Merci.
Je m'appelle Robert Nuttall. Je suis le directeur adjoint des politiques de lutte contre le cancer. C'est moi qui donnerai l'exposé, mais mon collègue ici présent, Rob Cunningham, qui est analyste principal des politiques, me prêtera main-forte lors de la période des questions.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui du cancer du poumon. Nous représentons la Société canadienne du cancer, un organisme national bénévole à caractère communautaire dont la mission est d'éradiquer le cancer et d'améliorer la qualité de vie des personnes touchées par le cancer.
Comme vous l'avez entendu, le cancer du poumon contribue dans une large mesure au problème du cancer en général au Canada, et notre organisme s'en préoccupe beaucoup. Le cancer du poumon est le cancer diagnostiqué le plus répandu au Canada. On s'attend à ce que 26 600 nouveaux cas soient diagnostiqués cette année. De plus, comme vous l'avez entendu, le taux de survie relative à cinq ans pour le cancer du poumon est de 17 %, soit l'un des pires résultats, tous cancers confondus. En comparaison, le taux de survie relative à cinq ans pour l'ensemble des cancers est de 63 %. Nous prévoyons que 20 900 Canadiens mourront d'un cancer du poumon cette année. Comme nous l'avons entendu, ce chiffre est supérieur à celui de l'ensemble des victimes du cancer du sein, du cancer de la prostate et du cancer colorectal.
Ces chiffres sont considérables, mais la lutte que nous menons contre cette maladie connaît un certain succès. Les taux d'incidence du cancer du poumon chez les hommes reculent depuis les années 1980, et le taux d'incidence chez les femmes a finalement cessé d'augmenter. Ceci est attribuable aux tendances constatées depuis un certain nombre d'années en matière de tabagisme. Cependant, même si la proportion de fumeurs diminue, 19 % des Canadiens n'ont pas encore renoncé au tabac.
Le tabagisme est la principale cause de cancer du poumon. Or, bien que son rôle soit vérifiable dans 85 % des cas, il existe d'autres facteurs qui peuvent causer ce type de cancer — des facteurs qui, du reste, peuvent augmenter encore davantage les risques pour les fumeurs qui y sont exposés.
L'un de ces facteurs est le radon, un gaz radioactif incolore et inodore présent dans la nature. On estime qu'environ 16 % des décès découlant d'un cancer du poumon sont attribuables au radon. C'est plus de 3 000 décès par année. Sur le plan de la santé, les préoccupations concernent principalement les espaces intérieurs, où le radon peut s'accumuler et atteindre des niveaux élevés. Santé Canada recommande une limite de 200 becquerels par mètre cube dans les espaces intérieurs, même s'il convient de souligner qu'avec le radon, on ne reconnaît aucun niveau que l'on peut qualifier de sécuritaire.
Les Canadiens connaissent peu les problèmes associés au radon. Un sondage effectué l'automne dernier nous a permis de constater que seulement 32 % des Canadiens avaient eu vent ou étaient bien au fait de ce problème. Ils sont par ailleurs 16 % à n'en avoir jamais entendu parler. La seule façon de savoir si le radon environnant est en forte concentration est de faire tester sa maison. Or, notre sondage indique que 96 % des Canadiens n'ont pas fait tester la leur. La principale raison évoquée par la plupart des sondés était qu'ils n'avaient tout simplement jamais pensé à cela, ce qui montre à quel point il serait important d'informer les gens à ce sujet.
La Société canadienne du cancer apprécie le travail que fait Santé Canada pour conscientiser la population à ce problème par l'intermédiaire de sa campagne nationale « Occupe-toi du radon ». Nous croyons cependant que certaines initiatives additionnelles pourraient être prises à l'échelon fédéral pour réduire au minimum les risques d'exposition au radon. Il pourrait s'agir d'incitatifs financiers comme des crédits d'impôt pour aider les propriétaires à réduire les concentrations de radon dans leur maison; de passer en revue les lignes directrices de Santé Canada afin d'évaluer s'il ne serait pas mieux approprié d'abaisser la limite à 100 becquerels par mètre cube; de revoir les codes de construction nationaux pour faire en sorte qu'ils tiennent compte de nouvelles mesures dans la construction des nouvelles maisons; et de veiller à ce que la présence de radon soit testée dans les immeubles publics et que des mesures d'atténuation soient prises lorsque les niveaux dépassent ceux des lignes directrices de Santé Canada.
