on bien pu vous donner pour passer des 120 millions de dollars dont on disait avoir besoin, à 80 millions de dollars, et il s'agissait, je crois, d'un accord de principe, pour aboutir à un programme de 30 millions de dollars qui sera mis en oeuvre sur une période de 10 ans? Quelle raison vous a-t-on donnée, ou est-ce qu'il n'y a pas de raison?

M. Jean Dupuis: Comme je l'ai dit, la principale raison tient au fait que ce sont des ingénieurs de Transports Canada et du ministère des Pêches et Océans qui ont travaillé sur le projet initial, et ils ont seulement conçu des débarcadères pour nos localités selon les mêmes normes que l'on retrouve à Sept-Îles, Halifax ou ailleurs. Mais dans une localité de 350 ou 600 personnes, ça ne passe pas trop bien. Donc lorsqu'on a ramené ces gens à la réalité, le programme de 80 millions de dollars correspondait davantage aux besoins réels de nos localités.

M. Derrek Konrad: Ce n'est pas ce que je voulais savoir. Le fait est que vous étiez alors d'accord sur un programme de construction de 80 millions de dollars, mais lorsqu'on a agi, on était loin du compte, et la plupart de vos localités ont été oubliées. Vous dites qu'on vous a dit que c'était à prendre ou à laisser: Voici 30 millions de dollars. Est-ce qu'on vous a donné une raison? Pourquoi donc ont-ils retranché 50 millions de dollars de votre programme sans vous consulter?

M. Jean Dupuis: C'était parce que le gouvernement du Canada n'avait pas assez d'argent, voilà tout.

Étant donné la conjoncture économique...

Un témoin: Mais on nous dit qu'il y a un surplus ici.

M. Jean Dupuis: C'est exact. On nous dit que vous avez constitué des surplus qui vous serviront à voir venir.

M. Derrek Konrad: Nous allons parler de cela avec les responsables. Merci. J'espérais qu'on vous avait donné à tout le moins une raison.

[Français]

Le président: Merci, Monsieur Konrad.

Monsieur Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden: Je n'ai que quelques questions étant donné que votre témoignage était très complet, et si vous me permettez de le dire, très bien présenté.

Pour résumer une question qui semble former le thème de votre témoignage, en vertu de la Convention de la Baie James, vous avez opté collectivement pour le statut municipal plutôt que pour le statut de réserve. Je remarque dans l'un de vos documents ici que vous aviez l'intention de confier à des institutions régionales non ethniques le soin de régler les problèmes administratifs et d'assurer les services publics. J'en déduis que ce que vous faites, dans les faits, c'est opter pour être d'abord Canadiens et pour agir de la même manière que les autres Canadiens ailleurs au pays qui se gouvernent sous un régime municipal, au lieu d'opter pour un statut spécial tel que celui qu'on pourrait retrouver sur les réserves.

• 1120

Pensez-vous maintenant qu'à toutes fins utiles, vous avez eu tort de vous considérer comme des Canadiens d'abord en vertu de la Convention de la Baie James—à toutes fins utiles?

M. Pita Aatami: La réponse évidente est oui, beaucoup de gens regrettent de ne pas avoir opté pour le statut de réserve et d'avoir opté à la place pour le statut de municipalité. Lorsqu'ils voient les lacunes qui sont en place aujourd'hui, oui, ils le regrettent. D'une manière, c'est bon aussi mais je dirais que la majorité d'entre eux regrettent de ne pas avoir opté pour le statut de réserve.

M. John Bryden: Me permettez-vous alors de faire une simple observation, monsieur le président?

J'ai de plus en plus l'impression que les gouvernements des deux dernières décennies, le gouvernement fédéral entre autres, ont été plus ou moins incapable de traiter les Canadiens autrement qu'en fonction de leurs intérêts particuliers, ou de leurs exigences particulières ou de leur caractère ethnique. Nous semblons avoir échoué dans nos rapports avec les Canadiens qui veulent simplement être Canadiens. Et je le déplore.

Merci.

Le président: Monsieur Aatami.

M. Pita Aatami: J'ajouterai seulement qu'on ne cesse de mentionner la Convention de la Baie James, et qu'on y a énoncé les responsabilités du gouvernement fédéral. Mais ce gouvernement a aussi des responsabilités en vertu de l'article 91.24 de la Constitution. Ce n'est pas seulement en vertu de la Convention de la Baie James que le gouvernement du Canada a des responsabilités fiduciaires.

M. John Bryden: Je vais vous répondre alors. En fait, je vois les choses d'une manière entièrement différente. Je considère que les habitants du Nunavik remplissent un rôle très utile étant donné que vous êtes les Canadiens qui ont décidé de vivre sur nos frontières. Et si vous n'aviez pas décidé de vivre sur ces frontières, on n'y trouverait personne. J'ai le sentiment que la responsabilité ultime de la nation consiste à vous permettre de vivre sur ces frontières sans risque pour votre santé et dans le respect de votre dignité, et que nous avons la responsabilité fondamentale de vous fournir non seulement des logements sociaux ou ces autres choses, mais de vous fournir une aide au logement parce que, de toute évidence, vous n'êtes pas devant notre comité aujourd'hui parce que vous jugez vivre dans la pauvreté. Vous estimez plutôt que votre région est défavorisée, et vous avez légitimement besoin de l'aide du gouvernement fédéral si celui-ci veut peupler ces régions.

M. Jean Dupuis: Je tiens à vous répondre. Vous avez parfaitement raison, vous savez. Comme partout ailleurs dans la société, nous avons chez nous des gens qui ont de grands besoins et nous avons des gens qui sont parfaitement capables de se débrouiller. Le principal problème tient à l'inégalité des services gouvernementaux en matière d'éducation, de santé, et dans d'autres domaines, et dans le domaine du logement, il y a des pauvres ou des gens qui sont capables de payer et qui paient, et on a aussi ces fonctionnaires qui ne paient pas un sou. Un parfait exemple: vous avez quelqu'un au Nunavik qui vit dans une maison, qui paie l'hypothèque, l'électricité, le combustible et tout le reste, et il lui en coûte 1 600 ou 2 000 $ par mois, et vous avez un enseignant dans la maison d'à côté qui ne paie que 150 $ par mois, et ainsi il peut se permettre d'acheter une motoneige quand il veut, un bateau et tout le reste, et cet enseignant peut avoir alors un train de vie tout à fait différent.

Nous créons donc des différences sociales dans de petites localités. Cela doit changer.

M. John Bryden: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

Tout d'abord, je voudrais vous remercier d'être venus, et ayant raté la dernière séance, je tiens à vous faire toutes mes excuses. Mais comme le président l'a dit, la plupart d'entre nous siègent à plus d'un comité, et nous avons parfois du mal à choisir entre les trois comités auxquels nous sommes affectés.

J'aimerais comprendre, étant donné que je ne connais pas très bien la Convention de la Baie James... Je sais que le peuple du Nunavik et le gouvernement du Canada ont signé cet accord. Est-ce parce que vous avez préféré le statut municipal que vous devez également transiger avec la province? Si l'accord n'avait été conclu qu'entre les Inuit de la baie James et le gouvernement fédéral, n'auriez-vous pas exactement les mêmes rapports que nous avons aujourd'hui dans ma région et dans les autres régions faisant l'objet de revendications territoriales où il existe une relation de travail directe avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord? Parce que je sais que les règlements des revendications territoriales dans chaque province posent des problèmes uniques, lesquels sont différents de ceux qui se posent dans ma région, le Nunavut. Pouvez-vous m'expliquer cela?

• 1125

Deuxièmement, je crois me rappeler que trois localités environ n'étaient pas signataires de l'accord. Représentez-vous aujourd'hui l'Administration régionale Kativik ou toutes ces localités, parce que celles-ci ont décidé d'embarquer? Je crois me rappeler que certaines localités ont refusé de signer la Convention.

Voilà donc mes deux questions. Il est presque honteux que nous ayons à décrire en détail ce qui se passe dans la vie personnelle des gens pour ouvrir les yeux des autres Canadiens sur les conditions dans lesquelles vivent des gens dans certaines régions du Canada.

Je le répète, en ma qualité d'Inuk et de députée siégeant avec 301 autres députés, j'ai toujours le sentiment que j'ai pour rôle de faire comprendre à mes collègues les problèmes que nous vivons dans nos régions, qui sont si éloignées. S'il y a une chose qu'on entend toujours dans nos délibérations, c'est que les gens veulent seulement être traités de la même façon que les autres et avoir un accès égal aux services qui sont offerts aux autres Canadiens. Nous ne demandons pas grand-chose de plus. C'est une chose que j'entends tout le temps, peu importe où ont lieu les audiences, les gens veulent seulement être traités équitablement et avoir un accès égal aux services qui sont offerts aux autres Canadiens. Et c'est une chose que j'entends tout le temps.

Merci.

Le président: C'est une bonne question. Monsieur Dupuis.

M. Jean Dupuis: En réponse à votre première question, avant 1978, quand la plupart des localités inuit du Nunavik se sont constituées en municipalités, il existait des localités inuit qui étaient constituées en vertu des chartes fédérales, et le gouvernement fédéral finançait les écoles, le logement, les services municipaux et les services d'électricité. Hydro-Québec n'y était pas. Le gouvernement du Canada assumait la responsabilité pour à peu près presque tout. Dans les dernières années de sa présence, il a commencé à décentraliser un tout petit peu l'administration des crédits pour la livraison d'eau. Mais dans ce temps-là, le gouvernement fédéral faisait tout.

Après la conclusion de la Convention en 1975 et en 1978, la plupart des localités se sont constituées en municipalités et sont ainsi devenues des entités provinciales. Étant donné que nous constituons des entités provinciales au Québec, seule la Société d'habitation du Québec peut mettre en oeuvre chez nous des programmes de logement. Dans la région, nous n'avions pas les moyens de mettre en place immédiatement une société de logement à but non lucratif parce que nous n'avions pas les moyens financiers voulus sur place qui nous auraient permis de payer les pourcentages requis pour gérer les programmes, l'administration et tout le reste. C'est à ce moment-là que nous avons été soumis au contrôle de la province, et c'est encore le cas aujourd'hui. Pour la mise en oeuvre des programmes dans notre région, nous sommes coincés entre les politiques du fédéral et celles du provincial.

Nous pouvons parfois profiter de certains programmes, mais pour la majorité d'entre eux, et c'est le cas du logement, nous sommes les victimes des politiques qui ont été élaborées dans ce dossier.

• 1130

Nous pensons que des pourparlers ont lieu avec les gouvernements du Québec et du Canada relativement à la gestion de certains programmes. Nous avons dit aujourd'hui qu'il n'y a pas tellement de drapeaux canadiens au Nunavik, et c'est partiellement dû au fait qu'en vertu de la Convention de la Baie James, il incombe à l'Administration régionale Kativik de mettre en oeuvre les programmes, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, dans notre région, et le gouvernement du Canada a décentralisé vers le gouvernement régional que nous sommes une bonne part de la gestion et de la mise en oeuvre des programmes relatifs aux ressources humaines, à l'emploi et à la formation et à d'autres programmes. Québec fait essentiellement la même chose. Donc, du même coup, on ne retrouve plus non plus tellement d'entités provinciales dans notre région, mais c'est un autre problème auquel il faut remédier.

Mais pour ce qui est des trois localités que vous mentionniez et qui ne sont pas signataires de la Convention, il s'agit en fait de deux localités et demie. Les localités de Puvirnituq et d'Ivujivik n'étaient pas signataires. Elles ne voulaient pas procéder à une sélection des terres, ou entrer dans des catégories de sélection des terres. La localité de Salluit était ni plus ni moins divisée en deux, et elle n'a pas procédé à une sélection des terres de catégories I et II.

Au moment du transfert du Canada vers le Québec... Voici comment ça marche; dans tout le territoire situé au-dessus du 55e parallèle, le Nunavik, qui est également connu sous le nom de région Kativik dans la loi habilitante, le gouvernement régional assume les responsabilités et les pouvoirs d'une supramunicipalité pour tout le territoire qui n'est pas régi par une municipalité en propre.

Donc, pendant les quelques années qui ont suivi la constitution de nos villages et de la région en municipalités, nous agissions à titre de municipalité pour ces villages, qui n'avaient alors rien à dire dans les allocations budgétaires qui étaient faites pour leurs villages. Nous nous contentions de signer des accords de contribution financière avec eux pour la prestation des services, et ils ont compris très rapidement que cela ne leur profitait pas et qu'en se constituant en municipalités, ils deviendraient plus autonomes et pourraient décider du destin et du développement de leurs localités.

Donc, aujourd'hui, toutes les localités du Nunavik sont constituées en municipalités, et chacune d'elles siège au conseil régional et est représentée à l'Administration régionale Kativik.

[Français]

Le président: Merci.

Monsieur Wilfert, suivi de Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Byron Wilfert: Merci, monsieur le président.

Très rapidement, monsieur, dans l'exposé que vous avez fait sur les transports maritimes, en ce qui concerne la Convention de la Baie James et du Nord québécois, vous mentionnez l'article 29.0.36, et vous dites qu'il doit être mis en oeuvre le plus vite possible et qu'il y a un retard de 12 ans. Je ne suis pas patient de nature, et je dirais que 12 ans, c'est parfaitement absurde.

Mais je remarque que le ministère des Affaires indiennes peut bouger quand il veut, et je remarque que le 23 décembre 1997, il y a eu une rencontre entre votre société et le ministère des Affaires indiennes au sujet des 30 millions de dollars dont vous avez parlé. Puis je constate que le 5 janvier 1998, une lettre du cabinet de la ministre dit essentiellement que c'est à prendre ou à laisser, et que vous avez quatre jours. Vous êtes trop généreux quand vous dites que c'était moins de 10 jours.

Ou bien il faut—et c'est probablement rêver en couleurs—modifier l'accord... parce que de toute évidence, pour ce qui est des questions de mise en oeuvre, vous êtes comme une balle de tennis entre le gouvernement du Canada et celui du Québec.

Ce qui me dérange le plus, c'est ce que vous dites à la page 10, et j'y ai souligné un certain nombre d'éléments. Vous parlez d'obligations non remplies, de retards excessifs, de mauvaise foi, du gouvernement qui induit les Inuit en erreur. Je ne prétends pas que cela soit faux, d'après ce que j'ai entendu, même s'il y a toujours deux versions différentes de la même histoire, mais de toute évidence, on ne devrait pas avoir besoin de 23 ans pour faire tout cela.

Manifestement, monsieur le président—et je signale que nous n'avons pas le quorum—nous allons devoir nous entretenir très prochainement avec la ministre. Il ne nous reste plus que quelques semaines avant le congé qui va nous mener jusqu'au 1er février 1999, et rien ne se passera à moins que le comité ne puisse exprimer clairement son orientation et sa volonté à la ministre. De toute façon, dans le contexte des 23 ans, une attente supplémentaire d'un mois et demi ne semble pas déraisonnable.

• 1135

Je pense qu'il est indispensable que la ministre connaisse exactement les préoccupations du comité. Une bonne partie de ces thèmes nous ont déjà été présentés. Il s'agit de s'entendre sur la mise en oeuvre. Que le gouvernement fédéral ait ou non, de ce point de vue, une responsabilité à partager avec le Québec, il reste à résoudre un certain nombre de questions. J'aimerais avoir davantage d'information sur la façon dont on est arrivé si rapidement à ce montant de 30 millions de dollars, et j'attends votre réponse.

Monsieur le président, si cela s'était passé dans ma circonscription, ou dans celle de M. Bryden, de M. Finlay ou de M. Konrad, je peux vous dire que nous n'aurions pas patienté pendant 23 ans, pas plus que les résidents de l'endroit. Cessons de tourner autour du pot. Si nous ne sommes pas prêts à faire face aux obligations découlant de l'accord signé par le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, il faut tout mettre au panier et recommencer à zéro. À mon avis, il devrait être beaucoup plus facile de mettre en oeuvre de bonne foi les dispositions qui ont été acceptées.

Comme je l'ai dit, j'ai découvert certaines de ces communautés lorsque j'étais président de la Fédération canadienne des municipalités, et je sais que les maires qui ont comparu ici il y a trois semaines ont abordé ces questions de façon très convaincante. J'ai beaucoup de respect pour les maires de ce pays, monsieur le président, et j'espère que la bureaucratie ne va pas essayer de s'imposer. Ce n'est pas ce qu'elle fait d'habitude. Les maires nous ont fait part de leurs préoccupations. Il faut absolument que le comité informe la ministre de ce qui le préoccupe, de façon qu'il prenne très rapidement des mesures concrètes sur ces problèmes.

En ce qui concerne le logement, c'est un droit fondamental, et nous devons le reconnaître. Il y a aussi la question de l'hygiène. Je sais que vous êtes capables de faire de longs discours, mais je suis suffisamment renseigné sur tous ces sujets et je considère qu'il faut réagir rapidement.

J'essaie de contenir mes propres sentiments de frustration. Nous sommes en train de conclure d'autres accords avec les peuples autochtones, mais si nous ne réussissons pas à appliquer un accord signé il y a 23 ans... En tout cas, monsieur le président, je souhaite que la ministre soit...

[Français]

Le président: J'ai apprécié votre excellent témoignage, monsieur Wilfert. Vous feriez un bon témoin.

M. Bryon Wilfert: Merci.

Le président: Monsieur Aatami.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier M. Wilfert pour ses propos.

En effet, nous avons été patients. Comme je l'ai dit dans mon exposé, lorsqu'on signe un accord, on s'attend qu'il soit mis en oeuvre, mais en l'occurrence, nous attendons depuis 23 ans. Nous avons obtenu des maisons et des aéroports, mais il va falloir proposer un autre programme, car avec les années, les gens vieillissent. Je suis donc très heureux d'entendre que vous êtes conscient des problèmes qu'affronte actuellement le Nunavik, et je vois avec satisfaction que vous avez parcouru les mémoires que nous vous avions envoyés à l'avance. On commence au moins à reconnaître que nous avons une crise à régler.

Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Aatami.

Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci.

Revenons à la question du logement. Bien qu'il ne s'agisse pas du développement économique, c'est certainement une des questions les plus importantes que nous examinons ici aujourd'hui. J'ai quelques questions à ce sujet.

Premièrement, combien de temps durent les maisons chez vous? Deuxièmement, combien coûtent-elles? Que faut-il? S'agit-il de 50 millions de dollars ou d'encore plus? Quant à la façon de procéder, combien de maisons pouvez-vous construire par année? Je pose cette dernière question avec l'idée d'utiliser de la main-d'oeuvre locale, de la former, au fur et à mesure, plutôt que de faire venir une pléiade de travailleurs du Sud qui ont déjà la formation voulue pour construire des maisons, mais qui ensuite partent. Essentiellement, cela vous exclut pendant le projet de construction. Je veux simplement que le comité sache à quoi s'en tenir, de sorte que lorsque nous parlerons aux autres, nous pourrons dire qu'il est vrai...

• 1140

[Français]

Le président: Monsieur Fournier ou monsieur Aatami.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Watson Fournier répondra aux autres questions. Je veux toutefois dire brièvement que j'ai moi-même construit une maison et donc je me servirai de mon exemple. Je l'ai construite pour 150 000 $. Si le gouvernement avait amené des travailleurs du Sud, elle aurait coûté 350 000 $. Ça ne va pas.

Je vais demander à Watson Fournier de répondre à vos autres questions.

M. Derrek Konrad: Est-ce que ce prix incluait l'expédition et tout le reste?

M. Pita Aatami: Tout.

M. Derrek Konrad: Très bien, merci.

M. Watson Fournier: Comme l'a dit M. Aatami, selon la superficie, une maison pourrait coûter jusqu'à 350 000 $. Cela inclut les plans, le transport et la construction. Tous les ouvriers viennent de l'extérieur et il faut les loger et les nourrir.

M. Derrek Konrad: Où cela se passe-t-il?

M. Watson Fournier: La Société d'habitation du Québec a un camp de construction dans chaque localité. Il y a des cuisiniers et des nettoyeurs qui viennent pour s'occuper des ouvriers. Parce qu'il y a des syndicats dans l'industrie de la construction, cela suppose des coûts de tous genres. Ainsi, une maison coûte de 250 000 $ à 350 000 $.

Quant à savoir combien de maisons on peut construire par année, tout dépend du budget, mais il faudrait diviser par ces montants. Évidemment, les habitants du Nord pourraient construire les maisons dans le Nord. L'échéancier serait différent, parce que quand les entrepreneurs s'amènent dans le Nord, ils s'éloignent de leurs familles. Ils veulent travailler 70 à 80 heures/semaine afin d'effectuer le travail et de rentrer chez eux. Les habitants de la localité ont leur vie familiale. Lorsqu'ils ont travaillé 50 ou 60 heures cela suffit. Ils ont des responsabilités familiales. Dans la planification d'un programme de construction, il faut s'adapter aux réalités locales, c'est-à-dire à une semaine de travail plus courte.

Le ravitaillement par mer ne facilite pas le plan de travail et la logistique. Nous perdons les bons mois de juin et de juillet parce que le navire n'arrive qu'à la fin de juillet. Si nous pouvions nous procurer les matériaux auparavant pour qu'ils arrivent à la fin de l'année, les gens pourraient commencer à travailler à ce moment-là. Ils pourraient commencer eux-mêmes la construction, s'arrêter lorsqu'il fait trop froid et recommencer au mois de mai ou juin suivant. Il y a moyen d'adapter le calendrier des travaux de construction, il y a d'autres moyens de planifier, de faire les choses. Toutefois, à l'heure actuelle, tout est conçu pour fonctionner à partir du Sud, et la planification est faite en conséquence.

M. Derrek Konrad: Vous accusez un retard de 425 maisons. Combien d'années vous faudra-t-il pour le rattraper en utilisant le deuxième modèle, qui ne serait pas dicté exclusivement par le Sud?

M. Watson Fournier: Voilà une bonne question. Les cent maisons par année que la SHQ, la Société d'habitation du Québec, avait l'habitude de construire représentait une entreprise énorme, malgré toutes ses ressources. La rapidité augmente le coût. Si vous accélérez les travaux, il faut payer cette accélération. Il serait plus réaliste dans le Nord de s'en tenir probablement à trente ou quarante maisons par année construites par la population locale. Toutefois, comme je l'ai mentionné, nous serions toujours en mode de rattrapage pour suivre l'augmentation de la population.

M. Derrek Konrad: Donc il s'agit d'un programme de rattrapage de quinze ans.

M. Watson Fournier: Malheureusement.

M. Derrek Konrad: Incroyable.

Très bien, c'était ce que je voulais savoir.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad. Monsieur Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden: J'aimerais continuer dans la même veine que M. Konrad, si vous le permettez.

Les maisons dont nous parlons sont-elles construites à partir de zéro?

M. Watson Fournier: Oui.

M. John Bryden: Vous faites venir le bois-d'oeuvre.

M. Watson Fournier: En effet.

M. John Bryden: Je suis probablement l'une des rares personnes de ce comité ou même dans cette salle à avoir beaucoup voyagé au Groenland, où les maisons sont construites en prêt-à-monter. J'aimerais vous demander si vous pensez qu'en établissant une société à but non lucratif—et il y en a peut-être déjà une—afin de négocier avec le gouvernement fédéral pour acheter des prêts—à-monter qui pourraient être expédiés dans le Nord et montés par la population, on ne réglerait pas nombre de ces problèmes? A-t-on déjà eu cette idée, et dans l'affirmative, qu'en a-t-on pensé?

• 1145

M. Jean Dupuis: Je vais répondre.

Nous avons décrit la situation du logement social et le surpeuplement. Au cours des quelques dernières années, nous avons mené des projets pilotes au Nunavik afin de tenter de trouver des solutions de rechange et de promouvoir un marché immobilier. Ces dernières années, il est devenu possible pour quelques personnes de participer à ce programme privé d'accession à la propriété dans le cadre duquel le gouvernement du Canada subventionne, proportionnellement, la différence de coût entre une habitation du Nord et une du Sud. Essentiellement, cela se traduit par une subvention pour les installations mécaniques, le transport, etc., à ceux dont les revenus sont plus élevés et qui sont peut-être en mesure de payer la construction de leur propre domicile.

Parce qu'il n'y a pas d'autres options, Pita Aatami et moi-même, ainsi que certains autres ici, avons accepté de quitter le logement social et de participer à ce projet pilote. Nous avons construit nos propres maisons et nous payons maintenant notre hypothèque, etc. Nous payons en moyenne 1 500 $ par mois après avoir quitté des maisons pour lesquelles nous versions 250 à 300 $ par mois, afin de laisser la place à ceux qui étaient dans le besoin.

Oui, nous avons acheté des prêts-à-monter. Cela représente peut-être 30 p. 100 de l'habitation—la structure, les portes, les fenêtres, etc. Si c'était à refaire aujourd'hui, je n'achèterais pas de prêt-à-monter. En fait, il ne s'agit que de deux par six de 16 ou 12 pieds déjà coupés à 10 pieds et si vous avez un bon gabarit et un bon menuisier, cela ne prend pas beaucoup plus de temps de couper le bois vous-même. Nous aurions probablement pu épargner de 10 à 15 000 $ de plus si nous n'avions pas acheté de prêt-à-monter. En effet, ainsi on peut marchander ses propres fenêtres, les différentes parties et composantes de la maison plutôt que de prendre le prêt-à-monter d'un fabricant qui est déjà prédéterminé et fixe.

Donc nous avons tenté l'expérience, mais je recommande aux gens de se trouver de bons plans qui répondent à leurs besoins personnels, d'embaucher de bons ouvriers—il y en a beaucoup sur place—de choisir eux-mêmes les composantes selon les besoins précis de leur région.

M. John Bryden: J'ai une dernière question à ce sujet, très brièvement. Il faut trouver une solution pratique. Nous ne pouvons pas attendre des années. Est-ce que la solution consisterait à fournir les matériaux—prêts et coupés si nécessaire—les plans, et ensuite laisser les gens se construire? Que peut faire le gouvernement?

M. Jean Dupuis: Nous avons mené des projets pilotes pendant trois ans et nous avons maintenant fini les tâtonnements. Nous avons mis au point un programme définitif que nous avons présenté à la SHQ, la Société d'habitation du Québec. Nous avons créé ce programme que l'administration régionale gérera—et nous voulons le gérer. En passant, je veux dire que nous allons faire le choix des candidats selon leur capacité, c'est-à-dire leur capacité à payer une hypothèque, etc. Nous allons également fournir une aide technique aux candidats choisis afin qu'ils s'organisent pour faire leurs achats, pour construire au meilleur prix possible.

À l'heure actuelle, il n'y a pas grand-chose que vous puissiez faire pour nous aider sauf vous assurer que le gouvernement du Canada financera notre programme qui vise à trouver des options de rechange au logement social dans la région.

[Français]

Le président: Je permettrai qu'on pose deux brèves questions parce que nous devrons passer à l'étude des trois autres sujets qui figurent à l'ordre du jour. Le temps passe.

[Traduction]

Mme Nancy Karetak-Lindell: Vous avez répondu en partie à ma question en répondant à la sienne, mais je tiens à souligner à quel point il est étonnant de voir la fierté de ceux qui construisent leur propre maison et l'excellence de la construction. Nous avions ce programme au Nunavut mais il s'agissait d'un prêt-à-monter que vous deviez construire vous-même. Si vous habitiez une maison pendant cinq ans, cela devenait votre avoir propre. Le fait que vous aviez vous-même construit la maison... et le gouvernement fournissait les matériaux, parce qu'il est trop coûteux pour les gens de construire leur propre maison. Je constate que c'est le genre de programme que vous avez avec ce plan d'hypothèque.

• 1150

Parce que c'est en collaboration avec le gouvernement provincial, le programme diffère un peu du nôtre, mais je constate que l'accession à la propriété est un des moyens de convaincre les gens de quitter les logements sociaux. Je suis persuadée que vous avez des gens qui pourraient se payer leur propre maison, qui occupent des logements spéciaux. Vous dites que c'est le financement.

Avez-vous accès à la SCHL ou à d'autres organismes tels que la société de financement des Autochtones pour financer ces hypothèques? Je ne sais pas exactement de quels mécanismes vous disposez, mais avez-vous songé à ces options?

M. Jean Dupuis: Tout d'abord, nous n'avons pas accès directement à la SCHL. Nous devons passer par le Québec, parce que nous n'avons pas notre propre société de logement à but non lucratif.

En ce qui concerne la société de financement des Autochtones, il est moins coûteux... Nous avons notre équivalent régional de la Société de financement des Autochtones qui gère des fonds fédéraux à des fins de développement économique, mais c'est moins coûteux de s'adresser aux institutions financières ordinaires.

Le président: Merci.

Monsieur Finlay.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

La discussion de ce matin, messieurs, a été des plus utiles, parce qu'il s'agit de notre propre développement économique et nous réentendons sans cesse les mêmes plaintes... comme M. Bryden, M. Wilfert, etc., l'ont mentionné. On nous a parlé de la Société des Cris et des Naskapis et de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Il me semble que nous sommes au courant du Nunavut. L'un des principaux aspects de la planification antérieure au mois d'avril prochain visait à former les Inuit pour qu'ils puissent occuper les postes gouvernementaux, les postes dans l'administration d'un gouvernement moderne, mais il a également été entendu, je pense, que s'il y a développement économique, les emplois ainsi créés iront aux Inuit. Est-ce que cela ne fait pas partie de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ou en a-t-il simplement été question sans qu'on signe d'entente, ou s'agissait-il de modalités devant être intégrées ou mises en place dans des ententes de cogestion, cette idée que les habitants du nord du Québec allaient participer à la formation, etc.?

Nous nous sommes rendus dans la région inuit, Jean, c'est votre région. Je suis persuadé qu'il doit y avoir des employés qui ont reçu une formation, opération plutôt technique. Pouvez-vous m'en dire plus long?

