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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 décembre 1997

• 1540

[Français]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): Aujourd'hui, le mercredi 3 décembre, nous étudions le projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence.

Nous nous rendons par vidéoconférence directement à Yellowknife et rencontrons aujourd'hui M. Bill Erasmus, le chef national des Dénés.

Monsieur Erasmus,

[Traduction]

pouvez-vous nous présenter ceux qui vous accompagnent?

Le chef Bill Erasmus (chef national, Nation dénée): Merci beaucoup, monsieur le président, de nous offrir l'occasion de communiquer avec votre comité. Je suis accompagné de membres de communautés autochtones, des chefs de communauté, de conseillers, et même de certains grands chefs.

Comme vous le savez, nous représentons environ 16 collectivités; cependant, puisqu'il coûte si cher de se rendre à Ottawa, nous avons décidé de communiquer avec vous par vidéoconférence.

J'ai la liste des intervenants, dont je vous ferai la lecture, et je demanderai à chacun à tour de rôle de faire un exposé. Puis, nous pourrons répondre à vos questions.

Le premier intervenant sera Tim Lennie de la bande Pehdzeh Ki Dene. Il sera suivi de Gabe Hardisty de la même collectivité, puis d'Yvonne Norwegian, chef de la bande Jean Marie River. Le quatrième intervenant sera Florence Cayen, chef de la Première nation West Point; il est accompagné de Leon Thomas, qui est également membre de cette bande. Puis vous entendrez Rita Cli, chef de la Première nation Liidlii Kue. Le grand chef Mike Nadli représente les Premières nations Deh Cho, et Patrick Simon et Lloyd Norn représentent la bande Deninu Ku'e. Puis le grand chef Felix Lockhart représente le territoire Akaitcho.

Je m'occuperai de la caméra, et j'espère que je n'aurai pas de problème. Nous commencerons par l'intervention de l'ancien chef, M. Tim Lennie.

M. Tim Lennie (ancien chef, bande Pehdzeh Ki Dene): Bonjour. Je suis ancien chef de la Première nation Pehdzeh Ki. On l'appelle également Wrigley. Au nom des membres de la bande, j'aimerais dire mahsi, ce qui veut dire merci, de nous avoir offert cette occasion de vous faire part de nos préoccupations et de nous avoir offert l'occasion de nous rendre à Yellowknife pour communiquer avec votre comité.

Je sais qu'un projet de loi a été déposé, le C-6, qui porte sur la gestion des terres et des ressources de la vallée du Mackenzie. Nous faisons partie des Deh Cho. Wrigley se trouve au bout de l'autoroute, et la limite du territoire Sahtu se trouve entre Tulita et Wrigley. Après avoir étudié certaines dispositions de cette mesure législative sans vraiment avoir accès à des personnes-ressources ou des experts, j'ai déjà certaines inquiétudes quant à cette mesure législative. Comme je l'ai signalé, après avoir parcouru le document, je crains que les mesures qu'on y trouve soient imposées à ceux que je représente.

• 1545

Nous discutons actuellement avec le gouvernement du Canada de nos droits ancestraux ainsi que des droits issus de traités. Nous n'avons pas encore réglé de revendications et nous espérons pouvoir sous peu entamer des négociations officielles. D'après ce qu'on m'a dit, le gouvernement a certains engagements à l'égard des Gwich'in et du Sahtu et doit donc constituer cet office. Je ne m'y oppose pas, mais je tiens à rappeler que nous, représentants des Premières nations du Deh Cho, n'avons toujours pas entamé de négociations officielles et nous voudrions discuter avec le gouvernement de certaines des questions qui sont abordées dans le projet de loi C-6. À mon avis, si ce projet de loi est adopté sous son libellé actuel, les droits de mes membres, les droits issus de traités, seront éteints. Je ne peux simplement pas accepter cette situation.

Je sais qu'on ne veut pas retarder la mise en oeuvre du règlement de la revendication territoriale des Gwich'in et du Sahtu, car le gouvernement doit établir cet office pour gérer leurs terres et ressources dans la région désignée... Mais on ne tient pas du tout compte des Premières nations qui n'ont pas encore terminé leurs négociations ou leurs discussions... À titre de chef, je ne crois pas qu'on puisse nous imposer ce genre de choses. Le gouvernement doit faire quelque chose, c'est un engagement juridique, en ce qui a trait aux Gwich'in et aux Sahtu. Je suis parfaitement d'accord pour qu'on mette en oeuvre cette entente pour que ces Autochtones puissent, tout compte fait, gérer leurs propres ressources.

Bref, j'appuie les Gwich'in et le Sahtu en raison des obligations du gouvernement fédéral, en ce qui a trait aux revendications territoriales globales... cet office et ce projet de loi en soi ne vaudraient que pour les régions désignées des Gwich'in et du Sahtu. À titre de représentants de la Première nation Pehdzeh Ki, nous n'avons pas eu l'occasion d'étudier ces dispositions. Vous voyez, le gouvernement n'offre pas... notre organisation ne dispose pas des personnes-ressources spécialisées nécessaires pour passer en revue ce projet de loi. Mais j'ai cru comprendre en lisant ce projet de loi qu'il porte sur les revendications territoriales globales.

• 1550

Nous avons déjà dit dans le Deh Cho que nous ne pouvons pas accepter quoi que ce soit qui pourrait entraîner l'extinction de nos droits. Aucune Première nation et aucun gouvernement n'a le droit d'éteindre nos droits dans notre région.

À mon avis ce projet de loi ne porte que sur les régions désignées dans le règlement des revendications territoriales des Gwich'in et du Sahtu, et le gouvernement doit respecter ses engagements. Ce qui nous préoccupe, c'est que vous imposez des choses qui auront un impact sur les droits de nos enfants.

Encore une fois, je vous dis mahsi de m'avoir offert l'occasion de m'adresser à vous. Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Tim Lennie. Sommes-nous prêts à passer à la période de questions? Est-ce qu'il y a un autre intervenant? M. Gabe Hardisty.

[Traduction]

M. Gabe Hardisty (ancien chef, bande Pehdzeh Ki Dene): Merci, monsieur le président. J'accompagne aujourd'hui mon ancien chef; je présente également ma collectivité, les anciens. Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit mon ancien chef. Il a abordé la majorité de nos préoccupations. Je tiens simplement à vous remercier.

Le président: Merci. Madame Yvonne Norwegian.

Mme Yvonne Norwegian (chef, bande Jean Marie River): Je vous remercie de nous avoir invités. J'aimerais vous faire part d'une de nos préoccupations. Elle touche le projet de loi C-6 et les générations à venir. Nulle mention n'est faite des générations à venir dans cette mesure législative. Je m'inquiète du sort des enfants et des jeunes d'aujourd'hui.

Le président: Merci, madame Norwegian. Chef Florence Cayen.

Mme Florence Cayen (chef, Première nation de West Point): Merci, monsieur le président, de m'offrir l'occasion de discuter de cette mesure législative avec votre comité. J'aimerais vous faire part de certaines de mes préoccupations.

• 1555

La région Deh Cho devrait, tout comme les autres régions non revendiquées, avoir accès à une source quelconque de financement pour lui permettre d'étudier, dans le cadre d'un atelier, les dispositions du projet de loi C-6. Ainsi tous les groupes autochtones ayant des revendications territoriales pourraient y participer. C'est la première fois que j'ai l'occasion de voir cette mesure législative, et je ne comprends pas vraiment sa portée. Il en va de même pour les membres de ma bande et le reste des chefs dans la région.

C'est là la préoccupation dont je voulais vous faire part. Merci encore une fois de m'avoir invitée aujourd'hui.

Le président: Merci, madame Cayen.

Leon Thomas, conseiller de la Première nation West Point.

M. Leon Thomas (conseiller, Première nation West Point): À mon avis le projet de loi C-6 inquiète nombre de résidants de notre région. Avant de pousser plus loin l'étude de ce document...

La Première nation Deh Cho n'est pas mentionnée dans les dispositions qui portent sur les offices des terres et des eaux. Nous devons étudier ce document avec l'aide de personnes-ressources afin de nous permettre vraiment d'identifier les problèmes qui pourraient se poser.

C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.

Le président: Merci, monsieur Thomas.

Madame Rita Cli, chef de la Première nation Liidlii Kue.

Mme Rita Cli (chef, Première nation Liidlii Kue): Bonjour. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de m'offrir l'occasion de vous faire part de mes préoccupations. Je voudrais vous dire quelques mots dans ma langue autochtone—puis je vous dirai par la suite en anglais ce que j'ai dit; je veux qu'ainsi le comité sache que nous communiquons dans notre propre langue.

[Note de la rédaction: Le témoin parle dans sa langue autochtone]

Je viens de vous remercier de m'avoir offert l'occasion de vous parler aujourd'hui. C'est un cri du coeur que je vous lance aujourd'hui, car je pense à mes enfants et aux générations à venir. Merci. Voici mes préoccupations.

Je suis chef de la Première nation Liidlii Kue, et l'on m'a demandé de vous faire un exposé sur l'élaboration du projet de loi C-6, Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Le conseil de la Première nation Liidlii Kue, qui représente plus de 1 000 Dénés de la région de Fort Simpson dans les Territoires du Nord-Ouest, comprend un chef et huit conseillers qui sont élus tous les deux ans. Le territoire traditionnel de la Première nation Liidlii Kue s'étend sur plus de 100 000 kilomètres carrés dans le coin sud-ouest des Territoires du Nord-Ouest. Actuellement, le conseil gère un budget annuel dépassant 5 millions de dollars et une main-d'oeuvre qui varie de 30 à 70 employés selon les saisons.

La Première nation Liidlii Kue est membre des Premières nations Deh Cho, une alliance de 14 gouvernements communautaires autochtones. Elle appuie le mémoire détaillé présenté à ce comité par le grand chef des Premières nations Deh Cho.

Le principe de base du projet de loi C-6 enfreint nos droits garantis par les traités. Il faudrait le modifier pour en exclure les territoires traditionnels des Premières nations Deh Cho. Cela dit, la Première Liidlii Kue reconnaît l'intention positive du projet de loi C-6 d'établir un système intégré de gestion des ressources qui traite notre vallée comme un écosystème.

Je suis venu ici pour proposer des solutions sur la façon dont nos nations peuvent commencer à collaborer pour maintenir l'intégrité écologique de cette vallée. La Première nation Liidlii Kue préconise de nouvelles discussions suivies de négociations concernant la législation future.

• 1600

Dans notre langue, le slave, nous appelons le fleuve Mackenzie qui traverse notre territoire «Deh Cho», ce qui signifie littéralement «grand fleuve». Cependant, le mot «deh» a une autre signification plus profonde. Il provient du vieux mot souche «di», qui signifie «ce qui n'a ni commencement ni fin; qui unit tout». Je pense que cela exprime le concept culturel déné de la notion scientifique d'écosystème.

