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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 novembre 1998

• 0917

[Traduction]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.)): Bonjour.

[Français]

Aujourd'hui, le mardi 17 novembre 1998, notre ordre du jour prévoit que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur le développement économique autochtone.

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jerry Primrose, qui représente les Premières Nations de Nelson House et le Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc., et qui est accompagné de l'un de ses adjoints. Je vous invite à faire votre déclaration d'ouverture, monsieur Primrose. Puisque vous êtes de la nation crie, pourriez-vous confirmer comment on dit bonjour dans votre langue? Est-ce bien tansi?

[Traduction]

M. Jerry Primrose (chef, Premières nations de Nelson House, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.): Merci, monsieur le président.

Nous désirons remercier le comité permanent de nous avoir invités à le rencontrer. Sydney Garrioch, le grand chef intérimaire de la région de MKO, devait être ici aujourd'hui mais en raison d'autres engagements, il m'a demandé de le remplacer.

M. Tom Nepetaypo vous parlera des grands points de notre exposé et je vous donnerai certains détails supplémentaires.

Merci.

M. Tom Nepetaypo (président-directeur général, Société de développement des Premières nations du nord du Manitoba): Merci beaucoup.

Bonjour mesdames et messieurs. Je m'appelle Tom Nepetaypo. Je travaille avec le groupe MKO. En fait, je suis un PDG de la Société de développement des Premières nations du nord du Manitoba, qui est affiliée au MKO, et en constitue l'organe de développement économique.

• 0920

Pour que vous compreniez bien ce dont nous vous parlerons ce matin en matière de développement économique, nous vous avons remis certaines cartes.

La première indique où se trouvent les collectivités des Premières nations. Vous en avez ainsi une vue d'ensemble pour tout le Manitoba.

La deuxième carte indique les limites du territoire de Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ou MKO. Le trait noir délimite la région nord du Manitoba, qui est le territoire dont nous parlons lorsqu'il est question des stratégies socio-économiques du MKO.

La troisième carte présente les trois conseils tribaux qui composent le MKO—le Island Lake Tribal Council, le Keewatin Tribal Council et le Swampy Cree Tribal Council. Ils font tous trois partie de l'organisation MKO.

Sur cette carte vous voyez également ce que nous appelons les trois bandes indépendantes—Nelson House, Norway House et Cross Lake. Elles ne font pas partie des trois conseils tribaux que j'ai nommés plus tôt, mais elles sont membres de l'organisation MKO. Je voulais qu'on comprenne clairement cette nuance.

La quatrième carte présente les affiliations de traité. La majorité d'entre nous font partie des groupes qui ont signé les traités 5, 6 et 10.

La cinquième carte indique les bandes qui ont demandé à adhérer au traité 5 et qui en sont devenues signataires.

C'est la deuxième carte qui est la plus importante aux fins de la discussion de ce matin.

Notre grand chef intérimaire, M. Sydney Garrioch, vous a remis une copie de notre mémoire. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de l'étudier ou de le lire. Je sais que la plupart d'entre vous sont très occupés. J'ignore si vous parvenez à consacrer le temps qu'il faut pour ce travail.

À l'époque où je faisais affaire avec le gouvernement fédéral, j'essayais de convaincre nos députés de réserver du temps pour ce genre de choses, parce qu'elles sont très importantes pour chacun d'entre nous.

Si vous avez des questions sur notre exposé, nous serons très heureux d'y répondre. Voulez-vous qu'on vous présente un exposé en bonne et due forme?

[Français]

Le président: Merci beaucoup. Je tiens à vous dire que nous apprécions grandement les cartes que vous venez de nous remettre. Elles nous aideront à bien nous situer. Sachez aussi que vous êtes mes voisins, parce que mon comté est juste de l'autre côté de la baie d'Hudson. À l'avenir, je pourrai vous regarder.

Vous aimeriez ajouter quelque chose, monsieur Primrose?

[Traduction]

Le chef Jerry Primrose: Oui. Dans mes commentaires d'introduction, j'ai oublié de signaler que je suis le chef de la nation crie Nisichanusihk, qu'on appelait jadis Nelson House. Nous avons repris le nom traditionnel.

Je désire également signaler qu'aux termes de la stratégie que nous venons vous expliquer aujourd'hui, nous envisageons divers secteurs ou volets sur lesquels nous pourrions fonder notre développement économique, comme le secteur forestier.

Actuellement, divers intervenants, tout particulièrement Tolko, procèdent à l'exploitation de ressources forestières au Manitoba et se rapprochent de notre territoire. À titre de Première nation, je crois qu'il nous importe de profiter de ce débouché, et d'exploiter ces ressources forestières pour Tolko ou pour la collectivité autochtone.

Je sais qu'il existe de graves pénuries de logement dans les collectivités des Premières nations et c'est une des questions qui nous intéressent beaucoup à titre de représentants de MKO. Je voulais le signaler.

• 0925

De plus, dans le secteur des biens de consommation et des services, certaines Premières nations pourraient assurer des services de guide, d'écotourisme et de guide de pêche, pour ne nommer que ceux-là.

Il y a également le secteur minier. Je crois que le secteur minier du nord du Manitoba est bien connu. J'aimerais également signaler qu'à titre de Première nation, c'est là un des secteurs que nous songeons à exploiter pour assurer le mieux-être économique de nos membres et de nos collectivités.

Par exemple, il y avait des possibilités d'exploitation à Cross Lake—elles existent peut-être toujours—et sur le territoire d'autres Premières nations qui songeront probablement à procéder à la prospection.

À mon avis, le transport est la pierre angulaire de la stratégie socio-économique que nous mettons de l'avant. À titre de membre d'une Première nation, je juge qu'il nous faut exploiter le réseau ferroviaire qui se rend jusqu'à Churchill; je crois qu'il faut également songer à améliorer les pistes d'atterrissage auxquelles ont accès les membres des Premières nations.

Je crois que ces questions ont reçu beaucoup d'attention l'hiver dernier lorsqu'il y a eu certains incidents au Manitoba parce que les pistes d'atterrissage n'étaient pas adéquates. Cette question nous préoccupe parce que certaines collectivités de notre région dépendent du transport aérien. Tous les membres des Premières nations n'ont pas nécessairement accès au réseau routier. Ma Première nation a de la chance. La route passe à proximité de ma collectivité. Nous avons mis cette situation à profit. Je crois que cela nous a beaucoup aidés au cours des 22 ou 25 dernières années en ce qui a trait à notre développement socio-économique.

J'aimerais signaler que l'aménagement de routes a un certain impact social; cependant, à l'aube du XXIe siècle, je préférerais être une Première nation qui a accès à un réseau routier qu'une Première nation qui doit dépendre exclusivement des pistes d'atterrissage. Le transport aérien coûte très cher et les marchandises qui doivent être transportées par avion coûtent donc encore plus cher.

Une des autres questions qui nous intéressent tout particulièrement est celle de l'infrastructure. Les Premières nations du nord du Manitoba, la région MKO, doivent mettre en place une infrastructure de base, car malheureusement, les équipements que nous avons aujourd'hui laissent souvent à désirer: approvisionnement en eau potable; équipement de lutte contre les incendies et prévention des incendies; installations de loisirs; garderies; foyers d'accueil d'urgence; soins de santé primaires; soins dentaires de base et autres services communautaires.

Nous savons que tout cela coûtera cher, mais comme je l'ai dit, nous sommes à l'aube du XXIe siècle, et notre Première nation doit pouvoir participer à part entière à tout ce que le XXIe siècle a à offrir aux autres populations du pays.

Nous avons également étudié les services d'électricité auxquels nous avons accès. Certaines des Premières nations ne font que commencer à avoir accès à ces services. La majorité d'entre elles se servaient simplement de génératrices diesel. Ainsi, grâce à la ligne de distribution centre-nord, les Premières nations sont en mesure d'entrer dans le XXIe siècle et de faire partie de cette grande nation qui est la nôtre.

Il existe également certaines possibilités de développement hydroélectrique et nous, de la nation crie Nisichanusihk, songeons à participer à un partenariat avec Hydro-Manitoba. Cela ne se produira peut-être que dans 10 ou 15 ans, mais cette possibilité nous intéresse.

• 0930

Je ne viens pas vous dire que je m'oppose au développement car je crois que le développement est un élément positif pour le nord du Manitoba. Je dirais que je suis un entrepreneur, et je m'intéresse beaucoup à l'aspect commercial des propositions que je suis venu vous présenter ce matin.

Toutes les choses que j'ai déjà mentionnées sont à mon avis des débouchés, des possibilités, qui ne s'offrent pas nécessairement à tous en même temps, mais qui s'offrent à l'ensemble des résidents du Nord.

Comme tout le monde le sait, il existe de graves pénuries au niveau du logement chez les Premières nations. En élaborant une stratégie économique, nous cherchons à améliorer notre propre sort. Nous ne venons pas quémander, parce que nous voulons pouvoir nous aider nous-mêmes.

En ce qui a trait aux besoins en matière de logement, si l'on étudie notre histoire, l'on voit qu'au début tout était fait avec du bois rond qu'on retrouvait ici. Nous aimerions que vous compreniez que nous voudrions pouvoir procéder à la construction de maisons sans être limités par les règlements. Je sais que la sécurité des gens est une chose très importante, mais nous voulons quand même pouvoir être assez souples si nous voulons pouvoir répondre nous—-mêmes aux besoins en matière de logement.

J'aimerais également parler de l'accès aux services de santé, qui n'est pas facile pour certaines collectivités en raison des problèmes de transport. J'aimerais rappeler que la majorité des collectivités de la région MKO ne sont accessibles que par transport aérien, ce qui fait ressortir encore plus le besoin d'améliorer le secteur du transport aérien.

La dernière question sur laquelle je veux vraiment insister est celle de l'éducation. À mon avis, l'éducation est la clé de l'amélioration du sort des résidents du Nord. Il faut vraiment mettre l'accent sur ce secteur et insister pour qu'il y ait une université dans le nord du Manitoba. Je le mentionne à tout politicien qui veut bien écouter parce que je crois sincèrement que le concept d'une université dans le nord du Manitoba est une question qui mérite d'être étudiée.

Je signale toujours aux gens qu'il m'est très difficile comme parent d'envoyer mon enfant à une école qui se trouve à 500 milles de la maison. Lorsque j'étais jeune, j'ai dû aller dans le Sud pour fréquenter l'école secondaire à 500 milles de chez moi. Il est très difficile de quitter la maison lorsque vous avez 12 ans pour aller à une école qui se trouve à 500 milles de chez vous.

