Monsieur le Président, pour donner suite aux observations du député précédent, j'aimerais souligner que je n'aurais également pas à mentir à la frontière puisque je n'ai jamais consommé de marijuana ou même fumé une cigarette. Je suis heureux de faciliter la tâche aux agents.
J'aimerais revenir sur plusieurs choses qui ont été soulevées pendant le débat. Premièrement, un député a dit que l'un des objectifs de la légalisation de la marijuana était de priver le crime organisé des profits de ce commerce, et que cela ne s'est pas concrétisé. Bien sûr, c'est complètement faux. Les faits sont complètement l'inverse. On a vendu beaucoup de cannabis légal, alors de grosses sommes ont été détournées du crime organisé. Je ne pense pas que quiconque à la Chambre contestera qu'il s'agit d'un avantage pour les Canadiens.
Le même député a soulevé un autre point, soit qu'on courait le risque d'accorder un pardon à quelqu'un qui aurait commis une infraction plus grave que la simple possession de marijuana pour usage personnel. C'était un bon point. Le projet de loi a été conçu pour faire en sorte que, pendant l'enquête aux fins du pardon, on puisse s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une autre infraction. Parfois, les dossiers peuvent être imprécis quant à la substance impliquée dans l'infraction. Ou bien il se peut qu'on ne puisse pas voir clairement si la possession était pour une consommation personnelle ou aux fins de trafic. C'est une des raisons pour laquelle le projet de loi a été élaboré ainsi, pour qu'on vérifie ces choses.
Je ne peux qu'admettre que le député de Skeena—Bulkley Valley a soulevé un bon point. J'espère que le comité se penchera sur celui-ci au moment des témoignages. Les effets d'une infraction administrative qui découle d'une infraction de possession doivent faire l'objet d'une étude, surtout dans des circonstances difficiles, pour décider de la bonne manière d'en traiter.
Le député de Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques a souligné de façon convaincante un point important concernant les passages à la frontière. Avant d'aborder cette question, je tiens à dire tout le respect que j'ai pour ce député et sa façon de se comporter. J'espérais le rencontrer dans un couloir au cours des prochains jours pour lui dire. Son attitude est très positive. Il ne fait pas d'attaques personnelles. Il présente ses arguments avec tact et de manière réfléchie et constructive, comme devraient le faire tous les parlementaires. Pour cela, il mérite des félicitations.
En ce qui concerne la frontière et l'idée que la radiation rendrait les choses plus faciles, je dirai que les députés risquent de se tromper à cet égard. En fait, cela pourrait les rendre plus difficiles. Comme les députés le savent, le casier disparaît s'il y a radiation. Lorsqu'un agent américain demande si on a un casier judiciaire pour consommation de marijuana, une personne pourrait répondre « non », en pensant que le casier a disparu complètement. Or, le casier a disparu au Canada, mais, malheureusement, lorsqu'il y a pardon, radiation, et cetera, au Canada, les Américains ne suppriment pas leurs dossiers. Ainsi, si une personne a commis une infraction liée à la marijuana, des informations pourraient paraître dans les dossiers des Américains. La personne pourrait répondre « non » parce qu'elle pense que sa condamnation a été radiée. Cette personne serait alors prise en train de mentir à des agents frontaliers américains, ce qui, comme on le sait, entraîne de graves conséquences.
La suppression du casier judiciaire ne faciliterait pas nécessairement l'entrée aux États-Unis. Elle pourrait même compliquer les choses, surtout si un agent des services frontaliers américains désire que le Canada lui confirme qu'un casier a été suspendu et que tout est en règle. Si le fonctionnaire canadien n'arrive pas à trouver la suspension, le douanier américain se demandera si c'est parce qu'il n'y a jamais eu de casier ou parce que les pratiques administratives laissent à désirer. La suppression du casier pourrait donc compliquer les choses dans certains cas.
Je tiens à souligner que j'utiliserai le terme « pardon » pour parler des suspensions de casier, bien que le terme technique approprié soit « suspension de casier judiciaire ».
Le gouvernement propose le projet de loi C-93 parce qu'il souhaite que les Canadiens et leur famille soient traités équitablement. Depuis déjà trop longtemps, de nombreux Canadiens subissent les conséquences négatives d'un casier judiciaire à cause d'une simple infraction de possession de cannabis. On peut imaginer ce que ressentent les personnes qui postulent un emploi et voient leur candidature refusée pour une raison comme celle-là, ou encore celles qui ont du mal à trouver un logement et même à faire du bénévolat dans leur collectivité à cause d'une condamnation pour simple possession de cannabis. Il n'est pas facile de composer avec les préjugés qui entourent le casier judiciaire, même une fois que ce fardeau est supprimé.
Un pardon aiderait de nombreux Canadiens à retomber sur leurs pieds. Voilà pourquoi le gouvernement tient à faire ce qui est juste et équitable.