Cette vision holistique traditionnelle de la nature permet de comprendre pourquoi la Première nation Liidlii Kue et d'autres membres des Premières nations Deh Cho ont refusé de conclure des ententes territoriales dans le cadre de la politique fédérale relative aux revendications territoriales globales. Notre position face à cette politique est plus profonde que le refus de renoncer à nos titres autochtones. Le créateur nous a donné ce territoire pour en prendre soin et pour le partager avec les nouveaux venus. La nature ne nous appartient pas; nous appartenons à la nature. Nous ne pouvons pas vendre notre terre ni la diviser en parcelles appartenant respectivement aux Premières nations et à la Couronne; nous ne pouvons pas non plus renoncer à nos responsabilités en matière de gestion des terres au profit des offices de cogestion dont les décisions peuvent être annulées par les ministres fédéraux. Afin de maintenir notre identité, nous devons préserver l'intégrité de notre territoire traditionnel et nous devons assumer notre responsabilité de décider de l'utilisation des terres.

En 1992, la Première nation Liidlii Kue a établi le Denendeh Resources Committee afin de récupérer ses responsabilités en appuyant ceux qui vivent de la nature, en examinant les projets de développement sur notre territoire et en formant les populations locales à la gestion des terres et des ressources. Le Denendeh Resources Committee représente toutes les familles étendues dans notre Première nation. Il comprend des anciens, des jeunes et des femmes. Il prend ses décisions par consensus.

Le Denendeh Resources Committee a presque terminé un projet cartographique présentant la façon dont nous utilisons nos terres à des fins traditionnelles. L'étape suivante consiste à élaborer nous-mêmes notre plan d'aménagement du territoire afin de déterminer les zones à protéger et celles où le développement industriel est acceptable. Nous collaborons également avec des organisations environnementales telles que la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada et le Fonds mondial pour l'environnement afin de cerner et d'établir des zones protégées qui préserveront l'intégrité écologique de nos terres.

Le travail pratique du Denendeh Resources Committee reflète notre conception de la souveraineté. L'unité de base de la souveraineté de notre société est la famille étendue, qui est responsable de la gestion de ses propres terres et ressources traditionnelles. Pour utiliser les terres et les ressources traditionnelles d'une famille étendue, il faut demander et obtenir son consentement. De même, chaque Première nation est responsable de ses terres traditionnelles. Plusieurs Premières nations peuvent travailler ensemble pour gérer conjointement leurs terres traditionnelles, mais uniquement en cas de consentement mutuel. Dans l'ensemble, la souveraineté est déléguée de façon ascendante dans la moindre mesure possible afin de préserver la liberté individuelle. Nos familles et Premières nations reconnaissent progressivement que nous devons travailler en étroite collaboration entre nous et avec d'autres intervenants pour nous occuper de nos terres. Cependant, le principe fondamental du consensus à tous les niveaux ne doit jamais être violé.

Le travail du Denendeh Resources Committee cadre avec la proposition d'autonomie gouvernementale préparée par les Premières nations Deh Cho. En collaboration avec d'autres communautés et les gouvernements des Premières nations Deh Cho, notre objectif demeure d'établir graduellement une administration publique fondée sur les valeurs et les principes des Dénés. Cette administration serait investie de pouvoirs semblables à ceux d'une province en ce qui concerne les terres, les ressources et l'environnement. La population non autochtone locale aurait le droit démocratique de participer à ce gouvernement. La compétence du gouvernement fédéral dans des domaines comme les parcs nationaux, les animaux migrateurs, les eaux navigables et les pêches serait reconnue.

• 1605

La Première nation Liidlii Kue n'a aucune intention d'établir un système isolé de gestion des terres, des ressources et de l'environnement. La sagesse ancestrale et la science nous apprennent que la terre est indissociable de l'ensemble de l'écosystème. De fait, toute la vallée Deh Cho subit actuellement les conséquences environnementales de mesures prises bien au-delà de ses frontières.

Récemment, trois importantes études financées par le gouvernement et coûtant chacune des millions de dollars ont fait état de ces changements. Le rapport d'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien montre que les contaminants aériens provenant de toutes les régions du monde s'accumulent dans nos poissons et notre faune. L'étude d'impact sur le bassin du Mackenzie prévoyait que le changement climatique provenant des émissions carboniques à l'échelle mondiale aura le plus d'effet dans ce bassin. L'augmentation des glissements de terrains le long des fleuves du Deh Cho donne à penser que le bassin commence peut-être déjà à subir de profonds changements climatiques. Enfin, l'étude des bassins des fleuves du Nord montre que la pollution provenant des usines de pâtes et papiers de l'Alberta se manifeste déjà très loin, dans la rivière des Esclaves. Elle montre en outre que le barrage Bennett en Colombie-Britannique ralentit la sédimentation dans le delta de la rivière des Esclaves.

À cet égard, la Première nation Liidlii Kue est parfaitement consciente de la nécessité de collaborer avec d'autres intervenants en ce qui concerne les terres, les ressources et l'environnement. Avec le consentement des autres gouvernements communautaires des Premières nations Deh Cho, la Première nation Liidlii Kue est disposée à envoyer des représentants Deh Cho pour participer sur un pied d'égalité au travail des offices de protection des terres et des eaux ou des offices d'étude d'impact environnemental qui s'occupe des questions touchant plus d'une région où dont la portée dépasse les frontières de la vallée.

En ce qui concerne la Première nation Liidlii Kue, les principes de la participation paritaire sont les suivants. Premièrement, l'office peut être un organisme décisionnel à représentation proportionnelle dont les décisions ne peuvent être rejetées par un ministre fédéral ou provincial. Deuxièmement, il peut être un conseil consultatif à représentation proportionnelle qui fait des recommandations et les fait approuver par les Premières nations concernées et par les ministres fédéraux ou provinciaux compétents. En cas d'impasse, la Première nation Liidlii Kue préconise le recours à des arbitres indépendants.

Pour ce qui est des hypothèses qui sous-tendent le projet de loi C-6, la Première nation Liidlii Kue tient à souligner les principes suivants, qui sont les préalables à de nouvelles discussions et négociations concernant la législation future.

Premièrement, en vertu du paragraphe 45(1), les offices régionaux d'aménagement territorial ne sont pas tenus de collaborer avec les offices voisins. Il est essentiel que la collaboration soit obligatoire sur des terres adjacentes, notamment pour assurer la viabilité des zones protégées.

Deuxièmement, il faut accorder plus d'importance à la surveillance et à la vérification environnementales proposées dans la Partie VI. Il faudrait établir un organisme indépendant de surveillance environnementale, qui travaillerait probablement en collaboration avec l'Office fédéral-provincial du bassin du fleuve Mackenzie.

Troisièmement, afin de gérer l'écosystème de la vallée de Deh Cho, il faut y inclure le delta du fleuve. Cela nécessiterait le consentement des Inuvialuit.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie infiniment d'avoir écouté mon témoignage. Je vous dis mahsi cho pour les générations futures.

Le président: Je vous remercie, chef, de votre témoignage.

Au suivant.

Le chef Bill Erasmus: Monsieur le président, le témoin suivant est le grand chef Mike Nadli, des Premières nations Deh Cho.

• 1610

M. Mike Nadli (grand chef, Premières nations Deh Cho): Mahsi cho, je vous remercie, monsieur le président.

Ceci fait suite à un exposé que nous vous avons présenté, de même qu'à d'autres membres du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, le 18 novembre 1997.

Je suis ici à titre de grand chef de la Première nation Deh Cho. Nous sommes aujourd'hui à Yellowknife. J'aimerais vous parler davantage des préoccupations et des observations formulées par les chefs des Deh Cho.

L'un de nos chefs voulait venir. Malheureusement, il n'a pu le faire, mais il a exprimé ses préoccupations au sujet du projet de loi C-6 et a recommandé un nouvel amendement en plus de ceux que nous avons présentés à Ottawa lors de notre exposé du 18 novembre.

Nous venons d'entamer un nouveau dialogue avec le gouvernement fédéral, c'est-à-dire avec la ministre des Affaires indiennes, Jane Stewart. Cela fait déjà deux ans. Nous sommes en 1997 et nous craignons beaucoup les répercussions qu'aura le projet de loi C-6 sur les ententes d'autonomie gouvernementale à venir. Nous sommes très préoccupés, particulièrement maintenant, alors que nous en sommes aux premières étapes de nos discussions avec le gouvernement fédéral.

Cet exposé vous présentera un bref historique, de 1990 à aujourd'hui.

En 1990, l'entente de principe des Dénés et des Métis a été rejetée par les Dénés et les Métis Deh Cho, surtout à cause de l'extinction. À l'époque, les Dénés et les Métis ne croyaient pas devoir accepter l'extinction, la reddition ou la cession de leur titre foncier autochtone ou conféré par traité sur les terres qu'ils occupaient de manière traditionnelle. Nous ne pouvons aller à l'encontre de nos lois, dictées par le créateur, et nous ne pouvons abandonner notre territoire, ni accepter sa saisie, sa reddition ou l'extinction de nos droits à son sujet.

Depuis, notre organisation a fait davantage de recherche sur l'interprétation qu'avaient nos aînés des traités. Essentiellement, les conclusions tirées de cette recherche, réfutées auparavant dans l'affaire Paulette, montraient clairement que nous ne signions pas de traités avec le gouvernement fédéral pour céder nos territoires ou pour remettre des titres de propriétés au gouvernement fédéral, ni à la Couronne, à l'époque.

En 1993, l'assemblée des Deh Cho a eu lieu à Kakisa. Les participants à l'assemblée générale ont adopté une déclaration Deh Cho soulignant essentiellement que nous souhaitions un gouvernement au Deh Cho, et expliquant notre point de vue sur notre relation avec le territoire et avec le créateur.

En 1994, à l'invitation du ministre de l'époque, M. Ron Irwin, qui au début du gouvernement libéral avait consulté les Premières nations de tout le Canada au sujet de l'autonomie gouvernementale, notre organisation a préparé une proposition Deh Cho visant la création d'un gouvernement Déné dans le territoire traditionnel Deh Cho.

Ce dernier ministre, a tout d'abord décrit notre proposition comme unique et intéressante puis l'a de nombreuses fois rejetée et s'est moqué de nos intentions de corriger les choses dans notre territoire. Pendant la même période, beaucoup de nos droits autochtones et des droits obtenus par traité ont été continuellement marginalisés, dans le secteur de l'éducation, la santé et des services sociaux, ce qui fait qu'on s'est écarté de l'entente que nous avions avec la Couronne au sujet du traité.

• 1615

Je voulais simplement vous présenter ce point de vue, vous dire qu'elle était notre situation ici, au Deh Cho. Nous craignons les répercussions du projet de loi C-6 sur notre avenir. Le comité l'ignore peut-être, mais ce projet de loi pourrait compromettre les accords sur l'autonomie gouvernementale et miner le processus entrepris par le gouvernement fédéral.

En terminant, je vous remercie encore de m'avoir invité et de m'avoir écouté. Mahsi cho.

Le président: Merci beaucoup.

Le chef Bill Erasmus: Le témoin suivant est Patrick Simon de Deninu Kue.

