Monsieur le président, membres du Comité, je tiens à vous remercier d'avoir invité la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada à vous faire cette double présentation aujourd'hui.
Créée en 1975, la FCFA est la principale porte-parole des 2,6 millions de citoyens et citoyennes d'expression française vivant en situation minoritaire dans 9 provinces et dans les 3 territoires au pays. La FCFA regroupe 20 membres, soit 12 associations francophones porte-parole provinciales et territoriales et 8 organismes nationaux représentant divers secteurs d'activité et clientèles. Elle coordonne également le Forum des leaders, un regroupement de 42 organismes engagés dans le développement des communautés francophones et acadienne.
Durant cette première partie, mes remarques porteront sur le prochain plan d'action en matière de langues officielles. Dans un deuxième temps, après vos questions, j'aborderai l'enjeu de l'immigration francophone.
À la fin de l'été, le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, annonçait d'excellentes nouvelles. Les résultats d'un sondage Nielsen montraient un appui sans précédent des Canadiens et des Canadiennes au bilinguisme dans l'ensemble du pays, soit 84 %. Presque la même proportion des gens, soit 82 %, estiment que le 150e anniversaire de la Confédération, en 2017, doit être l'occasion de promouvoir les langues officielles au Canada.
Il en ressort que, pour la majorité des Canadiens et des Canadiennes, la question des langues officielles est réglée, c'est un fait accompli. Il y a quelques mois, la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Mélanie Joly, faisait écho à cette constatation en déclarant que la Loi sur les langues officielles s'inscrivait dans un contrat social conclu il y a plusieurs années.
Cependant, nous savons aussi que, si la dualité linguistique fait l'objet d'un large consensus dans la société, cela ne se traduit pas toujours, dans la réalité, par des services adéquats ou par le plein respect de la Loi sur les langues officielles, particulièrement en ce qui a trait à l'appui aux communautés francophones en situation minoritaire.
L'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau a déclaré un jour qu'« on ne bâtit pas un pays comme les pharaons bâtissaient leurs pyramides pour les laisser en place à défier l'éternité. Un pays se bâtit chaque jour à partir de certaines valeurs de base que nous partageons tous. » Cette citation éloquente, reprise en juin dernier par le président Barack Obama lors de sa visite au Parlement, s'applique très bien à la dualité linguistique canadienne. Comme notre pays, comme notre identité collective, il faut cultiver la dualité linguistique comme l'arbre vivant qu'elle est.
Tant dans le discours du Trône que dans le budget fédéral de mars dernier, le gouvernement a réitéré son engagement à protéger nos deux langues officielles. C'est un signe positif. Toutefois, lorsqu'on considère la dualité linguistique comme un arbre vivant, il faut une action décisive, des gestes concrets, un plan audacieux pour promouvoir et faire rayonner le français dans toutes les régions du pays.
Appuyer nos deux langues officielles doit aller au-delà de l'offre, par les institutions fédérales, de services et de communications bilingues. Promouvoir la dualité linguistique doit aller au-delà de l'apprentissage de la langue seconde. Si l'on peut parler de réelle dualité linguistique au Canada, c'est parce qu'il existe dans chaque province et chaque territoire des communautés qui vivent en français, et c'est sur cette vitalité qu'il faut miser.
C'est grâce à cette vitalité que les Canadiens et les Canadiennes qui apprennent le français comme langue seconde ont des occasions de parler cette langue dans différents contextes de la vie quotidienne. C'est grâce à nos communautés que les militaires francophones qui sont mutés dans des régions comme Comox ou Kingston profitent d'activités sociales et culturelles dans leur langue et que leurs enfants ont accès a des écoles de langue française. Les créateurs de nos communautés, les Gabrielle Roy, Damien Robitaille, Lisa LeBlanc ou Joseph Edgar, contribuent à façonner cette identité canadienne unique que nous célébrerons l'an prochain. Les entrepreneurs, les organismes et les institutions de nos communautés créent de l'emploi en français et contribuent à l'essor économique de leur région et du pays tout entier.
Les communautés francophones et acadienne représentent l'ancrage de la dualité linguistique d'un océan à l'autre, à l'autre. Or, au cours des dernières années, elles ont été trop souvent les grandes oubliées du discours et de l'action gouvernementale et sociale sur la dualité linguistique et les langues officielles.