M. Jean Dupuis: Le Nunavut, c'est une chose; le Nunavik, c'en est une autre, ce que nous tentons de faire valoir. La Convention fait état du transfert de responsabilités en matière de gestion et de prestation de services et programmes. Ce n'est qu'en 1994-1995 que nous avons réussi à convaincre le gouvernement fédéral de décentraliser et de nous confier ces responsabilités. Auparavant le Canada dépensait moins de 50 p. 100 de son budget d'emploi et de formation dans notre région. Depuis que nous en avons commencé la gestion, plus de 100 p. 100 du budget est consacré à la formation. Nous recevons plus de 8 millions de dollars en budget de formation de DRHC. À l'heure actuelle, nous avons réussi à effectuer un revirement dans les pratiques d'emploi dans notre région afin d'accorder la priorité d'emploi aux Inuit.

De plus en plus d'Inuit obtiennent leur diplôme d'études secondaires et vont étudier au collège et à l'université. Le gouvernement régional a pour politique d'accorder seulement des contrats renouvelables de deux ans aux gens de l'extérieur de la région. Chaque fois qu'un Inuk termine ses études ou est prêt à entrer sur le marché du travail avec les compétences et les qualifications voulues... Les gens de l'extérieur n'hypothèquent pas les emplois. Pour le moment, le pourcentage d'Inuit qui travaillent à l'administration régionale est passé de 25 p. 100 à plus de 70 p. 100.

• 1155

Ces politiques nous sont très utiles, mais il faut du temps pour les appliquer et il faut suivre l'évolution du système d'éducation.

[Français]

Le président: Merci. Nous poursuivrons l'étude des trois autres sujets et en discuterons avec M. Aatami.

Nous avions prévu ajourner les travaux de ce comité à 13 heures afin que les députés puissent assister à la période des questions, qu'ils puissent participer à d'autres séances de comité et qu'ils aient la possibilité d'aller dîner.

Comme vous pouvez le constater, monsieur Aatami, la période des questions intéresse beaucoup les députés. Ils veulent vous poser des questions afin d'en connaître davantage sur votre secteur. C'est pour cette raison que nous procéderons sans plus tarder à l'étude des trois autres points.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Nous allons accélérer pour les quatre autres sujets qu'il nous reste à aborder. Merci, monsieur le président.

Je vais céder ma place à Johnny Peters, notre deuxième vice-président, qui travaille au dossier de la revendication d'une zone marine avec notre avocat, Sam Silverstone. Notre secrétaire, George Berthe, traduira le discours de Johnny Peters.

M. Johnny Peters (deuxième vice-président, revendication d'une zone maritime, Makivik Corporation) (Interprétation)): Merci, je m'appelle Johnny Peters. Je suis le deuxième vice-président de Makivik Corporation et le conégociateur en chef des négociations relatives à la revendication inuit d'une zone marine, qui comprend la zone entourant le Québec et le Labrador.

Comme vous le savez, contrairement aux autres Canadiens, les Inuit et surtout les Inuit du Nunavik sont les principaux usagers de la zone marine entourant le Québec, y compris la région septentrionale du Labrador. Quatre-vingt pour cent de nos produits alimentaires proviennent de cette zone.

Nous avons rencontré deux ministres depuis le début du processus. Nous avons négocié avec le reste du Canada pendant quatre ans. Nous devions conclure les négociations au bout de trois ans et nous avons certainement dépassé ce délai.

• 1200

Ces négociations se sont déroulées en même temps que celles d'ententes déjà signées. Ce n'est pas comme pour la Convention de la Baie James qui prévoit seulement des limites territoriales. Il s'agit de négociations tout à fait particulières, qui sont dans l'impasse et qui durent beaucoup trop longtemps.

Nous ne pouvons pas conclure un accord avec le Canada parce que le gouvernement fédéral refuse de traiter les Inuit du Nunavik comme il traite les autres groupes autochtones qui ont des revendications territoriales comme les Inuit du Nunavut Tunngavik et la nation Nishga pour ce qui est de l'indemnisation en espèces et des programmes sociaux, culturels et économiques. Il y a des similarités. Nous sommes des Autochtones comme les autres groupes. Cependant, nous constatons clairement que le gouvernement ne respecte pas tous les groupes de la même façon dans le cadre de ce processus de négociation.

Le gouvernement fédéral nous incite également à nous battre avec les Inuit du Labrador et les Inuit du Nunavut quand nos intérêts se chevauchent au lieu de trouver une façon pacifique et équitable de nous permettre de partager les mêmes intérêts. Nous sommes cousins, nous sommes frères et soeurs. Nous sommes apparentés aux autres Inuit et nous reconnaissons les liens qui nous unissent. Le gouvernement a toutefois joué un rôle en nous incitant à nous battre au sujet des frontières.

• 1205

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord est censé trouver des solutions à nos problèmes. Il préfère plutôt créer des problèmes pour les peuples autochtones. Il fait le contraire de ce qu'il devrait faire. C'est ce que nous avons constaté.

Aucun groupe autochtone du Canada n'accepte de conclure un traité avec le gouvernement sans obtenir en échange divers droits et avantages, y compris une indemnisation en espèces. Alors pourquoi les choses devraient-elles être différentes pour Makivik? Nous voulons la parité avec les autres groupes autochtones qui signent des traités avec le Canada. Il y a notamment l'exemple du Nunavut et des Nishgas. Nous sommes Canadiens et nous sommes Autochtones, alors pourquoi Makivik et les Inuit du Nunavik sont-ils traités différemment?

Nous avons rencontré les gens de plusieurs ministères. Nous avons rencontré le Comité permanent à plusieurs reprises. Nous avons rencontré le MAINC. Nous pensons que les personnes, les ministres que nous avons rencontrés jouent au chat et à la souris avec nous. Ils ne veulent pas vraiment conclure de traité avec Makivik. Si c'est le cas, nous irons devant les tribunaux. Les ministères, les Affaires indiennes et le gouvernement ne riront plus. Notre mécontentement est tout à fait sérieux et nous ne sommes pas du tout satisfaits des retards que nous constatons et des obstacles que le gouvernement a dressés sur notre chemin.

Je vous sais gré de m'avoir invité à témoigner devant le comité. Je vous remercie.

Sam va maintenant vous parler au nom de Makivik.

M. Sam Silverstone (conseiller juridique, Makivik Corporation): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Sam Silverstone et je suis le conseiller juridique de la société Makivik. Je suis conégociateur en chef dans le cadre des revendications territoriales globales de la zone marine et du Labrador des Inuit du Nunavik qui sont actuellement en cours.

Je voudrais ajouter quelques remarques à ce qui a déjà été dit dans notre mémoire sur l'indemnisation en espèces ainsi qu'aux observations que vient de faire M. Peters. Le mémoire que nous avons déposé explique en gros le principal obstacle qui empêche les Inuit du Nunavik de conclure un traité sur la zone marine avec le Canada. Dans vos trousses d'information, vous devriez trouver une carte qui décrit la région maritime du Nunavik, laquelle entoure le littoral du Québec mais qui, à compter du 1er avril 1999, tombera également sous la compétence territoriale du Nunavut, lequel relève actuellement du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Dans notre mémoire, nous expliquons le principal obstacle, mais il importe que votre comité comprenne bien que ces négociations, qui se déroulent depuis quatre ans déjà, constituent une étude de cas très intéressante et une preuve de l'inefficacité, de l'injustice et de la mauvaise foi dont font preuve le ministère des Affaires indiennes et la ministre relativement au dossier des Inuit du Nunavik.

• 1210

À notre avis, il y a deux raisons qui nous ont empêchés de conclure un traité sur la zone marine après quatre ans de négociations. Notre revendication a été acceptée dès 92. Le gouvernement fédéral a conclu une entente cadre avec nous en 93. Cette entente cadre prévoyait une liste de questions devant faire l'objet de négociations. Ces questions sont courantes dans tout règlement de revendications territoriales globales. Il s'agissait notamment de questions de certitude, de compensation, de titres fonciers, de chevauchement et de régime de gestion des ressources. Voilà pour vous donner une idée de ces questions, qui n'ont rien d'ésotérique. Ce sont des éléments qui se trouvent sans doute dans tous les règlements modernes de revendications territoriales au Canada à l'heure actuelle; dans ces conditions, pourquoi nos positions sont-elles toujours aussi éloignées l'une de l'autre sur une question importante comme l'indemnité financière, après quatre ans de négociations?

La seule chose qu'on puisse en conclure lorsqu'on examine ce dossier depuis un certain nombre d'années, c'est que le MAINC adopte des politiques au petit bonheur la chance et met en vigueur celles qui lui conviennent pour avoir gain de cause. Nous estimons que le ministère adopte des politiques de façon ponctuelle. La plupart du temps, ce n'est sans doute même pas une politique qui a été approuvée par le Parlement. Ces décisions ne font pas l'objet d'un débat au Parlement. Elles ne débouchent pas sur un projet de loi soumis à l'examen de la Chambre et du Sénat. Le ministère applique certaines politiques de façon arbitraire, et il passe outre à certaines autres quand bon lui semble.

Cette thèse pourrait permettre de répondre à bon nombre de questions qui ont été posées sur les autres dossiers, comme le logement et l'infrastructure maritime, pour savoir pourquoi il a fallu 23 ans et 12 ans respectivement au gouvernement pour respecter ses obligations. Pourquoi ne fait-il pas ce qu'il est censé faire?

Nous constatons que lorsqu'une obligation s'accompagne de certaines exigences financières, le gouvernement élabore une politique qu'il applique ensuite pour nous empêcher de recevoir les avantages auxquels nous avons droit.

Dans certains cas, le MAINC a pour politique de ne pas avoir de politique. Il crée un vide à cet égard de sorte que personne ne sait quoi faire. C'est la situation dont a parlé M. Peters au Labrador où les Inuit du Nunavik ont des revendications qui se chevauchent ainsi qu'une revendication distincte dans cette région. Le ministère est confronté à une situation où il doit traiter avec les Inuit du Labrador et ceux du Québec dans le même secteur géographique du nord du Labrador. Il n'a aucune façon de procéder particulière, si ce n'est une vague politique en vertu de laquelle il est censé régler les revendications qui se chevauchent avant de pouvoir régler les revendications de ce qu'on appelle le groupe principal, mais il préfère passer outre à cette politique. Pendant des années, le ministère a interprété cette politique comme voulant dire qu'il ne peut pas régler une revendication avec un groupe à l'exclusion d'un autre tant qu'il n'a pas réglé au préalable les revendications juxtaposées de l'autre groupe.

Le ministère a désormais décidé d'interpréter cette politique, surtout pour le Labrador, en appliquant le principe de «l'effort maximum». Si l'on peut conclure une entente avec le groupe pour lequel il y a chevauchement, c'est très bien. Si c'est impossible, eh bien, cela ne va pas empêcher l'autre groupe, en l'occurrence les Inuit du Labrador, d'en arriver à un règlement. Là encore, ce sont des politiques arbitraires qui sont mises en oeuvre de façon arbitraire ou sélective.

Je pourrais vous citer de nombreux exemples de cette situation. Il y a même la fameuse politique du premier arrivé, premier servi, en vertu de laquelle on nous dit que pour régler une revendication pour les zones marines, nous devons adopter le même genre de régime que celui qui s'applique aux zones marines extra-côtières dans le cadre du règlement des revendications territoriales du Nunavut. En fait, vous serez peut-être surpris d'apprendre que la région visée par le règlement du Nunavut ne vient pas, sur le plan géographique, jusqu'au littoral du Québec. Il y a donc une région où les Inuit du Nunavik du Québec ont eu la possibilité de mettre sur pied leurs propres régimes de cogestion à l'égard de ces ressources.

Qu'a fait le ministère? Il a facilité l'application des régimes du Nunavut à notre région en adoptant des textes de loi qui seront peut-être un jour envoyés à votre comité. Il y a notamment le projet de loi sur le tribunal relatif aux droits de surface du Nunavut et le projet de loi sur l'Office des eaux du Nunavut. Il y a certains projets de loi qui, en fait, ont découlé d'une décision arbitraire du gouvernement du Canada d'appliquer ces dispositions concernant la région de règlement du Nunavut à nos revendications autochtones.

• 1215

L'attitude des responsables est donc la suivante—et il s'agit d'une politique concoctée par les Affaires indiennes: le premier à la table sera le premier servi.

Il n'est pas question de ce genre de chose dans la Constitution. Rien à la Cour suprême du Canada—il s'agit du cas de référence où notre groupe est intervenu et où la Cour suprême a parlé de droits ancestraux—ne prévoit une distinction fondée sur le principe du premier arrivé, premier servi. On y parle de façon équitable de toutes les revendications autochtones et des droits issus de traités ou droits ancestraux comme ceux prévus à l'article 35.

En matière d'indemnité financière, là encore, la question est assujettie à une autre politique arbitraire créée par les Affaires indiennes. Les responsables ne veulent tout simplement pas nous verser la moindre indemnité relativement à notre revendication. Au lieu de le dire, ils invoquent toutes sortes d'arguments dont nous faisons état dans notre mémoire.

Le premier argument, c'est qu'il est impossible de nous donner de l'argent car nous en avons déjà reçu aux termes de la Convention sur la Baie James et le Nord québécois. Le conseiller juridique du ministère et nous-mêmes avons signalé à la ministre que c'était impossible car cette convention ne s'appliquait qu'à la partie du territoire traditionnel des Inuit se trouvant au Québec, soit la zone en jaune. Il n'a jamais été prévu qu'elle s'applique aux zones marines ou à nos revendications au Labrador. En fait, ces questions, et surtout celles des zones marines, ont fait l'objet d'une lettre d'engagement signée par le gouvernement fédéral à la même époque que la Convention de la Baie James et du Nord québécois, ce qui prouve bien que la question n'a jamais été réglée dans le cadre de cette convention. C'est encore une question en suspens.

Nous avons donc rejeté cet argument qui nous paraissait spécieux. Nous avons signalé aux responsables que des gens comme M. Peters, qui a signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois, avaient l'impression que celle-ci ne s'appliquait qu'à notre territoire au Québec. On ne peut donc pas de façon unilatérale en étendre l'application au-delà du Québec en disant que l'indemnité financière était censée tout englober.

Les fonctionnaires ont ensuite invoqué un autre argument. Ils ont soutenu qu'un groupe ne pouvait pas diviser son territoire traditionnel en cinq et s'attendre à recevoir une compensation pour chacune des parties.

Ce sont là autant d'arguments arbitraires, que l'on ne trouve nulle part dans la politique officielle sur les revendications globales. Bon nombre de ces arguments ont été mis de l'avant par la ministre elle-même, par bon nombre de ses représentants au ministère qui prennent le temps de concocter de tels arguments. Sous le couvert d'une politique, ce sont les arguments qu'on nous sert et que nous sommes censés accepter.

Il y a quelques années, nous parlions à un ancien sous-ministre des Affaires indiennes. Nous discutions avec lui du fait que les Affaires indiennes utilisent leurs politiques de façon cavalière, contrairement à d'autres ministères, dont la Défense nationale, qui doivent expliquer leurs politiques devant le Parlement, etc. Ce sous-ministre disait que les politiques sont des choses merveilleuses, à qui l'on peut faire dire ce que l'on veut n'importe quand. Il disait que dans certains cas, les politiques pouvaient avoir le même poids qu'un communiqué de presse, dans d'autres, celui d'une mesure législative ou d'un règlement. Pour lui, c'est ce qui faisait la beauté des politiques.

Eh bien, il en va de même dans cette revendication. Les explications qu'on nous a fournies pour expliquer pourquoi nous ne sommes pas sur le même pied que les autres groupes dans cette revendication sont énoncées dans le même style que ces énoncés fallacieux de politique.

Autre chose également. Vous apprécierez sans doute cet argument, puisque bon nombre d'entre vous ont pris part à cette discussion. Il s'agit de la question de certitude. Pendant de nombreuses années, les Affaires indiennes ont dit qu'elles adopteraient d'autres mesures pour remplacer les extinctions et les cessions. Les gens du ministère aimaient bien ce mot de «certitude». Cette certitude, ils essaient maintenant de nous l'offrir sous forme de traité.

Il faut certes offrir des certitudes à toutes les parties dans un traité. Le gouvernement devrait être certain de ce que les titres fonciers permettent la mise en valeur des ressources et d'autres utilisations et les groupes autochtones devraient être informés de ce que leurs droits sont garantis.

Eh bien, il n'existe toujours pas d'alternative à l'extinction. Nous n'essayons pas de signer un traité sur la zone marine du Labrador, mais on continue de nous dire qu'il n'y a pas d'alternative, que nous sommes encore confrontés à cette vieille politique de la cession et de l'extinction. Pour ce qui est de la FTN, du NTI, du Nunavut, le traité qui a été signé, bien qu'il s'agisse d'un traité moderne, comprend une disposition de cession.

Cela montre donc qu'en 1993, le gouvernement n'avait toujours pas trouvé de solutions de rechange. Les Inuit du Nunavut ont accepté des mesures de cession et d'extinction en 1975 et ils ont déclaré qu'ils ne referaient plus jamais une chose pareille.

Le gouvernement a dit qu'il n'aurait plus besoin d'avoir recours à de telles mesures, car il cherchait des solutions de rechange. Le juge Hamilton a créé une commission spéciale chargée d'étudier les faits. Il a fait du très bon travail et imprimé un excellent rapport qui ramasse maintenant la poussière sur nos tablettes. On trouve dans ce rapport toutes sortes d'options. Cet examen a permis de constater de nombreux faits auxquels le ministre pourrait réagir.

À cette époque, c'est M. Irwin qui était ministre. Il n'était pas satisfait des conclusions de M. Hamilton et il a créé son propre comité interne. Ce comité n'a toujours pas donné de résultats.

Voilà donc une autre question de politique au sujet de laquelle le ministère ne veut rien faire. Nous sommes toujours aux prises avec cette vieille politique alors qu'en fait, les tribunaux—la Cour suprême et la Cour fédérale—ont dépassé cette politique et parlent maintenant de différents moyens d'enchâsser, de protéger et de promouvoir les droits des Autochtones, plutôt que de les céder, de les éteindre et de les abolir à tout jamais.

• 1220

L'un des thèmes de mon exposé est donc l'adoption de politiques spéciales et leur mise en oeuvre de façon sélective, selon le bon vouloir du ministère et sans égard à des comités comme celui-ci et au Parlement. Nous avons constaté que, même durant des séances de négociations et des réunions avec le ministre, les politiques semblent être improvisées et rédigées sous forme de notes transmises au ministre. Lorsque le ministre doit répondre à une question, on lui passe une note, et le ministre a tout à coup une politique qui lui permet de répondre à nos problèmes.

Je ne veux pas m'étendre trop longuement sur le sujet, mais l'autre problème avec lequel nous avons été aux prises au cours des quatre dernières années de négociations—et je ne suis pas optimiste maintenant quant aux résultats de ces négociations à cause de cela—c'est ce que j'appelle la manipulation des traités par le ministre. Vous avez tous entendu parler de la manipulation des jurys. Nous savons tous de quoi il s'agit. Vous savez qu'il s'agit d'une ingérence illégale et illégitime dans un processus judiciaire. Eh bien, il y a «manipulation de traité» lorsque le ministre accepte de négocier une revendication avec nous relativement aux zones marines et au Labrador et que ce ministre—plus particulièrement le plus récent d'entre eux—fait tout ce qu'il peut pour entraver ce processus.

Cette année, la situation s'est tellement envenimée que les Inuit du Nunavik ont été forcés de faire appel à un tribunal à deux reprises. Nous sommes allés au tribunal au Labrador au sujet des revendications dans le nord du Labrador que nous étions en train d'essayer de négocier justement au moment où le gouvernement du Canada, par l'entremise de la ministre du Patrimoine, Sheila Copps, essayait d'établir le Parc national de Torngat Mountains. Peut-il y avoir quelque chose de plus ridicule? La ministre des Affaires indiennes avait accepté de négocier un traité avec les Inuit du Nunavik dans le nord du Labrador et un autre ministère fédéral—ils doivent sûrement se parler—une autre ministre du cabinet fédéral était en train, avec ses collaborateurs, de créer un parc national. Tout le monde sait que lorsqu'on crée un parc national le territoire est transféré. Les possibilités d'exploitation des Inuit sont limitées et leurs droits commerciaux également. Les Inuit souhaitaient choisir des terres dans cette région mais ne pouvaient pas le faire. Les Inuit souhaitaient gérer les ressources de ces territoires, mais ce n'était pas possible.

Patrimoine Canada a pris le temps de négocier avec les compagnies minières pour exclure de larges territoires au nord du Labrador, des territoires qui avaient une valeur minière. Toutefois, le ministère n'a pas jugé bon de consacrer son temps à discuter de nos droits. C'est de la manipulation de traité. Quand on démarre quelque chose, il faut le respecter. S'ils ne voulaient pas démarrer le processus, ils n'auraient pas dû signer l'entente cadre.

Cela a été la même chose pour nos droits de pêche commerciale, de nombreux droits que nous avons dans nos zones adjacentes au Québec et à notre territoire traditionnel. Il a fallu que nous nous adressions à un tribunal pour renverser la décision d'un tribunal inférieur, et nous avons obtenu gain de cause. Le tribunal inférieur avait donné tous les droits, exclusivement, aux Inuit du Nunavut. Mais avec une telle interprétation de l'entente du Nunavut, évidemment, il a fallu que nous fassions renverser le jugement et dorénavant, nous sommes traités comme les Inuit du Nunavut le sont dans certaines zones de la baie d'Hudson, au large du Groenland, entre l'Île de Baffin et le Groenland, dans les zones 1 et 2 où nos intérêts dans le domaine de la pêche commerciale sont similaires.

Est-ce que le gouvernement fédéral nous a aidés dans toute cette affaire? Le gouvernement fédéral était trop occupé à faire appel de la décision pour d'autres raisons, parce qu'il n'aimait pas ce que le tribunal inférieur avait dit au sujet du mot «consultation». En effet, le tribunal avait dit que consultation signifie qu'on doit vraiment écouter les gens quand on les consulte. C'est cela qui inquiétait le gouvernement fédéral, et non pas nos droits.

Voilà justement les questions dont on discutait à notre table de négociation sur les ressources marines: les droits de pêche adjacents. Le négociateur en chef, Tom Malloy, avait déclaré: «Je suis désolé, mais j'ai des instructions et je ne suis pas autorisé à discuter de cette question dont les tribunaux ont été saisis. Si vous voulez changer quelque chose dans ce domaine, adressez-vous aux tribunaux.» C'est donc ce que nous avons fait, et cela nous a coûté de l'argent, mais nous avons obtenu que la décision soit renversée. Mais est-ce vraiment une façon de négocier un traité?

Maintenant, dans vos trousses, en plus du mémoire, nous avons inséré des annexes qui ne sont peut-être pas passionnantes à lire, mais qui sont là à titre d'information. En fait, il s'agit surtout d'une série de lettres entre les premiers ministres du Labrador, et nous-mêmes, des lettres où on refuse de respecter nos droits. Il y a également des informations sur l'affaire Torngat qui est allée jusqu'à la Cour fédérale. Dans cette cause, le juge Richard a déclaré très clairement que ce genre de manipulation de traité ne serait pas tolérée et que le gouvernement était tenu de signer des traités. Quelles que soient les interférences, le gouvernement fédéral doit respecter ses engagements. C'est une obligation légale de signer des traités et de mener à bien le processus.

• 1225

Maintenant, en dépit de cela, la ministre ne nous a toujours pas répondu. Il a fallu que nous lui envoyions une lettre pour lui expliquer ce que signifie la décision. Nous avons inclus un exemplaire de cette décision.

Quoi qu'il en soit, je vais maintenant résumer. Je pourrais vous donner de nombreux exemples de manipulation du processus de traité, vous prouver qu'ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour nous faire quitter la table de négociation. Au lieu de prendre la négociation au sérieux et de faire du bon travail sans gaspiller le temps et l'argent du gouvernement et le nôtre, ils ont fait tout leur possible pour ralentir le processus et pour éviter de respecter les termes de l'entente cadre qu'ils avaient signée en 1983.

En fin de compte, notre position est que nous voulons la parité avec d'autres groupes. C'est ce que précise la politique sur les revendications, la nécessité d'aligner tous les règlements fonciers du Canada, de les rendre justes et équitables. C'est ce que nous voulons, et M. Peters l'a expliqué. Nous ne voulons pas être traités comme des citoyens de seconde classe. Nous voulons être traités comme d'autres groupes le sont lorsque leurs revendications sont réglées.

D'un autre côté, nous voulons que les politiques du ministère des Affaires indiennes fassent l'objet d'un débat sérieux. Nous voulons que ces politiques soient examinées par le Parlement, et nous voulons qu'elles soient conformes aux décisions judiciaires de votre propre Cour suprême et de votre propre Cour fédérale, au lieu d'être en retard de 5, 10 ou 15 ans.

En dernier lieu, nous voulons que le ministère des Affaires indiennes ne signe plus d'entente cadre s'il n'a pas l'intention de négocier sérieusement avec nous. Nous considérons que ces ententes sont des promesses solennelles. Nous ne signons jamais un document, une entente ou un protocole à la légère. Quant au ministère, je ne sais pas sur quelle base il les signe, mais je commence à me demander pourquoi il se donne cette peine s'il n'a pas l'intention de les respecter.

Une dernière chose—et cela a été confirmé par la cause récente que nous avons eue à Torngat—il est évident que la Couronne a une responsabilité financière qui est de négocier de bonne foi, mais ce n'est pas ce qui se produit. Ils se fichent du monde, ils gaspillent du temps et de l'argent, ils ridiculisent le processus des traités qui est censé être un processus très sérieux et très digne, du moins ce sont vos propres tribunaux qui le prétendent.

Cela dit, je vous remercie pour le temps que vous nous avez accordé, monsieur le président, membres du comité. Vous trouverez le reste de nos observations dans notre mémoire.

[Français]

Le président: Il est toujours très intéressant de vous écouter, monsieur Silverstone.

[Traduction]

M. Sam Silverstone: Nous ne sommes pas heureux.

[Français]

Le président: Vous connaissez votre dossier et vous êtes bien préparé.

Quelle est la superficie, en kilomètres carrés, de ce territoire maritime?

[Traduction]

M. Sam Silverstone: Le territoire maritime, je crois, couvre environ 300 000 kilomètres carrés, mais si vous prenez la surface de toutes les îles du territoire, il n'y a probablement que 6 000 kilomètres carrés environ. Toutefois, la zone dont nous parlons s'étend sur 300 000 à 310 000 kilomètres carrés, tout au long de la côte du Québec.

[Français]

Le président: Quelle en est la population?

[Traduction]

M. Sam Silverstone: C'est la zone en bleu foncé.

M. John Finlay: Non, c'est vert.

M. Sam Silverstone: Cela comprend l'eau, le fond marin, les îles et le Labrador.

Le président: D'accord. Merci.

C'est le tour de M. Aatami.

M. Pita Aatami: Merci, monsieur le président.

Le sujet suivant que nous voulons aborder, c'est celui de l'imposition.

Nous avons présenté notre opinion lorsque vous êtes venus à Kuujjuaq le 19 mai, et nous vous avons proposé un régime d'imposition juste et équitable pour le Nunavik. C'est donc un exposé que nous avons déjà fait, mais puisque la situation est particulièrement injuste, nous allons vous redire de quoi il s'agit. Nous allons être trois à parler, moi-même, Jean Dupuis et George Koneak, et nous allons tenter de vous expliquer comment ce régime fiscal nous affecte.

On vous a déjà dit à quel point le coût de la vie était élevé dans le Nord. C'est d'autant plus grave que le régime d'imposition nous pose des problèmes. Après nous avoir écoutés pendant les audiences, un des membres du comité, M. Claude Bachand, a écrit à la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Jane Stewart, avec copie aux ministres des Finances et du Revenu, pour leur demander de créer un groupe de travail pour examiner les effets des lois fiscales au Nunavik. Nous remercions M. Claude Bachand de nous avoir écoutés et d'avoir donné suite.

• 1230

En réponse à cette lettre, Jane Stewart a répondu qu'elle attendait de la documentation de Makivik et que dès que cette documentation arriverait, son ministère contacterait les responsables fédéraux en vue de créer un tel groupe de travail. Cela dit, j'espère que ce ne sera pas un groupe de travail comme celui qui s'est occupé de notre accord de la Baie James. Après 23 ans, il y a encore des questions qui ne sont pas réglées. J'espère que cela ne traînera pas en longueur car notre régime d'imposition est extrêmement injuste.

Toute la documentation pertinente a été transmise au ministère. La semaine dernière, on nous a dit qu'elle nous avait répondu dans une lettre qu'elle allait créer un groupe pour en discuter.

Vu le coût élevé dans le Nord, les Inuit du Nunavik paient en moyenne 182 $ pour ce qui coûte 100 $ dans le Sud. Au lieu de payer une taxe de vente combinée de 15,25 p. 100 sur ces produits, nous payons 27 p. 100.

Voilà un exemple d'inégalité. Le gouvernement dépense des millions de dollars chaque année pour subventionner les agriculteurs et les pêcheurs du Sud alors que la plupart des chasseurs et pêcheurs du Nunavik, qui dépendent de la nourriture locale pour survivre, n'ont pas les moyens de s'acheter le matériel nécessaire pour nourrir leur famille à cause des coûts de transport et de la taxe de vente.