M. Pat Simon (coordonnateur, Comité de l'environnement DeninuKue): Merci, monsieur le président, de me donner la possibilité de présenter au comité permanent un exposé à la hâte sur cette question, sur ce projet de loi que le gouvernement du Canada veut mettre en oeuvre.

Comme Bill le disait plus tôt, je suis de la Première nation du Deninu Kue, probablement plus ou moins bien connue du reste du Canada sous le nom de Fort Resolution. Je suis un conseiller de bande élu. Je suis engagé depuis quelque temps déjà, particulièrement depuis que je suis devenu majeur et que j'ai pris conscience de la nécessité pour moi de m'engager afin que nous puissions créer un avenir pour mes enfants et ceux des gens qui m'entourent.

Au sujet de ce projet de loi en particulier, je peux vous garantir que du point de vue de la base, il n'y a pratiquement pas eu de consultations, en tout cas, pas de consultations conduites de manière responsable, comme on s'y attendrait d'un gouvernement comme celui du Canada.

Quant à moi, je suis ici à la demande de mon chef, non seulement pour vous présenter notre point de vue en tant que Première nation, mais pour donner notre appui au grand chef Felix Lockhart, qui vous présentera bientôt un exposé.

Pour commencer, je dois dire que je suis venu ici à la hâte et qu'on m'a demandé de nous préparer quelque chose qui vaille la peine. En toute honnêteté, je n'ai même pas essayé.

Il y a encore beaucoup d'incertitude et de choses à éclaircir dans ce document mais une chose me semble claire, et c'est que ce document est nécessaire pour les peuples du Canada et pour les groupes revendicateurs qui ont déjà obtenu un règlement de leurs revendications. Je le comprends bien. Mon peuple le comprend et le respecte.

• 1620

Mais ce que nous n'arrivons pas à comprendre ni à accepter, c'est le fait que ce document ou cette loi ou cette législation nous engagera, ou préparera le terrain pour ce qui se produira à l'avenir lorsque notre territoire, et les aspirations de nos Premières nations seront négociées dans le cadre d'une relation entre nous et le gouvernement du Canada, à l'avantage non seulement de mon peuple mais aussi du peuple du Canada, et par conséquent du monde entier.

S'il y a une préoccupation que j'ai à ce sujet, une chose qui doit être clarifiée à mes yeux, c'est que je me demande si vous avez vraiment le droit d'agir ainsi, en ce qui me concerne en tant que sujet d'un traité conclu entre une Première nation et le gouvernement du Canada. Avez-vous le pouvoir d'agir ainsi? Je ne crois pas. Pour légitimer ce projet de loi ou cette législation il doit y avoir des consultations adéquates, responsables, et il doit y avoir le consentement du peuple du Conseil tribal du territoire Akaitcho et des peuples signataires ou des descendants des signataires du Traité no 8. Pour le reste, il faut se reporter aux autres traités, avec les territoires voisins.

Je le répète, ma présence ici, ainsi que celle d'autres membres d'une délégation d'une notre région, ne légitiment pas ce processus en en faisant une consultation appropriée et responsable. À mes yeux, ce n'est qu'une première étape.

En fait, en toute franchise, je n'ai vu ce document qu'hier soir et j'en ai lu le plus possible en chemin. C'est assez loin, de venir ici. Nous prenons des voitures, des avions, nous faisons ce qu'il faut pour venir ici, parce que nous estimons que c'est une réunion très importante que vous avez organisée, qui pourrait influencer notre façon de procéder à l'avenir, en tant que Première nation pour établir notre relation avec le reste du Canada.

Je vous remercie beaucoup de nous recevoir. Je vous souhaite de réussir et je ne peux que me fier à votre intégrité, à votre honnêteté et à votre engagement d'avoir un bon gouvernement et un gouvernement responsable.

Mahsi cho.

Le président: Merci beaucoup pour cette déclaration.

Le chef Bill Erasmus: Merci, Patrick Simon.

Nous accueillons maintenant Lloyd Norn, de la même communauté.

Le président: Veuillez répéter votre nom, s'il vous plaît.

M. Lloyd Norn (conseiller en environnement, Comité de l'environnement du Deninu Ku'e): Membres du comité, je vous remercie de me permettre de vous parler de cette importante question.

Je suis Lloyd Norn. Je suis conseiller environnemental auprès de la Première nation du Deninu Ku'e, mieux connue sous le nom de Fort Resolution.

• 1625

La loi proposée, dans son libellé actuel, n'a pas fait l'objet d'un processus consultatif complet. Nous ne pouvons vous donner un appui sans réserve sans que notre peuple donne à ses chefs un consentement éclairé et sans réserve. Le processus de consultation est un peu trop rapide pour nous actuellement. Nous n'avons ni les ressources ni le personnel pour recueillir des avis techniques et professionnels sur les répercussions de cette loi. Nous pensons qu'avant que vous mettiez la dernière main à ce projet de loi, nous devrions avoir les ressources nécessaires pour prendre une décision éclairée au sujet du projet de loi C-6, que nous présenterions au comité permanent.

Nous n'avons pas d'objection à ce que les groupes de revendication du Sahtu et du Gwich'in aient un siège à l'Office des eaux ici, dans les Territoires du Nord-Ouest.

Je dois dire une autre chose au comité. En tant que chef, nous qui sommes ici avons une responsabilité morale envers les générations futures et nous nous en acquitterons de notre mieux. Nous estimons que ce projet de loi minerait et compromettrait gravement ce que le gouvernement fédéral négocie actuellement avec mon peuple. Je répète qu'avant que des amendements portant à conséquence soient apportés aux lois actuelles, nous avons besoin de plus de temps.

Merci de m'avoir écouté. J'espère que vos délibérations seront fructueuses et que nous en viendrons à une sage décision afin que nous puissions coexister dans le bien et la justice.

• 1630

Merci encore une fois. C'est tout ce que j'avais à ajouter à l'exposé de M. Simon. Mahsi.

Le président: Merci beaucoup pour votre déclaration. Je respecte ce que vous dites.

Le chef Bill Erasmus: Merci beaucoup, monsieur le président. Le témoin suivant est le grand chef Felix Lockhart du Territoire Akaitcho. M. Lockhart a un exposé écrit. Il doit être dans les documents qu'on vous a remis.

M. Felix Lockhart (grand chef, Conseil tribal du Territoire Akaitcho): Merci, chef national Bill Erasmus.

Bonjour à tous. Nous jouissons actuellement d'un temps doux pour cette période de l'année et j'espère que rien ne changera jusqu'après les Fêtes. Je vous souhaite à tous un très Joyeux Noël et une Bonne Année.

Je veux remercier les intervenants précédents. D'autres leaders de mon territoire n'ont pu venir. Il y a ailleurs des rencontres portant sur les ententes sur les répercussions et les méthodes, c'est pourquoi ils n'ont pu venir au comité permanent cette fois-ci; à l'avenir, nous espérons qu'ils en auront l'occasion.

En attendant, je voulais vous présenter un mémoire au nom du Territoire Akaitcho. Cela s'ajoute à ce qui s'est dit lors de nos rencontres précédentes. Les autres chefs ont parlé des questions se rapportant au projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui depuis 1996. Il y a aussi de la correspondance échangée au sujet de notre position. Nous aurons déjà eu l'occasion de parler de ce projet de loi au printemps et de nouveau, maintenant, cet automne.

Pendant nos discussions et dans nos lettres, nous avons constaté que le format du projet de loi avait changé. Comme vous le savez, c'est le projet de loi C-80 qui est devenu le projet de loi C-6, comme vous l'appelez. Je veux maintenant ajouter mes observations aux préoccupations déjà présentées par les autres Premières nations, au nom de leur peuple des autres secteurs de notre région. Dans mon secteur, il y a six communautés et c'est un territoire très grand et je vais maintenant vous présenter cet exposé au nom du peuple Akaitcho.

Je veux profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue sur notre territoire au Comité permanent des affaires autochtones. En tant que grand chef du territoire Akaitcho, je suis responsable d'un territoire dont la superficie est d'environ 100 000 milles carrés. Les Dénés Akaitcho savent que cette rencontre se fait par vidéoconférence et nous rappelons aux membres du comité que les ondes nous appartiennent. Nous ne les avons jamais données ni cédées, alors bienvenue sur notre territoire.

Il est dommage que vous ne puissiez venir chez nous, voir combien ce territoire est vaste et beau. C'est de notre vie que nous allons discuter. Lorsque nous parlons de notre territoire, nous parlons au nom de générations qui ne sont pas encore nées. C'est une lourde responsabilité et nous devons prendre de bonnes décisions. En faisant ces exposés, nous gardons cela à l'esprit.

• 1635

Par le passé, nous avons beaucoup discuté de nos droits avec l'État du Canada. Au milieu des années 70, le juge Morrow, dans l'affaire Paulette, a déterminé que les terres et les ressources appartenaient aux aînés. Les traités conclus avec la Couronne britannique ne supprimaient pas nos droits sur nos terres et nos ressources. Dans cette décision célèbre, le juge Morrow exhortait l'État canadien à discuter avec nous de la nature de nos terres et de nos territoires.

Avant de passer en revue ce passé, j'aimerais ajouter une chose pertinente au sujet de la consultation et du consentement.

Pendant le procès, le juge Morrow s'est rendu compte que pour écouter l'histoire menant à ces traités, il devait écouter les personnes qui y avaient participé. Il est donc allé dans les communautés du Deh Cho, dans la vallée du Mackenzie, pour les écouter lui-même. Cela suivait un précédent établi par la Proclamation royale de 1763, selon laquelle personne ne pouvait pénétrer sur les territoires indigènes sans notre consentement éclairé. Ces dispositions s'appliquent aussi à la modification du traité, en public et sans interférence.

Ces procédures n'ont pas été suivies pour ce projet de loi. Nous nous attendons à ce qu'elles le soient.

Au cours des 25 dernières années, le peuple déné s'est engagé dans divers processus. Toutes ces discussions n'ont plus servi à rien lorsqu'on a parlé de nos terres et de nos territoires. En tant que membres du comité permanent, vous devez comprendre que nous, les Dénés akaitcho ne sommes pas prêts à renoncer à nos terres et à nos territoires. Nous voulons bien les partager et coexister sur nos territoires, mais nous n'y renoncerons pas. C'est pourquoi nous continuons d'attendre patiemment que l'État du Canada change ses politiques en la matière.

Nous avons récemment reçu une lettre très encourageante du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. On y dit qu'il n'est pas nécessairement question de nous y faire renoncer. C'est un grand pas en avant et nous félicitons la ministre de nous avoir écrit cette lettre.

Mais alors même que cette lettre était à l'étude, cette loi franchissait les étapes du processus politique. Cela a été très difficile pour nous. Il semble que la bonne volonté politique manifestée par la ministre des Affaires indiennes, en entamant des discussions avec nous, ait été sapée par ce processus. Nous ne pouvons continuer à mener des négociations ouvertes et justes si l'État du Canada fixe des conditions préalables aussi difficiles.

