Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet de questions touchant les anciens combattants des Forces armées canadiennes en réponse à la motion de l'opposition présentée par mon collègue le député de Courtenay—Alberni.
J'aime bien siéger avec lui au Comité permanent des anciens combattants. Si le gouvernement accepte de mettre en oeuvre nos recommandations, nous serons heureux de collaborer avec lui sur les mesures qui pourraient améliorer les services aux anciens combattants.
La motion dont nous sommes saisis indique ceci:
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait automatiquement reporter toutes les dépenses annuelles inutilisées du ministère des Anciens Combattants à l’exercice financier suivant, à la seule fin d’améliorer les services aux anciens combattants du Canada, jusqu’à ce que le ministère atteigne ou dépasse les 24 normes de service qu’il a lui-même déterminées.
Aujourd'hui, en réponse à la motion, les libéraux ont déclaré que, même si des fonds sont inutilisés, cela ne signifie pas que des gens reçoivent moins qu'ils ne le devraient. Ils ont indiqué qu'il s'agit uniquement de la façon dont le gouvernement administre les finances publiques. Ils ont affirmé qu'il n'y avait rien de louche là-dedans. Les libéraux ont expliqué que la plupart des dépenses d'Anciens Combattants sont des dépenses législatives et que le gouvernement doit être prêt à couvrir le coût de ces prestations, peu importe que 10 ou 10 000 anciens combattants admissibles présentent une demande.
Ils nous ont indiqué que le budget des dépenses d'Anciens Combattants Canada présenté à la Chambre chaque année est fondé principalement sur ces exigences législatives. Autrement dit, les fonds non utilisés se retrouveront dans le budget des dépenses cette année, puis l'an prochain et l'année suivante.
Selon les libéraux, la motion ne sert à rien. Ils ont en bonne partie raison en fait. Cela dit, je sais qu'ils espèrent que les anciens combattants vont oublier que, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, les libéraux ne chantaient pas du tout la même chanson.
Il est vrai que l'affectation de fonds à Anciens Combattants Canada est régie par la loi. Il semblerait que le ministre des Anciens Combattants soit maintenant conscient de ce fait. L'autre jour, il expliquait à Global News qu'il était tenu par la loi de fournir aux anciens combattants les programmes et les services auxquels ils ont droit et que les montants non utilisés n'auraient donc pas de répercussions sur les services offerts. Un porte-parole du ministère a aussi indiqué que le fait que des fonds restent inutilisés ne privait aucune personne de ce à quoi elle a droit et qu'il s'agissait simplement d'un processus administratif.
Les services fournis par le ministère des Anciens Combattants sous le gouvernement libéral sont axés sur la demande, tout comme c'était le cas sous le gouvernement conservateur précédent. L'hypocrisie dans ce contexte, c'est que, lorsque la même situation est survenue par le passé, les libéraux ont prétendu à tort que le gouvernement de l'époque volait les anciens combattants. Maintenant qu'ils sont au pouvoir et qu'ils se trouvent exactement dans la même situation, les libéraux affirment qu'ils n'ont rien volé et qu'ils suivent un processus administratif.
Je ne vais pas me servir de mon intervention à la Chambre aujourd'hui pour prétendre que les fonds inutilisés du ministère des Anciens Combattants sous le gouvernement libéral représentent en quelque sorte une somme volée aux anciens combattants, car ce n'est pas le cas et cela ne l'a jamais été. Cependant, maintenant que le ministre et le gouvernement libéral savent comment fonctionnent les budgets des Anciens Combattants, je demande au ministre s'ils vont s'excuser d'avoir accusé mes anciens collègues de vol. Vont-ils présenter des excuses aux Canadiens pour avoir complètement déformé le fonctionnement du budget des Anciens Combattants par le passé? S'excuseront-ils auprès des anciens combattants pour le stress qu'ils leur ont causé en laissant entendre que le gouvernement précédent prenait de l'argent dans leurs prestations lorsqu'ils savaient que ce n'était pas le cas?
Le ministère établit des prévisions budgétaires selon ce qu'il estime devoir dépenser, et l'argent qui n'est pas utilisé est remis au Trésor. Le ministère doit prévoir suffisamment d'argent, année après année, pour répondre aux demandes des anciens combattants. La motion du député de Courtenay—Alberni est quelque peu discutable. Cependant, je partage largement les préoccupations de mon collègue qui sont à l'origine de cette motion.