Je comprends le problème des étudiants qui ont vécu dans une collectivité toute leur vie et qui dès qu'ils deviennent adultes doivent quitter leur milieu pour recevoir une éducation. C'est pourquoi tant de jeunes ne réussissent pas à l'école. Je crois que s'il y avait un établissement d'enseignement plus proche de chez eux, nombre de membres des Premières nations s'en serviraient.

En fait, ils s'en servent. Prenons l'exemple de Thompson et de la demande qui existe. On m'a dit qu'on avait offert un cours pour lequel on pouvait accueillir 25 étudiants et que 320 personnes avaient demandé d'y participer. On ne peut pas dire qu'il n'existe pas de demande. La demande est importante.

J'aimerais en fait parler de la question des finances. Nous dépendons dans une large mesure du gouvernement, mais j'aimerais signaler encore une fois qu'aujourd'hui et à l'aube du XXIe siècle, les Premières nations se tournent de plus en plus vers les banques; la question de responsabilisation existe toujours. Lorsque les Premières nations font affaire avec les banques, il y a responsabilisation. Je peux certainement le dire en ce qui a trait à la nation crie Nisichanusihk, parce que nous dépendons énormément des banques. Je crois que si l'on exploite les débouchés qui nous sont offerts, il y aura responsabilisation, et je crois qu'il y a également responsabilisation et reddition de comptes lorsque nous faisons affaire avec les banques.

• 0935

Je voulais simplement vous apporter ces précisions. À mon avis c'est très important. J'ai beaucoup lu dans les journaux sur le manque de responsabilisation, mais si nous voulons fonctionner comme des gens d'affaires, et exploiter les débouchés qui existent, il est important de faire ressortir cet aspect. Je crois que les banques veulent faire affaire avec des gens qui rendent compte de leurs activités, peu importe que ce soit des membres des Premières nations ou autres.

J'ai terminé mon exposé. Je crois que toutes les questions que j'ai abordées sont liées les unes aux autres.

Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Primrose.

[Traduction]

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais avoir une petite précision.

Tom nous a expliqué la carte. Certains d'entre nous ont participé hier aux discussions sur le projet de loi C-56, qui est le projet de loi sur les revendications territoriales du Manitoba. On a alors mentionné les inondations.

Je me demande, Tom, si vous pouvez me montrer les zones inondées sur l'une des cartes. S'agit-il principalement de South Indian Lake et de Nelson House? Où les dommages ont-ils été causés?

M. Tom Nepetaypo: En fait, ça commence à l'embouchure du lac Winnipeg, là où on lit Norway House, et cela remonte par le fleuve Nelson, jusqu'à Cross Lake, en passant par Split Lake. J'ignore si, en fait, on peut voir Split Lake sur cette carte.

On peut bien voir Thompson, n'est-ce pas?

M. Peter Adams: Oui.

M. Tom Nepetaypo: Eh bien, cette ville a également été touchée.

M. Peter Adams: Je vois bien Split Lake.

M. Tom Nepetaypo: Suivez le fleuve Nelson, jusqu'à York Factory. Si vous réussissez à trouver la rivière Churchill, vous verrez South Indian Lake.

M. Peter Adams: Je vois South Indian Lake, en effet.

M. Tom Nepetaypo: Il y a eu un détournement dans cette région, qui a causé beaucoup de dommages lorsque les eaux sont montées à South Indian Lake, à Nelson House, tout le long de l'affluent Burntwood, jusqu'à Thompson.

M. Peter Adams: Vous avez dit que Norway House, Cross Lake et Nelson House sont indépendants ou distincts des conseils. J'oublie comment vous avez expliqué cela exactement. Est-ce qu'il y a un lien à faire avec le fait que ces régions ont été le plus touchées par l'inondation?

M. Tom Nepetaypo: Non. Chaque localité a pris ses décisions, exerçant son autonomie locale, dans le cadre des étapes intermédiaires au développement, et ainsi de suite.

M. Peter Adams: Très bien.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Adams.

Monsieur Primrose.

[Traduction]

Chef Jerry Primrose: Au sujet de l'inondation, je tiens à signaler aux membres du comité que l'on avait construit un barrage dans la partie septentrionale du lac Sud des Indiens et que ce qui a causé la remontée de l'eau dans la Burntwood, c'était le reflux de l'eau. Antérieurement, la rivière Churchill—même à partir de la Saskatchewan—se déversait dans le lac Sud des Indiens en direction nord, vers Churchill. Par conséquent, lorsqu'on a fait cela, on a renversé le flux du cours d'eau et forcé l'eau à reculer dans le fleuve Nelson.

L'une des localités les plus touchées a été South Indian. Il y a eu une inondation immense à cet endroit. Sauf erreur, l'industrie des pêches en a été gravement affectée. Nelson House a également été affectée, dans la mesure où nous avons été inondés. Je pense que nous avons eu des montées de 15 à 20 pieds d'eau. Voila donc les dommages que nous avons subis.

Je voulais simplement souligner cela. C'est ainsi que ça s'est produit, de la façon la plus simple. La Churchill se déversait dans le lac Sud des Indiens et remontait jusqu'à Churchill, mais elle ne peut plus suivre ce cours. Elle s'est interrompue au lac Sud des Indiens et est revenue vers nous et vers le système du fleuve Nelson.

C'est la simple explication de ce qui s'est produit.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Et les terres sont probablement plates partout dans cette région, n'est-ce pas?

Chef Jerry Primrose: Elles sont plutôt élevées. Là, nous avons eu de la veine. Si ce n'était pas si élevé, certaines des localités auraient été complètement détruites par l'inondation.

[Français]

Le président: Ce sont des choses regrettables.

Nous passons à la période de questions. Monsieur Scott.

• 0940

[Traduction]

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de vous présenter devant le comité et de nous fournir la documentation qui sous-tend votre proposition. Je voudrais poser certaines questions.

Monsieur Primrose, vous avez dit au comité que vous vous considérez comme un entrepreneur. Avez-vous déjà eu des entreprises dans le passé, en avez-vous actuellement, dont vous soyez propriétaire ou exploitant?

Chef Jerry Primrose: Oui, monsieur. Je suis dans le secteur du transport scolaire par autobus depuis 1976-1977. J'étais dans le secteur du camionnage, mais je ne m'occupe plus de cela. J'ai également un dépanneur, un genre de magasin général.

Avant de devenir chef, j'envisageais de me lancer dans la construction. Toutefois, étant devenu homme politique, j'ai dû remettre mes entreprises en fiducie à mon frère. Je n'ai donc plus aucun contrôle de mes entreprises en ce moment. Elles m'appartiennent toujours, mais elles sont en fiducie. C'est mon frère qui s'en occupe.

M. Mike Scott: Essentiellement, ce que j'établis ici, c'est que vous avez déjà eu certains succès commerciaux. Je pense que cela est plutôt important.

Chef Jerry Primrose: Relativement, oui, mais à l'intérieur de la collectivité seulement. Je ne me suis pas étendu à l'extérieur, je suis resté à l'intérieur de notre collectivité.

M. Mike Scott: Très bien.

Dans la proposition vous indiquez un report annuel, au moins pour une année, d'environ 570 000 $. Cette proposition concerne-t-elle seulement une année, ou demandez-vous au gouvernement de s'engager sur cette base de façon permanente?

Chef Jerry Primrose: Peut-être que Tom pourra répondre à la question. Nous avons travaillé ensemble sur ce dossier, c'est lui le technicien, et il pourra mieux répondre que moi.

M. Mike Scott: Très bien.

M. Tom Nepetaypo: C'est simplement une proposition pour une année, et j'essaie ensuite de profiter du temps qui restera au gouvernement libéral avant la fin de son mandat.

Des voix: Oh, oh!

M. Tom Nepetaypo: En réalité j'avais surtout présent à l'esprit le plan d'action Rassembler nos forces, au moment où j'ai fait le calcul financier. J'espère que ce plan d'action sera appliqué encore un certain temps, mais je ne me fais pas d'illusions; ça fait déjà pas mal de temps que je travaille avec l'État et le gouvernement, et très souvent, ces nouveaux plans d'action ne durent que ce que dure le gouvernement lui-même, et Dieu seul sait ce qu'il adviendra ensuite.

Voilà pourquoi j'ai essayé de faire la chose en un an, au lieu de présenter un projet de deux ans. Je préférerais quelque chose de deux ans. La troisième année, nous pourrions nous-mêmes reprendre beaucoup de programmes, tous les projets, tous les partenariats et toutes les initiatives qui sont indiqués dans le document et qui visent à aider la population, et mettre en place notre propre structure de ressources humaines en utilisant la méthode des conversions.

Voilà pourquoi je n'ai proposé qu'une année, en raison du facteur temps.

M. Mike Scott: Moi qui étais entrepreneur avant d'entrer en politique, je reconnais qu'une année, c'est très court. Nous y reviendrons peut-être à la prochaine question.

Vous avez indiqué 2,5 millions de dollars de capital pour les acquisitions ou les partenariats. J'aimerais savoir si vous avez déjà des plans d'entreprise prêts qui prouvent qu'il y a des potentialités rentables et viables, les avez-vous avec vous? Pouvez-vous nous montrer quelque chose?

M. Tom Nepetaypo: J'en ai simplement apporté deux. Je ne pensais pas qu'il en serait question ici. Nous avons déjà plusieurs plans d'entreprise prêts, qui justifient les sommes citées, si nous voulons avoir du capital. Nous pensions à la clinique, aux services pharmaceutiques, au service aérien et à l'hôtellerie. Thompson a besoin d'un autre hôtel. Voilà ce que nous pensons pouvoir faire face au manque de chambres disponibles en ville.

• 0945

Nous essayons également de nous adapter à la tendance hospitalière du jour. Je ne sais pas ce qu'il en est dans le reste du Canada, mais au Manitoba et en Saskatchewan, ils se spécialisent de plus en plus dans le traitement des patients non hébergés dans l'hôpital. Voilà pourquoi nous voulions créer un hôtel-motel avec une aile destinée aux malades, pour répondre à ce que font les hôpitaux qui n'hébergent plus les patients.

Je ne sais pas si vous le savez, mais on explique maintenant aux médecins qu'il faut s'arranger pour que les patients soient hébergés à l'extérieur de l'hôpital, ce qui fait que depuis plus d'un an on fonctionne de cette façon.

Je peux vous parler un petit peu de ce dont il a été question pour la Saskatchewan, où l'on commence à se spécialiser dans ce sens. C'est-à-dire qu'un hôpital fera le travail de laboratoire, l'autre s'occupera des dialyses sur les malades. Il y aura un hôpital pour le diabète, et peut-être un autre pour les accouchements, etc. Cela correspond à leur zone de rayonnement, pour ainsi dire.