Lorsque les Dénés du Sahtu et du Gwich'in ont commencé les discussions relativement à leurs revendications territoriales avec le Canada, nous ne nous y sommes pas immiscés. C'était leur décision. De même, à l'étape de la confirmation et de la ratification, le peuple déné Akaitcho n'a ni signé ni voté pour les règlements définitifs. De la même manière, nous ne pouvons accepter que ces règlements nous soient imposés dans le cadre de ce processus.

Il y a quelque temps, nous avons présenté à la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien un document sur la coexistence qui correspond à notre vision du territoire et des droits de tous, au sein du territoire Akaitcho. Nous essayons de mettre en oeuvre le traité négocié et conclu avec la Couronne britannique. Nous ne voulons pas changer la relation.

Les terres sont importantes pour les Dénés akaitcho. Nous ne pouvons simplement déménager ailleurs. Nous venons de cette terre. Sans nos terres et nos territoires, nous serions un peuple perdu. Les Dénés akaitcho connaissent cette terre. Nous y vivons. Lorsque nous y sommes, nous savons comment nous occuper de tout et de tous ceux qui s'y trouvent. Nous savons que de salir notre territoire nous nuirait à l'avenir. Nos lois dénées nous ont permis d'y vivre des milliers d'années avant d'entrer en contact avec les autres. Nous avons l'intention de continuer notre relation avec ce territoire.

Mais dans la même veine, nous sommes prêts à discuter avec le Canada de la façon dont fonctionnera cette relation. L'imposition de cette loi va complètement à l'encontre de la bonne foi, de l'ouverture, de la transparence et de l'honnêteté. Nous ne consentons pas à ce processus.

Permettez-moi de rappeler la manière choisie par les fonctionnaires du ministère. Les chefs du territoire akaitcho ont reçu avis de cette loi par l'intermédiaire d'un communiqué de presse du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous avons constaté que le communiqué de presse était adressé non pas à nous, mais aux médias. Dans la trousse de presse, on parlait de la poste prioritaire. Les trousses envoyées par poste prioritaire ne sauraient être considérées comme un avis suffisant de l'intention du Parlement de modifier de manière fondamentale ses relations en vertu de traités avec le peuple déné Akaitcho.

Dans une lettre adressée aux médias, le ministère s'est excusé de l'expédition tardive des documents. Et que dire de l'expédition de l'information aux dirigeants dénés Akaitcho? Nous contestons la pratique de communiquer par poste prioritaire. Il s'agit d'une question si fondamentale et critique que nous méritons d'être avisés convenablement. Selon nous, un communiqué n'est pas un avis suffisant. J'aimerais savoir ce que pense le comité d'une telle façon de procéder.

• 1640

La trousse de presse contenait la copie d'une lettre signée par Gary Nicholl, directeur par intérim, politique des ressources et transferts, au ministère des Affaires indiennes et du Nord. On peut y lire que l'objet est «de vous consulter davantage au sujet de la mesure législative proposée». Le fait de recevoir par poste prioritaire une enveloppe dont on ne connaît pas le contenu ne signifie pas qu'on a été consulté.

En deuxième lieu, il convient de signaler que les Dénés Akaitcho ont, par traité, le droit de consentir à tout changement dans les rapports établis par traité, et ce consentement doit s'exercer d'une façon précise. L'envoi d'une enveloppe par poste prioritaire ne correspond pas aux critères établis dans la proclamation royale de 1763 pour ce qui est du consentement obtenu en pleine connaissance de cause dans le cadre d'une réunion ouverte et publique de tous les citoyens.

En troisième lieu, l'État du Canada n'est pas propriétaire des terres et des ressources du territoire Akaitcho et n'a aucunement le droit d'établir ou d'adopter des lois dans un territoire ou il n'a aucune compétence.

En quatrième lieu, les dirigeants Akaitcho n'ont jamais consentis à ce que d'autres dirigeants, comme ceux du Gwich'in ou du Sahtu, aient le droit d'accorder un consentement au nom des Akaitcho. Le Canada ne veut pas aborder le problème de fond, à savoir celui de l'application des traités. Le Canada a réussi à convaincre les Sahtu et les Gwich'in de renoncer à leurs droits en échange aux offices qui sont proposées. Or, ces Offices n'exercent aucun pouvoir réel. Ce n'est qu'une mise en scène pour donner l'impression que la population a son mot à dire. Il ressort du libellé actuel du projet de loi que le gouvernement du Canada a l'intention de prendre des décisions qui concernent l'Arctique de l'Ouest sans tenir compte de traités ayant force obligatoire.

Le chef national du Denendeh proposera un certain nombre d'amendements. Même si nous proposons des amendements, cela ne veut pas dire que nous accordons notre consentement à la mesure législative. Nous nous efforçons plutôt de trouver une solution honorable que pourra adopter le comité sans nous imposer cette mesure. L'imposition de la mesure aurait de graves répercussions pour les Dénés Akaitcho et pour notre territoire.

Lorsque les traité no 8 et no 11 ont été conclus, les Dénés Akaitcho et le commissaire aux traités britanniques n'ont pas envisagé l'abandon et l'extinction des droits relatifs au territoire et aux ressources. Les deux parties ont plutôt considéré les traités comme étant des traités de paix et d'amitié, comme l'a confirmé le jugement Morrow. Il y a loin du gage de paix et d'amitié à l'extension complète des droits.

L'enquête fédérale au sujet de la construction d'un pipeline le long de la vallée du Mackenzie a été l'un des faits marquant et significatif de l'époque récente. Le juge Tom Berger, à qui le gouvernement fédéral avait confié l'enquête, s'est rendu dans les localités de la Vallée du Mackenzie pour connaître les opinions de la population autochtone. Tout comme le juge Morrow, M. Berger a suivi un processus fondé sur la tradition britannique en matière de consultation avec les populations autochtones, selon ce qui est établi dans la proclamation royale de 1763. On a tenu des réunions publiques, dans un esprit d'ouverture et sans intention cachée. Les négociations ne comportaient ni échéance, ni limitation des sujets pouvant être abordés. Ainsi, des témoins ont pu rendre compte de façon fort détaillée des négociations relatives aux traités et de leurs effets sur les droits territoriaux.

Il ressort très clairement des témoignages des audiences concernant la vallée du Mackenzie que les populations autochtones n'ont pas cédé leur compétence à l'égard de leurs territoires et leurs ressources. Or, la mesure législative proposée aura pour effet de modifier la nature des consultations auxquelles s'attendent normalement, à titre individuel et collectif, les Dénés Akaitcho.

L'une des principales difficultés que comporte le projet de loi a trait à l'hypothèse qui en sous-tend le libellé. En effet, on a rédigé le projet de loi en supposant que le droit de propriété sous-jacent aux territoires était dévolu à la couronne britannique et a été transféré, comme par magie, à l'État du Canada. Toutefois, rien ne permettait au souverain d'Angleterre de supposer que le droit de propriété sous-jacent était dévolu à la Couronne sans le consentement des peuples autochtones qui occupaient leurs terres en toute légitimité. La couronne était encore moins autorisée par la suite à transférer ces terres et ressources au nouvel État du Canada. Il ne pouvait y avoir aucun transfert sans le consentement des peuples autochtones.

Le gouvernement fédéral doit fournir aux chefs et dirigeants autochtones la preuve documentaire que les peuples autochtones ont véritablement, en toute connaissance de cause, transféré leur droit de propriété sous-jacent à l'État du Canada. Il s'agit là d'une condition préalable à tout pouvoir législatif du Parlement du Canada autorisant à adopter des lois visant des territoires et des ressources sur lesquels il n'a aucune compétence.

• 1645

Les offices proposés sont censés s'intéresser à deux aspects qui n'ont jamais fait l'objet d'un transfert de compétences au gouvernement fédéral. Dans un cas, il s'agit du droit de propriété sous-jacent des terres et des eaux de la région. Il ressort clairement des Accords avec les Gwich'in et les Sahtu que ces ressources sont transférées au gouvernement fédéral. Cependant, aucun accord du genre n'a été conclu entre le gouvernement fédéral et les Dénés Akaitcho.

J'aimerais maintenant attirer l'attention du comité sur les obligations qui lui incombent aux termes du traité.

Les parties au traité, qui sont des citoyens canadiens, se sont vu conférer des droits. Le commissaire britannique a demandé que les sujets de Sa Majesté puissent vivre dans nos territoires dans la paix et l'amitié. Jusqu'à ce jour, tous les citoyens du Canada exercent quotidiennement des droits qui leur ont été conférés par traités. Nous demandons tout simplement que nos droits, qui nous ont été conférés par traités, soient respectés de la même manière.

Or, nos traités sont violés si la loi s'applique sans notre consentement. Comme l'a déclaré Lord Denning dans l'affaire R. c. Le secrétaire d'État au Commonwealth et aux Affaires étrangères et l'Association des Indiens de l'Alberta:

    [...] ces droits et libertés leur ont été garantis par la Couronne, à l'origine par la Couronne du Royaume-Uni, mais aujourd'hui par la Couronne du Canada, mais, quoi qu'il en soit, par la Couronne. Aucun parlement ne doit faire quoi que ce soit qui puisse diminuer la valeur de ces garanties. Elles doivent être respectées par la Couronne du Canada «tant que se lèvera le soleil et coulera l'eau des rivières.» Cette promesse doit toujours être respectée.

Cette affaire est d'autant plus importante qu'il s'agit d'un jugement rendu avant que la Constitution ne soit rapatriée du Royaume-Uni au Canada. Le jugement a force obligatoire pour le Parlement du Canada, qui ne peut modifier unilatéralement les traités sans le consentement de ceux qui les ont signés à l'origine. Le ministre des Affaires indiennes ne peut soutenir que le fait pour les Gwich'in et les Sahtu de conclure des accords avec le gouvernement fédéral peut avoir des répercussions sur les droits des peuples autochtones de l'ensemble de la vallée du Mackenzie.

Enfin, les collectivités dénées du territoire Akaitcho n'ont pas encore discuté à fond des effets de la mesure sur divers documents juridiques. Il nous faudra du temps pour analyser les modifications et être en mesure de commenter de façon exhaustive. Les Dénés Akaitcho proposent certains amendements de portée assez restreinte qui rendraient la mesure conforme aux obligations juridiques du Canada sans englober les Dénés Akaitcho. C'est ce qu'il convient de faire, en toute équité.

Au nom des générations futures qui dépendent de notre vigilance, nous vous remercions de nous accorder l'occasion d'exposer nos points de vue.