Favoriser le développement de communautés francophones prospères, inclusives, capables de se prendre en main et de contribuer pleinement à l'essor de leur région et de leur pays: voilà l'enjeu qui devrait être au centre du prochain plan gouvernemental en matière de langues officielles.
Le gouvernement du Canada peut changer considérablement les choses pour nos communautés en investissant dans trois priorités clés: d'abord, l'immigration, la petite enfance et la mobilité des francophones; ensuite, l'offre de services et d'activités qui rejoignent les francophones dans tous les aspects de leur vie quotidienne; enfin, le renforcement des capacités des organismes et institutions qui travaillent au développement économique, culturel et social de nos communautés. Voilà le message le plus important que nous portons devant vous aujourd'hui.
Prenons la première priorité. Comme le montre le rapport publié il y a deux semaines par le commissaire aux langues officielles, chaque fois que des parents doivent se résoudre à inscrire leur enfant dans un service de garde en anglais, non pas par choix, mais par manque de place, l'impact de cette décision sur la famille, sur l'enfant et sur la communauté est dévastateur. À l'inverse, la disponibilité de ces services en français contribue à garantir que nos enfants seront francophones et que nos familles pourront vivre en français. Ainsi, la vitalité de nos communautés reste assurée.
En ce qui a trait à la deuxième priorité, la francophonie est forte lorsqu'elle s'exprime par des activités, des événements et des services qui rejoignent les francophones et l'ensemble de la population dans la vie quotidienne. Or, qu'il s'agisse de l'éducation, de la culture, de l'accès à la justice, des médias ou de la santé, il y a des lacunes à plusieurs endroits, et c'est trop souvent avec des ressources de fortune et dans des locaux inadéquats que sont offerts les services ou les activités en français. Or, il y a un lien direct entre la qualité de la vie en français et le choix d'un migrant ou d'un immigrant de langue française, ou même d'un francophone dit de souche, de s'associer à la communauté francophone et d'y contribuer.
Le troisième axe prioritaire est justement celui du développement de communautés prospères où il fait bon vivre. Dans les collectivités de langue française en milieu minoritaire, ce sont des institutions et des organismes créés par et pour la communauté qui assument ce développement. Ces organismes et institutions fonctionnent avec des ressources financières qui, dans la grande majorité des cas, n'ont pas augmenté depuis plus d'une décennie. Au fil des ans, ils ont trouvé des solutions innovantes qui leur ont permis de gérer à moindre coût. Cependant, avec un pouvoir d'achat qui baisse chaque année au rythme de l'augmentation du coût de la vie, ils n'ont plus de marge de manoeuvre.
Renforcer les capacités des organismes de nos communautés est essentiel si l'on souhaite que celles-ci demeurent les championnes de la promotion du français qu'elles sont à l'heure actuelle. Nos infrastructures doivent pouvoir être modernisées ou améliorées pour faire face à la demande croissante. Nos médias doivent pouvoir prendre le virage numérique. Nos organismes et institutions doivent pouvoir répondre aux besoins émergents.
Tout ce qui précède ne signifie pas que le prochain plan d'action pour les langues officielles doive être l'alpha et l'oméga de l'engagement du gouvernement du Canada quant au développement de nos communautés. En fait, le plein respect de la Loi sur les langues officielles requiert plutôt que le gouvernement utilise différents leviers d'appui, par l'entremise de différentes institutions fédérales, en plus de ce plan. Prenons, par exemple, les investissements majeurs en infrastructures, en petite enfance ou en emploi jeunesse déjà annoncés dans le budget de 2016. Le gouvernement agirait de façon tangible en faveur de la francophonie s'il réservait un montant de ces investissements pour répondre directement et explicitement aux besoins de nos communautés en matière d'infrastructures sociales, éducatives et culturelles, de garderies ou d'emplois pour les jeunes de nos communautés. Nous espérons que votre comité reprendra cette recommandation à son compte.
Voilà donc, tout tracé, un plan pour remettre les collectivités de langue française, en tant que manifestations vivantes de la dualité linguistique canadienne, au centre des mesures d'appui du gouvernement à nos deux langues officielles. Les gestes à poser sont clairs et évidents. Les défis sont ressortis de manière éloquente lors des consultations tenues cet été partout au pays. L'urgence d'agir se manifeste.
Je vous remercie. Je suis prête à répondre à vos questions.