Nous avons donc plusieurs plans d'entreprise au bureau qui sont prêts.

M. Mike Scott: Est-ce que vous voulez surtout aider les gens à créer des entreprises, ou pensez-vous surtout à la création d'entreprises qui soient la propriété de la bande? Sur quoi mettez-vous l'accent?

M. Tom Nepetaypo: Les deux à la fois. Nous voulons créer une relation d'affaire avec les professions libérales, mais aussi inciter nos propres membres à devenir des professionnels et à créer leurs propres entreprises, sous forme de consortium, de groupe, d'association commerciale quelconque, pour se mettre au service de notre population.

Comme à Thompson, et surtout dans les zones Nord, il y a une question de conflits de compétence entre le fédéral et le provincial. Nous n'avons pas ce problème. Les Premières nations n'ont pas de problème de compétence à régler.

Je voulais, dans tout ce processus, associer les deux paliers de gouvernement pour qu'ils travaillent avec nous, pour qu'il y ait un éventail de professionnels, et pour que nous ayons également nos propres spécialistes et professionnels pour servir la population.

Je pense à un programme d'incitation professionnelle, car en ce moment, si vous regardez le reste du Canada, il y a beaucoup d'avocats, beaucoup d'enseignants et de travailleurs sociaux, mais nous avons besoin de spécialistes dans des domaines tels que les services dentaires, l'optométrie, l'ophtalmologie, et dans certaines spécialités telles que la santé mentale etc. La liste est longue. Nous voulons aussi nous occuper de génie civil, pour pouvoir faire du bâtiment, et participer à des travaux d'aménagement industriel dans le nord du Manitoba.

M. Mike Scott: Je vois quelles sont vos intentions, mais à mon avis—et mon expérience vaut ce qu'elle vaut—, les entreprises qui réussissent sont celles qui ont été le fait d'individus qui ont la volonté et l'ambition, ainsi que la vision nécessaires pour faire fonctionner le tout.

Les gouvernements—je ne pense à aucun gouvernement en particulier, je pense qu'ils sont tous à mettre dans la même catégorie—ne savent pas faire marcher une entreprise. De fait, il y a très peu d'exemples où on a vu le gouvernement réussir dans ce domaine. Je vous donne l'exemple de la Société canadienne des postes, et de l'ancien Canadien National, pour vous montrer que le gouvernement a beaucoup de mal à gérer une entreprise.

Je vous exhorte donc à essayer d'aider les particuliers de votre collectivité—ceux qui sont intéressés par la chose, et qui ont une véritable ambition—pour qu'ils soient capables d'avoir accès aux capitaux nécessaires, etc. Je sais que c'est un problème. Mais j'ai toujours du mal à envisager que l'État puisse se mêler des affaires du secteur privé, car je crois que c'est une contradiction dans les termes. Les deux ne vont pas de pair.

M. Tom Nepetaypo: Je suis d'accord avec vous.

M. Mike Scott: Je suis heureux de l'entendre.

M. Tom Nepetaypo: Ça n'est d'ailleurs pas l'idée, nous voulons d'abord associer les individus à ce projet, et non pas le gouvernement.

M. Mike Scott: Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Scott.

Monsieur Bryden, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. John Bryden: Vous êtes constitués en société, mais où, au Manitoba?

M. Tom Nepetaypo: Oui, au Manitoba.

• 0950

M. John Bryden: Vous avez des actionnaires, et propriétaires?

M. Tom Nepetaypo: Oui, tout est là, mais nous n'avons pas encore fait les démarches nécessaires.

M. John Bryden: Donc ce qu'il faut savoir, dans la même veine que M. Scott... J'ai beaucoup de sympathie pour tout ce que vous nous avez dit, j'aime beaucoup ce que vous nous avez présenté, mais j'ai du mal à comprendre. Ordinairement, pour démarrer une entreprise—c'est bien de cela qu'il s'agit, nous parlons d'une entreprise et de la façon dont vous voulez vous y prendre—, des actionnaires ou des propriétaires doivent avancer le capital. Est-ce que vous avez des garanties financières, au moment où vous vous adressez à nous?

M. Tom Nepetaypo: Nous n'avons pas encore franchi ce pas. Pour les autres sociétés, oui, mais il s'agit ici d'une nouvelle entreprise. Elle n'a même pas un an, je suppose. Un an ce mois-ci, si je ne me trompe.

Je n'ai donc pas encore pris de mesures pour amener des actionnaires à financer l'une ou l'autre de ces activités.

M. John Bryden: Mais si vous avez une société, vous voulez dégager un bénéfice, faire de l'argent, pour vous, pour les propriétaires et les actionnaires?

Je n'ai donc plus qu'une observation. J'apprécie votre candeur lorsque vous présentez un budget comprenant les salaires auxquels vous vous attendez, mais je dois formuler une observation. J'ai un peu d'expérience en la matière, là aussi. Quand vous lancez une entreprise, habituellement, les propriétaires et actionnaires s'attendent à travailler pour presque rien, particulièrement les principaux administrateurs—je suis sérieux—de manière que lorsque l'entreprise commence à rouler, ils puissent tirer un avantage financier uniquement des premiers profits de l'entreprise.

Malgré tout le respect que je vous dois, je constate un problème: je ne vois ici aucun engagement financier de votre part ni des gens qui vous soutiennent. Votre exposé suscite beaucoup de sympathie chez moi parce qu'on y trouve d'excellentes idées. Mais si je devais vous faire une recommandation, ce serait de nous présenter un engagement, un risque pris par vous ou par les gens qui vous soutiennent, plutôt que de laisser le gouvernement subventionner tout le risque, comme il semble que ce soit le cas.

Avez-vous un commentaire à ce sujet?

M. Tom Nepetaypo: Je présume que je peux vous répondre comme ceci. Nous le ferions si nous avions suffisamment d'argent dans nos collectivités pour partager les coûts, pour ainsi dire, des mesures décrites dans ce document. Vous vous rendez bien compte que depuis le début, comme on le dit dans le document, seules les subventions ont été envisagées. En préparant ce document, je me suis inspiré du rapport Rassembler nos forces. Comme vous le savez, dans ce rapport, le ministère des Affaires indiennes réservait 250 millions de dollars et je ne sais pas où ira cet argent. Pour revenir à la question de la responsabilisation, j'aimerais savoir où il ira.

Je voulais profiter d'une partie de ces fonds afin que nous puissions commencer. Quand les bases seront jetées, nous pourrons revenir au fonctionnement comme tel, ou à la gestion de l'entreprise, ou à la sollicitation de la participation des actionnaires au fonctionnement de l'entreprise.

Ce n'est pas une tâche facile pour nous. Toutes les banques qui viennent chez nous s'inquiètent toujours des garanties lorsqu'il s'agit d'octroyer un prêt aux Premières nations, à moins qu'il s'agisse d'un Autochtone qui travaille et qui a de bons antécédents d'emploi. Il n'est pas facile d'obtenir ce genre d'assurance ou même de crédit chez le public.

Bien entendu, je peux faire des démarches. J'ai trouvé des personnes intéressées à Toronto, mais qui n'étaient pas prêtes à nous avancer des fonds. Il s'agissait plutôt de participer à la gestion de l'hôtel. Je leur ai tout de même envoyé un plan d'entreprise et ce qu'il nous fallait pour lancer le projet.

M. John Bryden: Ai-je encore une ou deux minutes, monsieur le président?

Le président: Peut-être une minute.

M. John Bryden: Je voulais simplement dire que je vous comprends tout à fait de vouloir profiter du programme, mais je dois vous faire observer que si vous ne pouvez pas trouver vous-mêmes l'argent pour lancer l'entreprise, vous pourriez commencer par des réductions de salaire. Le niveau que vous proposez est un peu difficile à avaler dans le contexte que certains d'entre nous connaissent, ceux qui ont déjà tenté de lancer une entreprise. On ne s'attend pas à commencer avec un salaire de 75 000 $, mais plutôt de 20 000 ou 30 000 $.

• 0955

Si je peux me permettre une suggestion, à votre place, étant donné les circonstances, je prévoirais un revenu très modeste pour vous-mêmes, pour la mise sur pied de l'entreprise, tout en m'attendant à un rendement qui permettrait de rehausser ce salaire.

Autrement dit, si vous prévoyez des profits de 500 000 $ l'an prochain, si les choses vont bien, je m'attendrais à ce que vous vouliez améliorer votre rémunération. Mais en commençant à un niveau si élevé... Encore une fois, j'apprécie votre franchise lorsque vous présentez un budget de ce genre, qui nous donne quelque chose à examiner, mais je crois que vous devez revoir cette partie de votre exposé si vous voulez obtenir une subvention du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Mais je vous encourage à le faire, parce qu'à mon avis, vous avez de bonnes idées.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bryden. Monsieur Crête.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Le sujet qui m'a le plus impressionné dans votre présentation et sur lequel j'aimerais que vous reveniez est l'éducation. Cela m'a semblé être pour vous une préoccupation importante. Je ne prétends pas connaître à fond le nord du Manitoba. De fait, je ne le connais presque pas et j'aimerais que vous précisiez votre pensée sur la forme d'investissement nécessaire pour que les gens poursuivent leurs études dans leur milieu.

Je viens d'une région du Québec où l'on a développé le réseau de l'Université du Québec, qui compte des campus dans toutes les régions du Québec. Il y a d'autres formules auxquelles on a recours dans des milieux beaucoup plus petits, dont l'accès à l'Internet.

Est-ce qu'il n'y a pas finalement une voie d'avenir que le gouvernement fédéral peut poursuivre s'il veut contribuer correctement au développement social du nord du Manitoba? Ne devrait-il pas élargir son programme Accès communautaire, qui permet aux petites communautés d'établir des liens par l'entremise d'Internet? Est-ce qu'on ne pourrait pas, par un investissement assez massif dans ce secteur-là, permettre à ces communautés de dépasser les modèles traditionnels de développement? Il faudra continuer d'exploiter le modèle basé sur les ressources naturelles à l'avenir, mais il ne faudra pas nécessairement s'y limiter. Il y a peut-être une autre façon de franchir le seuil du XXIe siècle.

En conclusion, je commenterai l'allégation de M. Scott. J'ai déjà vu certaines entreprises faire du développement industriel et économique important, mais je ne leur confierais jamais la responsabilité de faire du développement social parce que ce n'est pas leur domaine de compétence. Je crois que dans les régions hors centre, une symbiose avec les gouvernements sera toujours importante.