Également, j'aimerais énumérer une partie des textes qui vont être touchés par la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Il y a tout d'abord certaines lois et certains règlements du gouvernement fédéral: La loi sur les ponts, la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi sur les explosifs, la Loi sur les pêches, la Loi sur les Indiens, la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l'Office national de l'énergie, la Loi sur les parcs nationaux, la Loi nationale sur les transports, la Loi sur la protection des eaux navigables, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur les radiocommunications, la Loi sur la sécurité ferroviaire, le Règlement sur le stockage en vrac de l'ammoniac anhydre, de la Loi sur la sécurité ferroviaire, le Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique, de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, le Règlement sur les installations de déchargement des wagons-citernes de chlore, le Règlement fédéral sur le traitement et la destruction des BCP au moyen d'unités mobiles, le Règlement sur l'emmagasinage en vrac des liquides inflammables, le Règlement de 1995 sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, le Règlement sur la destruction des déchets dans les réserves indiennes, de la Loi sur les Indiens, le règlement sur le bois des Indiens, de la Loi sur les Indiens, le Règlement sur l'emmagasinage en vrac du gaz de pétrole liquéfié, le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, le Règlement sur les oiseaux migrateurs, de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, le Règlement sur les refuges d'oiseaux migrateurs, de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, le Règlement général sur les parcs historiques nationaux, de la Loi sur les parcs nationaux, le Règlement général sur les parcs nationaux de la Loi sur les parcs nationaux, le Règlement général sur les parcs nationaux, de la Loi sur les parcs nationaux, le Règlement sur les baux et les permis d'occupation des parcs nationaux, le Règlement sur le bois dans les parcs nationaux, le Règlement sur la faune des parcs nationaux, de la Loi sur les parcs nationaux, le Règlement territorial sur le drainage, de la Loi sur les terres territoriales, le Règlement sur l'utilisation des terres territoriales, de la Loi sur les terres territoriales—où il est question des permis de catégories A et B—, le Règlement sur les mines d'uranium et de thorium, de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, le Règlement sur les zones de gestion de la faune, de la Loi sur la faune du Canada, et certaines dispositions de lois relatives aux Territoires du Nord-Ouest, comme la Loi sur l'aménagement des forêts, la Loi sur la protection des forêts, la Loi sur les parcs territoriaux, la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, la Loi sur la faune et le Règlement sur l'aménagement des forêts.

• 1650

Voilà qui met un terme à mes commentaires. J'aimerais signaler que nous n'avons jamais réussi à réunir les mêmes interlocuteurs dans la même salle pour discuter à fond de cette question et que la mesure législative qui est devant nous diffère du projet de loi qui a été déposé au printemps. Je me demande ce que cela veut dire. C'est ce que nous nous efforçons de comprendre aujourd'hui.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, grand chef.

[Français]

Avant de céder la parole à M. Erasmus, je vous rappelle que nous avions prévu ajourner notre séance à 17 h 30 afin de permettre aux députés d'assister aux réunions prévues à leur horaire.

J'aimerais vous mentionner que nous avons l'honneur d'avoir la présence dans notre salle de M. Ovide Mercredi. Nous avons aussi l'honneur de compter parmi nous Mme Louise Hardy, députée néo-démocrate du Yukon, qui est toujours présente à nos réunions, et tous les autres députés.

Étant conscient que le temps avance, j'aimerais soumettre une proposition. Je sais que vous voulez présenter des amendements et que vous seriez disposé à donner un résumé de votre présentation. Avec l'acceptation unanime des députés ici présents, on pourrait convenir que le texte intégral de sa déclaration soit consigné au procès-verbal.

Est-ce qu'un député en fait la proposition?

[Traduction]

M. John Bryden (Wentworth-Burlington, Lib.): Je propose le dépôt du document.

[Français]

Le président: Et qu'il soit imprimé.

[Traduction]

M. John Bryden: Et son impression également.

(La motion est adoptée)

Le président: Merci.

Allez-y, monsieur Erasmus.

Le chef Bill Erasmus: Merci, monsieur le président. M'invitez-vous à résumer mon exposé?

Le président: Oui, et j'ai donné l'occasion aux députés...

Le chef Bill Erasmus: Avez-vous une copie de mon exposé?

Le président: Oui.

Le chef Bill Erasmus: Je vais sauter l'introduction et passer à l'analyse du projet de loi, à la page 3. Je suppose que vous allez lire l'introduction et en tenir compte en prenant connaissance du document.

Suit le texte de la déclaration du chef Bill Erasmus: Je vous remercie de donner l'occasion à la nation dénée de soumettre un mémoire à votre comité au sujet de cet important projet de loi. Il est malheureux que vous n'ayez pas pu vous rendre dans le Nord pour être ici avec nous en personne, comme nous et d'autres l'avons demandé. Les Dénés entretiennent avec vous des rapports importants qui sont fondés sur des traités. En 1899-1900, nous avons conclu le Traité no 8 avec la Grande-Bretagne, qui agissait au nom du Canada. En 1921, le Traité no 11 a été conclu de la même manière. Ces accords étaient des traités de paix et d'amitié qui visaient à établir les bases de relations futures. Dans les années 60, nous nous sommes rendu compte que le Canada n'interprétait pas les traités de la même façon que nous. Les autorités canadiennes y voyaient des instruments de renonciation. C'est à ce moment-là que nos dirigeants sont devenus inquiets, se sont organisés et ont formé la Fraternité des Indiens des Territoires du Nord-Ouest. Ils ont ensuite obligé le Canada à aller devant les tribunaux pour régler la question de la propriété du territoire. Enfin de compte, le juge William Morrow est arrivé à la conclusion qu'il n'existait aucune preuve à l'appui de la thèse de la renonciation. Il s'est plutôt dit d'avis que les Dénés continuaient d'exercer certains droits sur le territoire et que le Canada était obligé de traiter avec eux de façon équitable.

Monsieur le président, ce jugement a été rendu en 1973. Depuis, les Dénés et les Métis de notre territoire discutent de façon sporadique avec les représentants du Canada de ce qu'on a l'habitude d'appeler une revendication territoriale. Certains autres témoins vous ont relaté au cours des deux dernières semaines l'évolution de nos discussions jusqu'en novembre 1990, moment à partir duquel le Canada a choisi de ne plus négocier avec l'ensemble de nos descendants.

Nous envisagions au départ une gestion des terres et des eaux qui engloberait l'ensemble de la vallée du MacKenzie par un organisme qui répondrait aux besoins de l'ensemble de nos membres. Toutefois, lorsque la partie canadienne a annoncé son intention de régler les revendications sur une base régionale, nous avons cessé de croire à la possibilité d'un accord unique visant un seul et même organisme de réglementation pour l'ensemble de la vallée du MacKenzie. Les Gwich'in et les Sahtu ont demandé à la nation dénée de ne plus les représenter dans les négociations et ont décidé de négocier eux-mêmes leurs accords. En fin de compte, les deux accords ont été approuvés par le Parlement et le Sénat du Canada. Nous ne sommes opposés ni à l'un ni à l'autre des accords. Ce n'est que plus tard que nous avons appris que ces accords contenaient des dispositions qui dépassaient les limites des régions désignées.

Ce n'est qu'en 1994 que nous avons appris que leurs accords visaient nos terres et territoires à des centaines de milles au sud des leurs. Des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ont demandé de rencontrer nos dirigeants à ce sujet. Des rencontres distinctes ont eu lieu dans nos régions et elles ont suscité une vive opposition. Je vous citerai, à titre d'exemples, les motions de l'Assemblée nationale dénée. Depuis, certains échanges de correspondance ont eu lieu. De notre point de vue, on ne peut dire qu'il s'agit là de consultations. Les chefs du territoire Akaitcho nous ont même déclaré que c'était par le truchement des médias que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien les avait informés de la mesure législative. Sur la page couverture de la télécopie, on signalait que les médias avaient reçu le document avant eux. Il y était également question d'un envoi par poste prioritaire. Or, le bureau du Territoire Akaitcho n'a rien reçu. La poste prioritaire ne peut être le moyen de traiter de telles affaires. Il s'agit d'une question fondamentale et critique au sujet de laquelle il mérite d'être avisé en bonne et due forme.

Monsieur le président, un communiqué de presse ne peut constituer un avis suffisant. Un envoi par poste prioritaire ne peut être considéré comme étant un avis suffisant de l'intention du Parlement de modifier de façon fondamentale des rapports avec les Dénés qui sont fondés sur des traités.

Ce qui suit est une analyse du projet de loi proposé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. L'analyse comporte deux dimensions. Celle des traités et celle du droit des peuples autochtones aux terres et aux ressources dans un territoire qui demeure la propriété des Dénés.

Le chef Bill Erasmus: À titre de chef de la Nation dénée, je suis heureux d'avoir l'occasion de vous soumettre cet exposé.

Nous étudions un projet de loi qui a des implications pour nos droits ancestraux et nos droits issus des traités. Nous cherchons des façons de travailler avec vous de telle sorte que vous compreniez et que vous reconnaissiez que les terres dont nous parlons, comme l'ont dit nos délégués avant nous, continuent d'appartenir aux Dénés, ce qui explique d'ailleurs que nous soyons en négociation avec le Canada.

Dans le préambule de la mesure législative, il est question des accords avec les Gwich'in et les Sahtu, que le Canada doit respecter. Or, si on a l'intention d'élargir le territoire des offices pour y inclure les zones contiguës des régions désignées, nous devons le savoir. Nous ne nous opposons pas à ce que le Canada respecte ses obligations à l'égard de ces deux entités. La difficulté survient lorsqu'il est question d'élargir le processus à l'ensemble de la région du Mackenzie.

• 1655

Le préambule fait état de l'intention du Canada de réviser la mesure législative. Nous devons comprendre quelle est la nature de cette révision. Selon nous, il doit s'agir d'une révision publique complète et, ici encore, le consentement des Dénés est nécessaire. Il est inadmissible que le gouvernement fédéral détermine l'ampleur et la portée de la révision sans le consentement de notre population. En réalité, il ne s'agit pas ici d'une question de consultation mais d'un aspect qui nécessite le consentement des Dénés.

Les dispositions interprétatives contiennent des précisions sur ce que l'on entend par dirigeants dénés. On peut y lire dans la rubrique «Première nation: Outre la Première nation des Gwich'in ou celle du Sahtu, tout organisme représentant les Dénés ou les Métis des régions de North Slave, South Slave ou Deh Cho de la vallée du Mackenzie.» Nous recommandons une modification, de sorte que «Première nation signifie: la Première nation Gwich'in et la Première nation Sahtu».

Par ailleurs, à la définition de la Vallée du Mackenzie, nous proposons que «Vallée du Mackenzie» signifie «La partie des Territoires du Nord-Ouest visée par les accords définitifs acceptés et ratifiés par les Gwich'in et les Sahtu» .

Pour ce qui est de la clause non dérogatoire, elle doit viser à protéger les régions qui n'ont pas encore conclu un accord définitif avec le Canada. Cette clause fait problème du fait que son libellé renvoie à la Constitution du Canada. La disposition en dépend et, de plus, elle est d'application difficile à cause de l'ambiguïté des droits issus des traités et des droits ancestraux.

Le gouvernement du Canada maintient sa position, à savoir que les droits issus de traités existants sont ceux qui doivent faire l'objet de négociations avec le Canada et que, en pratique, l'article 35 de la Constitution n'est qu'un contenant auquel il faut un contenu.

