Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer au débat sur la motion d'initiative parlementaire du député de Haute-Gaspésie—La Mitis—Matane—Matapédia.
Cette motion passablement longue modifierait le Règlement comme suit. Les leaders à la Chambre, les leaders adjoints, les whips, les whips adjoints et les présidents de caucus seraient dorénavant choisis ou élus par une majorité absolue des membres du caucus d'un parti. Chaque député de l'opposition aurait droit à une question par semaine lors de la période des questions, mais pourrait céder volontairement sa place à un autre député. Plutôt que 10 membres, les comités en compteraient désormais 11 ou 12 lorsqu'un député indépendant voudrait faire partie d'un comité.
Les députés indiqueraient de quels comités ils souhaitent faire partie et, tout en tenant compte du poids de chaque parti et de chaque caucus à la Chambre des communes, se verraient accorder des places au sein des comités en utilisant l'ordre inversé des résultats du tirage au sort permettant d'établir la liste portant examen des affaires émanant des députés. Autrement dit, la dernière personne de cette liste aurait le premier choix pour ce qui est des comités où elle veut siéger.
Au cours des 40e et 41e législatures, un certain nombre de propositions de modification du Règlement nous ont été soumises. Elles portaient tantôt sur la période des questions, tantôt sur les règles régissant l'attribution de temps et la clôture, tantôt sur le mode d'élection du Président de la Chambre et des présidents de comité, tantôt sur le système des pétitions.
J'aimerais d'abord parler de la réforme de la période des questions qui est proposée dans la motion. Le 24 avril 2013, la Chambre a débattu d'une motion présentée par les libéraux, lors d'une journée de l'opposition, au sujet de la réforme des déclarations de députés. La motion visait à modifier le Règlement afin de donner la parole aux députés par ordre alphabétique et de mettre en place un mécanisme d'échange de position en fonction de la répartition des déclarations des députés entre les partis.
Les mêmes arguments qui ont été avancés lors du débat sur la motion dont je viens de parler s'appliquent à la motion dont la Chambre est actuellement saisie. Premièrement, la proposition semble limiter le pouvoir discrétionnaire du Président lorsqu'il s'agit d'accorder la parole à un député. Je cite les pages 594 et 595 de l'ouvrage d'O'Brien et Bosc:
Le Règlement n’établit pas d’ordre officiel pour l’attribution du droit de parole aux députés; la présidence s’en remet à cet égard à l’usage et aux précédents de la Chambre. Le Règlement autorise seulement celle-ci à donner la parole au député qui la demande en se levant de son siège. [...] Les whips des divers partis fournissent chacun à la présidence une liste de députés qui souhaitent prendre la parole, mais elle n’est pas tenue de la suivre. [...] Le Président a toute latitude de donner la parole aux députés, mais il peut observer les dispositions non officielles éventuellement prises [...]
La motion vise à établir des règles rigoureuses pour le déroulement de la période des questions. La grande majorité des règles régissant la période des questions ne sont pas énoncées dans le Règlement; elles relèvent plutôt d'autres pratiques de la Chambre. Les règles régissant la période des questions ont été établies en fonction de la tradition et de la pratique, et à l'occasion, les décisions de la présidence permettent de les préciser.
Par exemple, les pratiques actuelles concernant la durée et l'ordre des questions ont été établies en 1997, à la suite de consultations entre le Président de la Chambre et les leaders des partis reconnus, et elles sont renégociées au début de chaque législature. Plus précisément, la motion, qui propose de réformer la période des questions, donnerait à chaque député de l'opposition le droit de poser au moins une question par semaine, et les députés pourraient échanger ce droit entre eux s'ils le souhaitent.
Les partis auraient donc beaucoup moins de contrôle sur la période des questions. Un parti de l'opposition, dont le rôle consiste à demander des comptes au gouvernement, disposerait donc d'une marge de manoeuvre restreinte en ce qui a trait aux questions posées par ses députés. Cette proposition limiterait aussi le rôle fondamental joué par le chef et les porte-parole d'un parti dans la stratégie adoptée par un parti de l'opposition lors de la période des questions. Si cette proposition était adoptée, elle pourrait donner lieu à une série de questions disparates, non coordonnées et peut-être inefficaces, et il serait à peu près, voire totalement impossible de poser des questions supplémentaires.
En outre, la motion ne prévoit aucune prolongation de la période des questions au-delà de 45 minutes, qui est la durée actuelle de cette période. Cela aurait pour conséquence de limiter ou, pire encore, de réduire le temps alloué aux chefs des partis et, de façon plus générale, aux partis reconnus.