[Traduction]

Chef Jerry Primrose: C'est une chose dont je ne vous ai pas parlé: la technologie dont nous disposons. Je suis tout à fait d'accord avec vous; il faut utiliser la technologie.

Par exemple, la nation crie Nisichanusihk, dont je viens, travaille en ce sens, en utilisant l'informatique. Depuis bientôt deux ans, je crois, nous recourons à l'informatique pour enseigner aux étudiants du secondaire. Nous allons continuer cela. Je ne peux parler des autres activités, mais c'est certainement l'une des choses en lesquelles je crois: avec la technologie dont nous disposons, rien n'est impossible. Grâce à la technologie, nous n'avons peut-être pas besoin d'une infrastructure de 15 ou 20 millions de dollars, ni d'un immeuble central pour l'enseignement.

Je suis donc certainement d'accord avec vous là-dessus et je vous remercie d'avoir soulevé la question.

[Français]

M. Paul Crête: J'aimerais que vous nous donniez deux exemples afin qu'on puisse avoir une idée des ingrédients de réussite dans votre partie du pays. D'une part, pourriez-vous nous parler de quelque chose qui fonctionne bien dans le nord du Manitoba, d'une réussite au plan du développement économique et des conditions de réussite et, d'autre part, de quelque chose qui n'a pas fonctionné et des causes de cet échec?

• 1000

[Traduction]

Chef Jerry Primrose: Je ne peux vous parler que de la nation crie Nisichanusihk. Tout récemment, une partie de l'indemnisation reçue du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et de Hydro-Manitoba pour l'inondation des terres du Nord a été investie dans un hôtel à Thompson, l'hôtel Mystery Lake. À mon avis, c'est un succès retentissant.

Même si nous n'en sommes qu'à la première année, je sais déjà que cette entreprise produira des dividendes. Dans n'importe quelle entreprise, on s'attend à un dividende. Si c'est une nouvelle entreprise, il faut habituellement attendre trois ou cinq ans, mais dans ce cas-ci, le dividende sera produit dès cette année. Ce sera un dividende pour la Première nation. Je peux donner cela comme exemple de réussite.

Je ne connais pas vraiment d'échec. Dans une certaine mesure, je présume, c'est une question de nature humaine. Nous n'aimons pas reconnaître nos échecs. Mais à brûle-pourpoint, je ne me rappelle pas un échec, je n'en vois pas.

Je suis chef d'une Première nation depuis quatre ans et je ne me souviens pas d'un échec. Autrefois, je ne m'occupais que des Nisichanusihk, je ne vois donc pas... Mais il doit bien y en avoir. Comme dans tout autre secteur où il y a de l'argent, il y a chaque jour des échecs, dans ce monde, comme il doit y en avoir dans le vôtre. Personnellement, toutefois, je n'en connais pas. Je n'en connais tout simplement pas.

Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Crête, à vous la parole.

M. Paul Crête: À mon avis, vous nous donnez des réponses très politiques. Je vais vous donner un exemple qui s'est produit chez nous et qui ne vous touche pas directement.

Dans les années 70, on avait décidé de fermer certains villages dans nos régions parce que, peu importe le gouvernement au pouvoir, on croyait qu'ils n'étaient pas viables. On avait décidé d'intégrer leurs habitants à des villes un petit peu plus grosses et de laisser les petits villages mourir d'eux-mêmes. On s'est malheureusement rendu compte que ces gens aboutissaient à l'aide sociale.

Je ne vous demande pas de faire un exercice de contrition, mais tout simplement de me donner un exemple. Abordons la question de façon plus positive. Qu'est-ce qui ferait en sorte que dans 20 ans, on pourrait parler d'un boom de développement dans le nord du Manitoba? Quelles conditions pourraient faire en sorte que dans 20 ou 25 ans, on puisse dire que ce qu'on a fait dans ce coin de pays est fantastique, qu'on a fait évoluer une situation du noir au blanc et qu'on est arrivé à un résultat très intéressant? Qu'est-ce qui pourrait faire la différence par rapport à ce qu'on vit aujourd'hui?

[Traduction]

Chef Jerry Primrose: Quand vous prenez l'exemple des petites collectivités, vous pouvez prendre celui... il faut que je fasse travailler ma mémoire puisque certaines des Premières nations de notre région du nord du Manitoba ont été déplacées de leur lieu d'origine. Prenons l'exemple de Dooley Lake. Voilà une communauté des Premières nations qui a été déracinée, déménagée à Churchill. C'était un désastre. Il y a aussi l'exemple désastreux à mes yeux de Shamattawa.

Pour ce qui est des communautés déplacées, je ne sais pas s'il faut considérer que c'est un échec pour les gouvernements qui ont effectué les déplacements, pour les Premières nations dont j'ai parlé, mais en tant que membre d'une Première nation, je dois certainement en voir les effets positifs. Je prévois que dans 15 ou 20 ans, nous serons autonomes, nous n'aurons plus à venir à Ottawa pour demander des fonds du fédéral. En tant qu'homme d'affaires et entrepreneur, je n'aime pas du tout venir quêter ici. Je veux vraiment survivre et le faire par moi-même.

Nous avons parlé d'éducation, un peu plus tôt. Je pense que c'est une question clé. Il faut donner aux gens la possibilité de s'instruire, d'apprendre à faire des affaires.

Faire des affaires, à mon avis, ça ne s'apprend pas tout seul. Il y a des ressources, mais beaucoup de choses sont en jeu. Il faut connaître beaucoup de choses. Pour moi, il faut notamment apprendre à survivre. Quand on est axé sur la survie, sur la survie dans le monde des affaires, on peut ensuite survivre n'importe où.

• 1005

Avec la technologie dont nous disposons et les possibilités que cela représente pour l'éducation, je pense que les deux vont de pair et que nous ne sommes pas une exception.

Par exemple, j'ai lu un article de journal sur la façon dont on utilise Internet et d'autres moyens de cette nature au Nunavut. Je crois que c'est fantastique. C'est ce que nous devons faire, suivre la réalité et profiter des merveilles que nous offre la technologie.

C'est donc très intéressant. Je considère la chose d'une manière large. Je ne peux pas le faire d'une manière limitée. Il n'y a qu'à considérer la géographie et la grandeur des territoires dont nous nous occupons: c'est tout un défi, pour dire le moins.

Le président: Merci. Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci pour votre exposé, chef Primrose. Je veux d'abord vous féliciter pour vos succès passés en tant qu'homme d'affaires autochtone au Manitoba. Je sais combien c'est difficile, en général. Comme mon collègue de l'autre côté, j'ai moi aussi fait partie du secteur des petites entreprises, à une époque. Je sais combien c'est difficile.

Vous avez formulé une observation très importante: les entreprises connaissent des échecs chez les Blancs comme chez les Autochtones. Peu importe votre nationalité, votre race, le lieu où vous vivez au pays, un million de dollars ne parle ni français, ni anglais, ni ojibway ni cri, et peu partir vite. C'est vrai pour chacun de nous, n'est-ce pas?

Comme vous le savez, je suis allé jusque dans votre communauté pour parapher l'accord sur les droits fonciers issus de traités, un moment vraiment historique pour votre nation. Je dois vous dire que votre communauté m'a beaucoup impressionné. Je connais aussi le travail de MKO, certaines de ses réussites et de ses échecs et sa volonté, bien entendu, de continuer d'essayer d'améliorer la vie des Autochtones. Ce faisant, vous améliorez aussi notre vie et celle du reste du pays. Nous partageons vos succès et nous voulons vous encourager à continuer, jusqu'au bout de la course.

J'ai pris note, entre autres, de votre entreprise à Thompson, soit l'achat de l'hôtel Mystery Lake. Je pense que vous en avez déjà parlé. Comme je suis déjà allé à Thompson, j'ai pu constater le besoin de chambres d'hôtel. Je pense que vous vous installez dans un créneau important du marché.

Avec l'accord sur les droits fonciers issus de traités récemment signés, des fonds vous ont été accordés. On s'est demandé comment l'argent servirait, s'il serait placé en fiducie et comment on s'en servirait dans la communauté.

Je crois que l'accord portait sur 10 ou 11 millions de dollars, environ, si je ne m'abuse. Comment la communauté investira-t-elle ces argents au cours des dix prochaines années, de la manière la plus avisée: dans des hôtels ou autrement? Quels genres d'entreprises prévoyez-vous pour votre collectivité?

Quelles garanties existe-t-il, chef Primrose, pour s'assurer que l'argent sera dépensé à bon escient, sainement, et que tous les membres de la collectivité sont protégés et qu'on tiendra envers eux la promesse de cet accord, d'avoir une chance véritable dans la vie?

Je me demande ce que vous en pensez.

Chef Jerry Primrose: Merci. Pour commencer, l'accord nous a donné 1,9 million de dollars. Je crois qu'il y a aussi eu un accord au sujet de l'inondation des terres du Nord. Il y avait plus d'argent de ce côté.

Pour vous en donner un aperçu, dans le cas de la Convention sur l'inondation des terres du Nord, nous recevons annuellement 4 millions de dollars. Au sujet de l'argent, la communauté doit donner son approbation, dans le cadre d'un processus d'approbation communautaire.

• 1010

Chaque année, les membres de la communauté présentent des propositions au Conseil et au chef de la nation crie Nisichanusihk. Les propositions sont ensuite résumées et présentées à la communauté qui fera des recommandations sur ce qu'on fera des propositions.

C'est de là qu'est venue l'idée de Mystery Lake. La communauté nous disait son intérêt pour des activités d'expansion économique. C'est alors que nos techniciens ont recruté une équipe de négociation pour négocier l'achat de l'hôtel. Le processus a été long. Lorsque vous faites un achat de plus de 4 millions de dollars, vous ne pouvez pas simplement arriver et échanger de l'argent. Il y a un processus de négociation. Je pense que cela nous a pris plus d'un an. Ce processus s'est achevé le 22 mars et nous avons officiellement pris en charge l'exploitation de l'hôtel le 23 mars.

Voilà essentiellement comment procède notre communauté, par exemple, pour l'argent que nous obtenons dans le cadre de la Convention sur l'inondation des terres du Nord. Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'évaluer l'accord sur les droits fonciers issus de traités, mais la procédure sera essentiellement la même. C'est la communauté qui décidera, en faisant des propositions, de la façon dont cet argent sera dépensé.

La clé pour ma survie et celle de mon peuple, c'est la responsabilisation. Nous voulons être responsables, nous voulons être responsables envers le gouvernement. Nous voulons être responsables envers notre peuple, ce qui est plus important encore, et nous voulons être responsables envers les banques, afin d'avoir la souplesse nécessaire.