Le projet de loi C-93 simplifierait le processus de réhabilitation en éliminant la période d'attente, qui peut durer jusqu'à 10 ans, pour les demandeurs qui ont été condamnés seulement pour possession simple de marijuana. Cela signifie qu'ils seront immédiatement admissibles à la réhabilitation, à condition d'avoir purgé leur peine et de ne pas avoir été condamnés pour une autre infraction.
Le député de Skeena—Bulkley Valley a soulevé un point intéressant au sujet des infractions administratives liées à la possession simple. J'espère que le comité se penchera sur la question, si le projet de loi franchit l'étape de la deuxième lecture.
J'ai déjà parlé des dispositions administratives auparavant. Je rappelle aux députés que le projet de loi d'initiative parlementaire que j'ai présenté portait sur le syndrome d'alcoolisation foetale. Les personnes atteintes de ce syndrome ont subi des lésions cérébrales pour des raisons indépendantes de leur volonté. Elles ne comprennent pas nécessairement qu'il est important d'aller à leur rendez-vous et qu'elles s'exposent à des conséquences si elles ne le font pas. Par conséquent, elles se retrouvent dans un cercle vicieux où elles sont constamment emprisonnées, puis relâchées. Ce genre de situation ne devrait jamais se produire.
Même si je n'ai pas réussi à faire adopter ce projet de loi pendant la législature actuelle, j'espère que quelqu'un prendra la relève lors de la prochaine législature afin que les personnes atteintes du syndrome d'alcoolisation foetale ne soient plus condamnées de façon déraisonnable pour une infraction criminelle qu'elles sont incapables de comprendre.
Auparavant, il y avait des obstacles à la présentation de demandes de pardon. Non seulement le processus pouvait prendre énormément de temps, mais il y avait également un coût. Les frais de demande de 631 $ exigés par la Commission des libérations conditionnelles représentaient assurément un obstacle pour de nombreuses personnes. C'est particulièrement vrai étant donné qu'une grande partie des personnes reconnues coupables gagnaient de faibles revenus.
Aux termes du projet de loi C-93, ces frais seraient entièrement abandonnés. Les personnes auraient ainsi une chance de reprendre leur vie en main: elles n'auraient plus de casier judiciaire pour possession simple de cannabis. C'est l'approche qui est la plus juste et la plus logique selon le gouvernement.
Bien sûr, un débat rigoureux sur la meilleure façon de gérer la situation a déjà eu lieu. Le gros du débat est antérieur à la présentation de la Loi sur le cannabis. En fait, il a commencé il y a des décennies.
L'usage récréatif du cannabis était illégal au Canada depuis l'époque de la prohibition dans les années 1920. Cependant, ce n'est que dans les années 1960 que sa consommation est devenue populaire.
En 1961, après l'entrée en vigueur de la Loi sur les stupéfiants, le nombre de condamnations pour possession simple de cannabis a commencé à augmenter. La Loi sur les stupéfiants a été remplacée par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui demeure en vigueur.
Nous savons que les accusations et les condamnations pour possession simple visent de façon disproportionnée les groupes marginalisés de la société, y compris les Canadiens autochtones et noirs. Nous devrions assurément soulever ce point lorsque le projet de loi sera étudié par le comité.
Tout cela montre que, puisque nous étions conscients que la légalisation du cannabis serait possible un jour au Canada, nous débattons depuis longtemps de l'octroi d'un pardon pour ces condamnations.
Faisons maintenant un bond en avant jusqu'au moment où la Loi sur le cannabis a reçu la sanction royale, en juin dernier, puis est entrée en vigueur, en octobre. Nous avons alors annoncé publiquement notre intention d'offrir des recours aux personnes ayant seulement été reconnues coupables de possession simple de cannabis. Nous avons fait une promesse et nous l'avons respectée.
En ce qui concerne le pardon, le débat a porté, en grande partie, sur l'octroi d'une amnistie sous forme de pardon ou de suppression de casier judiciaire. Plusieurs parlementaires ont aussi exprimé publiquement leur appui à l'octroi d'une amnistie pour possession simple. À l'avenir, nous pourrons nous fonder sur une variété d'expériences et une multitude d'idées. Ce que nous faisons maintenant doit être dans l'intérêt supérieur des Canadiens afin d'assurer la plus grande équité possible, de la façon la plus sensée et pratique qui soit.
Le gouvernement choisit de permettre aux Canadiens qui ont purgé leur peine pour des condamnations liées à la possession simple de cannabis de présenter une demande de pardon sans frais de demande auprès de la commission des libérations conditionnelles et sans délai d'attente. C'est une approche équitable. Par exemple, nous aurions pu autoriser la radiation des condamnations pour possession simple de cannabis, comme il a été suggéré plus tôt. Cependant, la possession de cannabis obtenu illégalement demeure illégale aujourd'hui. Voilà pourquoi un pardon, tel que ce que nous proposons dans le projet de loi C-93, est une solution très efficace.