Il semble que les changements proposés laisseraient moins de latitude aux partis pour la gestion de leurs affaires internes; ils pourraient aussi nuire au fonctionnement efficace de la Chambre des communes. Ces points s'appliquent directement aux partis de l'opposition, bien sûr. J'écouterai donc attentivement leurs observations à ce sujet.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'effet qu'aurait cette motion sur le fonctionnement efficace de la Chambre, je tiens à souligner qu'il serait difficile, en deux heures de débat, d'évaluer les retombées possibles de la motion. Lorsque d'autres motions découlant d'initiatives parlementaires proposaient des changements au Règlement, elles demandaient au comité de la procédure et des affaires de la Chambre d'examiner les propositions.
J'aimerais maintenant aborder la partie de la motion qui porte sur la participation des députés indépendants aux comités.
Le Règlement prévoit que tout député peut participer aux délibérations publiques d’un comité. Le Règlement exclut toutefois qu’un non-membre puisse voter, proposer des motions et compter pour le quorum. Signalons aussi que les députés indépendants participent de plus en plus aux comités. Ainsi, tous les comités permanents de la Chambre ont adopté une motion qui autorise les députés indépendants à soumettre leurs propositions d'amendements pendant l'étude article par article d'un projet de loi.
L'an dernier, lorsque le comité de la procédure et des affaires de la Chambres a reçu un ordre de renvoi lui demandant d'étudier le rôle et le mandat du Bureau de régie interne et la question de son remplacement, la Chambre a pris des dispositions spéciales afin de permettre à des députés indépendants de participer à l'étude, puisque les changements aux dispositions relatives aux bureaux des députés auraient pu avoir une incidence imprévue sur les députés qui ne sont pas membres d'un parti reconnu.
Les partis politiques ont également pris des dispositions afin de tenir compte des députés indépendants. Par exemple, durant les 39e et 40e législatures, le Parti conservateur a accordé une place au comité à André Arthur, le député indépendant de Portneuf—Jacques-Cartier de l'époque.
La motion no 535 prévoit également, comme il a été mentionné plus tôt, que la composition des comités doit être établie en utilisant l'ordre inversé de la liste portant examen des affaires émanant des députés. Toutefois, les secrétaires parlementaires ne peuvent pas, en raison de la charge qu'ils occupent, soumettre d'affaire à étudier dans le cadre des affaires émanant des députés, conformément au sous-alinéa 87.1a)(ii) du Règlement. En conséquence, la motion no 535 semble empêcher les secrétaires parlementaires de siéger à des comités. Telle n'était peut-être pas l'intention du motionnaire, mais cela semble être l'effet de sa motion, ce qui me ramène à mon précédent argument selon lequel des changements importants à nos règles sont proposés, mais ils sont débattus pendant deux heures seulement.
Ça me semble étrange, puisque les secrétaires parlementaires remplissent une fonction importante, celle d'aider leur ministre de tutelle à s'acquitter de ses tâches parlementaires. Ils sont aussi là pour relayer l'information entre les députés, et plus particulièrement ceux de l'opposition, et leur ministre. Tout le monde s'entend pour dire que les échanges entre les secrétaires parlementaires et les porte-parole de l'opposition — c'est-à-dire les spécialistes attitrés des sujets à l'ordre du jour — alimentent de manière constructive les discussions entre nos leaders parlementaires respectifs.
C'est ce qui m'amène à la partie de la motion qui parle des leaders parlementaires, justement, et plus précisément de leur élection et de l'élection des whips, de leurs adjoints et des présidents de caucus.
Le député a écrit à tous les députés pour les informer du contenu de sa motion et solliciter leur appui. Dans sa lettre, il qualifie cette partie de sa motion d'« élections ». Or, rien, dans le texte du Règlement, ne dit qu'il faille tenir des élections. Plus précisément, la motion ajouterait un article au Règlement prévoyant qu'une majorité absolue de députés d'un parti ou d'un groupe parlementaire doivent avaliser la nomination de ceux qui rempliront ces fonctions au sein de leur parti en signant une lettre, signée aussi par leur chef, où est inscrit le nom des titulaires choisis, et en la faisant parvenir à la présidence.
Bref, le processus décrit dans la motion conférerait effectivement un droit de veto aux députés des partis et des groupes parlementaires, sans pour autant exiger la tenue d'élections à proprement parler. J'ajoute que le processus de nomination des titulaires de ces postes n'empêcherait en rien les partis de tenir des élections s'ils le souhaitent.
Je tiens à attirer l'attention des députés sur ce qui pourrait arriver si un tel...