Ce que nous vous avons dit lors de notre comparution au mois de mai vaut toujours: le problème existe encore. Oui, nous sommes ici et un comité va être créé, mais combien de temps faudra-t-il attendre que cela se concrétise? Comme je l'ai dit, la vie est beaucoup plus dure au Nunavik. En moyenne, une famille gagne 32 000 $. La taille moyenne de la famille est de 4,5 personnes. Il en coûte en moyenne 11 600 $ en nourriture par année dans le Nunavik. Dans le Sud, une famille moyenne gagne 45 000 $; la taille moyenne de la famille est de 2,61 personnes, et les dépenses moyennes en nourriture par année sont de 5 960 $. Quand on regarde ceci, vous voyez qu'il faut dépenser le double ici à cause des coûts élevés et du régime fiscal actuel.

Il faut trouver un système acceptable aux deux parties. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous sommes des contribuables. Malheureusement, je peux vous dire aujourd'hui que nous regrettons de ne pas nous être constitués en réserve au moment où nous avions le choix, mais comme nous sommes des contribuables, nous voulons trouver quelque chose qui soit semblable à ce qui existe dans le Sud. Si vous pouvez avoir quelque chose pour 1 $, nous voudrions payer la même chose, pas 2 $.

Comme j'essaie d'être bref, je vais céder la parole à Jean.

M. Jean Dupuis: Notre exposé sur la fiscalité est très court, de toute façon. Je vais essayer de ne pas trop répéter ce qui a été dit.

Pita a dit que le revenu familial moyen est de 32 000 $. En fait, le revenu médian de la région est de 10 000 $ à peine par année. C'est peu. Pita vous a expliqué la situation en ce qui concerne le fardeau fiscal et le fait que le Nunavik doit avoir sa propre fiscalité.

En 1993, nous avons fait un exposé devant la commission parlementaire du Québec chargée du budget et de l'administration. Nous avons formulé 10 recommandations au sujet du régime fiscal. Nous avons notamment recommandé la création d'un groupe de travail chargé d'étudier les questions. Ils ont accepté sans tarder. Des mois après la création du groupe de travail, et aujourd'hui encore, cinq ans plus tard, le groupe de travail continue de siéger régulièrement pour passer en revue les problèmes et nous avons réglé cinq des 10 recommandations. Dans ce groupe de travail il y a le Conseil du Trésor—des gens qui ne participent normalement à aucune discussion—le ministère du Revenu, les Affaires autochtones et le ministère des Finances. On progresse donc assez bien avec le Québec.

• 1235

Mais il faut aborder les mêmes questions avec le gouvernement fédéral. Comme Pita l'a dit, après les interventions et les exposés du printemps, notre comité a fait parvenir une lettre à la ministre Jane Stewart. Mais même si la ministre a reçu toute l'information technique et le résultat de tout ce que nous avons fait avec le Québec, nous ne recevons encore que des accusés de réception dans lesquels on nous dit que ce serait une bonne idée de se rencontrer et de voir ce qui pourrait être fait et peut-être de définir un mandat.

Pour nous, ce ne sont que des prétextes qui nous font tourner en rond. Nous savons ce que nous voulons; elle sait ce que nous voulons. Nous voulons seulement que la ministre désigne des gens qui viendront ici pour discuter du dossier, qu'elle nomme des gens de divers ministères fédéraux à un groupe du travail qui viendra examiner les questions.

Nous nous répétons. Chaque fois, nous revenons sur le pouvoir de dépenser des habitants du Nunavik. Notre pouvoir d'achat à Nunavik est presque trois fois moindre qu'ailleurs. Nous avons deux ou trois fois moins de pouvoir que les autres habitants du pays. C'est important pour nous. Il nous faut des réponses. Il faut s'occuper des problèmes maintenant. Il a fallu 23 ans après la signature de la convention de la Baie James pour arriver où nous en sommes. Nous ne voulons pas attendre encore 10, 15 ou 20 ans à lutter avec la bureaucratie pour qu'on s'en occupe. Cela pourrait se faire très rapidement. C'est l'aide que nous vous demandons. Faites les recommandations qu'il faut et exercez les pressions nécessaires pour qu'on s'y mette.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Dupuis.

George Koneak.

M. George Koneak (gouverneur, Société Makivik) (Interprétation): Je suis le gouverneur George Koneak. Je viens de Kuujjuaq. Je suis un chasseur, un pêcheur, un père de famille et aussi un Inuk. Je m'adresse à vous aujourd'hui. Je pense que c'est le bon endroit et le bon groupe pour prendre la parole. Je vais parler en mon nom à moi et au nom des autres Inuit du Nunavik.

Il est extrêmement difficile aujourd'hui de vivre dans le Nord, dans le Nunavik. C'est dur. Nous avons perdu l'industrie de la fourrure, notre base économique d'avant; nous avons perdu beaucoup de possibilités économiques. Financièrement, c'est un endroit très dur et très hostile.

• 1240

Aujourd'hui, nous payons des impôts au fédéral et au provincial. Il y a beaucoup d'autres taxes. Par exemple, quand on achète de la nourriture qui vient du Sud. D'abord on paie la taxe quand on achète de la nourriture. Puis on la transporte ici et vient s'ajouter une autre taxe pour le transport.

Il y a une autre réalité qui est très dure pour nous. Comme vous le savez peut-être, nos aliments de base viennent de la nature et nous devons donc chasser ou pêcher pour survivre. Il nous faut des outils pour chasser les mammifères de la région. Nous devons donc acheter des balles, des motoneiges, des canoës, des moteurs hors-bord, des vêtements, et sur tous ces articles, il y a une taxe très lourde.

Nous abandonnons. C'est trop. On nous pénalise. Les autres Autochtones, les non-Inuit, ne paient pas de taxes. Ils profitent des avantages des contribuables. C'est peut-être une solution, de ne pas payer de taxes, pour pouvoir en profiter autant ou plus.

Merci.

Le président: Monsieur Aatami.

M. Pita Aatami: Merci, monsieur le président. Je veux en dire un peu plus sur les motoneiges et les canoës dont on vient de parler, qu'il faut acheter pour survivre dans notre environnement. Pour chasser ces animaux aujourd'hui, on en a besoin.

Ce que nous voulons dans ce domaine, c'est un programme semblable à ceux qui existent pour les pêcheurs du Sud, ou des subventions aux agriculteurs, les allégements fiscaux qu'ils ont. Nous voulons avoir quelque chose de semblable pour acheter des motoneiges, des canoës et notre matériel de chasse. C'est pour survivre que nous achetons ces choses. Le coût de la vie est déjà tellement élevé ici, mais avec ces coûts supplémentaires, c'est encore plus difficile. Voilà un exemple de ce que nous voudrions voir fait le plus tôt possible.

Je pense que c'est tout pour la fiscalité pour le moment. Comme je l'ai déjà dit, nous avons fait un exposé sur la question, et vous avez déjà reçu les mémoires. Nous allons donc passer à l'autre point.

Merci.

M. John Bryden: Je voudrais invoquer le Règlement, monsieur le président.

[Français]

Le président: Excusez-moi, monsieur Aatami.

[Traduction]

M. John Bryden: Est-ce qu'il nous restera toujours du temps pour poser des questions après avoir entendu tous ces mémoires? Parfois, il est plus utile pour les membres du comité de poser des questions et de recevoir des réponses que d'entendre les mémoires d'un bout à l'autre, complètement parce que nous pouvons lire les mémoires. J'ai une question que j'aimerais poursuivre, et je demande votre conseil, monsieur le président. M. Conrad pourrait aussi vouloir poser une question.

[Français]

Le président: Il nous reste à débattre des questions de l'aéroport, de First Air et de NAV CANADA. Nous pourrions peut-être nous entendre pour répartir le temps en deux périodes de cinq minutes et passer immédiatement aux questions. Je conviens que c'est beau de déposer un mémoire, mais il est souhaitable que nous ayons l'occasion d'en discuter.

• 1245

[Traduction]

Une voix: Pourtant, il ne nous reste que quinze minutes.

Le président: Passons immédiatement aux questions, avec des tours de cinq minutes.

M. Pita Aatami: Nous ferons de notre mieux.

Michael Gordon, le maire de la collectivité de Kuujjuaq, va parler de la question de l'aéroport. Et nous espérons que Jean Dupuis et Tommy Cain pourront aussi aborder cette question. Par la suite, Mark T. Gordon va parler du dernier sujet, NAV CANADA, et il sera le seul intervenant à cet égard.

M. Michael Gordon (maire, municipalité de Kuujjuaq, membre du conseil d'administration de la Société Makivik): Merci. Je crois comprendre que vous avez reçu un mémoire de KRG concernant l'aéroport de Kuujjuaq. Je m'appelle Michael Gordon, et je suis le maire de Kuujjuaq. Je vais vous lire un court mémoire que j'ai rédigé récemment, et j'ai d'autres documents pour la greffière. La question de l'aéroport de notre collectivité est liée à d'autres problèmes qui concernent la population de Nunavik, et vous avez entendu parler de certains de ces problèmes ce matin.

Un autre problème se pointe à l'horizon et il risque d'intensifier ces problèmes. C'est une difficulté à court terme qui pourrait avoir des impacts à long terme. La question préoccupe actuellement la collectivité et la région de Nunavik. C'est la question de l'aéroport. Il ne s'agit pas seulement de la logistique des améliorations à la piste. C'est plutôt quelque chose qui pourrait avoir des impacts néfastes tant pour plusieurs ministères du gouvernement fédéral que pour le peuple de Nunavik.

Comme vous le savez peut-être, il y a deux pistes à Kuujjuaq. Il y a une piste asphaltée de 6 000 pieds de longueur qui est orientée de l'est à l'ouest et qui est utilisée pour les avions à réaction. La deuxième piste, gravelée, a une longueur de 5 400 pieds et elle est orientée du nord au sud. Notre collectivité se réjouit du projet de Transports Canada visant à améliorer la piste asphaltée. C'est un projet de quatre ans qui comprend l'amélioration de la fondation et de la présente piste asphaltée. Les deux premières années seraient consacrées principalement à l'accumulation des 60 000 tonnes de pierres concassées qui seront utilisées pour la fondation. Dans les années 2000 et 2001, le travail sur la piste asphaltée sera fait. L'asphalte sera enlevé et refait pendant deux étés entiers. D'après les plans actuels, Kuujjuaq, qui est la plaque tournante du transport de la région, sera privée d'un service pour les avions à réaction pendant un total de huit mois. La principale voie de ravitaillement, l'artère, sera coupée. Il y aura un impact négatif sur le coût du transport des marchandises, et les billets d'avion pour les passagers vont aussi coûter plus cher. On prévoit une augmentation d'à peu près 27 p. 100.

L'aéroport de Kuujjuaq constitue le seul lien de la région d'Ungava au réseau intérieur et international des transporteurs aériens. Il y aura aussi un impact négatif à ce niveau. Par exemple, quelqu'un qui voyage de Montréal à Salluit doit passer par Kuujjuaq. S'il n'y a pas de complications dues à des intempéries, cela prend à l'heure actuelle un jour. Si le projet est exécuté tel que prévu, ce trajet peut prendre jusqu'à quatre jours.

L'aéroport de Kuujjuaq joue aussi un rôle essentiel en ce qu'il soutient et stimule le développement économique dans la région. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est une plaque tournante et un centre administratif de la région. L'industrie du tourisme injecte 12,1 millions de dollars par année dans la région. La grande majorité de ces recettes provient de touristes américains qui utilisent le corridor Montréal-Kuujjuaq pour participer aux voyages exotiques de chasse au caribou organisés dans la région. L'accès à la région sera compromis et le tourisme à Nunavik peut même disparaître pendant des années étant donné que le marché de la pourvoirie est très concurrentiel. En effet, ce tourisme sera dévasté.

• 1250

Nous estimons que le gouvernement fédéral ne comprend pas l'importance de la question. C'est pour cette raison que nous sommes ici. La suspension du service de jet à Kuujjuaq, même pour huit mois, va littéralement anéantir l'économie de Nunavik.

Permettez-moi de vous parler de notre recommandation. À l'heure actuelle, nous sommes en communication avec les fonctionnaires de Transports Canada en vue de faire faire des améliorations à la piste gravelée. Pourtant, à cause des priorités du gouvernement fédéral, il s'avère impossible de débloquer les sommes qu'il faut pour réaliser cette initiative. Pour nous, la seule solution de rechange est d'améliorer la piste gravelée—de la prolonger de la doter de l'instrumentation IFR. Sinon, il va falloir sérieusement examiner la possibilité de compenser tant les entreprises qui seront affectées que les consommateurs de Nunavik.

Nous demandons à Transports Canada de présenter une proposition de financement exhaustif fondée sur ces objectifs, d'améliorer la piste gravelée de manière à maintenir le service quotidien de jet à Kuujjuaq, d'indemniser la région directement pour toute augmentation des coûts du transport découlant du projet et de faire en sorte que la région n'ait pas à participer financièrement à l'amélioration ni à la rénovation des pistes. Sinon, la disparition de ce lien essentiel entraînerait de graves difficultés pour les habitants de Kuujjuaq et les collectivités desservies.

Merci.

Vous avez dit que vous m'accorderiez cinq minutes. Je ne suis pas certain de les avoir utilisées, mais Tommy Cain voudrait aussi parler.

M. Tommy Cain (gouverneur, Société Makivik; conseiller, gouvernement régional de Kativik) (Interprétation): Bonjour, je m'appelle Tommy Cain et je suis de Tasiujaq. Je suis aussi président de l'Association de tourisme de Nunavik. Ce que Michael a dit il y a quelques minutes est tout à fait vrai. Nous avons des préoccupations graves.

Il y a beaucoup d'achalandage pendant la saison de tourisme; beaucoup de gens passent par le corridor de Kuujjuaq. Ce projet va avoir un effet très préjudiciable sur notre capacité d'accueillir les touristes qui viennent ici chaque été et automne.

• 1255

L'Association de tourisme de Nunavik aide à atténuer les problèmes sociaux en créant des emplois, par le développement économique et par les retombées du tourisme. L'argent vient à la région. Le corridor amène 12,1 millions de dollars étrangers. Il faut sérieusement considérer les conséquences pour cette industrie, les avantages qui en découleront à l'avenir, et la situation du passé.

J'espère que vous m'avez compris. Je souhaite vivement que vous compreniez notre situation, et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.

Le président: Monsieur Dupuis.

M. Jean Dupuis: Je serai très bref.

Lorsque les concepteurs du projet nous l'ont présenté, ils nous ont donné le choix d'utiliser un service de navette de la Grande à Kuujjuaq pour le transit des passagers et le transbordement du fret. Cela ne coûterait rien à Transports Canada, mais il en coûterait 7,8 millions de dollars chaque année à la région en coûts additionnels de transport. Cela veut dire une augmentation des coûts de 27,5 p. 100.

Il y avait un deuxième choix. Si Transports Canada dépensait 2,2 millions de dollars pour rénover la piste gravelée et la rendre plus résistante, on pourra toujours accueillir des 737 avec une charge réduite. Cela coûterait aussi 3,9 millions de dollars de plus à la région, ce qui représenterait une augmentation de nos coûts de 12 p. 100. Mais Transports Canada voulait aussi qu'on paye les 2,2 millions nécessaires pour la rénovation de la piste, alors ce choix ne nous emballe pas.

La troisième possibilité et celle que nous préconisions, c'est que Transports Canada investisse 3,5 millions de dollars pour prolonger et améliorer la piste gravelée; cela ne ferait augmenter les coûts de la région que de 600 000 $ par année, soit une augmentation de l'ordre de 2 p. 100. Nous estimons qu'il incombe à Transports Canada d'assumer cette charge pour s'assurer que tous les investissements des entrepreneurs locaux et des gens d'affaires de la région ne disparaissent pas avec l'extinction de notre industrie de tourisme, parce que les clients iront ailleurs. Ça nous prendra beaucoup d'années pour regagner cette clientèle. Entre-temps, tout le monde aura fait faillite à cause du manque de revenu.

C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment.

Le président: Merci.

M. Pita Aatami: Merci, monsieur le président.

La dernière question que Mark abordera sera les frais de NAV CANADA.

M. Mark T. Gordon (troisième vice-président, Société Makivik): Je serai bref.

Nous vous avons déjà présenté nos opinions, quand vous étiez à Kuujjuaq. Puisqu'il s'agit d'une question qui nous préoccupe beaucoup, nous revenons à la charge. Il s'agit de NAV CANADA.

Comme vous savez, NAV CANADA a remplacé Transports Canada comme fournisseur national des services civils de navigation aérienne. Puisqu'il n'y a pas de routes entre les communautés ou vers le Sud, les Inuit dépendent complètement des services aériens pour le transport des passagers et des marchandises pendant toute l'année. Pendant la courte période estivale, chaque communauté reçoit la visite d'environ deux bateaux par an.

Dans le Sud, quand vous voulez vous déplacer ou envoyer des colis ou des marchandises, vous pouvez choisir votre mode de transport. Vous pouvez utiliser l'automobile, le train, l'avion ou le bateau. On choisit le moyen le moins cher, selon la priorité. Mais nous n'avons pas ce luxe que vous tenez pour acquis. Nous dépendons complètement des avions pour transporter tout—les passagers, les aliments et tout le reste.

Lorsque NAV CANADA prendra en charge les services de navigation, elle imposera à la compagnie aérienne des frais se situant entre 3,5 p. 100 à 4 p. 100 des recettes brutes. Lorsque la deuxième phase sera mise en oeuvre, il y aura un nouveau droit quotidien de 1 500 $ par vol pour le HS748. Le HS748 peut transporter environ 40 passagers.

• 1300

Voici un exemple de l'augmentation des coûts du HS748 pour un vol d'évacuation sanitaire de LG 2 à Kuujjuarapik, une distance de 120 milles. Le coût habituel est de 3 000 $. Si l'on ajoute le tarif quotidien de NAV CANADA, qui est de 1 500 $, désormais ce vol coûtera 4 500 $. Sachez qu'il y a environ 300 vols de HS748 par année. Le tarif quotidien de 1 500 $ entrera en vigueur l'an prochain.

Vous savez peut-être déjà que nous avons des occasions économiques très limitées dans le Nord. Nos coûts de transport sont déjà élevés et constituent un obstacle au succès des entreprises existantes et au lancement des nouvelles entreprises. Les augmentations imposées par NAV CANADA mineront nos efforts d'implantation de nouvelles entreprises.

Le coût de la vie étant déjà tellement élevé, nous ne pouvons absorber même les petites augmentations. Nous prévoyons que, rien que dans le Nouveau Québec, les frais imposés par NAV CANADA feront augmenter les coûts de transport des aliments, des marchandises et des passagers de plus de un million de dollars par année. Dans tout le Nord, les Territoires du Nord-Ouest compris, ce chiffre s'établit à plus de 10 millions de dollars par année. Pourtant, dans le Sud, les économies réalisées par les transporteurs aériens et les passagers sont de l'ordre de 150 millions de dollars, selon le gouvernement du Canada.

Les résultats sont les suivants. Une famille de quatre personnes dans le Sud économisera environ 24 $ par année sur les voyages en avion, tandis qu'une famille de quatre personnes au Nunavik sera désormais assujettie à une surtaxe de l'ordre de 500 $ par année.

Si le gouvernement du Canada obligeait à NAV CANADA à transférer au secteur du Nord seulement 10 p. 100 des économies qui, selon les documents publiés par le gouvernement, seront réalisés dans le Sud, cette famille de quatre dans le Sud continuera quand même d'empocher 21,60 $ par année, et il n'y aurait pas d'effet sur la famille de quatre dans le Nord. Cette petite contribution de 10 p. 100 au Nord aurait l'effet d'éliminer les frais additionnels qui nous seraient imposés, tandis que le secteur du Sud ne serait presque pas touché. Les Inuit n'ont pas d'autres moyens de transport. Nous n'avons pas d'autres sources de financement ou d'emploi qui nous permettront de payer les nouvelles augmentations.

NAV CANADA est un organisme à but non lucratif mais il affiche déjà des profits de 30 millions de dollars.

Comme on l'a dit plus tôt, les nouveaux frais qui seront imposés dans le Nord s'élèvent à plus de 10 millions de dollars par année. Nous ne sommes pas capables d'absorber ces nouveaux frais. Nous n'en avons pas les moyens. Notre population n'est pas assez riche. Un grand nombre de nos gens sont en chômage. Ils ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts.

Nous devons composer avec de très grandes distances, le manque de routes, une population éparpillée, l'isolement des localités, une dépendance totale des avions pour les services essentiels et un manque d'options pour le transport. À mon avis, le gouvernement fédéral devrait soutenir la création de débouchés économiques dans le Nord et nous aider à aller de l'avant afin de gagner notre vie. En se montrant insensible aux besoins réels des habitants du Nord, le gouvernement nous crée des obstacles qui nous empêchent de réussir. Même si notre mode de vie est difficile, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait être sensible à nos besoins. Il devrait se rendre compte qu'une hausse globale de plus de 10 millions de dollars, même si cela peut paraître peu pour le Sud du Canada, aura d'énormes répercussions pour le Nord.

Toujours sur la question du transport aérien, il y a de nouveaux règlements concernant les aéronefs civils et des restrictions qui interdisent à nos pilotes de faire plus de 14 heures de service par jour. Le temps de service n'est pas la même chose que le temps de vol, puisqu'il comprend aussi la période de préparation du pilote en vue d'un vol, même si ce vol est annulé.

Cette question du temps de service a eu des conséquences très importantes pour notre capacité de répondre à des urgences d'évacuation médicale. On appelle souvent les pilotes la nuit pour faire transporter par avion à l'hôpital une personne gravement malade ou blessée. À plusieurs reprises, nous ne pouvions pas accéder à la demande parce que le pilote avait déjà fait son temps de service.

• 1305

Nous avons eu une correspondance volumineuse avec le ministre responsable et les hauts fonctionnaires pour permettre des dérogations, mais nous n'y sommes pas parvenus. Il faudrait apporter des changements à cette politique du temps de service afin de nous permettre de répondre à des urgences médicales. Par le passé, nous avons pu faire ces vols en sécurité, et nous croyons que nous pouvons continuer à le faire.

En guise de conclusion, la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile visait à tenir compte des circonstances particulières dans le Nord. L'alinéa 35(1)itg) de la Loi prévoit que les redevances pour les services aux régions nordiques ou éloignées ne peuvent être plus élevées que celles applicables à des services équivalents, utilisés de façon comparable, fournis ailleurs au Canada.

Comme la raison d'être de ce comité est de s'occuper des questions concernant les Autochtones et le développement du Nord et comme notre participation au processus de consultation de NAV CANADA a été vaine, nous vous demandons avec insistance de revoir cette loi et de faire appliquer la disposition d'interprétation de l'alinéa 35(1)itg) afin d'assurer que l'impact par habitant de ces redevances ne sera pas beaucoup plus élevé pour les Canadiens vivant dans les régions nordiques que pour ceux vivant dans le Sud. Nous vous demandons de faire transférer ce 10 p. 100 vers les régions nordiques. Je crois que vous allez comprendre que nous, qui vivons dans le Nord et qui avons des possibilités économiques limitées, voulons que le gouvernement nous aide et ne nous crée pas d'obstacle, comme il le fait aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Gordon.

M. Pita Aatami: Je voulais seulement ajouter un commentaire à ce que Mark a dit concernant le profit de 30 millions de dollars de NAV CANADA. La société a reporté jusqu'en mars 1999 l'augmentation prévue des redevances. Pourquoi prévoit-elle une augmentation, alors qu'elle est censée être un organisme à but non lucratif? Elle a déjà fait des profits de 30 millions de dollars. À quel niveau ce profit s'élèvera-t-il après l'augmentation prévue pour le mois de mars? Elle va chercher cet argent de nos poches, qui sont déjà vides. C'est quelque chose que nous n'arrivons pas à comprendre. La société affirme qu'elle fait déjà des profits. Combien de plus veut-elle en faire en imposant ces nouvelles augmentations?

Là encore, il y a une très grande différence entre la situation dans le Sud et la situation dans le Nord. Les habitants du Sud vont faire des économies, tandis que ceux des régions nordiques vont payer plus cher. Il y a quelque chose qui ne va pas.

M. Mark Gordon: Sur un autre sujet, quand le gouvernement confie certaines tâches au secteur privé, il laisse entendre que ce dernier fera le travail de façon plus efficace et plus économique. Dans ce cas-ci, cependant, nous payons les mêmes services—les services ne se sont pas améliorés—et cela nous coûtera plus cher alors que nous n'avons pas les moyens de payer les augmentations.

[Français]

Le président: Monsieur Dupuis, suivi de M. Konrad.

[Traduction]

M. Jean Dupuis: Très rapidement, je pense que tout a été dit par M. Gordon et M. Adams. Pour ce qui est des surplus, nous avons fait de nombreuses instances auprès de NAV CANADA, mais sans résultat. Ils font la sourde oreille. Nous ne cessons pas d'exercer des pressions sur eux, de leur écrire et ainsi de suite.

Lors d'une étude récente qu'ils ont menée, nous avons cru qu'ils pourraient peut-être faire preuve d'un peu de souplesse à notre endroit étant donné que certaines personnes très haut placées dans cet organisme connaissent très bien nos opérations. Ils ont pris des décisions presque punitives, à notre avis. Le fardeau fiscal associé à l'exploitation de l'appareil Hawker-Siddeley 748 a été augmenté de 25 p. 100 plutôt que réduit. En outre, nous avons demandé de participer aux audiences pancanadiennes que NAV CANADA était censée tenir, mais ces audiences ont été retardées.

Quant à la question de l'évacuation médicale que M. Gordon a soulevée, monsieur St-Julien, vous avez fait part de nos préoccupations à ce sujet au ministre des Transports. Nous avons reçu une réponse, mais leur position est très ferme: pour des raisons de sécurité, la réglementation demeurera telle quelle.

Nous serons peut-être invités à discuter de la question. Nous insistons vraiment pour que Transports Canada désigne certaines personnes pour s'asseoir avec nous afin de revoir la situation, parce que nous ne parlons pas de... Nous n'essayons pas de trouver une marge de manoeuvre afin d'en profiter financièrement; nous essayons de faire ce qu'il faut pour sauver des vies au moyen des avions. Depuis les 20 ans qu'elle est en activité dans le Nunavik, Air Inuit a un dossier sans blâme, nous refusions donc que cette question soit mise sur une tablette simplement parce que les pratiques d'autres petites compagnies dans le sud du Canada laissent à désirer.

• 1310

Ce n'est pas un facteur dans note cas, donc nous aimerions que les gens de NAV CANADA et de Transports Canada cessent de faire la sourde oreille et s'assoient avec nous pour revoir la situation.

Merci.

Le président: Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Premièrement, je tiens à vous remercier pour vos exposés très bien préparés. C'est une matière très ample, mais je m'y intéresse depuis le début.

Je tiens à dissiper quelques mythes. Je viens des Prairies, alors je connais un peu l'économie agricole et le manque d'appui qui existe dans ce secteur, et d'ailleurs nous avons demandé au gouvernement de revoir cette situation. Donc, les choses ne vont pas très bien dans notre milieu, ni dans d'autres collectivités canadiennes qui sont moins populeuses.

J'ai trouvé certains de vos commentaires très intéressants, et je me disais qu'Ottawa ou Toronto ne toléreraient jamais une réduction de service aérien qui nuirait à leurs économies pendant huit mois. Je crois que c'est quelque chose qui mérite d'être étudié.

Pour ce qui est de l'établissement d'un groupe de travail sur la fiscalité, votre carte des ports canadiens montre beaucoup d'endroits isolés, et je pense que ce serait une bonne idée que le gouvernement crée un groupe pour examiner la fiscalité dans les régions isolées partout au Canada. Après tout, le ministère est chargé des Affaires indiennes et aussi du développement du Nord, et je pense que c'est une idée intéressante qui mérite plus de suivi.

Je n'ai pas vraiment de questions pour vous. Je voulais simplement vous dire que je trouve l'idée intéressante et il est fort possible qu'on y fasse suite.

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, le 11 juin, j'ai présenté une motion, et parce qu'il nous manquait un ou deux députés, nous l'avons adoptée, mais pas officiellement... Nous avons écrit au ministre des Transports après la comparution de NAV CANADA. Une chose que j'ai portée à l'attention du comité était une résolution d'urgence de la Fédération canadienne des municipalités, de la Yukon Association of Communities et de la Northwest Territories Association of Municipalities, exprimant des doléances et le fait qu'il existait de sérieuses préoccupations à l'égard de tout le processus entourant NAV CANADA et ces réunions qui ont eu lieu. Nous voulions que le ministre réponde par écrit concernant les nombreuses préoccupations soulevées le 11 juin. Cette motion a été mise de l'avant, et permettez-moi de vous signaler que nous venons d'entendre les mêmes préoccupations ici aujourd'hui.

Là où je veux en venir c'est qu'à moins que je ne me sois endormi, je n'ai jamais vu cette réponse écrite. Le témoignage que nous venons d'entendre m'a justement rappelé que je n'ai jamais vu une réponse de la part du ministre. Nous avions l'appui de tous les partis; tous les partis qui étaient présents ont appuyé la motion. Je vous demande, à vous ou à la greffière, s'il y a eu une réponse, et, dans l'affirmative, quelle en était la teneur?

La greffière du Comité: Il y a eu une réponse du ministre des Transports sur la question de l'augmentation des frais d'utilisateurs prélevés par NAV CANADA. Cette lettre a été distribuée aux membres du comité. Il n'y a pas eu de réponse à la question des règlements sur l'évacuation médicale, mais je crois comprendre que le ministre a écrit aux Inuit à ce sujet. Cependant il n'y a pas eu de réponse directe à la lettre du président.

M. Bryon Wilfert: Eh bien, nous sommes au moins deux ici à ne pas avoir vu cette lettre, alors peut-être que vous pourriez nous l'envoyer de nouveau. Mais de toute façon, c'est un autre dossier où NAV CANADA... J'ai assisté à la réunion de la Fédération canadienne des municipalités en juin à Regina où on a discuté de ces préoccupations, et je peux vous dire qu'aucun des maires ou responsables que j'ai vus à cette réunion n'était très content de la situation que vous avez précisément soulevée ici aujourd'hui, monsieur Gordon, et que d'autres ont également soulevée.