C'est ainsi que je fonctionne. Je ne peux pas parler des autres membres des Premières nations, ce ne serait pas juste. Je ne peux parler que de mon cas.

Je vais prendre l'exemple de l'achat de l'hôtel. Les participants aux réunions avaient une préoccupation. Ils disaient: «Si nous achetons cet immeuble, il faut que cela soit protégé et il faut prendre des mesures pour que les futurs politiciens ou leaders n'en abusent pas et ne détruisent pas cela».

Nous avons donc fait en sorte que cela n'arrive pas. C'est une procédure complexe. Nous avons eu recours à des avocats. Ce n'est pas encore terminé.

Les gens veulent qu'on leur rende des comptes. Ils ne voulaient pas qu'on abuse de cet endroit, à l'avenir. Je suis comme tout politicien: si le peuple n'est pas content de moi, ils se débarrasseront de moi.

C'est notre plus gros problème, dans le Nord. Nous parlons pour la région de MKO. Comme vous le savez, les politiciens ne font que passer. Par exemple, parlons de cette stratégie. Peut-être que dans quelques années, nous ne serons plus là, et d'autres personnes viendront vous faire un exposé différent. C'est le hasard de la politique.

M. Crête m'a parlé des réponses de politicien que je donnais. C'est l'évidence même: je suis un politicien. Je n'essaie pas d'éviter les questions, mais je vais certainement donner la meilleure réponse que je peux, sans dire ce qu'il ne faut pas.

Les antécédents de la nation crie Nisichanusihk ne sont pas extraordinaires non plus. Nous avons eu des scandales à répétition et je crois que les gens en ont eu marre. Lorsqu'ils m'ont élu au poste de chef, ils voulaient une personne responsable et c'est certainement ce que je veux être. Agir de manière responsable et aller le plus loin possible pour ce qui est de notre avenir économique.

Quand je pense à notre viabilité économique, je ne pense pas seulement à l'an prochain, mais à dans 15 ou 20 ans, de manière que mes amis autochtones puissent survivre jusqu'au prochain millénaire.

Merci.

M. David Iftody: Chef Primrose, vous ne pouviez mieux répondre. Je trouve excellent que vous reconnaissiez les problèmes déjà vécus par votre collectivité, avec les anciens leaders.

• 1015

Je tiens à parler de cette question, chef Primrose, parce qu'hier j'étais à la Chambre des communes avec mes collègues du Parti réformiste—dont celui représentant Interlake—à discuter de la convention sur l'inondation des terres du Nord, dans le cadre de l'examen des mesures législatives visant la bande de Norway House. Six ou sept intervenants, chacun à leur tour, se sont concentrés sur cette question, un peu trop résolus à mon avis à la monter en épingle.

Autrement dit, on ne tenait pas compte du travail positif que vous avez effectué, du fait qu'il y a un chef homme d'affaires qui vient de la communauté, qui y retourne et qui dit: «Je sais que nous avons eu des problèmes, que nous avons fait des erreurs», et qui fait preuve d'un bon leadership politique pour remédier à ces problèmes. On n'a pas parlé de cela dans le débat.

Vos commentaires, chef Primrose, au sujet de la participation de la communauté, au sujet du fait qu'on s'adresse à elle, qu'on écoute ses propositions, qu'on les accueille, qu'on consulte de nouveau la communauté par la suite, sont absolument extraordinaires. Vous nous fournissez-là un témoignage intéressant sur les protections intelligentes et réfléchies accordées à la communauté. Je ne peux imaginer quelque chose de plus responsable.

D'ailleurs, chef Primrose, dans ma municipalité rurale de Lac du Bonnet, nous n'avons pas ce genre de consultation. Je ne connais aucune municipalité rurale où il y a une consultation aussi large pour ce qui est des décisions relatives aux dépenses, et je vous félicite pour le travail que vous faites chez vous. Vous avez employé le mot «responsabilisation». Vous avez reconnu que la communauté n'avait pas toujours pris les meilleures décisions par le passé et je crois que vous êtes un bon leader pour les gens de Nelson House.

Monsieur le président, ce genre de commentaire doit être consigné au compte rendu, pour qu'on en tienne compte dans le débat. Je pense que des hommes et des femmes réfléchis, à l'esprit ouvert, s'il y en a, voudront tenir compte de ces faits avant de faire des observations au sujet de l'activité économique des Premières nations au Canada.

En terminant, chef Primrose, merci beaucoup pour vos importantes interventions.

Chef Jerry Primrose: David, je dois aussi signaler qu'avec notre procédure d'approbation communautaire, les choses ne sont pas faciles pour autant. Ce n'est pas facile. Les gens ont des idées diverses et ce n'est pas un processus facile. En tant que politicien, c'est très difficile pour moi. Je veux parfois simplement aller vite.

Avec le recul, toutefois, il faut écouter les gens, écouter l'orientation qu'ils vous proposent. Comme je le disais, c'est parfois difficile. En tant que politicien et homme d'affaires, je vois parfois bien plus loin que d'autres, qui n'ont pas la même expérience que moi. Ils ont parfois une courte vue. C'est le problème.

On dit aussi de moi que je suis très impatient, mais je ne le crois pas, parce qu'il faut certainement faire preuve de patience pour mettre en oeuvre un système de ce genre.

Je voulais simplement le signaler. Comme je le disais, ce n'est pas très facile. C'est une procédure très difficile.

Le président: Merci. Tom.

M. Tom Nepetaypo: Merci, monsieur le président.

J'aimerais répondre moi aussi à M. Bryden et à M. Scott et à quiconque se pose les mêmes questions.

Cet exposé a été fait par une partie de MKO en espérant répondre à toutes vos questions. Je considère les choses d'un point de vue macro-économique; il ne s'agit pas d'une seule entreprise, mais d'un consortium de mesures que nous voulons mettre en oeuvre pour la région de MKO.

Dans le premier paragraphe, j'ai formulé des commentaires sur les objectifs du développement économique, sur les taux élevés de chômage, sur les facteurs de risque élevé et sur le système d'éducation. Comme vous le savez, le développement économique a trois volets: l'éducation, la discipline et l'organisation. Pour atteindre notre objectif, il faut tenir compte de ces trois éléments. Il faut essayer de profiter des nouveaux programmes et des nouvelles politiques ou mesures relatives aux marchés publics du gouvernement, annoncés en Chambre. Dans chaque cas, il est question de beaucoup d'argent et nous voulons donc en profiter.

• 1020

Notre document était fondé sur le fait qu'il y a 27 collectivités dans la région de MKO, ayant chacune leurs mesures locales, qu'il s'agisse de mesures commerciales ou autres. Elles ont chacune leurs propres aspirations et objectifs. Notre organisation, la Northern Manitoba First Nations Development Corporation, veut créer un instrument pour que chacune de ces collectivités puisse se développer localement. Si leurs entreprises ont des retombées positives, on pourra peut-être commencer à investir dans des entreprises en coparticipation pour d'autres missions, puisque c'est ce qui nous intéresse au sein de notre société.

Comme je le disais à Mike, nous avons des plans d'entreprise, mais c'est pour notre entreprise. Nous avons par ailleurs des actionnaires ayant droit de vote, soit les 27 collectivités que représente notre organisation.

Nous avons examiné bon nombre d'entreprises et nous avons tenu compte du taux de chômage élevé. J'ai des doutes au sujet du taux de chômage, je me demande même si le taux de 8 p. 100 est réel. Dans beaucoup de nos collectivités, le taux de chômage est de 80 p. 100. C'est parce que le territoire, ou du moins le territoire accordé à chacune des Premières nations, représente peu d'avantages économiques pour l'industrie minière ou forestière ou pour tout autre type de développement industriel.

Il y a donc de nombreux programmes sociaux dans ces communautés, pour ce qui est des services de santé, d'éducation et autres, pour l'infrastructure locale. Mais pour ce qui est du développement durable et d'autres avenues commerciales, il faut aller à l'extérieur des limites des réserves. On est alors contraint par les systèmes gouvernementaux provinciaux et il y a toujours un conflit.

J'ai parlé des problèmes de compétence. C'est pourquoi j'ai dit que si on était contraint par ce genre de chose, pourquoi ne pas trouver le meilleur de deux mondes, mettre tout ça ensemble et travailler avec nous? Nous assumerons un rôle de leader et nous fournirons le service.

Par exemple, actuellement au Manitoba, nous avons présenté un exposé sur les aspects économiques des services de santé. Si vous regardez la carte du Manitoba, vous verrez qu'une majorité de Manitobains du Nord se déplacent vers le Sud pour les services médicaux professionnels. Cela coûte cher au gouvernement quel qu'il soit, pour ce qui est du transport des patients, leur hébergement et tout ce qui découle du renvoi des patients vers le Sud. Il reste donc très peu d'argent à dépenser pour les hôpitaux du Nord, afin d'y garder les patients et les services.

Le gouvernement provincial ne rémunère pas les médecins de manière à les garder dans le nord du Manitoba. En fait, il n'y a qu'environ six médecins à Thompson, pour 15 000 habitants. Ce n'est pas bon pour la ville de Thompson, mais si vous considérez l'ensemble du nord de la province, où il y a 44 000 Autochtones et si vous y ajoutez... disons, environ 60 000 Manitobains du Nord doivent se contenter de 15 médecins pour toute cette région.

Et encore, j'exagère, parce que je sais qu'à Le Pas, il n'y a que six médecins. Je ne sais pas combien il y en a à Flin Flon, mais je peux présumer. Je dirais qu'il y a en tout 15 médecins pour tout le nord du Manitoba. C'est ridicule, compte tenu de l'époque, compte tenu des technologies.

C'est à ce problème qu'essaie de répondre notre document. Nous avons créé une relation de travail avec l'Afrique du Sud et quelques autres pays. Nous essayons d'encourager les médecins à venir travailler dans notre région. Nous offrons un salaire bien plus élevé que ce que le gouvernement provincial est prêt à verser, et d'après la Constitution, c'est la province qui a compétence en matière de services médicaux et d'hôpitaux. Nous n'avons pas voix au chapitre.

Peut-être qu'en tant que Premières nations, nous devons créer nos propres hôpitaux, recruter nos propres médecins, de manière à répondre aux besoins de notre peuple. Nous développerions notre bassin des ressources humaines et nous créerions nos propres entreprises pour répondre à ces besoins en matière de services de santé.