Pour quelles raisons reste-t-il de l'argent dans l'enveloppe à la fin de chaque année financière? Pourquoi cet argent ne bénéficie-t-il pas aux anciens combattants? C'est essentiellement pour deux raisons principales. Premièrement, c'est à cause des incroyables lacunes du ministère, qui est incapable de rendre les programmes qu'il a créés accessibles aux anciens combattants. Deuxièmement, c'est à cause d'une culture du déni qui est profondément ancrée. Les anciens combattants doivent se battre pour obtenir ce qu'ils devraient recevoir sans avoir à risquer d'aggraver leurs problèmes de santé mentale, notamment lorsqu'ils souffrent du trouble de stress post-traumatique, sans qu'on leur rende la transition plus difficile et sans que n'augmente le nombre d'anciens combattants qui se suicident, qui commettent un homicide ou qui envisagent de passer à l'acte parce qu'ils craquent sous la pression lorsqu'un problème de plus s'ajoute à ceux qu'ils doivent déjà affronter.
Par exemple, les 37 millions de dollars issus des poches des contribuables que le premier ministre a utilisés abusivement pour financer sa bataille judiciaire contre les anciens combattants leur ont porté un dur coup au coeur et à l'âme. Lorsque, à l'occasion d'une assemblée publique à Edmonton, en février 2018, on a demandé au premier ministre pourquoi le gouvernement s'opposait à certains groupes d'anciens combattants devant les tribunaux, il a répondu que c'était parce que les anciens combattants réclamaient davantage que ce que le gouvernement avait les moyens de leur donner.
L'ancien ministre conservateur des Anciens Combattants a collaboré avec Equitas et renvoyé l'avocat du gouvernement, décidant plutôt de mettre la cause en suspens. Il avait la volonté de travailler ensemble pour trouver des solutions acceptables visant à améliorer le sort des anciens combattants blessés, tel que ces derniers le demandaient.
Les résultats escomptés par cette motion revêtent une grande importance. Je suis très troublée par l'arriéré grandissant de demandes de prestations d'invalidité. En dépit des fameux 10 milliards dont parle sans cesse le ministre, l'arriéré a atteint 29 000 cas et ne fait qu'augmenter.
Le gouvernement s'imagine engagé sur la voie du succès, et indique à titre de preuve que des demandes sont traitées et acheminées plus rapidement au TACRA, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Comment un gouvernement peut-il prendre en compte la situation actuelle et crier victoire? Les anciens combattants doivent soumettre leur demande initiale, qui est acheminée rapidement vers un tribunal d'appel, en effet, mais ils doivent ensuite reprendre le processus de demande de prestations. Dans la plupart des cas, lorsqu'ils ont réussi à franchir toutes les étapes du processus, les prestations leur sont accordées. Pourquoi obliger nos anciens combattants à passer par un processus aussi compliqué et anxiogène, et qui ne leur permet même pas d'obtenir leurs prestations et leurs services dans les meilleurs délais?
Le jour où le ministère des Anciens Combattants se décidera à utiliser un langage clair et efficace pour communiquer avec les membres des Forces armées canadiennes, les vétérans et leurs proches et qu'il fera le nécessaire pour que tous les vétérans sachent clairement à quelles prestations ils ont droit au moment où ils sont libérés et auxquelles ils pourraient un jour avoir droit, là nous pourrons commencer à dire que nous prenons soin d'eux de manière efficace et efficiente.
La chaîne de commandement au sein du ministère est inutilement compliquée, ce qui explique en bonne partie pourquoi les vétérans ont autant de mal à obtenir les prestations auxquelles ils ont droit. La haute direction est réfractaire au changement, et les gestionnaires de cas, de leur côté, n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour prendre rapidement les moyens de répondre aux besoins des vétérans. La volonté de collaborer avec le ministère de la Défense nationale pour que la transition vers la vie civile se fasse sans heurts semble complètement absente du moment où cela pourrait entraîner un changement de structure au ministère des Anciens Combattants.