[Français]

Le président: Nous nous sommes donné la possibilité de convoquer à nouveau les représentants de NAV CANADA devant notre comité cette année à la suite des témoignages que nous entendons.

Monsieur Finlay.

[Traduction]

M. John Finlay: Je n'ai qu'une brève question, monsieur le président.

• 1315

Si l'autre solution que vous proposez pour les pistes d'atterrissage à Kuujjuaq était acceptée, est-ce que cela signifierait que le service d'avions à réaction pourrait continuer, ou est-ce qu'il ne pourrait continuer que dans des situations d'urgence?

M. Jean Dupuis: Ce service continuerait de façon régulière, comme nous l'avons aujourd'hui, c'est-à-dire un service sept jours sur sept vers Kuujjuaq.

M. John Finlay: Et actuellement ils peuvent atterrir sur l'une ou l'autre des pistes?

M. Jean Dupuis: Ils atterrissent sur la piste asphaltée 99 p. 100 du temps. La piste gravelée n'est utilisée qu'en cas d'urgence ou lorsqu'il y a des vents de travers très violents.

M. John Finlay: Mais si la piste asphaltée n'est pas disponible...

M. Jean Dupuis: À ce moment-là, nous avons un sérieux problème.

M. John Finlay: Ils vont devoir utiliser la piste gravelée?

M. Jean Dupuis: Actuellement, la piste gravelée ne satisfait pas aux normes requises pour l'atterrissage des avions à réaction.

M. John Finlay: Très bien. J'essaie simplement de bien comprendre.

M. Jean Dupuis: Si la piste asphaltée devait fermer aujourd'hui, il n'y aurait plus du tout d'atterrissage d'avions à réaction à Kuujjuaq.

M. John Finlay: Alors ce que vous devez faire c'est améliorer la piste gravelée...

M. Jean Dupuis: D'abord.

M. John Finlay: ...d'abord, et ensuite démolir...

M. Jean Dupuis: C'est exact.

Le président: Merci, monsieur Finlay.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Ma dernière question est un peu bizarre. Elle pourra peut-être sembler déplacée.

Je me demandais comment vos communautés réagiraient, si cela ne portait pas préjudice à certaines de vos autres demandes, face à un programme parrainé par le gouvernement pour rétablir les chiens de traîneau dans vos communautés. Nous avons entendu un autre témoin lors d'une autre rencontre qui nous disait que le gouvernement avait proposé d'enlever les chiens de traîneau il y a plusieurs années, et je suppose qu'il ne reste plus beaucoup de chiens de traîneau dans la communauté. Mais je suis au courant d'autres communautés du Nord—et encore une fois, je cite le Groenland—où il y a eu un programme gouvernemental visant délibérément à maintenir la disponibilité des chiens de traîneau dans l'éventualité où les navires danois—parce que bien sûr le Groenland est une colonie danoise—n'arriveraient pas. Donc, les gens qui vivent de la chasse auraient quand même un moyen de se déplacer s'ils ne pouvaient pas obtenir d'essence.

Je me demande si les membres de votre communauté verraient ça d'un bon oeil, pourvu que ce programme n'enlève rien au besoin de munitions ou autres ressources ou sur le plan fiscal? Quelle serait votre réaction à une telle proposition?

M. Pita Aatami: Nous n'avons jamais réfléchi à cette question. La question des chiens a été soulevée par les maires de communautés de la Baie d'Hudson parce que pendant les années 50, des chiens ont été tués sur les ordres du gouvernement de l'époque. Les Inuit ont perdu une partie de leur gagne-pain...

M. John Bryden: Exactement.

M. Pita Aatami: ...ils en avaient besoin pour aller à la chasse. Nous sommes en train d'examiner ce problème à l'heure actuelle pour voir ce que nous pouvons faire. On leur a enlevé quelque chose sans le remplacer. Le gouvernement ne leur a rien donné en remplacement de ce qu'ils ont perdu.

Il est difficile de répondre à votre question. Le retour des attelages de chiens ne va pas régler nos problèmes. Il faut toujours nourrir ces chiens.

M. John Bryden: D'après ce que j'ai vu au Groenland et dans d'autres régions du Grand Nord canadien et même en Alaska, les chiens se nourrissent du produit de la chasse. Ils n'ont pas besoin d'essence, comme les motoneiges.

Au Groenland, on a exigé que certaines étapes de la chasse se fassent obligatoirement au moyen de chiens, afin de garder une certaine présence des chiens. On utilise toujours des motoneiges et d'autres véhicules motorisés, mais le gouvernement a créé un programme spécial à cet effet.

Il ne s'agit plus d'une question, mais je tiens à vous dire que si vos collectivités étaient en faveur du retour des attelages de chiens pour pouvoir aller à la chasse dans les cas où il y a une situation d'urgence—mettons que l'avion n'arrive pas, par exemple—, si vos collectivités s'y intéressaient, je serais certainement prêt à soulever la question auprès du gouvernement pour essayer de créer un programme de ce genre.

M. Pita Aatami: En général, les attelages de chiens sont utilisés de plus en plus de toute façon. Beaucoup de gens commencent à avoir de nouveau des attelages de chiens. Il y a des excursions en attelages de chiens et les gens commencent à s'en servir. Après avoir utilisé des motoneiges pendant 30 ans, on commence à s'y habituer. Ce serait un petit recul par rapport à ce qu'on a à l'heure actuelle. On pourrait examiner cette possibilité, mais je ne prétends pas qu'elle va régler le problème.

• 1320

M. John Bryden: Mais ce serait une solution de rechange.

M. Mark Gordon: Oui. Et nous avons communiqué avec des responsables au Groenland qui nous ont dit qu'ils nous fourniraient un chien de traîneau de race qu'ils ont là-bas, car les chiens que nous avons dans le Grand Nord sont de race mixte. Nous connaissons déjà des personnes au Groenland qui seraient prêtes à fournir des chiens à ceux qui voudraient s'équiper d'un nouvel attelage de chiens.

M. John Bryden: Je répète que si les collectivités s'intéressent à cette possibilité, moi, en tant que député, je serais disposé à exercer des pressions sur le gouvernement pour vous aider. Je suppose que, de votre côté, vous présenteriez d'autres demandes. Mais je ne pourrais pas faire cela sans que vous me le demandiez.

Le président: Madame Longfield.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Ma question s'adresse davantage à vous, monsieur le président. Je dois m'excuser auprès de nos témoins. Je regrette toujours quand je ne peux pas être présente au début de la réunion. J'envoie toujours quelqu'un de mon personnel qui me donne une séance d'information très complète après que j'ai lu vos mémoires. Je m'excuse de nouveau de ne pas avoir été présente lors de vos exposés.

Monsieur le président, j'avais beaucoup de préoccupations la dernière fois que nous avons entendu parler de ces questions. J'ai écrit une lettre assez longue au ministre et j'ai demandé qu'un fonctionnaire vienne répondre à certaines des questions qui avaient été soulevées. J'ai appris que plus tôt pendant la réunion aujourd'hui, quelqu'un a de nouveau proposé qu'on fasse venir les fonctionnaires du ministère. Je veux savoir quand ils vont venir. Je pense qu'il faut s'occuper de ces questions, et je suis inquiète lorsqu'on me dit à quel point les discussions deviennent longues. Si on ne poursuit pas nos efforts, il va falloir attendre encore un mois, deux mois ou six mois. D'après moi, la situation est urgente. On ne peut pas continuer à entendre les mêmes histoires sans faire tout ce que nous pouvons pour faire avancer ces dossiers.

J'aimerais savoir—et là encore je m'excuse de ne pas avoir été là plutôt—si nous avons un échéancier et si nous pouvons faire comprendre très clairement qu'il faut en établir un dans les plus brefs délais.

En ce qui concerne les questions de transports, je crois également qu'il serait bon de transmettre les exposés de nos amis du Grand Nord au Comité des transports. Il est difficile pour un comité permanent de faire des recommandations à un autre, mais peut-être que les présidents peuvent se parler entre eux et que vous pourrez essayer d'organiser quelque chose avec le Comité permanent des transports au nom de notre comité. Je pense que si les deux comités s'occupent de la question nous serons plus forts.

[Français]

Le président: En réponse au dernier point que vous avez soulevé, madame Longfield, il n'y a pas de problème étant donné qu'entre présidents, on peut s'écrire. Quant à la convocation immédiate de fonctionnaires, j'irai dîner à toute vitesse et je me rendrai à la Chambre des communes à 14 heures, où je rencontrerai M. Gagliano et Mme Stewart et leur ferai part des revendications des Inuits du Nunavik et des préoccupations de tous les députés.

J'ai apprécié la patience dont ont fait preuve aujourd'hui M. Konrad, du Parti réformiste, et les députés du Parti libéral ici présents. J'essaierai d'obtenir dès cet après-midi la confirmation de la date à laquelle comparaîtront les fonctionnaires. Je demanderai à la ministre que ce soit la semaine prochaine au plus tard.

Je crois que Jean souhaitait demander qu'on ajoute quelque chose à l'annexe.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Nous aurons quelques commentaires à faire concernant notre réunion avec vous aujourd'hui après que Johnny Peters et Jean auront parlé.

• 1325

M. Johnny Peters (Interprétation): Merci.

Tous les habitants du Nunavik qui ont un emploi paient des impôts, qui représentent presque la moitié de leurs gains. Ils touchent leur chèque de paie, vont acheter des provisions, et là encore ils doivent payer des taxes. J'ai remarqué qu'à la fin de l'année beaucoup de personnes finissent par devoir de l'argent au gouvernement. Lorsqu'elles refusent de payer ces sommes, on les menace de poursuites judiciaires, de recours à une agence de recouvrement de comptes, etc.

Il y a des différences importantes entre les Autochtones qui ne paient pas de taxes et impôts et nous-mêmes. Ils profitent des avantages du gouvernement; ce n'est pas notre cas, et pourtant nous sommes des contribuables. Je tiens à répéter que nous payons des taxes et des impôts et que nous avons moins d'avantages que les autres Autochtones du Canada, c'est-à-dire les Indiens.

Merci beaucoup.

M. Jean Dupuis: Finalement, je tiens à remercier tous les membres du comité de nous avoir écoutés aujourd'hui. J'ai hâte de continuer à travailler avec vous sur certaines de ces questions, mais, comme je l'ai fait au début, j'aimerais demander l'appui des membres du comité. J'aimerais demander à l'un ou l'autre d'entre vous d'adopter une motion selon laquelle tous les mémoires et tous les documents que nous avons déposés aujourd'hui seront annexés au compte rendu de la réunion. Cela a été fait plus tôt, mais vous n'aviez pas quorum, et je veux m'assurer que cela sera fait.

Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Vous avez soulevé un bon point.

Monsieur Aatami.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Merci, monsieur le président et membres du comité. Nous avons eu une longue réunion avec vous, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous écouter vous parler des problèmes que nous avons à Nunavik.

Puisque vous nous avez entendu parler de nos préoccupations et de nos problèmes, et puisque vous avez les mémoires, j'espère avoir des nouvelles bientôt de la part du gouvernement du Canada concernant les mesures qui seront prises pour résoudre ces problèmes. Nous espérons avoir des nouvelles avant Noël. Vous pensez peut-être que je rêve en couleur, mais je tiens à avoir quelque chose avant Noël pour que nous puissions avoir un Noël agréable comme les autres Canadiens du Sud, ceux qui n'ont pas les problèmes que nous avons dans le Grand Nord.

Je tiens à remercier particulièrement Guy St-Julien, qui est notre député, d'avoir pris le temps de nous aider dans la région. De plus, il vient toujours nous voir chez nous. Il prend le temps de venir voir la population qu'il représente. Nous vous remercions du travail que vous avez fait jusqu'ici, monsieur St-Julien, et nous espérons que vous continuerez à travailler dans le même sens pour nous.

Je tiens à remercier beaucoup les membres du comité. J'espère qu'on trouvera des solutions à ces problèmes très bientôt.

Je vous remercie encore une fois.

[Français]

Le président: En terminant, j'aimerais dire que depuis des années, les gens du Sud travaillent et voyagent au Nunavik. Ils sont allés travailler dans les aéroports, construire des écoles, faire l'entretien de maisons, exploiter des pourvoiries et oeuvrer dans les domaines du transport, de l'éducation et de la santé. Les visiteurs qui sont de passage, qu'il y aillent pour s'adonner à la chasse ou la pêche ou par affaires, n'ont pas le temps de se rendre compte que le peuple inuit souffre en silence.

Aujourd'hui, nous avons eu l'occasion d'accueillir des gens du Nunavik, des mères et des pères de famille, des amis. Ils ont fait part aux députés du Parti libéral du Canada et du Parti réformiste ici présents de leurs préoccupations, de leurs problèmes et de la douleur de leurs enfants et de leurs familles.

Je tiens à vous dire que notre comité fera tout ce qui est possible pour faire valoir vos droits auprès du gouvernement canadien et des ministres, y compris la ministre des Affaires indiennes, le ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et le ministre des Transports, et les enjoindra de trouver des solutions aux problèmes que vivent les gens du Nunavik.

• 1330

Je tiens à remercier les députés de leur présence et de leur patience.

La séance est levée.

ANNEXES

CHAMBRE DES COMMUNES

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT

DU NORD

MÉMOIRE SUR LE LOGEMENT SOCIAL AU NUNAVIK

Société Makivik Administration régionale Kativik Le 19 novembre 1998

INTRODUCTION

Le 19 mai 1998, la Société Makivik (ci-après appelée « Makivik ») et l'Administration régionale Kativik (ci-après appelée « Kativik ») ont eu l'occasion de faire part au comité de leurs préoccupations au sujet de l'absence de réactions du Canada face au problème du manque de nouveaux logements sociaux au Nunavik.

Depuis lors, Makivik a, en conformité de l'article 3 (Consultations) de l'annexe H de l'Accord sur la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois conclu entre Sa Majesté du chef du Canada et la Société Makivik (l'accord de mise en oeuvre de 1990) conclu le 12 septembre 1990 (pièce 1), envoyé une lettre datée du 11 juin 1998 et adressée par Zebedee Nungak, qui était alors président de Makivik, à l'honorable Jane Stewart, ministre du MAINC (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), lettre dans laquelle on invoque le mécanisme de règlement des différends au sujet du grief suivant : à savoir que le Canada a l'obligation légale de fournir des logements sociaux aux Inuits du Nunavik. Bien que l'échéance prévue dans le mécanisme de règlement des différends pour résoudre un différend au moyen des consultations soit de 60 jours, à ce jour aucune réunion n'a eu lieu à ce sujet avec le MAINC, le Canada nous ayant à deux reprises demandé des délais (voir annexe 12).

En 1981, c'est l'intervention du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord de la Chambre des communes, à la suite d'audiences et du témoignage de représentants de Makivik et des Cris, qui a contribué à lancer le processus qui a abouti au Rapport de février 1982 sur la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (ci-après appelé le « Rapport Tait ») (pièce 2) et qui a débouché en fin de compte sur le programme de «  rattrapage » du logement au Nunavik. Toutefois, cette étape de rattrapage a maintenant été complétée depuis 1995 et, au cours des trois dernières années, aucune nouvelle unité de logement social n'a été construite ou rénovée. Nous espérons qu'une fois de plus, le comité pourra nous aider à mettre en branle un programme d'action au nom du Canada.

Notre requête est simple. Nous voulons que le Canada assume ses obligations envers les Inuits du Nunavik. Nous voulons que le Canada contribue de façon permanente à résoudre nos besoins de logements sociaux.

LE PROBLÈME

En février 1996, Makivik a officiellement demandé, par l'entremise du groupe fédéral de mise en oeuvre créé dans le cadre de l'Accord de 1990 sur la mise en oeuvre, que le MAINC ou la Société canadienne d'hypothèques et de logements (ci-après appelée « SCHL ») participe à un groupe de travail composé de la Société d'habitation du Québec (ci-après appelée la « SHQ »), de Kativik et de Makivik, afin de mettre au point un nouveau programme de logements sociaux pour le Nunavik. À cette date la SHQ avait déjà fait part de sa volonté de participer à un tel groupe.

Cette demande découlait du fait qu'en 1995, on ne prévoyait construire aucune nouvelle unité de logement social au Nunavik, en dépit du fait que le besoin de tels logements était manifeste. En fait, on espérait qu'un tel groupe de travail pourrait travailler à un certain nombre de dossiers en matière de logements, non seulement dans le domaine des logements sociaux, mais aussi dans des dossiers comme les logements privés, le contrôle des loyers, les logements pour personnes âgées, etc.

Notre demande formulée au Canada était fondée non seulement sur une obligation morale, mais sur une obligation légale, puisqu'aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (ci-après appelée la « Convention »), plus précisément aux termes des articles 2.12 et 29.0.2, les programmes qui s'appliquaient aux Indiens devaient également s'appliquer aux Inuits. Comme le Canada continuait de maintenir un programme de logements sociaux pour les Indiens, nous avons considéré qu'un programme semblable devait être mis à la disposition des bénéficiaires inuits de la Convention. Voici le texte des articles 2.12 et 29.0.2 de la Convention :

Article 2.12 de la Convention « Les programmes et le financement fédéral et provincial et les obligations des gouvernements fédéral et provincial continuent de s'appliquer aux Cris de la Baie James et aux Inuits du Québec de la même façon qu'aux autres Indiens et Inuits du Canada, pour ce qui est des programmes du Canada, et du Québec, pour ce qui est des programmes du Québec, sous réserve des critères d'application de ces programmes ».

Article 29.0.2 de la Convention « Les programmes, le financement et l'aide technique actuellement fournis par le Canada ou le Québec, ainsi que les obligations desdits gouvernements relativement aux programmes et au financement continuent de s'appliquer aux Inuits du Québec de la même façon qu'aux autres Indiens et Inuits du Canada, dans le cas de programmes fédéraux, et qu'aux autres Indiens du Québec dans le cas de programmes provinciaux, sous réserve de critères établis de temps à autre en vue de l'application de ces programmes et de l'approbation parlementaire de ces programmes et de leur financement .

La réponse du gouvernement fédéral à ce jour, dans des lettres reçues de Jane Stewart, ministre du MAINC (lettre datée du 5 janvier 1998) (annexe 1) et de son prédécesseur Ron Irwin (lettre datée du 16 décembre 1996) (annexe 2), est que le Canada n'a aucune obligation légale à cet égard.

La demande a été formulée par notre négociateur inuits1 à M. John Sinclair, sous-ministre adjoint du MAINC, qui était alors chargé de mettre sur pied l'organisation et la structure fédérales prévues par l'Accord de 1990 sur la mise en oeuvre, à l'occasion d'une réunion tenue le 22 février 1996. À ce moment-là, on croyait que l'on nous donnerait une réponse avant le 22 mars 1996. Peu après, une réunion a eu lieu entre notre négociateur inuit et des représentants du MAINC et un échange de documents a eu lieu; une « chronologie des événements au sujet du logement au Nunavik » préparés par le MAINC (annexe 3) et un rapport intitulé « Le logement au Nunavik » préparé par Makivik (annexe 4) ont été échangés le 1er mars et le 6 mars 1996, respectivement. Ce dernier rapport était fondé essentiellement sur les portions pertinentes d'un rapport sur le logement au Nunavik qui avait été présenté au gouvernement du Québec par Makivik et Kativik en 1994, dans le cadre de la mise en oeuvre provinciale de la Convention de la Baie James.

Tel que signalé dans la chronologie préparée par le MAINC, en 1981, le Canada et le Québec ont conclu un accord de transfert. Aux termes de cet accord, daté du 13 février 1981 (annexe 5), le Canada transférait au Québec, entre autres éléments d'infrastructure, la propriété et la responsabilité du logement au Québec.

À ce moment-là, le Canada a décidé que c'était le seul moyen de satisfaire la disposition sur le « système unifié » prévue à l'article 29.0.40 de la Convention.

L'article 29.0.40 de la Convention stipule :-

« 29.0.40. Les services actuels de logement, d'approvisionnement en électricité et en eau, d'installations sanitaires et les services municipaux connexes continuent d'être offerts aux Inuits, compte tenu des mouvements de population, jusqu'à ce que le Canada et le Québec et l'administration régionale et les municipalités mettent sur pied un système unifié comprenant le transfert aux municipalités de la gestion des priorités et du logement. »

Makivik, au nom des Inuits du Nunavik, s'est opposé à l'accord de transfert décrété unilatéralement par le Canada, soutenant à l'époque que le Canada devait obliger le Québec à maintenir des niveaux déterminés de services et de construction domiciliaire comme condition du transfert et que les Inuits auraient dû être officiellement parties à cet accord. De plus, Makivik estimait que le «  système unifié  » mentionné à l'article 29.0.40 n'exigeait pas que le Québec assume la responsabilité à l'égard des programmes et services qui étaient antérieurement fournis par le Canada. En fait, nous étions convaincus que la participation du Québec visait à accélérer et à enrichir les programmes fédéraux en cours, non pas à les remplacer.s*u2*xx Kativik a également refusé d'appuyer l'exécution de l'accord de transfert.3

Suite à l'accord de transfert, le Québec a conclu des ententes administratives avec les municipalités du Nunavik en vertu desquelles chacune de ces municipalités assumaient la responsabilité de l'administration du logement dans leurs collectivités respectives. (Pour un modèle de ces ententes, voir l'annexe 6.)

Pendant des discussions avec des représentants fédéraux, en mars et avril 1996, ces derniers ont défendu la position que le Canada avait, grâce à l'accord de transfert, satisfait aux exigences de l'article 29.0.40 de la Convention.

Nous soutenons que l'accord de transfert ne satisfaisait pas les exigences de l'article 29.0.40 de la Convention et qu'il ne constitue pas un « système unifié ». En outre, il est intéressant de signaler que dans l'Accord de 1990 sur la mise en oeuvre, si les Inuits du Québec reconnaissaient, à l'article 9 de l'Accord de 1990 sur la mise en oeuvre (annexe 7), sous réserve des conditions énumérées, que le Canada avait bel et bien rempli ou était en train de remplir les conditions de certaines dispositions de l'article 29 de la Convention, il n'était par contre nullement fait mention de l'article 29.0.40.

À la suite de l'accord de transfert, en mars 1981, Makivik, de même que les Cris, ont présenté toute une série de griefs au Comité permanent des affaires indiennes et du développement du Nord de la Chambre des communes, la question du logement étant l'un des principaux griefs. À la suite des audiences, le comité permanent a pris une mesure sortant de l'ordinaire et a rédigé une déclaration spéciale à l'intention des ministres des Affaires indiennes et de la Santé nationale et du Bien-être social, déclaration dans laquelle le comité souscrivait aux revendications des parties autochtones, selon lesquelles le Canada et le Québec n'avait pas mis en oeuvre des dispositions majeures de la Convention. En réponse à cette déclaration, celui qui était alors ministre du MAINC, John Munro, de même que le ministre de la Justice de l'époque, Jean Chrétien, ont convenu de passer conjointement en revue certaines obligations dont le Canada ne s'était pas acquitté aux termes de la Convention. Le fruit de cet examen conjoint a été le « Rapport Tait » et, conformément aux recommandations faites au Cabinet en même temps qu'a été présenté le Rapport Tait, on a mis sur pied le programme de « rattrapage ». Il est dit clairement dans le Rapport Tait que Makivik n'avait pas reconnu que l'accord de transfert donnait lieu à l'établissement d'un « système unifié » ni que cet accord permettait au Canada d'assumer ses obligations envers les Inuits aux termes de la Convention dans ce domaine.

Il y a lieu par ailleurs de noter que la première phrase du paragraphe 2.1 de l'Accord de mise en oeuvre de 1990 se lit comme suit :-

« L'intention expressément exprimée par les parties au présent accord est que rien, dans l'accord, ne doit être considéré comme une modification, un ajout ou une dérogation par rapport à la Convention et, sans limiter le caractère général de ce qui précède nulle partie du présent accord n'influe sur l'application des paragraphes 2.11 et 2.12 de la Convention ».

et que l'article 29.0.2 de la Convention, à toutes fins pratiques, reprend textuellement le libellé de l'article 2.12 de la Convention. Nous affirmons que les dispositions spécifiques comme l'article 29.0.40 constituent un complément aux dispositions de portée plus générale de la Convention, comme l'article 2.12 qui stipule que les collectivités inuits et cries demeurent admissibles à bénéficier de tous les programmes pertinents en cours, qu'ils soient assurés par le Canada ou le Québec. C'est la raison pour laquelle nous soutenons que si le Canada offre un programme de logements sociaux aux Indiens, il doit offrir le même programme aux Inuits du Nunavik.

Comme il est indiqué dans le rapport « Le logement au Nunavik » (voir annexe 4), la population du Nunavik est plus jeune et croît plus rapidement que la population de l'ensemble du Québec ou du Canada. Presque tous les logements étaient et demeurent subventionnés d'une façon ou d'une autre par le secteur public, parapublic ou même privé. Il n'y a qu'une douzaine de maisons qui sont de propriété privée dans toute la région, la plupart d'entre elles à Kuujjuaq. En mars 1998, il y avait 1 673 unités de logements sociaux au Nunavik, comprenant les nouvelles unités construites depuis 1981 et la rénovation et le remplacement des maisons qui ont été transférées du Canada au Québec en conformité de l'Accord de transfert de 1981.

En se fondant sur le nombre réel de logements sociaux qui existent actuellement au Nunavik et sur des projections démographiques selon lesquelles la population en 2006 sera de près de 11 000 personnes, regroupées dans plus de 3 000 familles, on prévoit que cette année-là, les besoins seront d'environ 1 400 nouvelles maisons au Nunavik.4 À l'heure actuelle (octobre 1998), il y a 425 familles qui attendent de nouvelles maisons au Nunavik (annexe 8).

Nous reconnaissons que le programme de « rattrapage » a été un succès, mais il visait seulement à nous mettre à jour. Tel qu'indiqué ci-dessus, à mesure que la population augmente, nos logements deviennent de plus en plus surpeuplés. Par exemple, on recommence à voir des familles de trois ou quatre générations qui habitent dans la même maison. Il est évident que le surpeuplement crée de mauvaises conditions de santé et sociales. Le surpeuplement fait qu'il est plus difficile pour les enfants d'étudier et de faire leurs devoirs, et l'on a établi un lien entre le surpeuplement et les toxicomanies, la violence familiale et un taux plus élevé de suicides. Pour une analyse approfondie de la situation du logement au Nunavik sur le plan de l'hygiène publique, voir le rapport ci-joint rédigé par le Dr Serge Déry, directeur régional de l'hygiène publique au Conseil régional de la santé et des services sociaux du Nunavik, intitulé «  La situation du logement au Nunavik : Une priorité pour l'hygiène publique » (annexe 9).

À la suite du dépôt de ces rapports, le 26 mars 1996, des représentants du MAINC nous ont dit qu'il leur faudrait un délai d'environ un mois pour répondre à notre demande, afin de pouvoir tirer au clair certaines questions mettant en cause la SCHL.

Le 25 juillet 1996, M. Sinclair, sous-ministre adjoint du MAINC, a envoyé à notre négociateur inuit une lettre dont voici un extrait (annexe 10) :

« Dans le dossier du logement au Nunavik, nous nous efforçons de mieux comprendre la position de la Société centrale d'hypothèques et de logements (SCHL). Nous devons encore préciser certains éléments, de concert avec la SCHL, en ce qui a trait à l'interprétation de certains documents et certains points importants de politique. Nous espérons terminer nos discussions très bientôt afin de pouvoir amorcer avec vous des discussions préliminaires dans cette affaire. »

À l'occasion de rencontres avec des représentants du MAINC, avant et après cette date, on nous a fait comprendre que le MAINC et la SCHL étaient dans une « impasse » dans ce dossier et n'arrivaient pas à s'entendre sur une réponse à nous donner. On a également clairement laissé entendre à nos représentants à ces réunions que si les représentants du MAINC étaient d'accord avec notre position, les gens de la SCHL ne l'étaient pas. On nous a même suggéré de traiter directement avec la SCHL au sujet de cette affaire.