• 1025

C'est la même chose pour l'éducation. Le chef Primrose a parlé d'une université du Nord. Comme vous le savez, beaucoup d'entre nous ont fréquenté l'Université du Manitoba à Winnipeg. Il n'y avait pas suffisamment de soutien communautaire, de soutien à l'université, pour répondre aux besoins des gens du Nord. Si nous avions notre propre université du Nord, je crois qu'il y aurait moins de décrochage, que les gens iraient à l'école plus longtemps. Quand on s'éloigne de son milieu, on perd ses attaches. On s'ennuie, par exemple.

Je ne voulais pas utiliser ce mot, mais il est vrai qu'on s'ennuie. On perd le contact avec son milieu, sa communauté. On préférerait aller à l'école dans le Nord qu'à Winnipeg. Personnellement, je n'aime pas les villes, ce que j'appelle les jungles de béton. Je n'ai pas été élevé dans une ville.

Voilà le genre de problèmes auxquels nous essayons de trouver des solutions, dans le nord du Manitoba. Il y a une université du Nord en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique; pourquoi pas au Manitoba? L'Ontario a deux universités. Pourquoi n'en aurions-nous pas deux au Manitoba, dont une dans le Nord? Je ne sais pas, moi, il y en a trois dans le Sud; on pourrait en déplacer une vers le Nord.

Nous avons des collèges communautaires. Il y en a un à Le Pas et un autre, à Thompson. Ils se lancent dans ce qu'on appelle l'enseignement à distance. Mais même dans ce cas, les systèmes de communication dans le nord du Manitoba ne sont pas aussi bons que ceux du Sud. On ne peut pas amener la fibre optique jusque dans nos communautés. On ne peut même pas faire de vidéoconférences chez nous, parce qu'il faut tout cela. Tout ce que nous faisons, c'est à partir de projets pilotes. Il faut faire tout cela.

Ainsi, le développement économique se fait sans vraiment tenir compte de ce que souhaitent les Premières nations.

Je voulais également vous dire, en réponse à une question que vous avez tous posée, que dans la région de MKO, il y a 27 communautés qui se développent toutes à un rythme différent. Toutes ne sont pas au même niveau. On ne peut pas vraiment généraliser. Nous essayons donc de constituer un catalogue des débouchés, un catalogue dans lequel elles peuvent choisir selon leurs besoins propres. Il y a beaucoup de domaines à améliorer.

Avec ce document, nous avons également voulu fournir aux communautés un catalogue et un vecteur d'information. Il y a des communautés qui n'ont pas les ressources nécessaires pour exploiter des ressources minières, forestières, ou même gazières. Très souvent nos écoles n'ont même pas de laboratoire qui leur permettrait d'avoir un système d'enseignement comparable à celui des villes. Dans ma région, l'école secondaire n'a même pas de laboratoire, si bien qu'une fois arrivé dans une école de Thompson, par exemple, je vais être complètement perdu.

Bref, l'enseignement dispensé dans nos communautés n'est pas du tout au même niveau. Évidemment, le gouvernement dépense de l'argent pour construire de nouvelles écoles dans certaines communautés, mais je peux vous assurer qu'il n'est pas question d'y installer des laboratoires pour que les étudiants du secondaire puissent ensuite fréquenter les universités dans le Sud avec une préparation suffisante.

À l'heure actuelle, le Collège communautaire de Keewatin est en train d'installer des laboratoires d'informatique dans certaines communautés qui offrent une option d'enseignement à distance. Toutes les communautés aimeraient avoir cette même option pour pouvoir profiter des débouchés dans le domaine des communications et de l'information.

Nous voulons également mettre en place des réseaux de communication avec notre communauté la plus au sud, mais pour l'instant cela semble impossible: tout est canalisé vers les villes du Sud.

Il faut venir au Manitoba pour bien se rendre compte de la situation. En ce qui concerne les services de santé, il y a des services dentaires et des services d'optométrie à Thompson, mais pour consulter n'importe quel autre médecin, n'importe quelle autre spécialité, il faut aller à Winnipeg. Cela est loin de faciliter les choses. Ils ont institué un système qu'ils appellent «locums». Avec ce système, les spécialistes viennent une fois par mois, ou encore deux ou trois jours par mois et offrent leurs services.

• 1030

Les hôpitaux de Thompson n'ont pas de services de chirurgie. Un chirurgien vient trois jours par semaine, ou peut-être deux fois par mois. Je ne sais pas quelle est la fréquence. Je vous donne seulement un exemple des problèmes auxquels nous nous heurtons, du genre de système que nous avons dans nos communautés de Premières nations. Nous avons un médecin pour trois communautés, et je suis certain qu'elle ne tiendra pas le coup longtemps. C'est très difficile de trouver des médecins qui acceptent de venir là-bas.

Voilà donc les problèmes que nous voulons résoudre. Nous nous sommes même débrouillés pour avoir notre propre hygiéniste dentaire. Lorsque les services de santé seront transférés aux communautés, est-ce que les hygiénistes dentaires deviendront la responsabilité du gouvernement provincial? Encore un autre dilemme. La province a juste qu'à présent refusé d'intervenir dans les réserves.

Voilà donc notre situation. Ces problèmes ont trait aux domaines de compétence.

J'ai même essayé de profiter d'un programme de transition offert par Santé Canada. On m'a donné une semaine pour préparer une proposition. Cela ne sert à rien. Comment puis-je le faire en une semaine. C'est vraiment injuste pour une région comme le nord du Manitoba où le courrier nous arrive souvent une fois la date limite passée. C'est pour vous donner un exemple.

C'est une des raisons pour lesquelles nous avons mis ce système en place. Nous avons voulu profiter des créneaux, des ouvertures. Nous nous sommes même occupés du protocole entre le Manitoba et Nunavik; nous avons voulu voir quelles possibilités cela offrait. Il est même possible que nous discutions d'une association avec nos frères du Nord, une sorte d'entente commerciale entre nos Premières nations.

Voilà le genre de choses que nous envisageons. Il y a beaucoup d'autres possibilités que nous aimerions explorer, mais nous devons avant tout tenir compte des besoins et des aspirations des Premières nations qui seront touchés par ces initiatives.

L'un d'entre vous—je ne peux pas prononcer votre nom—a parlé d'aspects positifs et d'échecs. Nous avons eu des développements positifs sur le plan économique. Il fut un temps où l'un des conseils tribaux possédait sa propre compagnie aérienne. L'entreprise fut un échec, principalement faute de connaissance et d'expertise dans ce domaine. À l'époque, c'était un monopole, mais je ne sais pas ce que s'est devenu.

Aujourd'hui, les Premières nations embrassent le concept du développement économique et industriel. Autrement dit, nous sommes devenus une force qui compte et nous prenons cela très au sérieux. Le tour, c'est de profiter des trois éléments qui sous-tendent l'économie.

Cette aptitude pourrait vraiment nous être très utile. En attendant, dans la région de MKO, l'action est souvent «réactive», en ce sens que nous essayons de remédier à des crises, et non pas proactive. Nous n'avons encore pleinement cerné les besoins de notre communauté parce que la formule de financement reste sous le contrôle du gouvernement et n'est pas fondée sur les besoins.

J'imagine que si nous réussissons à nous affirmer dans le secteur des affaires, nous pourrions partager les coûts ou nous associer au système pour agir plus efficacement. C'est cela que nous essayons de faire. C'est ce que je veux dire quand je parle de convergence, quand je dis qu'il est nécessaire d'utiliser les ressources locales pour parvenir à nos fins. Lorsqu'il y a des excédents, on peut envisager d'exporter une partie de l'expertise et des systèmes.

Comme il l'a dit, nous avons envisagé de nous associer à Hydro-Manitoba, aux industries forestières, etc., et cela donne de bons résultats pour certaines communautés qui ont cette possibilité. Toutefois, la majeure partie de nos communautés sont accessibles uniquement par voie aérienne, ce qui rend toute entreprise très coûteuse.

Comme vous le savez peut-être, quand la ligne hydroélectrique nord-centre qui doit desservir certaines communautés du nord du Manitoba sera terminée, elle aura coûté nettement plus de 200 millions de dollars. Pour voir les bénéfices de cet investissement gouvernemental, il faudra peut-être attendre 35 ans. Et il y a encore quatre communautés qui n'ont aucun raccordement hydroélectrique terrestre. On continue donc à transporter du carburant dans ces communautés. Hydro-Manitoba utilise du carburant. Les écoles utilisent du carburant. Les postes de santé utilisent du carburant pour leur électricité et leur chauffage.

• 1035

Voilà les problèmes que nous devons résoudre. À l'heure actuelle, nous travaillons avec Hydro-Manitoba pour trouver une autre méthode de production d'électricité pour certaines communautés, ce que nous appelons un système de basse chute.

Je suis technicien en électronique de formation, et j'étudie la technologie électronique depuis un certain temps. Je m'intéresse même à l'énergie de la radiodiffusion; il y a peut-être un autre terme pour désigner cela, mais c'est une autre question, et je suis peut-être en avance sur mon temps. Quoi qu'il en soit, je suis certain qu'il devrait y avoir un moyen de produire de l'électricité sans être obligé d'inonder des régions entières ou d'endommager l'environnement.

C'est le genre de choses auxquelles je m'intéresse personnellement. J'ai fait part de ces idées à Hydro-Manitoba et un technicien m'a dit qu'on était prêt à écouter.

Nous avons également travaillé avec une compagnie, Acres International, et nous essayons de la persuader d'exploiter les débouchés qui existent au Manitoba, et sinon, dans le reste du Canada. Nous étions également sur le point de signer un contrat avec Pharmasave, une compagnie qui a des activités au Manitoba, en Ontario et en Saskatchewan. Quand nous avons soumis notre offre, nous étions la première compagnie des Premières nations à profiter de la politique d'achat. La veille de la signature du contrat, la direction des services médicaux de Santé Canada est intervenue et cela ne s'est pas fait.

Voilà comment des occasions se perdent. Nous avons même fait une offre pour assurer tous les services d'optométrie pour l'ensemble du Manitoba. Pour l'instant, c'est en suspens.

Mike, cela vous donne une idée de ce que nous essayons de faire pour développer nos ressources humaines, à la fois sur une base individuelle et collectivement. Nous essayons donc d'offrir des catalogues de débouchés à ces communautés et à tous les gens qui souhaitent entreprendre quelque chose.

C'est la raison d'être de toutes ces activités: le système de transport, l'industrie de la pêche, l'agriculture. Certaines de nos communautés ont des possibilités sur le plan de l'agriculture, en particulier à l'ouest du Manitoba. Elles sont à la lisière du développement agricole.

Il y a de la pêche dans la plupart des plans d'eau, et également dans les communautés les plus isolées, ce qui est le cas de la plupart d'entre elles.