Une autre des grandes causes de cancer du poumon est l'amiante. Bien qu'il n'y ait plus de mines d'amiante en exploitation au Canada, de nombreux travailleurs continuent d'être exposés à l'amiante présent dans certains produits et certains immeubles, ou par l'intermédiaire d'importations d'amiante brut et de produits contenant de l'amiante. Certaines choses pourraient être faites pour réduire encore davantage l'exposition à l'amiante. On pourrait par exemple créer et tenir des registres sur l'amiante, comme un registre public faisant état des immeubles qui contiennent de l'amiante, et un registre des maladies, qui nous permettrait de savoir combien de Canadiens sont exposés à l'amiante dans leur milieu de travail. De plus, nous aimerions que cesse graduellement la production de nouveaux produits contenant de l'amiante, de manière à ce que nous puissions un jour éliminer les risques d'exposition pour les Canadiens.
Un certain nombre de produits chimiques présents sur les lieux de travail peuvent aussi favoriser le développement du cancer du poumon. Les secteurs où les risques sont les plus grands sont ceux de la construction et de l'industrie manufacturière. Les stratégies déployées pour protéger les travailleurs varieront selon les produits en cause. Il faut toutefois que des politiques soient mises en place sur les lieux de travail pour tenter de réduire l'exposition à ces produits ou pour l'éliminer complètement partout où ce sera possible de le faire.
Un autre facteur de risque que nous gardons à l'oeil est la pollution de l'air. En 2013, le Centre international de recherche sur le cancer a classé comme cancérigènes la pollution atmosphérique et les particules contenues dans l'air pollué. La pollution de l'air est un phénomène difficile à définir avec précision: il comprend de nombreuses différentes composantes et il est assujetti à une foule de facteurs indépendants comme les fluctuations météorologiques et les industries du milieu. Plusieurs particules contenues dans l'air pollué sont reconnues comme étant des agents cancérigènes, tels que les gaz d'échappement des moteurs diesel, le benzène, certains composés organiques volatils et d'autres composés.
On peut protéger les Canadiens contre la pollution atmosphérique en mettant en oeuvre des initiatives qui visent à surveiller les rejets, réduire les émissions et suivre l'évolution des maladies dans les collectivités touchées.
De plus, notre organisation contribue grandement au financement de la recherche. L'année dernière, nous avons investi 5,1 millions de dollars afin de financer à l'échelle nationale un vaste éventail de projets liés au cancer du poumon et au tabagisme. Au nombre des projets marquants que nous finançons, on retrouve des recherches visant à identifier les gènes qui pourraient entraîner des risques de cancer du poumon, en particulier chez les non-fumeurs; un modèle qui nous donnera de nouvelles idées de la façon dont débute le cancer du poumon; des recherches sur les cancers imputables au travail dans l'industrie minière; et l'élaboration d'un nouveau type d'immunothérapie qui peut cibler le micro-environnement d'une tumeur.
Il y a deux autres projets que je tiens à souligner. L'un des projets que nous finançons et qui porte sur les cancers professionnels au Canada nous permettra de recenser le nombre de cas de cancer pouvant être attribués à des expositions en milieu de travail et de cerner les coûts économiques associés à ces expositions. Le deuxième projet repose davantage sur une approche fondée sur la population puisqu'il nous permet d'étudier le nombre de cancers au Canada qui sont dus au mode de vie et à des facteurs environnementaux. Les deux études nous permettront de mieux comprendre le nombre de cancers du poumon qui pourraient être évités au Canada.
Votre groupe aimerait également prendre connaissance des nouvelles pratiques exemplaires liées au dépistage et à la détection précoce. Comme vous en entendrez probablement parler au cours des prochains jours, une étude américaine cruciale a révélé une réduction de 20 % de la mortalité liée au cancer du poumon chez les gens qui subissent des tomodensitométries thoraciques à faible dose à titre de tests de dépistage. L'étude portait sur plus de 53 000 personnes âgées de 55 à 74 ans ayant des antécédents de tabagisme. Le dépistage du cancer du poumon pourrait réduire le nombre de décès par cancer enregistrés au Canada. Il pourrait également avoir une incidence sur les coûts associés au traitement du cancer. Ces coûts devront être comparés aux coûts qu'occasionneraient la mise en oeuvre et l'exécution de programmes. Contrairement aux autres programmes de dépistage qui ciblent tous les gens appartenant à un certain groupe d'âge, le dépistage du cancer du poumon est plus efficace lorsqu'il vise une population à risque élevé. Cela va rendre difficile le recrutement des participants aux programmes.