Le 28 octobre 1996, le président de Makivik, Zebedee Nungak, a écrit au ministre du MAINC de l'époque, Ron Irwin (annexe 11), pour donner notre réponse à la suggestion que nous fassions directement affaire avec la SCHL. Voici un extrait de cette lettre :

« En dépit des consultations qui ont eu lieu entre votre négociateur et le nôtre, y compris la préparation en commun, en mars 1996, d'un « historique » du logement social au Nunavik, la question demeure à ce jour non résolue. Des représentants de votre Ministère nous avaient laissé entendre que la faute en incombait à la Société canadienne d'hypothèques et de logements (SCHL), laquelle refuse de reconnaître l'obligation fédérale à cet égard. On nous a même suggéré à un moment donné de traiter directement avec la SCHL en écrivant à son président. Nous avons jugé cette méthode inacceptable. C'est le ministère des Affaires indiennes qui représente le Canada dans les dossiers relatifs à la Convention de la Baie James et à l'Accord de mise en oeuvre; en conséquence, votre Ministère, au nom du Canada, devrait être en mesure de répondre à notre demande mettant en cause une obligation du Canada. »

En réponse à cette lettre, Ron Irwin, qui était alors ministre du MAINC, a écrit le 16 décembre 1996 une lettre à M. Nungak (voir annexe 2) dont voici un passage :

« Sur le troisième point, la position de mon Ministère est que le gouvernement du Canada n'a aucune obligation aux termes de la Convention sur la Baie James et le Nord québécois de fournir un programme de logements sociaux aux Inuits du Nunavik. Aux termes du paragraphe 29.0.2 de la Convention, l'obligation du Canada à cet égard est assujettie aux critères établis en temps et lieu pour la mise en oeuvre de tels programmes et à l'approbation parlementaire générale de ces programmes et de leur financement. Ces conditions excluent actuellement les Inuits du Nunavik des programmes de logements sociaux du Canada, à l'exception de l'initiative des logements en région éloignée. Il n'est pas prévu de lancer un nouveau programme de logements sociaux pour les résidents du Nunavik. J'exhorte plutôt la Société Makivik à avoir des discussions avec la Société centrale d'hypothèques et de logements afin de voir comment les problèmes actuels de logement pourraient répondre aux besoins du Nunavik. »

À la suite des élections fédérales de 1997, deux réunions ont eu lieu entre le président de Makivik et l'actuel ministre du MAINC, Jane Stewart. Ces réunions ont porté, entre autres choses, sur la question du logement social. Toutefois, la ministre Stewart a adopté la même position que son prédécesseur Ron Irwin et, dans une lettre datée du 5 janvier 1998 (voir l'annexe 1) adressée à Zebedee Nungak, qui était alors président de Makivik, elle reprend quasiment mot pour mot la position de M. Irwin :

« Au sujet du logement au Nunavik, je voudrais confirmer la position énoncée par mon prédécesseur, l'honorable Ronald A. Irwin, dans sa lettre du 16 décembre 1996 adressée à Makivik, à savoir que le Canada n'a aucune obligation légale de fournir un programme de logements sociaux aux Inuits du Nunavik. Aux termes du paragraphe 29.0.2 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l'obligation du Canada à cet égard est assujettie aux critères établis en temps et lieu pour la mise en oeuvre de tels programmes et à l'approbation parlementaire générale de ces programmes et de leur financement. Ces conditions excluent actuellement les Inuits du Nunavik des programmes de logements sociaux du Canada. Il n'est pas prévu de lancer un nouveau programme de logements sociaux pour les résidents du Nunavik. J'exhorte plutôt la Société Makivik à avoir des discussions avec la Société canadienne d'hypothèques et de logements afin de voir comment les problèmes actuels de logement pourraient répondre aux besoins des Inuits du Nunavik. »

Enfin, et quelque peu à contrecoeur, étant donné que nous sommes convaincus que c'est le MAINC qui représente le Canada dans les dossiers concernant les Autochtones, des représentants de Makivik et de Kativik, y compris le président de l'époque Jean Dupuis ont rencontré M. Galliano, ministre des Travaux publics et responsable de la SCHL, le 15 mai 1998. La ministre Jane Stewart du MAINC nous avait clairement laissé entendre qu'elle avait abordé avec son collègue le ministre Galliano la question du logement social au Nunavik. Toutefois, quand nous avons rencontré le ministre Galliano, ce dernier a semblé étonné que l'on porte cette question à son attention et a fait savoir qu'à son avis, c'était plutôt le MAINC qui devait s'occuper du dossier. C'est alors que nous nous sommes rendus compte qu'on nous faisait littéralement tourner en rond.

Ayant apparemment épuisé toutes les solutions politiques, nous avons alors invoqué le mécanisme de règlement des différends.

Tel qu'indiqué dans notre lettre du 11 juin 1998 à la ministre Jane Stewart, lettre établissant notre recours au mécanisme de règlement des différends, la condition (critère) à laquelle elle fait allusion dans sa lettre du 5 janvier 1998 (voir annexe 1) est que le programme de logements sociaux offert aux Indiens s'applique seulement aux Indiens qui habitent dans des réserves. En conséquence, ce critère élimine la possibilité d'appliquer ce programme aux Inuits qui n'habitent pas et n'ont jamais habité dans des réserves. Nous ne parvenons pas à croire que le Canada puisse invoquer un argument aussi manifestement erroné pour justifier la non-application d'un programme de logements sociaux aux Inuits.

Oui, des critères peuvent être établis pour de tels programmes, par exemple la vieillesse, le niveau de revenu, etc., pour déterminer le groupe admissible; mais les critères ne doivent pas être établis de manière à exclure tous les membres du groupe.

L'intention du libellé des articles 2.12 et 29.0.2 de la Convention (un libellé semblable se trouve dans l'accord de principe de 1974 qui a débouché sur la Convention) est de faire en sorte que les avantages conférés par la Convention ne remplacent pas des programmes existants, mais viennent plutôt s'y ajouter, et que les programmes existants continuent de s'appliquer. L'un de ces programmes existants est le logement social. Le Canada fournit actuellement des logements sociaux aux Indiens qui habitent dans les réserves et fournit des logements sociaux aux Inuits qui habitent au nord du 60e parallèle, par l'entremise du financement accordé au gouvernement territorial.

À notre avis, la position défendue par le Canada découle de la position de politique énoncée par les représentants fédéraux à une conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres des Affaires autochtones et des leaders des organisations autochtones nationales le 20 mai 1998 à Québec. Dans le communiqué publié à la fin de cette conférence, le Canada énonce la position suivante :

« Pour sa part, mais sans préjudice pour la position de toute partie qui est d'avis contraire, le gouvernement fédéral a réitéré sa position de longue date qu'il a une responsabilité primaire, mais non pas exclusive, à l'endroit des Premières nations qui habitent dans les réserves et des Autochtones qui habitent au nord du 60e parallèle, et que les provinces ont une responsabilité primaire, mais non pas exclusive, à l'endroit des peuples autochtones à l'extérieur des réserves. »

Non seulement cet énoncé de politique est en violation des obligations constitutionnelles du Canada relativement aux peuples autochtones, aux termes du paragraphe 91(24), mais il est aussi manifestement contraire à l'esprit et à la lettre de la Convention de la Baie James.

En outre, il faut noter que les paragraphes 2.1 et 2.2 de l'Accord de mise en oeuvre de 1990 stipule :

« 2.1 L'intention expressément exprimée par les parties au présent accord est que rien, dans l'accord, ne doit être considéré comme une modification, un ajout ou une dérogation par rapport à la Convention et, sans limiter le caractère général de ce qui précède nulle partie du présent accord n'influe sur l'application des paragraphes 2.11 et 2.12 de la Convention. Les parties au présent accord conviennent expressément que rien dans la présente ne constitue une convention complémentaire modificative au sens de l'article 4 de la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James (S.C. 1976-1977, C. 32) et du paragraphe 2.15 de la Convention. Les parties à la présente conviennent en outre que le présent accord constitue un contrat entre les parties par la mise en oeuvre de certaines dispositions de la Convention. »

« 2.2 Les accords complémentaires ou connexes envisagés dans le présent accord ne constituent pas une modification, un amendement ou une dérogation de la Convention et, sans limiter la généralité de ce qui précède, n'influent pas sur l'application des paragraphes 2.11 et 2.12 de la Convention. Les accords complémentaires ou connexes envisagés dans la présente ne prendront pas la forme d'une convention complémentaire modificative au sens de l'article 4 de la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du paragraphe 2.15 de la Convention. »

Quand les Inuits du Nunavik ont accepté d'être visés par la Convention, l'une des principales conditions était que celle-ci devait compléter et non pas remplacer les obligations de l'État fédéral à notre endroit. Cette condition est énoncée dans les articles 2.12 et 29.0.2. Il semble que le Canada tente maintenant de revenir sur cette condition importante.

De plus, il faut noter que le libellé de l'article 29.0.2 de la Convention, qui s'applique aux Inuits, est identique au libellé de l'article 28.1.1, qui s'applique aux Cris :

« 28.1.1 Les programmes, le financement et l'aide technique actuellement fournis par le Canada ou le Québec, ainsi que les obligations desdits gouvernements relativement aux programmes et au financement continuent de s'appliquer aux Cris de la Baie James de la même façon qu'aux autres Indiens du Canada, dans le cas de programmes fédéraux, et qu'aux autres Indiens du Québec dans le cas de programmes provinciaux, sous réserve de critères établis de temps à autre en vue de l'application de ces programmes et de l'approbation parlementaire de ces programmes et de leur financement.

Les modalités, conditions, obligations et critères qui précèdent s'appliquent à tout les programmes fédéraux dont il est question dans le présent article. »

Il est inconcevable que les parties à la Convention, en utilisant un libellé identique dans ces deux articles, avait en tête que les « critères » pourraient être utilisés pour inclure un groupe dans un programme destiné aux Autochtones et en exclure un autre. Par exemple, supposons que le gouvernement fédéral crée un programme qui s'applique uniquement aux Indiens à l'extérieur des réserves et soutienne ensuite que ce programme s'applique aux Inuits du Nunavik, mais pas aux Cris.

Il est ridicule de vouloir faire une distinction de manière qu'un problème qui s'appliquerait aux Indiens dans les réserves ne s'applique pas à nous parce que nous sommes « hors réserve ». Appliquer un critère qui différencie entre les Indiens qui habitent dans les réserves et ceux qui habitent à l'extérieur des réserves est déjà douteux. Appliquer cette norme aux Inuits qui n'ont jamais habité dans des réserves est encore plus douteux, puisque nous n'avons jamais habité dans des réserves, et notre situation est donc différente de celle des Indiens qui ont un statut différent selon qu'ils habitent dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci.

Même notre recours au mécanisme de règlement des différends semble avoir été accueilli avec réticence par le MAINC. Le processus a été mis en branle le 11 juin 1998 (voir annexe 12). Aux termes de l'Accord de mise en oeuvre de 1990 (voir l'annexe H de celui-ci), la première étape des consultations est prévue dans les 60 jours. Au début d'août 1998, nous avons reçu une réponse datée du 22 juillet 1998 à notre lettre du 11 juin 1998, dans laquelle on demandait un nouveau délai (annexe 15). Nous avons répondu par une lettre du 19 juin 1998, signée par notre président d'alors (annexe 14), dans laquelle nous indiquons que nous sommes prêts à prolonger l'échéance jusqu'au 15 octobre 1998. Le 9 octobre 1998, la Ministre a écrit à notre président pour demander que nos représentants communiquent avec M. Jeff Moore, directeur du Bureau de mise en oeuvre de la Convention de la Baie James, afin d'établir un calendrier pour les consultations (annexe 15). Nous n'en revenions pas. Le processus même qui avait été établi pour résoudre les différends devenait lui-même l'objet du litige; nous demandons que l'on respecte le mécanisme établi par la Convention.

Nous ne nous attendions pas à pareil traitement de la part d'un gouvernement qui a la responsabilité fiduciaire d'aider les peuples autochtones et qui est tenu par des obligations contractuelles d'assumer ses responsabilités. Il y a lieu de noter que dans plusieurs décisions récentes rendues par les tribunaux, les juges ont indiqué le niveau de responsabilité et d'obligation qui doit être assumé par le gouvernement fédéral en ce qui a trait aux peuples autochtones.5

— Dans l'affaire Simon c. La Reine, ((1985) 2 S.C.R., 387, pages 401, 402 et 410), M. le juge Dickson a constaté qu'un processus de traité a été mis en branle pour l'avantage mutuel de l'État et des peuples autochtones et que ce processus doit donc être solennellement respecté. Les traités doivent être reconnus comme source de protection des droits autochtones préexistants.

— Dans R. c. Sioux ((1990) 1 S.C.R. 1025, page 1044), M. le juge Lamer conclut qu'un traité est caractérisé par l'intention des parties de créer des obligations mutuelles solennelles et contraignantes.

— Dans R. c. Van Der Peet ((1996) 2 S.C.R. 507, page 536, le juge en chef a conclu que la relation entre l'État et les peuples autochtones et les affaires entre les parties doivent être interprétées de façon généreuse en faveur des peuples autochtones. À cause de la nature des relations entre ces parties, l'État assume une obligation fiduciaire envers les peuples autochtones et c'est l'honneur de la Couronne qui est en jeu. En raison de ces relations et de leurs répercussions, et compte tenu du paragraphe 35(1) et d'autres dispositions légales et constitutionnelles protégeant les intérêts autochtones, il faut donner de la loi une interprétation généreuse et libérale.

— Dans R. c. Badger ((1996) 1 S.C.R. 771, page 794), M. le juge Cory se dit d'opinion que l'honneur de la Couronne est en jeu dans les relations de celui-ci avec les peuples autochtones, qu'il faut toujours supposer que l'État avait l'intention de respecter ses promesses et qu'il ne faut permettre aucune apparence de tromperie.

Récemment, le 21 octobre 1998, le gouvernement du Québec et Kativik ont conclu une entente-cadre sur la région de Kativik (annexe 16), laquelle porte, entre autres choses, sur le dossier du logement. L'entente-cadre anticipe la création possible d'une structure régionale du logement placée sous l'égide de Kativik et chargée d'administrer le programme de logements au Nunavik pour la SHQ, remplaçant ainsi les arrangements administratifs qui existent actuellement entre la SHQ et les municipalités. L'entente-cadre vise à favoriser l'accession à la propriété au Nunavik grâce à des programmes de subventions des nouveaux propriétaires ou de ceux qui seraient disposés à faire l'acquisition du logement social qu'ils habitent. Il est prévu que l'argent recueilli grâce à la privatisation des logements publics, de même que l'argent provenant des arriérés de loyer, sera utilisé et doublé par la SHQ pour financer éventuellement la construction de nouveaux logements sociaux.

Cette initiative est la bienvenue, mais l'on ne prévoit pas que ce sera suffisant pour répondre aux besoins de nouveaux logements sociaux au Nunavik, car rien ne garantit que beaucoup d'habitants du Nunavik pourront se permettre d'acheter une maison neuve ou existante, ni que, compte tenu des niveaux actuels de revenu, le problème des arriérés de loyer pourra être résolu d'une manière autre que partielle.

L'arrangement suggéré dans l'entente-cadre entre le Québec et Kativik pourrait, si le gouvernement fédéral jouait son rôle et devenait partie à l'entente, constituer une amorce de solution pour enfin s'attaquer au problème spécifique de l'article 29.0.40, à savoir la création d'un «  système unifié  », et aussi respecter l'obligation générale que le Canada assume en conformité de l'article 29.0.2 de faire en sorte que ces programmes s'appliquent aux Inuits du Nunavik.

CONCLUSION

Tel qu'indiqué ci-dessus, Makivik, conjointement avec Kativik, a tenté à maintes reprises d'obtenir du MAINC qu'il respecte la Convention et qu'il donne suite à nos préoccupations au sujet du logement social, toujours en vain. En fin de compte, nous avons été forcés d'avoir recours au mécanisme de règlement des différends dans ce dossier. Mais même dans ce dernier recours, nous avons fait face à de l'obstruction. Nous en concluons qu'en dépit des obligations imposées par la Convention et en dépit du fait que l'Accord de 1990 sur la mise en oeuvre a mis en place un processus pour résoudre les différends permettant d'éviter de s'adresser aux tribunaux, le MAINC, qui représente le Canada, assume ses obligations seulement quand il y est forcé par une décision d'un tribunal. En toute déférence, nous affirmons que cette attitude est honteuse.

Nous vous avons présenté aujourd'hui nos préoccupations, dans l'espoir que le comité permanent pourra faire ce que son prédécesseur en 1981 avait réussi à accomplir : « aiguillonner » le gouvernement du Canada pour l'amener à respecter l'esprit aussi bien que la lettre de ses obligations aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Dans ce but, nous demandons au comité permanent de recommander fermement au MAINC de participer, au nom du gouvernement du Canada et de concert avec les parties inuits (Makivik et Kativik) et le gouvernement du Québec, aux efforts en vue de résoudre les problèmes de logements sociaux du Nunavik et de fonder cette participation non pas seulement sur des motifs moraux (qui en soi seraient suffisants) mais aussi sur les obligations légales du Canada envers les Inuits aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

FOOTNOTES

__________

1 Aux termes de l'Accord de mise en oeuvre, « négociateur inuit » signifie la personne nommée par Makivik le 8 mars 1988 pour représenter les Inuits de la Baie James dans le cadre desnégociations menées aux fins de la mise en oeuvre de la Convention, ou son successeur, actuellement Bernard Pennee.

2 Voir les pages 29-30 et 40-44 du Rapport Tait.

3 Voir la page 43 du Rapport Tait.

4 Voir l'annexe 4 du rapport de Makivik/Kativik «  Le logement au Nunavik  » qui constitue en partie l'annexe 4 ci-jointe.

5 Voir aussi la décision dans Les Inuits du Nunavik (représentés par la Société Makivik) et le ministre du Patrimoine canadien et le Procureur général du Canada et Sa Majesté la Reine du chef de Terre-Neuve (Cour fédérale du Canada, division de première instance), dans l'affaire du Parc national Torngat, et les principes énoncés dans cette décision par le juge John Richard.

Mémoire sur le logement social au Nunavik Présenté au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord le 19 novembre 1998 Rédigé et présenté sans préjudice

MÉMOIRE

AU

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES INDIENNES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD CANADIEN

CONCERNANT

LA FISCALITÉ AU NUNAVIK

Présenté par : la Société Makivik et l'Administration régionale Kativik Le 19 novembre 1998

LA FISCALITÉ AU NUNAVIK

Les négociations ayant abouti à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (ci-après appelée la «C.B.J.N.Q.») ont offert de nombreuses options politiques, administratives et fiscales aux Inuit du Nunavik. Dans le but de collaborer avec les gouvernements, les Inuit du Nunavik ont opté dans la C.B.J.N.Q. pour le statut de municipalités, à propos des terres communautaires, par opposition au statut de réserves indiennes et ont également choisi de traiter les questions administratives et les services publics par le biais d'institutions régionales non ethniques.

Les options politiques et administratives choisies par les Inuit du Nunavik révèlent une réalité largement ignorée : les résidants du Nunavik, notamment les Inuit, sont des contribuables à part entière, comme presque tous les autres Canadiens.

Malheureusement, le régime fiscal actuel ne tient pas compte de l'isolement, du climat et du coût élevé de la vie dans la région, ce qui la distingue des autres parties du Canada. Par conséquent, les résidants du Nunavik sont obligés de supporter un fardeau fiscal beaucoup plus lourd que leurs homologues habitant dans les parties plus septentrionales du pays.

La population du Nunavik compte plus de 8 700 personnes (dont environ 94 p. 100 bénéficient de la C.B.J.N.Q.) qui vivent dans quatorze collectivités éparpillées le long des côtes de la baie d'Hudson, de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson. Il n'y a pas de routes qui relient les quatorze collectivités du Nunavik entre elles ou avec les localités situées au sud. À l'exception d'une courte période pendant l'été où les collectivités sont accessibles par voie maritime, les résidants du Nunavik dépendent presque entièrement du transport aérien comme unique lien avec le sud.

Le transport aérien est un moyen très coûteux de transport des biens essentiels et des denrées alimentaires et l'un des principaux facteurs contribuant au coût élevé de la vie dans la région. Le climat est un autre facteur important qui influe sur le coût de la vie au Nunavik. En outre, les coûts de construction au Nunavik sont deux fois plus élevés qu'à Montréal et les coûts d'entretien sont trois fois plus élevés que dans le sud.

Selon une étude du coût de la vie dans les régions éloignées de la province du Québec entreprise en 1989 par le Bureau de la statistique du Québec (BSQ)1 , avec un taux de référence de 100 pour la région de Montréal, le taux moyen pour les collectivités du Nunavik situées le long de la côte de la baie d'Hudson a atteint 212 tandis que le taux moyen le long de la côte de la baie d'Ungava était de 151. La collectivité ayant le coût de la vie le plus élevé (247) était Ivujivik, la plus éloignée de Montréal.

Ces constatations ont été corroborées dans une étude préparée par le M.A.I.N.C.2, en 1996, qui a révélé que le coût d'un panier d'aliments nutritifs pour une famille vivant dans certaines collectivités du Nunavik était plus du double de celui d'une famille vivant à Ottawa.

De plus, la population du Nunavik est jeune et plus de la moitié de ses résidants sont âgés de 20 ans et moins. Comparativement, ce groupe d'âge est presque deux fois plus nombreux que celui de la province de Québec. En outre, d'après le recensement de la population de 1991 de Statistique Canada, la famille moyenne au Nunavik compte 4,4 personnes comparativement à 3,1 dans le reste du Canada. Étant donné le nombre élevé de personnes à charge et le pourcentage plus faible de personnes actives qui en découle (c'est-à-dire les personnes âgées de 15 à 64 ans), la population du Nunavik supporte un fardeau économique et financier plus lourd que les autres Canadiens vivant au sud.

En dehors de l'introduction, il y a quelques années, de la déduction pour les résidants du Nord, déduction du revenu basée sur le nombre de jours durant lesquels une personne réside dans les régions éloignées du Canada, le gouvernement n'a pas reconnu les écarts flagrants dans le coût de la vie par le biais de son régime fiscal. En outre, des études ont démontré que pour bénéficier de la déduction, d'après le nombre moyen de personnes à charge par famille au Nunavik, le revenu de la personne doit être égal ou supérieur à 30 000 $ (selon le recensement effectué par Statistique Canada en 1991, le revenu moyen de la population inuit du Nunavik était de 14 755 $).

De fait, l'entrée en vigueur de certaines taxes, comme la Taxe sur les produits et services, a eu un effet grossissant sur les inégalités qui existent entre l'imposition des résidants dans le nord et dans le sud. Par exemple, étant donné que les consommateurs du Nunavik paient en moyenne 82 p. 100 de plus pour le même produit acheté par le consommateur au sud, lorsqu'on applique la taxe à la consommation fédérale et provinciale combinée de 15,03 p. 100 au coût des marchandises achetées dans la région, les consommateurs du Nunavik paient une taxe de consommation de 27,35 p. 100.

Tant la Société Makivik que l'Administration régionale de Kativik, représentant les résidants du Nunavik, ont fait de nombreuses présentations aux gouvernements fédéral et provincial à propos de la fiscalité dans la région. Alors que le gouvernement fédéral ne s'est pas encore penché sur l'un des nombreux problèmes fiscaux qui rendent la vie impossible dans la région, le gouvernement provincial a pris des mesures concrètes en vue d'alléger une partie du fardeau des résidants du Nunavik.

En janvier 1993, la Société Makivik et l'Administration régionale de Kativik ont présenté un mémoire conjoint au Comité du budget et de l'administration de l'Assemblée nationale du Québec sur le sujet de la fiscalité. Cette démarche a entraîné la création d'un groupe de travail composé de représentants du Conseil du Trésor, du ministère des Finances, du ministère du Revenu et du ministère des Affaires autochtones du Québec, de l'Administration régionale de Kativik et de la Société Makivik. Le groupe de travail a formulé un certain nombre de recommandations dans le but d'assurer une taxation juste et équitable au Nunavik (voir l'Annexe A intitulée Rapport du groupe de travail sur la fiscalité au Nunavik).

Parmi les dix recommandations contenues dans le rapport, cinq ont déjà été mises en oeuvre, notamment l'introduction d'un crédit d'impôt remboursable pour les résidants du Nunavik, ce qui reconnaît le coût élevé de la vie au Nunavik qui le distingue du reste du Québec, ainsi que l'exemption de taxation des subventions au transport accordées aux étudiants du Nunavik par le Conseil scolaire Kativik afin de leur permettre de fréquenter des établissements d'enseignement postsecondaire à l'extérieur de la région (voir les extraits du Budget du Québec de 1998-1999 en Annexe B). On espère que les cinq autres recommandations contenues dans le Rapport du groupe de travail seront mises en oeuvre quelque temps au cours de l'année à venir.

CONCLUSION

Au nom des résidants du Nunavik, nous prions instamment le comité permanent de recommander au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, aux ministères du Revenu et des Finances ainsi qu'au Conseil du Trésor qu'un groupe de travail soit mis sur pied, avec une représentation des organismes nunavik, ayant pour mandat d'examiner les incidences des lois fiscales au Nunavik et de formuler des recommandations visant la mise en oeuvre d'un régime fiscal juste et équitable pour la région.

FOOTNOTES

__________

1 Bureau de la Statistique du Québec. Indice de vie chère des quatre-vingt-quatre localités isolées du Québec, 1990.

2 Lawn, Judith - Programme de contrôle de la subvention accordée au service aérien omnibus : Phase 1 - Enquête sur le prix desproduits alimentaires : Rapport provisoire, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, 1993.

CHAMBRE DES COMMUNES

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU

DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

MÉMOIRE RELATIF À LA NÉCESSITÉ DE VERSER UNE INDEMNITÉ MONÉTAIRE AU TERME DU PROCESSUS RELATIF À LA REVENDICATION D'UNE ZONE MARINE PAR LES INUITS DU NUNAVIK ET AU TRAITÉ Y AFFÉRENT

Société Makivik Le 19 novembre 1998

TABLE DES MATIÈRES

PAGE

INTRODUCTION, ...... 2

A. LE PROBLÈME, ...... 2

B. LA POSITION DU CANADA, ...... 3

(i) L'indemnité déjà versée aux Inuits du Nunavik dans le cadre de la CBJNQ, ...... 3

(ii) La CBJNQ est un règlement modèle de revendication territoriale suivi par la suite par le gouvernement fédéral pour conclure tous les autres traités récents, ...... 3

(iii) La revendication relative à la zone marine du Nunavik est une revendication transfrontalière, ...... 4

C. LA POSITION DES INUITS DU NUNAVIK, ...... 5

(i) L'esprit et le but de la CBJNQ, ...... 5

(ii) Contexte relatif à la politique, ...... 6

(iii) L'indemnité monétaire dans la CBJNQ, ...... 10

(iv) La revendication relative à la zone marine du Nunavik n'est pas une revendication transfrontalière, ...... 12

(v) La position du Canada semble indiquer que le gouvernement du Canada a présenté les faits de façon déformée et frauduleuse au cours des négociations relatives à la CBJNQ, ...... 13

(vi) La position exposée par le gouvernement fédéral indique que les négociations auxquelles participent les Inuits du Nunavik en vue de conclure un traité relatif au Labrador et à la zone marine du Labrador et du Québec sont menées de mauvaise foi, ...... 14

RECOMMANDATION, ...... 26

ANNEXES Annexe 1 : Carte représentant la zone marine du Nunavik.

Annexe 2 : Entente cadre conclue entre les Inuits du Nord québécois, représentés par la Société Makivik, et Sa Majesté la Reine du chef du Canada le 19 août 1993 [versions anglaise et française].

INTRODUCTION

La Société Makivik représente les Inuits du Nunavik (les Inuits du Nord québécois). L'entité qui a précédé la Société Makivik,l'Association des Inuits du Nord québécois (« Northern Québec Inuit Association »), a signé la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (« la CBJNQ ») le 11 novembre 1975. Les Inuits du Nunavik font également valoir leurs droits et leur compétence relatifs aux zones marines du Québec et du Labrador et aux rives du Labrador et des négociations sont en cours à ce sujet avec le gouvernement du Canada. Les Inuits du Nunavik sont en mesure de faire inclure une partie de leurs territoires dans un traité et une autre partie ne peut l'être actuellement. Le présent mémoire porte particulièrement surle principal obstacle actuel aux négociations relatives à un traité portant sur les zones marines avec le gouvernement du Canada, c'est-à-dire sur la question d'une indemnité monétaire. (Voir l'annexe 1 du présent mémoire où se trouve une carte de la « zone marine du Nunavik », la région côtière qui fait l'objet de négociations au cours du processus des négociations relatives à un traité portant sur les zones marines auquel participe la Société Makivik.)

A., LE PROBLÈME

Les négociations visant à conclure un traité relatif aux droits, aux titres et aux intérêts des Autochtones du Nunavik sur une zone marine entourant le Québec et le Labrador achoppe à la position du négociateur en chef du gouvernement fédéral qui affirme au nom du gouvernement du Canada qu'aucune indemnité monétaire ne doit être directement versée aux Inuits du Nunavik. Tout ce que peut offrir le Canada est une somme pour payer les dépenses engagées par la Société Makivik au cours des négociations, au moyen de prêts consentis par le Canada. Le motif invoqué pour adopter cette position est que le Canada s'est acquitté de toutes ses obligations financières relatives à l'ensemble du territoire traditionnel des Inuits du Nunavik en versant une indemnité monétaire à ces derniers dans le cadre de la CBJNQ.

B. LA POSITION DU CANADA

Plus particulièrement, le Canada a invoqué trois arguments pour justifier son refus d'inclure le versement d'une indemnité monétaire dans le traité négocié avec les Inuits du Nunavik relativement à des zones marines.

(i) L'indemnité déjà versée aux Inuits du Nunavik dans le cadre de la CBJNQ.

Le Canada soutient que la Société Makivik a déjà reçu une indemnité monétaire (environ 90 millions de dollars) conformément à la CBJNQ de 1975. Plus particulièrement, le Canada affirme que la politique non écrite du MAIN relative aux revendications spécifie clairement qu'un groupe autochtone ne peut diviser son « territoire traditionnel » pour recevoir une indemnité. Le territoire traditionnel des Inuits du Nunavik comprend des régions du Labrador, la zone marine du Labrador, la zone marine qui entoure le Québec et leur territoire situé au Québec. Dans la CBJNQ, les revendications des Inuits du Nunavik n'ont trait qu'à la partie du territoire du Nunavik incluse dans le Québec, mais le Canada affirme que la Société Makivik ne peut multiplier les demandes d'indemnité monétaire pour chaque partie de son « territoire traditionnel » qui n'a pas fait l'objet d'un règlement dans la CBJNQ.