Il faudrait s'occuper des pistes d'atterrissage et de l'ensemble du transport aérien. Il faudrait s'occuper des infrastructures dans les communautés. Il faudrait également faire des relevés sur le terrain pour permettre ce genre d'entreprise.

Comme je l'ai dit, il faudrait que Hydro-Manitoba commence à travailler avec les Premières nations pour faciliter leurs projets. À l'heure actuelle, ils dépensent beaucoup d'argent pour faire venir des gens du Sud et ils commencent à se rendre compte qu'ils feraient beaucoup mieux de former les gens des Premières nations qui sont sur place pour occuper ces postes.

À Gillam, la communauté dont je viens, nous avons trois grands barrages et nous dormons sur ces barrages. Quand je dis que nous dormons sur ces barrages, c'est qu'ils entourent ma communauté. Il s'agit des barrages de Long Spruce, Kettle Dam et Limestone. L'énergie hydroélectrique produite dans la région est pratiquement entièrement vendue aux États-Unis. Il y en a une partie qui reste au Manitoba, mais la compagnie a beaucoup de mal à garder ses employés dans le nord du Manitoba parce que ces salaires-là coûtent très cher, sans parler des logements, de l'électricité à taux d'escompte qu'on leur vend, et tout le reste. Par contre, nos gens qui habiteront toujours dans le nord du Manitoba auraient tout intérêt à faire carrière dans ce domaine, à trouver des emplois dans leur propre région.

La compagnie commence à s'en rendre compte. Du temps où j'étais au conseil tribal, je me souviens d'avoir essayé de dire à Hydro-Manitoba qu'il devrait former les gens du Nord, mais ça n'a pas marché, parce qu'après avoir formé 16 personnes, celles-ci sont toutes allées s'installer en Alberta où elles étaient mieux payées.

Donc, pourquoi ne pas former des gens du Nord pour les postes dans le Nord? On les gardera beaucoup plus longtemps que des gens du Sud.

La même chose vaut pour le logement. On pourrait construire énormément de logements si on permettait aux communautés d'utiliser elles-mêmes l'argent, de l'investir pour construire plus de maisons grâce au programme de la SCHL.

• 1040

Nous formons des gens, nous profitons des programmes de formation qui sont en place dans le nord du Manitoba.

Dans le domaine de la santé, nous manquons de médecins. Nous manquons d'infirmières. En ce moment même, il y a des infirmières et des infirmiers qui quittent le nord du Manitoba parce que Santé Canada ne leur fournit pas ce dont ils ont besoin.

Dans le secteur de la santé, la demande ne cesse d'augmenter, en particulier parmi notre population, qu'il s'agisse d'accidents, du suicide, de la violence, de maladies infectieuses, de problèmes respiratoires, de grossesse, de problèmes après la naissance. À cause du diabète, il y a beaucoup de grossesses à risque. Ces cas-là doivent être suivis de très près.

Quant aux services dentaires, on essaie de nous donner des ordres, où aller, quel dentiste consulter, le maximum que cela peut coûter, etc.

Dans nos régions, il y a également des problèmes de nutrition.

Voilà des services professionnels dont nous avons besoin. C'est l'objet de ce document, nous voulons pouvoir faire appel à ces professions dont nous avons besoin. J'ai même lancé l'idée des médecines parallèles. Les docteurs prétendent qu'ils ne sont vraiment pas convaincus car les médecines parallèles leur enlèvent une partie de leur revenu. Je préférerais des infirmières de première ligne parce que je les trouve plus compréhensives. Elles ont tendance à passer plus de temps avec leur patient et à discuter des médecines parallèles, de ce que les patients peuvent faire eux-mêmes, de la discipline que chacun peut exercer pour sauvegarder sa propre santé. Si on pouvait généraliser cette façon de faire dans nos communautés, je pense que les gens feraient beaucoup moins appel aux services de santé.

Pour revenir à l'éducation, comme je l'ai dit, si on pouvait améliorer la qualité de l'éducation, on pourrait retenir beaucoup plus de gens. À l'heure actuelle, dans ma région, Fox Lake, les fonds ont été coupés parce que le gouvernement tient à sa politique qui est de financer uniquement l'éducation dans les réserves. Si vous considérez une communauté de 900 personnes dont 75 seulement vont recevoir de l'aide, qu'est-ce qu'on peut faire avec un tel système? Nous sommes très nombreux dans la communauté qu'on appelle Gillam, et une partie d'entre ces gens vit dans la réserve. Il n'y a que 79 acres de réserve: comment 900 personnes peuvent-elles vivre sur 79 acres de terre? C'est ridicule.

Quoi qu'il en soit, j'essaie de vous expliquer nos problèmes et de vous montrer ce que nous voudrions faire pour améliorer la situation économique et socio-économique de notre population.

En ce qui concerne le développement social, j'ai toujours encouragé les étudiants qui reçoivent leur diplôme de travailleur social à continuer leurs études et à se spécialiser. Le système scolaire a besoin d'experts et de conseillers pour les étudiants qui ont des difficultés d'apprentissage. De la même façon, il y a des problèmes de gestion du stress qui sont cruciaux. Il y a beaucoup d'employeurs qui n'ont pas les moyens nécessaires pour s'occuper de ce genre de chose.

Tout cela soulève la question de l'individu à l'intérieur du système.

D'autre part, il y a l'alcool, la drogue et les abus de solvants. L'abus de solvants est un problème qui s'aggrave et qui se généralise dans tout le Canada. Nous manquons de spécialistes. Il y a beaucoup de services pour les jeunes, de 6 ans à 16 ans, mais pour ceux de 16 à 20 ans, ou même à 30 ans qui abusent de solvants, il n'y a pas de services. Que faut-il faire de ces gens-là? Il n'y a pas le moindre service dans l'ensemble du Manitoba. Il faut pratiquement se tourner vers les États-Unis où ce genre de chose existe. Cela coûte très cher à notre gouvernement. Je sais qu'il y a un établissement en Ontario qu'on recommande pour les adultes, mais c'est très loin de chez nous. Pourquoi ne pas créer des services dans notre région, ce qui en même temps donnerait des débouchés de carrière?

Tout cela a des implications sur le plan des ressources humaines. Nous pouvons discuter de ces sujets, mais l'argent... et je vois que cette personne est partie.

Voilà donc la raison de ce document. Je ne peux pas accepter la diminution des salaires parce que je sais ce que nous pouvons faire. Nous voulons attirer des gens, les convaincre de travailler dans le nord du Manitoba pour mettre en place ces services, et voilà les salaires qu'il va falloir leur payer. Je ne suis pas d'accord pour qu'on leur offre innocemment 30 000 $, parce que c'est un travail extrêmement exigeant, et pour certains d'entre eux, cela se traduira par plus d'une nuit blanche. Je plaisante, mais c'est la vérité. Il faudra peut-être donner de bonnes raisons, mais cela ne sera pas difficile, pour qu'on débloque les fonds nécessaires.

• 1045

À la fin, j'ai parlé du rapport «Rassembler nos forces» et des politiques stratégiques d'achat, qui ont ouvert beaucoup de portes à beaucoup de gens, mais qui continuent à imposer aux gens qui veulent en profiter un processus d'accès extrêmement strict. Par exemple, lorsque nous avons fait une offre pour les services pharmaceutiques, nous avons dû subir une vérification policière. Je ne sais pas pourquoi. J'imagine que cela fait partie du processus. De toute façon, nous n'y voyons pas d'inconvénient.

L'accord cadre au Manitoba semble coïncider avec le document «Rassembler nos forces». La planification communautaire et la participation nous ramènent à la notion mentionnée par le chef Jerry Primrose, notion selon laquelle il faut demander l'avis des communautés sur beaucoup de projets avant de leur donner le feu vert.

La méthodologie a été mise en place pour un an, car c'est probablement le temps qu'il faudra pour bien établir tout cela, mais cela pourrait prendre deux ans également. On pourrait prolonger le programme d'un an et reconduire le budget si, dans l'ensemble, vous êtes d'accord. Si j'ai parlé d'un an, c'est que le projet exige de nombreux déplacements, beaucoup de consultations, au nom de chacune des communautés de MKO que nous représentons.

Et voilà, c'est tout, monsieur. Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Merci, Tom. Nous allons poursuivre la période de questions. J'accorde la parole à Mme Hardy, puis à M. Keddy et à nouveau à M. Scott.

[Traduction]

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Merci d'être venus. Il ne me reste pas grand-chose à vous demander.

Pour moi, avant tout, je vois ça comme un projet de développement communautaire. Le développement économique vous sert à régler tous les problèmes que vous avez énumérés. En termes de fonds propres, les peuples des Premières nations, dans leur ensemble, ne sont pas riches. Les banques refusent de financer les projets sans certaines garanties. Vous faites appel aux propositions contenues dans le document Rassembler nos forces. C'est pour vous le moyen de concrétiser vos projets. Vous utilisez toutes les initiatives de Rassembler nos forces pour aider vos communautés. C'est comme ça que je vois la chose.

M. Tom Nepetaypo: C'est un point de départ.

Mme Louise Hardy: Ce que vous avez dit à propos du logement m'intrigue. Vous avez parlé de règlements très contraignants. De quels règlements s'agit-il? C'était au tout début.

M. Tom Nepetaypo: Permettez-moi de vous donner l'explication suivante. Moi-même j'ai été chef pendant huit ans. Nous avons une formule de financement au prorata de la population. Selon cette formule, Fox Lake peut compter vraisemblablement sur environ 200 000 $. Avec la SCHL, nous essayons de voir s'il est possible d'utiliser cette somme comme dépôt de 25 p. 100 pour construire des logements supplémentaires.

De nos jours, avec 200 000 $ on ne peut pas construire beaucoup de maisons. Sur la base de ce dépôt représentant 25 p. 100 nous essayons d'obtenir un budget de 1 million de dollars pour pouvoir construire plus de maisons et rattraper notre retard au niveau des besoins dans la communauté. C'est une question de négociations.

La SCHL a certaines exigences. Il faut qu'il y ait dans la communauté des services de lutte contre l'incendie ou une infrastructure comprenant par exemple des canalisations d'eau, des bornes d'incendie, ne pas installer de poêles à bois dans les logements, etc. Il y a d'autres facteurs de sécurité à prendre en compte. En outre, il faut que nous remboursions cet argent. Généralement c'est une partie de l'aide sociale qui sert à cela ou, quand on travaille, il faut verser un pourcentage de son salaire pour la maison. C'est comme toutes les hypothèques.