Nous proposons d'éliminer le délai d'attente une fois la peine purgée et d'éliminer les frais de demande de 631 $ auprès de la commission des libérations conditionnelles. Une fois la demande approuvée, le casier de la personne serait scellé et classé. Il pourrait être examiné de nouveau seulement dans des circonstances extraordinaires, comme si une autre infraction est commise ultérieurement. Le casier suspendu pourrait être divulgué dans ces circonstances exceptionnelles seulement avec l'approbation du ministre de la Sécurité publique. Comme on peut l'imaginer, si cette divulgation nécessite l'approbation d'un ministre, cela signifie qu'elle serait peu fréquente, et le casier suspendu ne serait divulgué que dans ces circonstances très particulières.
La Loi canadienne sur les droits de la personne garantit le respect d'un pardon, ce qui signifie que le crime pour lequel un pardon est accordé ne pourra jamais être utilisé de quelque façon que ce soit à l'encontre de la personne dans les secteurs sous réglementation fédérale. La plupart des provinces et des territoires ont des lois similaires qui offrent des protections contre la discrimination. Normalement, lorsque le fédéral accorde un pardon ou qu'il suspend un casier judiciaire, les provinces et les territoires lui emboîtent le pas.
L'élimination du délai et des frais de demande est sans précédent et aura l'effet voulu, soit d'aider à mettre fin à la marginalisation et au fardeau que représente un casier judiciaire pour de nombreux Canadiens de façon à leur permettre de contribuer pleinement à la société. On comprend les effets que ressentent de nombreux membres de la société. Des dizaines de milliers de gens au Canada ont déjà consommé de la marijuana à des fins récréatives. Par conséquent, le processus de légalisation de la consommation de cannabis à des fins récréatives, lorsqu'elle n'entraîne pas de dommages à autrui, et l'octroi d'un pardon à ceux qui ont été reconnus coupables d'en consommer dans le passé sont importants pour la société canadienne. Les gens peuvent reprendre confiance en eux et tenter de dénicher un emploi, de s'acheter une maison ou de faire tout ce qu'ils veulent, sans être désavantagés.
Les effets pratiques et l'objet d'un pardon sont d'éliminer les obstacles à la réinsertion sociale pour permettre aux gens de postuler des emplois sans être victimes de discrimination ou de s'impliquer dans diverses ONG, ce qu'ils ne peuvent pas faire en ayant un casier judiciaire. Il arrive parfois que les personnes qui ont un casier judiciaire ne soient pas autorisées dans certains logements. Grâce au pardon, le passé d'une personne qui présente une demande pour l'une de ces choses serait caché parce que son casier judiciaire serait scellé et qu'il ne serait pas accessible aux personnes qui demandent des renseignements à son sujet. Nous estimons qu'il s'agit de l'outil le plus efficace à notre disposition pour atteindre l'objectif que nous souhaitons pour les gens qui traînent un casier judiciaire et les préjugés qui en découlent depuis trop longtemps.
La première étape est de mettre en place le pardon. Le projet de loi C-93 permettra aux Canadiens qui ont déjà été déclarés coupables de possession simple de présenter une demande de pardon. Lorsqu'ils auront purgé leur peine, ils pourront présenter une demande sans frais et ils n'auront pas à attendre. Les obstacles à la réinsertion sociale seront éliminés pour ces personnes.
Je me réjouis à l'idée que les dizaines de milliers de personnes qui, par le passé, ont été injustement lésées par ces règles seront dorénavant traitées de la même manière que tous les autres membres de la société. Je souligne le rôle de chef de file que joue le Canada dans ce dossier. Un intervenant précédent a déclaré que le Canada est le deuxième pays seulement au monde à agir ainsi. Ce sera un autre exemple pour le reste du monde de la façon dont le Canada rend vraiment justice aux personnes qui n'ont pas causé de tort à autrui, mais qui ont été condamnées pour possession simple de cannabis pour leur consommation personnelle, ce qui, en soi, n'a certainement pas nui à d'autres personnes. D'autres substances peuvent causer beaucoup plus de tort à des gens et à la société à cause des gestes que peuvent poser les personnes ayant les facultés affaiblies. Certaines de ces substances sont légales; d'autres ne le sont pas.
Cette mesure a certainement eu un effet énorme sur la société canadienne, et je pense qu'il est très encourageant de constater que le cannabis est maintenant légal et que de nombreux Canadiens pourront obtenir un pardon, ce qui éliminera les effets négatifs du casier judiciaire sur leur vie.
Je remercie tous ceux et celles qui estiment qu'il s'agit d'un changement positif.