Or, nos représentants ont soutenu que les droits issus des traités et les droits ancestraux existants représentent un contenu substantiel qu'il s'agit de mettre en application. Dans son libellé actuel donc, cette disposition est laissée aux bons soins des tribunaux qui en décideront à l'avenir. Également, elle a un effet dissuasif sur toute initiative de négociation avec le Canada.

Après le paragraphe 5(2), on devrait lire: «... la présente loi s'applique dans les régions désignées des Dénés Gwich'in, du Sahtu et des Métis, telles qu'elles ont été définies dans leurs accords avec le Canada».

Également pour ce qui est de la partie IV du projet de loi, nous constatons que la mesure ne visera que les Gwich'in et le Sahtu qui ont négocié sans la présence à la table de notre peuple, de sorte que la partie IV doit être supprimée. Elle n'est pas nécessaire. Si le gouvernement ne fait que mettre en oeuvre les accords des Gwich'in et du Sahtu, elle n'est pas nécessaire. Si on cherche à conserver cette partie, il devient évident que le gouvernement fédéral a des intentions cachées.

Une observation au sujet de nos négociations et de nos discussions sur l'autonomie gouvernementale: depuis 1990, les cinq régions de la vallée du Mackenzie élaborent leur propre avenir selon les instructions de leurs membres. Plus précisément, les dirigeants de Deh Cho et d'Akaitcho travaillent activement à la réalisation de cette autonomie gouvernementale.

Depuis la ratification des accords des Gwich'in et du Sahtu, le gouvernement fédéral a beaucoup changé sa façon de penser et sa façon de procéder. Je vous demanderai de vous référer à une lettre qui se trouve dans votre dossier et qui est datée du 17 octobre 1997; c'est une lettre de la ministre des Affaires indiennes, Jane Stewart, adressée aux chefs du territoire Akaitcho. Vous noterez que l'extinction des droits n'est plus une condition nécessaire au règlement d'une revendication avec le Canada. Le gouvernement est également prêt à discuter de l'exercice de l'autorité à la même table de négociation, et à discuter également du partage des revenus, des ressources et des ententes fiscales. Nous ne discutons donc plus seulement de terres et de ressources avec extinction obligatoire des droits.

Avec ce nouveau gouvernement, l'atmosphère est devenue très positive, surtout avec la nouvelle ministre du MAINC. Ce projet de loi préexistant risque de menacer ces bonnes relations. On pourrait même parler de «négociations de mauvaise foi» car cela prédétermine l'issue des négociations et empêche les parties d'atteindre leurs propres objectifs.

Nous ne disons pas qu'il y aura ou qu'il devrait y avoir cinq offices différents des terres et des eaux. Nous savons qu'il est nécessaire de travailler en étroite collaboration avec les autres Dénés et avec le Canada. Toutefois, les mécanismes doivent être déterminés au terme de négociations, et non pas au terme de revendications sur les terres et sur les eaux auxquels nous n'avons pas participé et qui nous empêchent de décider de notre propre avenir.

Enfin, monsieur le président, le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, publié l'année dernière, démontre clairement que le Canada et les nôtres doivent travailler en collaboration. Les décisions prises en notre nom par quelqu'un d'autre ne sont plus acceptables.

• 1700

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir écouté. Notre délégation se fera un plaisir de répondre aux questions des membres de votre comité.

Le président: Merci, monsieur Erasmus.

[Français]

Monsieur Scott.

[Traduction]

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci infiniment de nous avoir permis de communiquer aujourd'hui avec vous en passant par les ondes.

Pour commencer, au début de vos exposés, j'ai cru comprendre que vous n'aviez pas eu le temps d'étudier le projet de loi article par article, et que certains intervenants auraient aimé avoir l'opinion d'un expert sur la façon dont ces articles pourraient vous affecter. En effet, l'accord ne question ne porte pas sur les bandes dont vous faites partie. Pourtant, plus je vous écoutais, plus je me suis inquiété, car d'après les préambules et les informations qui figurent dans ces documents, on a l'impression que certains d'entre vous ne reconnaissent pas au Canada un intérêt légitime ou une autorité quelconque sur la région dont il est question ici.

Après vous avoir écouté, je dois vous demander si vous considérez que vous faites partie du Canada?

Le chef Bill Erasmus: Merci pour votre question, monsieur le député.

Nous parlons d'une partie du Canada qui n'a jamais été véritablement colonisée. Nous discutons avec le Canada pour savoir si nous faisons partie de la Confédération et en quoi consistent nos relations. Nous avons des ententes de paix et d'amitié qui vous donnent accès à nos territoires. Cela ne leur donne pas d'autorité sur notre population.

Vous avez maintenant un accord avec les Gwich'in et les Sahtu pour faire précisément cela. Cet accord a été signé, mais ce n'est pas le cas pour le reste de la vallée du Mackenzie, c'est-à-dire environ les trois quarts de cette région. Il y a donc une question de droit à régler. Nous avons parlé de la décision de Lord Denning avant les efforts de rapatriement du Canada. Nous avons également parlé du juge Morrow. Je pense que vos juristes devraient se pencher sur cette question car d'après cette décision, nous avons un intérêt sur cette terre.

C'est cela qui a forcé le Canada à négocier. Avant cela, le Canada prétendait que nous n'avions ni traité ni droits autochtones, ou bien que si c'était le cas, nous y avions renoncé avec d'autres traités ou bien en droit. Je pense que vous devez tenir compte de cela.

M. Mike Scott: Je vous ferai observer qu'il y a actuellement une affaire devant la Cour suprême du Canada, une affaire intentée par les Gitksan-Wet'suwet'en du nord-ouest de la Colombie-Britannique, justement sur une question de juridiction et de propriété des terres et des ressources. La Cour suprême n'a pas encore rendu sa décision, mais elle devrait le faire incessamment. Toutefois, jusqu'à présent, les décisions des tribunaux ont toujours confirmé le domaine de compétence et le pouvoir du Canada. Ce n'est probablement pas ce que vous voulez entendre, mais c'est la jurisprudence actuelle en la matière.

Si vous vous considérez comme une nation, si vous considérez que vous échappez à la compétence et aux pouvoirs du Canada, à quoi sert cette discussion?

Le chef Bill Erasmus: Je vous remercie une fois encore pour vos observations.

J'aimerais vous rappeler les discussions du lac Meech et l'Accord de Charlottetown. Dans les deux cas, on a essayé de trouver une solution dans notre cas, mais cela n'a pas abouti; ce n'était pas non plus applicable au Canada. À l'époque, on avait essayé de déterminer si les lois du Canada s'appliquaient à nous ou pas. On n'a jamais répondu à ces questions.

C'est la raison pour laquelle le Canada traite avec nous. C'est la raison de ce processus d'autonomie gouvernementale. Le Canada nous reconnaît un droit inhérent. C'est la raison pour laquelle nous avons un statut spécial en tant que citoyens de ce pays.

• 1705

Enfin, les Wet'suwet'en ne sont pas les Dénés de la vallée du Mackenzie. Vous ne pouvez donc pas appliquer cette décision à notre population. Nous sommes une nation tout à fait différente.

M. Mike Scott: Nous pourrions poursuivre ce débat philosophique pendant un certain temps, mais je vais céder la parole au prochain intervenant, monsieur le président.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Scott.

[Français]

Monsieur Bachand, s'il vous plaît.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je voudrais saluer Bill Erasmus et vous proposer de me permettre de céder une minute du temps qui m'est accordé à M. Mercredi, qui s'attendait à rencontrer M. Erasmus en personne aujourd'hui, afin qu'il puisse le saluer. Vous pourrez déduire cette minute du temps qui m'est alloué. Est-ce que mes collègues s'y opposent, monsieur le président?

Le président: Je suis d'accord avec vous, monsieur Bachand. Après que vous aurez pris la parole pendant ces cinq minutes, nous pourrons inviter M. Mercredi à venir dire bonjour.

M. Claude Bachand: M. Mercredi pourra venir dire bonjour à la fin. Merci beaucoup, monsieur le président.

Je ne vous surprendrai pas. Contrairement à M. Scott, je ne suis pas du tout énervé de ce qui se passe dans le cas des Deh Cho. D'ailleurs, j'aurai beaucoup plus de questions à vous poser à ce sujet.

À l'été 1994, je me suis rendu à Yellowknife. Je ne connaissais alors ni Bill Erasmus ni les Dénés. Je voulais aller voir la région et je suis passé par hasard dans la rue pas loin du bureau de Mme Blondin. Je suis entré au bureau des Dénés et là on m'a reçu. M. Erasmus n'était malheureusement pas là, mais on m'a donné beaucoup de documentation, entre autres sur la signification du mot «Déné», qui signifie «nos terres». Là j'ai compris la grande fierté souveraine des Dénés de Yellowknife et de toute la région qui se présente devant nous aujourd'hui.

Je ne suis donc pas surpris de votre attitude. Monsieur Erasmus, on a commencé à regarder les amendements que vous proposez, et c'est à peu près ce qu'on a demandé aux conseillers législatifs qui vont nous guider au moment de présenter nos amendements. Vous proposez entre autres une définition de la vallée du Mackenzie qui pourrait peut-être se limiter aux Métis du Sahtu et aux Gwich'in. Vous dites aussi que même si les dispositions de la loi actuelle prévoient que s'il y a des négociations futures, le gouvernement s'empressera de les faire, il se pourrait qu'on modifie la loi C-6.

Dans le préambule, on dit entre autres que ça ne peut pas menacer les droits ancestraux. J'ai forcément beaucoup de difficulté à accepter qu'on veuille imposer à quelqu'un quelque chose en raison de ce qui s'est passé ailleurs. Parce que les Métis du Sahtu et les Gwich'in ont signé une entente, on voudrait maintenant étendre les dispositions du projet de loi à toute la vallée du Mackenzie et passer outre aux autres régions de la vallée du Mackenzie où les Premières Nations n'ont pas encore négocié leur autonomie gouvernementale et leurs revendications territoriales.

Je voulais juste vous dire que je partage passablement votre point de vue. Mon intervention était davantage une remarque qu'une question, parce que j'ai trouvé les présentations extrêmement claires. Contrairement à M. Scott et probablement à tous mes autres collègues, ça ne m'a pas fait peur du tout.

Le président: Merci, monsieur Bachand. Vous êtes d'accord sur la beauté de leur territoire?

M. Claude Bachand: Oui, leur territoire est très beau.

[Traduction]

Le président: Allez-y.

M. Mike Scott: Cela ne me surprend pas, Claude; c'est la même chose que vous voulez au Québec.

Le chef Bill Erasmus: Merci, monsieur le président, d'avoir écouté les observations de M. Bachand.

Est-ce qu'Ovide Mercredi avait l'intention de faire des observations?

Le président:

[Note de la rédaction: Inaudible]... comité, M. Mercredi vous parlera après.

Madame Hardy.

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Merci d'avoir fait ce long voyage jusqu'à Yellowknife. Je suis le député du Yukon et, malheureusement, je ne suis pas le député NPD de votre territoire.