Mme Louise Hardy: Pour ceux qui vivent dans des communautés où il n'y a pas de protection anti-incendie, et où il n'y a pas l'infrastructure réclamée par la SCHL, quelle est la solution?

• 1050

M. Tom Nepetaypo: La plupart des bandes dans ce cas doivent mettre en place l'infrastructure nécessaire. Disons que nous voulons des maisons supplémentaires. Il faut que nous mettions en place les systèmes d'égout et d'adduction d'eau avant que la construction ne commence.

Une grande partie de notre argent vient du budget d'équipement, nous ne pouvons donc pas construire cette année car pour le moment il nous faut d'abord mettre en place l'infrastructure avant de passer à la phase de construction l'année prochaine. Entre-temps, les autres logements sont surpeuplés.

Mme Louise Hardy: Par ailleurs, est-ce que vous avez un plan global accepté par tout le monde pour l'exploitation forestière?

M. Tom Nepetaypo: Cela fait tellement de fois que cette responsabilité change de ministère que... C'est la province qui, en réalité, tire les ficelles et qui profite de la Loi concernant le transfert des ressources naturelles de 1930. Il est donc très difficile pour les Premières nations de vraiment profiter de l'exploitation des ressources forestières, surtout quand elles se trouvent...

Par exemple, votre réserve contient une forêt exploitable. Le seul moyen de l'exploiter, au Manitoba, est de conclure une espèce d'entente avec le gouvernement provincial et l'industrie forestière qui se charge du travail.

Nous participons quand même. Nous avons une entente de travail avec le ministère des Ressources naturelles du Manitoba.

Mme Louise Hardy: Merci.

Le président: Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

À propos de votre plan d'entreprise, je tiens à faire un commentaire sur ces actionnaires prêts à travailler pour presque rien.

Je crois qu'autour de cette table, il n'y a pas de gens qui viennent du monde de l'entreprise et je tiens à dire que la majorité des actionnaires espèrent s'enrichir mais que ce n'est pas toujours le cas, loin de là. Si c'est vous qui faites le travail, qui proposez un projet, cela mérite compensation. C'est aussi simple que ça. C'est comme ça que cela marche. Si c'est une entreprise individuelle, c'est une autre histoire.

J'ai une ou deux questions à vous poser. L'une d'entre elles a déjà été posée et concernait l'éducation, tant au niveau de l'école primaire que du secondaire. Vous dites qu'il est pratiquement impossible de se brancher sur Internet. Je sais qu'au Nouveau Québec l'accès à Internet est assez généralisé, que cela soit par branchement ou par satellite.

J'espère qu'à long terme le fédéral et le provincial dégageront le financement nécessaire. Encore une fois, c'est ce vieux problème inévitable des compétences. On s'y heurte tout le temps. Quoi qu'il en soit, c'est une autre solution.

J'ai aussi noté à propos de vos problèmes de logement, cette question de sécurité. Il y a toujours une solution. S'il y a dans chaque village un poste d'incendie avec une citerne, la présence d'un réseau bornes d'incendie n'est pas obligatoire.

J'aimerais que vous m'en disiez un peu plus sur ces poêles à bois que la SCHL n'approuve pas parce qu'il y en a certainement beaucoup qu'elle approuve.

Le chef Jerry Primrose: Pour certaines des maisons dans notre communauté, par exemple, s'il y a une panne de courant... et ce qui est arrivé l'hiver dernier est un exemple parfait. Je n'ai pas de poêle à bois. S'il y a une panne de courant dans le nord du Manitoba...

Parfois la priorité est donnée à ceux qui signalent les premiers la panne. S'il y a une panne de courant généralisée dans le nord du Manitoba, par exemple, il n'y a qu'un nombre limité de techniciens pour faire des réparations. Vous êtes inscrits sur une liste selon l'ordre des appels.

Beaucoup de gens dans ma communauté n'ont pas de poêle à bois et nous réfléchissons à un plan sur les mesures à prendre dans une telle éventualité. Où installer les gens, les enfants, les aînés? C'est le genre de problème auquel on ne pense pas avant qu'il arrive.

C'est ironique car nous avons été élevés avec des poêles à bois et nous avons tous survécu.

• 1055

Je me trompe peut-être, mais c'est une des conditions qui semble imposée par la SCHL dans notre communauté. Il y a certaines normes à respecter pour pouvoir installer un poêle à bois. Il faudrait que je vérifie.

M. Gerald Keddy: Je crois que vous auriez intérêt car la source d'énergie la plus simple pour la chaleur, c'est bien évidemment le bois. Il existe d'autres types d'installations pour se chauffer au bois. Il y a des chaudières extérieures à eau chaude qui peuvent alimenter plusieurs unités. Une chaudière de ce genre peut alimenter quatre ou cinq unités en même temps.

Je reviens à l'éducation et aux mesures nécessaires, à long terme, pour ce branchement sur Internet. Je pense que cette idée d'université du Nord, c'est aller un peu vite en besogne. Je ne dis pas que c'est impossible mais entre-temps, vous avez un problème à régler—vous avez les problèmes immédiats de l'éducation. Vous avez parlé de la chimie et des expériences qu'on peut faire virtuellement par ordinateur.

Donc tout est possible. C'est une question d'accès.

Le chef Jerry Primrose: Ça coûte aussi cher.

M. Gerald Keddy: Cela représente un coût mais la santé, l'éducation, les services sociaux représentent aussi beaucoup d'argent. C'est une question de priorités. C'est un problème politique.

Le chef Jerry Primrose: Oui. C'est un exemple parfait car c'est ce que nous avons fait pour nos étudiants, nous leur avons acheté ce laboratoire virtuel. Cela coûte cher mais à mes yeux, pour ma communauté, c'est un investissement à long terme valable.

M. Gerald Keddy: Oui.

Autre chose. À propos des emplois à Hydro-Manitoba, est-ce que vous avez des chiffres, des pourcentages? Je sais que d'après vous ils ne forment pas de gens des Premières nations—du moins pas pour le moment.

M. Tom Nepetaypo: Environ 1 p. 100. Je peux le dire parce que j'ai travaillé pour Hydro-Manitoba et je peux compter sur les doigts de la main ceux d'entre nous qui travaillaient alors pour Hydro-Manitoba.

M. Gerald Keddy: Et cela n'a pas vraiment changé?

M. Tom Nepetaypo: Non. Il y avait à l'époque, une personne, un directeur général, du nom de Stan Gittins, qui avait essayé d'introduire l'idée en 1971 de former des gens du nord pour combler certains des postes d'Hydro-Manitoba mais il est disparu tout d'un coup.

M. Gerald Keddy: Cela arrive.

M. Tom Nepetaypo: Le programme de formation a disparu avec lui.

C'est le genre de problèmes que nous essayons de régler. Nous nous faisons écouter. Nous voulons avoir accès à ces professions qui existent dans le nord du Manitoba. Nous avons besoin de médecins et d'autres professionnels dans le nord du Manitoba.

Pour revenir à l'éducation, si nous pouvons avoir des professeurs, je crois que nous pouvons créer une université du nord. Le Collège de la communauté Keewatin dont le siège social est à The Pas a aussi du mal à conserver ses enseignants.

Le président: Merci.

[Français]

Merci. Nous n'avons pas d'autres questions. Nous tenons à vous remercier d'être venus témoigner ici à Ottawa et de nous avoir fait part de vos revendications. Thank you. Merci beaucoup.

Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, Jerry ou Tom?

[Traduction]

Le chef Jerry Primrose: Bien sûr.

Venir ici a été pour moi une expérience très intéressante. Je crois que c'est la deuxième fois que je viens. Je suis venu témoigner devant le comité permanent il y a deux ou trois ans à propos de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.

Personnellement, je trouve que c'est une expérience très intéressante parce qu'en tant qu'individu, en tant que chef d'une Première nation et en tant que membre de ce merveilleux pays, j'aime pouvoir me faire entendre. J'ai des idées. Je veux dire, chaque région géographique est différente et a des problèmes particuliers. En tant que membre d'une Première nation, je suis prêt à saisir toute occasion de témoigner car c'est très important pour moi. Je ne dis pas que je devrais être le seul à être entendu. Il y en a certainement beaucoup d'autres dans le pays.

• 1100

Comme je le dis, c'est très intéressant et j'aime aussi être entendu. Je crois que j'ai de bonnes idées que je peux présenter et je serais très heureux de revenir si vous m'invitez.

Merci.

Le président: Thank you. Tom.

M. Tom Nepetaypo: Merci, monsieur le président.

Pour commencer, j'aimerais vous poser cette question: Maintenant que vous avez notre document, qu'allez-vous en faire? Cela m'intéresse. Y aura-t-il une suite à mon témoignage? Est-ce que j'aurai de vos nouvelles?

Le président: David.

M. David Iftody: Tom, je crois qu'il est important de vous entendre. Comme je crois l'avoir mentionné, certaines déclarations très importantes concernant directement cette proposition, mais aussi des questions plus vastes que ce comité examine ainsi que la Chambre des communes dans le cadre d'un certain nombre de mesures législatives comme par exemple les projets de loi C-49 et C-56 dont la Chambre est actuellement saisie et dans le contexte de l'accord avec les Nishgas, par exemple.

Comme vous le savez probablement, Tom, la question des Premières nations occupe une grande place aujourd'hui dans les travaux de la Chambre des communes et nous examinerons de très près votre proposition. Je suis également au courant, et j'ai reçu des appels téléphoniques, des problèmes à propos de l'aérodrome à la suite de la tragédie qui a frappé une des communautés du nord.

Donc avec votre permission, ce que j'aimerais faire, c'est étudier votre document et votre témoignage, l'examiner un peu plus en profondeur, faire rapport de votre intervention au ministre qui vous répondra par la voie officielle.

Je vous demanderais de nous accorder un certain temps. Il n'y aura pas de suite dans les dix jours—avec votre expérience comme fonctionnaire, vous savez que la bureaucratie est très lente mais vous pouvez compter sur une réponse en bonne et due forme du cabinet du ministre à votre exposé et à votre intervention.

En conclusion, je vous remercie beaucoup car grâce à vous nous avons eu une discussion très réfléchie, lucide et agréable ce matin.

M. Tom Nepetaypo: Merci, David, mais vous constaterez que notre lettre est datée du 14 mai. Cela montre bien combien je suis patient.

Je remercie le comité de son invitation. L'expérience m'a beaucoup appris. Merci encore une fois.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

En terminant, je voudrais préciser que notre comité n'a pas prévu se rendre dans l'Ouest cette année. Nous pourrons peut-être nous reprendre le printemps prochain. Merci beaucoup.

La séance est levée.