(ii) La CBJNQ est un règlement modèle de revendication territoriale suivi par la suite par le gouvernement fédéral pour conclure tous les autres traités récents

Le Canada maintient que la CBJNQ et tous les droits et avantages reconnus dans le cadre de celle-ci aux signataires autochtones, notamment une indemnité monétaire, établissent un point de référence pour tous les règlements de revendications territoriales globales par le gouvernement fédéral par la suite et, pour ce motif, le Canada ne peut maintenant augmenter rétroactivement l'indemnité versée aux Inuits du Nunavik pour des parties de leur territoire traditionnel qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement dans le cadre d'un traité. Cela signifie que le Canada dit que l'indemnité monétaire reçue par les Inuits du Nunavik par suite de la conclusion de la CBJNQ équivaut aux indemnités monétaires reçues dans le cadre d'autres traités signés récemment au sujet de revendications territoriales. Le fait de verser maintenant une indemnité « additionnelle » aux Inuits du Nunavik relativement à la zone marine qui entoure le Québec et aux revendications relatives au Labrador et à la zone marine du Labrador, qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement, créerait une « disparité » entre l'indemnité versée aux Inuits du Nunavik dans le cadre de la CBJNQ et l'indemnité monétaire versée à d'autres groupes autochtones dans le cadre d'autres règlements récents relatifs à des revendications territoriales.

(iii) La revendication relative à la zone marine du Nunavik est une revendication transfrontalière

La revendication des Inuits du Nunavik qui porte sur une zone marine (qui fait référence à la revendication des Inuits du Nunavik qui porte sur le Labrador) n'est autre chose qu'une revendication portant sur un territoire transfrontalier. Il n'existe pas de précédent du versement d'une indemnité monétaire par le gouvernement fédéral relativement à une revendication territoriale transfrontalière. À l'appui de cet argument, le Canada cite les alinéas 42.1.1 et 42.1.2 de l'Accord définitif du Nunavut qui prévoient expressément qu'aucune indemnité ne doit être versée relativement aux revendications des Inuits du Nunavut relatives à la province du Manitoba.

C. LA POSITION DES INUITS DU NUNAVIK

(i) L'esprit et le but de la CBJNQ

(a) Le but territorial de la CBJNQ

La CBJNQ avait pour but d'être et elle était manifestement un traité de conception moderne qui n'avait trait qu'aux parties de la province de Québec annexées à celle-ci lors de l'adoption des lois de 1898 et de 1912 intitulées Loi à l'effet d'étendre les frontières de la province de Québec. Le préambule de la Convention comprend les passages suivants :

« ATTENDU QU'il est souhaitable que la province de Québec prenne des mesures en vue de l'organisation, de la réorganisation, de la bonne administration et du développement planifié des régions visées aux lois concernant la délimitation des frontières nord-ouest, nord et nord-est de la province de Québec, 1898 et aux Lois de l'extension des frontières de Québec, 1912;

(...)

ATTENDU QU'en particulier, il convient de s'entendre sur les conditions de la cession des droits évoqués dans les Lois de l'extension des frontières de Québec, 1912; »

Le territoire qui fait l'objet de la CBJNQ y est clairement décrit en utilisant les termes des lois intitulées Loi à l'effet d'étendre les frontières de la province de Québec. Le paragraphe 1.16 de la Convention se lit comme suit :

« 1.16 « Territoire », la superficie complète des terres prévues aux lois de 1912 relatives à l'extension des frontières du Québec (Loi concernant l'agrandissement du Territoire de la province de Québec par l'annexion de l'Ungava, Qué. 2, Geo. V, c. 7, et Loi de l'extension des frontières de Québec, 1912, Can. 2, Geo. V, c. 45) et aux lois de 1898 (Loi concernant la délimitation des frontières nord-ouest, nord et nord-est de la province de Québec, Qué. 61, Vict. c. 6, et Acte concernant la délimitation des frontières nord-ouest, nord et nord- est de la province de Québec, Can. 61, Vict. c. 3). »

(b) Le but de la CBJNQ relatif au règlement du contentieux - un accord hors tribunal.

Les négociations entourant la conclusion de la CBJNQ ont débuté par suite de la poursuite judiciaire intentée relativement au premier projet hydroélectrique de la Baie-James et la CBJNQ a été dans une large mesure un arrangement hors tribunal relatif à cette poursuite judiciaire (voir le paragraphe 2,4 de l'article 2 de la CBJNQ). Cela établit une distinction entre celle-ci et les autres traités conclus récemment et laisse entendre que l'indemnité monétaire versée était à tout le moins dans une certaine mesure reliée à un accord hors tribunal pour « payer la paix ».

(ii) Contexte relatif à la politique

(a) Aucune politique fédérale relative aux revendications ne s'appliquait à l'époque de la conclusion de la CBJNQ

La CBJNQ n'a pas été négociée dans le cadre d'une politique fédérale relative aux revendications. À l'origine, les Autochtones n'ont pas présenté de revendication territoriale; ces derniers n'ont pas cherché à obtenir le règlement d'une revendication territoriale; si on fait abstraction de la poursuite judiciaire dont il est question ci-dessus, la CBJNQ était considérée comme une tentative par le Québec de remplir ses obligations aux termes de la Loi à l'effet d'étendre les frontières de la province de Québec de 1912.

Cette loi prévoyait :

« que la province de Québec reconnaîtra les droits des habitants sauvages dans le territoire ci-dessus décrit dans la même mesure, et obtiendra la remise de ces droits de la même manière, que le Gouvernement du Canada a ci-devant reconnu ces droits et obtenu leur remise, et ladite province supportera et acquittera toutes les charges et dépenses se rattachant à ces remises ou en résultant; » (voir le par. 2(c) de la loi fédérale et le par. 2(c) de l'annexe de la loi provinciale; voir également le par. 2.5 de la CBJNQ). »

Dans l'arrêt R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, la Cour suprême du Canada, tout en formulant des commentaires sur l'absence d'une politique de fond du gouvernement fédéral relative aux revendications des Autochtones, a particulièrement fait référence à la situation dans le nord du Québec (aux p. 1103-1104).

« À la fin des années soixante, le gouvernement fédéral n'accordait même pas de valeur juridique aux revendications des autochtones ». Ainsi, même si elle procédait d'une intention louable, La politique indienne du gouvernement du Canada (1969), contenait (à la p. 12) l'affirmation que « les droits aborigènes [...] sont tellement généraux qu'il n'est pas réaliste de les considérer comme des droits précis, susceptibles d'être réglés excepté par un exemple de politiques et de mesures qui mettront fin aux injustices dont les Indiens ont souffert comme membres de la société canadienne ». Au cours de la même période générale, Hydro Québec a entrepris le développement de la Baie James sans d'abord tenir compte des droits des Indiens qui y vivaient, et ce, même si ces droits bénéficiaient d'une protection constitutionnelle expresse; voir la Loi de l'extension des frontières de Québec, 1912, S.C. 1912, ch. 45. Il aura fallu un bon nombre de décisions judiciaires et notamment l'arrêt Calder de notre Cour (1973) pour que le gouvernement reconsidère sa position. »

(b) La politique relative aux revendications qui s'applique aux négociations auxquelles participent les Inuits du Nunavik sur la zone marine

En 1986, le gouvernement fédéral a adopté une version révisée de la Politique des revendications territoriales globales. Ce document indique que l'un des objectifs de cette politique est le suivant :

« Dans le cadre de ce processus, le groupe requérant se verra accorder des droits définis, des indemnités et d'autres avantages, en échange de l'abandon des droits liés aux titres revendiqués par les Autochtones sur l'ensemble ou sur une partie des terres visées. » (l'auteur a souligné)

La Politique affirme ensuite ce qui suit :

« Les indemnités monétaires peuvent se présenter sous différentes formes de transferts de capitaux, notamment en fonds, en partage des recettes de l'exploitation des ressources et en obligations d'État. Lorsque de telles indemnités s'appliquent, leur montant doit être clairement défini dans le cadre de l'entente, et aucune avance liée aux indemnités monétaires d'un règlement ne sera versée tant que l'entente finale n'aura pas été conclue. Le montant de l'indemnité versée peut être rajusté en fonction des autres dispositions négociées dans les ententes de règlement. Par exemple, le montant de l'indemnité sera réduit selon les dispositions des ententes concernant le partage des recettes de l'exploitation des ressources. On déduira des sommes prévues dans l'entente finale toute dette due par les groupes requérants à la Couronne fédérale. »

La Politique indique également ce qui suit :

« En outre, l'application équitable de la politique devra assurer l'impartialité des règlements. »

Lors des négociations, cette façon de procéder a été renforcée, lorsque les représentants officiels du gouvernement fédéral ont déclaré que la parité et l'égalité des revendications sont requises. De plus, ces derniers ont dit aux représentants de la Société Makivik lors des négociations que les sommes obtenues par un groupe autochtone au moyen d'autres processus, comme des ententes sur des répercussions et des avantages, ne sont pas prises en compte, lorsque le gouvernement détermine l'indemnité monétaire à accorder relativement à leurs revendications globales.

Aucune réclamation territoriale globale n'a été réglée en se conformant à cette nouvelle politique sans qu'une indemnité monétaire n'ait été versée. Aucune politique ne permet d'affirmer qu'une indemnité monétaire ne peut être versée relativement à cette revendication, qui soit à tout le moins équivalente aux sommes versées lors du règlement d'autres revendications territoriales globales ailleurs au pays.

(iii) L'indemnité monétaire dans la CBJNQ

(a) La contribution monétaire minimale du Canada

La CBJNQ n'a pas été négociée ou conclue conformément à une politique du gouvernement fédéral relative aux revendications territoriales. De fait, le gouvernement fédéral a joué un rôle mineur au cours des négociations relatives au traité, sauf en ce qui a trait aux questions qui relèvent directement de la compétence du gouvernement fédéral, comme aux terres de la catégorie 1A des Cris aux articles 4 et 5 de la CBJNQ et à la législation relative à l'autonomie gouvernementale des Cris à l'article 9 de la CBJNQ.

En particulier, en ce qui concerne l'indemnité monétaire dont il est question dans la CBJNQ, le Canada n'a versé que 43,6 pour 100 des premiers 75 millions de dollars (voir l'al. 25.1.4 et l'annexe 1 de l'art. 25). Le Canada n'a pas du tout contribué à payer les deuxièmes 75 millions de dollars, qui l'ont été par la Société d'énergie de la Baie James ou Hydro- Québec (voir l'al. 25.1.7). De plus, le Canada n'a pas contribué à verser les troisièmes 75 millions de dollars, qui l'ont été par le Québec et il s'agissait de redevances, de prestations et de revenus par suite du développement et de l'exploitation du territoire (voir l'al. 25.2.2). Le Canada n'a donc versé qu'environ 14, 5 p. 100 du montant total de l'indemnité monétaire dont il est question à l'article 25 de la CBJNQ. Le tiers de cette indemnité a été versé par les partisans du projet de la Baie James, manifestement pour parvenir à un règlement hors tribunal ou pour « payer la paix ».

(b) Comparabilité avec des traités conclus récemment

En de nombreuses occasions, la Société Makivik a expliqué au cours des négociations que le montant de l'indemnité monétaire versée aux termes de la CBJNQ n'équivaut en aucune façon aux sommes versées en vertu de traités conclus par la suite au Canada relativement à des revendications territoriales. Dans la CBJNQ, les principales dispositions relatives à une indemnité monétaire ne prévoyaient pas le versement d'intérêts ou la prise en compte de l'inflation dans le règlement relatif à cette indemnité. Plus particulièrement, les Inuits du Nunavik ont reçu environ 90 millions de dollars au cours d'une période de 20 ans débutant en 1975; au cours de cette période, il n'était pas prévu que des intérêts seraient versés et que les effets de l'inflation seraient contrebalancés. L'Accord définitif du Nunavut contraste très vivement avec ces dispositions; en effet, il stipule à l'alinéa 29.1.2 qu'au cours d'une période de 14 ans, une indemnité monétaire sera versée à la Fédération Tungavik du Nunavut; on y prévoit le versement d'intérêts et la prise en compte de l'inflation au cours de cette période, ce qui entraînera le versement d'une indemnité monétaire totale de 1 173 430 953,00 $.

CBJNQ (1975) Accord définitif du Nunavut (1993)

Indemnité totale versée (environ) 90 millions $ * 1,173 milliards $

Période des versements 20 ans 14 ans

Population 4 500 (en 1975) 17 500 (en 1993)

Intérêts versés par les gouvernements sur l'indemnité monétaire 0 593 millions $

Indemnité par personne (environ) 20 00 $ 67 000 $ **

* * Partie versée aux Inuits du Nunavik de l'indemnité d'environ 225 millions de dollars attribuée aux Cris et aux Inuits aux termes de l'article 25 de la CBJNQ

* * En incluant les intérêts calculés

(iv) La revendication relative à la zone marine du Nunavik n'est pas une revendication transfrontalière.

La revendication relative à la zone marine du Nunavik et la revendication relative au Labrador ne sont pas des revendications transfrontalières. Ce sont plutôt des revendications portant sur des droits relatifs au pays des Inuits du Nunavik.

De nombreux Inuits du Nunavik sont nés sur les îles situées à proximité de la côte du Québec, ils continuent à y vivre et ils considèrent ces îles et les eaux arctiques comme leur pays. La zone marine fait partie intégrante de la vie et de la culture inuites. Les Inuits du Nunavik utilisent beaucoup les ressources des eaux arctiques et dépendent de celles-ci pour assurer leur subsistance. Ces eaux constituent une source importante de produits alimentaires pour les Inuits du Nunavik et au moins 75 p. 100 de la nourriture consommée par les Inuits du Nunavik est tirée de la mer. Les ressources marines sont essentielles pour maintenir l'économie de subsistance et la culture des Inuits et pour assurer leur stabilité à long terme.

L'exemple cité par le Canada dans l'Accord définitif du Nunavut de 1993, qui a trait aux réclamations transfrontalières des Inuits du Nunavut au Manitoba, ne s'applique pas à la situation créée par la CBJNQ. Dans l'Accord définitif du Nunavut, le Canada a explicitement exclu le versement de toute indemnité aux Inuits du Nunavut relativement à des revendications territoriales au Manitoba. Le libellé de l'Accord définitif du Nunavut est explicite à ce sujet :

« 42.1.1Par dérogation aux autres dispositions de l'Accord, l'article 2.7.1 ne s'applique pas aux terres et aux eaux situées au Manitoba.

42.1.2Les Inuit n'ont pas le droit de solliciter du gouvernement du Canada ni d'obtenir de celui-ci - en échange de quelque revendication, droit, titre et intérêt ancestral des Inuit dans des terres et des eaux situées au Manitoba - d'autre contrepartie que la détermination de leurs droits de récolte des ressources fauniques au Manitoba. »

La CBJNQ ne contient aucune disposition de ce type sur les revendications des Inuits du Nunavik relatives à la zone marine ou au Labrador. De fait, la lettre d'engagement du gouvernement fédéral en faveur des Cris de la Baie-James et des Inuits du Nunavik, datée du 15 novembre 1974 (voir l'annexe B), indique clairement que la CBJNQ ne porte pas sur des revendications autochtones relatives à la zone marine, mais de fait, elle laisse entendre que celles-ci demeurent une question non réglée qui le sera après l'exécution de la CBJNQ.

(v) La position du Canada semble indiquer que le gouvernement du Canada a présenté les faits de façon déformée et frauduleuse au cours des négociations relatives à la CBJNQ

Il y a présentation déformée et frauduleuse des faits soit activement (lorsque des renseignements sont fournis au sujet desquels on sait qu'ils sont faux) ou passivement (lorsque des renseignements ne sont délibérément pas fournis) pour inciter quelqu'un à faire quelque chose.

Toute position prise par le Canada qui laisse entendre que les Inuits du Nunavik ont déjà reçu une indemnité monétaire relative à leur titre et à leurs droits autochtones relatifs aux zones marines et au Labrador par suite du versement d'indemnités monétaires dans le cadre de la CBJNQ soulève la question de la validité de cette dernière. C'est exprimer l'avis que le consentement des signataires inuits du Nunavik à la CBJNQ n'était pas un « consentement éclairé ». Les Inuits du Nunavik ont compris qu'ils acceptaient les conditions et les modalités du traité qui avaient trait au « territoire » défini et non aux zones où ils étaient établis et dont ils exploitaient les ressources traditionnellement en dehors du « territoire » défini. Le fait que le Canada prend maintenant la position ex post facto selon laquelle les indemnités monétaires avaient trait à toutes les revendications des Inuits du Nunavik, réglées ou non réglées, au Québec ou à l'extérieur de celui-ci, sur la terre ferme ou dans la zone marine, semble indiquer que le Canada a présenté les faits de façon déformée et frauduleuse aux Inuits du Nunavik.

Au cours des négociations relatives à la CBJNQ, les négociateurs fédéraux n'ont jamais mentionné le fait que la contribution monétaire fédérale minimale (14,5 pour 100) constituait une indemnité monétaire relative aux intérêts inuits ou cris à l'extérieur du Québec et rien dans le texte de la CBJNQ ne laisse entendre que tel était le résultat de cette contribution. Si telle était vraiment l'intention du gouvernement fédéral à l'époque de la conclusion de la CBJNQ, elle n'a pas été divulguée et cela constitue une présentation déformée et frauduleuse des faits.

(vi) La position exposée par le gouvernement fédéral indique que les négociations auxquelles participent les Inuits du Nunavik en vue de conclure un traité relatif au Labrador et à la zone marine du Labrador et du Québec sont menées de mauvaise foi.

(a) Les engagements relatifs à un traité portant sur la zone marine.

La revendication des Inuits du Nunavik portant sur une zone marine entourant le Québec et le Labrador a été soumise au Bureau fédéral des revendications globales le 25 juin 1991, conformément à la Politique des revendications territoriales globales. Le 7 janvier 1992, le gouvernement fédéral a accepté cette revendication sous conditions. Le 23 juin 1992, des discussions antérieures aux négociations ont été autorisées et elles devaient porter sur le choix des dates et le processus à suivre. Le 27 novembre 1992, la Société Makivik a reçu un document dans lequel le gouvernement fédéral reconnaissait que les conditions requises étaient remplies. Le 7 janvier 1993, le gouvernement fédéral a officiellement accepté la revendication et, le 23 juin 1993, le Cabinet a approuvé un mandat visant à mener des négociations. Le 19 août 1993, les parties ont signé une entente cadre (voir l'annexe 2 du présent mémoire). L'indemnité était indiquée comme une des nombreuses questions qui devaient faire l'objet des négociations.

La revendication des Inuits du Nunavik relative à la zone marine est et a toujours été séparée et distincte de la CBJNQ. Elle a été soumise et acceptée en tant que telle. Le 23 juin 1993, le ministre d'alors, Pierre Vincent, a écrit ce qui suit au président de la Société Makivik :

Le 27 janvier 1992, le ministre Siddon vous a écrit pour vous indiquer que le gouvernement du Canada acceptait de négocier relativement à la revendication soumise par la Société Makivik et portant sur des droits autochtones qui ont trait à certaines zones marines. Je suis heureux de vous apprendre que le gouvernement du Canada a approuvé un mandat relatif à ces négociations et qu'il désire mener des négociations de fond (...) Le gouvernement fédéral s'est engagé à régler les revendications territoriales aussi rapidement que possible et de façon équitable et raisonnable.

La Société Makivik soutient qu'en refusant de négocier une indemnité monétaire qui serait incluse dans le traité qu'il est proposé aux Inuits du Nunavik de signer et qui porte sur une zone marine, le Canada n'a pas respecté son obligation de négocier de bonne foi et qu'il a manqué à son devoir fiduciaire envers les Inuits du Nunavik.

(b) L'obligation de négocier de bonne foi.

Ayant accepté de négocier avec les Inuits du Nunavik des arrangements ayant trait à un traité portant sur les droits et les intérêts des Inuits du Nunavik relatifs aux zones marines, notamment la signature de l'entente cadre du 19 août 1993, la Couronne avait le devoir de négocier de bonne foi. En effet, l'entente cadre elle-même prévoit notamment dans son préambule que les parties entreprendront les négociations de bonne foi.

Dans l'arrêt récent Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, le juge en chef Lamer a affirmé ce qui suit au nom de la majorité au sujet de l'importance de mener des négociations de bonne foi :

« Comme il a été dit dans Sparrow, à la p. 1105, par ». 35(1) « procure [...] un fondement constitutionnel solide à partir duquel des négociations ultérieures peuvent être entreprises ». Devraient également participer à ces négociations les autres nations autochtones qui ont un intérêt dans le territoire revendiqué. En outre, la Couronne a l'obligation morale, sinon légale, d'entamer et de mener ces négociations de bonne foi. En fin de compte, c'est au moyen de règlements négociés - toutes les parties négociant de bonne foi et faisant les compromis qui s'imposent - processus renforcé par les arrêts de notre Cour, que nous pourrons réaliser ce que, dans Van der Peet, précité, au par. 31, j'ai déclaré être l'objet fondamental du par. 35(1) - c'est-à-dire « concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté ». « Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester. »

Delgamuukw, supra, par. 186 aux p. 1123-1124.

Dans ses motifs concordants dans Delgamuukw, le juge La Forest a expliqué (au par. 203) le sens que la Couronne doit donner à la prise en compte des intérêts des peuples autochtones :

« Cette prise en compte doit toujours être faite conformément à l'obligation de la Couronne d'agir honorablement et de bonne foi. En outre, dans l'examen d'une revendication générale visant de vastes étendues de territoire, cette prise en compte ne consiste pas simplement à s'enquérir si des permis ont été délivrés de manière équitable dans un secteur d'activité donné ou si des mesures de conservation ont été régulièrement mises en oeuvre à l'égard d'une ressource particulière. En effet, la question de la prise en compte du « titre aborigène » a une portée beaucoup plus large. L'un des aspects de cette prise en compte, dans un tel contexte, consiste certainement à informer et à consulter les peuples autochtones relativement au développement du territoire. Un autre aspect de la prise en compte est la détermination de la juste indemnisation. Plus précisément, en cas d'expropriation, il faut se demander si une juste indemnité est prévue pour les peuples autochtones; voir Sparrow, précité, à la p. 1119. De l'idée que le « titre aborigène » est un droit donnant ouverture à indemnisation remonte à la Proclamation royale de 1763.

(...)

De toute évidence, la Proclamation prévoyait que les peuples autochtones seraient indemnisés pour la cession de leurs terres; voir également l'ouvrage de Slattery, « Understanding Aboriginal Rights », loc. cit., aux pp. 751 et 752. Néanmoins, il convient de souligner que, dans le présent contexte, la juste indemnité ne peut être assimilée à la valeur d'un fief simple. L'indemnité doit plutôt être considérée en fonction du droit en cause et être propre à sauvegarder l'honneur de la Couronne. » (l'auteur a souligné)

Ainsi donc, une juste indemnisation par suite de l'accès aux territoires autochtones et de leur exploitation constitue une partie essentielle de l'obligation fiduciaire de la Couronne envers les peuples autochtones aux termes du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

(c) Le refus de discuter d'une condition de base ou normalisée

Au cours du long processus de négociation des traités au Canada, chaque traité conclu par la Couronne et les Autochtones au sujet de titres ou de droits autochtones comportait l'inclusion, en tant que composante, le versement d'une indemnité monétaire aux signataires autochtones.

Dans les présentes négociations, le refus de la Couronne d'inclure une composante de ce type dans le traité qui doit être signé avec les Inuits du Nunavik au sujet de la zone marine constitue un refus de discuter d'une condition de base et normalisée dans les traités et les ententes similaires. Relativement à des négociations portant sur des conditions de travail, la Cour suprême a statué qu'une façon d'agir de ce type constitue une violation de l'obligation de négocier de bonne foi. Il s'agit de l'arrêt Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Commission des relations de travail), (1996) 133 D.L.R. (4th) 129 (S.C.C.); [1996] 1 R.C.S. 369.

Le juge Corey a rédigé l'arrêt Royal Oak Mines au nom de la majorité et il a exprimé l'opinion suivante aux p. 396 à 398 des R.C.S. :

« (...) Il peut fort bien y avoir des exceptions mais, en règle générale, l'obligation d'entamer des négociations de bonne foi doit être appréciée selon une norme subjective alors que celle de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention doit être évaluée selon une norme objective, le Conseil prenant en considération les normes et pratiques comparables dans le secteur d'activités. C'est la deuxième partie de l'obligation qui empêche une partie de se dérober en prétendant qu'elle tente sincèrement de conclure une entente alors qu'objectivement ses propositions sont tellement éloignées des normes acceptées dans le secteur d'activités qu'elles doivent être tenues pour déraisonnables. » (...)

Comme la notion d'« effort raisonnable » doit être appréciée objectivement, le Conseil doit déterminer, en fonction des normes du secteur d'activités, si d'autres employeurs ont refusé d'insérer une clause type d'arbitrage des griefs dans une convention collective. S'il est de notoriété publique que l'absence d'une telle clause serait inacceptable pour tout syndicat, alors il n'est pas possible d'affirmer qu'une partie comme l'appelante en l'espèce a négocié de bonne foi. (...)

Si une partie propose l'insertion d'une clause dans la convention collective ou, inversement, refuse même de discuter une condition fondamentale ou normale, qui est acceptable et incluse dans les autres conventions collectives dans ce secteur d'activités dans toutes les régions du pays, le conseil des relations du travail peut conclure à bon droit que la partie ne fait pas un «t

Si une analogie avec le droit du travail continue à être établie, l'obligation de négocier de bonne foi exclut une façon d'agir de ce type qui constitue un refus de prendre en compte des questions qui ont déjà fait l'objet d'une entente 1 ou un changement des conditions au cours du processus de négociation.2 C'est exactement ce que le Canada a fait au sujet de la question de l'indemnité. L'indemnité est une des questions qui a fait l'objet de l'entente cadre. Si le Canada avait l'intention d'exclure cette composante fondamentale et habituelle du processus relatif au traité, cette question aurait dû être traitée et faire l'objet d'une entente lors de la conclusion de l'entente cadre.

(d)  L'obligation fiduciaire

Il est maintenant bien établi en droit qu'il existe une relation fiduciaire entre la Couronne et les peuples autochtones et qu'elle entraîne des obligations fiduciaires.

La Cour suprême a déterminé le lien direct entre le rapport juridique qui existe entre la Couronne et les peuples autochtones et une façon adéquate et réglée par des principes d'analyser et d'interpréter les incidences du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce lien est établi par le caractère fiduciaire de la relation entre la Couronne et les peuples autochtones et les obligations qui découlent de cette relation.

Dans l'arrêt Van der Peet, le juge en chef a statué ce qui suit :

« L'État a, envers les peuples autochtones, une obligation de fiduciaire qui a pour conséquence de mettre son honneur en jeu lorsqu'il traite avec eux. En raison de cette obligation de fiduciaire et de l'incidence de cette obligation sur l'honneur de l'État, les traités, le par. 35(1) et les autres dispositions législatives et constitutionnelles protégeant les droits des peuples autochtones doivent recevoir une interprétation généreuse et libérale : R. c. George, [1966] R.C.S. 267, à la p. 279. Ce principe général doit guider la Cour dans l'analyse des objets qui sous-tendent le par. 35(1), ainsi que dans l'analyse de la définition et de la portée de cette disposition.

L'existence des rapports de fiduciaire qui existent entre l'État et les peuples autochtones emporte en outre que les doutes ou ambiguïtés concernant la portée et la définition des droits visés par le par. 35(1) doivent être résolus en faveur des peuples autochtones. » (l'auteur a souligné)

R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507 à la p. 537.

L'inclusion d'une indemnité monétaire dans les arrangements relatifs à un traité constitue une caractéristique constante dans le passé, des déclarations ont toujours été incluses dans la politique du gouvernement fédéral relative aux revendications, selon lesquelles l'indemnité monétaire constitue une partie intégrante des traités conclus récemment et le Canada a explicitement pris un engagement à ce sujet dans l'accord cadre relatif aux négociations du Nunavik signé le 19 août 1993, selon lequel l'indemnité monétaire doit faire l'objet des négociations; il ne s'agit donc certainement pas d'une question ambiguë. Si quelqu'un exprime l'avis que cette question est ambiguë, la directive fournie par la Cour suprême dans l'arrêt Van der Peet ne laisse toutefois aucun doute et permet d'affirmer que le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 requiert que la Couronne négocie de bonne foi et cela oblige la Couronne à inclure une indemnité monétaire en tant que partie intégrante dans les négociations relatives à un traité.

L'obligation de la Couronne d'agir de bonne foi au cours du processus relatif à un traité qui doit être signé avec des peuples autochtones est similaire à celle du droit international au cours des négociations relatives à une entente.

(...) mais la réalité des obligations (de rechercher les conditions d'une entente au cours de négociations) ainsi assumées est incontestable et des sanctions peuvent être appliquées si, par exemple, une partie rompt les discussions sans justification, qu'il y a des retards anormaux, qu'une partie ne suit pas les procédures convenues, refuse systématiquement de prendre en compte les propositions ou les intérêts de la partie adverse et, plus généralement, s'il y a violation des règles relatives à la bonne foi (Tacna- Arica Arbitration: Reports of International Arbitral Awards, vol. II, pp. 921 et seq.; Case of Railway Traffic between Lithuania and Poland: P.C.I.J., Series A/B, No. 42, pp. 108 et seq.).

Arbitrage relatif au lac Lanoux (entre la France et l'Espagne), [1957] I.L.R. 101 (Arb. Trib.) à la p. 128. (l'auteur a souligné)

De plus, les cosignataires d'un traité, comme les Inuits du Nunavik et le Canada dans le cadre de la CBJNQ, ont l'obligation de faire preuve l'un envers l'autre de la plus parfaite bonne foi. Dans l'affaire New Zealand Maori Council v. Attorney-General, [1987] 1 NZLR 641, P. Cook a fait référence aux obligations fiduciaires des cosignataires d'un traité dans les termes suivants (à la p. 664) :

Ce qui a déjà été dit représente l'acceptation de l'argument des demandeurs selon lequel la relation entre les cosignataires d'un traité crée des responsabilités analogues à des obligations fiduciaires. Je suis d'avis que les procureurs avaient également raison d'affirmer que le devoir de la Couronne n'est pas simplement passif, mais que celle-ci doit protéger activement le peuple maori dans l'exploitation de ses territoires et de ses ressources aquatiques dans toute la mesure du possible.