Je suis tout à fait en faveur de ce que vous réclamez. J'aimerais que vous précisiez encore une fois que vous n'avez rien contre les dispositions du projet de loi C-6 relatives aux Sahtu et aux Gwich'in. La seule chose, c'est que, pour l'instant, vous ne voulez pas en faire partie.

Le chef Bill Erasmus: Oui, c'est exact, madame Hardy. Nous sommes d'accord avec les ententes qu'ils ont signées et qui sont protégées par la Constitution. Comme nous l'avons dit, nous n'avons jamais participé à ces discussions-là, et jusqu'à tout récemment, nous ne savions même pas qu'ils souhaitaient étendre ces dispositions au-delà de leur propre région. Par conséquent, nous ne sommes pas prêts à accepter cela et nous demandons que les accords qu'ils ont signés, s'appliquent spécifiquement à leur propre région. Nous serions prêts à discuter de la possibilité de travailler avec eux de façon complémentaire jusqu'au jour où nous aurons établi notre propre mécanisme.

• 1710

Mme Louise Hardy: Que ferez-vous si on vous appliquait ces dispositions sous leur forme actuelle?

Le chef Bill Erasmus: Si on nous appliquait ces dispositions, c'est que le comité n'aura pas recommandé ce que nous avons demandé. À ce moment-là, il faudrait voir combien de députés se trouvaient à la Chambre au moment du vote, c'est la première chose. Tout cela se saurait. Le projet de loi devrait passer par le Sénat, etc. Il faudrait envisager toutes nos options si cela devenait loi.

Nous ne voulons pas nous battre contre le Canada; nous ne voulons pas nous battre contre les Gwitch'in ou les Sahtu. Mais si nous y sommes forcés, nous défendrons nos terres. Notre population nous a donné le pouvoir de la protéger et de défendre ses intérêts. À ce moment-là, il faudrait envisager l'ensemble de la question, car la situation pourrait être très différente de ce qu'elle est aujourd'hui.

Mme Louise Hardy: Cela se traduirait, au minimum, par des frais de justice.

Le chef Bill Erasmus: Oui, une de nos options serait une contestation judiciaire.

Mme Louise Hardy: Je ne voudrais pas qu'on en vienne là. Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci. Moi aussi, je souhaite remercier les dirigeants autochtones et le dirigeant déné, M. Erasmus, d'être venus nous parler aujourd'hui.

Plusieurs problèmes très graves et très réels ont été soulevés autour de cette table. Je ne sais pas si j'ai des solutions à certains de ces problèmes, mais je n'en ai certainement pas à tous ces problèmes. Cela dit, ce que nous avons entendu aujourd'hui mérite d'être examiné.

Personnellement, en tant que membre du comité, j'aimerais mettre les choses en perspective pour que vous compreniez un peu mieux la position du comité et son domaine de compétence. C'est un projet de loi extrêmement important qui englobe l'ensemble du bassin du MacKenzie, et sur ce point-là, nous sommes tous d'accord.

Il y a des éléments positifs dans ce projet de loi. À mon avis, il accorde aux Premières nations de la région et au gouvernement local des Territoires du Nord-Ouest une compétence et des responsabilités bien plus larges. J'imagine que cette compétence et cette responsabilité élargies pourraient aboutir un jour à un processus de dévolution et un statut de province pour toute la région. Ce que je dis est tout à fait hypothétique et je ne parle pas au nom du gouvernement. Toutefois, je fais partie de ce gouvernement.

Je sais que vous avez entrepris des discussions avec le gouvernement canadien et directement avec la ministre. Toutefois, le comité n'est pas là pour participer à vos discussions territoriales avec le gouvernement du Canada et il ne lui appartient pas non plus de les commenter. Si nous sommes ici, c'est pour une raison tout à fait différente.

Vos recommandations concernant des amendements au projet de loi m'intéressent au plus haut point et j'ai l'intention des les étudier très sérieusement.

Vous avez abordé d'autres questions qui m'ont beaucoup intéressé mais je n'entrerai pas dans ces détails car, à mon avis, ce n'est pas aujourd'hui que nous devons en discuter. Toutefois, j'ai une autre question à vous poser au sujet de plusieurs dispositions du projet de loi C-6 qui prévoient dans certains cas des avis au public, une consultation et une participation du public aux évaluations environnementales en ce qui concerne la gestion des terres et des eaux.

Cela m'amène à une autre question. Le projet de loi C-6 propose un régime d'examen environnemental en trois étapes qui consiste en un examen préalable, qui peut être suivi ou pas d'une évaluation environnementale et, enfin, une étude d'impact. Pouvez-vous nous parler de l'évaluation environnementale et de l'étude d'impact prévues par le projet de loi C-6, et en particulier de leur incidence sur le domaine de compétence des Premières nations et leurs responsabilités sur leurs terres et leur territoire?

• 1715

Le chef Bill Erasmus: Je vous remercie.

Premièrement, ce projet de loi instituerait un organisme gouvernemental public, et c'est la raison pour laquelle on pense que c'est une atteinte aux droits des traités que nous avons signés avec le Canada. Ces droits nous accordent nos propres lois, qui devront être précisées avec le Canada et qui s'appliqueront à notre population et, de son côté, le Canada a ses propres lois qui, dans une large mesure, s'appliqueront à l'ensemble de la population non dénée. Voilà ce que nous essayons de décider ensemble.

Ces nouvelles dispositions viendraient annuler toutes ces discussions en créant des institutions publiques dans le Nord. Il s'agirait de créer un organisme public pour administrer nos terres et notre population et pour prendre les décisions futures. Cela nous empêcherait donc, nous les Premières nations, de gouverner nos propres populations, nos propres membres, et c'est la raison pour laquelle nous nous y opposons.

S'il s'avérait, après négociation, que cela nous convient, dans ce cas, nous serions effectivement prêts à en discuter. Mais en attendant, cela nous empêche de prendre nos propres décisions.

Je ne sais pas si je vous ai bien répondu.

M. Gerald Keddy: Je n'en suis pas certain non plus, monsieur Erasmus, mais j'ai très bien compris ce que vous disiez.

On nous a donné quelques questions préparées, et il y en a une que j'aimerais vous poser. On avait dit aux Premières nations de la région qu'on leur fournirait de l'aide technique et qu'on leur donnerait d'avance tous les renseignements voulus sur l'évolution de la situation pour bien comprendre les questions et défendre leur cause. Pensez-vous que cela a été fait? Apparemment, vous n'en êtes pas convaincu.

Le chef Bill Erasmus: Au cours des deux dernières années, on nous a fourni de l'argent pour analyser la documentation, et si je ne me trompe pas—car nous n'avons pas reçu tous ces documents à notre bureau—les groupes de demandeurs, le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial, qui étaient également impliqués, ont étudié une trentaine d'ébauches différentes. Cela dit, des sommes minimes ont été versées à la population pour analyser le document.

Je sais que les gens du traité no 8 vous ont parlé d'une analyse qu'ils avaient effectuée et soumise en février de l'année dernière. Apparemment, ils n'ont jamais eu de réponse et on n'a tenu aucun compte de leurs suggestions dans le projet de loi.

Le processus fait donc des mécontents. Nous avons beaucoup de gens dans nos communautés. Normalement, l'anglais n'est pas notre première langue, et nous devons traduire les documents. Nous avons besoin de gens qui comprennent la situation d'ensemble et qui puissent déterminer quelle sera l'incidence de ces mesures.

Le chef Lockhart a dit que 50 lois allaient devoir être modifiées en conséquence. C'est un travail énorme, cela prend beaucoup d'argent et d'énergie, si l'on veut étudier les aspects juridiques et interpréter cela dans nos langues.

M. Gerald Keddy: Merci beaucoup. Très bien.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Keddy. Le dernier intervenant sera M. Bryden.

• 1720

[Traduction]

M. John Bryden: Je voulais seulement vous dire que, parfois, je me dis que vous vivez à 2 000, 3 000 milles d'ici, et que vous devez vous faire une idée fausse de qui nous sommes. Vous me voyez avec ma cravate, ma chemise et mon veston, mais c'est l'uniforme du Parlement. La personne que je suis vraiment, c'est un homme d'un village d'environ 300 personnes dans le sud de l'Ontario. C'est une communauté agricole, des gens ordinaires qui font pousser des tomates et qui élèvent des vaches. Pour ma part, je suis l'apiculteur du village. Il est vrai que, tout comme vous, j'ai passablement voyagé, et j'ai acquis plus d'expérience. En fait, j'ai voyagé dans tout le Nord, jusqu'au Groenland, et je peux dire que je suis allé dans tous les coins du pays. J'ajoute que j'aime profondément le Canada, tous ses recoins, y compris votre région.

Toutefois, j'ai l'impression que vous comprenez mal la nature d'un comité comme le nôtre. Ce comité, c'est un groupe de Canadiens ordinaires qui parlent à d'autres Canadiens ordinaires et qui essaient de résoudre des problèmes difficiles, par exemple lorsqu'ils essaient de faire une loi. Je dois vous dire que j'ai vu ce projet de loi pour la première fois il y a deux semaines, et je n'ai donc pas des années et des années de préparation.

Je ne me suis pas fait une opinion, comme vous, sur toutes les nuances juridiques, et je vous avouerais franchement que la Proclamation royale de 1763 ne m'intéresse pas terriblement. J'ai également du mal à m'intéresser à une litanie d'affaires judiciaires. Ce genre de choses vous sert peut-être quand vous négociez des revendications territoriales avec le gouvernement fédéral, mais si je suis venu ici aujourd'hui, c'est parce que je voulais vous rencontrer, et parce que je voulais savoir ce que vous pensiez.

Je voulais vous entendre dire, d'un Canadien à un autre Canadien, d'un Canadien d'une région qui a des intérêts particuliers et qui tient particulièrement à préserver sa culture et son environnement... l'important, c'est que nous travaillions ensemble à élaborer une législation qui, même si elle ne s'applique pas à vous aujourd'hui, pourrait s'appliquer à vous à l'avenir. L'important, c'est de rendre cette législation aussi parfaite et aussi utile que possible.

Il m'a semblé que cela partait de bonnes intentions. Comme M. Keddy l'a dit, il s'agissait de céder le contrôle du développement, de l'environnement et de la culture aux gens qui sont le plus directement concernés. C'est donc ce que nous essayons de faire.

J'ai une question à vous poser. Lors de la préparation de ce projet de loi, nous avons eu des discussions et nous avons essayé de trouver un libellé qui soit le plus significatif possible pour tous les gens qui sont directement concernés. Il ne s'agit pas seulement de ceux qui seront touchés au moment de son adoption, mais également de ceux qui pourraient l'être plus tard.

Est-ce que vous trouvez acceptable qu'on dise dans ce projet de loi qu'il a pour but de céder aux gens de la vallée du Mackenzie un certain contrôle sur leur destinée, un certain contrôle sur leurs ressources et sur leur environnement, et cela, dans l'intérêt de tous les Canadiens?