Le ministère des Anciens Combattants continue d'insister pour procéder à sa propre évaluation afin de déterminer si la libération pour motifs médicaux d'un vétéran est liée à ses fonctions, alors que le ministère de la Défense nationale détermine déjà quand un militaire ne répond plus aux exigences en matière d'universalité du service et doit quitter les forces. Bien sûr, c'est le ministère des Anciens Combattants qui devra prendre les autres décisions, celles qui viendront au fur et à mesure que le vétéran prendra de l'âge, mais au moment où celui-ci est libéré pour motifs médicaux, toutes les évaluations nécessaires pour déterminer s'il a droit à ses services ont déjà été faites par le ministère de la Défense nationale. Tout est là.
Offrir un service rapide aux anciens combattants blessés et assurer leur tranquillité d'esprit: voilà ce sur quoi il faudrait fonder les décisions, et non pas sur la volonté de protéger la chasse gardée d'un ministère. La vérité, c'est que la majorité des gestionnaires de cas que les libéraux prétendent avoir embauchés, soit 400 des 470 nouveaux employés, étaient déjà prévus dans le budget du gouvernement conservateur précédent.
Au Comité permanent des anciens combattants, nous avons appris que les gestionnaires de cas ne reçoivent pas une formation adéquate et qu'ils ne sont pas au courant des mesures de soutien destinées aux vétérans. Surchargés de travail et stressés, ils se sentent souvent impuissants, coincés entre les anciens combattants en plein désarroi et leurs supérieurs hiérarchiques. Le ministère des Anciens Combattants doit cesser de fonctionner comme un programme d'assurance.
Le ministère doit communiquer en toute transparence ce qu'il offre aux vétérans. Aujourd'hui, un député libéral a parlé de l'allocation pour études, qui peut atteindre 40 000 $ pour les vétérans qui ont 6 années de service et 80 000 $ pour ceux qui en ont 12. Malheureusement, ce n'est pas une explication transparente pour les vétérans ou les Canadiens parce que ces fonds sont un avantage imposable.
Par conséquent, alors que les anciens combattants pensent qu'ils vont recevoir 40 000 $ pour des études, à la fin de l'année, ils découvrent que la somme est imposable et qu'ils doivent de l'impôt au gouvernement. Je me demande si le gouvernement a déterminé quelle portion de la somme qu'il donne est en fait récupérée et combien il récupère au moyen de l'impôt payé par les anciens combattants. C'est trompeur.
De plus, le député en face a dit que, grâce à l'allocation pour études, les anciens combattants pourraient fréquenter l'établissement de leur choix. J'ai été approchée par un grand nombre d'anciens combattants qui voulaient profiter de ce programme. L'un d'eux a été accepté il et s'est inscrit à un établissement. La personne qui gère son dossier lui a alors appris que ses supérieurs ne pensaient pas que l'établissement était admissible. Ce fut désastreux pour lui.
De plus, le député en face a dit que des fonds d'urgences pouvaient être demandés 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ce qu'il dit, c'est que les gens peuvent appeler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sauf qu'il n'a pas précisé combien de temps il faudra au ministère pour verser les fonds à un ancien combattant en situation de crise. Notre comité devrait se pencher là-dessus.
Les militaires qui reviennent de mission avec des blessures physiques ou psychologiques ne devraient en aucune circonstance avoir à se battre pour obtenir des mesures de soutien qu'on leur avait promis, à eux et à leur famille, lorsqu'ils se sont engagés, prêts à risquer leur vie pour leur pays.
Le ministre a indiqué à maintes occasions que les arriérés étaient causés par le fait que les anciens combattants sont mieux informés et qu'il existe un plus grand nombre des services pour lesquels il faut présenter une demande. J'ose espérer que c'est en partie vrai. On ne souligne pas, cependant, que les arriérés vont s'aggraver, étant donné qu'il y a une nette augmentation du nombre de militaires qui s'adressent à Anciens Combattants Canada après 25 ans de service. Le ministère n'est pas prêt.
Personne n'ignore que les anciens combattants, les gestionnaires de services et les gestionnaires de cas ne savent pas exactement quoi faire par rapport au régime de présumée pension à vie, dont la mise en oeuvre approche à grands pas. Le plan ne comporte aucun nouveau financement. En fait, il inclut et consolide des prestations existantes.