La position récemment adoptée par le Canada en ce qui concerne les arrangements relatifs à l'indemnité monétaire dans le cadre de la CBJNQ représente une violation de l'obligation fiduciaire du cosignataire d'un traité qui fait connaître 25 ans après la signature de celui-ci une position qui n'a jamais été divulguée et n'a jamais fait l'objet de discussions au cours des négociations relatives à ce traité.

(e) L'indemnité monétaire est l'un des quelques éléments nouveaux dans la relation créée par le traité

Les dispositions d'un traité ont dans une large mesure trait à la reconnaissance mutuelle de conditions préexistantes par les parties. Dans de nombreux arrêts récents, la Cour suprême du Canada a fait référence au rôle important du paragraphe 35(1) en vue de concilier les revendications autochtones et la souveraineté de la Couronne. Dans Delgamuukw, le juge en chef a déclaré ce qui suit :

« En fin de compte, c'est au moyen de règlements négociés - toutes les parties négociant de bonne foi et faisant les compromis qui s'imposent - processus renforcé par les arrêts de notre Cour, que nous pourrons réaliser ce que, dans Van der Peet, précité, au par. 31, j'ai déclaré être l'objet fondamental du par. 35(1) - c'est-à-dire « concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté ». Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester. »

Delgamuukw, supra, par. 186 aux p. 1123-1124

Un auteur a qualifié les traités de « premiers recours constitutionnels » et de principaux moyens pour définir, clarifier et faire respecter les droits des Autochtones :

(...) les premiers recours constitutionnels sont les traités négociés entre les peuples autochtones et ensuite entre les peuples autochtones et les représentants des gouvernements coloniaux. La Proclamation royale de 1763 reconnaît ce processus relatif à la conclusion de traités en affirmant que les droits des Autochtones ne peuvent être cédés qu'à la Couronne. Un processus politique consensuel ou relatif à la conclusion d'un traité demeure le principal moyen de définir, de clarifier et de faire respecter les droits des Autochtones.

Kent ROACH, Constitutional Remedies in Canada, Canada Law Book, 1997, p. 15-2

Dans l'arrêt Delgamuukw, la Cour suprême du Canada a caractérisé le droit des Autochtones comme un droit portant sur un territoire. C'est plus que le droit de pratiquer des activités particulières qui peut lui-même être un droit autochtone. Cela confirme le droit d'exploiter un territoire pour y pratiquer diverses activités, qui ne doivent pas nécessairement constituer des aspects des pratiques, des coutumes et des traditions qui font partie intégrante des cultures distinctes des sociétés autochtones. Le territoire peut être exploité à diverses fins par la société contemporaine, pas seulement pour organiser des activités traditionnelles.

Lorsque sont étudiées les questions discutées lors des négociations relatives à un traité et habituellement incluses dans les instruments relatifs à un traité conclu à l'époque contemporaine, spécialement en prenant en compte l'arrêt Delgamuukw, le fait est que la grande majorité de ces questions n'ont pas trait à l'attribution de droits ou d'avantages par la Couronne à des signataires autochtones, mais plutôt à la reconnaissance par la Couronne de droits préexistants. L'indemnité monétaire est l'un des quelques éléments d'un traité par lesquels la Couronne fournit quelque chose qui est nouveau. Elle acquiert donc une importance spéciale parmi les questions qui sont habituellement incluses dans les traités.

Le fait que la Couronne refuse d'inclure une indemnité monétaire en tant qu'élément à considérer au cours des négociations relatives à un traité portant sur une zone marine qui doit être signé avec les Inuits du Nunavik constitue donc une violation particulièrement grave de ses obligations constitutionnelles.

RECOMMANDATION

Nous recommandons que le Comité permanent se prononce en faveur de la conclusion rapide des négociations menées avec la Société Makivik en vue de signer un traité portant sur la zone marine et de l'inclusion dans celui-ci d'une indemnité monétaire adéquate en tant que composante.

FOOTNOTES

__________

1 Nolisair International Inc. (jugement non publié), 29 septembre 1992, C.L.R.B.R. 796.

2 De Vilbiss (Canada) Ltd., [1976] 2 C.L.R.B.R. 101 (Ont., aux p. 114-115).

Mémoire relatif à la nécessité de verser une indemnité monétaire au terme du processus relatif à la revendication d'une zone marine par les Inuits du Nunavik et au traité y afférent Présenté au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord Le 19 novembre 1998.

Aéroport de Kujjuaq

L'aéroport de Kujjuaq dessert la population de Kujjuaq et de sept autres localités de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson, ce qui représente 54,8 p. 100 de la population totale de la région. L'aéroport est le principal point de transit des passagers en déplacement entre le Sud du Canada et la partie est du Nunavik. De plus, l'aéroport est le point de transbordement de la majeure partie du fret aérien à destination de Kujjuaq et d'une importante proportion du fret aérien destiné aux sept autres localités.

L'aéroport dispose de deux pistes, une piste asphaltée de 6 000 pieds, pouvant recevoir les avions à réaction, et une piste gravelée de 5 400 pieds.

L'aéroport est exploité jour et nuit, sept jours sur sept. First Air, filiale à part entière de la Société Makivik, assure la liaison quotienne, sur jet Boeing 727, entre Montréal, Kujjuaq et Iqaluit. Une autre filiale de la Société Makivik, Air Inuit Ltd., dessert, six jours par semaine, des collectivités de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson au moyen d'avions à turbopropulseurs, des Hawker- Siddley 748 et des Twin Otter de DeHavilland.

En outre, deux autres compagnies inuit sont basées à l'aéroport de Kujjuaq, Atai Air Charters et Nunavik Rotors; le jet-ambulance du gouvernement du Québec utilise également cet aéroport.

Pour saisir l'importance cruciale de cet aéroport pour la région, il est nécessaire de reconnaître ces trois réalités déterminantes :

a. le transport aérien est le principal sinon le seul moyen pratique de transporter les gens et les marchandises dans la région et de les en faire sortir, en raison de son éloignement, en l'absence de routes ou de liaison ferroviaire et vu que le transport maritime d'été ne convient qu'aux marchandises volumineuses, et c'est ainsi qu'on l'utilise actuellement;

b. l'aéroport de Kujjuaq est la plaque tournante des réseaux du transport aérien du détroit d'Hudson et de la baie d'Ungava; il constitue le seul lien entre les localités de cette région et les réseaux intérieur et international de transporteurs aériens;

c. l'aéroport de Kujjuaq joue un rôle essentiel en ce qu'il soutient et stimule le développement économique dans la région.

Transports Canada prévoit d'effectuer d'importantes réparations à la piste asphaltée, celle qui peut recevoir des jets. Ces réparations seraient réalisées en juin, juillet, août et septembre 2000 et 2001, périodes pendant lesquelles cette piste sera fermée à tous les vols.

En janvier 1998, les gens d'affaires et des groupes d'intérêts locaux et régionaux se sont réunis afin de discuter des conséquences de la fermeture de la piste asphaltée et de recommander les mesures à prendre pour réduire au minimum les conséquences de cette fermeture. Les personnes réunies ont conclu que la piste gravelée devrait être prolongée et dotée de l'instrumentation IFR, afin de pouvoir recevoir un Boeing 727 à pleine charge. Il a également été souligné que le Nunavik a été injustement touché par l'introduction des droits d'utilisation de Nav Canada et que la région aurait beaucoup de mal à assumer toute hausse des coûts du transport découlant de la fermeture de la piste asphaltée.

Selon Transports Canada, le coût du prolongement de la piste gravelée et de l'augmentation de ses capacités d'accueil serait prohibitif. Le ministère a également souligné qu'il n'est pas tenu d'assurer une liaison par jets avec Kujjuaq.

Deux autres solutions consistent soit à améliorer la piste gravelée pour y recevoir des Boeing 737 spécialement équipés, et transportant une charge réduite, soit à détourner tous les jets sur La Grande, à quelque 600 milles, sur la côte de la baie James, ou encore à Iqaluit, d'où passagers et fret seraient redirigés sur Kujjuaq par avions turbopropulsés. Pour les raisons présentées plus haut, la contrainte imposée par ce scénario aux consommateurs et aux passagers serait élevée au point de le rendre absolument inacceptable.

First Air réaliserait certes quelques économies sur son service régulier par jets, si les vols étaient déroutés sur LaGrande, mais les coûts additionnels liées à la location d'avions turbopropulsés et à l'embauche d'une autre entreprise de manutention de fret et de bagages à LaGrande se traduiraient par une hausse annuelle nette des coûts d'exploitation de 3,9 millions de dollars. Et la hausse serait encore plus élevée si le point de transition retenu était Iqaluit.

De plus, comme les avions turbopropulsés ne peuvent emporter que le tiers d'une charge, en passagers et fret, d'un Boeing 727, il est probable qu'une partie des passagers et du fret devraient passer la nuit soit à LaGrande, soit à Kujjuaq. Pour ce qui est des passagers à destination de localités de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson, l'on pourrait envisager qu'un trajet entre chez eux et Montréal prenne jusqu'à trois jours. Sachant qu'une nuitée à l'hôtel coûte en moyenne 130 $ et connaissant les frais connexes élevés, notamment pour l'alimentation, une telle situation serait prohibitive pour les voyageurs, surtout les personnes qui voyagent en famille.

Pour couvrir les coûts d'exploitation additionnels, Firts Air estime qu'elle devrait augmenter ses tarifs passagers et marchandises de 27,5 p. 100. Dans une région où le coût de la vie est déjà fort élevé, il est absolument inadmissible que les consommateurs de la région subissent une pareille hausse, laquelle s'ajouterait directement à leur coût de la vie, étant donné que la majeure partie des marchandises transportées constituent des biens essentiels.

La région et les deux ordres de gouvernement ont beaucoup investi pour développer l'industrie touristique; aujourd'hui, on dénombre chaque année quelque 2 100 personnes qui passent par Kujjuaq à destination de camps de chasse et de pêche dans le sud de la baie d'Ungava. En 1998, on a évalué les retombées économiques directes à plus de 12,1 millions de dollars, et ce chiffre ne comprend pas les achats d'oeuvres d'art et d'artisanat inuit, gagne-pain de nombreuses personnes au Nunavik, ni non plus les autres retombées économiques.

Les pourvoiries ne sont exploitées qu'en juillet, août et septembre, ce qui laisse entrevoir l'effondrement pur et simple de cette industrie qui joue un rôle si important dans l'économie locale. La pourvoirie est un marché très concurrentiel et très sensible aux prix. Les études de l'industrie concluent que les clients ne seraient pas disposés à payer leur forfait plus cher et chercheraient plutôt ailleurs. Actuellement, le transport en jet de Montréal à Kujjuaq, en seulement deux heures, est un important argument de vente pour les pourvoyeurs de la région. L'ajout éventuel d'une autre journée de déplacement dans chaque direction rendrait les forfaits carrément irréalisables, pour des clients aux emplois du temps chargés. Dans l'industrie de la pourvoirie, après la fermeture d'une destination, ne serait-ce que pendant deux ans, il est extrêmement difficile d'y ramener la clientèle.

Compte tenu de la hausse considérable du coût de la vie, des désagréments qui seraient causés aux voyageurs et de l'effet dévastateur du projet sur des éléments clés de l'économie régionale, le Nunavik ne souscrira à aucun plan prévoyant le détournement des jets à LaGrande ou Iqaluit. Toute discussion portant sur ce scénario est exclue d'emblée.

L'amélioration de la piste gravelée, pour permettre d'y accueillir des Boeing 737, entraînerait, selon First Air, une augmentation des coûts de l'ordre de 1,7 million de dollars par année, du fait principalement de la réduction de la capacité d'emport du Boeing 737 sur piste gravelée, comparée à la capacité d'un Boeing 737 sur piste asphaltée. À ce propos, l'amélioration de la piste gravelée pour l'accueil de Boeing 727 coûterait quelque 3,5 millions de dollars.

Maintenant, voyons qui perdrait de l'argent si la piste gravelée de l'aéroport de Kujjuaq était améliorée. Les chiffres présentés ci-dessous représentent les coûts du projet de deux ans.

Service de jet à La Grande

Scénario Navette à Kujjuaq Service 737 à Kujjuaq Service 727 à Kujjuaq

Coût pour Transports Canadam 0 $ 2,2M $ 3,5M $

Coût pour la région 7,8M $ 3,9M $ 600k $

Autres incidences économiques

Perte de la clientèle Incidences économiques Incidences économi- touristique et hausse négatives réduites ques négatives des dépenses de considérablement voyage, réduites

Par conséquent, il serait grossièrement injuste que la région ait à défrayer les réparations de la piste asphaltée, à Kujjuaq, sans obtenir en contrepartie une amélioration de la piste gravelée. Il importe d'insister sur le fait que les réparations apportées à la piste gravelée feront partie intégrante de l'infrastructure permanente de l'aéroport et permettront une utilisation plus sécuritaire de la piste par des avions classiques.

Lorsque le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord canadien a rencontré les organisations régionales du Nunavik à Kujjuaq, en mai dernier, le président du Conseil de développement régional de Kativik, Jean Dupuis, a souligné l'absence d'une entente fédérale-provinciale de développement économique, comme il en existe ailleurs au pays. Il serait plus facile de financer des projets de cette ampleur si une telle entente était conclue.

Actuellement, Transports Canada avance à l'aveuglette, sans obtenir du gouvernement fédéral de conseils d'orientation en matière de développement régional. Développement économique Canada, autrefois le Bureau fédéral de développement régional (Québec), a réalisé de nombreuses études et produit maints rapports sur le développement dans le Nord québécois; or, à voir la manière dont Transports Canada s'est occupé de l'aéroport de Kujjuaq jusqu'à ce jour, l'on peut conclure que ces études et rapports n'ont rendu service qu'à ceux qui les ont produits et non pas à la région visée et aux personnes qui y vivent.

Ce cas rappelle beaucoup celui de la mise en oeuvre des politiques de Nav Canada dans la région, pour laquelle il n'a pas été tenu compte des particularités du Nunavik ni des conséquences socio-économiques négatives d'une application uniforme des politiques et des structures, dans le Nord et dans le Sud du Canada. Nous demandons à Transports Canada de présenter une proposition de financement exhaustive fondée sur ces objectifs : améliorer la piste gravelée de manière à maintenir le service quotidien de jets à Kujjuaq; indemniser la région directement pour toute augmentation des coûts du transport découlant du projet et faire en sorte que la région n'ait pas à participer financièrement à l'amélioration ni à la rénovation des pistes.

La dispartion de cet élément essentiel du système de transport entraînerait de graves difficultés pour les gens de Kujjuaq et des collectivités desservies.

Pièces jointes :

Annexe 1 - Étude technique (Rhéaume Allard, Aéroports du Kativik)

Annexe 2 - Lettre de Robert Davis, Président de First Air

Annexe 3 - Lettre d'appui des entreprises locales

ANNEXE 1

RÉPARATIONS MAJEURES À LA PISTE 07-25 DE L'AÉROPORT DE KUJJUA

ÉTUDE TECHNIQUE

L'aéroport de Kujjuaq dessert la population de Kujjuaq et de sept autres localités des côtes de l'Ungava et du détroit d'Hudson. L'aéroport comporte deux pistes orientées 07-25 et 13-31. La piste asphaltée, la 07-25, a une longueur de 6 000 pieds, alors que la piste gravelée, la 13-31, est longue de 5 400 pieds. Des travaux majeurs seront effectués sur la 07-25 en 2000 et 2001, ce qui aura comme effet de perturber l'exploitation de l'aéroport, étant donné que cette piste sera fermée pendant deux périodes de quatre mois.

La piste asphaltée (07-25) est la seule qui permet l'atterrissage et le décollage de gros avions à réaction comme le B727 et le B737. En raison de ses caractéristiques physiques, la piste gravelée ne peut servir qu'à des avions turbopropulsés comme le Convair 580, le HS748 ou le Twin Otter. Toutefois, pendant l'hiver, alors que le sol est gelé et que certaines caractéristiques physiques de la piste s'améliorent, la piste gravelée peut recevoir des B737 avec limitations de poids et des B727 avec de sérieuses limitations de poids, rendues nécessaires par la longueur de la piste (5 400 pieds) et par son inclinaison longitudinale.

L'aéroport de Kujjuaq peut accueillir des avions 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, selon les règles de vol à vue (VFR) et selon les règles de vol aux instruments (IFR). La visibilité minimale est de __ mille et la hauteur de décision est de 283 pieds, pour la piste 07, et de 500 pieds, pour la piste 25. Une approche de précision avec le système d'aterrissage aux instruments (ILS) de catégorie 1 est offerte sur la piste 07. Une approche de non-précision avec alignement arrière est possible sur la piste 25. Les pistes 13 et 31 sont équipées pour les approches classiques. La visibilité minimale pour ces deux pistes est également de __ mille et la hauteur de décision pour la piste 31 est de 600 pieds. Donc, la piste 07-25 offre un meilleur niveau de service. Un pilote peut poser son appareil sur la piste 07 lorsque le plafond est à 283 pieds; pour se poser sur la piste 13 ou 31, il faut un plafond d'au moins 600 pieds.

L'aéroport de Kujjuaq est régulièrement utilisé par deux compagnies aériennes, First Air et Air Inuit. First Air offre une liaison quotidienne de 2 heures avec Montréal, en jet Boeing 727. Air Inuit dessert d'autres localités de la côte de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson comme Kangisqsualujjuaq, Tasiujaq, Aupaluk, Kangirsuk, Quaqtaq, Kangigsujuaq et Salluit. Ait Atai, un affréteur qui exploite principalement des Navajo et des Aztec, est basé à Kujjuaq. L'aéroport est également utilisé par l'avion-ambulance du gouvernement du Québec (un Challenger). Enfin, différentes compagnies d'hélicoptères, qui transportent principalement des équipes d'exploration minière, utilisent aussi l'aéroport.

L'aéroport de Kujjuaq est chargé :

a) de reconnaître que le transport aérien est le principal, sinon le seul, moyen de transporter les personnes et les marchandises dans la région, en raison de son éloignement;

b) d'agir en tant que plaque tournante des liaisons aériennes de la région de la baie d'Ungava et du détroit d'Hudson et de relier la région, de manière permanente, aux réseaux national et international de transport aérien;

c) de permettre d'accéder à la région à des fins commerciales, industrielles et touristiques.

D'importantes travaux de construction devront être effectués à la piste principale (07-25) de l'aéroport de Kujjuaq, pendant les étés de 2000 et 2001, de sorte que cette piste sera fermée à toute circulation en juin, juillet, août et septembre de ces deux années. Il ne restera donc à l'aéropot que la piste gravelée secondaire (13-31). En l'état actuel, cette piste ne peut supporter des atterrissages répétés de jets. Il faut apporter des améliorations à la piste 13-31 pour permettre des atterrissages fréquents de B737, sur une période prolongée. Transports Canada déclare ne pas disposer de fonds pour effectuer de telles améliorations, dont les coûts sont évalués à 2,2 millions de dollars.

Si ces améliorations ne sont pas apportées à la piste 13-31, la collectivité de Kujjuaq et les autres localités servies par l'aéroport de Kujjuaq devront composer avec un niveau de service inacceptable qui nuira à la santé économique de la région. La compagnie aérienne qui dessert l'aéroport aura essentiellement le choix entre deux possibilités. Soit elle débarque passagers et fret de Montréal à La Grande, afin de les transborder sur des avions turbopropulsés, pour faire le trajet de La Grande à Kujjuaq, soit elle fait le transit via Iqaluit. Autrement dit, un vol de deux heures serait transformé en un vol de 5 ou 6 heures et peut-être une nuit passée à La Grande ou Iqaluit, selon la disponibilité d'avions turbopropulsés.

L'un ou l'autre éventualité se traduirait pour la compagnie aérienne par des dépenses additionnelles évaluées à XXXXXXXXXX $. Étant dans l'impossibilité d'absorber de tels frais, la compagnie aérienne devrait les refiler aux utilisateurs.

Qui plus est, une telle hausse de tarifs sonnerait fort probablement le glas de l'industrie touristique. Ces dernières années, des efforts considérables ont été consacrés au développement de la chasse et de la pêche dans la région. Les mois de juillet, août et septembre représentent la haute saison touristique. Dans un marché concurrentiel, le vol de deux heures en jet, depuis Montréal, est un excellent argument de vente. La solution de remplacement, c'est-à-dire la correspondance avec La Grande ou Iqaluit, découragerait la majorité de nos clients. Cette importante activité économique ne serait pas perturbée qu'en 2000 et 2001; l'effet se ferait sentir pendant de nombreuses années. En fait, l'industrie, qui dépend tellement de la qualité du transport aérien au Nunavik, ne se remettrait probablement jamais de cette chute de la qualité du service deux années de suite.

Nous voyons donc qu'il est essentiel d'améliorer la piste 13-31 afin de maintenir la liaison par jet pendant la durée des travaux sur la piste 07-25.

Deux scénarios d'amélioration de la piste 13-31 ont été examinées : travaux requis pour permettre l'atterrissage d'un B737 et travaux requis pour l'atterrissage d'un B727. Le coût du premier scénario s'élèverait à 2,2 millions de dollars et le coût du second scénario serait de 3,5 millions de dollars. Dans le premier cas, il faut prévoir un entretien quotidien de la piste pour s'assurer du maintien de conditions d'exploitation sécuritaires; des restrictions de poids seraient imposées. Dans le second cas (B727) de graves restrictions de poids seraient imposées. Malgré un programme d'entretien quotidien, il est probable qu'un B727 ne pourrait pas atterrir pendant les longues périodes de pluie.

Il est donc recommandé d'améliorer la piste 13-31 afin qu'elle puisse accueillir des B737. Les restrictions de poids se traduiraient par des coûts additionnels pour la compagnie aérienne et, en bout de ligne, pour les clients. Les avions devront être loués par First Air; il existe un nombre limité de B737 cargo au Canada. Une décision doit être prise dès 1998, afin que First Air puisse entreprendre des négociations avec d'autres compagnies en vue de s'assurer de la disponibilité de ce type d'aéronef en mai 2000.

Même si une liaison jet est assurée avec des 737, les tarifs fret et voyageurs augmenteront. Nous croyons qu'il appartient à Transports Canada d'absorber ces coûts additionnels puisqu'ils sont entraînés directement par le projet de Transports Canada. Transports Canada devrait soit rembourser les consommateurs directement, soit subventionner la compagnie aérienne.

Carp (Ontario), le 9 novembre 1998

Honorable David Collenette Ministre des Transports Place de Ville - tour C 29e étage 330, rue Sparks Ottawa (Ontario) K1A 0N5

Monsieur le Ministre,

Le 23 juin 1998, Transpors Canada a publié un communiqué de presse concernant le projet d'amélioration de la zone asphaltée de manoeuvre des aéronefs à l'aéroport de Kujjuaq.

First Air a appris de Transports Canada que la piste 07-25 sera essentiellement fermée à tous les types d'avions de juin à septembre inclusivement, en 2000 et en 2001. Nous avons également appris de Transports Canada que la surface portante de la piste 13-31 ne convient pas aux avions à réaction lourds, dans les conditions qui règnent en été. Cet état de choses interdit à toutes fins pratiques à First Air d'employer des B737 et des B727 pour assurer son service régulier à cette localité, pendant les périodes indiquées ci-dessus.

La réalisation des travaux projetés par Transports Canada occasionnera pour First Air une augmentation vertigineuse de ses frais d'exploitation, pendant les deux années visées. Pour maintenir un service aérien régulier et fiable, First Air se verra forcée de refiler la facture additionnelle aux utilisateurs de son service. Or, compte tenu du nombre relativement modeste de clients, ces frais additionnels auront une incidence majeure sur l'économie locale et sur les habitants. Nous aimerions chercher avec la collectivité une solution au problème, car la responsabilité de recouvrer ces frais additionnels ne doit pas reposer uniquement sur les épaules de la collectivité ou de First Air; elle revient à Transports Canada.

Dans le but de lancer ce processus, First Air propose deux scénarios visant à quantifier, au moyen d'une estimation préliminaire, les coûts additionnels qui seront requis pour maintenir un niveau acceptable de service régulier

Scénario 1

Ce scénario prévoit le détournement de tous les vols jet réguliers de First Air vers La Grande, au Québec, et le transbordement du fret, du courrier et des passagers à bord d'avions turbopropulsés HS748 d'Air Inuit, pour leur transport à leur destination finale, Kujjuaq. Ce scénario se traduirait par certaines économies pour First Air, du fait de la réduction du temps de vol de ses jets, mais par l'ajout de frais pour la location des HS748 d'Air Inuit et les services de manutention à La Grande.

Voici un aperçu des coûts additionnels qui seraient engendrés par ce scénario :

économies sur les frais d'exploitation réguliers des B727 (First Air : Montréal/La Grande plutôt que Montréal/Kujjuaq), ( 630 00 )

Location de HS748 (Air Inuit : La Grande/Kujjuaq), 4 260 000

Manutention (par une autre entreprise - coûts estimatifs), 270 000

Coûts additionnels, par année,  3 900 000 $

Scénario 2

Ce scénario prévoit l'utilisation exclusive d'avions mixtes B737 équipés pour les pistes gravelées, pour assurer le service actuel, et suppose que Transports Canada effectue, à ses frais, les améliorations nécessaires à la surface portante de la piste 13-31. First Air exploite actuellement un parc mixte de B737, de B727-100 et de B727-200, dont certains sont équipés pour les pistes gravelées et d'autres ne le sont pas, selon les charges projetées et réelles. First Air subirait une hausse de ses frais d'exploitation en conséquence de l'utilisation exclusive de B737-200, car elle serait forcée d'effectuer plus de vols pour transporter la quantité nécessaire.

Les coûts additionnels liés au maintien du service des B737 pendant les quatre mois des travaux sont évalués comme suit :

vols réguliers additionnels de B737 (Montréal/Kujjuaq, surtout des touristes), 960 000

vols cargo additionnels de B737 (Montréal/Vald'Or/Kujjuaq, passagers, fret, poste), 690 000

Coûts additionnels, par année, 1 650 000 $

Ces scénarios sont fondés sur un certain nombre d'hypothèses, dont les suivantes :

1. Les coûts sont indiqués en dollars courants, sans prise en compte de bénéfices et en vertu des exigences réglementaires actuelles. Il n'a pas été tenu compte des variations futures des coûts ou des exigences réglementaires.

2. L'emport total requis est fondé sur les données disponibles sur les passagers, le fret et le courrier.

3. Il est supposé qu'Air Inuit pourra transporter passagers et marchandises à bord des HS748 dont elle dispose déjà. Pour assurer le volume élevé de transport prévu au Scénario 1, il se pourrait que les coûts soient plus élevés.

@4. First Air possède actuellement un B737 non équipé pour les pistes gravelées, exploité dans l'Est de l'Arctique, et loue deux B737 équipés pour les pistes gravelées, exploités surtout dans l'Ouest de l'Arctique. Les baux de location de ces deux derniers expirent en septembre 1999. Le Scénario 2 suppose qu'un avion équipé pour les pistes gravelées sera disponible. S'il fallait équiper un avion pour les pistes gravelées, il faudrait ajouter une dépense d'environ 600 000 $, laquelle n'a pas été comptée dans le Scénario 2.

5. Tous les coûts sont approximatifs et susceptibles d'être examinés de plus près lorsque l'on connaîtra le sort réservé à la piste 13-31.

Le Scénario 1 aurait comme effet net une augmentation de tous les tarifs de First Air, c'est-à- dire passagers, fret et courrier, d'environ 27,5 p. 100. En vertu du Scénario 2 et en supposant que Transports Canada se charge de tous les frais d'amélioration de la piste 13-31, les tarifs de First Air devraient être haussés d'environ 12 p. 100, uniquement pour compenser la hausse des frais d'exploitation.

La surface de la piste 13-31 serait améliorée, certes, mais il importe de souligner que la longueur de la piste, sa surface gravelée et son inclinaison imposeraient au B727 et au B737 de lourdes contraintes sur la charge transportée. Il serait impossible de transporer une charge maximale, surtout à l'atterrissage, pour le B727, et au décollage, pour le B737. Cette limitation des charges transportées est le principal facteur d'augmentation des coûts d'exploitation.

Comme vous pouvez l'imaginer, le coût additionnel pour la collectivité serait catastrophique, quelque soit le scénario retenu. Devant l'alternative, il est évidemment dans l'intérêt de la collectivité que le service de jet soit maintenu, afin que soient limités au minimum les coûts additionnels et que soit maintenu un service acceptable, du point de vue du confort et de la célérité.

First Air fournit un service essentiel à la collectivité, en l'absence de liaison routière et ferroviaire et compte tenu de la courte saison de navigation maritime. Les habitants de la région n'ont pas le luxe du choix des moyens de transport, contrairement à ceux de localités semblables du Sud. C'est pour cette raison que Transports Canada doit prendre à sa charge les coûts additionnels découlant des travaux, afin d'assurer le maintien d'une liaison fiable, essentielle et régulière.

La collectivité ressent encore les durs contrecoups des droits imposés par Nav Canada, lesquels continueront d'augmenter jusqu'en l'an 2000. Une fois appliqué intégralement, ce transfert de coûts d'un service jadis fourni par le gouvernement, à la suite de la privatisation, fera monter d'environ 10 p. 100 la facture du transport du fret. First Air estime que l'imposition des droits de Nav Canada est injuste et qu'il serait absolument inadmissible qu'une situation difficile soit rendue intenable par une augmentation des frais liés à l'amélioration d'une piste.

Nous sollicitons une rencontre le plus tôt possible, quand cela vous conviendra, en compagnie des dirigeants communautaires intéressés, afin de discuter de ce grave problème avec lequel le Nunavik est aux prises.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.