Enfin, nous savons que l'abandon du tabagisme contribue grandement à réduire le nombre de décès par cancer du poumon. Nous devrions donc chercher à intégrer des programmes de renoncement au tabac dans les programmes de dépistage du cancer du poumon.
Un certain nombre d'initiatives sont actuellement en cours à l'échelle nationale afin d'aider les planificateurs et les décisionnaires à comprendre le dépistage du cancer du poumon. Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs formule en ce moment des recommandations relatives au dépistage du cancer du poumon. Une étude pilote sur le dépistage du cancer du poumon est en cours en Alberta. Un réseau mis sur pied par le Partenariat canadien contre le cancer réunit des experts, dont des représentants de la société, afin de favoriser la mise en commun de renseignements à cet égard. Ce groupe a joué un rôle dans l'élaboration d'un cadre de dépistage du cancer du poumon, un outil qui sert à soutenir les administrations dans leurs délibérations relatives au dépistage du cancer du poumon ou leur planification de ces activités. Nous souhaitons que les responsables des programmes de dépistage prennent toutes les précautions voulues lorsqu'ils évalueront l'incidence du dépistage du cancer du poumon, afin de garantir que les programmes seront élaborés d'une façon responsable et fondée sur des données probantes.
Enfin, comme cela a déjà été mentionné, le cancer du poumon fait l’objet de préjugés. Le préjugé qui domine, c’est celui selon lequel il s’agit d’une maladie que les gens s’attirent en fumant. Les patients qui en sont atteints sont communément victimes de ces préjugés, ce qui peut entraîner chez eux une détresse psychologique et réduire leur qualité de vie. Une étude menée en Ontario seulement l’année dernière et portant sur les professionnels et les administrateurs de la santé ainsi que les organismes sans but lucratif a révélé que les patients atteints du cancer du poumon ressentent de la culpabilité et de la honte en raison des préjugés associés à leur maladie. Certains participants à l’étude ont signalé qu’à leur avis, ces préjugés ont eu pour effet de réduire les soins qu’on leur prodigue et le financement dont bénéficie le cancer du poumon, comparativement aux autres cancers.
Je souhaite conclure en citant les commentaires que quelqu’un a affichés sur notre site Web appelé ParlonsCancer.ca, qui offre un service d’entraide communautaire aux personnes atteintes du cancer du poumon. Une femme a écrit ce qui suit :
Je suis une femme de 58 ans qui a commencé à fumer à 13 ans, à l’époque où tout le monde fumait, et qui a finalement réussi à abandonner la cigarette seulement un peu avant que la biopsie de mon poumon confirme en janvier 2014 que je souffrais d’un cancer du poumon… Au travail, je l’ai annoncé seulement aux personnes essentielles parce que j’étais gênée, et je me réjouis de ne pas avoir encore été forcée de retourner au travail… pour affronter les questions. Au sein d’une entreprise relativement petite qui emploie moins de 200 travailleurs, cinq de mes anciens collègues, tous de sexe féminin, sont morts du cancer du poumon au cours d’une période de 5 à 6 ans — des fumeuses, des non-fumeuses ou d’anciennes fumeuses, peu importe. Le cancer du poumon est une maladie particulièrement mortelle… Malgré l'énormité des préjugés associés à cette maladie, personne ne mérite d’avoir le cancer.
En conclusion, je précise que le cancer du poumon est la principale forme de cancer au Canada et qu’il cause plus de décès que les cancers du sein, de la prostate, du côlon et du rectum combinés. La cigarette est le plus important facteur de risque pour le cancer du poumon, mais il y en a d’autres qui ont de graves répercussions, comme le radon, l’amiante, la pollution atmosphérique et un certain nombre de cancérigènes professionnels. La sensibilisation au radon est faible puisque seulement 30 % des Canadiens le connaissent un peu ou très bien.
Les gens atteints du cancer du poumon font souvent face à de graves préjugés. Quelle que soit la cause de leur cancer, les Canadiens et leur famille qui sont aux prises avec cette horrible maladie devraient recevoir autant d’aide que possible.
Merci beaucoup.