Dans un article publié le 18 avril dans le magazine militaire canadien Esprit de Corps, Sean Bruyea et Robert Smol comparent l'ancienne Loi sur les pensions au nouveau régime libéral de la présumée pension à vie. Je cite:
De plus, toujours dans la même catégorie de prestations non imposables pour la douleur et la souffrance, les anciens combattants blessés pourront choisir entre un paiement forfaitaire pouvant atteindre 360 000 $ et une « pension à vie » d'un montant maximal de 1 150 $ par mois comme indemnisation pour leurs blessures. Il n'y a pas de montant supplémentaire pour les conjoints ou les enfants. La « pension à vie » sera probablement d'environ 200 $ par mois en moyenne. Pour ce qui est des 60 000 anciens combattants qui reçoivent toujours des prestations au titre de la Loi sur les pensions, ils reçoivent 680 $ en moyenne, en plus de montants pour les conjoints et les enfants.
Dans l'annonce du budget de 2018 des libéraux, où on faisait mention de la nouvelle pension à vie, l'exemple fourni était celui d'une personne qui subit une très grave blessure, la perte de membres, après 25 années de service. Cette personne est admissible au montant maximal. Beaucoup de militaires sur le terrain se blessent et ne se rendent pas à 25 ans de service. L'exemple du document est trompeur.
Un autre problème flagrant est l'incapacité du ministère des Anciens Combattants d'accorder rapidement les fonds. Le fonds d'urgence en est un exemple. Il ne faut pas des heures, mais bien des jours pour que les fonds soient acheminés à un ancien combattant en crise. Je vais parler d'un organisme qui s'appelle Veterans Emergency Transition Services, communément appelé VETS Canada. L'organisme est dirigé par d'anciens combattants pour les anciens combattants. Il s'agit d'une entreprise sans but lucratif qui compte des bénévoles dans l'ensemble du Canada. Elle offre de l'aide d'urgence et du réconfort aux anciens combattants en crise et à risque de devenir sans-abri.
Si un ancien combattant ou son représentant fait appel à VETS Canada, une personne pourra se présenter rapidement chez lui pour l'aider. Si l'organisme reçoit un appel au sujet d'un ancien combattant sans abri, il travaille le jour même pour lui trouver un logement. La nouvelle halte-accueil de VETS Canada est située à quelques pâtés seulement de la Colline du Parlement et elle remplit son mandat avec une telle efficacité qu'elle aurait traité 65 cas d'urgence au cours de ses deux premiers mois d'activité.
Le problème au ministère n'est pas un manque de fonds. Nous savons tous que le ministre dit avoir 10 milliards de dollars à dépenser, puisqu'il le dit dès qu'il en a l'occasion. Pourtant, le gouvernement semble vouloir utiliser l'argent des contribuables à d'autres fins, comme pour coloniser des pays étrangers, pour amener les Canadiens à se soumettre à son attestation relative aux valeurs, pour payer des terroristes et aider des meurtriers, plutôt que d'accorder la priorité aux anciens combattants, aux aînés et à ceux qui travaillent fort pour faire partie de la classe moyenne.
Les anciens combattants veulent voir plus d'anciens combattants travaillant comme chargés de cas afin de pouvoir parler à des gens qui comprennent le service militaire et qui parlent leur langage. Ils veulent voir de la transparence lorsqu'ils déposent une demande, et avoir une estimation honnête et juste du délai qu'il faudra pour la traiter. Les anciens combattants veulent être mis au courant des services offerts. Par exemple, je viens de revenir d'un voyage dans le Nord aux fins des travaux du comité. J'ai découvert que 89 % des Rangers canadiens ne sont pas au courant qu'ils ont droit à des soins de santé des Forces armées canadiennes ou à une allocation aux anciens combattants. Une excellente recommandation a été formulée dans le Nord: inclure tout simplement un agent des services d'Anciens Combattants Canada dans l'équipe en poste au centre de Service Canada à Yellowknife.
L'éducation au sujet des services d'Anciens Combattants Canada doit commencer peu après l'enrôlement au moyen d'une communication continue. Nous devons nous assurer que, lorsqu'un membre des Forces armées canadiennes prend sa retraite ou est libéré et devient un ancien combattant, il est armé d'information claire et concise qui lui permet d'accéder à tout ce dont il a besoin et à tout ce qu'il mérite alors qu'il effectue la transition entre le service militaire et la vie civile.