FIRST AIR

Robert (Bob) Davis Président directeur général

c.c. M. J. Adams - KRG M. G. St-Julien, député M. P. Aatami, First Air M. P. Horsman - Air Inuit M. D. Allard - Makivik M. B. Myers, MAINC M. H. Gordon, Poste Canada

MÉMOIRE

AU

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES INDIENNES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD CANADIEN

CONCERNANT

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT MARITIME AU NUNAVIK

Présenté par : la Société Makivik et l'Administration régionale Kativik Le 19 novembre 1998

PROGRAMME D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT MARITIME AU NUNAVIK

La Convention de la Baie-James et du Nord québécois (ci-après la «C.B.J.N.Q.»), signée il y a vingt-trois ans presque jour pour jour par le gouvernement du Canada et les représentants des Inuit du Nunavik, contient tout un chapitre consacré au développement économique et social des Inuit. Dans ce chapitre, figure un article concernant les infrastructures maritimes pour chaque collectivité du Nunavik, à savoir :

«29.0.36 Le Canada et le Québec, en collaboration avec les communautés inuit intéressées, entreprennent, aussitôt que possible et selon les fonds disponibles, des études concernant l'aménagement de bases pour hydravions et de débarcadères, de pistes d'atterrissage, d'aides à la navigation et d'installations portuaires, y compris des voies d'accès et des rues dans chaque communauté. L'Administration régionale doit participer à ces études, dès sa création.»

Plus de douze années s'étaient écoulées depuis la signature de la C.B.J.N.Q. lorsque, conformément à l'Entente auxiliaire Canada-Québec sur le développement des transports (1985-1990), sans consultation des Inuit du Nunavik, le Québec entama la construction de petites plates-formes de déchargement dans deux collectivités du Nunavik pour faciliter ses propres opérations de ravitaillement par bateau. La construction de ces «quasi-débarcadères» a été stoppée en 1988 à la demande du président de l'époque de l'Administration régionale Kativik qui avait été informé par des fonctionnaires québécois qu'une telle construction remplirait toute obligation découlant de l'article 29.0.36 de la C.B.J.N.Q.

Suite à ces protestations, un «Comité Canada/Québec/Inuit sur le transport maritime» a été mis sur pied, lequel a fait la tournée des quatorze collectivités du Nunavik en février 1989 et a rencontré et interviewé des maires, des conseillers, des membres des sociétés foncières, des chasseurs et des pêcheurs ainsi que d'autres intervenants intéressés comme des expéditeurs, des transporteurs, des gérants de magasin, etc. Les constatations du groupe de travail ont été rassemblées dans un rapport rédigé par M. Jacques Brouard de Transports Canada et publié en juin 1989.

Les préoccupations des résidants du Nunavik étaient identiques dans les quatorze collectivités. La fourniture d'un programme d'infrastructures maritimes pour le Nunavik doit garantir :

a. de meilleures conditions de sécurité de la navigation dans une région où la navigation maritime demeure un mode de transport essentiel;

b. de meilleures conditions d'accès à l'eau pour les villages où les fortes fluctuations maréales empêchent les résidants de naviguer la plupart du temps;

c. de meilleures entreprises et installations de transport maritime dans les villages qui dépendent totalement du transport maritime pour la livraison des marchandises sèches et des fournitures lourdes;

d. de meilleures perspectives économiques pour les villages côtiers au chapitre des prises fauniques, de l'aménagement touristique et du commerce intercommunautaire, etc.

Même si le groupe de travail a continué de se rencontrer après la publication du rapport par M. Jacques Brouard, ni les représentants fédéraux ni les représentants provinciaux siégeant à ce groupe de travail n'étaient mandatés pour résoudre les besoins d'infrastructures maritimes des résidants du Nunavik.

Le 12 septembre 1990, une Entente sur l'application de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (ci-après appelée « Entente d'application ») a été signée entre le Canada et la Société Makivik au nom des Inuit du Nunavik. Entre autres choses, l'Entente d'application contenait une annexe portant spécifiquement sur le transport maritime (voir l'Annexe A ci-jointe). Ladite annexe prévoit la mise sur pied d'un Programme d'infrastructures de transport maritime du Nord québécois incluant un échéancier de mise en oeuvre, lequel programme devait entrer en vigueur au plus tard le 1er octobre 1994.

En dépit des conditions de l'Entente d'application, la nomination d'un représentant fédéral a pris du temps. Une nouvelle «première» rencontre du groupe de travail a été organisée le 24 janvier 1991. Cependant, les responsables fédéraux n'avaient toujours pas de mandat spécifique ni de budget pour agir, pas même des fonds de déplacement. En conséquence, le représentant fédéral s'est retiré du groupe de travail le 3 avril 1991.

Par suite de l'absence de mandat des représentants gouvernementaux, d'un manque de fonds pour garantir la réalisation possible d'études convenables, des changements au niveau du personnel, du transfert de la responsabilité pour les infrastructures maritimes au sein des ministères et de l'échec des gouvernements fédéral et provincial en vue de s'entendre sur le financement de ce projet, deux années entières se sont écoulées. Ce n'est qu'en janvier 1993 que la Société Makivik a été assurée que des études financées par les gouvernements fédéral et provincial se dérouleraient pour concevoir l'infrastructure appropriée sur une base individuelle dans chaque collectivité. En outre, la Société Makivik a été assurée que les ministères fédéraux et provinciaux participaient maintenant pleinement à ce projet et que la phase des études devrait aboutir directement à la mise en oeuvre du programme.

Les véritables consultations et études ont débuté au cours de l'été de 1993 dans trois collectivités dites représentatives des conditions maritimes relevées dans les onze autres collectivités du Nunavik; les collectivités choisies étaient Quaqtaq, Puvirnituk et Kangiqsualujjuaq. Les onze autres collectivités devaient faire l'objet d'études au cours de l'été de 1994 et un rapport final devait être déposé au groupe de travail en avril 1995.

Pendant tout ce temps, lors de diverses rencontres avec les représentants gouvernementaux et des experts-conseils, les Inuit du Nunavik se sont vu présenter des modèles perfectionnés par ordinateur et des maquettes du genre d'installations proposées. Les résidants du Nunavik ont été incités à croire que l'ensemble du programme, d'un coût approximatif de 120 millions de dollars plus ou moins 25 p. 100, serait très vraisemblablement mis en oeuvre sur une période de dix ans ou moins.

Inutile de dire que, lors de ces consultations communautaires, les attentes des Inuit avaient été stimulées non seulement pour ce qui est de recevoir enfin les infrastructures maritimes prévues dans la C.B.J.N.Q. mais également de bénéficier des retombées qu'une telle construction aurait pour la région en matière d'emplois et de développement économique.

Malgré les vastes études de pré-faisabilité qui se sont déroulées et qui reconnaissent la nécessité de construire des infrastructures maritimes dans chacun des 14 villages du Nunavik, la mise en oeuvre du programme a été retardée une fois de plus. Les Inuit ont été informés que le financement du programme pour la construction des infrastructures maritimes, disponible au moment de la signature de l'Entente d'application, ne l'était plus. Même si les parties avaient reconnu qu'il n'y avait aucune garantie quant au niveau de financement du programme des infrastructures maritimes, tout laissait croire implicitement, à la fois par les négociations ayant abouti à l'Entente d'application et au cours des années ultérieures, qu'il y aurait un certain niveau ou degré de financement fédéral pour permettre la création d'un programme d'infrastructures maritimes pour l'ensemble du Nunavik.

Ce n'est qu'en mai 1996 que le groupe de travail a été effectivement reconvoqué avec pour mandat d'examiner les études techniques préparées pour chacune des quatorze collectivités, dans le but de réduire le coût du programme et aussi de rédiger une entente entre toutes les parties à propos de la mise en oeuvre d'un Programme d'infrastructures maritimes pour le Nunavik. Ce mandat a provoqué la réduction du Programme d'infrastructures maritimes d'un coût approximatif de 120 millions de dollars à environ 80 millions de dollars plus ou moins 25 p. 100 en 1996. En outre, pendant le reste de l'année 1996 et jusqu'à l'été de 1997, des projets d'ententes de principe ont été rédigés par les parties. Le projet d'entente de principe prévoyait la construction d'un programme de 80 millions de dollars sur une période de dix ans et contenait notamment les principales dispositions concernant le financement du programme, la gestion du projet, l'embauchage d'entreprises et de travailleurs inuit pour effectuer les travaux de construction.

En même temps que la reconvocation du groupe de travail, un sous-comité spécial des finances a été créé et il regroupait divers ministères du gouvernement fédéral sous l'autorité du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ce sous-comité avait pour mandat d'élaborer divers scénarios et de formuler des recommandations en vue d'obtenir le véritable financement nécessaire pour assumer les coûts de construction.

Une fois de plus, les attentes des Inuit en vue d'obtenir des infrastructures maritimes adéquates et leur espoir d'avoir des emplois et des retombées économiques ont été stimulés. De fait, afin de ne pas perdre une autre saison de construction et même si les conditions d'une entente de principe finale n'avaient pas été atteintes, le gouvernement fédéral a approuvé et obtenu un financement de plus de 2 millions de dollars pour commander les études techniques, les dessins définitifs et le cahier des charges, en plus des études environnementales pour les trois collectivités étudiées à l'origine, à savoir Kangiqsualujjuaq, Quaqtaq et Puvirnituq.

Le financement des études techniques a été assumé à parts égales par le ministère des Pêches et des Océans, Transports Canada et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Reconnaissant leur obligation envers les Inuit du Nunavik de poursuivre le Programme d'infrastructures maritimes, ces trois ministères ont accepté d'injecter chacun un million de dollars par an pendant dix ans (soit au total 30 millions de dollars). D'autres efforts devaient être déployés pour obtenir des fonds supplémentaires auprès d'autres ministères ou organismes fédéraux.

Durant toute l'année 1997, les discussions avec les représentants fédéraux siégeant au sous-comité des finances ont reposé sur la mise en oeuvre d'un programme de 80 millions de dollars. Les négociations se sont poursuivies au sujet des conditions d'une entente de principe basée sur un programme de 80 millions de dollars, dont la version préliminaire comportait dix-huit pages couvrant tous les divers aspects du programme, tel que mentionné précédemment.

Ce n'est que le 23 décembre 1997 que des représentants de la Société Makivik ont été convoqués à une rencontre avec des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et se sont vu présenter une entente de deux pages visant à financer la construction d'infrastructures maritimes dans des collectivités à déterminer pour un montant total de 30 millions de dollars payables sur dix ans. Les représentants de la Société Makivik ont été informés que des fonds supplémentaires ne seraient pas disponibles et que, s'ils n'acceptaient pas la proposition, il n'y avait pratiquement aucun doute que les fonds ne seraient pas disponibles à l'avenir.

La réunion du 23 décembre 1997 a été suivie d'une lettre de la ministre Jane Stewart, en date du 5 janvier 1998, adressée au président de l'époque de la Société Makivik et mentionnant que la Société avait jusqu'au 9 janvier 1998 pour accepter ou refuser les conditions de l'entente du 23 décembre 1997. Toutefois, la ministre reconnaissait dans sa lettre du 5 janvier 1998 que le niveau de financement était insuffisant pour achever tous les projets identifiés dans le programme et mentionnait que son ministère continuerait à déployer tous les efforts possibles pour identifier d'autres sources de financement.

Étant donné l'ultimatum «à prendre ou à laisser», le 19 janvier 1998, au beau milieu des pannes d'électricité causées par la tempête de verglas du siècle, les Inuit ont annoncé qu'ils acceptaient les fonds comme étant suffisants pour la construction d'infrastructures maritimes dans seulement trois des quatorze collectivités du Nunavik. L'Entente a été signée en éléments séparés au cours du mois de juin 1998.

Avec l'aide du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, la Société Makivik a fait une demande de financement pour un montant de 10 millions de dollars auprès du ministère du Développement régional du Québec. Alors que ce processus suit son cours, ces fonds seraient insuffisants pour achever le programme, même si on réussissait à les obtenir.

CONCLUSION

Les Inuit du Nunavik sont des gens de la mer qui ont de tout temps été tributaires de la chasse et de la pêche pour une part importante de leur alimentation et ils le sont toujours aujourd'hui. Les vastes études de pré-faisabilité réalisées démontrent clairement la nécessité, dans les quatorze collectivités, d'améliorer la sécurité de la navigation et l'accès à l'eau, d'améliorer les installations pour les opérations de ravitaillement par bateau qui serviront toutes à améliorer les perspectives économiques de ces villages côtiers. Il est inacceptable que les besoins d'infrastructures maritimes de seulement trois des quatorze collectivités seront satisfaits.

La clause concernant les infrastructures maritimes contenue dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécois faisait partie d'un chapitre complet concernant le développement économique et social des Inuit. Dans une région ayant un taux de chômage élevé et faisant face à des obstacles énormes pour son développement économique, la réalisation d'un programme complet d'infrastructures maritimes est indispensable. Le potentiel de création d'emplois et les retombées économiques du programme ont une grande portée.

Nous sommes d'avis que le gouvernement du Canada n'a pas rempli ses obligations concernant les infrastructures maritimes pour le Nunavik, telles qu'envisagées par l'Entente d'application signée en 1990. Nous sommes d'avis que les retards excessifs dans la mise en oeuvre d'un Programme complet d'infrastructures de transport maritime pour le Nord du Québec dans les délais prévus incombent au seul Canada. Le gouvernement du Canada a agi de mauvaise foi et a induit en erreur les Inuit du Nunavik depuis la signature de l'Entente d'application au sujet du niveau de financement fédéral pour permettre la création d'un programme d'infrastructures maritimes pour l'ensemble du Nunavik.

Au nom des Inuit du Nunavik, nous prions instamment votre comité permanent de recommander au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qu'il doit, au nom du gouvernement fédéral, accorder un financement suffisant aux Inuit du Nunavik pour garantir qu'un programme d'infrastructures maritimes conforme au devis estimatif révisé préparé en 1996 (de 80 millions de dollars plus ou moins 25 p. 100) soit réalisé. Les Inuit du Nunavik ne peuvent pas accepter un programme d'infrastructures maritimes comportant des «nantis» et des «démunis».

AIR INUIT LTD.

Au sujet des questions relatives au transport aérien, nous voudrions d'abord exprimer notre reconnaissance au comité pour avoir envoyé rapidement, au mois de juin, deux lettres de demandes de renseignements adressées au ministre des Transports et portant sur les évacuations sanitaires (Medevac) et les frais imposés pour Nav Canada au Nunavik, lettres qui faisaient suite aux requêtes que nous vous avons présentées sur ces questions à Kuujjuaq le 20 mai 1998.

Nous vous signalons toutefois qu'en dépit de votre intervention, la situation qui a donné lieu à nos requêtes originales est demeurée essentiellement inchangée. Aujourd'hui, nous voulons revenir officiellement sur ces deux questions. Nous vous proposons une solution aux problèmes que cause actuellement au Nunavik le barème de frais imposé par Nav Can et nous espérons que notre suggestion vous incitera à intervenir de nouveau et encore plus vigoureusement.

1. Le nouveau règlement sur la période de service de vol et notre incapacité de répondre à toutes les demandes d'évacuation sanitaire au Nunavik.

À la suite de la lettre envoyée en juin par Guy St-Julien, le ministre des Transports a refusé de remettre à Air Inuit une dispense provisoire et limitée relativement à la période de service de vol pour les missions effectuées par un équipage de deux pilotes à bord d'un avion biturbot réacteur dans des situations d'urgence présentant un danger de mort au Nunavik. On nous a demandé de participer aux réunions transcanadiennes tenues par le ministère sur cette question, réunions qui devaient avoir lieu à la fin de l'été ou à l'automne. On nous a récemment avisés que ces rencontres ont maintenant été remises au début de l'année prochaine.

Étant donné l'importance de cette question, sans parler de la réputation internationale dont jouit l'aviation de brousse au Canada et dont nous sommes tous fiers, nous sommes extrêmement déçus que le Ministère ne puisse accorder une plus grande priorité aux missions d'intervention d'urgence médicale au Nunavik. Dans la droite ligne de la tradition susmentionnée établie par nos prédécesseurs professionnels, nous nous attendions à ce que ce dossier fasse immédiatement l'objet d'efforts énergiques de la part des fonctionnaires du ministre, quelle que soit leur position conservatrice au sujet de la période de service de vol.

Depuis notre rencontre en mai, il y a eu au Nunavik un certain nombre de cas de gens qui sont tombés gravement malades et qui ont été obligés de passer la nuit dans des postes isolés dans l'attente d'un avion; heureusement, aucun de ces délais n'a été fatal.

Compte tenu de ce qui précède, nous demandons de nouveau au comité de présenter au Ministre une requête de dispense provisoire pour Air Inuit, en conformité de notre protocole opérationnel devant être défini avec notre bureau régional de Dorval.

2. L'impact disproportionné des frais de Nav Canada sur les habitants du nord du Canada et en particulier du Nunavik.

Afin de bien comprendre la gravité des conséquences négatives de ces nouveaux coûts imposés aux habitants du Nunavik, il faut d'abord se familiariser quelque peu avec le contexte socio-économique de notre région. En bref, la population du Nunavik est d'environ 8 500 âmes, dont 8 000 sont des Inuits. L'économie locale est encore toute récente et reste extrêmement fragile : le revenu disponible de la majorité de la population est quasiment inexistant. Il est par ailleurs important de savoir que les études que nous menons continuent de faire ressortir que l'activité économique dans la région constitue essentiellement une boucle fermée, c'est-à-dire que les capitaux d'investissement ne font que transiter dans le Nord pour être réinjectés dans l'infrastructure du Sud et la main-d'oeuvre du Sud.

D'après nos calculs, et même d'après les propres prédictions de Nav Can, les nouveaux frais que Nav Canada propose d'appliquer coûteront encore plus de un million de dollars par année aux résidents et à l'économie du Nunavik. Cela s'ajoute à d'autres augmentations des coûts de notre ligne aérienne, qui se chiffrent à environ trois millions de dollars au cours des trois dernières années, tout cela en raison des initiatives fédérales (CAR, période de service de vol, etc.). Nos utilisateurs n'ont tout simplement pas le revenu nécessaire pour absorber ces augmentations. Nos efforts de développement local en subiront un dur coup.

Comme ces nouveaux coûts viennent de différents bureaux du gouvernement, nous doutons sérieusement que quelqu'un au ministère des Transports, ou même au ministère des Finances, soit au courant des répercussions économiques cumulatives de ces diverses initiatives fédérales pour le Nunavik.

La dernière révision des frais proposés par Nav Canada est censée tenir compte de la dynamique particulière du Nord par les points suivants :

1. En retardant la mise en oeuvre de la phase 2 jusqu'au 1er novembre 1999 pour le « Nord ».

Seulement, on définit le « Nord » comme étant la région située « au nord du 60e parallèle », ce qui exclut nos principales bases du Nunavik.

2. Nav Canada est tenu par la loi d'écouler d'abord son surplus accumulé de 1997 qui se chiffre à quelque 30 millions de dollars, ce qui a bel et bien retardé la mise en oeuvre de la phase 2 dans toutes les régions jusqu'au 1er mars 1999.

Seulement, cette stratégie n'entraîne aucune réduction des coûts pour notre région, seulement un délai de quelques mois jusqu'à leur imposition.

3. La dernière révision de Nav Canada quant aux frais proposés inclut une bonification pour la lutte contre les incendies dans le Nord.

Seulement, chez nous, au Nunavik, il n'y a pas d'arbre et la région est couverte de neige ou de glace pendant la plus grande partie de l'année.

4. Nous avons participé au « processus de consultation » de Nav Canada et y avons investi des efforts, en particulier en plaidant contre les frais disproportionnés imposés au type d'aéronef que nous utilisons principalement. Nav Canada a accepté de réévaluer les frais selon les types d'aéronef.

Seulement, leur plan révisé a peut-être abaissé les coûts pour d'autres types d'avion, mais les frais ont augmenté de 25 p. 100 pour notre appareil HS748.

Nous espérons sincèrement que ce petit scénario de « bonnes et mauvaises nouvelles » à quatre points imposé par Nav Canada ne constitue pas une réaction punitive à nos protestations énergiques au sujet de leur programme de frais dans le Nord.

Pour ne pas surcharger indûment notre requête, nous excluons de la présente nos arguments fondamentaux contre les visées de Nav Can dans le Nord; ces arguments sont énoncés dans l'annexe ci-jointe et nous sommes confiants que, après mûre réflexion, vous les jugerez fondés. Nous voulons vous convaincre de souscrire à la proposition suivante, étant donné que nous sommes malheureusement convaincus qu'il faudra une intervention législative pour la mettre en oeuvre.

Dans la réponse qu'il a envoyée à la lettre que Guy St-Julien lui avait adressée l'été dernier, le ministre des Transports, David Colenette, établit aux yeux de tous que Nav Can a permis aux transporteurs aériens et aux utilisateurs d'économiser approximativement 150 millions de dollars. Mais en raison de la conception même du programme, ces économies, qui sont admirables et dont il faut leur reconnaître le mérite aux gestionnaires de Nav Can, bénéficient uniquement aux grands transporteurs du Sud et à la population du sud du Canada.

À la suite de ces excellents efforts, une famille de quatre personnes habitant dans le Sud aura désormais 24 $ par année de plus en revenu disponible. Au contraire, une famille de quatre personnes habitant au Nunavik devra dorénavant assumer un coût supplémentaire après impôt de l'ordre de 500 $ par année.

Si le gouvernement du Canada obligeait Nav Can à transférer dans la partie septentrionale du pays (le Nunavik et les T.N.-O.) ne serait-ce que 10 p. 100 des économies notoirement réalisées par Nav Can dans le sud du pays, cette famille de quatre personnes habitant dans le Sud empocherait encore 21,60 $ par année, tandis que la famille de quatre habitants dans le Nord verrait sa situation financière inchangée. Pour le long terme, il importe par ailleurs de faire remarquer que l'on éviterait ainsi de porter un dur coup à nos efforts de développement économique.

Si la phase 2 du programme de Nav Canada est mise en oeuvre dans sa forme actuelle, les mesures en questions toucheront une région où :

1. Le revenu annuel médian des Inuits adultes est de 10 114 $.

2. Cinquante-sept pour cent de la population inuit adulte gagne moins de 10 000 $ par année.

3. Dans une localité comme Umiujaq, le coût d'un panier d'épicerie permettant de nourrir une famille de quatre personnes pendant une semaine était déjà, avant la création de Nav Canada, de 254 $, en comparaison de 125 $ à Ottawa et 130 $ à Winnipeg.

Comme, par ailleurs, le revenu médian d'un Blanc habitant dans le Nord est supérieur à 35 000 $ par année, nous sommes forcés de faire remarquer que le programme actuellement prévu par Nav Can frappe particulièrement durement les citoyens inuits. Nous trouvons que c'est extrêmement regrettable, compte tenu du contexte actuel au Canada.

La Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne visait à tenir compte des circonstances particulières du Nord, des distances énormes, de la population clairsemée, des localités isolées, de sa dépendance envers le transport aérien pour des services essentiels et de son manque d'options en matière de transport. L'alinéa 35(1)g) de la loi stipule que « les frais applicables aux services nordiques ou éloignées désignés...ne doivent pas être plus élevés que les frais imposés pour des services semblables utilisés au même degré ailleurs au Canada ».

Comme le comité a le mandat de s'occuper à la fois des questions autochtones et des questions relatives au développement du Nord, et comme notre participation au processus de consultation sur Nav Canada n'a pas été couronnée de succès, nous vous exhortons de réexaminer cette loi et de veiller à ce que l'on interprète l'alinéa 35(1)g) de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne dans le sens suivant : « l'incidence de ces frais, par habitant, ne doit pas être sensiblement plus élevée pour les Canadiens du Nord que pour les Canadiens du Sud ». Nous vous pressons instamment de faire bénéficier les Canadiens du Nord des économies réalisées, à hauteur de 10 p. 100.

Merci d'avoir pris le temps de nous écouter.

ANNEXE A :

Nous soutenons que le barème des frais de Nav Canada pénalise le Nord pour les raisons suivantes :

1. Les contribuables canadiens, y compris les Inuits du Nunavik, ont déjà payé l'infrastructure de navigation aérienne par leurs contributions historiques aux recettes du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, le gouvernement vend cette infrastructure à Nav Canada et il se trouve donc à être de nouveau payé pour cette infrastructure par le biais de ces nouveaux frais plus élevés. C'est un cumul de revenu, et cette revendication est appuyée par un récent article publié dans le Globe and Mail, dans lequel on pouvait lire : « Des membres du Comité fédéral des questions de pollution atmosphérique disent qu'Ottawa empoche chaque année des centaines de millions de dollars (de l'industrie de l'aviation) en transférant ses activités de Transport Canada à des entreprises à but non lucratif du secteur privé ».

2. La formule actuelle de Nav Canada pour le calcul des frais comprend un paramètre du « poids brut de l'aéronef ». Cela ne devrait pas s'appliquer directement dans notre cas, étant donné qu'à cause de la longueur des pistes, même si le HS748 (appareil couramment utilisé dans le Nord qui constitue le gros de notre flotte) a un poids brut d'environ 45 000 livres, nous sommes obligés par le nouveau règlement aérien de décoller à un poids inférieur, à cause de la longueur de la piste à un certain nombre d'endroits. De plus, étant donné les caractéristiques géographiques de notre région et d'autres facteurs, notamment la disponibilité d'aéroports de dégagement et la quantité de carburant que nous devons emporter, notre charge utile est encore réduite davantage par rapport aux exploitants du Sud. Si l'on nous fait payer les mêmes frais que dans le Sud, nous devrions avoir, au départ, une infrastructure de la même qualité. Et un dernier point important à cet égard : au sujet de la longueur des pistes, notre situation n'est pas la même que celle des T.N.-O. : les nôtres ont le plus souvent 3 500 pieds, tandis qu'aux T.N.-O., les pistes ont 4 000 pieds. Les habitants du Nord, en particulier au Nunavik, sont donc touchés de façon disproportionnée.

3. Les frais de Nav Canada ont été conçus pour être compensés par l'élimination de l'ancienne taxe sur les billets aériens et c'est effectivement le cas dans le Sud. L'ancienne taxe, toutefois, s'appliquait seulement aux passagers, pas au fret. Dans le Sud, les voyageurs présentent la plus grande partie du trafic. Il en résulte qu'un transporteur comme Air Canada, et ses voyageurs du Sud, réalisent des économies nettes. La formule de Nav Can ne tient toutefois pas compte de la dépendance universelle envers le transport aérien dans le Nord, en particulier en ce qui a trait au transport de marchandises.

4. Les citoyens du Nord reçoivent toutes leurs denrées essentielles par voie aérienne. Il n'existe au Nunavik aucun réseau routier ou ferroviaire qui pourrait servir de solution de rechange en matière de transport. Si une famille du Nord trouve que le coût des voyages aériens est trop élevé, elle ne peut pas choisir de voyager par Via Rail ou Greyhound. Dans une région géographique où l'on transporte plus de marchandises que de voyageurs par voie aérienne, le secteur tout entier a maintenant été assujetti aux nouveaux frais.

5. Dans le Nord, les avions cargos volent vers le Nord la soute pleine et reviennent vers le Sud à vide, contrairement à ce qui se passe entre Ottawa et Montréal ou Calgary et Vancouver. Par conséquent, les frais imposés pour les deux envolées doivent être payés à même une seule charge utile, ce qui en redouble l'impact. Là encore, les citoyens du Nord assument un fardeau fiscal disproportionné.

6. La population du Nunavik est à peu près égale à celle de Arcola, en Saskatchewan. La population toute entière des Territoires du Nord-Ouest est à peu près celle de Sault-Sainte-Marie, en Ontario. Il est inconcevable qu'une initiative du gouvernement fédéral dans le domaine du transport aérien aboutisse à l'extraction d'un million de dollars par année d'une ville comme Arcola ou de 11 millions de dollars d'une ville comme Sault-Sainte-Marie. Nous trouvons qu'il n'est pas acceptable de frapper aussi durement le Nunavik, que c'est contraire à la façon canadienne de faire les choses.

NAV CANADA

NAV CANADA a remplacé TRANSPORT CANADA à titre de fournisseur des services de navigation aérienne civile au Canada. À ce titre, NAV CANADA coordonne les mouvements des avions dans l'espace aérien intérieur canadien et dans l'espace aérien international dont le contrôle est assumé par le Canada.

Aux termes de la Loi sur la commercialisation des services civils de navigation aérienne, NAV CANADA, qui est une compagnie du secteur privé, est autorisée à faire payer des frais pour ses services de navigation aérienne.

Le 1er mars 1998, la « phase 1 » du barème de frais de NAVCAN est entrée en vigueur. En même temps, la taxe sur le transport aérien a été diminuée pour être plafonnée à 30 $ le billet, alors que le maximum était auparavant de 55 $ le billet.

Contrairement à la TTA que les transporteurs aériens percevaient au nom du gouvernement et remettaient directement au gouvernement, les frais de NAVCAN sont facturés aux lignes aériennes (et non pas aux passagers). Les lignes aériennes sont maintenant forcées d'augmenter le prix de leurs billets pour récupérer le montant des frais de NAVCAN.

En conséquence, quand le voyageur examine son billet, il voit qu'il y a une baisse de la taxe sur le transport aérien et une augmentation du prix du billet de son transporteur aérien.

Le 1er novembre 1998, la TTA a été éliminée complètement; le plafond de 30 $ par billet est éliminé. À ce moment-là, la « phase 2 » des frais de NAVCAN devait entrer en vigueur, avec une augmentation supplémentaire et correspondante du montant des frais imposés aux usagers par NAVCAN.

Toutefois, NAVCAN étant une entreprise à but non lucratif et après examen de ses revenus accumulés à ce jour, il a été décidé de remettre la phase 2 au 1er mars 1999.