En fin de compte, ce sont les gens qui vivent ici, qu'il s'agisse de la vallée du Mackenzie ou, comme mon collègue, au Québec, et qui tiennent souvent le même discours, si vous me permettez de le dire, au sujet de la souveraineté, des besoins, des lois... En fin de compte, ce que nous voulons tous, c'est que les gardiens d'une région et d'une culture, qu'il s'agisse des francophones au Québec ou des Dénés dans les Territoires du Nord-Ouest et les régions subarctiques, que ces gens-là prennent leur destinée en mains, qu'on leur donne les outils nécessaires pour le faire d'une façon raisonnable, mais aussi dans l'intérêt de tous les Canadiens. Pouvez-vous faire dans l'intérêt de tous les Canadiens?

Le chef Bill Erasmus: Merci pour vos observations.

Il est très dommage que notre histoire avec le Canada ne vous intéresse pas. Si nous remontons à 1763, c'est qu'à l'époque la Grande-Bretagne avait décidé comment nos populations devaient être traitées. Nos populations n'ont jamais été vaincues lors d'une guerre. Nous ne sommes pas des sujets de la Couronne, et c'est ce que nous essayons de vous expliquer. Les termes de nos relations ont déjà été précisés dans le passé. Ce n'est pas un simple discours. Ce sont les faits.

En tant que député au Parlement, il vous appartient d'informer vos électeurs, et en particulier vos collègues de la Chambre lorsque vous aurez entendu toutes ces informations au comité. Vous devez informer le Canada. En tant que député, vous êtes obligé d'informer tous ces gens-là des implications juridiques et de leur dire qu'en réalité, il est nécessaire de travailler avec nous.

• 1725

Effectivement, nous sommes tout à fait disposés à travailler avec le Canada dans l'intérêt de toutes ses populations, mais nous ne voulons pas que ce soit à nos propres dépens. Vous avez signé un accord avec les Sahtu, vous avez signé un accord avec les Gwitch'in. Appliquez cette loi aux régions qu'ils occupent, nous n'y voyons aucun inconvénient.

En attendant, nous allons mettre en place un système d'exercice de l'autorité qui reconnaisse nos droits jusqu'au jour où nous pourrons mettre en place quelque chose de plus permanent. Je ne pense pas qu'il faille attendre très longtemps. Nous avons amorcé les négociations. Nous essayons d'élaborer ces mécanismes. C'est une question d'un an ou deux, et les mécanismes seront en place.

Les choses évoluent beaucoup dans le Nord. Dans deux ans, la région sera divisée pour créer un nouveau territoire. Ils ont eu la chance de créer cela comme ils l'entendaient. Ils auront un régime qui leur convient parfaitement, et nous sommes tout à fait d'accord. Nous demandons seulement qu'on nous donne la même possibilité.

M. John Bryden: J'aimerais mettre une chose au point. Je suis un historien, je connais particulièrement bien l'histoire du Canada. En fait, je connais très bien l'histoire autochtone, et j'ai même une collection personnelle de livres consacrés à cette histoire. Ainsi, quand j'aborde cette question, ce n'est pas avec un manque d'intérêt ou de connaissances.

Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que je suis venu ici en tant que Canadien ordinaire, je suis venu vous demander, à vous, un être humain comme moi, ce que nous pouvons faire pour que cette loi vous convienne, pas seulement aujourd'hui, mais dans l'avenir également. Pouvons-nous dire dans la loi que nous essayons d'élaborer quelque chose à l'intention des populations de la région, qu'elles aient signé un règlement territorial ou pas, pouvons-nous mettre dans cette loi quelque chose qui inspire les générations futures, qui leur fasse comprendre que ce n'est pas purement égoïste, pas uniquement dans l'intérêt des gens de la région, mais bien quelque chose dans l'intérêt de tous les Canadiens? En fait, d'une certaine façon, comme c'est une région absolument unique, ce que nous essayons de faire, c'est de protéger une ressource qui appartient au monde entier.

Je me suis donc présenté à vous en tant que Canadien ordinaire. Un parlementaire n'est pas un avocat. C'est ailleurs qu'il faut présenter les arguments juridiques. Je vous demande donc une seule chose, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord pour que cette loi soit conçue dans l'intérêt de toutes les populations du Nord, pour leur permettre d'avoir une influence sur leur propre environnement, sur le développement de cet environnement, et cela, dans l'intérêt de tous les Canadiens. Est-ce que nous pouvons faire cela? Est-ce que c'est quelque chose que vous aimeriez voir dans ce projet de loi? Ce n'est pas le cas pour l'instant.

Le chef Bill Erasmus: Moi aussi, je vous parle d'être humain à être humain, je vous dis que vous pouvez adapter la loi aux besoins des Gwitch'in et des Sahtu, car vous semblez posséder des qualités humanitaires. Je suis certain que vous ne voudrez pas imposer cela aux nôtres. C'est tout ce que nous demandons.

Nous sommes prêts à travailler avec le Canada jusqu'à ce qu'un accord soit mis en place. Nous n'avons pas besoin de lois pour travailler avec le Canada, pour nous mettre d'accord sur un système qui nous permette d'administrer nos propres terres et nos ressources, de gérer les terres et les eaux. Vous n'avez pas besoin de lois pour faire cela. Il suffit d'avoir de la bonne volonté. C'est tout ce que nous demandons.

Si vous considérez le rapport des commissaires Erasmus et Dussault de la Commission royale, c'est justement ce qu'ils disent. Depuis trop longtemps les gens d'Ottawa et d'ailleurs essaient de régir notre vie. C'est la raison de tout ce gâchis.

Je reviens donc vous soumettre cela. Je sais que vous devez vous trouver dans une position difficile car cette question aurait dû être réglée avant d'arriver ici. Toutefois, les fonctionnaires se sont emparés de cette affaire, ils ont pris le contrôle, et depuis trois ans on leur répète que nous ne sommes pas contents. Nous avons fait des suggestions, mais pour une raison ou pour une autre, personne n'y a donné suite.

En tant que parlementaires, vous exercez un contrôle sur votre gouvernement. Nous sommes tout à fait disposés à travailler avec vous. Nous tenons à avoir de bonne relations. Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour envenimer les choses. Nous savons que nous allons devoir travailler avec vous à l'avenir, et que tous ceux qui sont présents ici sont des dirigeants respectés dans leurs communautés. En tant que citoyens, ils doivent rentrer chez eux, travailler avec leurs familles et avec les leurs.

• 1730

Par ici, nous avons très peu de réserves. Les non-Dénés vivent parmi nous et le plus souvent, nous partageons beaucoup de fonctions. Nous vivons côte à côte, nous devons pouvoir nous regarder en face. Tout ce que nous voulons, c'est que les autres respectent cela et travaillent avec nous.

Le président: Merci beaucoup.

Merci, monsieur Bryden.

[Français]

Je sais que beaucoup d'entre vous ont voyagé plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre à Yellowknife pendant les dernières heures. Il est heureux qu'il y ait une belle température chez vous.

Nous tenons tous à vous remercier de vos témoignages. Nous gardons un grand respect pour votre peuple. C'est avec beaucoup de fierté que nous, d'Ottawa, avons pu dialoguer avec vous tous. Notre comité aura peut-être un jour la chance d'aller voir la beauté de vos territoires.

Je vous remercie beaucoup.

Avant de terminer, j'aimerais soulever deux questions. Nous avons reçu une demande d'un groupe de travail en vue d'une rencontre de 45 minutes le 11 décembre prochain. Cette demande nous vient de la ville de Yellowknife et concerne le Diamond Industry Development Task Force, une délégation formée de six personnes. Est-ce que les membres du comité souhaitent accepter cette demande?

Des voix: Oui.

Le président: Merci beaucoup.

M. Claude Bachand: J'aurais une question, monsieur le président.

Le président: Oui, monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Est-ce que notre comité n'avait pas convenu de terminer l'ensemble des témoignages le 4 décembre?

Le président: Oui, demain.

M. Claude Bachand: En acceptant cette demande, nous ferions exception.

Le président: Cette rencontre ne porterait pas sur le projet de loi.

M. Claude Bachand: Ah, ce n'est pas sur le projet de loi?

Le président: Je m'excuse, j'aurais dû préciser dès le début que cette demande n'était pas reliée à l'étude du projet de loi C-6. Vous avez raison, nous entendrons le dernier témoignage relativement au projet de loi C-6 demain le 4 décembre.

M. Claude Bachand: C'est quand même une demande d'un comité qui veut nous rencontrer.

Le président: Oui.

M. Claude Bachand: Notre comité ne s'était-il pas engagé à faire attention afin de ne pas se faire dicter son programme par n'importe quel groupe autochtone ou n'importe qui le voudrait? Ce serait un précédent. Si on accepte de les rencontrer, lorsqu'un groupe autochtone nous demandera de venir comparaître, il nous faudra aussi soumettre sa demande à la décision du comité.

Le président: Vous avez raison, et c'est pourquoi je vous l'ai proposé. Je ne voulais pas arriver et vous dire que c'était ça...

M. Claude Bachand: Et nous l'imposer.

Le président: Et vous l'imposer. Je vous demandais votre opinion. On pourrait la reporter à plus tard, après les Fêtes.

M. Claude Bachand: Si mes collègues sont d'accord, je suis aussi d'accord. Nous risquons toutefois de commencer un processus selon lequel dorénavant, à chaque fois qu'on recevra une lettre de quiconque voudra comparaître, il faudra que la demande soit soumise au comité, qui sera alors obligé de la regarder et de déterminer si oui ou non il convoquera la personne ou le groupe en question.

Le président: N'oubliez pas que notre horaire est déjà serré d'ici le 11 décembre et que la Chambre des communes ajournera le lendemain. Si on décidait d'inviter ces représentants de l'industrie du diamant, on pourrait les convoquer lorsque le Parlement reprendra ses travaux l'année prochaine.

M. Claude Bachand: À ce moment-là, les représentants de l'industrie du nickel de Voisey's Bay pourraient eux aussi vouloir venir.

Le président: C'est ça. Je vous suggère que ce soit reporté à l'année prochaine.

M. Claude Bachand: Oui, mais j'aimerais bien qu'on en discute une fois pour toutes. Je pense que la solution sage, c'est de les reporter. Notre comité devrait tenir une discussion à ce sujet à la reprise des travaux de la Chambre et déterminer s'il souhaite changer son attitude vis-à-vis de ces groupes. Si mes collègues veulent changer d'attitude, alors on changera, mais pour l'instant, je garderai la même.

Le président: Monsieur Bachand, vous avez raison et c'est sage de votre part. Il serait préférable que notre comité se réunisse et en discute. Vous avez raison, je vous l'accorde. Ça vient du plancher et ça vient d'un bon député surtout.

N'oubliez pas qu'après notre séance, nous nous réservons deux ou trois minutes pour que le grand chef Ovide Mercredi vienne s'asseoir à côté du grand chef Bachand.

La séance est levée jusqu'à demain, 10 heures.